Le monstre de Kiev

Commentaire sur le livre de
SYLVAIN JOHNSON

<Il n’eut droit à aucun procès et fut rapidement surnommé ―le monstre de Kiev― par les journaux et les citoyens, qui parleraient de son crime pendant des mois. D’autres agressions inexpliquées sur des enfants lui furent rapidement attribuées, sans la moindre preuve. Le lendemain, il était déjà en route pour le goulag, le fameux système carcéral de camps de travail. >

Extrait : LE MONSTRE DE KIEV, Sylvain Johnson, ADA éditeur, 2018, collection Corbeau, édition de papier, 445 pages.

Grigori Tarasovski, un condamné au goulag pour un horrible crime qu’il n’a pas commis, découvre la violence et la folie de son espèce au sein des camps de prisonniers. Toutefois, il s’aperçoit que l’enfer de Sibérie cache autre chose: des entités innommables, monstrueuses, nées d’une légende antique. La source de leur création – et de leurs pouvoirs – est tout près. Une source capable de changer le destin des hommes. Et de les détruire.

Note :
GOULAG : organisme central gérant les camps de travail forcé en Union soviétique. La police politique placée à la tête du système pénal développa le Goulag comme instrument de terreur et d’expansion industrielle. Cette administration pénitentiaire connut une croissance constante jusqu’à la mort de Staline, à mesure que de nouveaux groupes étaient incarcérés et déportés, et que ses prérogatives économiques se développaient. <Wikipédia>

 

L’horreur né du goulag

Quoiqu’original, LE MONSTRE DE KIEV est un roman dur, violent et d’une grande noirceur car on y plonge dans l’atmosphère de la Russie Stalinienne des années 1930 alors que le peuple était écrasé par la paranoïa et la délation. On plonge aussi dans le quotidien d’un goulag, celui de Kolyma, une prison-mouroir sibérienne, basse œuvre d’un régime politique cancéreux.

Je pourrais dire que l’histoire est en deux parties mais son caractère surnaturel est tellement manifeste qu’il est plus juste de dire que l’histoire se déroule en deux temps parallèles mais elle deviendra plus claire pour les lecteurs quand les deux existences s’imbriqueront.

On suit Grigori Tarasovsky, injustement condamné au Goulag, milieu carcéral sibérien d’une inimaginable cruauté qui transformera Grigori en monstre cruel et sans pitié. Une chaîne d’évènements mettra Grigori en présence d’enfants à l’apparence de spectres, venus de nulle part et qui doivent leur subsistance à une entité nommée *la Source* et qui doit être protégée à tout prix.

Par la suite, après avoir hérité de l’énigmatique médaille de Saint-Christophe, Tarasosvky changera de temps et d’espace grâce au concours de deux petites filles : Svetla et Tania, jusqu’à une rencontre ultime, à Montréal. Rongé par un cancer, menacé par la redoutable mafia russe, Grigori ne se doute absolument pas de ce qui est prévu pour lui, par la source…

Sachant que l’auteur, Sylvain Johnson est membre du collectif des CONTES INTERDITS, je craignais un récit gore, aux limites du supportable. Ce ne fut pas le cas. Bien sûr, la plume est crue, directe et froide, mais le récit dans l’ensemble est original. L’histoire est captivante et le style de l’auteur m’a plu.

Toutefois, l’épilogue m’a semblé un peu anarchique et la finale un peu prévisible concernant le destin de Grigori Tarasovsky. Si l’évolution du personnage principal est relativement facile, je ne peux en dire autant des créatures en général et de la Source en particulier. Des détails manquent à ma compréhension. L’aspect surnaturel est indéniable, mais, me semble-t-il, sensiblement sous développé.

Dans l’ensemble j’ai aimé ce livre. Il est bien documenté et m’a appris des choses et bien sûr, il m’a fait frissonner. Bref, c’est une histoire d’horreur qui m’a fait de l’effet.

Suggestion de lecture du même auteur : UN DIEU PARMI LES HOMMES


L’auteur Sylvain Johnson

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 juin 2025

TEMPÊTES, Andrée A. Michaud

*… mais je riais comme un maudit malade, comme un gars qui se rend compte que sa maison n’a pas été emportée par la crue printanière, comme un hostie de clown qui vient de défroquer et qui envoie chier sa confrérie de bozos en courant tout nu vers l’océan. *

Extrait : TEMPÊTES, d’Andrée A. Michaud. Version papier et numérique : Québec Amérique éditeur, 2019, 360 et 327 pages. Version audio : Vues et Voix éditeur, 2019. Durée d’écoute : 9 heures 37 minutes. Narration : Andrée A. Michaud.

Épouvante étouffante

Avec ce livre, il s’est produit un phénomène assez rare. La narration était tellement ennuyante et monocorde que je n’ai rien compris à l’histoire. C’état plus une lecture qu’une narration, sans émotion, sans chaleur ni conviction. Bien que j’aie écouté le récit jusqu’au bout, je me suis rabattue sur une version papier car il me semblait que l’histoire en valait la peine.

Il reste que, même en version reliée, TEMPÊTES est une histoire compliquée, difficile à suivre et qui évoque une mise en abyme. Cette histoire se déroule sur les deux flancs d’une montagne malveillante appelée <Massif bleu> alors que se succèdent de violentes tempêtes.

D’une part, on suit Marie Saintonge, une femme instable dans une cabane isolée et secouée par une tempête agressive, figée par la peur, des coups frappés à sa porte, des ombres qui n’ont pas leur place. D’autre part, on retrouve, sur l’autre versant de la montagne, Ric Dubois, homme psychologiquement fragile, terrifié par des spectres et la fureur du massif, pendant que les morts s’accumulent autour de lui à proximité de la <Red river>

C’est un roman très noir, très creusé, trop sans doute. Il s’agit de deux récits en alternance avec tendance à la convergence. J’’ai trouvé qu’ils étaient en dents de scie, sans fil conducteur et sous-développés. Ça manque de détails, de précisions sans distinctions réelles ou évidentes entre le rationnel et le surnaturel. De plus, il est difficile d’avoir une compréhension réelle et complète de tous ces morts.

C’est un thriller psychologique un peu tordu car s’il est question de tempêtes violentes sur le massif bleu, les éléments font rage également dans l’esprit des deux principaux personnages.

Ce qui m’a gardé dans le coup, c’est l’atmosphère, l’ambiance, le non-dit qui entretient la peur, la crainte, le doute, le frisson même. C’est toute la montagne qui vocifère et qui enveloppe le lecteur dans un voile de mystère. J’aime cette aura d’inaccessible, d’obscurité qui imprègne l’histoire. C’est une force, un crédit que j’accorde volontiers à  André A Michaud.

Manquent les explications, le fil conducteur et surtout, une logique qui soutient l’ensemble et qui m’aurait aidé à faire la part des choses. J’ai été enveloppé par l’atmosphère opaque du roman mis disons que j’ai avancé dans cette histoire plutôt péniblement.

Suggestion de lecture : L’EAU NOIRE, de Chloé Bourdon

L’autrice Andrée A. Michaud

De la même autrice

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 8 juin 2025

Les livres de Jimmy Guieu # 2

Commentaire sur la collection SF

2e partie

*<La Maison Blanche a mis en alerte toutes les bases de l’Air Force et des escadrilles de chasseurs ionosphériques dotés de missiles à ogives nucléaires sont prêtes à décoller à tout instant…pour, si possible, intercepter l’engin et le forcer à se poser sur l’une de nos bases militaires. Au cas où il serait … <habité>, M. Barclay, votre concours, en tant que biologiste et en raison de votre odyssée avec mon ami Ronald Morton <au-delà de l’infini>, nous sera très précieux pour étudier les êtres qui, peut-être, se trouvent à son bord. >*

Extrait : L’INVASION DE LA TERRE, de Jimmy Guieu, Fleuve Noir éditeur, 1952 pour l’édition original. Pour la présente, réédition : Plon-GECEP-Fleuve Noir, 1979, format numérique chez Plon, 146 pages.

Une nuit de réveillon, faite de rires et d’embrassades, un engin mystérieux cinglait vers la Terre. Un engin pacifique qui annonçait pourtant la plus terrifiante des agressions… Jerry Barclay rallierait-il à temps un peuple ami… à plus de deux millions d’années-lumière ?

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-Grand prix du Roman Science-Fiction 1954
-Prix du roman Ésotérique 1969
-Grand Prix du roman S.F. Claude Auvray, 1973

*<Cette quatrième expérience prouve surabondamment l’effroyable danger que font peser sur le monde ces folies. Il faut jeter un cri d’alarme et insister. Dans notre papier, sur les risques incalculables que peuvent entraîner ces essais d’armes thermonucléaires.

-Nous pouvons d’ores et déjà en conclure que de nouveaux faits insolites et d’autres disparitions vont vraisemblablement se reproduire…*

(Extrait : LES ÊTRES DE FEU, Jimmy Guieu, édition originale : Fleuve noir éditeur, 1976, pour la présente, réédition : Plon éditeur-GECEP-Fleuve Noir 1980. Format numérique, 153 pages)

Quand des savants atomistes disparaissent de par le monde et que s’ouvrent des puits insondables engloutissant avions, bases militaires et centres atomiques, il y a tout lieu d’être inquiet, d’invoquer une attaque venue de l’espace… Et l’on peut ainsi se tromper lourdement sur l’origine de la terrible menace…

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-Grand prix du Roman Science-Fiction 1954
-Prix du roman Ésotérique 1969
-Grand Prix du roman S.F. Claude Auvray, 1973

 

La passionnante SF des sixties

C’est la science-fiction d’un autre temps, une autre époque. C’est en effet au milieu du XXe siècle que la SF allait se forger une forte identité. À l’époque, les romans étaient porteurs de science mais il n’y avait pas d’hyper-technologie comme celle qui empreint la SF d’aujourd’hui ce qui la rend moins attrayante pour le jeune lectorat en particulier.

C’est vrai, ces livres ont un caractère vieillot. Mais ils se distinguent par leur caractère visionnaire qui ne se démentira jamais grâce à l’influence de Jules Verne, Isaac Asimov, Georges Orwell, René Barjavel, HG Wells et de plusieurs autres. Ces livres ont une aura particulière. Leur auteur étaient d’abord des créateurs d’atmosphère, puis des inducteurs de mystères et dans une certaine mesure, des sources prophétiques.

Personnellement, je me suis laissé bercé dans une bienfaisante nostalgie, comme je l’ai fait avec l’œuvre de Maurice Limat à qui j’ai consacré mon tout premier article sur ce site en 2012.

Les livres de Jimmy Guieu suivent la tendance de son époque. Les histoires sont brèves, se lisent vite et bien et sautent très vite dans le vif du sujet. Plusieurs de ces récits parlent d’invasion comme L’INVASION DE LA TERRE, un thème très récurent de nos jours :

*Ils perçurent un ronronnement léger et se reculèrent prudemment, levant le nez dans la direction de ce bruit bizarre : des hublots trapézoïdaux apparurent, démasqués par l’escamotage d’une plaque de blindage, à quatre mètres au-dessus du sol. -Attention, lança une voix venant de derrière l’astronef. Un portillon vient de s’ouvrir ! * (Extrait : L’INVASION DE LA TERRE, Jimmy Guieu)

Les auteurs de l’époque ont ouvert un bal, développant des thèmes qui sont encore privilégiés de nos jours : les ovnis, les créatures monstrueuses, le surnaturel, les mondes parallèles, les dérèglements temporels.

Plusieurs thèmes développés dans les années 1950-1970 sont encore aujourd’hui d’une brûlante actualité comme la peur viscérale des armes nucléaires, sujet développé avec une étonnante intensité dans LES ÊTRES DE FEU :

* … Il semble donc bien établi que les nombreuses disparitions d’atomisticiens et électroniciens, les non moins nombreux faits bizarres et inexpliqués que nous enregistrons sur la Terre …depuis le début des expériences atomiques durant ce mois de juillet, sont en corrélation avec lesdites expériences. Il ressort logiquement de ces constatations… dans les jours à venir, nous enregistrerons de nouvelles disparitions de savants et techniciens et que nous assisterons à de nouveaux phénomènes inexplicables. * (Extrait LES ÊTRES DE FEU, Jimmy Guieu)

Aujourd’hui, j’explore avec délice la science-fiction moderne…James Dashner, Richard Morgan, Alexis Aubenque, Catherine Fisher sans oublier George R.R. Martin, Suzanne Collins et beaucoup d’autres mais j’aurai toujours un faible pour la SF des sixties et j’aime à y revenir souvent. Elle a une saveur particulière.

La science-fiction se combine aisément avec la créativité. Jimmy Guieu en est un exemple. Enfin entre la SF du passé et celle d’aujourd’hui, il y a un pont commun : Cette tendance anticipe l’avenir de l’homme et prend parfois un aspect philosophique. Elle annonce presque toujours des temps difficiles et souvent elle a eu raison. La SF appelle à l’imagination et à la raison.

J’explore toutes les tendances littéraires en général mais entre la science-fiction et moi, il y a un élastique.



L’auteur Jimmy Guieu

Suggestions de lecture : Les 25 meilleurs livres de science-fiction de tous les temps, d’après coollibri

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 9 mars 2025

Les livres de Jimmy Guieu, # 1

Commentaire sur la collection SF
1ère partie


Chaleureuses salutations amis lecteurs et amies lectrices. Ceux et celles qui me suivent depuis mes débuts sur ce site savent que je suis généraliste dans mes choix de lectures mais ils savent aussi que j’ai toujours eu un penchant pour la science-fiction.

C’est d’ailleurs avec ce courant littéraire toujours adulé que j’ai inauguré ma série de commentaires avec un article sur la collection sf de Maurice limat (1914-2002) (voir l’article) écrivain extrêmement prolifique qui  a écrit près de 500 livres et fut un des piliers des célèbres éditions fleuve noir.

Celui dont je vais vous parler aujourd’hui fut aussi prolifique sur le plan littéraire que controversé pour ses convictions d’ufologue. Il s’agit d’Henri-René Guilleu. Pseudonyme : JIMMY GUIEU

Henri-René Guieu était un écrivain de science-fiction, ufologue, essayiste, vidéaste et communicateur français. Il a versé aussi dans les romans d’espionnage, policiers et même dans les romans érotiques. Comme Maurice Limat, il a publié abondamment chez Fleuve Noir. Il a emprunté plusieurs pseudonymes.

Outre Jimmy Guieu, il a publié sous le nom de Jimmy G. Quint, Claude Rostaing, Dominique Verseau et Claude Vauzière. Comme ufologue, il était très proche de la théorie conspirationniste en vogue aux États-Unis dans la deuxième moitié du XXe siècle et d’ailleurs encore très actuelle.

C’est de l’écrivain dont je veux surtout parler.

Les avis sur Jimmy Guieu sont très mitigés. Chose sûre, il n’a laissé personne indifférent. Je suis tombé sur ses livres, comme beaucoup de monde, dans les années 1960 et 1970 alors qu’ils étaient partout et bien en évidence avec des couvertures tape-à-l’œil et des titres accrocheurs. La présentation était typique de l’époque et très proche des concepts cinématographiques qui commençait à envahir les écrans.

Moi ça me plaisait beaucoup. Même aujourd’hui, je suis encore accro à ce style devenu vieillot, je dois l’admettre mais qui continue à frapper de plein fouet l’imaginaire des amateurs de sf, spécialement quand il est question de paranormal, d’ovnis et des mystères de l’espace. Guieu croyait dur comme fer aux ovnis et ça transpirait dans son œuvre.

En ce qui me concerne, j’ai lu une trentaine de volumes de la collection SF et pour autant que je sache, comme la collection est quelque peu linéaire, aucun chef d’oeuvre ne figure dans la longue bibliographie de Guieu. J’ai aimé ces livres pour le contexte, la situation et surtout l’atmosphère de chaque histoire, en harmonie avec le mystère, l’intrigue, l’obscur, l’incompréhensible même si le tout rappelle parfois le papier mâché. Guilleu a tout de même frappé mon imagination.

On peut facilement entrer dans l’univers de Guilleu si on surmonte les nombreux irritants qui jalonnent son œuvre. Ici je rejoins la pensée de Richard D. Nolane, écrivain, traducteur, anthologiste et scénariste qui a rédigé un excellent dossier sur Jimmy Guilleu paru en 2004 sur sfmag.net :

À la lecture des romans de Jimmy Guieu, on découvre vite que celui-ci n’est pas un grand styliste et qu’il a un penchant un peu trop prononcé pour les digressions et les explications qui cassent l’action. Quant aux intrigues, il arrive assez souvent que leur déroulement ne soit pas à hauteur de ce que laissait espérer leur début, Jimmy Guieu étant plutôt habile pour capter l’attention du lecteur dans les premiers chapitres. Enfin, les personnages ne sont que très rarement nuancés : les bons sont aussi parfaits que les méchants sont abjects. (Extrait : JIMMY GUIEU, itinéraire d’un franc-tireur de la SF française, Richard D. Nolane, 2004)

Le succès éditorial de Guieu s’explique par le fait qu’il atteint son lecteur avec le pouvoir de faire vibrer ses cordes sensibles et il m’a donné l’impression de participer à l’aventure.

Je poursuivrai dans ma prochaine publication, avec la deuxième partie de mon commentaire sur la collection SF de Jimmy Guieu, deux livres en particulier.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 8 mars 2025

 

RÉCITS DE NOIREPIERRE

Commentaire sur le livre de
TRISTAN MORLAËS

<Ils avaient donné forme à leur cupidité, leurs désirs et leurs vices ; et en retour, cette bête noire se délecta de leurs âmes. Il se terra en ce pays maudit, et l’on ne tarda guère à parler des Terres du mal ; il prit possession de cette forteresse, et partout le nom de Noirepierre devint une peur que l’on agite pour calmer les enfants capricieux.

Mais en ses murs, l’expression même du mal se mit à mûrir, et un jour, il débordera de ses remparts pour se déverser à travers les paysages, embrasser les hommes fautifs et dévorer les pouvoirs secrets des véritables Éternels. >

Extrait : RÉCITS DE NOIREPIERRE, Tristan Morlaës, Les éditions du 38, 2021, Collection du Fou, format numérique, 625 pages.

La Citadelle de Noirepierre. Une vieille forteresse en ruine, habitée par Dieu sait quel esprit maléfique. Du village misérable qui gît à sa frontière, jusqu’à ses marécages hantés, il faudrait être fou pour s’aventurer en pareille contrée. Pourtant, des héros venus de royaumes lointains y ont traîné leurs basques, en quête de richesse et de gloire : ceux qui en sont revenus se comptent sur les doigts d’une main. Que viennent-ils donc chercher en ces lieux désolés ? La rédemption, pour ce chevalier déchu ? Une vie de solitude, pour cette enfant que l’on nomme sorcière ? Quelques âmes à importuner, pour ce farfadet facétieux ?

Le noir, le mal et la peur

J’ai été accro à ce livre parce que, c’est le moins que je puisse dire, l’imaginaire de son auteur, Tristan Morlaës est tout à fait fascinant. De cet imaginaire est issue NOIREPIERRE, une citadelle macabre avec, en son centre une sombre et vieille forteresse en ruine. Le tout, perdu au milieu de marais puants et gluants et d’une forêt dense, inquiétante, lugubre, et bourrée de créatures étranges, bref, perdue au milieu de nulle part. Le mal, le diable ont rendu l’endroit imprenable et peu en reviennent vivants.

*Les terres du mal sont un environnement profondément dépressif. Les humains qui s’y aventurent ne peuvent espérer en sortir indemnes, comme contaminés par la négativité du lieu et de la créature qui y réside. Dans ce marécage mental, il n’y a aucun espoir… * Extrait

(Tristan Morlaës, dans la postface de son livre précise qu’on peut prêter plusieurs sens à son histoire, qu’on a le choix des clés de lecture. Dans l’extrait, il fait référence à la santé mentale. Une cause qui lui tient à cœur. Un personnage bien précis de l’histoire pourrait être au cœur de cette clé de compréhension : Maleaume, le guerrier chef des Corbeaux.)

À proximité de Noirepierre, se trouve une petite bourgade miteuse et délabrée appelée CENDRESPOIR, l’étape ultime pour les chevaliers, aventuriers, braves, héros, exorcistes, justiciers et redresseurs de torts venus affronter la périlleuse obscurité de Noirepierre.

RÉCITS DE NOIRPIERRE est exactement ce que son titre suppose : un recueil de courtes histoires, récits et contes qui tous, convergent vers l’affrontement final avec des personnages récurrents. L’auteur a déployé beaucoup d’imagination dans la description du malin allant jusqu’à lui opposer l’armée du pape.

La grande force de cette histoire est son atmosphère, le non-dit, une ambiance génératrice d’angoisse et d’inconfort, moteur d’émotions, d’intensité voire d’exaltation et c’est exactement ce que cherchent les amateurs de *dark fantasy*.

Ceux et celles qui ont vu les films PROJET BLAIR vont peut-être comprendre plus facilement ce que je veux dire. Ça joue exactement de la même façon sur la pression psychologique du lecteur et de la lectrice. C’est un livre qui brasse les émotions et pourrait ébranler même les plus endurcis.

C’est un livre fort, très noir et j’ai trouvé l’écriture très belle et descriptive sans exagération, plaisant à lire pour les lecteurs et lectrices qui aiment être confronté au surnaturel et à l’invraisemblable même si le thème développé est vieux comme le monde. Il y a quand même d’intéressantes touches d’originalité.

La seule faiblesse notable de l’œuvre pour moi est sa finale que j’ai trouvée sensiblement nonchalante, pas trop facile à suivre car tous les personnages des contes s’y retrouvent. Manque un peu de détails, de fini, d’abouti. C’est tout. Dans l’ensemble, c’est un excellent livre, ajusté au ressenti et à l’interprétation personnelle de chaque lecteur et lectrice.

Né en 1992, Tristan Morlaës mène une première vie de bibliothécaire à Paris et Strasbourg, durant laquelle il écrit des articles sur le jeu vidéo pour La revue des livres pour enfants et participe au podcast culturel Le PostCast. En août 2019, il délaisse son quotidien bien rangé pour partir sur les routes d’Europe et d’Asie. Depuis, le goût du voyage s’est mêlé à celui de l’écriture, et il continue de noircir le papier au fil des kilomètres.

Les secrets d’écriture de MORLAËS

L’auteur Tristan Morlaës dévoile ses secrets d’écriture de RÉCITS DE NOIREPIERRE dans une très intéressante entrevue accordée actusf.com.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 février 2025

LES OISEAUX

Commentaire sur le recueil de
DAPHNÉ Du MAURIER

<Il cria en agitant les bras et les dispersa; comme le premier oiseau, ils s’envolèrent et disparurent par-dessus le toit. Il laissa vivement retomber la vitre de la fenêtre à guillotine et la ferma. -Tu as entendu ça ? dit-il. Ils m’ont attaqué, ils voulaient me crever les yeux. > Extrait : LES OISEAUX ET AUTRES NOUVELLES, Daphné Du Maurier, Albin Michel éditeur, 1953 et 1988. Édition de papier, 327 pages.

LES NOUVELLES :

Les Oiseaux : Sans raisons apparentes, des nuées d’oiseaux attaquent des maisons, puis un village. Les agressions s’étendent. La guerre aux humains semble déclarée.

Le pommier : Un veuf associe mentalement un vieux pommier de son jardin à son épouse récemment décédée. À côté du vieil arbre se trouve un jeune pommier qui rappelle à l’homme une fille qu’il a aimée. Le vieux pommier en voudrait-il à l’homme ?

Encore un baiser : Des aviateurs sont tués, supposément par une femme activement recherchée. Malheureusement, le héros de l’histoire s’est trouvé sur son chemin.

Le vieux : Près d’un lac, un homme observe à distance un vieux couple dont il est impossible de percer l’intimité jusqu’à ce qu’un évènement tout à fait inattendu renverse complètement l’observateur.

Mobile inconnu : Un détective privé enquête sur le suicide d’une jeune femme. Ce qu’il apprend est désarmant. Ce qu’il dira au père de la jeune suicidée est tout à fait inattendu.

Le petit photographe : une femme de la haute société mais tout à fait insignifiante, s’ennuie dans son couple. Pour mettre du piquant dans sa vie, elle prend un amant qu’elle va manipuler cruellement, pour s’amuser et passer le temps. Mais ça ne se terminera pas du tout comme elle l’espérait.

Une seconde d’éternité : Au retour d’une promenade, une femme ne reconnait plus sa maison et observe à sa grande surprise que la maison est occupée. La police l’emmène au poste. Personne ne semble reconnaître cette femme. Quelque chose a dû se passer pendant la promenade…

Au cœur de la nuit, le vent d’est cingle la falaise. Entre deux rafales, des nuées d’oiseaux cognent aux vitres. Mais ce n’est pas la peur qui les précipite avec une telle force vers le monde des hommes…

On retrouvera ici – et pas moins terrifiant – le récit qui inspira son chef-d’œuvre au maître de l’angoisse, Alfred Hitchcock.

Dans les autres nouvelles de ce recueil, l’horreur se fait plus insidieuse, le fantastique à peine étranger au réel. Il suffit d’un pommier à forme étrangement humaine, ou d’une ouvreuse de cinéma qu’un jeune mécanicien a envie de suivre après la séance…

La fiction que la réalité redoute

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Les nouvelles ne m’ont pas toutes atteint de la même façon.

J’ai adoré ou simplement aimé mais aucun récit ne m’a laissé indifférent. Toutes les histoires sont imprégnées d’étrange, de mystère, de bizarre allant aux limites du surnaturel, du fantastique.

Dans chaque récit, j’ai particulièrement apprécié une petite touche d’inachevé, d’inabouti, parfaitement voulue par l’autrice. Mais elle nous laisse quantité d’indices, de clés…non pour nous permettre de résoudre le mystère mais plutôt de titiller notre libre arbitre, stimuler notre réflexion, bref nous équiper pour amener notre propre solution. Brillant.

Évidemment, la nouvelle la plus célèbre est la première : LES OISEAUX. Bien que cette nouvelle angoissante ait inspiré le célèbre film éponyme, je veux préciser ici que l’œuvre d’Alfred Hitchcok n’a pas grand-chose à voir avec la nouvelle de Daphné Du Maurier. Hitchcok s’est aussi basé sur autre chose, Un fait vécu mais explicable apparemment. Il faut lire la nouvelle car ce détail m’a sauté aux yeux.

Cela dit, LES OISEAUX occulte sensiblement les autres nouvelles et c’est un peu dommage car elles ont toutes sans exception un cachet particulier et attractif, en particulier UNE SECONDE D’ÉTERNITÉ qui m’a fait développer une forte empathie pour la pauvre madame Ellis et LE VIEUX qui m’a totalement pris par surprise.

J’admire la capacité de Daphné Du Maurier d’amalgamer aussi subtilement qu’habilement la psychologie et la conscience humaine en insérant à chacune de ses nouvelles ces éléments qui amènent le lecteur, la lectrice à plonger dans l’impossible, le hasard, la coïncidence…le surnaturel.

Brillamment écrit et fortement recommandé : LES OISEAUX et autres nouvelles de Daphné Du Maurier.

Suggestion de lecture : MALÉFIQUE LE POUVOIR DU MAL (roman du film) d’Elizabeth Rudnik


Extrait du film LES OISEAUX …voir les détails


L’auteure DAPHNÉ Du MAURIER

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 janvier 2025

LES SEPT MORTS D’EVELYN HARDCASTLE

Le tout premier roman de Stuart Turton

PROMETTEUR…

*Rien de tel qu’un masque pour révéler la vraie nature d’une personne. * (Version audio par Lizzie éditeur, 2019. Durée d’écoute : 17 heures 15 minutes. Narrateur : Laurent Natrella. Édition de papier : Sonatine éditeur, 2017, 539 pages, format numérique : Sonatine éditeur, 2019, 467 pages 2383 KB)

Ce soir à 11 heures, Evelyn Hardcastle va être assassinée. Qui, dans cette luxueuse demeure anglaise, a intérêt à la tuer ? Aiden Bishop a quelques heures pour trouver l’identité de l’assassin et empêcher le meurtre. Tant qu’il n’est pas parvenu à ses fins, il est condamné à revivre sans cesse la même journée. Celle de la mort d’Evelyn Hardcastle.

*À quel point faut-il être perdu pour
laisser le diable vous indiquer votre chemin ? *
(Extrait)

C’est un roman complexe qui dénature l’espace-temps au profit d’un système qui ne sera dévoilé qu’à la fin, rien de moins qu’imprévisible, une finale fort intéressante mais qui manque un peu de saveur, ce qui n’est pas le cas du récit dans son ensemble alors que dès que vous croyez mettre la main sur un meurtrier potentiel, une chaîne d’évènements vous ramène à vos devoirs pour la simple raison que tout n’est qu’apparence comme dans SHUTTER ISLAND le livre célèbre de Dennis Lehane qui a entretenu dans son oeuvre une confusion savamment étudiée.

LES SEPT MORTS D’EVELYN HARDCASTLE n’est qu’une longue mystification. Reste pour vous à découvrir sur quoi elle repose. Drogue ? Surnaturel ? Machiavélisme ? Un amalgame peut-être. L’intrigue est profonde et complexe. L’histoire débute d’ailleurs presque sur des chapeaux de roues.

Un soir, à 11 heures très précises, Evelyn Hardcastle sera tuée. C’est Aiden Bishop qui est désignée pour découvrir le meurtrier et il n’a que quelques heures pour le faire. S’il ne réussit pas, il devra revivre la mort d’Evelyn chaque jour, sans arrêt, vivre chaque journée, qui sera toujours la même. Il n’y a qu’une solution pour sortir de ce cauchemar : fournir un nom à celui qu’on pourrait appeler le maître du jeu. Quand ce fut fait, je compris alors les motivations des mystificateurs et c’est là que j’ai consacré finalement l’originalité du roman : plus qu’un jeu, un défi pour l’esprit.

Turton entretient savamment le mystère et l’intrigue grâce à ses personnages bien modelés, travaillés en profondeur. Que ce soit le mystérieux docteur de Peste qui semble un intermédiaire dans cette histoire, ou l’énigmatique Hélene Hardcastle qui fût ma première suspecte officielle mais qui fut supplantée par la suite, ou le docteur Diggy qui semble en savoir très long ou monsieur Bell qui confirme un lien de la drogue avec cette histoire.

Dites-vous bien que, vous explorez un pavé bourré de phrases masquées, de non-dits, de liens obscurs et d’énigmes qui gagnent en épaisseur au fil du récit. Je me demande comment ce serait débrouillé Hercule Poirot, le célèbre détective créé par Agatha Christie dans un casse-tête *mille pièces* comme celui-ci. J’ai beaucoup aimé relever ce défi. Ça m’a bousculé, brassé même. Mais j’y ai pris goût.

Malgré tout, je déplore des longueurs, une grande quantité de personnages qu’il faut se remettre à l’esprit rapidement et une finale un peu molle mais le développement est impeccable. Pour son premier roman, je crois que Stuart Turnton s’est investi à fond. C’est prometteur.  Quant à la version audio, Beau travail du narrateur Laurent Natrella.



Pour en savoir plus sur Stuart Turton (ci-haut), cliquez ici.
Du même genre, commentaire sur BIBLIOCLO : le livre d’Agatha Christie À l’hôtel Bertram

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 28 juillet 2024

 

BOURBON IV. LE LIVRE DE LA MORT

Commentaire sur le livre
d’un auteur anonyme

 

*Avertissement : cher lecteur, vous avez ouvert
le livre de la mort. Les apparences peuvent être
trompeuses. Lisez avec attention. Anonyme. *
(Extrait : BOURBON KID, tom IV, LE LIVRE DE LA
MORT, Sonatine éditeur, format Le Livre de Poche
2013, 500 pages. Version audio : Audible studios
éditeur, 2018, durée d’écoute : 13 heures 54 minu-
tes, narrateur : Nicolas Justamon.

La série

Officiellement mort, le Bourbon Kid pourrait en profiter pour couler des jours heureux en compagnie de Beth, son amour de jeunesse enfin retrouvé. Encore faudrait-il que sa nouvelle identité reste secrète, sans quoi ses nombreuses victimes et ses ennemis, plus nombreux encore, finiraient bien par s’unir pour se venger. Mais quand Beth est kidnappée, et qu’il s’avère aussi être le seul à pouvoir sauver Santa Mondega d’un terrible bain de sang, le Bourbon Kid n’a plus qu’une solution : revenir d’entre les morts. Plus sauvage et plus impitoyable que jamais. Tome IV

 

 

Un retour chez les vivants
*- Ouais, j’ai entendu parler de ça. Un fusil à canon scié
dans le trou de balle. Une façon bien merdique de mourir. *
(Extrait)

C’est le quatrième volet de la série BOURBON KID dont l’origine remonte au LIVRE SANS NOM. La petite différence dans ce volet c’est le principal objet de convoitise. Il y a l’œil de la Lune, déjà connue et maintenant le LIVRE DE LA MORT. Il suffit d’y inscrire le nom d’une personne pour qu’elle meure. Sinon, rien de neuf sous le soleil. Il y a autant de morts que de mouches.

Santa Mondega est infestée de vermines qui veulent s’allier pour dominer le monde. Il y a des vampires, des loups-garous, des momies, des zombies et même un Père-Noël tueur d’enfants. À travers tout ce beau monde, des idiots, des crétins, des illuminés et des dégénérés. Quoique légèrement supérieur aux livres 2 et 3, Ce quatrième opus, c’est n’importe quoi, une descente dans la démesure, des dialogues insignifiants et une violence innommable presque traitée avec le sourire.

En fait, en matière de développement, d’idées, d’intrigues, de crédibilité des personnages et de leurs motivations et sur plusieurs autres plans, LE LIVRE DE LA MORT n’arrive pas à la cheville du LIVRE SANS NOM. Ce livre a eu un succès inespéré d’autant qu’on ne connaissait pas son auteur…auteur qui a décidé de continuer…pourquoi arrêter une formule gagnante? Mais voilà…l’essoufflement s’est fait sentir dès le deuxième opus. Dans le livre de la mort, les poumons sont presque vides.

Mais si je vois la série avec un peu de recul, je constate tout de même que LE LIVRE DE LA MORT apporte quelques réponses à mes questions et précise davantage le sort de certains personnages. Celui du Bourbon Kid demeure obscur faisant de BOURBON KID une série qui ne finit pas de finir.

Je sens bien que je suis un peu à contre-courant dans mon commentaire. C’est vrai qu’il y a de l’humour dans le récit, de l’action et du rythme. Ça plait. Mais en ce qui me concerne, traiter et développer la violence avec autant de légèreté aurait plutôt tendance à m’agresser. 

En passant, dans la version audio, j’ai trouvé les dialogues déclamés, théâtraux, emphatiques. Plusieurs de ces dialogues frôlaient la caricature. Peut-être que le narrateur tentait de me dire par là que je devais accepter le livre pour ce qu’il est : un monde à part, décalé, complètement atypique, totalement différent, une sorte de conte fou. Enfin, personnellement, je suis content de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : L’AIGLE DE SANG de Jean-Christophe Chaumette

NOTE : Au moment de publier cet article, on ne savait toujours pas qui a écrit la série Bourbon Kid. Dans les milieux littéraires, plusieurs pensent qu’il s’agit de Quentin Tarentino dont le style serait très compatible avec celui de Bourbon Kid qui fait plutôt dur à cuire et je suis d’accord avec cette idée. On le saura bien tôt ou tard si ce n’est déjà fait. Voyez le dossier complet préparé par WIKIPÉDIA sur le Bourbon Kid. Cliquez ici.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 29 octobre 2023

LE PUITS D’ANDROMÈDE, de Martin Shenk

<Peter Wiley jeta un coup d’œil circulaire et
ne vit les signes de plus en plus manifestes
de la déchéance-une odeur de moisissure et cette
crasse qui envahit tout lorsqu’on est près de toucher
le fond. >  
Extrait : LE PUITS D’ANDROMÈDE, Martin
Schenk, Presses de la Cité, t.f. 1998. Édition de papier,
 pages.

Une idée mortelle
<Affaissée sur l’épaule de Peter, elle
regardait derrière lui et voyait les
choses comme n’aurait pu le faire
aucune fillette de son âge. >
Extrait

C’est un roman étrange mais qui a une grande qualité : il est intrigant et force la curiosité du lecteur et de la lectrice, captant leur attention jusqu’à la finale qui, elle, m’a un peu déchiré. Voyons d’abord l’histoire en bref. Nous suivons la famille Wiley : Peter, le père, Sandra, la mère et les enfants Will et Andromède, installés à Wihbone, une petite ville du Kansas dans une profonde misère.

Un jour, Sandra entend parler d’une petite fille, surnommée par la presse Baby Carlotta, tombée dans un puits profonds abandonné et mise ainsi en danger de mort. Les journalistes se déploient car le sauvetage n’est pas certain. Les encouragements arrivent de partout ainsi que…l’argent. Sandra se dit pourquoi pas ? Elle élabore un plan avec la complicité de Peter : organiser la chute de Will dans un puits abandonné, inspirer la pitié, assister à un sauvetage problématique. Mais rien ne se passe comme prévu.

D’abord c’est Andromède qui tombera dans le puits et qui vivra un enfer de cinq jours dans les profondeurs de la terre. La presse dramatise l’évènement autant qu’elle le peut. L’argent rentre et plusieurs citoyens de Wishbone profiteront avec avidité de la manne provoquée par la situation périlleuse d’Andromède. Ce que tout le monde apprendra une quinzaine d’années plus tard, c’est que cet évènement a réveillé des forces inimaginables au centre desquelles se trouve maintenant la petite Andromède…devenue grande…

Le roman est développé avec un grand souci du détail. Par exemple, le sauvetage d’Andromède est tellement bien décrit que j’ai l’impression d’être sur place. J’ai eu peur pour elle jusqu’à ce que des changements de sa personnalité me pousse à avoir peur pour tout le monde. On sent que le roman a été écrit par un scénariste car il est développé à la manière d’un film…très descriptif, visuel et finalement addictif.

Le développement m’a donc gardé captif jusqu’à la finale que j’ai trouvée un peu bizarre. Une finale spectaculaire, terriblement meurtrière et totalement démesurée par rapport à l’importance des évènements du puits, d’autant qu’il n’y a pas que les profiteurs qui paieront le prix de leur avidité mais beaucoup d’innocents y passent.

Je ne vous parlerai pas ici du sort de la famille mais vous devez savoir que la conclusion comporte un mélange un peu facile de science, d’ésotérisme, de science-fiction, de surnaturel et de philosophie. Entre le développement et la conclusion, il y a un manque d’équilibre. Trop de détails sont escamotés, comme au cinéma. Tout le pouvoir du roman repose sur les fameuses racines du puits dont je n’ai à peu près rien su finalement.

Si j’ai trouvé la finale expédiée et presque quelconque, elle aura permis au moins une petite réflexion et un questionnement sur le pouvoir de l’esprit, la volonté de vivre et surtout sur cette vie qui, sans qu’on s’en rende vraiment compte, fourmille sous nos pieds, sous la terre.

Peut-être y a-t-il même une intelligence. C’est ce que laisse supposer l’aventure d’Andromède dans le puits, étouffée par la peur et une terrible solitude. Je vous recommande ce livre à cause de la qualité de son développement.

NOTE : Une histoire semblable est développée dans le film de Billy Wilder sorti en 1951 LE GOUFFRE AUX CHIMÈRES avec Kirk Douglas.

Suggestion de lecture : 300 MINUTES DE DANGER, de Jack Heath

NOTE : Martin Schenk est un autre de ces auteurs fantômes sur lesquels il est pratiquement impossible de trouver biographie et photos sur internet. Je sais toutefois que sa carrière d’auteur n’est pas allée très loin. Je lui connais un autre thriller, A SMALL DARK PLACE et ça ne va pas plus loin, du moins à ma connaissance. Martin Schenk demeure cependant un scénariste confirmé d’Hollywood.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 21 juillet 2023

 

LE DIEU DU DELTA 1, NOUVEAU MONDE

Commentaire sur le livre de
Bertrand Passegué

*De la petite éminence sur laquelle il se tenait, le vaisseau ressemblait
à une carapace de crustacé monstrueux échoué sur une grève d’algues
sombres. Tout autour, la végétation était verte, comme sur la terre mais
d’un vert plus intense, plus sombre, presque froid. L’herbe épaisse,
humide, craquait sous les pieds. Une bonne herbe. *
(Extrait : LE DIEU DU DELTA, livre 1, NOUVEAU MONDE, Bertrand Passegué,
Édition Critic, 2016, format numérique, 432 pages. disp. format broché)

Trente-cinq années dans l’espace, c’est un bien long voyage pour un vaisseau terrien. Pourtant, c’est à l’arrivée sur la planète Bêta IV Hydri que les véritables ennuis commencent pour l’astrogateur Nathan Stone et ses compagnons. Dans la petite colonie, plusieurs sections – militaires, politiciens, citoyens ambitieux – s’affrontent.
Qui parviendra à imposer son pouvoir ? Et quelle est donc cette étonnante entité qui vit au cœur du delta auprès duquel s’est posé leur vaisseau ? Ils pensaient fuir une terre devenue inhospitalière et dénicher un havre de paix mais finalement, ils vont trouver la guerre.

Là où il y a de l’humain…
(Variation sur un thème connu)
*Avec les réserves de nourriture, les vêtements, les médicaments,
enfin, tout ce que Wowocka voudra bien nous laisser…Nous
réussirons à survivre ! Et nous recommencerons à cultiver le
sol avec nos mains, à élever notre bétail, comme nos lointains
ancêtres de la terre… Peut-être même que nous serons heureux ! *
(extrait)

Variation sur un thème archi-connu, toutefois, Nouveau Monde, le premier tome de LE DELTA DU FLEUVE pose beaucoup de questions et tend à démontrer que la principale nuisance de l’homme est l’homme lui-même. Nous sommes au XXXIe siècle. La terre se meurt. On décide d’envoyer une expédition afin de coloniser une planète déclarée depuis longtemps habitable : BÉTA IV.

Un immense vaisseau y emmène plus de 3000 colons et plusieurs centaines de membres d’équipage. Après trente années de voyage, une fois à destination, la suite s’annonce difficile, voire périlleuse. En fait, le vaisseau est à peine posé que la discorde s’installe entre le maître à bord, le capitaine Kodkine et les colons et même entre les colons, ça déraille. Il se forme des clans. Bientôt la première défection, Wowoka, un indien. D’autres le suivront.

Puis, poussés par la tyrannie de Kodkine, les colons quitteront le vaisseau pour créer un village dans la forêt et feront bientôt connaissance avec une mystérieuse entité entourée d’une nuée d’insectes, une entité qui aura bientôt son premier prêtre : Wowoka. Entre temps, la guerre éclate entre l’équipage et les colons. Assoiffé de pouvoir, Kodkine demeure inflexible. L’opération Béta IV se dirige vers un échec lamentable et sanglant. Qui aura le dernier mot : Kodkine, les colons ou le mystérieux dieu du Delta ?

L’auteur met en perspective la volonté des hommes de bâtir un monde nouveau en évitant les erreurs du passé sur terre. Mauvais calcul des hommes car ils ont amené l’hommerie avec eux. La nature humaine n’échappe pas à l’atavisme de sa nature. Autre mauvais calcul, on a laissé tout reposé sur un seul homme à qui on a donné le pouvoir absolu : Kodkine. On a joué avec le feu, on s’est brûlé. Ce qui devait être un nouveau départ avec une vie meilleure n’est devenu rien d’autre qu’un effroyable gâchis.

Et c’est là que l’auteur m’a surpris… en créant une entité omnisciente qui a tout prévu. Mais prévu quoi : Si vous êtes comme moi, vous risquez d’être pris dans une toile addictive jusqu’à la finale qui est de toute beauté même si elle est très abrupte. En tout cas, elle donne un signal clair pour le deuxième tome de la trilogie : LE SEPTIÈME CYCLE

C’est bien écrit, bien imaginé, exprimé clairement avec un fond de philosophie car on sent que la pensée de l’auteur est tournée vers la nature humaine qui est mal connue même des hommes on dirait car sinon pourquoi les autorités auraient-elles mis tous les pouvoirs entre les mains d’un seul homme, Kodkine, sans tenir compte du fait que les aspirations allaient forcément diverger. Le livre pose une question simple : L’homme peut-il changer.

Le fait d’avoir créé un régime totalitaire avant même que le vaisseau se pose sur Béta IV semble répondre à la question. J’ai aimé cet ouvrage, l’étude sociale qu’elle comporte et son petit côté ésotérique et même surnaturel. L’intrigue est bonne, les personnages très bien travaillés. Une seule petite incohérence. Un pouvoir extraordinaire sauve des femmes en faisant disparaître le vaisseau. Pourquoi un tel pouvoir n’aurait-il pu empêcher une guerre meurtrière. J’ai l’impression que la réponse se trouve dans le tome suivant. À lire donc, une œuvre intéressante, cohérente, crédible et introspective : LE DIEU DU DELTA, premier tome : NOUVEAU MONDE

Suggestion de lecture : EXOMONDE, d’Emma Cornellis

Le Dieu du delta…la suite

NOTE : Né le 17 janvier 1946 à Neuilly-sur-Seine, Bertrand Passegué est depuis toujours un lecteur boulimique. Ancien professeur, maintenant à la retraite, au moment d’écrire ces lignes, il vit avec sa femme artiste dans une vieille ferme restaurée par leurs soins. (photo non-disponible)

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 30 avril 2023