La lune des feuilles rouges

Commentaire sur le livre de
Waubgeshig Rice

*Si on en prend trop, c’est tout le reste qui en souffre. Il faut respecter l’équilibre de toute la vie présente dans l’eau qui nous entoure. Or, en ce moment, on est la cause d’un déséquilibre. *

Extrait : LA LUNE DES FEUILLES ROUGES, de waubgeshig rice. Prisedeparole éditeur 2025.

Douze ans se sont écoulés depuis qu’une panne d’électricité mondiale a provoqué l’effondrement de la société. Dans la forêt boréale du nord de l’Ontario, une communauté anishinaabe perdure grâce aux pratiques et savoirs traditionnels. Isolée du reste du monde, elle s’organise, s’adapte. Mais les ressources s’amenuisent, et l’éventualité d’un départ devient de plus en plus difficile à ignorer.

Un petit groupe mené par Evan Whitesky et sa fille Nangohns se porte volontaire pour explorer les territoires du sud et retrouver les terres ancestrales, sur les rives du lac Huron. En chemin, ils traversent des villes dévastées, des paysages métamorphosés, des routes effacées par la nature qui reprend ses droits. Ils rencontrent aussi des survivants habités par la peur et la violence, et d’autres portés par la bienveillance. À mesure que les épreuves se succèdent, les liens se resserrent, et la volonté d’atteindre le territoire tant convoité reste intacte.

Une certitude se cristallise au fil du voyage : l’avenir ne peut se construire qu’en retournant aux racines.


La forêt boréale du nord de l’Ontario

Je commence par une petite précision. LA LUNE DES FEUILLES ROUGES est une prolongation du best-seller de waubgeshig rice NEIGE DES LUNES BRISÉES. LA LUNE DES FEUILLES ROUGES peut se lire indépendamment mais pour bien saisir l’histoire et la psychologie des anishinaabe, je vous suggère de commencer par NEIGE DES LUNES BRISÉES. Voici un petit aperçu du livre.


Une petite communauté
anishinaabe est plongée dans le noir, alors que l’hiver s’annonce. Plus d’électricité ni de moyens de communication. L’arrivée inopinée de visiteurs fuyant l’effondrement de la société dans le Sud attise les tensions et divise les allégeances.

Les mois durs de l’hiver s’éternisent, la pénurie de nourriture s’aggrave et s’accumulent les cadavres. La véritable menace, pourtant, pourrait bien survenir du cœur même de la communauté.

 

Retour aux sources vertes et bleues

C’est un livre dépaysant et apaisant aussi, malgré la couleur postapocalyptique omniprésente dans le récit, car il est très proche de la nature et son message environnemental est très fort sans jamais être agressant.

L’histoire se situe douze ans après une panne d’électricité mondiale ayant provoqué un chaos généralisé jusqu’à l’effondrement de la Société et la formation d’un univers dystopique et malade : *… et ils nous ont raconté les horreurs de la fin du monde, de la fin de ce monde-là. L’effondrement des gouvernements après plusieurs tentatives ratées de rétablir la loi et l’ordre. La destruction des immeubles, des maisons. Les incendies, les meurtres et les gangs dangereux… Les maladies aussi… * Extrait.

Une petite communauté anishinaabe vivant dans la forêt boréale du nord de l’Ontario a survécu grâce à ses savoirs traditionnels mais les ressources diminuent dangereusement. C’est ainsi qu’Evan Whitesky décide de mener un petit groupe pour explorer et trouver un chemin menant vers des terres ou sa communauté pourra s’épanouir. L’objectif est une île située au nord du Lac Huron.

Laissant le petit village derrière lui pour un temps, espère-t-il, le groupe, très restreint, comprenant Evan et sa fille, Nangohns, 15 ans, représentant la nouvelle génération, porteuse des espoirs de la communauté, Cal, Amber, Tyler, James Charles, appelé JC. Le défi du groupe est énorme, baliser un chemin vers le Lac Huron afin de préparer la migration de leur communauté.

Le voyage sera très long, plus de 1000 kilomètres, aller et retour, périlleux, éprouvant, épuisant…un voyage qui est autant un acte de survie qu’un geste de réaffirmation culturelle. À peu de choses près, toute l’histoire est consacrée à ce voyage exploratoire.

C’est une très belle histoire, porteuse d’émotions, de chaleur, d’amitié, de solidarité, de courage, de résilience et de spiritualité. J’ai trouvé l’écriture de Rice très belle. D’ailleurs, l’histoire commence par la mise au monde d’une petite fille, Waawaaskone. Cette naissance est décrite avec émerveillement et une infinie délicatesse. C’est ainsi que l’histoire m’a accroché dès le début et par la suite, j’ai développé une forte empathie pour les explorateurs qui ont sué sang et eau pour la survivance de leur peuple.

Dans son histoire, qui offre une voix puissante aux peuples anishinaabe, l’auteur révèle les multiples visages d’une humanité en crise et d’une terre victime d’un véritable gâchis humain. Il nous offre une bonne matière à réflexion issue d’une pensée qui est philosophique sans être moralisatrice sur la décolonisation et la recherche identitaire.

Une autre force non négligeable de ce livre est son caractère immersif. Personnellement, j’ai accompagné les explorateurs. J’ai souffert avec eux et j’ai évolué dans une nature à couper le souffle, une nature qui reprend ses droits. C’est un magnifique mélange de beauté, de tension, de moments tendres et dramatiques. La spiritualité est aussi très importante dans cette aventure et met en perspective des idées intéressantes. Par exemple, J’aime bien l’idée évoquée dans ce livre que le corps est un réceptacle de l’esprit. Ce n’est pas une idée neuve mais elle s’insère magnifiquement dans le récit.

Notez que le roman a quelques petites faiblesses. Il est plutôt linéaire pour une dystopie. Son rythme est lent, surtout dans la première moitié du roman parce qu’en fait les traditions ont été mises à l’avant plan.

Dans les moments de tension, certains épisodes sont répétitifs et il y a des longueurs comme par exemples quand les explorateurs visitent Gibson, ville saccagée, détruite, abandonnée. Une longue visite trop détaillée, qui apporte peu. Enfin, c’est un détail, mais vu l’immensité du territoire, j’aurais apprécié l’inclusion de quelques cartes géographiques pour mieux saisir le périple du petit groupe.

Quoiqu’il en soit, j’ai adoré cette nouvelle incursion dans la littérature autochtone et je recommande chaleureusement LA LUNE DES FEUILLES ROUGES.

Suggestion de lecture : CHEVAL INDIEN, de Richard Wagamese


L’auteur waubgeshig rice

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 31 octobre 2025

 

 

L’histoire secrète du monde

Commentaire sur le livre de
JONATHAN BLACK

*Il suffit qu’une seule chose soit vraie dans tout ce que vous allez lire pour que tout ce qui vous a toujours été enseigné par vos professeurs soit remis en question. *

Extrait : L’HISTOIRE SECRÈTE DU MONDE, de Jonathan Black, édition de papier. JAI LU éditeur 2011, 670 pages.

LA PHILOSOPHIE DERRIÈRE L’HISTOIRE

C’est un livre étrange qui parcourt l’histoire du monde à travers le regard des sociétés secrètes qui ont foisonné jusqu’à ce jour partout dans le monde comme Rose-Croix, la franc-maçonnerie, les philadelphes, les illuminés et j’en passe. C’est un livre à lire avec une grande ouverture d’esprit à défaut de quoi il vous paraîtra indigeste ou tout au moins déroutant.

Bien que ce livre aborde l’histoire de la pensée humaine, il traite de connaissances cachées, d’écoles du mystère et d’une doctrine secrète selon laquelle *le cosmos a créé le cerveau humain afin de pouvoir réfléchir à lui-même. * C’est un livre qui met à l’avant-plan le caractère ésotérique de notre histoire et il n’est pas facile, empreints que nous sommes du matérialisme contemporain.

Donc, pour apprendre de ce livre, il faut désapprendre, c’est-à-dire analyser son contenu sur un plan dématérialisé. À moins d’être initié, même très partiellement, c’est un exercice très lourd. Les secrets du monde sont explorés à travers l’art, la littérature, la philosophie et l’histoire des grands maîtres. Le point de vue de l’auteur tend vers l’unicité des religions, du moins si on en étudie les origines.

L’ouvrage se divise essentiellement en trois parties : le commencement, vu par les Sociétés secrètes, puis, les personnages mythiques ou légendaires, enfin, une transition vers l’histoire comme telle.

Points forts du livre : l’auteur semble crédibiliser son ouvrage en créant un lien très fort avec l’art. Les illustrations sont nombreuses avec une série de planches en couleur au centre de l’ouvrage.

Aussi, le livre contient une somme impressionnante de savoir, de connaissances. Les liens avec la littérature et la philosophie sont aussi puissants. 

L’histoire traverse aisément les âges et pose une énigme que j’ai trouvé intéressante d’autant qu’elle est omniprésente dans le livre : Est-ce que l’esprit est la conséquence logique de la matière, ou est-ce que la matière découle de l’esprit.

Points faibles : Je n’ai jamais été attiré ou impressionné par les Sociétés secrètes. C’est ce qui explique sans doute que beaucoup d’idées de l’auteur sont difficiles à admettre. Aussi, vous excuserez j’espère ma naïveté, pourquoi autant de cachoteries, de secrets, de mystère, d’occultisme ? L’auteur ne m’a pas vraiment aidé à comprendre à part peut-être le fait que je ne suis pas formé pour en savoir autant.

J’ai été intrigué par le quatrième de couverture, tout comme je l’ai été par le célèbre DA VINCI CODE de Dan Brown, cité par Black dans son livre. Mais le livre dans son ensemble manque de profondeur, de clarté, de vulgarisation. De plus, j’ai trouvé beaucoup d’arguments plutôt sophistes.

Voilà. Ce livre est très intéressant pour le développement de la pensée mais je ne l’ai pas trouvé vraiment initiatique ce qui le rend peu accessible pour les néophytes.

Suggestion de lecture : UNE HISTOIRE DU QUÉBEC, de Jacques Lacourcière


L’auteur Jonathan Black

 Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 26 octobre 2025



 

Le hussard sur le toit

Commentaire sur le livre de 
JEAN GIONO

*- Je suis arrivé tout à l’heure, dit Angelo. Il se peut que ma tête soit drôle mais je regarderai la vôtre avec attention quand vous aurez vu ce que j’ai vu.
– Oh, dit le jeune homme, il est probable que je vomirai exactement comme vous avez vomi. L’important c’est que vous n’ayez pas touché les cadavres.
– J’ai tué à coups de bêche un chien et des rats qui les mangeaient, dit Angelo. Ces maisons sont pleines de morts. *

Extrait : LE HUSSARD SUR LE TOIT, de Jean Giono. Édition de papier : Gallimard éditeur, 1995, 498 pages. Format numérique : Gallimard éditeur, 2013, 490 pages, 1109 KB, version audio : Gallimard éditeur, 2019, durée d’écoute : 14 heures 4 minutes. Narrateur : Loïc Corbery.

Les affres du choléra

1832 en Provence. Voici l’histoire d’un aristocrate appelé Angelo Pardi. Angelo était un hussard. C’est ainsi qu’on nommait à une certaine époque les militaires appartenant à la cavalerie légère. Angelo a dû fuir son Piémont natal après avoir tué en duel un officier autrichien. Sa fuite l’amène en France, plus précisément en Provence, frappée de plein fouet par une épidémie de choléra.

Angelo s’arrête dans une ville où il est perçu comme un étranger malfaisant et dangereux. On l’accuse d’avoir empoisonné les fontaines. Il se réfugie sur les toits des maisons où il constate les effets tragiques du choléra sur les êtres humains. Il réussit à survivre grâce à de petites rapines faites dans les maisons désertées.

Dans ses aventures, Angelo rencontrera une jeune femme, Pauline de Théus, qui l’accueille, sans peur de la contagion. Ainsi, Angelo Pardi redescendra de ses toits et sera enrôlé par une religieuse qui nettoie les morts. Angelo côtoiera alors toute l’horreur de la maladie.

C’est un très beau roman d’aventure, mais d’une infinie tristesse qui met à l’avant-plan une maladie cruelle, la dégénérescence, la peur et la mort. C’est un aspect du roman qui a mis ma patience à l’épreuve. La peur et la mort sont omniprésentes dans le récit. J’avoue que ça devient un peu lassant à la longue. La plume est très belle. C’est d’ailleurs la grande qualité de Giono mais la puissance descriptive monopolise tellement le récit qu’il y a peu de place pour l’intensité des dialogues. Toutefois, l’idée d’observer les réflexes humains devant la fatalité du toits des maisons a donné au récit beaucoup de profondeur.

Sans jeu de mot, je dirais que l’empathie d’Angelo a été contagieuse car je me suis attaché à ce personnage que l’auteur a doté d’altruisme et d’une magnifique noblesse. Giono décrit ici la naissance d’un sentiment, devenu de l’amour cruellement malmené par une maladie ignoble. Je vous laisse découvrir ce qui adviendra de cette relation bien particulière entre Pauline et Angelo. Au travers d’une grande tristesse, l’auteur a inséré l’espoir. Cet aspect du récit m’a touché.

J’ai été un peu surpris et pas très emballé par le dernier quart du livre où l’auteur a complété en vrac sa vision de la pandémie en développant l’aspect philosophique, médical et sociétal du problème, le tout, dans une présentation tout ce qu’il y a de plus provençal. J’ai trouvé ça un peu lourd.

Ces petits inconvénients sont largement compensés par la beauté de l’écriture et le fait que l’auteur nous entraîne dans une exploration de la nature humaine avec une emphase modérée sur ses faiblesses. Comme notre planète vit toutes sortes d’épidémies, LE HUSSARD SUR LES TOITS est un classique qui garde son actualité.

Ce livre est un mélange de cauchemar et d’espoir livré à un rythme qui favorise la méditation et l’introspection. J’ai beaucoup aimé ma lecture dans l’ensemble.

Suggestion de lecture : LA PESTE, d’Albert Camus


Image du film LE HUSSARD SUR LE TOIT adaptation du roman éponyme de Jean Giono, sorti en 1995 et réalisé par Jean-Paul Rappeneau avec Olivia Martinez, Juliette Binoche et Jean Yanne.


L’auteur Jean Giono

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le samedi 25 octobre 2025

 

La cité des nuages et des oiseaux

Commentaire sur le livre d’
ANTHONY DOERR

*Les yeux sur le premier bout de papier, Konstance commence à lire :
La Cité des nuages et des oiseaux, un récit en prose partiellement disparu dans lequel l’auteur grec Antoine Diogène relate le voyage d’un berger vers une utopique cité céleste, date probablement de la fin du premier siècle après J.-C.

Puis elle passe au deuxième :
Nous savons, grâce à un compte rendu byzantin datant du IXe siècle, que l’ouvrage débutait par un bref prologue dans lequel Diogène, s’adressant à sa nièce souffrante, affirmait qu’il n’avait nullement inventé l’histoire comique qui suivait, mais l’avait découverte dans une tombe de la cité antique de Tyr. *

Extrait : LA CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX, d’Anthony Doerr. Édition de papier et format numérique : Albin Michel éditeur, 2022,704 pages. 2.0 MB Version audio : Audiolib, 2023, durée d’écoute : 15 heures 15 minutes. Narrateurs : Thibaut Delmotte, Aaricia Dubois, Fabian Finkels, Sophie Frison et Martin Spinhayer.

Une traversée de l’espace-temps

C’est une œuvre colossale et même hallucinante à certains égards. Vous allez voir pourquoi. Je veux commencer ce commentaire par signaler un paradoxe qui pourrait devenir, en cours de lecture, du moins pour plusieurs lecteurs et lectrices, une extravagance.

Ce livre a réellement été écrit par Anthony Doerr mais il attribue tous ses textes à Antoine Diogène, un écrivain grec qui a réellement vécu à l’époque romaine et qui est même l’auteur des MERVEILLES DE L’AU-DELÀ DE THULÉ, un extraordinaire voyage en 24 livres.

Tous les récits de Doerr font référence à LA CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX, un livre qui n’existe pas dans la réalité mais que Doerr attribue tout de même à Antoine Diogène pour suivre le destin de cinq sympathiques personnages, d’espaces et de temps différents mais interconnectés par la cité fantastique. On y trouve…

-Anna, Constantinople du XVe siècle, orpheline, passionnée de lecture. À quelques centaines de kilomètre d’Anna…

-Omeir, un berger de 12 ans, affublé d’une sorte de bec-de-lièvre et qui sera obligé de joindre l’armée du sultan.

-Zeno Ninis, vétéran de la guerre de Corée, fait faire au lecteur un bond de 500 ans en arrière. Zeno Ninis serait le traducteur officiel de la CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX d’Antoine Diogène et est, à ce titre, le personnage le plus souvent cité dans le livre de Doerr.

-Seymour Stuhlman, un garçon étrange, réactionnaire, toujours prêt à défendre la cause écoterroriste.

-Konstance, mon personnage préféré, une jeune femme coincée à bord de l’Argos, un vaisseau spatial du XXIIe siècle qui vogue vers une planète soi-disant idéale. Elle tue le temps dans la bibliothèque du bord en suivant les péripéties d’Aethon, le berger héros de LA CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX d’Antoine Diogène.

C’est un livre très spécial. L’histoire est complexe, je dirais même abracadabrante. C’est fou le nombre de bonds que j’ai pu faire dans le temps et l’espace…que d’aller-retours. Au début, j’ai trouvé l’histoire compliquée, tordue à la limite. Mais rapidement, une chaleur s’est installée en moi. Douce, irrésistible qui m’a fait dériver sans m’en rendre compte dans la toile de l’auteur Anthony Doerr.

Peut-être est-ce à cause de la puissance des mots, des personnages attachants, de l’intensité de la plume qui confine parfois à la poésie ou peut-être est-ce à cause des nombreux messages disséminés dans l’histoire, à caractère environnemental entre autres, cri du cœur d’une terre malade ou sur le pouvoir des livres et sur leurs forces d’attraction.

Cette particularité est loin de faire de la CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX un récit misérabiliste. Au contraire, c’est bourré d’espoir et de beauté, celle du cœur à l’avant-garde

Dans cette histoire où l’utopie, la satire et la science-fiction se chevauchent, ne cherchez pas trop la logique des enchaînements. Soyez patients et ouverts. Il n’existe pas deux perceptions semblables de cet ouvrage fabuleux. Accrochez-vous plutôt au plus solide des fils conducteurs : LA CITÉ DES NUAGES ET DES OISEAUX, d’Antoine Diogène, traduit par Zeno Ninis, un livre lumineux d’Anthony Doerr.

J’ai adoré.

Suggestion de lecture : LA CHAMBRE DES MERVEILLES, de Julien Sandrel

Du même auteur


l’auteur : Anthony Doerr

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 19 octobre 2025

 

 

GLACE

Commentaire sur le livre de
CHRISTINE FÉRET-FLEURY

<La grand-mère de Kay se penche et arrache une poignée de pousses ligneuses, d’un jaune sale, dans la caisse de métal rouillé posée sous sa fenêtre. Ma caisse est juste en face, elle est pleine de cailloux que j’ai ramassés en allant au travail ou en revenant. J’essaie de les choisir de formes et de teintes différentes, même si je n’ai jamais plus que quelques secondes pour décider lequel je vais prendre ce jour-là.

Me baisser, ramasser, me relever sans attirer l’attention des drones. Je m’y entraîne depuis longtemps. Depuis que j’ai compris une chose essentielle : pour les yeux luisants, inexpressifs, de ces insectes électroniques, nous nous ressemblons tous. Une seule masse terne qui disparait sous terre le matin pour en sortir à la nuit tombée.

Un long serpent animé de soubresauts et de spasmes, mais qui avance, qui avance toujours. Du moment que la marche se déroule normalement, que les wagonnets chargés de minerai se succèdent au rythme fixé. Ils n’interviennent pas.

Si nous nous arrêtions, ce serait autre chose. >
Extrait : GLACE, Christine Féret-Fleury, Scrineo éditeur, 2021, format numérique, 171 pages.


Depuis que ses parents sont morts et que Kay, son meilleur ami, a été enlevé par les Glacés, Sanna se réfugie dans ses souvenirs pour se protéger du désespoir.  Seule, elle décide alors de partir à la recherche de son ami disparu.  Pour la jeune fille, c’est le début d’un long voyage semé d’embûches et de rencontres, parfois improbables, parfois inquiétantes… Qu’y a-t-il au-delà des montagnes et du bouclier climatique érigé par les Glacés ? Kay se trouve-t-il là-bas, captif de l’incarnation
maléfique des contes qui ont bercé son enfance, l’immortelle Reine des Neiges ?

 

DU CONTE À LA DYSTOPIE

C’est un livre intéressant malgré certaines faiblesses comme le début qui est très lent, le rythme un peu traînard mais surtout, la superficialité de certains personnages, la reine des neiges en particulier. Le livre m’a toutefois apporté passablement de satisfaction parce qu’il est imprégné de l’esprit d’Andersen l’auteur du célèbre conte LA REINE DES NEIGES paru en 1844. Dans GLACE, on trouve des extraits de LA REINE DES NEIGES mais aussi l’empreinte du célèbre conteur et ça, ça m’a plu.

Donc Christine Féret-Fleury revisite le conte et réécrit l’histoire en lui insufflant un sens environnemental et en donnant à la Reine Des Neiges un caractère eugéniste.

Nous sommes dans un futur qui pourrait bien ne pas être si lointain. Un mystérieux nuage toxique sème la mort, la désolation, le froid. Un bout de territoire fait exception, protégé par un bouclier thermique. Plusieurs habitants enlevés y ont été envoyés. Nous suivons Sana, 17 ans, vivant dans des conditions misérables et qui recherche désespérément son ami d’enfance, Kay, 19 ans qui se trouverait sous le bouclier thermique.

Pourquoi? Dans quel but? Qui est la Reine des Neiges et d’où vient-elle? Veut-elle refaire le monde sur d’autres bases ? Les siennes? À vous le plaisir de la découverte, amis lecteurs et amies lectrices.

C’est le lien entre Andersen et le récit qui m’a captivé, lien qu’on pourrait apparenter à un cordon ombilical. Que l’auteure ait donné au récit un caractère dystopique n’était pas pour me déplaire non plus. L’avertissement climatique est aussi assez bien développé…davantage que l’intrigue.

Le récit comporte des éléments démotivants. Par exemple, le premier quart de l’histoire est d’une lenteur désespérante. C’est difficile d’embarquer dans l’histoire et de s’attacher à Sana, le personnage principal au profil psychologique un peu obscur. Et puis, il y a Kay. Il est partout, mais on ne le voit nulle part sauf à la fin. Kay est l’obsession de Sana et il n’est pas facile de trouver pourquoi. C’est un peu frustrant.

Enfin, les motivations de la reine des neiges sont difficiles à saisir. Ce qui se passe sous le bouclier thermique, les objectifs de la reine et le rôle de Kay sont sous-développés. Toutefois, plusieurs éléments intéressants contribuent à faire avancer l’intrigue, quoique lentement. Un ou deux personnages se démarquent.

J’ai tiré du récit suffisamment d’éléments positifs pour en tirer de la satisfaction. Ça pourrait vous plaire, surtout si vous êtes amateur de dystopies. Le récit véhicule aussi certains messages que je qualifierais de crédibles.

Suggestion de lecture : LA MAISON TELLIER et autres contes, de Guy de Maupassant

À lire aussi


L’auteure Christine Féret-Fleury

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 octobre 2025

GRANDS PROCÈS, Daniel Proulx

38 affaires judiciaires qui ont
secoué le Québec de 1965 à aujourd’hui

<Qui pourrait se résoudre à ce que le meurtre absurde d’une brillante étudiante sans histoire, dans un quartier tranquille, reste impuni ?>
Extrait : GRANDS PROCÈS 38 affaires judiciaires qui ont secoué le Québec de 1965 à aujourd’hui, Daniel Proulx. La Presse éditeur, 2019, 378 pages. Version audio : Vues et Voix éditeur, 2020, Durée : 12 heures 21 minutes. Narrateur : Winston McQuade

Le théâtre de la cour

C’est un livre intéressant qui a des mérites certains comme par exemple celui de m’avoir fait connaître des affaires judiciaires célèbres du Québec dont je ne savais à peu près rien. Comme l’affaire Monica Proietti qui deviendra mieux connue sous le nom de Monica La Mitraille, célèbre voleuse de banques dans les années 1960.

On y passe en revue aussi bien sûr les grandes affaires criminelles qui furent particulièrement médiatisée : je pense aux affaires Lucien Rivard, Maurice Boucher appelé Mom, Guy Turcotte, Claire Lortie, etc.

L’élément qui m’a le plus frappé dans ce livre est la mise en perspective du fonctionnement de la machine judiciaire : un appareil énorme, complexe, lent, tentaculaire et qui coûte extrêmement cher. Le livre met aussi en lumière le rapport de force entre la défense et la couronne, et les faiblesses d’une justice qui ne voit pas tout.

Le livre effleure aussi le fonctionnement de la cour qui me rappelle un peu un théâtre. L’histoire vient nous rappeler aussi que si la justice finit par être rendue elle est loin d’être exempte d’erreurs. Il y a aussi beaucoup d’affaires dont on ne connaîtra jamais le fin mot de l’histoire.

Toutefois, je n’ai pas vraiment été emballé par la présentation. L’ensemble souffre de redondance. Les mêmes termes reviennent souvent et j’ai eu l’impression, pas forcément agréable que l’auteur a tendance à juger certains personnages ou certaines décisions. L’ensemble m’a paru monotone, ce qui est aussi le cas de la version audio.

Bien sûr, il y a des passages croustillants, juteux lorsqu’il est question de débordements sexuels, d’autres passages plus sordides avec un luxe de détails. Je sais que ça va plaire à beaucoup de lecteurs mais moi ça ne m’a guère impressionné.

Il eut mieux valu je crois que l’auteur rapporte moins d’affaires ou qu’il publie en deux tomes et entre plus en profondeur dans les affaires judiciaires les plus importantes ou peut-être les plus délicates voire obscures avec une brève revue de presse pour chaque dossier. J’aurais aussi souhaité un ton plus documentaire ou si vous voulez d’allure moins scénarisée. À ce titre, la version audio est loin d’être un succès.

Dans l’ensemble, c’est un bon livre mais ça reste un survol donc son éclairage est limité. Sur le plan contextuel, les histoires se ressemblent. J’ai appris beaucoup de choses intéressantes, mais dans un continuum monotone.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS DU DOCTEUR FORESTER, de Henry Denker


L’auteur : Daniel Proulx

 Du même auteur, suggestion

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 17 octobre 2025

HYPÉRION, Dan Simmons

*Oui. C’est l’archange Michaël, Moroni, Satan, le Masque de l’Entropie et le monstre de Frankenstein emballés dans le même paquet. Il rôde autour des Tombeaux du Temps en attendant le moment de sortir pour se livrer à ses massacres quand l’humanité sera prête à rejoindre le dodo, le gorille et le grand cachalot au palmarès de l’extinction des espèces. *

Extrait : LE CYCLE D’HYPÉRION, tome 1 HYPÉRION, Dan Simmons, Pocket éditeur, 2007 pour la version papier, 288 pages. Version audio intégrale : Audiolib éditeur, 2017, durée d’écoute : 21 heures 21 minutes. Narrateur : Mathieu Dahan

Sur Hypérion, c’est la panique : des millions d’habitants tentent de prendre d’assaut les derniers astronefs pour s’enfuir avant l’arrivée des Extros, des envahisseurs en guerre avec la confédération terrienne… Pendant ce temps, sept pèlerins que rien n’aurait dû rassembler rallient la petite planète HYPÉRION de l’Hégémonie pour y rencontrer le gritche, un monstre incompréhensible, capable de maîtriser le temps, objet du culte morbide de l’Église des templiers !

Qu’y a-t-il de commun en effet entre Kassad, le « boucher de Bressia », un écrivain réduit au silence, un détective privé amoureux, un prêtre catholique traumatisé par une atroce parodie de la crucifixion, un érudit dont la fille (une archéologue victime des « Tombeaux du temps ») rajeunit chaque jour, le chef des Templiers et un consul de l’Hégémonie alcoolique ?

 

Un pilier de la SF et du Space opera

 

HYPÉRION est une histoire d’une extraordinaire richesse structurelle et issue d’une forte imagination. Elle est au cœur de l’œuvre de Dan Simmons. Toutefois, c’est un récit qui demande une infinie patience car il est très long. Inutilement long en fait. La trame est complexe mais bourrée de bonnes idées qui donnent à l’ensemble un caractère original.

La toile de fond est un peu celle à laquelle nous a habitué la science-fiction moderne : le tout se déroule dans un futur très lointain dans un système galactique : Le Retz, une fédération de planètes unies, un système politique : l’hégémonie, un ennemi féroce en approche : les Extros et une planète, foyer de dangereuses distorsions temporelles : HYPÉRION.

À cette structure, Simmons a manifesté son génie en créant de nombreux mystères entourant Hypérion dont Les Tombeaux du Temps qui font dériver le temps de l’avenir vers le passé et le Gritche, figure animale mythologique, barbare et cruelle, objet de culte de l’église des templiers

Pour éviter une guerre meurtrière et invasive, sept pèlerins se rendent sur hypérion pour présenter leur doléance au Gritche. Dans le premier tome d’Hypérion chaque pèlerin y va d’un long récit autobiographique. Ça s’arrête là. Premier volet inabouti sinon qu’à la toute fin les voyageurs sont en vue des tombeaux du temps.

Ces récits sont d’un intérêt variable mais un de ceux-ci m’a particulièrement passionné, celui de Sol Weintraub qui accompli le pèlerinage avec un poupon dans les bras : sa fille Rachel qui, après avoir violé Les Tombeaux du Temps, fut frappée de la malédiction grichetèque : rajeunir d’une journée à tous les jours, impossibilité donc de se rappeler de la journée de la veille, en constante régression. L’inverse du vieillissement autant mental que physique.

L’histoire de Rachel m’a beaucoup ému et touché et elle constitue un défi passionnant pour l’intellect. Imaginez un peu que ça vous arrive. Ça peut paraître curieux à dire, mais le tome 1 d’HYPÉRION n’est en fait qu’une longue introduction au tome 2 : LA CHUTE D’HYPÉRION.

Le tome 2 : La chute d’Hypérion

Dan Simmons a vraiment déployé tout son génie dans LA CHUTE D’HYPÉRION avec des idées extraordinaires et des trouvailles passionnantes : Les tombeaux du temps dont l’ouverture lâcherait le Gritche dans le Retz, le syndrome de Merlin ou la maladie du vieillissement inversé.

Il y a aussi le Techno-centre qui est au cœur de l’intrigue d’Hypérion sur le plan géopolitique, la démarche des pèlerins étant celle sur le plan religieux. Le techno-centre est une forme de gouvernement parallèle qui contrôle les intelligences artificielles. Le Gritche qui maîtrise le temps. Ce ne sont que quelques exemples.

Je suis allé de surprise en surprise malgré quelques irritants comme le suivi de Rachel qui a été selon moi sous-développé. Comme cette dernière est mon personnage préféré, vous comprenez un peu mon désappointement. Il y a aussi les motivations du Gritche qui sont difficiles à cerner.

Mais en règle générale, j’ai trouvé cette lecture tout à fait passionnante et je la recommande chaleureusement.

 Suggestion de lecture : L’ÉLU DE MILNOR, de Sophie Moulay

Les livres du cycle Hypérion
et la suite
Les livres du cycle endymion


L’auteur Dan Simmons

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 12 octobre 2025

IDÉALIS

À LA LUEUR D’UNE ÉTOILE INCONNUE

Commentaire sur le livre de
CHRISTOPHER PAOLINI

Kira Navàrez… Tu m’as un jour demandé ce que je voyais parmi les étoiles. Je t’ai dit que j’y voyais des questions. Maintenant c’est toi que j’y vois. Je nous y vois tous les deux.

Extrait : IDEALIS 1, À LA LUEUR D’UNE ÉTOILE INCONNUE, de Christopher Paolini, Bayard jeunesse 2020, papier, 837 pages. Version audio : Audiolib éditeur, 2021. Durée d’écoute : 27 heures 20 minutes. Narratrice Noémie Bianco.

Kira Navárez rêvait d’un monde nouveau. Elle vient de réveiller un cauchemar d’une ampleur intersidérale…

Lors d’une mission de routine sur une planète inconnue, Kira découvre un organisme vivant d’origine extraterrestre. Fascinée, elle s’approche de l’étrange poussière noire. La substance s’étend sur tout son corps et commence à prendre le contrôle. Kira, en pleine transformation, va explorer les dernières limites de sa condition d’être humain.

Mais quelle est l’origine de cette entité ? Quelles sont ses intentions ? La scientifique n’a pas le temps de répondre à ces questions : la guerre contre les aliens est déclarée, et Kira pourrait bien être le plus grand et le dernier espoir de l’humanité.

Un long space opera

IDEALIS suit une jeune femme, Kira Navarez, exobiologiste. Vous avez déjà le résumé ci-haut. Vous avez donc compris que, lors d’une exploration, Kira a été envahie par une entité appelée LAME SOUPLE qui va protéger Kira, souvent malgré elle et qui va l’impliquer dans une guerre sans merci entre les humains et les extra-terrestres dont les Méduses qui la reconnaîtront comme IDEALIS.

La LAME SOUPLE, devient pour Kira une espèce d’armure endoderme semblant avoir son énergie et sa volonté propres. Elle est difficile à contrôler mais j’ai découvert très vite qu’elle est apprivoisable, ce qui est un des rares aspects originaux de l’histoire. Reste à découvrir pour le lecteur quel est l’objectif de cette entité ainsi que le sens et la direction qu’elle donnera à l’histoire.

C’est un livre très long, peu original car il emprunte largement à du déjà-vu. J’y ai vu en effet quantité de clins d’œil sur des titres célèbres comme TERMINATOR, le célèbre robot qui était doté d’un bouclier interne, offensif et défensif, à base de métal liquide. Je pense aussi à ALIEN, la célèbre série initiée par Ridley Scott. Il y a aussi un peu de LA GUERRE DES ÉTOILES et j’ai aussi senti l’influence de la SF des années ASIMOV et GUIEU entre autres dans l’atmosphère et la description des créatures.

Donc, dans le tome 1 d’IDEALIS, Paolini n’invente rien. Ajoutons à cela de longs palabres, de la redondance, des personnages plus ou moins travaillés, un ensemble plutôt simpliste et parfois tiré par les cheveux.

Il reste tout de même des forces dignes de mentions qui pourraient intéresser en particulier le lectorat adolescent friand de science-fiction. Je pense en particulier aux motivations de la LAME SOUPLE et de l’intimité très spéciale qu’elle crée avec kira. Il y a aussi l’aspect intriguant. Je fais ici référence au sens que donnera KIRA à l’histoire et à l’équilibre des mondes.

Il y a enfin cette capacité particulière que l’auteur a donné à Kira : celle de communiquer avec les extra-terrestres. Ce don précis amène à certains dialogues assez intéressants. Malheureusement, IDEALIS 1 n’offre ni conclusion ni aboutissement et encore moins une idée même vague de ce qui attend les lecteurs et lectrices dans IDEALIS 2. Rien pour mettre en appétit.

J’ai lu ce livre en me fiant essentiellement sur la notoriété de Paolini qui s’est bâtie sur ERAGON, la fameuse saga-fantasy créée pour la jeunesse et adaptée au cinéma. Malgré quelques irritants, j’avais adoré cette série dont je considère le style et l’écriture supérieurs à IDEALIS.

Je ne regrette aucunement ma lecture, mais je ne suis par certain de passer à IDEALIS 2.

Suggestion de lecture : SÉCESSION, de Julien Centaure


L’auteur Christopher Paolini

 

Bonne lecture
Claude Lambert

le samedi 11 octobre 2025

ÉMEUTES, Vic Verdier

<Les paroles s’étranglent dans la gorge de Djela. Cette femme n’est pas Paula McBride. ! Maudite sorcière ! Ses membres se relâchent et la manette glisse de sa main. Il ne lui reste plus qu’une fraction de seconde pour constater son malheur avant que le C-4 ne disperse son corps en fines particules dans l’air chaud de l’été.>

Extrait : ÉMEUTES, Vic Verdier, éditions Corbeau 2022, papier, 182 pages

Vic Verdier se rend au match des Canadiens avec sa fille sur la poignée de dollars qui lui restent. Il souhaite que cette soirée soit inoubliable, car ce sera sa dernière; il a décidé de s’enlever la vie au lever du soleil. Autour de Vic, un chassé-croisé brutal: sept histoires entremêlées, sept émeutes prêtes à se déchaîner à la moindre provocation.

Un trio de jeunes truands célèbre son premier gros coup. Un chauffeur de taxi veut régler ses comptes avec le gouvernement du Canada. Un frustré au chômage se prend pour Jason dans Vendredi 13. Une policière coiffe son casque antiémeute et se remémore le viol qui l’a brisée. Un gardien de but remplaçant comprend qu’il ne sera jamais numéro un. Un conseiller politique du premier ministre espère ramener une femme au Reine-Elizabeth. Un blogueur joue avec le feu…

56 minutes avant que les Canadiens affrontent les Flames dans le septième match de la Coupe Stanley, une émeute gronde au Centre Bell.



Nous sommes à Montréal, au Centre Bell alors que dans moins d’une heure débutera le septième match de la finale pour l’obtention de la Coupe Stanley. Au centre de l’histoire : Vic Verdier, un homme désespéré qui a méticuleusement planifié son suicide pour le lendemain, le temps de passer une dernière soirée avec sa fille Laurie-Anne.

Une tension hors norme règne au Centre Bell. Étrangement, Verdier va se retrouver au cœur d’un enchevêtrement d’histoires en convergences, celles d’une série de personnages disparates dont les motivations ne peuvent mener qu’à des émeutes hors de toutes proportions.

Contexte : un ultime match de hockey. Prétexte : Une haine démesurée de francophones, partisans du Canadien pour les anglais, partisans des Flammes de Calgary. DÉCLENCHEUR : Le compte Twitter du premier ministre du Canada piraté dans le but d’attiser la haine et la vengeance. Tous les éléments sont réunis pour transformer le Centre Bell en une inimaginable poudrière.

La foule s’embrase. Des émeutes d’une incroyable violence éclatent à l’intérieur et à l’extérieur du Centre Bell. Des émeutiers tuent avec le sourire, des personnes sont brûlées vivantes. On dirait que le mal est sorti du sol pour s’emparer du corps d’hommes et de femmes qui ont perdu tout sens de l’humanité. Chaos, carnage, tuerie. Les policiers et experts en contrôle des foules ont brillé par leur impuissance.

Pour utiliser une expression consacrée, ce livre m’a glacé le sang. C’est un roman très fort et son auteur a fait preuve d’une redoutable technique d’écriture, au point de provoquer l’addiction. Le roman n’est pas très long mais il est d’une densité à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Évidemment c’est violent, c’est très dur. Ce sont des attributs inévitables vu le sujet développé : la psychologie des foules. Dans une note très éclairantes à la fin de son livre, Verdier évoque *les théories aujourd’hui contestées, de Gustave Le Bon, publiées en 1895 dans sa <psychologie des foules>. C’était l’époque où la civilisation occidentale craignait les regroupements chargés d’émotions, les masses informes et beuglantes, bref, les manifestation du pouvoir populaire insoumis. * (Extrait)

Même si Le Bon, sociologue et psychologue social, demeure un auteur controversé, ses réflexions et observations sur le désordre comportemental et la psychologie des foules font réfléchir. Les humains pris séparément restent des humains. Mais au milieu d’une foule en colère, le même humain peut accuser un déficit de raison.

C’est exactement ce que Verdier développe dans son récit. C’est bien écrit, bien développé, plein d’excès, très intense et, autant vous le dire, choquant. Le rythme ne m’a laissé aucun répit. Excellente lecture à prendre pour ce qu’elle est : l’autopsie de la folie de masse.

Suggestion de lecture : TOUS À ZANZIBAR, de John Brunner


L’auteur Vic Verdier

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 5 octobre 2025

Docteure Irma, Pauline Gill

*<Vous êtes là pour me rappeler à l’ordre, mes petits chéris. C’est à vous sauver que j’ai dédié ma vie, pas à la reconnaissance des humains. Y a une chose que je vous promets aujourd’hui : je ne souscrirai jamais à un règlement qui vous priverait de vos droits aux meilleurs soins. Pauvres ou riches, miséreux ou choyés, vous y avez tous droit. Parole d’Irma. >*

Extrait : DOCTEURE IRMA, tome 1, LA LOUVE BLANCHE, de Pauline Gill. Format papier, Québec Amérique, 2009, 536 pages.

Née à Québec en 1878 dans le quartier Saint-Roch, la petite Irma LeVasseur est marquée par plusieurs évènements tragiques : La mort de son jeune frère et la disparition de sa mère Phédora Venner, une cantatrice de talent. Bouleversée, elle se lance alors dans une cause inaccessible aux femmes de l’époque : devenir médecin pour enfants.

Durant ses études à l’étranger, elle apprendra à devenir cette femme de tête au grand cœur qui donna sa vie aux enfants malades sans jamais reculer devant les obstacles. Première femme médecin canadienne-française et fondatrice de l’hôpital Sainte-Justine, le destin singulier d’Irma LeVasseur illustre toute l’ampleur portée par la détermination.

 

Vers Sainte-Justine

*L’esprit d’Irma bourdonne des mille choses à faire mais, dans son cœur, qu’une pulsion. Irrésistible. Penchée au-dessus du premier patient de L’HÔPITAL DES ENFANTS, la jeune pédiatre s’accorde un moment de pure exaltation. Qui aurait dit que mon meilleur complice dans la réalisation de mon rêve serait un bébé ! * Extrait.

LA LOUVE BLANCHE est le premier tome d’une trilogie dans laquelle Pauline Gill raconte la vie et les combats de la docteure Irma LeVasseur, première femme médecin canadienne-française à exercer cette profession au Québec après avoir été affublée du titre de première femme médecin à ne pas avoir le droit de pratiquer la médecine dans son propre pays.

Ça en dit long sur le combat parfois désespéré et rude de l’héroïne pour se tailler une place dans un monde qui couve une culture essentiellement masculine et machiste. L’ouvrage raconte aussi en détail le rêve de cette femme qu’elle a transformé en réalité au prix de sa santé :

*C’est pour les soigner, les petits enfants, que je veux étudier. Je vais ramasser mes sous et je vais faire bâtir un hôpital rien que pour eux, décrète-t-elle, martelant chaque mot avec une détermination saisissante. * (Extrait)

C’est cette détermination qui a conduit à la création de l’hôpital Sainte-Justine de Montréal, spécialisé en pédiatrie et devenu une autorité mondiale dans le domaine, et la fondation de l’hôpital Enfant Jésus de Québec. Le tout s’est fait non sans l’accumulation de douleurs, de peines, de frustrations et de contradictions, sans compter les nombreux reculs imposés par l’absurdité de la domination masculine.

Je suis un homme et pourtant je n’en reviens tout simplement pas de cette supériorité artificielle qui additionne l’absurde à l’absurde : *D’une part, on ne m’accepte pas comme femme et d’autre part, on ne m’accepte plus comme médecin. Or, je me définis essentiellement comme femme médecin. S’il n’en tenait qu’à ces deux collégialités, je n’aurais donc plus le droit d’exister. * (Extrait)

Cette histoire brasse les émotions, d’autant qu’elle se déroule à une époque (fin du XIXe, début du XXe siècle) où les statistiques sur la mortalité infantiles sont dramatiques, plaçant le Canada dans une bien piètre position à l’échelle mondiale.

Cette biographie d’Irma LeVasseur est romancée. Elle l’est trop à mon goût d’ailleurs parce que trop diluée d’abord dans la recherche obsessionnelle de sa mère, Phédora, qui a quitté la famille cavalièrement pour poursuivre une carrière de cantatrice aux États-Unis.

L’idée de retrouver Phédora ne quitte pas Irma comme elle ne quitte pas le récit d’ailleurs tout comme ses petites liaisons sentimentales superficielles, compliquées et qui n’aboutissent pas et les nombreux regards sur le frère d’irma, Paul-Eugène, qui vit avec une dysfonction comportementale.

Sur le plan romanesque, ce livre ne m’a pas vraiment emballé. Il y a de la redondance, des longueurs et aussi, et là c’est très personnel comme observation, un peu de misérabilisme.

Sur le plan biographique, c’est un livre très fort. La plume de Gill est vraiment venue me chercher en exacerbant des émotions liées aux efforts souvent sabotés d’Irma LeVasseur pour arracher des enfants à la mort : colère, tristesse, déception, rage. Si mes yeux sont devenus parfois plus humides que de raison, c’est que l’autrice a trouvé le ton juste.

Le livre est aussi porteur d’une profonde réflexion sur des cordes sensibles de la Société qui, dirait-on sont en constante redéfinition : La famille, les enfants, l’éducation, la salubrité, et surtout la santé, un domaine très malmené au Québec.

C’est un bon livre, conforme à l’histoire d’Irma LeVasseur et aux réalités québécoises au tournant des XIXe et XXe siècle. Je vais sûrement m’attaquer à la suite un jour. Il parait comme le tome 2 mérite fort bien son titre. Entre temps, je vous recommande LA LOUVE BLANCHE.

Suggestion de lecture : DANSEUR, Colum McCann

La suite


L’autrice Pauline Gill

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 4 octobre 2025