JE TE VOIS, livre de CLARE MACKINTOSH

*…une femme dont la photo a été publiée a été assassinée et, apparemment, tout le monde se moque de savoir qui sera la prochaine victime. -Pas moi. Moi ça m’intéresse répond fermement l’agent Swift après un silence. Dites-moi tout ce que vous savez. *

(Extrait : JE TE VOIS, Clare Mackintosh, Marabout, le livre de poche, 2016, édition de papier, 540 pages)

Comme des milliers de Londoniens, Zoe Walker emprunte quotidiennement le métro et feuillette le journal distribué sur le quai. Un matin, elle découvre sa propre photo dans les petites annonces, sous l’adresse d’un site internet. Qui a pris ce cliché à son insu ? Dans quel but ? Et puis est-ce bien elle ? Sa famille n’en est guère convaincue.

Zoe ne trouve qu’une oreille attentive : celle de Kelly Swift, un agent de la police du métro. Car une succession d’incidents étranges persuade Kelly que quelqu’un surveille les moindres faits et gestes des passagères. Chacune de leur côté, Zoe et Kelly vont lutter contre cet ennemi invisible et omniprésent.

L’EUPHORIE DE LA TRAQUE
*Pendant toutes ces années passées à m’inquiéter
que mon fils puisse être la proie d’un cyber-
agresseur, il ne m’a pas traversé l’esprit une
seule fois qu’il puisse en être un lui-même.
C’est impossible me dis-je aussitôt. Je le saurais.*
(Extrait)

JE TE VOIS est un thriller psychologique d’assez forte intensité. Pour le décrire, imaginez le scénario suivant : Vous êtes une femme, belle sans être un canon. Vous travaillez. Vous vous rendez tous les matins à votre travail. Vous suivez le même itinéraire pour vous rendre au métro. Dans l’attente, vous replacez un peu vos cheveux, inspectez votre maquillage avec un petit miroir. La rame arrive, vous vous assoyez toujours au même endroit.

Vous sortez votre livre et vous lisez jusqu’à ce que vous sortiez. De là, toujours le même itinéraire pour vous rendre au bureau. Vous arrivez dans l’édifice où vous travaillez avec arrêt à la salle de bain pour un brin de toilette. Vous faites ça tout le temps, tous les jours. Ça s’appelle une routine. Vous avez aussi vos routines de fin de semaine.

Imaginez maintenant que quelqu’un dans l’ombre note scrupuleusement chaque détail de votre routine et inscrit le tout dans un site internet en ajoutant des détails extrêmement précis sur votre physique, vos tics et vos manies. Le but de l’opération : vendre votre trajet à un client prêt à payer un bon prix pour jouer un peu avec vous.

C’est la trame de JE TE VOIS sauf qu’ici des vies basculent et le jeu inventé par trouvel-amesoeur.com fait des morts : *J’ai du mal à accepter la réalité des femmes agressées, assassinées pour certaines parce qu’on a mis en vente leur trajet quotidien. C’est grotesque, digne d’un roman de science-fiction.* (extrait)

À partir du moment ou Zoé découvre une photo d’elle non autorisée sur trouvel-amesoeur.com, la réalité rattrape vite les services policiers…*trois meurtres, six agressions sexuelles…incidents suspects tous liés au site trouvel-amesoeur.com* (extrait)

Le livre se concentre sur Zoé qui, craignant pour sa fille décide de trouver et affronter le maître de l’interface, l’ombre qui se profile derrière le site maudit. La découverte de l’ombre fera l’effet d’une bombe dans le cœur de Zoé. Mais la véritable surprise, c’est le lecteur qui l’aura dans une finale pour le moins surprenante.

Le roman est aussi puissant que son rythme est lent. L’auteur s’étend sur la psychologie de ses personnages, Zoé et sa fille Kathie, son fils Justin et son conjoint Simon. Tout le monde est suspecté. L’auteure met très bien en place, graduellement les éléments d’une intrigue incroyablement actuelle, basée sur les nouvelles technologies.

L’auteure a pris soin aussi de créer un personnage qui est vite devenu mon préféré : Kelly Swift, une tête de mule opiniâtre et sympathique, la seule au départ qui a pris le temps d’écouter Zoé. Au fil des pages, le récit devient angoissant, inquiétant et le dernier tiers de l’histoire devient délirant et carrément addictif. On peut se fier au fil conducteur du récit.

La seule faiblesse du livre est son départ qui est lent et décousu. Le premier quart accuse des longueurs qui deviennent plus rares au fil du récit. Mais dans l’ensemble, telle une araignée vigoureuse, Clare Mackintosh a tissé une toile solide qui opère une forte attraction sur le lecteur…

Une toile qui accuse la toile car le livre n’est pas sans nous faire réfléchir sur la cybercriminalité qui est tentaculaire et souvent subtile, ainsi que sur l’influence des réseaux sociaux qui me donnent souvent l’impression que tout le monde sait tout sur tout le monde.

Je recommande JE TE VOIS. Vous reconsidérerez peut-être votre opinion sur internet.

Suggestion de lecture : LE FACTEUR 119 de Lydie Baizot

Femme de lettres britannique spécialisée dans le thriller psychologique, Clare Mackintosh a passé douze ans dans les forces de police, qu’elle a quittées en 2011 pour devenir journaliste indépendante et consultante en médias sociaux avant de se consacrer à l’écriture. Elle a fondé le festival littéraire de Chipping Norton.

Son premier roman, Te Laisser partir, a été récompensé en 2016 par le prix Theakston’s Crime Novel et par le prix « Polar » du Meilleur Roman International du Festival de Cognac en octobre 2016. Son second roman, Je te vois, est paru en France le 22 mars 2017. Il s’est déjà vendu à plus de 100 000 exemplaires depuis sa sortie en Grande-Bretagne. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 mai 2021

Le procès, le livre de Franz Kafka

*Vous n’avez pas le droit de sortir. Vous êtes
arrêté. Et Pourquoi donc ? Demanda-t-il
ensuite… nous ne sommes pas ici pour vous
le dire. Retournez dans votre chambre et
attendez. La procédure est engagée.*

(Extrait : LE PROCÈS, Franz Kafka, présente
édition : Audible studios, 2014, durée d’écoute :
7 heures 51 minutes. Éd. or. t.f. : Gallimard 1933)

Le jour de son arrestation, K. ouvre la porte de sa chambre pour s’informer de son petit-déjeuner et amorce ainsi une dynamique du questionnement qui s’appuie, tout au long du roman, sur cette métaphore de la porte. Accusé d’une faute qu’il ignore par des juges qu’il ne voit jamais et conformément à des lois que personne ne peut lui enseigner, il va pousser un nombre ahurissant de portes pour tenter de démêler la situation.

À mesure que le procès prend de l’ampleur dans sa vie, chaque porte ouverte constitue une fermeture plus aliénante sur le monde de la procédure judiciaire, véritable source d’enfermement et de claustrophobie. L’instruction suit son cours sur environ un an durant lequel l’absence d’événements est vue uniquement à travers les yeux de K. Sa lucidité, dérisoire et inutile jusqu’à la fin, n’apporte aucun soulagement.

La satire qui questionne
*Il ne songea qu’à l’inutilité de sa résistance.
Il n’y avait rien de bien héroïque à résister
et à poser des difficultés aux deux messieurs
et à chercher en se défendant à jouir d’un
dernier semblant de vie*
(Extrait)

LE PROCÈS est un roman philosophique qui prend l’allure d’un conte, très noir, lourd et dérangeant. L’Histoire est celle de monsieur K, fondé de pouvoir dans une grande banque.  Un bon matin, monsieur K. est mis aux arrêts pour une raison obscure qui ne sera jamais définie. Notez qu’il n’est pas emprisonné. Il peut aller travailler mais la justice est en marche et le procès en cours. Pas de chef ni acte d’accusation.

Le crime ne sera jamais précisé même s’il est déjà considéré coupable. K. fait de son mieux pour organiser sa défense mais il deviendra vite évident pour le lecteur que dès le moment où les agents l’arrêtent, K. perdra définitivement le contrôle de son destin.

Dans ce récit froid et tranchant, la justice est tournée en dérision. Même K. l’affronte avec quantité d’attitudes et de comportements absurdes. Tout le récit fait le procès. Et le procès n’est fait que de questions qui ne trouveront jamais de réponses. La défense de K. consiste à tenter d’excuser un acte non identifié qu’il ignore avoir commis. Ce n’est pas important. Il a simplement été désigné pour tomber dans les mailles de la justice.

K. est perturbé. Il cherche des appuis mais ne trouve que froideur, indifférence, incompétence et vacuité. Un confident qui a l’expérience de la justice laisse même entendre à K. qu’aucun acquittement définitif n’est possible. K. sombre graduellement dans une solitude étouffante qui le pousse à lâcher prise.

Tout au long de la lecture de ce récit, j’ai été mal à l’aise. Pris d’une grande compassion pour K., je me suis surtout demandé où Kafka voulait en venir. Puis, j’ai fini par y voir une satire sociale, volontairement incohérente et qui pousse à la réflexion. Le plus beau passage du récit à mon avis est celui où K., de passage dans une cathédrale qu’il faisait visiter à un de ces clients est interpelé par un prêtre.

Ce dernier lui raconte une fable susceptible de l’aider à comprendre sa situation et de préciser sa finalité. K. interprète les propos du prêtre froidement. Son cas est désespéré c’est tout. Là encore, le prêtre est obscur, imprécis, vague. Ce passage correspond d’ailleurs à LA PARABOLE DE LA LOI, actée dès le début du film d’Orson Welles.

UNE RÉFLEXION SUR LA SOCIÉTÉ ET LA LIBERTÉ

C’est un livre bizarre, dérangeant. Il nous questionne avec force sur le sens de la justice, la loi, la vérité et par la bande sur l’être humain et la société. J’y ai vu aussi une réflexion sur la solitude, la liberté. Est-ce que j’ai vraiment saisi tout ce que Kafka a essayé de faire passer dans son livre? Peut-être que oui, peut-être que non.

On sait que LE PROCÈS n’était pas complété à la mort de Kafka. Il n’était même pas censé être publié. Mais on s’accorde à identifier l’esprit de Kafka au texte. Certains pensent même que ce texte aurait un petit caractère autobiographique.

Dans la lecture de ce livre, je me suis senti aux limites de l’onirisme me disant souvent c’est pas possible…c’est pas possible…c’est un cauchemar…impression confortée par une finale absolument dramatique, dérangeante…voire enrageante.

Faut-il mourir pour lâcher prise? Partout dans le récit, l’absurde triomphe. J’ai compris qu’il ne faut pas chercher la logique dans cette histoire. Il faut simplement se questionner et chercher un sens ailleurs.

On ne peut pas vraiment juger ou critiquer un tel livre. Je me suis limité à mettre sur papier mon ressenti, gardant à l’esprit qu’il y aura autant d’interprétations que de lecteurs. Ce livre, qui ne devait même pas être publié je le rappelle, est devenu un grand classique incontournable de la littérature qui évoque beaucoup de tares dont la lourdeur, l’hypocrisie et l’avidité d’un système. Kafka voulait-il faire le procès de la justice elle-même.

À la fin du livre, je me suis senti démuni…mais je n’ai aucun regret.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS DU DOCTEUR FORRESTER, de Henry Denker

Franz Kafka naît au sein d’une famille juive à Prague, alors sous la domination austro-hongroise le 3 juillet 1883. Il part faire ses études en Allemagne, où il sent naître en lui une passion pour la littérature. Il rédige le Procès, la Métamorphose (1915), une nouvelle fantastique, puis Lettre au père (1919). 

Atteint par la tuberculose, Kafka se sent à la merci d’un monde complexe et dangereux. Il cherche dans ses œuvres un moyen d’échapper à la domination et à la dépendance des autres. Il finit ses jours peu connu du public, le 3 juin 1924. Ses œuvres seront publiées à titre posthume et découvertes seulement au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

LE PROCÈS au cinéma

Photo extraite du film LE PROCÈS sorti en 1962, réalisé et scénarisé par Orson Welles avec Anthony Perkins dans le rôle de Joseph K. On le voit ci-haut, plaider sa cause. Dans la distribution, on retrouve également Romy Schneider, Jeanne Moreau, Orson Welles et Elsa Martinelli.

Sur Franz Kafka, je vous propose un article fort intéressant capté sur France-Culture.

Pour explorer la bibliographie de Kafka, cliquez ici.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le dimanche 16 mai 2021

 

PASSÉ À VIF, le livre de LISA JACKSON

*…Deagan crut voir briller une étincelle mauvaise
dans ses prunelles bleues. Il n’avait pas besoin
de lire ses pensées. Ce petit sourire pervers, sur
son visage, indiquait clairement qu’il l’avait
invité pour se divertir, et très probablement à
ses dépens.*
(Extrait : PASSÉ À VIF, Lisa Jackson, réédition 2017,
Harpercollins France, numérique et papier. 500 p.)

Kate Summers mène une vie paisible à Hopewell, Oregon, en compagnie de son fils de quinze ans, Jon. Pourtant, un secret la ronge : et si, un jour, quelqu’un venait lui réclamer cet enfant qui n’est pas le sien et qui ignore le secret de sa naissance ? D’autant que Jon lui a récemment parlé de ses cauchemars, dans lesquels un homme qui prétend être son père cherche à le tuer…Alors, quand le séduisant inconnu qui vient d’emménager dans la maison voisine essaie par tous les moyens d’entrer en contact avec Jon, Kate panique. Sans savoir que, de toute façon, son fils et elle sont déjà cernés par le mensonge. 

 

DES DONS QUI DÉRANGENT
*Son cœur continuait à battre la chamade, tandis
que son rêve se dissipait lentement dans la
lumière grise de l’aube, ne lu laissant que le
goût amer du malaise…Ça ne se passerait
peut-être pas exactement comme il venait de
le voir dans son sommeil, mais ça allait arriver.*
(Extrait : PASSÉ À VIF)

Un très bon livre. La trame du récit est un peu complexe mais elle est bien développée dans le premier quart du livre pour permettre au lecteur de s’accrocher à un fil conducteur sans faille. Je vais tenter un petit résumé en utilisant mon petit style télégraphique. 

-L’histoire tourne autour de Jon Summers, 15 ans. Il a la particularité de faire des rêves prémonitoires qui le trompent rarement.
-Jon est le fruit d’un inceste entre Deagan O’Rourke d’une part, le fils de Frank Sullivan, un parfait salaud qui n’a jamais reconnu son fils et d’autre part, la cousine de Deagan, Bibi.

 -L’aîné de la famille Sullivan, une famille de salauds riches, décérébrés et blasés, Robert, décide de se débarrasser du bébé en le faisant adopter illégalement dans un autre état. C’est Kate Summers qui deviendra la maman adoptive.
-Deagan n’était pas au courant qu’il était père. Bibi le lui a caché jusqu’à ce qu’il ait 15 ans. Elle-même n’a jamais voulu du bébé.

-15 ans après la naissance de Jon, le patriarche de la famille Sullivan, Robert constate qu’il n’y a personne dans sa famille digne de son héritage et de poursuivre les affaires familiales. Il décide donc de mettre la main sur Jon.

-Plusieurs Sullivan risquent donc d’être déshérités. Aussi Jon est en danger…en grand danger. Certains veulent le tuer mais tout le monde le veut…pas nécessairement pour les mêmes raisons.
-Deagan a un gros poids sur la conscience et Kate voit Jon lui échapper rapidement… 

Ce qui capte rapidement l’attention du lecteur, c’est l’histoire de la famille dont Jon est issu, une famille de dégénérés assis sur une immense fortune : *Stu prenait son pied en matant son amant en train de baiser sa sœur. Je n’arrive pas à y croire ! * (Extrait)

Autre élément intéressant, John fait des rêves prémonitoires qui influencent directement le développement du récit. L’histoire verse donc sensiblement dans le surnaturel. Le mystère le plus dense de l’histoire demeure Deagan qui tombe en bas de sa chaise en apprenant qu’il est père d’un garçon de 15 ans.

Les évènements vont obliger Deagan à s’immiscer dans la vie de Kate et du garçon, Jon qui est rejeté par ses pairs à cause de son don de prémonition qui, aux yeux de la communauté fait de lui un monstre. Ça pousse à la réflexion sur l’acceptation des différences. 

UNE PLUME FORTE
C’est un suspense fort qui tient en haleine jusqu’à la fin. Il n’y a rien de simple je le rappelle. La trame est complexe Jon et sa mère auront à composer avec le mensonge, l’hypocrisie, la violence, un shérif incompétent et bien sûr le mystérieux Deagan dont les aveux sont versés à la petite cuillère et laissent tout le monde pantois. 

Ce qui rend aussi le récit addictif, c’est l’atmosphère qui l’imprègne, le non-dit, la complexité des sentiments dans le cas de Jon qui traverse le pire moment de son adolescence à tout point de vue et qui doit gérer un don qu’il ne contrôle pas. Ça peut paraître paradoxal, mais c’est une lecture éprouvante… Appelons ça un stress bienfaisant.

Ça se dévore jusqu’au bout. J’étais curieux de voir comment l’auteur allait démêler tout ça à la fin. Il a été habile en rajoutant un choc supplémentaire. Jon est encore en danger, mais c’est une toute autre histoire. 

L’épilogue de l’histoire m’a un peu déçu. Trop beau pour être vrai, tiré par les cheveux et peu réaliste. Mais je considère que même en laissant de côté ces quelques pages, ce que je ne recommande même pas, les lecteurs auront eu largement satisfaction. Je suis donc très content de ma lecture.

Suggestion de lecture : L’ACCORDEUR DE PIANO de Pascal Mercier

Lisa Jackson a grandi dans une petite ville de l’Oregon. Elle sort diplômée de l’Université d’État. Elle se lance peu après dans l’écriture et publie son premier roman en 1983 : A TWISTE OF FATE qui n’a jamais été traduit à ma connaissance. Elle écrit aussi des suspenses romantiques contemporains et des romans d’amour historiques qui se placent régulièrement sur la liste des meilleures ventes de livres du New-York times et USA today.

 

Bonne lecture
Claude Lambert

 

Mort aux cons, livre de Carl Aderhold

*Je savais enfin contre qui
je me battais. J’avais enfin
mis un nom sur leur visage.
Le con. M’écriais-je,
voilà l’ennemi!


(Extrait : MORT AUX CONS,
Carl Aderhold, Hachette 2007,
rééd. Fayard 2011. 687 pages)

Soucieux de développer une société meilleure basée sur  l’entraide et l’empathie, un homme cible d’abord l’intérêt démesuré que portent les humains pour les animaux. Il décide donc de tuer et faire disparaître les animaux domestiques de son quartier. Mais le plan n’atteint pas ses objectifs et notre homme décide d’éliminer une race d’humains qui prolifère un peu trop à son goût : Les cons. Ne trouvant pas de définition claire et nette du con typique, il extermine ici et là tous ceux qui l’embêtent ou qui l’ennuient. Le livre prend un peu la forme d’un mode d’emploi tendant aussi à légitimer le combat meurtrier de cet homme contre ceux qu’il trouve cons.

Tueur de cons en série
*J’avais l’impression d’être un super-héros qui
vient de découvrir ses super-pouvoirs. Littéralement,
je planais au-dessus des choses. Le simple fait de
savoir qu’il existait…une possibilité rapide de
mettre fin à toute nuisance, me procurait un
sentiment de complet détachement vis-à-vis des
contingences…ma démarche est une vraie
démarche scientifique.
(Extrait : MORT AUX CONS)

Au début l’auteur peint le tableau d’un couple normal devant sa télévision où la chatte de la voisine vient se faire câliner. Christine va se coucher, l’homme reste à regarder une émission et se fait mordre par le petit animal. Il décide tout bonnement de la jeter par la fenêtre (4° étage). Elle meurt.

Le lendemain, une solidarité se développe vis-à-vis de la maîtresse. Le personnage principal veut voir le retour de l’amitié, plus de contact, de solidarité…. Il extermine donc tous les animaux domestiques du voisinage.

Au début sa technique marche mais très vite des clans se forment et se disputent. Il est sur le point de se faire démasquer par la concierge, il la tue donc. C’est à ce moment-là que sa lutte contre les cons commence. Il décide de trouver une théorie pour ne pas faire d’erreurs mais il ne parvient pas à trouver quelque chose de stable.

Il extermine tous ceux qui l’ennuient. Il tue, sans raisons valables. Il ne se prend pas pour un tueur jusqu’à ce qu’un flic vienne l’arrêter et c’est sa peur de la prison qui lui fait faire son geste. Par la suite il essaye de faire comprendre à l’opinion son combat et d’être légitimé.

DU N’IMPORTE QUOI
Je n’apprécie pas du tout le style de l’auteur, même le but de son ouvrage est négatif. Les tueries sont toutes les fois très répétitives. Il nous peint un personnage peu tolérant, égoïste, qui veut être seul au monde … Heureusement qu’il n’existe personne avec un caractère aussi négatif, même un sérial killer me paraît plus sympathique.

On ne retient rien de sa théorie sur les cons, il ne créait rien de bien nouveau. Je suis même choqué qu’un personnage aussi peu tolérant existe dans un roman en effectuant autant de meurtres aussi facilement.

Du coup, je n’ai absolument rien retiré de cet ouvrage (même peu de distraction), aucune théorie, aucune fable rien . Peut-être n’ai-je pas compris mais j’en doute, le sens réel de ce livre !!!!

Suggestion de livre : DRÔLE DE MORT de Sophie Moulay

Carl Aderhold est un écrivain français né dans l’Aveyron en 1963. Fils de comédiens, il a poursuivi des études d’histoire avant de se spécialiser dans la littérature du XVIIIe siècle. Il est actuellement directeur éditorial chez Larousse dans le domaine des sciences humaines.

MORT AUX CONS est son premier livre publié en 2007. (50,000 exemplaires vendus toutes éditions confondues) Ont suivi : LES POISSONS NE CONNAISSENT PAS L’ADULTÈRE en 2010 (15 000 exemplaires vendus en première édition) et FERMETURE ÉCLAIR en 2012.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 7 mai 2021

Le projet Bradbury, nouvelles de Neil Jomunsi

Lors d’une conférence prononcée en 2011, Ray Bradbury (photo à droite) disait :
*Écrire un roman, c’est compliqué: vous pouvez passer un an, peut-être plus, sur quelque chose qui au final, sera raté. Écrivez des histoires courtes, une par semaine. Ainsi vous apprendrez votre métier d’écrivain. Au bout d’un an, vous aurez la joie d’avoir accompli quelque chose: vous aurez entre les mains 52 histoires courtes. Et je vous mets au défi d’en écrire 52 mauvaises. C’est impossible. *

   

Neil Jomunsi a relevé le défi. (LE PROJET BRADBURY tome 1. Neil Jomunsi, page42.org 2012)

Le Projet Bradbury est autant un défi littéraire qu’un hommage : en souvenir du grand auteur américain Ray Bradbury, auteur notamment des Chroniques Martiennes et de Fahrenheit 451 et qui conseillait aux écrivains en herbe d’écrire une nouvelle par semaine pendant un an, Neil Jomunsi s’est lancé le défi de prendre son mentor au mot et de relever le défi.

                                                               LES TITRES :

                                                               -Nouveau message
                                                               -Onkalo
                                                               -Le dernier invité
                                                               -Kukulkan
                                                               -Le grand-Ozirus
                                                               -Aurélia sur la terre
                                                               -Celsius 233
                                                               -Face à l’étoile
                                                               -Kindergarten
                                                               -La dernière guerre
                                                               -Antichrist Understar
                                                               -Touristes
                                                               -Page blanche

Un exercice-hommage
*…Le projet Bradbury est aussi un hommage au grand
écrivain américain Ray Bradbury…dont Neil est un
inconditionnel invétéré. L’histoire retiendra certains
de ses brillants textes comme
FAHRENHEIT 451 ou
LES CHRONIQUES MARTIENNES, mais aussi ses
nombreuses nouvelles… nimbées de mélancolie,
d’étrange et de merveilleux*
(extrait de la présentation)

Tout ce qui touche Ray Bradbury m’intéresse. Il est un de mes auteurs préférés et son chef-d’œuvre FARENHEIT 451 est une de mes meilleures lectures à vie. Ça ne m’étonnerait pas que neil Jomunsi ait le même sentiment.

Faut-il s’étonner que sa nouvelle CELSIUS 233 qui est une de mes préférées dans le recueil PROJET BRADBURY 1 soit une dystopie qui raconte l’histoire d’un agent secret au service d’un système totalitaire, tyrannique et fortemenf intrusif. L’agent tombera en disgrâce tout le système se retournant contre lui. Faut-il s’étonner que 451 degrés Fahrenheit convertis en degrés Celsius donne 232,778 degrés ?

J’ai été impressionné par l’acharnement qu’a mis Jomunsi à relever le défi de Ray Bradbury. Écrire une nouvelle par semaine pendant 52 semaines ne doit pas être facile compte tenu des exigences d’un tel exercice : Assurer un démarrage attractif, maintenir la qualité des textes et la constance des intrigues, varier les genres et j’en passe. Je crois que le défi a été relevé avec brio et l’auteur peut dire Mission Accomplie.

Avec CELSIUS 233 dont j’ai parlé plus haut, la nouvelle que je préfère dans le recueil de Jomunsi s’intitule LE GRAND-HOZIRUS. L’histoire d’une espèce de gourou qui a étendu son influence dans le monde entier. Un prétendu chef spirituel qui est vénéré de façon grotesque est avilissante, ce qui donne à l’histoire un côté caricatural intéressant : *Tout s’est bien passé, Ô Grand Soleil ? * *Je ne suis pas digne de respirer le même air que vous, Ô Magnifique Calculateur du Monde. *
*Selon votre convenance, Inimitable Splendeur Solaire…* *…si cela plait à son Auguste Char Céleste. *
(Extrait)

Dans son histoire, Jomunsi a élevé la reptation au niveau de l’art. Toujours est-il qu’un jour, le *Splendide Condor* annonce une décision qui va changer le monde.

Cette nouvelle a un petit quelque chose de satirique et de touchant à la fois évoquant un être charismatique qui fascine le monde et qui est prisonnier d’un système d’aise qu’il a lui-même créé. Une nouvelle originale et prenante qui m’a absorbé, d’autant que je ne suis pas fanatique des guides spirituels qui oublient souvent qu’ils ne sont que des hommes.

VARIÉTÉ ET TROUVAILLES

Toutes les nouvelles de ce recueil ont un cachet particulier et elles m’ont toutes intéressées ce qui assez rare dans un recueil, en ce qui me concerne en tout cas. J’ai parlé plus haut de variété des genres. Je crois que les lecteurs/lectrices seront servis : science-fiction, fantastique, drame social, une touche de fantasy et certaines nouvelles du recueil, et je peux même extrapoler sur les tomes suivants, sont de véritables trouvailles comme NOUVEAU MESSAGE.

Qui sait ce qui se cache derrière les courriers que nous mettons chaque jour à la corbeille sans prendre le temps de les lire? Ce recueil est un magnifique mélange d’imagination et d’enthousiasme. La seule petite faiblesse que j’y ai trouvée est la finale de certaines nouvelles qui est expédiée ou bâclée par rapport au développement. Je ne me serais pas privé pour autant d’un travail aussi considérable et original. À lire donc avec mes chaleureuses recommandations : PROJET BRADBURY INTÉGRAL 1 et la suite, 2, 3 et 4.

Suggestion de lecture : THÉRAPIE, de Sebastian Fitzek

Neil Jomunsi raconte des histoires depuis qu’il est tout petit. Mais il aura dû attendre d’atteindre l’âge adulte pour que l’on arrête de s’en offusquer. On peut même dire que la situation s’améliore de jour en jour puisque dorénavant les adultes le payent pour écrire.

Aussi étonnant que cela puisse paraître après avoir étudié la réalisation cinématographique et l’écriture de scénarios pendant trois ans, après avoir travaillé dans une librairie et dans l’édition, mais aussi après avoir lu trois millions de livres (chiffre non contractuel), Neil continue de penser qu’il a quelque chose à dire… et il veut vous le faire savoir.

À travers ses livres, ses pièces de théâtre et ses courts-métrages, l’univers de Neil oscille entre réalité et fantastique. Ses textes sont souvent décalés, quelquefois loufoques, et tirent leur inspiration d’une vénérable tradition d’auteurs de littérature fantastique tels que Ray Bradbury, Neil Gaiman ou H.P. Lovecraft. Bien sûr, Neil est un geek. Mais il est aussi amateur de poésie britannique du XVIIIème siècle. Comme quoi tout arrive. (Amazon)

Pour en savoir plus sur le PROJET BRADBURY, cliquez ici
Je vous propose aussi cet article fort intéressant du site internet <actualitté les univers du livre>

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 2 mai 2021

LE CHIEN DES BASKERVILLE d’Arthur Conan Doyle

*Barrymore fit un bond pour s’écarter de la fenêtre ;
un sifflement s’échappa de sa poitrine ; livide, tremblant,
il resta immobile devant nous. Ses yeux noirs qui, dans
le visage blanc, paraissaient encore plus noirs, allaient
de sir Henry à moi en exprimant autant d’horreur que de
surprise.*
(Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE, Arthur Conan Doyle,
numérique, storylab éditions, 2014, 200 pages)

Une malédiction pèse sur les Baskerville, qui habitent le vieux manoir de leurs ancêtres, perdu au milieu d’une lande sauvage : quand un chien-démon, une bête immonde, gigantesque, surgit, c’est la mort. Le décès subit et tragique de Sir Charles Baskerville et les hurlements lugubres que l’on entend parfois venant du marais, le grand bourbier de Grimpen, accréditent la sinistre légende.

Dès son arrivée à Londres, venant du Canada, Sir Henry Baskerville, seul héritier de Sir Charles, reçoit une lettre anonyme : « Si vous tenez à votre vie et à votre raison, éloignez-vous de la lande. » Malgré ces menaces, Sir Henry décide de se rendre à Baskerville Hall, accompagné de Sherlock Holmes et de son fidèle Watson.

Un célèbre cerbère
*Ce fut d’abord un murmure long, grave ; puis
un hurlement qui prit de l’ampleur avant de
retomber dans le gémissement maussade où
il s’éteignit. À nouveau il retentit, et tout l’air
résonna de ses pulsations : strident, sauvage…*
Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE

LE CHIEN DE BASKERVILLE est un livre à part dans l’œuvre d’Arthur Conan Doyle…une petite escapade atypique comme ça s’est vu avec 10 PETITS NÈGRES d’Agatha Christie par exemple ou LA TOUR SOMBRE de Stephen King. D’abord le récit est plus long que les nouvelles habituelles de l’auteur, le texte est mieux travaillé et l’intrigue fait l’objet d’enquête d’une minutieuse attention.

Le docteur Watson est plus présent, plus utile. Il fait corps avec Holmes qui lui, fait un peu moins office de maître un peu imbu comme j’ai pu l’observer dans l’ensemble de l’œuvre : *Je dois vous complimenter…pour le zèle et l’intelligence dont vous avez témoigné à propos d’une affaire extrêmement difficile*. (Extrait)

Enfin, l’enquête qui est développée est beaucoup plus complexe, je dirais mystifiante. On a l’impression d’une petite touche de surnaturel. On était habitué à la légendaire réplique *élémentaire mon cher Watson* à quelques variantes près. Pas dans LE CHIEN DE BASKERVILLE où il n’y a rien de simple, encore moins d’élémentaire. 

Je ne m’étonne donc pas que LE CHIEN DE BASKERVILLE soit devenu dès sa parution au début du XXe siècle une des enquêtes les plus palpitantes et intrigantes de l’œuvre du Père Doyle…la mieux travaillée, la plus réussie. Et un détail qui m’a beaucoup plus, c’est qu’on a donné à Sherlock Holmes un peu plus d’humilité qu’à l’ordinaire, et surtout, du fil à retordre :

*On ne peut pas toujours gagner, ni obtenir le succès qu’on espère, fit-il. Un enquêteur a besoin de faits, mais pas de bruits et de légendes. Cette affaire m’a déçu* (Extrait) Watson aussi, à qui on a beaucoup demandé dans cette aventure, était ébranlé par la complexité de l’affaire…un sentiment que l’auteur a le don de transmettre au lecteur… :

*- Ah ! Holmes, je suis heureux du fond de mon cœur que vous soyez ici ! Car vraiment ma responsabilité et le mystère devenaient trop lourds pour mes nerfs. * (Extrait) 

Avec une énigme aussi puissante, je ne suis pas surpris non plus que LE CHIEN DE BASKERVILLE ait été très largement adapté au cinéma, à la télévision et même à la radio. Près d’une trentaine d’adaptations dans différents pays et c’est sans compter les livre-jeux, les jeux vidéos, les bandes dessinées. Il y a même eu trois adaptations au théâtre. Tout ça fait de LE CHIEN DE BASKERVILLE l’œuvre la plus visitée et consultée de Conan-Doyle et probablement la plus adulée.

J’irai un peu plus loin…Rappelez-vous la prestation de Sean Connery dans le célèbre film LE NOM DE LA ROSE, adaptation de l’œuvre d’Umberto Eco. Connery jouait le rôle d’un ancien inquisiteur en visite dans une abbaye bénédictine pour enquêter sur une mort suspecte. Connery incarnait Guillaume de Baskerville. Ce nom est un clin d’œil d’umberto Eco à Sherlock Holmes et au roman d’Arthur Conan Doyle : LE CHIEN DE BASKERVILLE. 

Donc nous avons ici un très beau classique de la littérature policière, doté d’une écriture ferme, une puissante intrigue développée dans l’atmosphère embrumée, voire glauque de la lande anglaise. Pour moi c’est une trouvaille car Sir Charles de Baskerville est mort de peur apparemment à cause d’un chien sorti tout droit d’une malédiction ancestrale.

Comment prouver que cette peur a été provoquée? Autrement dit, que Sir Charles a été assassiné et que Sir Henri court le même risque. Tout ça nous conduit à une finale fort bien imaginée tout à fait imprévisible et dans laquelle les spéculations surnaturelles prennent toutes leur sens. 

C’est un roman assez court, il se lit vite et bien. J’ai apprécié sa profondeur et le non-dit, c’est-à-dire l’atmosphère parfois épaisse qui se dégage de la lande, un endroit définitivement peu recommandable. J’ai aussi apprécié bien sûr l’intelligence de la machination et l’intensité des principaux personnages. Je vous recommande ce livre avec plaisir et je vous invite aussi à essayer au moins une adaptation cinématographique. Voyez ma suggestion ci-bas.

Suggestion de lecture, du même auteur : 17 NOUVELLES ENQUÊTES de SHERLOCK HOLMES

Il y a eu plusieurs adaptations du célèbre roman de Connan-Doyle.

Mon adaptation préférée du livre est de loin la version britannique réalisée en 1950 par Terence Fisher. C’était la première adaptation cinématographique en couleur du roman éponyme de Sir Arhur Conan Doyle publié en 1901. Je l’ai préférée à cause de l’atmosphère particulière du film rendue par Fisher et pour l’excellence de deux des meilleurs acteurs de films d’épouvante : Peter Cushing dans le rôle de Sherlock Holmes et Christopher Lee dans le rôle de Sir Henry Baskerville. André Morell incarne le docteur Watson.

Ce film fut l’une des grandes heures de gloire des studios de la Hammer. En haut, Holmes avec son fidèle Watson. En bas, Sir Henry Baskerville et Sherlock Holmes, incarné par deux icônes du cinéma : Peter Cushing et Christopher Lee.

Pour tout savoir sur l’auteur Arthur Conan Doyle,

cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 25 avril 2021

PHOBIE, drame psychologique de SARAH COHEN-SCALI

*La porte du placard. Elle bouge. Tout doucement. Centimètre
par centimètre. Me boucher les oreilles pour ne pas entendre
le crissement des gonds. Ça fait comme un grincement de
dents. Après, il y aura des gloussements, des ricanements,
un cri… J’ai envie de vomir. Ça fait mal.*

(Extrait : PHOBIE, Sarah Cohen-Scali, Gulf stream éditeur,
collection Electrogene, 2017. Papier et numérique, 408 pages,
littérature-jeunesse.)

Une odeur de moisi. Une cave. L’obscurité totale. Et la peur. Cauchemar… ou réalité ? Anna ouvre les yeux et prend peu à peu conscience qu’elle n’est pas en train de faire le cauchemar récurrent qui la tourmente depuis son enfance, mais qu’elle est bel et bien séquestrée. Qui l’a enlevée ? Chargé d’enquêter sur l’enlèvement de la jeune fille, le commandant Ferreira doit collaborer avec un psychiatre. Son enquête est vite reliée à une autre, celle de la disparition du père d’Anna, onze ans auparavant. Onze années de silence et d’oubli à parcourir. 

 

L’ombre du croque-mitaine
*D’après le psychiatre qui la suit, Anna fait un cauchemar
récurrent dans lequel le croque-mitaine, qui, pense-t-elle,
a dévoré son père, revient la chercher pour la tuer à son
tour. Elle souffre de cette peur phobique depuis la
disparition de son père. D’où la mise en scène du ravisseur*
(Extrait)

PHOBIE est un drame psychologique puissant et intense. Nous suivons Anna Lefaure une adolescente qui, même à 16 ans, a encore peur du croque-mitaine, ce personnage maléfique qu’on utilisait jadis pour faire peur aux enfants, croyant les rendre plus sages. Onze ans plus tôt, le père d’Anna disparaissait dans des circonstances non élucidées.

Anna a développé la conviction que son père a été dévoré par le croque-mitaine. Un jour, elle se réveille, séquestrée dans une cave, vêtue d’une robe de soirée. La peur et les questionnements s’entremêlent. Est-ce que ce serait un coup du croque-mitaine?

*Le croque-mitaine n’aurait pas eu besoin de me droguer et de me ligoter. Le croque-mitaine m’aurait dévoré sur place.  Je n’ai pas affaire au monstre de mon imaginaire, non… Mais à une autre sorte de monstre. Un psychopathe, un détraqué, un fou. *  (Extrait)

L’enquête sur la disparition d’Anna est confiée au commandant Matteo Ferreira. Ce dernier aura besoin de la collaboration de la mère d’Anna, Audrey, et du psychiatre d’Anna, le docteur Fournier qui, apparemment, utilise une technique très audacieuse pour traiter la jeune fille. Il semble que tout ce beau monde a des choses à cacher. 

Il devra comprendre et suivre les méandres d’un esprit torturé et utiliser des méthodes pas très orthodoxes pour trouver des réponses. Par exemple, le père d’Anna, Mathias est-il mort? Officiellement, il n’est que disparu. Pourquoi la mère d’Anna semble si peu inquiète du sort de sa fille enlevée? Et puis face aux talents particuliers du docteur Fournier, comment établir la frontière entre le fantasme et la réalité?

INTERACTION DE GENRES

J’ai été rapidement accroché par la technique narrative développée dans PHOBIE, attractive, cohérente et convaincante. J’ai été aussi séduit par l’originalité du sujet. En effet, PHOBIE est un mélange de genres qui interagissent : policier, psychologique, science, réalité virtuelle, et des références aux contes de fée qu’on nous racontait quand on était petit et qui semble avoir un lien direct avec l’état psychologique d’Anna .

*Anna…avait apporté les livres que lui avait offert son père et qu’elle avait l’habitude de lire avec lui. Des contes. Cendrillon, Barbe bleue, la Belle au bois dormant, la Belle et la Bête. C’était eux, les coupables. Leurs pages enfermaient les monstres de ses cauchemars. * (Extrait)

Le lecteur découvrira comme moi qu’Anna est beaucoup plus solide qu’il n’y parait. J’ai été agréablement surpris d’une métamorphose à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Dans ce roman bien pensé et travaillé avec une logique qui rend crédible son caractère psycho-scientifique, le caractère psychologique cède le pas à l’intrigue policière qui s’imbrique dans les manipulations du docteur Fournier. C’est dans cette partie qu’on appréciera davantage la qualité des personnages entre autres.

Il faut toutefois faire attention car le thème de la réalité virtuelle est omniprésent dans le récit. Il faut donc faire la part des choses. Il ne sera pas toujours facile de séparer le virtuel de la réalité. C’est une des beautés intrigantes de l’œuvre. L’auteure n’était pas pour laisser le lecteur, la lectrice sans un petit défi à relever.

Rebondissements, personnages forts, en particulier Anna et Ferreira, une technique d’enquête qui ouvre la voie à des possibilités fort intéressantes. PHOBIE est un huis-clos efficace. Une trouvaille.

Suggestion de lecture : LA COUPURE de Fiona Barton

Sarah Cohen-Scali est née en 1958 et vit à Paris. Elle a suivi des études de lettres, d’art dramatique et de philosophie. De son apprentissage de comédienne, il lui reste un appétit insatiable pour le cinéma, essentiel pour nourrir l’écriture à laquelle elle se consacre à plein temps depuis 1989.

Elle a écrit une quarantaine de romans et nouvelles, pour tous les âges, depuis l’album illustré destiné aux tout jeunes lecteurs, jusqu’au roman policier pour adultes. Son dernier roman, Max, publié aux éditions Gallimard, a remporté le prix Sorcières 2013. Quant à PHOBIE, il a décroché le prix du meilleur polar jeunesse, Cognac, 2017.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 23 avril 2021

300 MINUTES DE DANGER, de JACK HEATH

*La peur s’installa en Nassim. -Vous n’êtes pas
ici pour réparer la télévision ? -Tu perds ton
temps. Bientôt, l’agent neurotoxique que tu
viens de boire va bloquer les signaux qui vont
de ton cerveau à tes organes…*
(Extrait : 300 MINUTES DE DANGER, Jack Heath,
Éditions ADA, 2018, édition de papier, 210 pages
extrait de la nouvelle POISON)

Ce livre est un recueil de dix histoires fictives d’enfants braves vivant chacun une situation dangereuse et ayant trente minutes pour s’en échapper. Par exemple, l’histoire de George, coincé dans un avion en chute libre sans moteur et sans pilote. Ou Mila, recouverte de déchets radioactifs et dont la combinaison de sécurité commence à manquer d’oxygène. Chaque histoire nécessite environ trente minutes de lecture. Les titres : L’école de snow, sous-humain, famille nucléaire, coffré, gelées, inferno, le viroumouche, train en cavale, poison et course vers l’espace. Trente minutes, dix histoires, 300 minutes de danger.

L’ABC DE L’ÉVASION
*Le gorille claqua le coffre qui se referma
avec un énorme <fouish>. Kim se trouva
coincé dans la noirceur et la
claustrophobie s’installa. *
(Extrait : 300 MINUTES DE DANGER, COFFRÉ)

Comme on l’a vu plus haut, ce livre regroupe dix nouvelles. Ces récits ont plusieurs points en commun : ils sont limités à trente minutes de lecture chacun. Chaque texte présente un compte à rebours de temps de lecture. Dans chaque histoire, un enfant est confronté à une situation dangereuse. Les parents sont présents dans plusieurs récits, plus ou moins effacés dans d’autres. L’évasion est le thème général par le biais de la débrouillardise et de l’ingéniosité.

Un seul thème est récurrent pour quelques nouvelles : le virumouche, un virus apocalyptique foudroyant et mortel, véhiculé par des mouches et hautement contagieux. Pour chaque histoire, les enfants ont trente minutes pour se sortir d’une situation potentiellement mortelle.

*Le virus le tuait. Il ne lui restait pas beaucoup de temps. Il serra sa prise sur la barre de remorquage. Le métal glissait entre ses mains en sueur. S’il relâchait sa prise, il était mort. La route n’était qu’un flou sous les roues de la planche à roulettes. (Extrait)

Le principal point positif de ces histoires est leur intensité dramatique avec suffisamment d’émotion pour capter l’attention du jeune lecteur, de la jeune lectrice. Mon récit préféré s’intitule LE VIRUMOUCHE car il démontre avec une étonnante précision la métamorphose des gens lorsqu’ils sont confrontés à un danger aussi sérieux que l’exposition à un virus mortel.

Parmi les réactions, je note disparition de toute empathie et charité, refus de secours, violence potentielle et même le vol de vaccins pour les revendre à des prix prohibitif, installation graduelle de l’anarchie dans le pire des cas. Une histoire qui n’est pas sans rappeler l’explosion du sida, devenu pandémique à la fin des années 70.

C’est toute une société qui est abaissée par la peur : *Tony, ahuri, se trouvait maintenant seul dans le square déserté. Il ne pouvait croire à quelle rapidité les gens étaient devenus comme des animaux. Comment Shane s’était retourné contre lui sans hésiter un seul moment. * (Extrait)

Malheureusement, il y a des irritants, le principal étant la qualité des finales. Pour chaque texte, la finale est bâclée, expédiée et extrêmement limitée. Tout ça afin de respecter un temps de lecture qui ne dépasse pas trente minutes. C’est très dommage car la plupart des textes sont bien bâtis. Je trouve ça ordinaire et simpliste, sacrifier la qualité du texte au profit du temps de lecture. La présence d’un compte à rebours de lecture à chaque page m’a irrité plus qu’autre chose.

Je n’ai jamais compté mon temps de lecture et je ne crois pas que ce soit une bonne chose d’encourager les jeunes lecteurs et lectrices à limiter le leur. Peut-être que l’auteur a voulu faire original, ou son éditeur. En ce qui me concerne, terminer un récit par une queue de poisson pour ne pas dépasser trente minutes n’a rien d’original. Heureusement, tous les textes comportent des éléments grâce auxquels les jeunes pourront se reconnaître, l’héroïsme étant omniprésent dans tous les textes.

L’auteur Jack Heath a dû trouver comme une espèce de filon dans ce type de développement littéraire car il a publier également 400 minutes de danger et 500 minutes de danger et que ces livres sont en général de bons vendeurs. J’admets donc que le style plait jusqu’à un certain point.

Le chrono n’est pas une nouveauté en littérature. Je pense à la collection 30 MINUTES POUR SURVIVRE qui va un peu plus loin sans oublier 30 MINUTES CHRONO, une approche soi-disant révolutionnaire pour cuisiner vite et bien. Comme je le dis souvent, la balle est dans le camp des lecteurs. Il y a du bon dans ce livre. Suffisamment pour la note de passage. Alors je vous suggère de suivre votre instinct de lecteur/lectrice. Vous pourriez aimer.

Suggestion d’écoute : DERNIÈRE TERRE, série audio de Clément Rivière

Jack Heath est un écrivain australien né à Sydney en 1986. Il a publié son premier roman lorsqu’il était adolescent. Il est maintenant l’auteur primé de quatorze romans pour jeunes. Marié, un garçon. Habite Canberra en Australie.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 17 avril 2021

I.R.L. le livre d’AGNÈS MAROT, Chloé raconte…

*Cette fois, ce n’est pas de la fiction. Personne ne vous
cachera la vérité qui dérange, n’enclenchera une jolie
musique quand vous vous mettrez à pleurer. Aucun
écran ne vous protégera de votre propre histoire.*
(Extrait : I.R.L., Agnès Marot, Gulf stream éditeur,
collection Electrogen3, science-fiction, 2016, édition
numérique, 444 pages)

Je m’appelle Chloé Blanche et j’ai grandi à Life City. Comme tous les habitants, j’ignorais que nous étions filmés en permanence, que nous étions un divertissement pour des milliers  et des milliers de foyers. J’ignorais que nous étions les personnages de PLAY YOUR LIFE, l’émission qui fait fureur hors de Life City, IRL. J’ignorais surtout à quel point nous étions manipulés. Puis j’ai rencontré Hilmi, le nouveau à la peau caramel…le garçon qui faisait battre mon cœur mais que ceux qui tirent les ficelles ne me destinaient pas. C’est ainsi, que j’ai découvert ce que nous étions, Life City : Les personnages d’un immense jeu vidéo

Et si on était des *SIMS*
*Il a conçu un programme pour empêcher un joueur de se
connecter à son personnage…Il suffit de lui construire un
support dans Life City pour l’attacher aux IA, un bracelet
par exemple ; on ne peut pas le matérialiser nous-mêmes,
toutes les entrées sont surveillées maintenant. Tu le passes
au poignet de ta mère, et personne ne pourra plus rien contre
elle.*

(Extrait:  I.R.L.)

 Non, la liberté, c’est permettre à l’autre de penser, de choisir et
même de se tromper si ça lui chante. Et dans ton monde, personne
n’est libre. Pas plus que dans le mien. »
(Extrait I.R.L.)

Pour bien apprécier voire savourer cette histoire, le lecteur doit d’abord en comprendre les principales définitions. PLAY YOUR LIFE : Un jeu virtuel très futuriste dans lequel les utilisateurs créent des avatars très semblables aux humains et les font évoluer dans un monde virtuel très proche de la réalité appelé LIFE CITY. Ce jeu évoque ce qui pourrait être son ancêtre : LES SIMS poussés à un très haut degré de perfection.

Les créateurs et utilisateurs et les téléspectateurs qui bénéficient de cette téléréalité font partie de l’IRL : In real life. *Life city n’est pas la ville que tu penses connaître, commence-t-il. C’est une société qui a été imaginée pour permettre aux gens de la vie réelle comme moi, de se divertir. Vous êtes une sorte de—jeu télévisé à échelle géante. * (Extrait)

Deuxième petit devoir du lecteur, c’est qu’il devra composer avec des réalités qui s’imbriquent, des sauts dans le temps, des narrations différentes parfois dans le même chapitre et elles ne s’annoncent pas. Les lecteurs et lectrices auront plaisir je crois à démêler tout ça et je dois dire qu’ils sont très bien outillés par l’auteure qui fournit une plume d’une extraordinaire efficacité et un fil conducteur qui aident les lecteurs à garder le cap.

L’originalité, la trouvaille dans cette histoire est qu’un des personnages, l’héroïne Chloé Blanche développe de façon totalement imprévue un impressionnant quotient émotionnel et finit par échapper à tout contrôle et ce n’est pas le seul problème de son créateur, Link Rinku qui devient jaloux d’un personnage qui aurait un petit sentiment pour Chloé : Hilmi. Link en vient à faire des bêtises et ça se complique du fait qu’il est le fils du PDG de PLAY YOUR LIFE, Arn Rinku, une espèce de monstre sans conscience.

Link se retrouve entre l’écorce et le bouleau. L’énorme entreprise d’Arn a maintenant un problème majeur : une intelligence artificielle qui évolue. Du jamais vu. Le pourquoi et le comment restent dans le domaine du mystère. Une chose est sûre, Chloé constitue un danger potentiel énorme pour l’IRL.

Embarquer dans cette histoire a été un peu long et difficile, mais une fois accroché au fil conducteur, je ne pouvais plus m’arrêter, J’ai senti l’influence de plusieurs des immortels de la littérature dont les célèbres dystopies 1984 de George Orwell et Farenheit 451 de Ray Bradbury.

J’ai surtout senti l’influence d’un chef d’œuvre du cinéma : LE SHOW TRUMAN de Peter Weir sorti en 1998 avec Jim Carrey et Ed Harris. Influence largement admise à l’intérieur même du récit d’Agnès Marot : *Il (Arn) s’est inspiré du concept de « the Truman show», tu sais, ce vieux film où tout le monde regarde la vie d’un homme qui évolue dans une ville remplie d’acteurs ? Avec les nouvelles technologies et le développement des univers virtuels, mon père a compris qu’il pouvait la réaliser pour de vrai et même aller beaucoup plus loin. * (Extrait)

Donc on a un univers d’IA autonomes avec une vie propre, dotée d’une intelligence émotionnelle modifiable selon les besoins de la production. Toutefois, un personnage semble vouloir sortir du décor.  L’auteure a réussi à m’imposer son rythme qui est assez rapide avec des intrigues qui diffèrent tout en se complétant. J’ai aimé cette façon de manipuler les technologies, de faire chevaucher la fiction et la réalité, cette façon de garder le lecteur dans le coup. Les personnages ont été travaillés avec beaucoup d’intelligence et de patience.

En terminant, je veux mentionner que ce livre n’est pas sans nous faire réfléchir sur les abus et dérives des Nouvelles technologies et sur la nécessité de les encadrer. Ça me rappelle aussi l’insipidité de la téléréalité et les bizarreries exprimées de son public de voyeurs. Il y a de quoi réfléchir sur la question comme je l’ai fait en lisant LE VIDE de Patrick Sénécal, et ACIDE SULFURIQUE d’Amelie Nothomb. Rien pour embellir la réputation de cette tache qu’on appelle la téléréalité. Des livres porteurs de réflexion. C’est gagnant. Lisez IRL. Je crois que vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture : L’OEIL DE CAINE, de Patrick Bauwen

Sa tasse de thé bien chaude à la main, sa panthère de poche sur les genoux, Agnès Marot écrit des histoires dans lesquelles elle partage ses rêves, ses espoirs. Depuis L’AUTRE CÔTÉ DU MUR jusqu’à I.R.L., son cinquième roman, ses personnages empruntent les mille facettes des émotions et parcourent les sentiers de l’imaginaire pour mieux parler des hommes et du monde.

Entre deux mots et trois carrés de chocolat, elles passe de l’autre côté de la barrière pour travailler les romans des autres auteurs en tant qu’éditrice indépendante et tente de dompter sa muse incontrôlable. Elle écrit plus spécifiquement pour les ados et les jeunes adultes. Pour sa pages Facebook, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 11 avril 2021

JOURNAL D’UN DISPARU, de MAXIME LANDRY

*C’est étrange ce matin, c’est comme si
j’étais encore là. Tout autour de moi est
exactement comme je l’ai laissé. *
(Extrait : JOURNAL D’UN DISPARU, Maxime
Landry, Libre Expression février 2015, 176 p.
Édition sonore : Audible studios, 2017, durée
d’écoute : 3 heures 18, Maxime Landry fait la
narration de son propre livre.)

Bertrand a une vie tout à fait normale avec sa famille. Homme travaillant et dévoué, il se surmène dans le but d’assurer un avenir de qualité à sa femme et à ses enfants, qu’il n’aura pas le temps de voir devenir adultes. Tous ses efforts le dirigent, malgré lui, bien loin de ses rêves et de ses ambitions. Tranquillement, il sombre dans la noirceur. La nuit la plus longue de toute son existence.

Journal d’un disparu est le journal post mortem tenu par Bertrand durant l’année suivant son départ volontaire.

UN PANÉGYRIQUE DE LA VIE
*On m’a souvent répété…que notre vie nous était
prêtée. Comme un cadeau que l’on devait rendre
après l’avoir déballé. De ne pas trop en abuser au
risque de la perdre un jour. Moi, la mienne, je n’ai
jamais su quoi en faire, alors je l’ai rendue. *
(Extrait)

Plusieurs se rappelleront de Maxime Landry comme étant le grand gagnant de Star Académie en 2009 et qui, moins d’un an plus tard devenait interprète masculin de l’année. Auteur, compositeur et interprète, Maxime Landry, cet homme-orchestre qui semble vouloir rester éternellement jeune, verse maintenant dans la littérature et propose un premier roman qui m’a vraiment secoué pour ne pas dire qu’il m’a remis à ma place quant à ce que j’attends de la vie, même à la retraite.

Voici l’histoire touchante d’un homme, Bertrand, père de quatre enfants, facteur et restaurateur, deux métiers, trente-six misères. Il est dévoué et même altruiste à ses heures, mais il se surmène, néglige sa santé, sa famille, se détache de ses rêves. Un jour, Bertrand décide qu’assez c’est assez.

Pour ce livre, j’ai choisi la version audio, narrée par Maxime Landry lui-même qui m’a fait vibrer avec sa voix d’adolescent chargée d’émotion et de ressenti. Je n’ai pas regretté mon choix même si je n’ai aucun doute qu’un support papier aurait donné des résultats semblables.

Peu importe le support, Maxime brasse les émotions et le lecteur se sent forcément emporté. Trop parler de ce livre reviendrait à vendre la mèche. On pourrait le qualifier de confession post-mortem d’une âme obligée à errer pour un temps pour voir comment les vivants se débrouillent avec la suite.

Peut-être pourrait-on parler d’une puissante léthargie, une zone grise ou une plongée dans le film de sa vie, une introspection puissante et ébranlante, une zone mystérieuse qui sépare le rêve de la réalité. Le tout est évidemment assorti de profonds questionnements : *Pourquoi faut-il comprendre quand il est trop tard ? * (extrait) C’est vraiment à vous amis lecteurs, amies lectrices de le découvrir et ce sera, je crois une belle expérience.

Comment qualifier ce livre ? Je dirais une belle complainte, une sorte de mea culpa qui devient au fil du récit un puissant plaidoyer contre le suicide : *En un instant, en une fraction de seconde, en un geste, j’ai changé le cours de votre histoire. Je me suis pris pour Dieu, et c’est vous qui en payez la note*.

Ce livre de Maxime Landry, qui est parti d’une chanson d’ailleurs a un caractère autobiographique car le père de Maxime s’est suicidé alors que Maxime était adolescent. Malgré cette dure épreuve, Maxime a évité le piège du misérabilisme et fait plutôt ressortir la vie, avec sa belle signature vocale, comme un don spécial dont il faut prendre soin.

Il fait même preuve d’un peu d’humour…parfois noir mais qui arrache quand même un sourire. Il met aussi en perspective l’amour dont on est entouré, tous…la famille, les amis, le conjoint, la conjointe, les enfants et tout ce que ça engendre et qu’on appelle les p’tits bonheurs de la vie. Le narrateur est le personnage principal lui-même et ses propos post-mortems sont de nature à faire réfléchir. Imaginez en effet qu’à votre décès, votre conscience, au lieu d’aller vers la lumière décide de rester un peu en *bas*.

Il y aurait sûrement des observations intéressantes à faire et pas toujours gaies car vous êtes à la fois témoin de la peine engendrée par votre départ, mais aussi de l’hypocrisie et même parfois de l’indifférence. Peut-être décideriez-vous d’essayer d’influencer positivement la vie des êtres chers laissés derrière. À ce titre, le plus beau passage du récit est sans doute le moment ou Bertrand découvre que son fils François a un dangereux vague à l’âme.

La détresse de son âme est perçue par Bertrand comme une prière. Le texte est de toute beauté. J’ai savouré et dévoré ce petit livre de 175 pages, environ trois heures d’écoute en une soirée. Je pense que pour une première expérience en littérature, Maxime Landry a frappé fort. Ça vous fait aimer la vie…rien de moins.

Suggestion de lecture : LE JOURNAL D’UN FOU, de Nicolas Gogol

Connu surtout pour son succès musical, Maxime Landry est un homme aux 1001 talents. Depuis 2015, il nous le démontre avec brio à la barre de l’animation à Rouge FM (107.5 FM), tous les jours en semaine de 18 h à 20 h sur l’ensemble du réseau. Auteur de plusieurs chansons, Maxime est également écrivain. Il témoigne de sa belle plume dans deux livres : Journal d’un disparu et Tout mon temps pour toi, parus en février 2015 et avril 2016. Tous deux ont été encensés Best-Seller. Maxime est également impliqué dans plusieurs causes et fondations, dont Opération Enfants-Soleil, pour laquelle il co-anime le Téléthon.
(Extrait de la biographie de Maxime Landry publiée sur son site officiel)
Cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi  avril 2021