INFECTÉS, le livre de Marc-André Pilon

*C’est à ce moment qu’elle hurle.
Qu’elle hurle aussi fort qu’elle le peut.
Qu’elle hurle.
Jusqu’à ce qu’elle ne puisse plus
hurler du tout. *
(Extrait : INFECTÉS, livre 1, Marc-André Pilon,
Hurtubise éditeur, 2019, papier, 270 pages)

Tout commence par un meurtre bestial à La Ronde et sa vidéo virale.
S’impose rapidement une terrible évidence: l’agresseur a succombé à une maladie infectieuse jamais vue, marquant le début d’une épidémie qui transforme les humains en monstres sanguinaires.

Un prof cannibale, des parents qui deviennent fous, un train qui explose, l’armée qui débarque… À l’école de la Cité-des-Jeunes, la fin du secondaire risque d’être très différente de ce que Zachary, Camille et Dilkaram avaient imaginé.

Une horreur contagieuse
*Le premier ministre s’apprêtait à prendre la parole.
-Québécois, québécoises…-Chaque génération se
trouve confrontée à une conjoncture historique. Un
tournant décisif. Nous vivons maintenant le nôtre. *
(Extrait)

C’est un roman d’horreur dont l’écriture rappelle beaucoup les scénarios de films de série *B* avec comme principal sujet les zombies. Je devrais dire même UNIQUE sujet car dans ce roman, il n’y a que ça des zombies et au milieu de ces monstres qui semblent se multiplier à l’infini se trouvent quelques ados héroïques qui massacrent tout ce qui bouge. Imaginez une soupe réchauffée des dizaines de fois. C’est la comparaison qui me vient à l’esprit quand je parle de ce roman.

Un virus foudroyant se répand à une vitesse folle transformant les infectés en zombie affamés de chair fraîche. Dans cette mare de démons, trois ados : Dilkaram, Zachary et Camille tentent de survivre.  Et pour survivre, il faut massacrer du zombie et des morts vivants, c’est pas facile à tuer. Ce thème ne m’a jamais attiré, ni en littérature ni au cinéma. Je comprends qu’ici je parle de littérature jeunesse et que les jeunes aiment l’horreur.

Ce livre plaira à ceux et celles qui aiment les histoires de sang qui gicle, d’organes gluants qui traînent à terre et de cervelles éclatées. Il n’y a que ça dans ce roman. Il n’y a pas d’histoire, pas de direction. Rien de neuf, encore moins d’original. Mais je le répète, pour les ados qui ont le cœur solide et qui aiment le mettre à l’épreuve, la formule est gagnante, pour les garçons en particulier :

*Une main venait d’agripper la cheville de Zac. Un corps à moitié déchiqueté, privé de jambes, les intestins traînant derrière lui sur plusieurs mètres…Les infectés furent canardés. Certains furent coupés en deux sous l’impact des balles. Les morceaux continuaient de bouger, pas complètement neutralisés. * (Extrait)

Les ados étant entourés de ces horreurs et tentant le tout pour le tout afin de survivre, on peut comprendre que c’est dans le suspense que réside la principale force du roman qui offre aussi une certaine qualité d’intrigue.

Personnellement, j’ai trouvé ce livre insipide, sans recherche, sans profondeur et d’une redondance qui mène à l’overdose. Certaines tournures de phrases sont intéressantes : *Pendant un instant, tout s’estompa. Les vivants qui meurent, les morts qui vivent. * (extrait) d’autres confinent à l’humour, noir bien sûr, voire à la fantaisie…*Le directeur aurait arraché la tête d’un élève et s’en servirait pour jouer au billard dans la salle G. * (Extrait)

Le niveau de langage n’est pas constant. Beaucoup d’ados aiment le genre, sans début, sans fin, sautant tout de suite dans le feu de l’action. Je préfère un récit fini avec des personnages à la psychologie définie. Enfin je respecte les goûts en souhaitant qu’ils évoluent. Parlant d’évolution, à la fin du récit, les jeunes sont dans une situation assez délicate. Tout est en place pour la suite dans laquelle parait-il, des jeunes qui se font appelés *les surhommes* auraient survécu aux morsures de zombies…

Suggestion d’écoute : DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

Enseignant de français à Vaudreuil-Dorion, Marc-André Pilon est l’auteur de la populaire trilogie du MYOPE, dont le premier tome a été récompensé par le prix Cécile-Gagnon. Avec sa nouvelle série, il nous propose une histoire délicieusement horrifiante, menée de main de maître. Vous pouvez consulter la page Facebook de l’auteur en cliquant ici.

 

La suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 mars 2024

 

LA FOURCHE DU DIABLE, de Mark Terry

<Il retint son souffle, jetant un regard par derrière,
il vit que Davis était mort, du sang partout autour.
Quelque part, quelqu’un hurlait. Une autre balle
s’abattit dans la carrosserie en fibre de verre de
la fourgonnette, juste à quelques centimètres de
sa tête.>
Extrait : LA FOURCHE DU DIABLE, Mark Terry, AdA
éditeur, 2007, édition de papier, 515 pages.

À: Dr Derek Stillwater, Ph.D
De: James Johnston, ministre
Ministère de la sécurité intérieure

CODE ROUGE

Évaluer, coordonner et enquêter immédiatement au sujet de l’assaut contre l’U.S. Immunological Research à Baltimore, MD. Les rapports préliminaires indiquent le vol d’un agent infectieux biogénétique de niveau biosécurité 4 par des sujets inconnus. FBI sur place. Donnez des nouvelles aussi vite que possible.

Soyez avisé que Chimera M13 est extrêmement contagieux et a été conçu pour tuer en 24 heures.

IL N’EXISTE PAS DE VACCIN

L’assaut de l’infiniment petit
<Derek ravala un hurlement alors que son corps explosait
soudainement comme s’il était en feu. Chaque neurone
brûlait, hurlant à son cerveau qu’il était en flamme…
roussissait, virait au noir, se détachant de son corps. >
-Extrait-

LA FOURCHE DU DIABLE est une variation d’un thème déjà exploité par l’auteur : Le bioterrorisme. Voir LE BAISER DU SERPENT -Claude Lambert, 27 août 2017.

C’est un livre riche en émotions fortes, d’autant qu’au moment d’écrire ce commentaire, notre planète tente, tant bien que mal, de gérer la pandémie mondiale de COVID 19. En jetant un œil sur le synopsis, vous allez comprendre que le livre peut laisser une petite gêne, ce que n’avait sans doute pas prévu l’auteur quand il a publié son livre en 2007.

Voyons voir : Une cellule terroriste appelée <Les Anges déchus> attaquent la Maison Blanche et massacre tous les hauts responsables et officiers supérieurs du gouvernement américain à l’exception du président et d’un ministre. En quelques secondes, le gouvernement américain est décapité. Mais pire encore, la cellule attaque un laboratoire de biosécurité 4, tue tout le monde à l’exception d’un scientifique et vole un virus mortel, extrêmement contagieux et conçu pour tuer en quelques heures, appelé CHIMERA 13…un horrible cauchemar de fin du monde.

Désemparé, le dernier haut-responsable vivant aux États-Unis, fait appel au seul homme capable de neutraliser les Anges déchus et le Chimera. Tout le récit repose sur cet homme : Derek Stillwater…tout à fait le genre qui me plait dans ce roman où on tente de rattraper Armageddon : mufle, caractériel, spontané, mal embouché, froid, ombrageux : <Lorsqu’on m’appelle pour le boulot, ça veut habituellement dire que la fin du monde est proche.> Extrait.

L’auteur n’a perdu ni temps ni encre pour donner à Stillwater des états d’âmes et contrairement au légendaire James Bond, il est tabassé, tiré, égratigné et sans jeu de mot, je dirais que sa chance est chancelante. J’ai beaucoup apprécié ce personnage. À quel prix croyez-vous qu’il pourrait sauver le monde. LA FOURCHE DU DIABLE est un roman à saveur techno anxiogène et à haut débit.

Je recommande ce livre pour plusieurs raisons : on prend plaisir à suivre le personnage principal. Il est atypique. On ne comprend pas toujours le chemin qu’il emprunte mais on s’y attache. Au moment d’écrire ce commentaire, le roman est d’une extraordinaire actualité. Ce genre de laboratoire qui abrite la fin du monde existe. Sont-ils tous d’une sécurité à toute épreuve ? Et si quelque chose s’en échappait ? Puis le livre procure frissons et émotions.

Ça pousse à la réaction sur l’errance scientifique, le pouvoir et l’éthique et bien évidemment sur le terrorisme. La question qui se pose est la plus actuelle qui soit : peut-on arrêter une personne résolument décidée à tuer et à mourir pour une idée ? Émotions garanties et même, beaucoup trouveront ce livre addictif. Développement bien structuré, fil conducteur solide. Quelques longueurs relatives aux explications scientifiques mais ça vaut la peine.

Suggestion de lecture : PROJET ANASTASIS, de Jacques Vandroux

Mark Terry est un auteur américain, né en 1964. Après avoir passé 18 ans à travailler dans la génétique, il se tourne vers l’écriture à plein temps. LE BAISER DU SERPENT est son deuxième roman, publié un an après LA FOURCHE DU DIABLE publié en 2007. Son diplôme en microbiologie et son expérience dans le domaine des maladies infectieuses et en génétique lui ont été très utiles jusqu’à maintenant dans sa carrière d’écrivain. Toutefois, au moment d’écrire ces lignes, il n’y a pas de titres récents à signaler. En fait, il semble que la carrière d’auteur de Mark Terry ait pris fin avec LA FOURCHE DU DIABLE en 2007.

Bonne lecture

Claude Lambert
Le vendredi 13 octobre 2023

ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD, de Francine Ruel

<C’est la deuxième fois que je vais à l’hôpital depuis
que je t’ai parlé. L’autre fois c’était… Un long silence
entre eux, un gouffre. -J’ai fait une tentative de suicide.>
Extrait : ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD, Francine Ruel,
Les Éditions Libre Expression, 2019, format numérique pour
la présente, 2 271kb, à l’origine : 140 pages.

« Plus que tout au monde, ce soir, elle aimerait se redresser pour atteindre l’amour de son fils, rejoindre son épaule, y déposer sa tête une seconde. Se hisser vers lui pour avoir quelques miettes d’amour. De l’amour sur la pointe des pieds. » Anna cherche à faire le deuil d’un enfant vivant. Elle ne sait plus quoi inventer pour sortir son fils de ce brouillard dans lequel il plane en permanence. Elle a l’impression d’errer dans un cimetière, sans corps à déposer en terre. Pourtant, tout était possible jusqu’à l’Accident. Un roman coup-de-poing, l’histoire d’une mère et de son enfant-vieillard.


Coup de poing, coup de cœur
<Lui qui doit combattre toutes ses peurs, lui qui lutte en permanence
contre un ennemi terrible logé en lui, celui qui l’a fait basculer du
côté obscur, alors qu’il n’a même pas d’amis ni d’épée pour se
défendre…Tout comme Mowgli, il cohabite maintenant dans la
jungle avec les loups, mais contrairement à E.T., il n’appelle pas
souvent à la maison.>
Extrait

Basé sur un fait vécu, ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD est un roman court mais très intense dans lequel, une mère, Anna, s’exprime sur le deuil qu’elle porte de son enfant, Arnaud, pourtant encore vivant. En fait, Francine Ruel exprime, à travers Anna, sa détresse face au choix de son fils de devenir itinérant, puis drogué et dépressif et tout cela malgré une enfance normale, et un père austère. Les raisons de ce choix d’Arnaud, le fils, se perdent dans une sorte de brouillard.

<Anna pense souvent que de grands pans dans le parcours de son fils s’écrivent entre parenthèses. Tout n’est pas dit, ni expliqué ni vraiment démontré. Les banalités du quotidien digressent dans les zones d’ombre.> Extrait   Le résultat est le même et il darde au cœur : <Le fils d’Anna n’est plus là. Elle le sait. Il est quelque part…engourdi, endormi, gelé… > Extrait    Tout le livre est centré sur les questionnements d’Anna et sa dure confrontation avec la réalité. Pourquoi ? Arnaud n’a-t-il pas été bien élevé, gâté, aimé ?

La résilience se prête peut-être à la reconstruction mais elle est loin d’être suffisante pour remettre le cœur à l’endroit. Ce récit met en perspective l’introspection d’une mère sur l’incompréhensible revirement de son fils et puis l’acceptation qui ne sera jamais totale finalement. Comme lecteur, j’ai voué une forte empathie pour Anna :

<À partir de quand baisse-t-on définitivement les bras ? Le combat est perdu d’avance ? Quand est-ce qu’on se résout à abdiquer irrémédiablement ? Anna, malgré la meilleure volonté du monde, est incapable de répondre à ces questions et de calmer son sentiment d’impuissance… Elle se sait responsable, du moins en partie et elle cherche encore et toujours le moyen de sauver son fils. > Extrait

Je me suis beaucoup attaché à Anna et aussi à Arnaud, ce fils que j’ai moi aussi essayé de comprendre en projetant, le temps d’une réflexion, le sort de ce garçon vulnérable sur moi qui est aussi père d’un fils. Comment aurais-je réagi au revirement aussi drastique d’une bonne nature ? La plume de Francine Ruel m’a happé et remué. Le roman n’est pas long mais il est en équilibre.

L’auteure a évité le misérabilisme en évitant d’en faire trop. Mais la dureté du questionnement est inévitable et ça met à l’épreuve la sensibilité du lecteur et de la lectrice. J’aurais souhaité en savoir plus sur les relations d’Arnaud avec son père et les sentiments de celui-ci vis-à-vis de son fils. Il m’a semblé que ce sujet a été passablement occulté mais aurais-je mieux compris le choix d’Arnaud ? Pas nécessairement.

J’ai aimé ce roman. Il est sensible, désarmant, écrit avec le cœur et chargé d’émotions transmissibles. Il pousse à une profonde réflexion sur les imprévisibles épreuves de la vie et le courage qu’il faut pour les affronter. Une lecture que je ne suis pas prêt d’oublier.

<Depuis qu’il vit dans la rue, Arnaud a demandé à plusieurs reprises à sa mère si elle avait honte de lui. Une fois, Anna a eu le courage de répondre:   Honte? Non. C’est la vie que tu as choisie. J’ai plutôt hâte d’être fière de toi.> Extrait

Suggestion de lecture : LA CHAMBRE DES MERVEILLES, de Julien Sandrel

 

Francine Ruel « promène » son talent et son imaginaire depuis quarante ans entre le jeu, l’animation et l’écriture. Figure connue du petit et du grand écran, elle a interprété divers rôles dans des films et des séries télévisées, dont Scoop, qui lui a valu en 1993 un prix Gémeaux pour la meilleure interprétation dans un rôle de soutien.

En plus de sa carrière de comédienne, Francine Ruel a touché à tous les types d’écriture : pour la télévision, dans des émissions pour les enfants comme POP CITROUILLE et dans des dramatiques comme De l’autre côté du miroir, pour le théâtre, y compris une participation à la pièce Broue, pour le cinéma (La dernière y restera), pour la chanson (textes pour Louise Forestier, Marie-Claire Séguin et Marie Carmen).

En littérature, Francine Ruel a d’abord signé deux romans. Elle a également publié deux recueils de chroniques parus dans le quotidien Le Soleil (Plaisirs partagés et D’autres plaisirs partagés) et plusieurs romans, dont sa fameuse saga du bonheur, qui s’est vendue à près de 150 000 exemplaires.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 19 août 2023

 

L’AIGLE DE SANG, de Jean-Christophe Chaumette

*…Grandit une famille de fauves monstrueux Dévoreurs
de lumière. Ils se gorgeront de la chair des hommes
promis à la mort et disperseront leur sang dans tout
l’univers ; Alors dans les étés qui suivront, le soleil
sera voilé de noir et les vents se déchaîneront en
affreuses tempêtes…*
(Extrait : L’AIGLE DE SANG, Jean-Christophe Chaumette,
Pocket éditeur, 2001, édition numérique, 312 pages)

Alors qu’un hiver permanent s’est abattu sur le monde, une poignée d’inspecteurs du Tribunal Pénal International mène l’enquête sur une série de meurtres aussi mystérieux que terrifiants : de grands criminels de guerre sont retrouvés morts, crucifiés selon un ancien rituel viking appelé « l’aigle de sang ». Ces faits sont d’autant plus troublants que de nombreux autres indices renvoient à la mythologie scandinave, et notamment au Ragnarok. L’ancienne prophétie nordique serait-elle en train de s’accomplir ? La fin de notre monde serait-elle proche ? Navigation entre la mythologie scandinave et l’ufologie

TENDANCES CONVERGEANTES
*Une chose est sûre :
ton client est un fana de
la mythologie nordique !
Un cinglé qui se prend
pour Odin !
(Extrait)

L’Aigle de sang est un thriller sans classification précise. C’est un savant mélange de fantastique, surnaturel, légende, mythologie, politique, militaire, science-fiction ufologie et suspense. Le titre de l’ouvrage et la première moitié du récit reposent sur une légende officielle de la mythologie scandinave appelée l’Aigle de sang…légende qui n’est pas particulièrement tendre.

Ça prépare efficacement le terrain pour entrer dans l’esprit de l’auteur et comprendre où il veut en venir : *Si vous clouez un homme sur un mur, que vous lui fendez le thorax, et que vous lui écartez les côtes pour le transformer en aigle de sang, alors…Alors vous pouvez attirer une force gigantesque ! …vous établissez un lien avec un seigneur du monde-autre ! * (extrait)

Cette légende ouvre la voie à la découverte d’une porte donnant accès à un autre monde, un univers parallèle, une autre dimension. Cette porte amène aussi la création de l’obscur projet Oméga : Ôméga…l’ultime savoir…notre projet…nous avons ouvert une porte vers une autre dimension…où se trouvent les réponses à toutes les questions que se pose l’humanité ! Quelques vies ne sont rien en regard de ça. * (extrait)

Le lien à faire avec l’incontrôlable soif de puissance des militaires est prévisible mais il faut aussi y ajouter un joueur particulier : *…un réseau international de monstres richissimes utilisant leur fortune pour assouvir d’ignobles pulsions de mort en jouant les bourreaux pendant des conflits particulièrement sanglants. * (Extrait)

Tout ça fait une soupe particulièrement explosive et donne un thriller à glacer le sang. Ce roman ne trempe pas dans l’eau de rose et le lecteur doit s’attendre à des passages d’une inimaginable cruauté.  C’est un des romans les plus noirs, les plus violents et les plus gores que j’ai lu. Mais il est bien écrit. Il rentre dans les détails, c’est le moins qu’on puisse dire.

Si les passages dans des mondes parallèles constituent un thème en peu réchauffé, Chaumette a trouvé des idées quand même pas mal intéressantes. Par exemple, il range sans le vouloir au musée les grands vaisseaux extra-terrestres. Ce sont les extra-terrestres qu’on retrouve dans une autre dimension et il y en a deux sortes : les bons qui peuvent aider et guider les humains, et les mauvais qui envahissent par abduction l’esprit humain pour le contrôler. On appelle ces derniers les lucifériens.

Je sais que l’abduction n’est pas un phénomène nouveau en littérature de science-fiction mais l’auteur a développé ce sujet avec beaucoup d’imagination et a su y ajouter de l’originalité. Ici, tous les ingrédients du complot extra-terrestre sont réunis, y compris les militaires qui veulent utiliser leur savoir. C’est un mélange sagace de modernité et de mythologie et qui revisite plusieurs théories.

Enfin, un mot sur la finale que j’ai trouvé particulièrement réussie. Je ne la dévoilerai pas bien sûr, mais elle véhicule une idée particulièrement intéressante qui vient s’ajouter à l’incroyable folklore entourant la mystérieuse zone 51 (Groom lake, É.U.)

Cette zone abrite entre autres le fameux hangar 18 dans lequel on devrait retrouver, selon une croyance bien imprégnée, le vaisseau extra-terrestre qui a fait un crash à Roswell au Nouveau-Mexique en 1947 ainsi que quelques corps d’extra-terrestres. Cette finale, ficelée presqu’à la perfection n’es pas sans faire réfléchir sur la soif illimitée de pouvoir qui agite l’esprit humain.

C’est un roman-choc que j’ai beaucoup aimé. L’intrigue est riche, les rebondissements nombreux, Écriture efficace. Se lit vite et bien. C’est un troisième bouquin pour Jean-Christophe Chaumette, trois fois récipiendaire du prix Masterton. Chaudement recommandé…

Suggestion de lecture n: LA CONSPIRATION DE ROSWELL, de Boyd Morrison

Jean-Christophe Chaumette est un écrivain français né en 1961 Ses romans et nouvelles appartiennent à la littérature de l’imaginaire, à l’exception d’un roman historique publié sous le pseudonyme de Chris Jensen. Il a exploré les domaines de la Fantasy, de la SF, et surtout du Fantastique. C’est dans ce dernier genre qu’il a particulièrement réussi, en recevant trois fois le prix Masterton du meilleur roman fantastique francophone, en 2001, 2002 et 2011.  Il a commencé à écrire en 1983 Son premier roman publié fut « Le Jeu » en 1989, réédité en décembre 2011 sous forme numérique chez Kindle.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 décembre 2022

biblioclo.com 

IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

*Au fond, Sophie et Ingrid ne s’intéressent pas vraiment à ce qui se passe à l’étranger. Elles pensent juste qu’il est plus agréable d’être du côté des vainqueurs, que c’est une preuve indubitable de supériorité. <Le succès est le seul juge ici-bas de ce qui est bon et mauvais>, a écrit le Füreur dans MEIN KAMPF. * (Extrait : IL N’EST SI LONGUE NUIT, Béatrice Nicodème, éditeur à l’origine : Gulf Stream, 2018, 392 pages. Numérique et papier)

Sophie, Hugo, Magda, Jonas, Otto, Franz… Ils sont jeunes, ils aiment la vie, ils ont le cœur plein de rêves. Le rêve d’Adolf Hitler est de créer un empire qui dominera le monde pendant mille ans et dans lequel les hommes seront forts et inflexibles, les femmes soumises et fertiles. Un monde dans lequel il n’y aura ni Juifs, ni communistes, ni homosexuels, ni malades. Ceux qui n’ont pas leur place dans ce Reich millénaire seront éliminés un par un jusqu’au dernier. Dans le Berlin de 1940 ces jeunes doivent eux aussi choisir leur camp, hantés par ces questions que tous se posent :  » Ai-je raison d’agir ainsi ? « ,  » La lumière reviendra-t-elle un jour ? « 

UN OPPRESSANT CROISEMENT DE DESTIN
*Inutile de préciser que je me refuse à rencontrer ce
tordu. Rien que l’idée qu’il va harceler les juifs alors
qu’il y en a parmi ses ancêtres…-Ile le fera même s’il
n’entre pas dans la SS. -Peu importe. Son hypocrisie
me répugne. Je ne sais pas de quoi je serais capable
si je me trouvais en face de lui
(extrait)

IL N’EST SI LONGUE NUIT est une fiction mais on sait très bien qu’elle représente la sombre réalité d’une grande quantité de jeunes allemands qui furent témoins dans les années 30, de la montée d’Adolph Hitler, de sa prise du pouvoir et de la deuxième guerre mondiale avec son train d’horreurs comprenant le harcèlement, la torture et le génocide des juifs.

Béatrice Nicodène fait témoigner six jeunes allemands et débute leur histoire en 1940 : Magda, Jonas, Sophie, Hugo, Franz et Otto. Certains résisteront à la folie d’Hitler comme Jonas et Hugo, Otto lui affiche une totale loyauté. Prise au piège par la Gestapo, Magda commettra l’irréparable. Et Franz lui, a les idées ailleurs, emporté par sa passion pour la musique et son piano.

Donc chaque adolescent doit se positionner face à la situation explosive qui secoue l’Allemagne et finira par faire trembler le monde et chaque option est exprimée en alternance et en crescendo dans des chapitres très courts. C’est ce qu’on appelle un roman-chorale. Les effets diviseurs et dévastateurs du régime Nazi sur la jeunesse allemande ont été peu développés en littérature.

Ainsi le réalisme et la crédibilité consacrent l’originalité de l’œuvre. J’ai compris que l’influence nazie sur la jeunesse allemande fut un véritable gâchis surtout à cause de l’effet diviseur du régime. Comment exiger des jeunes un tel positionnement alors que la vie ne fait que commencer pour eux ?

J’ai été très touché par ce livre. L’ensemble des personnages, attachants et profondément humains fait toute la richesse de la jeunesse et je ne parle même pas de frontières. Bien sûr, certains ont fait le mauvais choix, l’influence sur eux étant peut-être trop forte. Il y en a même un qui ne fera pas de choix du tout. Mais au-delà des motivations, tous ces personnages sont attachants, humains autant que victimes et pantins involontaires.

Cela fait toute la richesse du livre. Mon personnage préféré a été Franz. D’une nature sensible et généreuse, le musicien a pris position pour la musique mais son idée sur Hitler était bien arrêtée : *Pour lui, Hitler n’est qu’un pantin qui vocifère en faisant des gestes d’épileptique. La Hitlerjugen* et la BDM* l’horripilent. Comment peut-on être jeune et marcher au pas en uniforme. Le salut nazi le révulse. En 1936, à l’inauguration des jeux olympiques, il a probablement été le seul de la foule à ne pas lever le bras en hurlant* (Extrait. HITLERJUGEN : les jeunes hitlériennes, BDM : ligue pour les jeunes filles allemandes.)

Tout dans ce livre a capté mon attention, outre la qualité et la psychologie des personnages et poussé en avant par la fluidité et la clarté de la plume, j’ai été happé par les interactions entre les témoins et c’est là que réside le crescendo dont je parlais plus haut, le suspense, l’atmosphère sociale de Berlin en effervescence et tout ce qui peut se dégager du texte et du non-dit. Béatrice Nicodème s’est véritablement appuyée sur le vécu de jeunes. 

Ça donne à l’œuvre un réalisme bouleversant qui illustre toute la tragédie du nazisme. Ce livre m’a ébranlé et m’a fait comprendre les motivations profondes d’une jeunesse déchirée.

J’ai passé par toute une gamme d’émotions. J’ai éprouvé de la peur, de la colère, de l’empathie, de la compassion. Ce livre a conservé son actualité car même en dehors des cadres de la guerre, il est une parfaite illustration des motivations profondes de la jeunesse. C’est une performance d’écriture que je ne suis pas près d’oublier.

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw


Béatrice NICODÈME a décidé il y a vingt ans de consacrer tout son temps à l’écriture. Elle a une prédilection pour les intrigues sombres, pleines de secrets à découvrir. Passionnée par la psychologie, elle tente de saisir la diversité et la complexité de l’être humain à travers ses personnages.

Ses romans laissent aussi une grande place à l’Histoire avec un grand H. Chez Gulf stream éditeur elle a publié la série Futékati, L’Anneau de Claddagh et plusieurs titres de la collection  » Courants noirs « . Elle tourne aujourd’hui son regard vers l’Allemagne, au cœur de la longue nuit nazie.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 17 décembre 2022