LA CHASSE, Bernard Minier

<La forêt recouvrait les collines, la nuit recouvrait la forêt, la peur recouvrait ses pensées. Sa peur avait un son – celui de sa propre respiration terrorisée et de son cœur qui battait -, elle avait une odeur – celle de sa transpiration et de cette chose puante sur sa tête -, elle avait une couleur : noir, noir de la foret, noir de l’âme de ces hommes, noir de sa propre peau…>

Extrait : LA CHASSE, Bernard Minier, XO éditeur 2021, papier, 424 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2021, 1.01 go, durée d’écoute : 12 heures 11 minutes, narrateur : Hugues Martel.

Il y a des ténèbres qu’aucun soleil ne peut dissiper. Sous le halo de la pleine lune, un cerf surgit de la forêt. L’animal a des yeux humains. Ce n’est pas une bête sauvage qui a été chassée dans les forêts de l’Ariège… Dans ce thriller implacable au final renversant, Bernard Minier s’empare des dérives de notre époque. Manipulations, violences, règlements de comptes, un roman d’une actualité brûlante sur les sentiers de la peur. Une enquête où Martin Servaz joue son honneur autant que sa peau.

 

DÉRIVE EN CRESCENDO


Aucun criminel ne fait montre de plus de cruauté que celui qui se croit d’avance absous de ces crimes par une cause qu’il pense juste.

Extrait

 

L’auteur frappe fort dès le début alors qu’un jeune noir coiffé d’une tête de cerf fait l’objet d’une cruelle chasse à mort dans une forêt toulousaine. Sur son cadavre, on trouvera un simple mot gravé : Justice. L’éditeur présente ce livre comme un thriller. Ce genre littéraire procure généralement des émotions fortes, ce que je n’ai pas vraiment ressenti. J’ai vu plutôt ce livre comme un polar à cause, en particulier, de l’analyse extrêmement critique qu’il fait de la Société.

C’est un roman très noir. Il ne brille pas particulièrement par son originalité. J’ai trouvé l’intrigue, développée sur fond de COVID, intéressante mais plutôt limitée, entre autres par les observations acerbes faites sur une société malade à en crever. L’idée de base du récit est dévoilée assez vite.

Je crois plutôt que c’est la chasse qui tient le lecteur dans le coup…la chasse au gibier humain d’abord, puis la chasse aux chasseurs et c’est à ce niveau que l’auteur développe la théorie d’une justice occulte opérant dans la plus totale illégalité. Ce n’est pas une nouveauté en littérature mais j’ai trouvé intéressante la façon dont ce thème est développé dans la CHASSE.

Sa force étant occultée par un rythme très lent, l’intrigue ne m’a pas vraiment fasciné, encore moins l’analyse sociétale qui s’en dégage : Société à la dérive, justice traficotée, police infiltrée par l’incompétence et la trahison, entre autres. Rien de nouveau.

Je crois quand même pouvoir identifier ici deux éléments qui font principalement la force du récit : premièrement son atmosphère ou l’ambiance si vous préférez, sa noirceur, son non-dit qui force les méninges du lecteur pour tenter de comprendre les motivations des chasseurs de gibier humain et le parallèle avec la Société actuelle.

Deuxième force du roman : un personnage particulièrement bien travaillé et qui tient lieu de fil conducteur dans tout le récit : Le policier Martin Servaz, un brillant limier, opiniâtre, tenace, personnage récurrent dans l’œuvre de Bernard Minier. J’ai beaucoup aimé son caractère directif et sa façon de mener l’enquête.

Bref, LA CHASSE est un roman qui explore, avec une imagination parfois trop poussée, la noirceur de l’âme humaine et les tares de notre Société. L’intrigue est moyenne mais les motivations dévoilées graduellement dans l’histoire poussent à la réflexion entre autres sur le mal que la Société sa fait à elle-même. Ce n’est pas ce que j’appellerais un livre inoubliable mais il est intéressant à lire avec des personnages intéressants à suivre, dont un Martin Servaz égal à lui-même.

Suggestion de lecture : UNE CHASSE DANGEREUSE de Clifford D. Simak


L’auteur : Bernard Minier

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 août 2024

SAC D’OS, Stephen King

*Ce qui se met en place, lorsque disparaît la lumière du jour, est une sorte de certitude : qu’en dessous de la surface gît un secret, un mystère à la fois noir et éclatant. On ressent ce mystère dans chaque respiration, on le devine dans chaque ombre, on s’attend à y plonger à chaque pas. Il est là. *

Extrait : SAC D’OS, Stephen King, Le livre de poche éditeur. 2001, 726 pages, papier. VERSION AUDIO : Audible studio éditeur, 2019. Durée d’écoute : 24 heures 50 minutes, narrateur : François Montagut.

Depuis qu’elle n’est plus là, Mike n’écrit plus. Son souvenir l’obsède, ses nuits sont des cauchemars. Entre deux mondes, Mike la cherche. Mais elle n’est plus qu’une ombre parmi celles qui hantent le domaine de Sara Laughs, prêtes à faire payer des crimes que l’on croit oubliés. Et lorsque Mike tombe sous le charme d’une fillette de trois ans et de sa mère, une jeune veuve, il ne sait pas qu’ il va devoir affronter le déchaînement de forces surnaturelles et vengeresses.

PROFONDEUR EN LONGUEUR

Voici l’histoire de Mike Nunan, un écrivain à succès qui a perdu sa femme, Johanna quatre ans plus tôt suite à une rupture d’anévrisme. Depuis, le romancier fait des cauchemars qui concernent sa résidence secondaire, Sara Laughs dans laquelle il finit par s’installer. Nunan y découvre des éléments intrigants du passé de sa femme et réalise que Johanna hante Sara laughs.

Entre temps, Nunan s’attache à une jeune veuve, Mattie, et sa fille de trois ans Kira. L’écrivain aura à combattre sur plusieurs fronts : les mystères fantomatiques de Sara Laughs, la leucosélidophobie, un trouble psychique appelé aussi <le blocage de l’écrivain> et le beau-père de Mattie, Max Devory, un vieil homme mauvais et extrêmement agressif.

Je sors de la lecture de ce livre mitigé même si, pourtant, il est bardé de prix dont le prestigieux prix Locus du meilleur roman d’horreur. Je crois que c’est un peu exagéré de parler ici d’horreur. Le livre conserve un caractère fantastique même si, à mon avis, il est limité. De plus, je ne partage pas l’avis des critiques qui déclarent SAC D’OS comme le livre le plus abouti de King. Ça reste un bon roman mais son caractère surnaturel est plutôt timide.  Ce n’est pas le KING que j’ai adulé.

Le livre est inutilement long. Beaucoup de palabres, de passages creux et certains épisodes démesurément décrits comme par exemple un viol collectif particulièrement sordide expliqué avec un luxe de détails. J’ai trouvé l’ensemble un peu ennuyant. Le récit est assorti d’une romance entre Mattie et Mike, touchante, assez bien élaborée si on tient compte du caractère violent du beau-père. C’est un aspect de l’histoire qui ne m’a pas déplu mais qui est peu habituel dans la bibliographie de Stephen King.

L’aspect le plus intéressant du livre est la psychologie du personnage central, Mike Nunan. C’est la principale force de SAC D’OS et là, je reconnais King. Il a imprégné son héros d’authenticité, de sincérité et d’équilibre. De plus, après le décès de Johanna, chaque fois qu’il tente d’écrire, l’auteur est pris de désagréables malaises. L’inspiration ne vient plus. King m’a aidé en fait à mieux comprendre le processus de création de l’auteur qui, dans SAC D’OS, se trouve à être le narrateur et à mieux saisir aussi ce que ressent un écrivain aux prises avec le syndrome de la page blanche.

Grâce à un personnage principal humain, bien imaginé et travaillé, cherchant à s’outiller pour comprendre et combattre, j’ai pu sortir de cette lecture avec un certain degré de satisfaction.

Suggestion de lecture : POPULATION : 48, d’Adam Sternbergh

SAC D’OS A ÉTÉ ADAPTÉ À L’ÉCRAN en 2011. Cliquez ici.

Plusieurs livres de Stephen King ont été commentés sur ce site. Voici quelques liens :
ÇA,
FIN DE RONDE
UN VISAGE DANS LA FOULE
-LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TOM GORDON
22/11/63
LA TOUR SOMBRE

Pour visiter le site de Stephen King, cliquez ici.

bibliographie

BONNE ÉCOUTE
BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 9 août 2024

LA FILLE DU TRAIN

Commentaire sur le livre de
PAULA HAWKINS

*Nous sommes tous des voyeurs. Les gens qui prennent le train tous les jours pour se rendre au travail sont les mêmes partout dans le monde : chaque matin et chaque soir, nous sommes installés sur notre siège, à lire le journal ou écouter de la musique ; nous observons d’un œil absent les mêmes rues, les mêmes maisons et, de temps à autre, nous apercevons un éclair de la vie d’un inconnu. Alors, on se tord le cou pour mieux voir. *

(Extrait : LA FILLE DU TRAIN, de Paula Hawkins, Pocket, Sonatine éditeur, 2015, papier, 455 pages)

Entre la banlieue où elle habite et Londres, Rachel prend le train deux fois par jour : le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 le soir. Chaque jour elle est assise à la même place et observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par coeur, elle a même donné un nom à ses occupants, qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine heureux, comme Rachel et son mari ont pu l’être par le passé, avant qu’il la trompe, avant qu’il la quitte. Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit Jess dans son jardin avec un autre homme que Jason.

Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…

Un long fleuve agité
*temps normal, je simulerais la politesse, mais ce
matin, je me sens authentique, je me sens moi-
même, je suis exaltée, comme si j’étais défoncée,
et, même, si j’en avais envie, je serais incapable de
feindre la gentillesse. *
(Extrait)

C’est un polar psychologique glauque, triste et obsessif. La fille du train, c’est Rachel, une femme déchirée, alcoolique et dépressive. Elle prend le train quotidiennement. Pratique pour faire croire à sa colocataire qu’elle travaille et qu’elle paiera le loyer. Elle prend aussi le train pour faire déraper ses pensées et suivre un couple qu’elle s’est inventé, Jess et Jason, qu’elle croit voir par les fenêtres du train.

Elle imagine bientôt le couple s’enliser dans un cercle d’infidélité jusqu’à ce que Jess disparaisse de la circulation. Le mystère s’intensifie avec la disparition, réelle celle-là d’une jeune femme nommée Mégan.

Les trois femmes au cœur de cette histoire plutôt noire prennent la parole à tour de rôle. Une triple narration qui permet d’explorer en alternance le point de vue de chacune et la façon dont elles sont entraînées dans un cercle de violence et de mal-être. Il y a aussi des hommes dans cette histoire. Deux principalement : Scott et Tom, ce dernier est dépeint d’une façon peu engageante : <La vie entière de Tom était bâtie sur des mensonges, des malhonnêtetés et des semi-vérités censées le faire passer pour quelqu’un de supérieur, de plus fort et de plus intéressant qu’il ne l’était…>

Ce dernier extrait vient préciser l’atmosphère du récit, le non-dit caché entre les lignes qui prend le lecteur au cœur. C’est un récit très riche, un peu lourd, pas toujours facile à suivre mais qui se dévoile sur des chapeaux de roues dans le dernier quart du livre. Il faut être attentif pour bien saisir la vraie nature des personnages et l’enchaînement des rebondissements, exacerbé par la triple narration.

C’est un bon thriller, mais il est complexe et accuse des longueurs. C’est un récit noir dans lequel la seule réalité des personnages est la folie qui les guette. La plume est bien maîtrisée malgré une certaine dérive. On sait que Paula Hawkins veut nous entraîner quelque part, mais impossible d’imaginer la finale.

La nature convergente de la triple narration en alternance m’a plu et je me suis laissé entraîné par l’intensité du récit. Attendez-vous à explorer l’attitude de personnages complexes face à leurs démons. On est loin du genre <C’est beau la vie> . C’est une lecture qui laisse des marques.

Suggestion de lecture : DANS LA TOILE, de Vincent Hauuy

Paula Hawkins a vécu au Zimbabwe, en France et en Belgique et réside maintenant à Londres. Elle a été journaliste pendant quinze ans avant de se consacrer à la fiction. LA FILLE DU TRAIN, son premier roman a été vendu à 18 millions d’exemplaires dans le monde. Dreamworks en a acquis les droits d’adaptation cinématographique, et le film est sorti en 2016. Son deuxième roman, AU FOND DE L’EAU a paru en 2017 chez Sonatine.

De la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert

L’ESCALIER DU DIABLE

Commentaire sur le livre de
DEAN KOONTZ

*-Le mal à l’état pur, insiste Sanjay. Tous
les fous ne prônent pas le mal, mais tous
 les gens malfaisants sont fous. *
(Extrait : L’ESCALIER DU DIABLE, Dean Koontz,
Archipel éditeur, 2020, édition de papier, 448 pages
Lu en format numérique pour la présente.)

Luttant contre l’étrange épidémie de suicides qui a emporté son mari, Jane Hawk est devenue la fugitive la plus recherchée des Etats-Unis. Tant par le gouvernement que par les responsables d’une confrérie secrète. A présent, elle tient une proie dans son viseur : un homme influent… disposant d’une armée de tueurs. Mue par sa soif de vengeance, Jane rejoint les flancs enneigés du Lac Tahoe, en Californie. Ce qu’elle va y découvrir est terrifiant. D’autant qu’elle va devoir gravir l’escalier du diable ! Jane sait que le temps lui est compté. Que sa vie ne tient qu’à un fil. Mais, elle respire encore… Et une conspiration menace des millions d’êtres humains.

L’ascension de Jane Hawk
*Les experts dont je parle n’ont aucune notion de la vraie
vie, Ce sont des élitistes dans l’âme, pétris de belles
théories, mais sans aucune expérience du monde réel. *
(extrait)

C’est le troisième volet des aventures de Jane Hawk, ex-agente du FBI qui enquête sur la mort suspecte de son mari. En cours d’enquête, Hawk découvre l’existence d’une conspiration qui menace des millions d’individus. Elle met son fils à l’abri car, comme elle en sait trop, tout le monde la recherche. Elle réussit à kidnapper un homme puissant qui est au cœur du complot : Booth Henrikson, rien de moins qu’un monstre.

Il est difficile de parler de ce roman sans tout dévoiler mais vous comprendrez mieux ce qui vous attend avec l’extrait qui suit :

<-Retrouver ton chemin avec une lampe n’est pas compliqué, mon fils, mais tu comprendras mieux ta douleur quand tu devras effectuer la descente dans le noir, à l’aveugle, comme une scolopendre dans une grotte. Cet escalier symbolise la vie, mon fils. Il évoque la triste réalité du monde, la cruauté et la brutalité humaines. Si tu espères survivre, sale petit merdeux, je te conseille de te montrer fort, comme moi. Descend au fond du trou et retiens la leçon, mon fils. Au fin fond du trou.> Extrait.

Vous avez une idée de ce dans quoi veut vous entraîner Dean Koontz, une visite dans les arcanes de la folie, des âmes noires.

C’est un roman solidement bâti mais qui comporte des faiblesses. L’intrigue est excellente et induit même une certaine addiction mais je crois que l’auteur a quelque peu abusé du pouvoir descriptif de sa plume. En effet, plusieurs passages d’une violence extrême n’ajoutent aucune valeur au récit. J’ai trouvé également que le jeune fils de Jane Hawk, Travis est sous-utilisé dans l’histoire. Il se cache.

C’est à peu près tout. Quant à la finale, malheureusement je l’ai trouvé bâclée, expédiée. On sait que L’ESCALIER DU DIABLE a une suite : LA PORTE INTERDITE mais Koontz ne m’a pas tellement donné le goût de poursuivre. Je pense que la finale aurait pu être beaucoup mieux travaillée et contenir quelques indices intrigants de nature à mettre l’eau à la bouche.

La principale force du récit est dans le fil conducteur. L’histoire est facile à suivre et comporte beaucoup d’action et certains passages sont pour le moins surprenants. L’écriture est fluide, ça se lit vite et bien. Jane Hawk fait un peu figure de superhéros mais au moins, l’auteur a veillé à ce qu’elle ne verse pas dans la caricature. Je l’ai même trouvé attachante.

Si vous êtes sensible, vous êtes tout de même prévenu que L’ESCALIER DU DIABLE est un roman très noir et très violent et on n’est pas insensible à la morbidité du questionnement qu’il pose : <et si ça arrivait pour de vrai?>          

Suggestion de lecture du même auteur : DARK WEB

LA SUITE

 

Né en 1945 en Pennsylvanie, Dean Koontz publie son premier roman en 1968 : Star Quest mais attendra jusqu’en 1981 pour atteindre la renommée avec LA NUIT DES CAFARDS. Les livres suivants sont une véritable collection de best-sellers dont MIDNIGHT, LA MAISON INTERDITE, LA CLÉ INTERDITE. Auteur prolifique, Dean Koontz a aussi publié plusieurs livres sous différents pseudonymes.

Bonne lecture

Claude Lambert
Le dimanche 5 mai 2024

LE LIVRE SANS NOM, anonyme

<Une trentaine de cadavres gisaient, affalés, sur les bancs.
une autre trentaine se trouvait hors de vue sous les bancs
ou entre les rangées. Seul un homme avait survécu au
massacre. >
Extrait : LE LIVRE SANS NOM, anonyme, Sonatine
éditeur, Reprise d’un texte diffusé anonymement sur internet en
2007. Édition de papier, 510 pages.

À Santa Mondega, une ville d’Amérique du Sud oubliée du reste du monde, où sommeillent de terribles secrets… Un mystérieux tueur en série assassine ceux qui ont eu la malchance de lire un énigmatique « livre sans nom »… La seule victime encore vivante du tueur, après cinq ans de coma, se réveille, amnésique… Deux flics très spéciaux, un tueur à gages sosie d’Elvis Presley, des barons du crime, des moines férus d’arts martiaux, une pierre précieuse à la valeur inestimable, un massacre dans un monastère isolé, quelques clins d’œil à Seven et à The Ring…le tout constitue un thriller très singulier…

Une lecture assassine
< Nous avons un cadavre, lieutenant, répondit-il. Une femme d’une
 soixantaine d’années. Sa tête est plantée à une patère derrière
la porte, et le reste du corps est assis sur une chaise, face à une
 table. On a toujours pas retrouvé les yeux et la langue…>
Extrait

Ce récit est d’une effrayante opacité. Le théâtre des évènements, Santa Mondega, la ville la plus dangereuse et la plus oubliée du monde, me rappelle un peu l’univers de Dick Tracy : fermé, tordu, sans âme, avec quelque chose de laid et de pas humain. Pour mieux comprendre, voyons le topo :

Tout se déroule à Santa Mondega, que je qualifierais de poubelles de l’enfer et c’est un euphémisme. On y retrouve le Bourbon Kid, homme cruel et sans pitié qui tue tout ce qui bouge après avoir bu du bourbon. Jessica, la seule survivante des tueries du Bourbon kid. Miles Jensen, détective du paranormal, envoyé à Santa Mondega pour enquêter.

Il y a quantité de personnages que je vous laisse découvrir mais je citerai pour terminer, deux personnages-clés : Kyle et Peto, des moines d’Hubal, chargés de récupérer L’ŒIL DE LA LUNE, une pierre bleue réputée magique et qui est le principal enjeu de l’histoire. Pour rendre le tout plus suffocant, un livre circule. Un livre sans nom, sans auteur et celui qui a la malchance de le lire est assassiné.

Cette histoire est une succession de massacre teintée d’humour noir. Violent, gore, cradingue…mais tellement bien écrit…la plume est ultra-imagée, tellement qu’il y a comme un film des évènements qui se crée dans l’esprit du lecteur et de la lectrice. Cette lecture est d’ailleurs devenue vite addictive, et ce, malgré des passages à soulever le cœur ou à faire frissonner qui m’ont rappelé plusieurs productions cinématographiques trash aussi dégoûtantes qu’impressionnantes sur le plan des effets visuels comme la série gore DÉCADENCE produite par Lions Gate, SIN CITY, ville atypique étouffée par le crime et pour lequel Quentin Tarentino aurait participé à la réalisation.

Je pense aussi au film LE CERCLE, adaptation du livre de Kuji Suzuki. Rappelons-nous ces ados qui meurent après avoir vu une mystérieux cassette vidéo. C’est comme si le livre parlait. Il vous propulse dans des univers connus par le billet d’une histoire aussi singulière que glauque. La plume est puissante. L’immersion est totale. Les enchaînements sont rapides, jusqu’à la finale que je n’avais définitivement pas prévue et qui m’a ébranlé.

Je note deux faiblesses au passage. Il est vrai que l’écriture est hautement visuelle mais on dirait que le scénario a été puisé dans les films. J’en ai déjà nommé quelques-uns, je pourrais rajouter PULP FICTION et même IL ÉTAIT UNE FOIS DANS L’OUEST ou VAMPIRE VOUS AVEZ DIT VAMPIRE, car il y a des vampires dans l’histoire. J’aurais souhaité une histoire moins inspirée et plus exclusive sur le plan littéraire.

Aussi, le lien entre le livre qui tue et le récit n’est pas clairement défini. L’ensemble est un mélange de polar, de fantastique, de policier et de western et fait à mon avis très caricatural. C’est le caractère attractif de l’écriture qui fait je crois, toute la différence.

Je ne comprends pas vraiment pourquoi l’auteur de ce livre est resté dans l’ombre malgré sa page Facebook au nom du Bourbon Kid, mais ce faisant, il a consacré l’originalité du livre. Ce livre me renvoie très loin de ma meilleure lecture à vie mais c’est bien écrit, très rythmé avec une forte atmosphère de tension.

Malgré son développement extrêmement violent, ce livre m’a procuré un divertissement satisfaisant. Il s’agit du premier volet de la série du Bourbon Kid. Huit autres volumes vous attendent.

Suggestion de livre : GORE STORY, de Gilles Bergal

L’originalité du livre tient au caractère anonyme de l’auteur. « Nous ne savons réellement pas qui il est », explique Marie Misandeau, éditrice chez Sonatine. Ce qui n’empêche pas les internautes d’émettre des hypothèses sur l’écrivain. Certains, par exemple, penseraient à Quentin Tarantino du fait du caractère « badass » du livre.

L’auteur tient à rester dans l’ombre, même s’il dispose d’une page Facebook au nom de Bourbon Kid. Pour son éditrice française : « a priori, c’est plutôt un inconnu, mais le fait qu’il tienne absolument à rester anonyme sème le doute ». Extrait d’un dossier monté par Wikipédia.

LE LIVRE SANS NOM est aussi un clin d’œil au livre célèbre de Koji Suzuki RING, adapté au cinéma sus le titre français LE CERCLE. On sait que dans cette histoire, des ados meurent après avoir regardé une certaine cassette vidéo. Dans UN LIVRE SANS NOM, anonyme comme la cassette de Suzuki, c’est un livre qui tue. Si vous voulez préciser davantage les liens qui unissent les deux œuvres, consultez mon article sur le livre de Suzuki publié sur ce site le 6 août 2017. Cliquez ici. Pour en savoir plus sur l’auteur anonyme, visitez le site officiel de Bourbon kid. Cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 10 février 2024

SOLEIL NOIR, de CHRISTOPHE SEMONT

Alors que Maria s’apprêtait à interpeller la jeune fille pour
la forcer à réagir, une déflagration lui déchira les tympans.
La tête de sa collègue fut projetée en arrière, son corps
dégringola de la chaise. La jeune femme sentit des milliers
de gouttelettes s’écraser sur son visage, comme si on
avait braqué un brumisateur sur elle.
(Extrait : SOLEIL NOIR
Christophe Semont, éditions Critic 2015, format numérique,
264 pages)

Promu sergent dans le nord de l’Argentine, Esteban Pantoja s’apprête à fêter son avancement en compagnie de sa femme et de sa fille. Pour eux, ce soir-là, tout va basculer… Adela est serveuse dans un bar de nuit de La Paz. Un boulot comme un autre, en attendant mieux. Depuis quelques mois, elle se bat contre des visions qui la hantent jour et nuit. Ils s’appellent Sergio, Kamila, Federico et Diego. Ils sont jeunes, ils ont la vie devant eux. La vie… et un énorme conteneur, abandonné au cœur de la jungle. Rien ne les vouait à se rencontrer. Et pourtant, leurs destins sont liés. Tous vont être les témoins de la folie d’un homme. Car au plus profond de la forêt amazonienne, tapi dans son antre, un serpent attend son heure…

Noir foncé
Le guide bolivien regarda le jeune policier
disparaître dans le boyau étroit, avalé par
l’obscurité, et ne put retenir un frisson.
Pachamama ne rendait jamais les offrandes
qu’on lui adressait.
(Extrait)

C’est un récit très sombre, noir, voire lugubre, et qui pourtant vient donner un coup de fouet dans l’univers du polar que je trouvais stagnant depuis quelques années. Voici l’histoire d’Esteban Pantoja, un jeune policier argentin, heureux professionnellement et en amour avec sa femme et sa fille. Mais bientôt, sa vie va basculer complètement alors que pendant un braquage de banque, la maman et sa fille seront abattues.

À travers larmes et douleurs, Esteban entrevoit un détail sur la peau d’un des meurtriers, un tatouage montrant un soleil…un soleil noir fendu d’un glaive. À partir de ce moment, Esteban a juré de ne consacrer sa vie qu’à venger sa femme et sa fille et sa vie devient alors un véritable road-movie qui l’amènera, avec l’aide de quelques alliances, en Amérique latine. Parallèlement à ces évènements dramatiques, dans un autre point du globe, une jeune fille, Adela est obsédée par des visions morbides.

Des jeunes garçons qui avaient la vie devant eux réduits à l’état de cadavres empilés dans un conteneur à déchet qui s’ajoute au décor inquiétant de l’Amazonie : <Le spectacle qui s’offrit à lui était au-delà de tout ce qu’il avait pu imaginer. Les portes du conteneur vomissaient un flot de cadavres pourrissants. Ceux qui tenaient encore debout semblaient impatients de se frayer un chemin vers l’extérieur. Cette vision dépassait l’entendement et allait le hanter longtemps. > Extrait

Sans le savoir, les destins d’Adela et d’esteban son liés et vont convergeant vers une incroyable réalité qui va les ramener, et le lecteur par la bande, dans l’insupportable réalité des camps de concentration nazis. Dans un périple qui l’amènera au cœur de la Bolivie et de l’Argentine, Esteban mettra le pied dans un monde d’horreur, de torture, de meurtres, univers saturés d’exactions et de basses humaines qui vont au-delà de tout entendement.

L’auteur amène graduellement le lecteur à faire des liens avec une implacable efficacité. En effet, l’argentine et la Bolivie sont des pays réputés pour leurs dictatures sanglantes et meurtrières et aussi tristement réputés pour avoir accueilli et protégé des semeurs de mort nazis tels Klaus Barbie, le boucher de Lyon et cette erreur de la nature appelée Joseph Mengele, médecin au camp d’extermination d’Auchwitz et qui exerça sur des milliers de juifs des expériences innommables, d’indescriptibles horreurs médicales pratiquées sans aucun état d’âme.

Que découvrira Esteban? Il n’a qu’un lien : le soleil noir…symbole de ce qui allait peut-être raviver un nazisme qui étouffait alors que les forces russes approchaient de Berlin. Je n’aime pas beaucoup ce terme, mais j’ai été scotché par le récit. Ça se lit bien, rapidement, ça va droit au but, sans trop d’élégance ni de mise en contexte. Ce n’est pas de la grande littérature. SOLEIL NOIR est l’histoire d’une vengeance élaborée davantage dans l’action que dans la recherche.

Mais si vous vous laissé guider par le style de l’auteur qui est direct, vif, implacable, vous pourriez être surpris par l’efficacité de la plume. Principale faiblesse : trop direct, peu de mise en contexte, pas suffisamment d’encadrement historique sans compter les personnages que j’ai trouvé sous-développés et peu attachants. J’ai trouvé aussi que la finale ne bouscule rien. Elle m’a laissé perplexe et j’ai refermé le livre sans que j’aie vraiment compris le choix de l’auteur. Cette finale pourrait peut-être supposer une suite…

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Propos autobiographiques de Christope Semont rapportés par Amazon :

À force d’écouter les légendes qui se chuchotent sur le marché aux sorcières de Mexico, les contes qui s’échangent dans les bars de Bangkok, ou les histoires extraordinaires qui circulent dans les rues de La Havane.  À force de prêter l’oreille aux appels de Cthulhu, de se perdre dans les couloirs déserts de la maison Usher, de passer ses vacances à Castle Rock, ou de guetter les bruits du grenier de Malpertuis.  À force de passer des heures dans des salles obscures à suivre des légions perdues, combattre des invasions de zombies, contrer des attaques extra-terrestres ou fuir des tueurs indestructibles. À force de tourner les pages du Livre de Sang, de veiller Milles et une Nuits, d’essayer de déchiffrer le Nécronomicon, d’arriver au bout des Contes et Légendes Inachevés, de relire en boucle les derniers contes de Canterbury. Un jour ça devait arriver, j’ai eu envie moi aussi de raconter des histoires.


Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 2 février 2024

LE FESTIN NU, de William Burroughs

*Les vétérans de la drogue sont tout pareils. À leur seule
de la camelote, ils commencent à mouiller et gargouiller.
Pendant qu’ils mitonnent leur sauce blanche, la bave leur
dégouline du menton. Ils ont le ventre clapoteux et les
tripes qui papillotent en péristole, et le peu de peau intacte
qui leur reste se dissout… *
(Extrait : LE FESTIN NU, William
Burroughs, folio sf, Gallimard éditeur, t.f. 1964, édition de papier
340 pages.)

L’Interzone. Un territoire qui ne figure sur aucune carte, situé quelque part entre New York et Tanger, dédale infini de rues Un lieu fantomatique, où se réfugie William Lee après avoir accidentellement tué sa femme. Persuadé d’être un agent secret au centre d’une gigantesque machination, Lee commence à rédiger des rapports pour le compte d’une mystérieuse corporation internationale, communiquant avec elle par l’intermédiaire d’une machine à écrire fort loquace…Vertigineuse descente aux enfers de la drogue –

Le macabre imaginaire
*L’image pervertie de l’homme évolue de
minute en minute, de cellule en cellule…
la misère, la haine, la guerre, gendarmes
et voleurs, la bureaucratie, la folie, tous
les symptômes du virus humain. Or, on
peu à présent isoler et soigner le virus
humain. *
(Extrait)

C’est un roman étrange, très dur, fort, noir, atypique, qui ne cache d’aucune façon son caractère autobiographique. C’est un récit qui est aussi très dur à comprendre parce qu’écrit dans un langage très argotique et incohérent, frôlant même le délire. On dirait une suite de récits interrompus. Certains de ces passages me rappellent un peu l’écriture automatique. Le langage utilisé, ainsi qu’une traduction laborieuse m’ont obligé à rester en surface mais j’ai vite compris la nature de l’écrivain. Humain mais camé. Très camé.

En principe, quand Burroughs a commencé à écrire LE FESTIN NU, il devait être libéré de la drogue. Je suis un peu sceptique après la lecture d’une substantielle quantités de passages exubérants et irrationnels qui sont souvent à soulever le cœur. Burroughs ne se fait pas d’illusion sur ce que pensera de lui le lecteur mais il insiste sur un point important sur lequel pourra s’accrocher les lecteurs et lectrices comme à un fil conducteur :

*…le virus de la drogue constitue le problème médical numéro un du monde moderne. Traitant de ce problème médical, LE FESTIN NU est fatalement brutal, obscène et répugnant. La maladie et ses détails cliniques ne sont pas pour les estomacs délicats. * (Extrait) Croyez-moi, il n’exagère pas.

Je vous en averti à nouveau, LE FESTIN NU n’est pas facile à suivre étant issu d’un esprit torturé qui s’exprime dans un langage démesurément chaotique : *…m’échauffez pas le sang ou je vous en raconte une si raide qu’elle va vous mettre le paf au garde-à-vous et vous partirez à japper après la coquillette rose du con tout neuf ou la jolie chansonnette gicleuse d’un petit cul brun d’écolier qui vous joue sur la bite comme sur un pipeau. * (Extrait) Tout à fait à l’image du livre.

Traduire un tel ouvrage a dû provoquer quelques maux de tête au traducteur éric Kahane. Pour aider un peu à la compréhension du récit et le rendre plus supportable à suivre, l’auteur a créé L’INTERZONE, une région fictive pour satisfaire tous les fantasmes, débauches sexuels débridées à l’extrême, orgies, stupre et dépravation homosexuelle et surtout un terrain où l’expérimentation chimique et médicamenteuse prolifère. Et je ne parler pas ici de médicaments pour les maux de tête. Je parle de véritables recettes de mixtures addictives qui contrôlent totalement leurs consommateurs et les condamnent irrémédiablement.

C’est un ouvrage chaotique et décousu mais pourtant, il m’a parlé. À bâtons rompus bien sûr, mais j’ai cru déceler quelque chose…un message…un avertissement…un énorme WARNING si vous me passez le terme anglais.

Ceux qui connaissent le courant littéraire issu de la *beat generation* comprendront sûrement qu’on ne peut pas rejoindre Burroughs dans la profondeur de son jugement. Je peux donc pardonner la vulgarité et les bassesses exprimées par un esprit atypique. La lecture de ce livre fut pour moi disons une expérience. Elle sera difficile à oublier. Si vous tentez l’expérience, une suggestion : n’allez pas trop en profondeur. Si vous pouvez saisir la poésie de l’auteur sans en comprendre le sens, c’est que vous avez tout compris.

Suggestion de lecture : AMERICAN GODS, de Neil Gaimen

William S. Burroughs (1914-1997) était un romancier et un artiste américain, une des principales figures de la beat génération et à ses figures emblématiques dont Jack Kerouac et Allen Ginsburg.. Principalement connu pour ses romans hallucinés mêlant drogue, homosexualité et anticipation, William Burroughs a élaboré le cut-up, technique littéraire consistant à créer un texte à partir d’autres fragments textuels d’origines diverses.

LE FESTIN NU AU CINÉMA

Le livre de Burroughs a été adapté au cinéma en 1991 par David Cronenberg. Synopsis : Employé dans une société new-yorkaise qui élimine les cafards, Bill Lee, ex-junkie, est accusé d’avoir détourné la précieuse poudre utilisée pour cette extermination. En proie à un délire hallucinatoire, il écrit « Le Festin nu ». Il tue sa femme accidentellement après l’avoir surprise faisant l’amour avec leurs deux meilleurs amis. Distribution : Peter Weller, Judy Davis, Ian Holm et Julian Sands. PRIX GÉNIE du meilleur film.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi janvier 2024

UN DIEU PARMI LES HOMMES, Sylvain Johnson

*-Il n’y a aucune place pour un être comme toi dans
la maison de Dieu. Sois maudit ! … -Il n’y a de place
nulle part pour moi sur cette foutue planète. *
(Extrait : UN DIEU PARMI LES HOMMES, de Sylvain
Johnson, Éditions Corbeau 2020, papier, 380 pages.)

Un objet non identifié s’écrase dans la campagne mauricienne. Un couple dysfonctionnel récupère un nouveau-né dans l’épave extraterrestre, Un enfant doté de pouvoirs surhumains. D’aussi grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.

Sauver le monde? Faire le bien? Ou n’être que le produit de son environnement?

Certaines légendes naissent pour contrer la noirceur, d’autres pour la répandre…

 

Accrochez-vous
*Le couple était incapable de bouger, paralysé
par la crainte et fasciné par ce qu’ils voyaient.
Leurs esprits troublés tentaient de donner un
sens à cette apparition. *
(Extrait)

C’est un livre intéressant. Original même. Il développe la nature d’un violent combat entre le bien et le mal. Ce n’est pas nouveau sauf qu’ici, il s’agit d’un combat intérieur. Voyons d’abord ce qui se passe. Un vaisseau spatial s’écrase sur la terre. Il y a deux témoins : Michel, homme violent, alcoolique, colérique, sans scrupule, bat sa femme, un monstre. Et il y a sa femme, Diane qui n’est que l’ombre d’elle-même et qui se dissout lentement aux côtés d’un homme sans conscience.

Michel explore les restes du vaisseau et y découvre un enfant. Décidant que cet enfant ne lui rapporterait rien, il décide de le tuer mais un évènement extraordinaire l’en empêche. Michel s’aperçoit que l’enfant possède des dons extraordinaires et décide de l’adopter pour, éventuellement, qu’il l’assiste dans ses activités criminelles. Il lui donne comme nom CARL. En grandissant, la puissance destructrice de Carl devient phénoménale et une chaîne d’évènements l’amène à tuer et même à massacrer.

C’est un roman noir, très violent et dont les personnages sont froids et déplaisants y compris Carl, torturé entre la possibilité de faire le mal et celle de faire le bien. Pour ce qui est de s’attacher aux personnages, on peut oublier ça. J’ai senti, dans cet ouvrage au rythme haletant, que l’auteur nous exprimait sa pensée critique sur la Société en particulier.

L’ouvrage m’a gardé captif. On eut dit que Johnson me posait toujours la même question : ici qu’est-ce que tu ferais à la place de Carl, et là qu’est-ce que tu ferais? Il y a de quoi s’interroger en effet : qu’est-ce que je ferais si j’avais la puissance d’un Dieu avec pouvoir de vie ou de mort ? Je guérirais l’humanité ou je ferais le grand ménage.

Le livre soulève aussi plusieurs autres questions : comment peut-on violer et battre des femmes à répétition sans aucune espèce de scrupule ? Comment peut-on détourner un enfant, entre autres vers la criminalité ? Le père biologique de Carl et son père adoptif sont des monstres : pas de conscience, pas de morale, sans humanité. La mère adoptive est battue, torturée et humiliée. Comment un garçon peut s’épanouir dans ces circonstances ?

Le livre se lit bien, la plume est forte et fluide. Il rend captif, il est même addictif car on se demande continuellement quel plateau de la balance Carl fera pencher. L’auteur frappe fort dès le début avec un surprenant prologue postapocalyptique. J’ai aussi accroché à l’histoire parce qu’elle se déroule au Québec dans ma belle Mauricie natale : Sainte-Thècle surtout, Shawinigan, Trois-Rivières.

Je le rappelle c’est très violent et j’ai trouvé la finale très sortie des sentiers battus…atypique. Il y a comme une espèce de post-face qui laisse supposer une suite, non annoncée, qui donne à penser que Carl pourrait trouver chaussure à son pied. Je recommande ce livre. Je crois que vous pouvez faire confiance à Sylvain Johnson, qui a quelques titres dans la série des contes interdits, pour une lecture qui vous fera vibrer.

Suggestion de lecture : LES ENFANTS DE MINUIT, de Salman Rushdie



Sylvain Johnson est né à Montréal en 1973. Après des études en arts et lettres au Cégep de Shawinigan, il s’est installé à Laval et travaille maintenant pour un organisme à but non lucratif. Il passe son temps entre Laval et le Maine, où il a collaboré avec deux nouvelles littéraires dans la première anthologie franco-américaine « Voix de chez nous ».

Son premier roman « Le Tueur des rails » a été publié en août 2010 par la maison d’édition « Pop fiction » de Montréal. Puis Sylvain s’investit dans LES CONTES INTERDITS : LE JOUEUR DE FLÛTE DE HAMELIN et LA PETITE SIRÈNE jusqu’au moment de publier mon article où il publie UN DIEU PARMI LERS HOMMES. Aujourd’hui, Sylvain Johnson vit en Caroline du Nord avec sa femme et son fils.

Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 16 décembre 2023

L’inspecteur Specteur et le doigt mort

Commentaire sur le livre de
GHISLAIN TASCHEREAU

*La nuit craquait comme un cafard sous le pied.
Il faisait soif. L’inspecteur Specteur avait des
fourmis dans les jambes. Ce n’étais pas aussi
prestigieux que deux rats dans l’estomac, mais
c’était déjà ça. *
(Extrait : L’INSPECTEUR
SPECTEUR ET LE DOIGT MORT, de Ghislain
Taschereau, Les Intouchables éditeur, 1998, papier,
215 pages)



C’est à Capit, capitale de la Friande qu’on a trouvé le doigt mort, coincé dans la trappe d’une boîte aux lettres. À qui appartient ce cure-nez ? Qui l’a placé là, au vu et au su de tous ? Dans quel but ? L’enquête ne sera pas de tout repos. Heureusement, notre héros a vendu son âme à Satan en échange d’un don particulier. Il est le meilleur inspecteur de police au monde: l’inspecteur Specteur. Mais son adversaire n’est pas un enfant de chœur.

 

Les couleurs du rire
*Ils avaient fait les trois-quarts du chemin quand Ré
mit le pied sur sa soutane et tomba pour la première
fois. Il piqua du nez -qu’il avait plein- et amortit la
chute de sa main brûlée. Une grosse pierre lui
amocha un membre du clergé. Le <ouille> qu’il
lança n’était qu’à un <c> près de ce qui le faisait
se cambrer. *
(Extrait)


C’est un livre drôle, noir, un peu vulgaire, extrêmement expressif, violent, avec une bonne dose d’intrigue et de suspense, le tout intelligemment développé faisant continuellement osciller le lecteur et la lectrice dans les limites du bien et du mal, de l’amour et de l’indifférence. Je vous donne une petite idée de l’histoire, ce que le quatrième de couverture ne fait pas.

Dans des circonstances un peu spéciales que je vous laisse découvrir, l’inspecteur, un tantinet manipulé, conclut un pacte avec le diable. Il échange son âme contre le statut de meilleur inspecteur au monde. Le contrat comprend toutefois deux petites clauses sous-évaluées par Specteur : il ne pourra avoir ni de femme, ni de petites amies. Pour le sexe, il devra s’en remettre aux prostituées et il ne se gênera pas d’ailleurs.

Puis, il devra vivre toute sa vie avec une tare, une maladie. Ici le choix se porte sur l’alcoolisme. Entre temps, une enquête complexe s’annonce pour le nouveau génie : un doigt mort est trouvé, coincé dans la trappe d’une boîte aux lettres. Qui l’a placé là ? Dans quel but? Même pour le meilleur limier au monde, ça s’annonce compliqué.

À plusieurs égards, ce livre est un bon divertissement mais il contient un humour très acide, un caractère irrévérencieux qui porte aux tournures de phrases ayant deux possibilités : ou elles sont à double-sens ou très directes…très très directes : *-…Àmène-toi immédatement au bureau. -Je m’amènerai au bureau quand je le voudrai, sale trou du cul ! Emmerdeur ! Pédéraste ! Dessert de prêtre ! Tampon de nonne ! Siège de vélo ! Sphincter de gorille ! morve de gnou ! Pus de lépreux ! * (Extrait)

Avouez que ça vous a arraché un petit sourire. Il y a aussi de petites subtilités auxquelles j’ai été sensible, des passages bien tournés : *-Il y a combien de temps que vous n’avez pas fait un séjour dans le corps d’un homme ou d’une femme ? Assez longtemps non ? …-La dernière fois, je crois que c’était dans le corps de Linda Blair. Tout ça s’était terminé dans un vulgaire film. C’était un peu décevant comme performance. Mais je m’étais tout de même un peu amusé…le lit…le crucifix, la mère, le prêtre…Que de souvenirs…* Extrait

Cette petite incartade m’avait ramené au souvenir d’un film qui m’avait beaucoup impressionné. Je vous laisse deviné lequel. C’est un livre assez original, plein de tournures de phrases humoristiques, d’allusions, de double-sens et de trouvailles comme ici l’inspecteur s’appelle specteur, son commandant s’appelle mandant. Son paternel s’appelle Ternel. Son ami le curé s’appelle Ré. Et j’en passe.

Quant à l’intrigue, et c’est là la faiblesse du livre, je l’ai trouvée noyée dans l’humour noir, les passages à caractère sexuel et autres passages farcis de sous-entendus.  La description des personnages prend aussi beaucoup de place. On se perd donc un peu dans l’enquête. Mais pour une lecture atypique, vous pouvez me croire, c’est très sorti des sentiers battus. Ce fut pour moi un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LA GRIFFE DU CHAT, de Sophie Chabanel

Ghislain Taschereau est né à Saint-Pierre Baptiste, dans la région des Bois-Francs, en 1962. Après un baccalauréat ès théâtre à l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick, Ghislain commence une carrière d’humoriste en 1989 à titre de scripteur à l’émission 100 LiMiTE. Il excelle comme auteur, comédien, narrateur et réalisateur.

À la télévision et à la radio, Ghislain a surtout œuvré avec le groupe humoristique Les Bleu Poudre. Il est également l’auteur de six romans : L’Inspecteur Specteur et le doigt mort (Les Intouchables, 1998), L’Inspecteur Specteur et la planète Nète (Les Intouchables, 1999), L’Inspecteur Specteur et le curé Ré (Les Intouchables, 2001), Diane la foudre (Les Intouchables, 2000), Tag (Goélette, 2014) et Étoiles tombantes, (Goélette, 2015).

 

Inspecteur Specteur
la suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 2 décembre 2023

CEUX DE LÀ-BAS, de Patrick Sénécal

*-Il y a une présence…un esprit est parmi nous…
(Pause) Manifeste-toi esprit. Si tu es là, tourne
une page de ce livre ouvert au milieu de la table.
Quelques secondes passent. On entend le bruit
doux d’une feuille de papier qui tourne. Hoquet
féminin de stupeur.*
(Extrait : CEUX DE LÀ-BAS,
Patrick Sénécal, Alire éditeur, 2019, édition de papier
560 pages.)

À l’aube de la cinquantaine, Victor Bettany est psychologue auprès des étudiants du cégep de Drummondville. En excellente forme physique, c’est toujours à pied qu’il se rend au boulot… ou au CHSLD afin de rendre visite à son père, Philippe, aux prises avec l’alzheimer.

Or, de voir dépérir son père perturbe Victor, lui qui a vécu il y a deux ans le décès accidentel de Roxanne, son amoureuse, et dont la peur de la mort s’amplifie en vieillissant. Mais, il se sait capable de surmonter ses angoisses, et tout cela ne l’empêche pas de vivre sa vie, ni même de chercher une nouvelle âme sœur.

Mais ce soir, sa rencontre avec une flamme potentielle ne s’est pas très bien déroulée et, plutôt que de revenir chez lui, Victor décide sur un coup de tête – qu’il va amèrement regretter quelques heures plus tard – d’assister à la première du nouveau spectacle de Crypto, un jeune hypnotiseur qui aime fouiller, paraît-il, dans les zones sombres de l’humain…

Le cœur de la peur
*Une fois dans sa voiture, il veut démarrer, mais
il tremble tellement que ses clés tombent au sol.
Au moment où il se penche pour les ramasser, il
s’immobilise comme si son dos coinçait alors qu’il
ne ressent aucune douleur. Il demeure ainsi,
paralysé par la terreur, le souffle court.* (Extrait)

Encore une fois, Patrick Sénécal nous a pondu un roman fort et encore une fois, Sénécal pèse fort où ça fait mal…étire une corde sensible qui sous-tend l’ensemble des êtres humains :  La mort sous tous ses angles, toutes ses coutures, la mort au-delà de la philosophie, de l’éthique, de la religion, la mort et ses effets sur la vie : peurs, craintes, obsessions, questionnement…tout ça dans une soupe concoctée par un spécialiste québécois de l’horreur.

CEUX DE LÀ-BAS est une longue et profonde réflexion sur la mort…la mort selon Sénécal…noire, tourmentée, intrigante, étouffante. Cette vision n’engage que l’auteur bien sûr mais il a vite fait de prendre le lecteur au piège. C’est ce qui m’arrive tout le temps avec Sénécal. Son récit est attractif. Il m’enveloppe d’abord puis me kidnappe.

La mort s’insinue au fur et à mesure de la déchéance de notre personnage principal : Victor Bettany, jeune psychologue au CÉGEP de Drummondville qui suit plusieurs jeunes en consultation dont Guillaume, un ado à surveiller.

Bettany a perdu sa conjointe, tombé d’une falaise il y a deux ans, son père est atteint d’alzeimer et s’en va doucement. Ça va pas fort en amour. Avant d’aller plus loin, voyons ce qui s’est passé.

Victor se rend à Trois-Rivières pour rencontrer une fille intéressée à une relation stable. C’est un échec. Un échec de plus. Plutôt que de rentrer à Drummondville, Victor décide, sur un coup de tête de se rendre à la salle Champ Gauche pour assister au spectacle de Crypto, un redoutable hypnotiseur qui n’est intéressé que par le côté obscur de l’être humain et qui a un faible pour le pouvoir.

Pour Victor, ce sera la pire décision de sa vie car ce fameux soir au CHAMP GAUCHE, tout va basculer y compris la vie, y compris la mort…ici Sénécal me tend un piège dont je ne sortirai pas car je n’ai jamais aimé les hypnotiseurs à spectacle, des manipulateurs de subconscient. Cette façon d’amuser la galerie nuit aux hypnotiseurs thérapeutes qui peuvent rendre de grands services…

Toujours est-il qu’au nom du pouvoir qu’un ambitieux illuminé s’est conféré…la mort s’étend comme un raz-de-marée après avoir été chassée d’un corps dans un premier temps…les proches meurent en premier puis la faucheuse met un temps pour se rendre à la cour arrière. Je ne peux ni m’expliquer ni en dire davantage. Il faut lire pour voir et patienter pour savoir.

J’ai dévoré ce livre…disons avec moins d’appétit. Il y a de nombreuses longueurs, en particulier sur les états d’âme de Victor. Je peux comprendre mais je compose assez mal avec la redondance…ça m’ennuie mais ça ne me sort pas du piège Cependant. Arnaud, l’ami de cœur de Crypto est un caractériel un peu bourru mais son lien avec Victor devenant très dense, j’aurais souhaité que le personnage soit davantage développé et plus actif.

La finale est assez bien concoctée, elles intéressante mais elle n’est pas très claire et ouvre la porte aux interprétations. Elle ne donne pas beaucoup de réponses. Pour moi si la vie a un sens, c’est que la mort en a un aussi et la vision que l’auteur a de la mort dans son récit est peu engageante. Toutefois, il nous laisse un peu d’espoir en tentant d’établir une nuance entre la mort qui arrache et la mort qui accueille. Une réflexion intéressante sur la peur, la peur de la peur et l’approche de la mort.

Ce n’est pas le meilleur livre de Patrick Sénécal mais ça reste un roman puissant malgré certains irritants et je n’ai pas parlé des fantômes qui pullulent sous le regard de Bettany…images classiques de zombies, d’humains morts qui se décomposent en dégoulinant autour des vivants comme dans POLTERGEIST.

Ça fait cliché, trash, un mélange d’horreur et de surnaturel. Sénécal a déjà fait mieux mais cependant il n’a pas fini de nous surprendre. En ce qui me concerne, le livre m’a happé malgré tout. Il a rempli son office.

Pour en savoir plus sur Patrick Sénécal, cliquez ici.
Pour lire l’article de Sarah-Émilie Nault  (lié à la photo ci-haut) sur Patrick Sénécal, rendez-vous sur Huffingtonpost.

 

Pour lire mon commentaire sur FAIMS
de Patrick Sénécal, cliquez ici.)

 

 

 

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 novembre 2023