GHOST STORY, best-seller de Peter Straub

*J’étais atterré et je regardai soudain son beau visage avec un effroi incrédule. L’XXX n’était pas seulement un groupe de dingues californiens se déguisant avec des robes de mage, ils étaient à proprement parler effrayants. On les savait d’une cruauté confinant à la sauvagerie.*

(Extrait: GHOST STORY, Peter Straub, 1979, présente version: Bragelonne 2013, édition numérique, 640 pages)

Dans une sinistre petite ville appelée Milburn, dans l’état de New-York, quatre vieux amis passent leurs soirées à se raconter de terrifiantes histoires de fantômes. Avant, ils étaient cinq, mais le cinquième est mort dans des circonstances très étranges et il avait toutes les apparences de quelqu’un mort de peur. Depuis, aucun des trois autre n’échappe aux terribles visions qui hantent leurs nuits. Entre créatures mythiques et esprits vengeurs tout droit sortis de leurs récits d’horreur, ils découvrent bientôt que la pire des monstruosités est en réalité issue de leur propre passé…un secret…un terrible secret…

Celui qui manque
*Lorsqu’il finit par trouver le courage
d’aborder Sears James (qui l’avait
toujours terrifié), il se mit à parler
d’assurances, comme s’il était sous
le coup d’une malédiction. Après la
découverte du corps d’Edward
Wanderley, il rentra piteusement chez
lui, comme les autres incités.*
(Extrait: GHOST STORY)

J’avais déjà lu LE TALISMAN DES TERRITOIRES que Peter Straub a coécrit avec Stephen King. Mais là, j’étais curieux de savoir comment Straub se débrouillait en solo. J’ai choisi de lire un de ses premiers grands romans, le premier vrai je crois : GHOST STORY, initialement traduit sous le titre LE FANTÖME DE MILBURNE.

On ne peut pas nier l’influence de King mais je trouve que Straub a une façon bien à lui d’entretenir une atmosphère glaciale et inconfortable qui fige l’attention du lecteur. Je n’ai pas été déçu. Même si le rythme du récit est désespérément lent, GHOST STORY demeure un roman d’horreur qui fait ressentir au lecteur une ambiance surnaturelle constante et qui explose à la fin. 

J’ai trouvé l’ensemble original : À Milburn, quatre hommes âgés se réunissent ponctuellement pour se raconter des histoires… à tour de rôle…*Leurs histoires avaient d’ailleurs tendance à devenir de plus en plus horribles. Chaque fois qu’ils se retrouvaient, ils se faisaient peur mais ils n’en continuaient pas moins à se voir parce que cesser de le faire eût été encore plus effrayant. * (Extrait)

John Jaffrey, médecin, Sears James et Ricky Hawthorne, avocats et Lewis Benedickt, promoteur à la retraite ont formé un petit groupe baptisé pompeusement la chowder Society.

Là où ça devient intriguant c’est qu’avant les quatre amis étaient…cinq. Il y a un an, lors d’une fête organisée par Jaffrey, Edward Wanderley est mort. La terreur la plus pure s’affichait sur son visage. Il était clair que Wanderley est mort de peur. Cette mort a ébranlé la Chowder Society jusqu’à leur en faire perdre le sommeil.

La Chowder Society détiendrait-elle la clé du mystère…*Ils ressentaient de la tristesse, de la colère, du désespoir, de la culpabilité*. (Extrait) Cette hantise allait bientôt propulser chaque membre du petit groupe dans une incroyable histoire de fantôme et de réincarnation. 

C’est un roman très long, plus de 625 pages. Il faut apprivoiser son contenu, car pour ce qui est de s’étendre sur la psychologie et la personnalité des personnages, Straub n’est pas vraiment différent de King.

Tout est dans l’atmosphère, le non exprimé, l’épouvante qui s’installe graduellement jusqu’à nouer les tripes et une capacité de l’auteur à lancer au lecteur un défi quant à séparer le réel de l’imaginaire :

*Je ne sais plus ce qui est réel de ce qui ne l’est pas, pensa-t-il avant de sortir. L’inconnu-le neveu de M. Wanderley- se tenait à l’entrée du living. –Pour vous dire la vérité, ce qui m’intéresse en ce moment, c’est ce qui distingue l’imaginaire de la réalité.* (Extrait)

Donc ce qui pourrait être un irritant non négligeable pour les amateurs de romans d’horreur, c’est la lenteur du rythme, de l’évolution du récit, par moment, l’action se dissout. Le fil conducteur du récit rappelle la pieuvre, c’est-à-dire qu’il prend des directions dont beaucoup de lecteurs se passeraient volontiers.

J’ajouterai un peu à l’intrigue en vous disant que tout change et s’accélère dans le récit à partir de l’apparition du lynx. Je vous laisse le plaisir de découvrir pourquoi. Je peux juste vous dire que dans mon entourage, on aurait pu me croire ligoté à mon siège. 

GHOST STORY est une brique qui se divise en trois parties : le premier quart du volume se concentre sur l’introduction à cette atmosphère malsaine qui s’installe graduellement sur Milburn et à la Chowder Society. Dans les deuxième et troisième quarts, l’écriture est très lente et farcie d’intrigues secondaires.

C’est tout de même dans cette partie centrale qu’est développée la psychologie des personnages qui amènera plus tard dans le récit des éclaircissements sur la peur qui les envahit. Dans le dernier quart, l’épouvante atteint son paroxysme. Le rythme s’accélère jusqu’à devenir haletant. La finale est fort bien travaillée. La lecture devient adidictive.

On ne peut pas critiquer un roman d’horreur car il n’y a pas deux perceptions semblables. Ce que je peux vous dire amis lecteurs, amies lectrices, c’est que, très souvent en littérature, la patience est récompensée. 

Je comprends maintenant pourquoi GHOST STORY a valu à son auteur l’envol d’une carrière riche et productive

Suggestion de lecture : FANTÔME EN HÉRITAGE, d’Annie Jay (littérature jeunesse)

Peter Straub est né en 1943 à Milwaukee dans le Wisconsin. Travaillant à Dublin sur sa thèse de doctorat, il écrit son premier roman, Marriages, avant de se tourner vers le fantastique. Julia et Ghost Story, best-sellers aussitôt adaptés au cinéma, vont faire de lui l’un des pères fondateurs de la terreur moderne.

Refusant de se laisser enfermer dans le genre qui a fait son succès, il explore de nouvelles directions avec Dragon flottant et Shadowlands, écrit Le talisman avec son complice Stephen King.

Aujourd’hui revendiqué à la fois par les amateurs de fantastique et les inconditionnels du polar qui saluent KokoMystery ou La gorge, de véritables chefs-d’œuvre, il est aussi un virtuose du texte court, ainsi qu’en témoignent les nouvelles réunies dans Sans portes, ni fenêtres ou Magie de la terreur. (lisez.com)

 Ghost story au cinéma


Ghost story a été adapté au cinéma en 1982 par le réalisateur américain John Irving. Le titre anglais demeure GHOST STORY et en français : LE FANTÔME DE MILBURN. Le film, inspiré de l’œuvre de Peter Straub a été scénarisé par Lawrence D Cohen. On retrouve dans la distribution John Houseman, Douglas Fairbanks Jr, Melvyn Douglas et l’excellent Fred Astaire dans le rôle de Ricky Hawthorne.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 20 juin 2021

NOUVELLES FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE

Commentaire sur le recueil réunissant les nouvelles de : Théophile Gauthier, E.T.A. Hoffman, Edgar Allan Poe, Alphonse Daudet, Auguste de Villiers de l’Isle Adam, Robert-Louis Stevenson, Bram Stoker, Guy de Maupassant, Marcel Schwob

*…une cafetière se jeta en bas d’une table
où elle était posée, et se dirigea, clopin-
clopant, vers le foyer, où elle se plaça
entre les tisons. Quelques instants après,

les fauteuils commencèrent à s’ébranler.*

(Extrait : LA CAFETIÈRE, nouvelle de Théophile
Gathier, publiée en 1831, insérée dans le recueil
NOUVELLES FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE,
Éditions l’Anthologiste, 2012, numérique, 100 pages)

Si le XVIIIe fut le siècle des Lumières, le suivant fut peut-être celui des Ténèbres. Ceux qui le traversèrent se prirent d’une fascination maladive pour les évènements surnaturels, la mort et l’au-delà. Cette anthologie vous propose de découvrir dix nouvelles parmi les plus représentatives de la littérature fantastique du XIXe siècle.

Prenez donc garde, téméraires lecteurs, car vous êtes sur le point de rencontrer le diable, vous allez côtoyer les morts et vous assisterez à des phénomènes étranges et inquiétants. Lorsque tout autour de vous ne sera qu’effroi et désolation, vous perdrez votre jugement et il ne restera que l’angoisse pour vous accompagner dans la nuit.

Certaines de ces histoires ont immédiatement été considérées comme des œuvres majeures et d’autres ont, à l’époque, été jugées plus anecdotiques au regard de l’histoire. Mais le temps, qui seul donne leur vraie valeur aux choses, les a toutes élevées au rang de classiques.

La pause nouvelle

*Barbara Rolloffin…fut emportée par les
airs avec un grand fracas, par-dessus
les toits et les clochers; puis on la
retrouva déposée, sans nul accident,
au milieu d’une prairie hors de Berlin.*


(Extrait d’une nouvelle de Ernst Theodor
Amadeus Hoffman : LE DIABLE À BERLIN
insérée dans le recueil NOUVELLES
FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE.)

De gauche à droite : Edgar Allan Poe, E.T.A. Hoffman et Théophile Gauthier

C’est surtout à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle que s’est déclaré un engouement très fort pour la littérature fantastique alors que des auteurs tâtaient le pouls du lectorat, timidement au début, avec des nouvelles d’un genre nouveau qui, sans atteindre l’horreur, abordaient le mystérieux, le surnaturel, l’impossible.

Plusieurs de ces nouvelles sont d’ailleurs devenues des chefs d’œuvre. Je pense entre autres au récit d’Edgar Allan Poe, LE CORBEAU qui est inséré dans l’anthologie que je vous propose aujourd’hui. 

En ce qui me concerne, moi, un produit du XXe siècle, la littérature fantastique a commencé à me fasciner dès mon adolescence. J’avais un intérêt particulier pour Bram Stoker. Eh oui, tout a commencé avec Dracula et c’est dans cette période aussi que j’ai commencé à lier intimement la littérature et le cinéma.

J’étais curieux de voir comment Stoker pouvait être adapté au cinéma avec un géant du septième art : Christopher Lee tout comme j’ai adoré celui qui allait devenir mon acteur préféré, Vincent Price, intimement lié à la littérature fantastique d’Edgar Allan Poe, portée au grand écran. Aujourd’hui, après toutes ces années, je suis toujours aussi mordu. 

Je suis particulièrement heureux de voir émerger des anthologies comme NOUVELLES FANTASTIQUES du XIXe SIÈCLE qui propose les nouvelles, au nombre de 10, parmi les plus représentatives de la littérature du XIXe siècle.

Cette anthologie m’a permis de découvrir certains auteurs sous un angle différent comme Robert-Louis Stevenson à qui l’on doit, entre autres, L’ÉTRANGE CAS DU DOCTEUR JEKYLL ET DE MISTER HIDE ou comme Alphonse Daudet qui signe dans cette anthologie mon texte préféré : WOOD’STOWN, un récit à consonance écologique qui a conservé une étonnante actualité.

De gauche à droite : Alphonse Daudet, Auguste de Villiers de l’Isle Adam
et Robert-Louis Stevenson.

Dans WOODS’TOWN, le fantastique côtoie l’écologique. Imaginez une forêt qui reprend ses droits et qui envahit tout. La nouvelle a un petit caractère oppressant avec comme toile de fond une manifestation paranormale , un affrontement entre l’homme et la forêt avec comme perdant, pour une fois : le pire cancer de la planète : l’homme .

*Regardez donc la forêt! Et l’on s’aperçoit avec terreur que depuis deux jours le demi-cercle verdoyant s’était beaucoup rapproché. La forêt avait l’air de descendre vers la ville. Toute un avant-garde de ronces, de lianes s’allongeaient jusqu’aux premières maisons des faubourgs. Alors Woods’town commença à comprendre et à avoir peur* (Extrait)

La peur s’immisçant subtilement, voilà ce qui me faisait tripper pour utiliser un terme élégant du vocabulaire de mon adolescence. 

Je vous recommande NOUVELLES FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE : 10 magnifiques petits morceaux d’anthologie à lire ou relire. Idéal aussi pour les jeunes lecteurs intéressés à une introduction en douceur dans l’univers de la littérature fantastique. J’ai été heureux de renouer avec les plus grands dans ce petit recueil.

 Bram Stoker, Guy de Maupassant et Marcel Schwobb
À lire...

Suggestion de lecture : LA MAISON HANTÉE, de Shirley Jackson

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 28 mai 2021

RÊVES ET CAUCHEMARS, de ALEXANDRE CHARBONNEAU

*…et l’autre derrière m’a donné un coup de
couteau dans le dos. Ensuite, je me suis
écroulé et l’autre avait un bâton de baseball,
je crois…il me frappait encore et encore un
peu partout.*
(Extrait : RÊVES ET CAUCHEMARS, Alexandre
Charbonneau, DAD Éditions, collection
Panache, 2018, édition de papier, 330 pages)

Voici l’histoire d’un adolescent dont les nuits sont hantées de cauchemars inquiétants qui ne s’évanouissent pas toujours aux premières lueurs du jour ; Droite ou gauche ? La plupart du temps, c’est un choix anodin. Vous êtes dans une nouvelle école, perdu, et si ce n’est pas le bon corridor, vous essayez l’autre, tout simplement. Ici, c’est différent. Ici, peut-être que la droite mènera à une jouissance, une euphorie totale, mais éphémère, qui rendra ensuite la vie bien morne et misérable.

Le chemin de gauche, lui, mènera peut-être à une souffrance insoutenable, une longue agonie constituée de chaos et d’épouvante. Et quand tout cela se répète indéfiniment, quand il n’y a pas possibilité de faire marche arrière et quand, au bout du compte, c’est le hasard cruel qui décide lequel de ces deux enfers il faudra affronter, tout ce qu’on espère, finalement, c’est de ne pas y laisser derrière, à l’embranchement, la raison. 

CHAOS SUR FOND DE FANTASY
*Ça ne va pas être un défi des plus facile.
Le surnaturel tente de s’approprier le réel.
Livide, la panique lui creuse le ventre.
La terreur marque ses bras tremblants.
Une angoisse déchirante le fait haleter…*

(Extrait : RÊVES ET CAUCHEMARS)

RÊVES ET CAUCHEMARS est l’histoire de Léandre, un adolescent tourmenté par des cauchemars dont le réalisme est perturbant. Ses rêves débutent invariablement par la vue de deux escaliers, un à gauche, l’autre à droite. Un de ces escaliers mène au rêve, l’autre au cauchemar, et c’est aléatoire. Chaque fois qu’il sort d’un cauchemar, Léandre apporte une petite contribution onirique au monde réel.

C’est ainsi que son père devient bizarre, que son environnement subit des changements, très sensibles au début, mais de plus en plus en plus, Morphée tente de s’emparer du monde réel en créant une forte attraction entre l’univers onirique de Léandre et le monde réel. Les amis de Léandre s’introduisent dans ses rêves. On dirait un jeu dont la cruelle issue serait une distorsion permanente de la réalité.

Ce que je note en premier lieu de ce livre, c’est l’effort que l’auteur a déployé pour rendre le tout cohérent car plus le récit avance plus les éléments de l’univers onirique s’imbriquent dans la réalité et Léandre, un ado attachant mais torturé par cette folie surnaturelle qui se plante au milieu du décor comme un chevalier de *donjon et dragon* fait de son mieux.

En fait, Léandre EST l’instrument de la cohérence. Ça lui coûtera cher en douleur, en souffrance, en doute. Il y a peut-être un sens à tout ça, mais c’est loin d’être évident : *« Tu sais ce qu’on dit hein Léandre ? Tuez-les bien, tues-les mal, mais tuez-les !» Le cœur de Léandre bat comme une locomotive. Louis ne pourra pas être raisonné, il le sait à présent… (Extrait)

Le fil conducteur de l’histoire est instable ce qui rend le livre un peu difficile à suivre. On sait que Léandre fait des cauchemars, et que ceux-ci s’évanouissent de moins en moins au réveil. On dirait que Léandre est au centre d’une convergence de forces surnaturelles qui échappent à la compréhension humaine. Pourtant, il faut y mettre fin.

Le lecteur doit vraiment se concentrer pour comprendre où s’en va Léandre, autrement dit, où veut en venir l’auteur. Il y a de la cohérence dans le crescendo, elle permet une certaine compréhension vers la fin. Toutefois, j’ai trouvé la finale étrange, un peu frustrante, suspendue entre le rêve et la réalité

Une des grandes forces du récit réside dans son pouvoir descriptif. D’abord, Charbonneau a bien travaillé son personnage principal. Léandre est attachant, combattif et ombrageux. Sa solidité et son endurance dépassent l’entendement. Personnellement, je crois que je n’aurais pas survécu à un tel chambardement mental et émotionnel.

Le personnage est surréaliste et ça m’a plu je dois dire. L’auteur a planté des décors tantôt simples tantôt spectaculaires et mettant l’emphase sur leur caractère onirique. Tout est intense, saisissant, impressionnant. L’auteur décrit le monde onirique de Léandre avec un remarquable souci du détail et même parfois de l’humour :

* …Les murs sont peints en rouge sang. Il y a de nombreuses affichettes qui arborent des publicités quelconques. Un vaste escalier s’élève devant lui. Aucune fenêtre. Deux statues de gargouille installées de chaque côté. Étrange endroit. On dirait un accouplement entre une boîte de nuit et le château de Dracula.*.

Il m’a fallu de l’attention, de la concentration pour comprendre la démarche de Léandre, c’est-à-dire le jeu imaginé par l’auteur et qui met en présence le rêve et la réalité qui se fondent un dans l’autre. J’aurais préféré une finale un peu moins glauque, Mais dans l’ensemble, j’ai considéré RÊVES ET CAUCHEMARS comme un beau défi de lecture…agréable et divertissant et…ah oui…pas mal intriguant.

Suggestion de lecture : LE LIVRE DU VOYAGE, de Bernard Werber

Alexandre Charbonneau est un auteur québécois spécialisé dans la littérature fantastique et fantasy. Je n’ai pas trouvé beaucoup de choses sur le parcours d’Alexandre mais je vous livre tout de même un extrait fort intéressant de sa présentation Facebook :

*Déjà quand j’étais tout petit, je me réfugiais dans mes mondes imaginaires. Je transformais une feuille de papier en une multitude de donjons sombres ou en vaisseaux spatiaux en mission. Assez jeune, j’ai découvert la série Un livre dont vous êtes le héros que j’ai adoré.

J’aime tout ce qui est fantasy et fantastique. J’ai créé la série Les mercenaires en m’inspirant un peu de Game of Thrones et de Tarantino ; j’aime toute l’idée de la dynamique entre plusieurs personnages principaux différents tout au long d’une histoire. *

Alexandre Charbonneau est sur Facebook.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 14 février 2021

ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery

<C’est son fils, si tu allais chercher dans les mains courantes
des services sociaux, tu y trouverais son dossier. Il est à vomir.
Elle lui fait vivre un enfer à ce gamin, depuis toujours. Elle lui
fait payer sa propre déchéance et elle en use et en abuse à
tous les degrés. C’est un bon gosse. Il ne dit rien, il ne fait rien.
D’ailleurs que peut-il faire ?>
(Extrait : ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery, éditions
Ex Aequo, collection Rouge, 2015, édition numérique. 50p.)

Qui tue ces femmes d’un unique coup de poignard en plein cœur ? Bratislava a peur. Un tueur en série sévit près de la tour UFO, le célèbre bâtiment de la capitale slovaque. Les victimes sont des femmes délinquantes. Elles sont tuées d’un coup de poignard dans le cœur, un seul, sans autre forme de violence.
L’inspecteur Théo Fusko est sur la brèche. Malgré l’aide de son énigmatique collègue, Néo, l’enquête piétine. La méthode du binôme ne figure nulle part dans les manuels de Police ; elle intrigue une jeune profileuse, Lydia Kacinova. La jeune femme s’inquiète ; elle y reconnaît les symptômes de pathologie psychiatrique, mais une vérité beaucoup plus dérangeante la guette, une vérité au-delà de l’explicable…

UNE VÉRITÉ AU-DELÀ DU RÉEL
*Théo Fusko est couché sur le dos. Il tremble…
Les spasmes s’accompagnent de gémissements…
Un couteau ensanglanté est à ses côtés, à portée
de main. Il se cabre encore et pousse un cri
effrayant, bascule sur un côté avant de s’effondrer.*
(Extrait)

C’est un roman aussi bref qu’étrange. Pour résumer, un tueur en série poignarde des femmes dans la ville de Bratislava, capitale de la Slovaquie. Le tueur, rusé et habile est difficile à traquer. L’enquête est confiée à l’inspecteur Théo Fusko, un policier étrange qui ne sera pas toujours au bon endroit au bon moment. Dans sa tâche, Théo est aidé par un énigmatique et insaisissable personnage qui vit dans l’ombre et qui donne de précieuses indications à son allié.

Cette alliance intrigue au plus haut point Lydia Kacinova, une profileuse judiciaire venue de Prague pour tenter d’établir le profil psychologique du tueur. Elle croit reconnaître dans le comportement de théo des signes de pathologie psychiatrique. Trouble dissociatif, syndrome de la personnalité multiple? En fouillant, Lydia va s’apercevoir qu’il y a encore pire…encore plus étrange.

Tout au cours de ce récit, j’ai cru verser dans la littérature fantastique alors que la finale en est une de science-fiction qui est plus proche de la réalité qu’on pense. Le récit n’est pas sans me rappeler le film de Jack Gold LA GRANDE MENACE avec Richard Burton, une excellente production qui évoque l’incroyable pouvoir du cerveau humain, et par la bande, la réalité des pouvoirs paranormaux.

Ceux-ci sont poussés à l’extrême dans le film tandis que Thierry, dans son livre, fait preuve d’une certaine retenue, ce qui n’a pas nui du tout au récit. Je ne peux pas en dévoiler plus car cela reviendrait à dévoiler le secret de l’histoire et ici, je crois qu’il vaut la peine d’être préservé même si le thème s’apparente quelque peu à bon nombre d’histoires développées dans la littérature fantastique et qui évoquent en surface les pouvoirs paranormaux. Malgré tout, le récit a une certaine originalité.

Le mystérieux partenaire de Théo s’appelle Néo. Ce dernier s’applique à guider Théo pour l’aider à préciser sa pensée sur le tueur tant recherché : *Il est en colère. Il nous connaît bien : il a découvert la relation très spéciale qui nous unit. Ce lien le met en danger. Il veut le briser. Je ressens beaucoup de haine à ton égard. Il t’en veut mon ami. Bien plus qu’à moi. Mais je ne permettrai pas qu’il te tue.* (Extrait) Ajoutons à ce mystère une atmosphère épaisse, une énigme savamment entretenue et développée, un non-dit bien dosé…c’est efficace.

L’histoire est très intéressante, intrigante, mais l’auteur a développé son idée de façon à créer un roman de la taille d’une nouvelle. Il ne fait qu’une quarantaine de pages. Je l’ai évidemment dévoré en moins d’une heure. J’ai été saisi par une finale surprenante et pourtant, je suis resté sur ma faim. Le thème est sous-développé. J’aurais souhaité que Thiéry développe davantage la psychologie de ses personnages et en dévoile plus sur les motivations du tueur.

J’ai eu l’impression que le récit est issu d’une idée géniale que l’auteur n’avait pas vraiment envie de développer. C’est un peu dommage. Malgré tout, j’ai aimé. C’est une bonne histoire qui mise en fait sur la nature de la connexion entre Néo et Théo. C’est le principal élément qui entretient l’intrigue…maladie mentale ou pouvoir surnaturel? l’œuvre du tueur en série devient plus accessoire on dirait.

Donc en résumé, trop court avec le résultat que le potentiel de l’histoire est sous-développé. Si on prend l’histoire sous l’angle de la nouvelle. C’est efficace et le lecteur y plonge rapidement.

Suggestion de lecture : CUL-DE-SAC, d’Agnès Boucher

L’auteur : Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, dans le pays de Montbéliard. Il commence à écrire en 2009, et publie des nouvelles et des romans. Dans son écriture, l’écrivain aime associer l’humour à la gravité, créer des intrigues solides avec des dénouements étonnants, planter des scènes avec un regard cinématographique.

La psychologie des personnages est la chair de ses pages. Il s’agit de caractères épais, souvent minés par des démons intérieurs. Ils ne sont ni complètement bons ni complètement mauvais. Ils évoluent dans un entre-deux qui nous est proche, une zone trouble que l’auteur considère comme une mine littéraire inépuisable.

Bonne lecture
Claude Lambert
dimanche 7 février 2021

TOMBENT LES ANGES de MARLÈNE CHARINE

*Tu nous a fait quoi, là, Choupette ? Dit Boris, un
pli d’inquiétude sur le front. –Je ne sais pas vraiment.
Je suis entrée et j’ai été frappée par une vague de
détresse. Quelque chose de démesuré. De trop costaud
pour moi…C’était une émotion pure…Et puis le froid. Comme
les autres fois.*
(Extrait : TOMBENT LES ANGES, Marlène Charine, éditions
NL.com, 2017, éditions numérique, 1066kb, 274 pages)

Lors d’une perquisition de routine, Cécile, jeune policière désabusée vit une expérience hors du commun qui va faire basculer son existence. Audrey, jolie infirmière de 25 ans met fin à ses jours dans la salle de bain de son luxueux appartement du XVe arrondissement. Elle ne s’y trouve pas seule. Contactée par le lieutenant Kermarec, Cécile n’a pas d’autres choix que d’écourter ses vacances forcées. Et après tout, il est bien le seul à ne pas la prendre pour une cinglée. Ainsi Cécile se lance dans une enquête qui chevauche le surnaturel…une enquête troublante…

ÉMOTIONS À CHAUD
*Un frisson la traversa de part en part.
Elle entoura la tasse de ses paumes,
but une nouvelle gorgée. Les cinq
paires d’yeux fixés sur elle
commençaient à la mettre mal à
l’aise. Surtout avec ce qu’elle était en
train de raconter.*
(Extrait: TOMBENT LES ANGES)

TOMBENT LES ANGES est un thriller policier avec du paranormal en toile de fond. Ça ne réinvente pas le genre mais je l’ai trouvé bien ficelé.  La trame est simple et facile à suivre : une policière à la limite dépressive reprend du service à la demande du lieutenant Merlin Kermarec. Une mort qui a toutes les apparences d’un suicide, mais quelque chose cloche.

L’affaire s’annonce complexe. La policière, Cécile Rivère, a un don. Elle peut voir des entités et ressentir des choses. C’est un don très rare. Mais peut-on faire avancer une enquête sur des preuves surnaturelles ? Le défi de l’auteure était d’insérer le surnaturel à l’enquête tout en demeurant crédible. C’est là l’originalité de l’œuvre. Le point fort.

Autre élément intéressant qui contribue à la crédibilité du récit est le fait que Cécile a peur de son don, elle le craint. Elle l’utilise une fois forcée ou avec parcimonie. Mais dans l’enquête sur la mort d’Audrey, l’infirmière, des entités appellent à la vengeance et leur force est telle que Cécile ne peut la contourner.

Il lui reste à utiliser cette force pour déterminer comment exactement Audrey est morte. Car il est clair pour les policiers qu’il ne s’agit pas d’un suicide. L’enquête est bien travaillée, l’intrigue va crescendo et la finale réserve une surprise. J’en ai eu un petit frisson dans le dos. Mission accomplie pour Marlène Charine, elle m’a tenu en haleine.

Je signalerais peut-être un dernier élément qui m’a plu. Le ou les coupables est ou sont particulièrement monstrueux (Je ne veux pas être trop précis pour ne pas vous enlever le plaisir de la découverte).

L’auteure aurait pu gaver son récit de passages croustillants et d’épisodes de charcutage sanglants, un peu comme l’a fait Sénécal avec LES 7 JOURS DU TALION, mais ce n’est pas le cas. Ça reste très violent mais j’ai senti une retenue de l’auteure et elle a bien servi la trame, particulièrement dans le dernier quart du récit que je peux qualifier de haletant.

Il y a deux irritants principalement. Je les signale même s’ils ne nuisent pas trop à l’œuvre. L’auteure s’étend beaucoup sur l’état d’âme des policiers Rivère et Karmerec, des êtres *bardassés* par la vie, qui ont passé de sales quarts d’heures, qui maudissent leurs supérieurs mais qui sont définitivement policiers jusque dans l’âme.

Et puis, il y a l’inévitable petite romance entre les deux…un petit sentiment, un peu de sexe, quelque chose qui ressemble d’abord à l’amour d’un grand frère et qui devient par la suite plus ou moins mal défini.

Les états d’âme et la romance sont deux clichés extrêmement courants en littérature policière. Il m’arrive toutefois de lire des romans policiers qui sont exempts de ces clichés ennuyeux et bouche-trous. Je ne l’ai pas fait souvent jusqu’à maintenant. Petit point positif, dans le livre de Charine, le sexisme est combattu…jusqu’à un certain point.

Donc en conclusion et pour résumer, TOMBENT LES ANGES développe une enquête extrêmement intrigante. En passant le titre est très bien choisi, vous découvrirez pourquoi. Tout est brillamment lié, tension constante et atteignant un paroxysme à la fin.

Bien que certains passages soient tirés par les cheveux, l’appel au surnaturel demeure crédible. L’auteure a évité la caricature et provoque l’empathie. Bref, un très bon livre qui mérite d’être lu.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Marlène Charine est une auteure scientifique et nouvelliste suisse née en 1976. Le nez en permanence plongé dans un livre depuis l’enfance, Marlène Charine a sauté le pas de l’écriture il y a un quelques années. Sans doute pour compenser la rigueur de son métier scientifique, ses récits, romans ou nouvelles, ont tous une saveur d’imaginaire. Le Projet Alice, un thriller teinté d’anticipation, est son premier roman.

Intéressé à lire mon commentaire sur le tout premier roman de Marlène Charine ? Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche 31 janvier 2021

VIES PARALLÈLES, le livre de SONIA BESSONE

*Je vais vous expliquer pourquoi je vous casse
les pieds. Parce que je ne suis pas heureuse.
J’aime mon travail mais ma vie est nulle. Je
m’accroche à un type qui préfère vivre avec
ses bières et son whisky. Et la seule chose qui
me distrait, qui me sort de cet enfer, ce sont
vos bouquins.>

(Extrait de TERENCE WILKES, une nouvelle du
recueil VIES PARALLÈLES de Sonia Bessone,
Nat éditions, 2014, versions numériques, 248p.)

La bulle humaine
*Je n’appartenais plus à personne, j’étais libre.
Un affranchi. Curieux de voir le monde, et de
choisir moi-même à qui dispenser les petits
bonheurs dont j’étais chargé. En une fumée
évanescente, je me suis enfui. Mon rêve à
moi : la liberté !*
(Extrait : VIE PARALLÈLES recueil de nouvelles)

VIES PARALLÈLES est un recueil de nouvelles dont la première, TERENCE WILKES est bâtie comme un roman et en a la longueur, occupant 80% du volume. C’est un recueil très intéressant et Terence Wilkes m’a fasciné. Malgré ses énormes succès d’auteur, Terence Wilkes abandonne l’écriture pour travailler dans la publicité. Pourquoi ? C’est simple :

*Elle n’avait pas hérité d’un frère ordinaire. Terence avait cette étrange faculté de pressentir les choses… Deviner à quel instant le téléphone sonnerait, sur quelle marche d’escalier s’arrêterait leur mère, qui frapperait à la porte…il présageait les choses et créait la vie. Malheureusement, un jour, il n’avait pas prédit que sa femme se donnerait la mort et une vie avait été détruite. * (Extrait)

Dans son deuil qui ne finit pas de finir, Terence Wilkes qui a peur de ses facultés, de ses écrits, qui angoisse sur lui-même se cherche au milieu de son petit monde. Un jour, cherchant toujours à comprendre le sens de la mort, celle de sa chère femme en particulier, Terence laisse entrer dans sa vie une fan de ses livres : Jenny, une jeune fille à la vie agitée, malmenée par son ami, macho et alcoolo.

Avec des trésors de patience et de finesse, elle se fera accepter par Terence. Est-ce qu’ensemble, ces deux égratignés de la vie pourraient aboutir à quelque chose. Ses écrits se répercutant sur la vie de ses proches, Terence aurait-il quelque chose à voir avec la mort de sa femme.

Avec un amour mutuel allant crescendo, très très graduellement, Jenny et Terrence vont apprendre ensemble à accepter leur passé et bâtir leur avenir.

Les écrits précurseurs et leur effet sur la vie réelle ne sont pas une innovation en littérature mais je me suis attaché aux personnages dès le départ. J’ai été séduit par l’intelligence et la finesse de la plume de Bessono, sa modération aussi et son humour. Elle a développé le caractère fantastique de son récit sans tomber dans le spectaculaire et le tape-à-l’œil.

Elle a dosé avec habileté rebondissements, intrigue et retournements avec une dose d’inexpliqué…de…disons surnaturel. Ce récit m’a fait vibrer. Il s’en dégage une émotion très forte. Évidemment c’est long pour une nouvelle et le récit met malheureusement un peu dans l’ombre les quatre autres nouvelles qui complètent le volume.

Ce sont quatre petits textes dans lesquels le thriller se fond dans le fantastique : LE MIROIR : quatre amis voient leur vie basculer à cause d’un miroir. DE L’AUTRE CÔTÉ DU MUR : une autre forme de réflexion sur le sens de la mort et peut-être même une raison pour laquelle on a pas à la craindre.

UN ANGE PASSE. Cette autre nouvelle est une réflexion sur la mort d’un amour et la possibilité d’une renaissance. LE FUGITIF : un être sacrifié par les Dieux et désigné pour rappeler aux hommes la grandeur de l’œuvre de l’être suprême…

J’ai toujours l’impression qu’il y a un lien entre les nouvelles. Ce n’est pas une suite, une continuité…seulement une espèce de lien comme si les nouvelles se complétaient et s’enrichissaient les unes les autres afin de remettre aux lecteurs des éléments de réflexion, ldans un style apaisant.

Enfin, un mot sur l’introduction au recueil, LA VIEILLE ROUTE. C’est un texte un peu déroutant. On pourrait presque lui faire dire ce qu’on veut. Mais ce texte m’a fait voir le recueil comme une route…avec de nombreux embranchements, mais tout en convergence. L’auteure nous prépare à longer la route…celle qui nous confronte avec la vie…tout se tient dans ce recueil qui porte vraiment bien son titre.

Le tout se lit très bien. C’est le lecteur qui est le fil conducteur. Avec la première nouvelle toutefois, j’aurais souhaité quelque chose de plus long, de mieux nourri. J’aurais préféré une meilleure exploitation du sujet pour en faire finalement un roman complet. Mais dans l’ensemble, le recueil m’a ravi.

Suggestion de lecture : L’AIGLE DE SANG, de Jean-Christophe Chaumette

Au moment d’écrire mon article, il y a peu d’informations disponibles sur Sonia Bessone. J’ai toutefois noté ce qui suit sur sa page Facebook :

Les tribulations de Sonia Bessone dans les pays lointains n’étant plus très compatibles avec ses fonctions de mère, elle s’est jetée à fond dans l’écriture. Et ses récits ont tous un petit goût « d’ailleurs » .

Nats éditions lui a attribué des fonctions de parolière pour les B.O. de livre. Une grande nouveauté pour elle, mais elle en est ravie ! Ses projets ? Quelques textes de chansons…Et peut-être libérer tout ce qui sommeille dans le disque dur de son ordi ?!!

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 31 octobre 2020

AGRIPPA, M. Rossignol et J.P. Sainte-Marie

AGRIPPA
Le livre noir

*Il nest pas question de magicien ou de sorcier. Il est question de l’éternelle lutte du bien contre le mal, De la lumière contre les ténèbres.  Le mal peut adopter la forme de nombreux visages. Et celui de l’homme est un de ses préférés. (Extrait :  AGRIPPA Le livre noir, Mario Rossignol, Jean-Pierre Ste-Marie, les éditions Michel Quintin, 2006, édition de papier, 350 pages)

1925 : Un mystérieux médecin du nom de William Black tente de s’emparer d’un exemplaire de l’Agrippa, grimoire maléfique signé par le diable et enfermé depuis 1855 dans le mausolée de l’église St.Mathew. La libération de l’Agrippa aurait des conséquences désastreuses pour les habitants de Sainte-Clothilde-de-Chateauguay. L’évêché de Valleyfield envoie d’urgence un prêtre aux dons pour le moins particuliers… car pour empêcher le mauvais sort de se répandre, l’Agrippa doit reprendre sa place dans les profondeurs de la crypte.

UN LIVRE INFERNAL
< L’Agrippa avait fait le malheur des siens
pendant des décennies. Et cette nuit,
même enterré dans l’église St. Matthew,
il ravissait la vie de son père et détruisait
la sienne. >
(Extrait : AGRIPPA le livre noir)

C’est un autre livre ayant comme toile de fond l’éternelle dualité entre le bien et le mal. Malgré tout, les auteurs ont trouvé le moyen d’être originaux, intenses. Si le début de l’histoire est lent, à l’image de la vie campagnarde québécoise des années 1920, le récit nous réserve une finale époustouflante qui n’est pas sans rappeler le film LE CORBEAU de Roger Corman qui adapte au cinéma la nouvelle d’EDGAR ALLAN POE.

J’y reviens plus loin. Je veux dire ici que tout ce qui se dégage du récit de mystérieux, de surnaturel incluant la maîtrise d’une science qui va au-delà de toute compréhension me rappelle Edgar Poe et la façon singulière qu’il avait de mystifier le lecteur.

L’histoire raconte l’inévitable rencontre entre le curé Laberge, un prêtre formé pour affronter les manifestations du mal, et le docteur William Black dont le seul objectif est de s’emparer de l’Agrippa : un livre énorme, de la taille d’un homme, mû par une force *élémentale*, c’est-à-dire des forces sombres de l’univers liées à l’enfer…*Je suis l’Église du Diable, le sanctuaire du mal en ce monde, je suis la porte par laquelle le malheur arrive* (Extrait)

Au départ, l’Agrippa est en dormance dans la crypte de l’église Sainte-Clothilde. Black veut s’en emparer et s’en nourrir pour devenir le maître du mal et asservir l’homme. Laberge veut maîtriser Black et détruire l’Agrippa. Ça donnera lieu à un combat dans lequel les incroyables forces libérées sont innommables et deviennent rapidement hors de contrôle.

Dans la version LE CORBEAU de 1963, on assiste à un duel extraordinaire entre le mage noir incarné par Boris Karloff et le mage blanc incarné par Vincent Price. Le lien m’a semblé aller de soi car Black et Laberge ont la même maîtrise des éléments, la même volonté de vaincre mais de toute évidence, il y en a un qui est mal préparé.

Je n’en dis pas plus mais le combat entre les deux forces primaires est particulièrement bien ficelé…*Celui qui n’est pas préparé au grand livre noir peut se voir conduit à la folie, ou tout simplement à l’anéantissement total, car toute la fureur et tout le feu de l’enfer couvent dans ses pages.* (Extrait)

Donc j’ai aimé cet ouvrage pour ses rebondissements mais aussi pour la beauté de son écriture. Elle est tranchante, mais son vocabulaire est très étendu et elle magnifie l’érudition, en particulier l’histoire. Les auteurs n’hésitent pas non plus à donner la parole à des monstres sacrés de la littérature… :

*Et la terre est au soleil ce que l’homme est à l’ange (Victor Hugo 1802-1885)* Ils citent aussi Saint-Augustin pour donner l’heure juste sur nos croyances… : *Les miracles ne sont pas une contradiction de la nature, ils sont simplement une contradiction de ce que nous savons de la nature. Saint-Augustin (354-430)*

Et comme j’ai senti l’influence d’Edgar Allan Poe dans L’atmosphère éthérique du récit, il ne faut donc pas se surprendre de trouver une citation de Charles Baudelaire. Dans ce livre, ce ne sont pas les citations qui manquent…Victor Hugo, Paracelse, Sainte Beuve, Théophile de Viau, Machiavel et même Roosevelt. Les auteurs utilisent beaucoup le latin. Ça donne l’impression que le curé Laberge veut impressionner avec son savoir étendu. Ça fait un peu pompeux et c’est irritant. Quoiqu’il en soit, mon attention reste focalisée sur l’action et l’intrigue. C’est ce qui compte.

Donc ce livre m’a plu. J’y ai senti de l’émotion, de l’urgence. La première moitié du récit pourrait décourager des lecteurs car il y a des longueurs, le rythme est plus lent mais accrochez-vous au fil conducteur qui est clair et solide car dans la deuxième moitié du récit, vous ne verrez pas le temps passer.

Les personnages principaux sont bien travaillés et bien sûr, je suis sensible au fait que l’intrigue se déroule dans une région du Québec et le caractère surnaturel de l’histoire y est inséré de façon intelligente. Très bon concept en général. Tout est en place pour la suite. C’est toute la série qui est prometteuse. C’est une très bonne lecture.

Suggestion de lecture : LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, d’Anne Robillard

(Photo : INFOSuroit.com)

Mario Rossignol et Jean-Pierre Sainte-Marie, deux cousins natifs de Sainte-Clotilde-de-Chateauguay, ont toujours adoré la lecture. Leur fascination pour l’histoire, la théologie et le fantastique leur a permis d’écrire Agrippa, leur tout premier roman qui deviendra une véritable saga.

Attiré spécialement par la théologie, Mario Rossignol lira la bible en entier. Il s’intéressera en particulier aux prophéties dont bien sûr l’apocalypse de Jean. Jean-Pierre Sainte-Marie, détenteur d’un certificat en création littéraire est plutôt passionné par les romans historiques et voyage beaucoup. L’association des deux passions donneront naissance à cette passionnante série qu’est AGRIPPA.

LA SUITE

         

         

 BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche  août 2020

JOE HARRIS, CHRIS CARTER ET DIRK MAGGS

X-FILES LES NOUVELLES AFFAIRES NON CLASSÉES
première et deuxième partie (version audio)

*Alors…! c’est pas bon chef…j’ai sécurisé tous les accès, mais j’ai toujours une longueur de retard. –Vous êtes certain que ça ne peut pas être un virus ? Non…c’est une attaque, menée de l’extérieur du FBI

. (Extrait : X-FILES LES NOUVELLES AFFAIRES NON CLASSÉES, 1ère partie, Joe Harris, Chris Carter, Dirk Maggs , Audible studios éditeur 2018. Durée d’écoute : 4 heures 4 minutes et 3 heures 42 minute. Narrateurs : Georges Caudron, Danièle Douet,  Jacques Brunet,  Sylvain Agaësse,  François Tavares,  François Hatt , Jean-Christophe Lebert, Pascale Chemin, Sophie Riffont)

RÉSUMÉ :
LIVRE 1
Une brèche dans la base de données du siège du FBI permet à des inconnus d’accéder aux dossiers du service des affaires non classées. Alors que des personnes que l’on croyait disparues depuis longtemps commencent à réapparaître inexplicablement, les anciens agents Scully et Mulder reprennent du service et affrontent une menace qui se profile, bien plus terrible que toutes celles qu’ils ont déjà affrontées.

Livre 2
Mulder et Scully se retrouvent plus que jamais confrontés à d’étranges incohérences paranormales dans cette suite d’ X-Files. Le Syndicat, qu’ils pensaient démantelé, refait surface et semble répondre aux ordres de quelqu’un – ou quelque chose – dont les moyens et les intentions représentent une véritable menace pour le sort de l’humanité. Alors que ceux qu’ils pensaient être leurs ennemis deviennent des alliés inespérés, Mulder et Scully sont confrontés à de nombreuses trahisons.

X-FILES : UNE MYTHOLOGIE
*Regardez…c’est la jeune fille…Comment c’est possible
de survivre à un truc pareil ? Elle n’est même pas blessée
en plus…Ça va mademoiselle ? Certains ont fui mais
vous êtes restés…*
(Extrait 2e partie)

C’est encore pour moi une très belle expérience omnisonore avec un excellent jeu des comédiens et des voix bien modulées. Cette production vient réactualiser la série X-FILES qui a été diffusée pendant plus de 10 ans sans compter les reprises, une longévité suffisante pour conférer à la série le titre d’institution. La série commence en force par une attaque du serveur ultra-secret des fichiers d’affaires non-classées du FBI.

Ces deux livres audios nous font passer par toute une gamme d’émotions issues du paranormal, le thème qui est la raison d’être de X-FILES. C’est ainsi que sont réactualisés des sujets avec une attention particulière sur le caractère immersif: polymorphisme, abduction, télékinésie, clonage, télépathie sans oublier évidemment la menace extra-terrestre et le fameux complot qui consiste à cacher au monde l’existence des extraterrestres ! complot qui semble décrié dans la série.

Aussi, les inconditionnels d’X-FILES ont la chance de renouer avec l’énigmatique homme à la cigarette, imitation parfaite du traditionnel homme en noir. Il a une particularité qui donne tout son sens à la série : il connait la vérité que cherche Fox Mulder et il protège ce secret.

Il faut écouter l’œuvre avec une attention soutenue car à cause du polymorphisme et du clonage on ne sait plus à qui se fier. Cet aspect du livre représente un défi intéressant pour le lecteur. Vous douterez même des héros, Mulder et Scully. Même des ennemis peuvent devenir des amis inespérés.

La trahison menace les agents. Tout cela porte un peu à confusion. Il est intéressant de voir comment se démènent Mulder et Scully pour éradiquer une menace qui plane sur le monde. Le texte est bien développé, le mystère savamment entretenu, la performance des comédiens très bonne, le rythme est élevé, parfois époustouflant.

Je dois dire que cette œuvre ne réinvente pas le genre. Elle est tout à fait conforme à la télésérie. Elle ne tranche donc pas par son originalité et ce n’est pas ce que moi, je cherchais de toute façon.

Je cherchais ce que m’a procuré par exemple ALIEN-LA SORTIE DES PROFONDEURS de Tim Lebon (audio), un peu d’intrigue, mais du mystère surtout et du frisson. Une création omnisonore a du succès dans la mesure ou elle réussit à créer dans notre esprit, les images qu’elles suggèrent.

À ce titre, l’œuvre est presque hallucinante. Du cinéma sans image…seulement le son…bourré d’effets spéciaux, des enchaînements rapides de dialogue, la musique et l’omniprésence du thème musical de X-FILES, fantomatique, un peu glauque qui entretient cette touche de surnaturel et d’obscurité devenue la marque de commerce d’X-FILES.

Il n’y a pas beaucoup de faiblesses dans ce que j’ai entendu. Lorsqu’il y a une baisse de rythme, les dialogues deviennent plus déclamés et rappellent  le ton de théâtre et encore là, l’homme à la cigarette vient compenser. J’ai toujours été attiré par le caractère hermétique du personnage et subjugué par sa voix très particulière…la voix de Jacques Brunet.

Je recommande chaudement X-FILES. LES NOUVELLES AFFAIRES NON-CLASSÉES pour retrouver les justiciers du surnaturel Fox Mulder et Dana Scully.

Suggestion de lecture : DOSSIERS SECRETS, de Pierre Bellemare

LES AUTEURS

        

À gauche : Joe Harris, au centre : Chris Carter, à droite : Dirk Maggs pour l’adaptation

   LES MAÎTRES NARRATEURS

    

George Caudron (à gauche) est la voix française de Fox Mulder incarné par David Duchovny. Danielle Douet (À droite) est la voix française de Dana Scully incarnée par Guilian Anderson.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 2 août 2020

FISSURES NOIRES, le livre de JESS KAAN

<Dylan Coudrelier s’était effondré face contre
terre, provoquant l’hilarité de ses amis, un rire
de gosses habitués à se souler et tomber ivres
morts. Mais la marrade avait vite cessé quand
la tête de Max…avait explosé et souillé le
carrelage de l’entrée de sang, d’os et de
cervelle.>
(Extrait de la nouvelle UN HABITANT, UNE BALLE, du
recueil FISSURES NOIRES de Jess Kaan, Éditions Le
Héron d’argent, 2014, édition numérique et de papier,
336 pages)

Les élèves d’un car scolaire meurent dans des circonstances mystérieuses, un étrange cocon rouge serait en cause… 1916, sur le front allemand, un mystérieux tableau garderait il ouvertes les portes de l’enfer ? Pendant une amicale, un sniper frappe. Les morts s’accumulent. La peur ajoute au ravage. Qui survivra pour raconter. À Locquières, un chômeur profanant la tombe de son patron s’apprête à réveiller d’inquiétantes forces obscures. Vous vous préparez à lire des nouvelles inquiétantes dans lesquelles l’univers familier se délite et laisse place à l’Ailleurs. Et si notre réalité commençait à se fissurer…

Les titres du recueil étant assez évocateurs, j’en reproduit ici la liste :

KÉVIN, CHUTE D’UNE DAMNÉE, RUSTBELT, ÉPIÉS, UN HABITANT UNE BALLE, SHROMAZDISTE, L’INTRIGUE, LE SYNDROME DE MIDAS, LES CHATS, 59, TOUTE LA PEINE DU MONDE, 915, PAUPÉRISATION, LE RESTOROUTE, APRÈS LE NEKKER, FANTASY IMPROMPTUE, CRUEL HIVER, LA GUILDE DES AVALEURS D’ASPHALTE, LES HERBES HAUTES, FENÊTRE OUVERTE SUR…, MACHINE À BROYER LA JEUNESSE.

LA RÉALITÉ QUI BASCULE
*Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue
et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer
à ces dons en se suicidant. Si vous voulez survivre,
il vous faudra renoncer à la technologie et à
toute forme artistique…*
(Extrait de la nouvelle «59» du recueil FISSURES
NOIRES de Jess Kaan.)

C’est un recueil intéressant qui se caractérise par une belle variété de styles et d’influences. J’y ai savouré du bout de la langue un peu de Guy De Maupassant, EDGAR ALLAN POE et même THÉOPHILE GAUTHIER car il faut bien préciser ici la différence entre le *fantasy* et le *fantastique*. Dans le recueil de Kaan, il n’y a pas de sorcière, de dragons ou d’elfes.

Dans FISSURES NOIRES, on trouve plutôt des personnages qui tentent de se tenir la tête hors de l’eau dans leur fleuve de misère. Je ne vous cacherai pas que les nouvelles dans l’ensemble sont plutôt noires et mettent lez nez de la Société sur les misères qu’elle a créé elle-même…

Un aspect extrêmement intéressant de ces nouvelles, c’est que dans l’ensemble, elles commencent par la réalité. Le décor est planté dans un ordinaire très noir, puis, bascule peu à peu dans une distorsion de la réalité. L’auteur crée alors une brèche, une fissure donnant accès à une dimension surnaturelle. Sa façon de le faire est remarquable. C’est la grande force du recueil.

L’auteur est très habile et manie parfaitement l’art de la nouvelle. Par ses nouvelles, il présente un portrait peu flatteur de la société. Dans chaque nouvelle, il y a un petit quelque chose de sombre, de malsain même qui va crescendo.

Chaque nouvelle laisse un petit goût amer, mais aussi, développe le goût onirique de faire un ménage dans la société, un ménage qui commence d’abord par soi-même : voyons quelques extraits :

*Afin de prouver que je ne suis pas fou et que les mutilations que je vais m’infliger ne résultent pas d’une maladie mentale, voici quelques détails me concernant : je m’appelle Arnaud Ribauval* (Extrait : LES HERBES HAUTES)

ou encore cet extrait de ma nouvelle préférée : 59 qui pourrait faire l’objet d’un roman complet comme beaucoup d’autres des nouvelles de ce recueil d’ailleurs, à cause de l’originalité des sujets. Chaque nouvelle constitue une petite fresque de la société dans ce qu’elle a de pire, ce qui n’est pas pour me déplaire.

*Nous sommes les gardiens d’Agven. Écoutez-nous humains, car il en va de votre vie. Dans huit jours exactement et à cette heure, il ne restera plus sur terre que 59% d’entre vous que nous stériliserons. Les autres, nous les aurons éliminés, car nous en avons décidé ainsi* (Extrait : 59)

Ces mystérieuses voix qui viennent d’une fissure laissent le choix aux épaves entre l’alpha et l’oméga : *Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer à ces dons en se suicidant* (Extrait : 59) langage direct sur la crasse que camoufle habilement la Société.

Vous comprenez sans doute mieux maintenant la signification du titre. Ces fissures altèrent la réalité des hommes pour les placer face à eux-mêmes. Ça ne fait pas très sympathique mais l’écriture est d’une remarquable beauté et va bien au-delà d’une simple histoire. Il y a des leçons à tirer et tant qu’à tirer, on peut supposer qu’il y a de l’espoir.

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Tout est sombre c’est vrai. Mais le livre a deux forces qui tranchent : Les brèches dans la réalité, ces fissures qui nous font verser dans le fantastique mettent notre société face à elle-même avec ce qu’elle a de plus tordu, mais c’est écrit, imaginé avec une finesse qui m’a fasciné, voilà pour la première force et il y a, je l’ai déjà dit, la beauté de l’écriture et une parfaite maîtrise des sujets.

L’écriture est aussi fluide et le propos très direct…pas de temps mort, aucune déviation. Les décors sont savamment plantés. Lisez les titres plus haut, regardez bien la page couverture au début de cet article…tout est en place pour nous amener dans un ailleurs, mais en douceur…

J’en ai déjà parlé sur ce site, écrire une nouvelle est souvent difficile. C’est un art. Il faut couper court et jongler entre le raisonnement cartésien et la fluidité de l’écriture de façon à figer le lecteur et finalement l’engloutir et le pousser à l’empathie pour plusieurs personnages.

Il y a dans l’ensemble un petit aspect philosophique, une observation méthodique des travers de la société. Pas d’erreur, FISSURES NOIRES est une réussite. Je vous recommande ce livre sans hésiter.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, recueil de Renaud Benoit

Né sur les bords de la mer noire, Jess Kaan est un auteur éclectique puisque ses écrits couvrent les champs de la science-fiction et de la fantasy humoristique et surtout du fantastique. Ses récits, ayant souvent comme toile de fond le nord du Pas de Calais, naissent d’anecdotes vécues ou entendues.

L’auteur s’est donné comme objectif de pousser le lecteur à éprouver de l’empathie pour ses personnages et de les confronter ainsi à la déglingue de la réalité. Il a reçu en 2003 le prix Merlin pour sa nouvelle L’AFFAIRE DES ELFES VÉROLÉS et en 2005 le prix de l’armée des douze singes. Un de ses scénarios écrits en 2012 a été adapté pour un court métrage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 8 décembre 2019

FIN DE RONDE, le livre de STEPHEN KING

*…je vais vous dire un truc que je dirais jamais si j’étais sobre. J’aimerais que Babineau le tue. Qu’il lui injecte un truc vraiment toxique et qu’il le fasse dégager.
Parce qu’il me fait peur…il nous fait peur à tous.*
(Extrait : FIN DE RONDE, Stephen King, Albin Michel 2017 pour la traduction française, 460 pages, éd. Numérique)

Dans la chambre 217 de l’hôpital Kiner Memorial, Brady Hartsfield, AUTEUR DU MASSACRE À LA MERCÉDÈS QUI A FAIT HUIT MORT, git dans un état végétatif depuis sept ans, soumis aux expérimentations du docteur Babineau. Mais derrière son regard fixe, Brady est bien vivant et capable de commettre un nouveau carnage sans même quitter son lit. Comprenons-nous bien : QUELQUE CHOSE DANS LA CHAMBRE 217 DU SERVICE DES TRAUMATISMES CÉRÉBRAUX DE LA CLINIQUE RÉGIONALE VIENT DE SE RÉVEILLER…QUELQUE CHOSE DE MALÉFIQUE…

AVANT-PROPOS :

TÉLÉKINÉSIE : D’après le dictionnaire de l’internaute.com, la télékinésie est une faculté paranormale de déplacer un objet par la seule pensée. Wikipédia parle de psychokinèse ou psychokinésie présentée comme une hypothétique faculté métapsychique d’agir directement sur la matière, par l’esprit.

SUBLIMINAL : Une perception subliminale est une perception qui se situe en dessous du seuil de la conscience. Un message subliminal peut ainsi être transmis à une personne sans que celle-ci en ait conscience. Dans le sens strict du terme la perception subliminale est limitée au stimulus trop faible ou trop rapide pour être traité consciemment.

UN LÉGUME QUI TUE
*«Une voiture. Elle est passée sur la foule
comme une tondeuse à gazon. Le putain
de taré m’a manqué de peu. Je sais pas
combien il en a fauché…»*

En matière de lecture, j’ai plutôt tendance à élargir mes horizons avec de nouveaux auteurs, des styles différents. Il m’arrive toutefois régulièrement de revenir à mes auteurs fétiches et parmi ceux-ci : Stephen King. Mon choix s’est porté sur un titre récent : FIN DE RONDE qui vient compléter la trilogie après Mr MERCEDES et CARNETS NOIRS et qui vient fermer le cycle BILL HODGES, INSPECTEUR À LA RETRAITE.

Voyons voir d’abord le contenu. Ceux qui ont lu la trilogie se rappelleront que Brady Hartsfield, ce fou dégénéré a hérité d’une chaussette pleine de billes d’acier que Holly lui a porté en plein sur le crâne avec un maximum de force. Résultat, Brady se retrouve à l’hôpital à l’état de légume.

Tout le monde le croit fini, mais non, il se réveille le gentil monsieur avec la même idée encore plus folle qu’avant : pousser des jeunes au suicide. Il se découvre un don pour la télékinésie et un autre don, autrement plus dangereux, celui de faire migrer son esprit dans un autre corps afin d’en prendre le contrôle. Brady a beau jeu de provoquer de nombreux suicides en utilisant l’hypnose par le biais d’un jeu électronique appelé Fishin’Hole.

J’ai été un peu déçu du fait que King a versé plus dans l’intrigue policière avec une trame très complexe, pénible par moment. L’ensemble est plutôt lourd et manque de fluidité. Il y a une grande quantité de personnages et le fil conducteur souffre de précarité. Le lien entre Brady, le jeu vidéo et le joueur potentiellement suicidaire n’est pas établi clairement. Il y a des longueurs et il est facile de se perdre dans ce pavé de 500 pages.

Le livre comporte toutefois beaucoup de forces dont une des principales caractéristiques de Stephen King, celle de travailler ses personnages, de les approfondir, de leur attribuer des défauts, des qualités, un passé, une mentalité. King tend à rendre ses personnages réels avec un maximum de sincérité en particulier pour Bill Hodges dont l’état de santé a le don d’inquiéter le lecteur.

Autre force importante liée au talent de Stephen King, c’est le brassage d’émotions qui caractérise ses ouvrages. FIN DE RONDE n’échappe pas à la règle : il y a Brady dont on voudrait tordre le cou et qui échappe continuellement aux limiers, Hodges dont la santé est plus que précaire. Je n’ai pas ressenti la peur comme je la ressens habituellement dans la bibliographie de King mais il a réussi à me faire passer par une gamme d’émotions.

Je dois ajouter à tout ça, que, outre une finale digne d’un des esprits les plus imaginatifs de la littérature, FIN DE RONDE n’est pas sans nous faire réfléchir sur le caractère addictif des jeux vidéo et sur les réseaux sociaux qui à mon avis échappent à tout contrôle comme internet d’une certaine façon. Il y a aussi matière à réflexion sur le suicide : 800 000 personnes meurent chaque année par suicide dans le monde.

Une statistique frappante dit que trois québécois s’enlèvent la vie chaque jour. C’est énorme. Le suicide n’est pas inné. Comme dans FIN DE RONDE, il est provoqué. Enfin, je veux préciser que les messages subliminaux existent. L’utilisation de cette technique a été criminalisée dans plusieurs pays.

Il est vrai que cette fois, King a versé davantage dans l’intrigue policière mais il l’a fait avec finesse et intelligence même s’il est parfois un peu difficile à suivre et bien sûr il a ajouté les ingrédients qui font que King demeure King : le mystère, le pouvoir psychique et le caractère authentique de ses personnages.

Pour toutes ces raisons, et je ne tiens pas compte du destin réservé à Bill Hodges et Brady Hartsfield, je recommande sans hésiter FIN DE RONDE…on ne pouvait trouver meilleur titre.

Suggestion de lecture : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ, collectif

Pour tout savoir sur Stephen King, biographie, bibliographie, filmographie et les actualités entourant l’auteur, je vous invite à visiter le CLUB STEPHEN KING.

Je vous invite à lire les commentaires que j’ai écrit sur LA TOUR SOMBRE et 22/11/63, deux œuvres majeures de Stephen King.


BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 30 novembre 2019