LES CONTES DU WHISKY, recueil de JEAN RAY

*…deux mains énormes, froides, dures comme
l’acier. Dans un silence immense, sans cri, sans
haine, avec une méthode et une sûreté de
machine, elles serraient mon cou.*
(extrait de LES CONTES DU WHISKY, LA NUIT DE
CAMBERWELL, Jean Ray, Nouvelles Éditions Oswald,
1ère édition : 1925, 134 pages, éd. Num.)

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray paru en 1925 et rééditée plusieurs fois par la suite. C’est un recueil d’histoires noires,  diaboliques, contes d’horreur, de crimes crapuleux. Ces brèves nouvelles sont inspirées du quotidien inquiétant des coins obscurs de Londres : les ports, les docks brumeux, tavernes malfamées, ruelles sombres, le tout dans une atmosphère de malfaisance, de crimes et de déchéance sociale aux limites du surnaturel. Le narrateur est plus souvent qu’autrement ivre, le whisky étant omniprésent dans les récits. 

Vapeurs éthyliques et mort
*Non mon maître. Il était au milieu des siens,
quand il s’est levé subitement en criant :
C’EST L’HEURE! Puis il partit d’un grand
éclat de rire et il est tombé mort…il était
minuit 20.
(MINUIT 20, extrait de LES CONTES DU WHISKY)

Je dois dire que j’ai passé un bon moment avec ce livre qui est présenté en deux parties : LES CONTES DU WHISKY et QUELQUES HISTOIRES DANS LE BROUILLARD. Les nouvelles sont très courtes et se déroulent dans les coins les plus sombres et les plus mystérieux de Londres ou dans le légendaire brouillard ouaté qui recouvre si souvent cette ville.

Bien sûr, les récits sont empreints de mystère, de fantastique. Le tout semble vouloir atteindre presque le surnaturel un peu à la manière d’Edgar Allen Poe. Toutefois, ce qui m’a le plus fasciné dans ce recueil, c’est l’humour particulier qu’on y retrouve…un humour édulcoré, tamisé, un peu noir et sans aucun doute rehaussé par une impressionnante adulation du divin whisky… :

*Il y a des morts galants; souvent même leurs amours portent fruit…Ce sont des mort-nés, cela va sans dire. Jusqu’ici, on s’est fort peu occupé de leur éducation. (extrait LES CONTES DU WHISKY,  MON AMI LE MORT)…C’est bon…fameux…Parmi les choses que je regretterai, il y aura le whisky…je suis trempé…Quelle horreur…un peu de whisky pour me donner du cœur…(extrait LES CONTES DU WHISKY, LA DERNIÈRE GORGÉE)

Ce qui est très spécial aussi dans ces récits, c’est que pour plusieurs d’entre eux, le narrateur est ivre, solidement imbibé de whisky, ce qui favorise le vagabondage de l’esprit du lecteur. On peut de cette façon, relire autant de fois qu’on veut un récit et lui trouver autant d’interprétations.

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray. Sa façon directe et ironique de décrire un univers mystérieux et féroce, un peu onirique, voire surnaturel lui a valu un départ fulgurant dans sa carrière littéraire. Je recommande la lecture de ce livre. Les récits sont très brefs et décrivent un monde de déchéance avec un style particulier où l’horreur, le fantastique et un humour imagé se chevauchent. Je crois que vous passerez un bon moment.

…juste en parler m’a donné une de ces soifs…

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Raymond Jean-Marie de Kremer (1887-1964) est un écrivain belge. Jean Ray est le pseudonyme qu’il s’est choisi pour écrire en français. LES CONTES DU WHISKY furent le point de départ d’une carrière fascinante : plus d’une centaine d’aventures d’ Harry Dickson, très populaire dans les années 30 et MALPERTUIS, son premier roman fantastique publié en 1943, œuvre majeure adaptée à l’écran par Ham Kümel. Je cite aussi LES CONTES NOIRS DU GOLF,  et LA GRANDE FROUSSE adapté à l’écran par Jean-Pierre Mocky. Ray a aussi écrit plusieurs livres en néerlandais sous le pseudonyme John Flanders.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE VIDE, tomes 1 et 2, livre de PATRICK SÉNÉCAL

1-VIVRE AU MAX
2-FLAMBEAUX

*Les assassins tiraient sur Nadeau et les policiers,
mais Rivard ne mourait pas sur le coup : son
ventre explosait, son visage se faisait déchiqueter
par les balles, il continuait pourtant de hurler à
l’aide…*
(extrait de LE VIDE tome 1, VIVRE AU MAX, de Patrick
Sénécal,  éditions Alire, num. 2008, 313 pages.)

LE VIDE est le récit de l’entrecroisement du destin de trois personnages : Pierre Sauvé, veuf, la quarantaine, policier qui enquête sur un quadruple meurtre. Frédéric Ferland, divorcé, psychologue à Saint-Bruno. Maxime Lavoie, célibataire, très riche, animateur de la série de téléréalité très controversée VIVRE AU MAX.

Ces trois personnages ont un point en commun : ils cherchent un sens à leur vie, une excitation qui la rendrait digne qu’on se batte pour elle… ces trois personnages convergent vers un destin commun à l’issue dramatique. Le but, combler ce qui manque cruellement à leur existence : un vide…peu importe ce qu’il en coûtera…

Du Sénécal pure laine
*Les réunions sont organisées par un certain Charles
qui incite les gens présents à se suicider. Il dit que
plus rien ne vaut la peine, que tout est vain et
que le mieux est de mourir.*
(Extrait de LE VIDE, tome 2, Patrick Sénécal, éditions
ALIRE, 2008, éd. Num.)

Pour utiliser d’entrée de jeu un cliché, Sénécal reste Sénécal. Il a le don de garder ses lecteurs et lectrices en captivité. Un peu comme King, il entretient la curiosité, un irrésistible besoin de continuer à lire pour satisfaire une curiosité qu’il a lui-même suscitée.

Dans LE VIDE, on assiste à l’installation et l’évolution graduelle de la démence dans l’esprit torturé de Maxime Lavoie, pdg milliardaire. Au départ, l’esprit de Lavoie est noble, empathique, ses buts sont de nature philanthrope, mais suite à une cruelle désillusion, son esprit se corrompt, s’avilit. Le bel altruisme du début fait place à la haine, la cruauté, la misanthropie.

Très graduellement, Lavoie met au point un plan très complexe et totalement démoniaque et pour ce faire, il utilisera des outils dont il dispose abondamment : de l’argent, une émission de téléréalité d’une brûlante insipidité qu’il produit et réalise lui-même, ce qui lui permet de rejoindre des milliers d’esprits faibles et dépressifs. Le mélange est explosif et aboutira sur un inimaginable drame humain.

Première chose à souligner (comme l’ont fait tous les critiques), les chapitres du livre sont publiés dans le désordre…33, 5, 34, 35, 18, 7, etc. Bien que n’empêchant pas la compréhension du récit, cette fantaisie impose au lecteur des sauts temporels qui peuvent être irritants. Personnellement, j’ai lu les chapitres dans le désordre, n’ayant aucune envie de passer mon temps à feuilleter.

Le fil conducteur du récit est solide et comporte trois éléments qui m’ont littéralement forcé à garder le livre ouvert : 1) la mystérieuse et dramatique aventure de Lavoie en Gaspésie, mentionnée un peu partout dans le récit et dévoilée vers la fin. C’est là semble-t-il où tout a basculé pour Lavoie.

2) Gabriel : rescapé du drame gaspésien, énigmatique adolescent d’une douzaine d’années, mentalement perturbé, muet, apathique, omniprésent dans le récit, personnage-clé.

3) Et bien sûr, le vide…le vide existentiel, c’est-à-dire l’expression d’une existence sans réalité, sans valeur. (Larousse) Si le vide est un thème plutôt abstrait au départ, l’auteur dévoile à la petite cuillère toute son horrible réalité.

C’est un roman tordu mais bien ficelé au point d’agripper le lecteur. Les personnages sont froids, aucun attachement possible. L’écriture est descriptive, le langage cru et direct autant pour les scènes sanglantes que les scènes de sexe. D’ailleurs dès le début, l’auteur fait la description fort détaillée d’une orgie assez torride merci. Ce n’est pas une diversion. D’ailleurs, il n’y a aucune diversion dans ce roman.

On aime ou on aime pas. Moi j’ai aimé.  Pas de demi-mesure avec Sénécal. Le lecteur est forcément appelé à se demander ce qui se passe dans l’esprit de l’auteur et comment les choses peuvent dégénérer à ce point. C’est dur et intense…au risque de me répéter…du Sénécal pure laine.

Suggestion de lecture : du même auteur, FAIMS

Patrick Sénécal né en 1967, est un écrivain québécois spécialisé dans le roman *noir*. Il est aussi scénariste et réalisateur. Il publie son premier roman en 1994 : 5150 rue des Ormes, adapté au cinéma en 2009. Il est détenteur de plusieurs prix littéraires importants dont le prix Boréal du meilleur roman en 2001 (Aliss) et le prix Masterton en 2006 (Sur le seuil) en plus des distinctions dans les salons du livre. Il a aussi publié deux romans pour la jeunesse. LE VIDE, est son 7e roman, le plus médiatisé de son œuvre. Consultez l’article consacré à son livre CONTRE DIEU

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE

H2G2, II

Commentaire sur le livre de
Douglas Adams

*Mesdames et messieurs…l’Univers tel que nous le
connaissons existe maintenant depuis cent soixante-
dix millions de milliards d’années et s’achèvera dans
un peu plus d’une demi-heure. Aussi, sans plus tarder,
bienvenue à tous et à chacun à Milliways, le dernier
restaurant avant la fin du monde!*
(extrait de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE
H2G2, II, Douglas Adams, Folio sf,  t.f. : éditions denoël 1982
211 pages, éd. Num.)

Nous sommes dans un futur indéterminé.  La terre a été détruite pour permettre la construction d’une voie rapide intergalactique. Un petit groupe, (un astrostoppeur, un androïde instable, un président de galaxie et deux terriens rescapés de la destruction) vadrouille de galaxie en galaxie équipé d’un guide galactique en faisant des sauts temporels, ce qui les rapproche dangereusement de la fin de l’univers : le big crunch. C’est ainsi que notre équipe, le temps d’une dernière bouffe, aboutit chez Milliways, le dernier restaurant avant la fin du monde. Il s’agit du deuxième tome de la pentalogie H2G2. 

Adams ou le futur halluciné
*Dans la crypte, les vingt-quatre joggers se
dirigèrent vers vingt-quatre sarcophages
vides alignés contre le mur, les ouvrirent,
y pénétrèrent et tombèrent dans
vingt-quatre sommeils sans rêve…*

LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est un récit extrêmement original qui comporte de multiples facettes : on y trouve un peu de psychologie, de la philosophie…l’écriture rappelle parfois l’essai, l’étude de mœurs…on trouve évidemment de la science-fiction et de l’humour…beaucoup d’humour lié à la spontanéité des dialogues…

*Les Jatravartidiens de Viltevolde VI croient pour leur part que tout l’univers fut en réalité violemment éternué de la narine d’un être qu’ils nomment le Grand Archtoumtec vert…*

*…un guide touristique…mieux vendu que la théorie du trou noir, un itinéraire personnel par Teraroplopla Eccentrica (la fameuse prostituée à trois seins d’Eroticon Six) et même plus controversé que le dernier titre à scandale du philosophe Ooland Colluphid : Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur le sexe tout en étant obligé de le trouver…*

*L’immeuble ne va pas tarder à atterrir. Pour sortir, ne prenez pas la porte…Sortez par la fenêtre…*

*Trin Tragula était un rêveur, un penseur, un spéculateur, un philosophe ou-comme se plaisait à le répéter son épouse-un idiot.* (extraits de LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE de Douglas Adams).

Voilà pour l’humour…je ne me suis pas ennuyé à la lecture de ce livre. Pour l’aspect science-fiction, il y a plein de trouvailles que je vous laisserai découvrir. Je dirai toutefois que la question n’est pas de savoir où se situe le dernier restaurant avant la fin du monde mais plutôt  QUAND il se situe. L’auteur développe la théorie selon laquelle si l’univers a un commencement : LE BIG BANG, il aura aussi une fin : LE BIG CRUSH.

Or une bulle temporelle permet à des privilégiés d’assister à la fin de l’Univers en mangeant tranquillement…puis de revenir en arrière par saut temporel pour s’éloigner de la fin et permettre à la vie de continuer tout aussi tranquillement. L’auteur s’amuse ici à amplifier l’absurdité et le comique loufoque des clichés liés aux voyages dans le temps. Ça donne des passages très drôles et parfois même tordus et des trouvailles pour le moins farfelues.

J’ai maintes fois remarqué, dans mes lectures, que la philosophie d’apparence bon marché ou teintée d’humour cache souvent des pensées profondes et même de grandes vérités. À travers l’humour qui confine parfois à la loufoquerie, le récit d’Adams porte en lui une réflexion sur l’humanité, ses mythes religieux, ses cultures et comme il est question de fin du monde, l’histoire met en perspective des questionnements sur le sens de la vie et les buts de l’existence.

C’est un livre intéressant, bien écrit et qui va droit au but, avec un regard objectif sur notre ouverture d’esprit quant au rôle que nous jouons dans cette vie. Une lecture divertissante, agréable et même enrichissante…

Suggestion de lecture : HISTOIRES À LIRE AVANT LA FIN DU MONDE, collectif, recueil de nouvelles.

Douglas Adams (1952-2001) était un écrivain natif du Royaume-Uni. Il s’est fait connaître au départ par sa collaboration avec les Monthy Python. Mais son heure de gloire arrive avec la diffusion de la célèbre série radio H2G2 sur BBC. Quatre ans plus tard en 1979, Adams publie le premier tome du cycle H2G2 le guide du voyageur galactique. Le cycle sera complété en 1992 et comprendra cinq volumes. H2G2 sera par la suite adapté au théâtre, en série télévisée, au cinéma et même en jeu vidéo. LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE est le deuxième tome de la série.

BONNE LECTURE
JAILU
MAI 2015

LE COQ DE BRUYÈRE, livre de MICHEL TOURNIER

*Car il est vrai qu’un ineffable secret l’unissait à vendredi, et ce secret, c’était une certaine petite tache verte qu’il avait fait ajouter dès son retour par un cartographe du port sur le bleu océan des Caraïbes…* (extrait de LE COQ DE BRUYÈRES, LA FIN DE
ROBINSON CRUSOÉ,  Michel Tournier, Éditions Gallimard, 1978, num. 214 pages)

LE COQ DE BRUYÈRE est un recueil de contes et nouvelles comprenant 14 récits aux formes variées. L’œuvre passe en revue quelques grands mythes (le Père Noël par exemple) en provoquant chez le lecteur différentes émotions contradictoires telles le bonheur et la tristesse, le rire et les larmes, la certitude et le scepticisme…Dans tous les récits, spécialement les plus tragiques, l’auteur fait intervenir l’humour…c’est ainsi qu’on découvre une nouvelle vertu étrange au citron, que l’ogre du Petit Poucet serait un hippie et même que le Père Noël aurait donné le sein à l’Enfant Jésus. Le titre d’un de ces récits est devenu celui du recueil : LE COQ DE BRUYÈRE.

Iconoclaste et séduisant…
*En tout cas, c’est défendu de manger
pendant la classe. Tu me copieras
cinquante fois ‘je mange des citrons
en classe’*
(extrait LA JEUNE FILLE ET LA MORT,
LE COQ DE BRUYÈRE)

LE COQ DE BRUYÈRE est un intéressant recueil de contes et de nouvelles, chaleureux et attendrissant qui attire le lecteur dans ses pages en faisant appel à un mélange d’émotions mises en valeur par un humour léger. Les récits sont quelque peu disparates.

Quelques-uns m’ont déçu, plusieurs m’ont accroché, spécialement ceux qui semblent allier les merveilles des contes classiques aux récits plus récents, de même tendance, mais qui se sont adaptés à la modernité comme LA FUGUE DU PETIT POUCET par exemple où l’auteur concède à l’ogre une nature de hippie qui évoque la recherche constante et inconditionnelle de la liberté.

LA FUGUE DU PETIT POUCET est un exemple de récit iconoclaste comme LA FIN DE ROBINSON CRUSOÉ ou LA MÈRE NOËL. Michel Tournier est un peu vandale dans son genre. À la lecture de ses récits, j’ai développé l’impression d’une tentative de sa part de redéfinir les mythes, de tirer un trait sur l’histoire et de se tourner vers l’avenir.

J’ai senti une dualité entre le concepteur et le philosophe et une merveilleuse capacité de balloter le lecteur de la tristesse à la joie, de la fragilité de l’esprit au courage et à l’abnégation.

Dans le COQ DE BRUYÈRE il y a des rebondissements, de l’inattendu, de l’originalité, de la recherche. J’ai été particulièrement surpris par LES SUAIRES DE VÉRONIQUE. Dans ce récit, Véronique est photographe et chaque photo qu’elle prend enlève une parcelle de vie à son modèle :

*…vous m’avez aussi beaucoup pris. Vingt-deux mille deux cents trente-neuf fois quelque chose de moi m’a été arraché pour entrer dans le piège à images, votre –petite boîte de nuit-…

Vous m’avez plumé comme une poule, épilé comme un lapin angora. J’ai maigri, durci, séché non sous l’effet d’un quelconque régime alimentaire,  mais sous celui de ces prélèvements effectués chaque jour sur ma substance…*(extrait LES SUAIRES DE VÉRONIQUES, LE COQ DE BRUYÈRE).

Bref, Véronique tue avec son appareil photo…un simple appareil photo qui a la particularité de *siphonner* la force vitale.

La plupart des récits sont venus me chercher mais LES SUAIRES DE VÉRONIQUE est sans doute celui qui m’a le plus surpris.

Avec la séduction de l’humour tendre, les récits sont porteurs de sagesse et d’une intéressante réflexion sur le sens de la vie et de la mort, le refus de grandir (thème développé avec brio dans le récit TUPIK où un jeune garçon projette de couper son pénis pour éviter de devenir un homme) et ça va plus loin avec des observations parfois saisissantes sur la nature humaine.

C’est tout Tournier…divertir et faire réfléchir. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, de Renaud Benoit

Michel Tournier (1924-  ) est un écrivain français né à Paris. Dès 1941, il développe un intérêt pour la philosophie. Malgré un échec au concours de l’agrégation, il gagne sa vie comme traducteur et rédacteur publicitaire, animateur et concepteur à la radio avant de joindre l’équipe du fameux éditeur PLON en 1959.

Il publie son premier roman en 1967 VENDREDI OU LES LIMBES DU PACIFIQUE, grand prix de l’Académie française. Avec ce chef d’œuvre et LE ROI DES AULNES, prix Goncourt en 1970, Tournier s’est par la suite entièrement voué à une brillante carrière littéraire tout en siégeant à l’Académie Goncourt.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015

FANTÔME EN HÉRITAGE, livre d’ANNIE JAY

*J’étais si terrifié que j’ai essayé en vain de crier,
j’étais comme paralysé. Et elle, elle me regardait
d’un air calme. Moi aussi je la regardais, et même
que je voyais au travers de son corps.*
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE, Annie Jay,
Hachette Livre, 1997, 2003 et 2006, éd. Num.
70 pages, Hachette jeunesse)

Ce récit est l’histoire de Brice, un jeune garçon de 12 ans qui s’installe avec sa mère dans une très ancienne maison, héritage de l’arrière- grand –oncle Joseph. En héritant de la maison, Brice se rend compte très vite qu’il a aussi hérité d’un fantôme qui l’habite : elle s’appelle Constance, tuée par Joseph pour son héritage et enterrée en secret. Ce fantôme frustré, capricieux, malin et têtu est bien décidé à mener la vie dure à Brice jusqu’à ce qu’elle obtienne justice ainsi qu’un enterrement digne du titre.

Brice accepte (a-t-il le choix?) d’aller au fond de cette affaire ne serait-ce que pour se débarrasser de cette peste. Il sera aidée par sa grand-mère, Blanche, appelée à juste titre Mamie Bazooka, une drôle de femme, farfelue et extravagante. Premier objectif pour Brice : surmonter sa peur. Ensuite, trouver le corps de Constance…rien de facile…

LA PESTE TRANSPARENTE
*-Je les ai hantés du soir au matin et
du matin au soir, fit en riant
l’intéressée. L’avantage pour les
fantômes, c’est qu’il n’existe ni
jour, ni nuit!
(extrait de FANTÔME EN HÉRITAGE)

Comme tous les humains sont confrontés tôt ou tard à des histoires de fantômes, dans les livres, à la télé, au cinéma ou dans la tradition orale, et même paraît-il dans la vraie vie, autant commencer de bonne heure avec délicatesse, sensibilité et même, pourquoi pas, de l’humour. C’est ce que propose Annie Jay aux jeunes à partir de 8 ans.

Les parents peuvent se rassurer, c’est tout à fait sans danger. Le seul risque est celui de vous faire poser beaucoup de questions. À vous de satisfaire l’insatiable curiosité des jeunes avec discernement et faites comme madame Jay…ajoutez-y de l’humour.

Dans ce petit livre de moins de 75 pages, aisé à lire, tous les ingrédients sont réunis pour faire passer de bons moments aux enfants : des jeunes personnages attachants, une mamie extravertie et extravagante avec des cheveux rouges et des vêtements aux agencements de couleurs plutôt loufoques (et c’est pas pour rien qu’elle se fait appeler MAMIE BAZOOKA…imaginez…une grand-mère d’âge très respectable…en mini-jupe) et surtout, le fantôme d’une jeune fille d’une quinzaine d’années…

Le fantôme dont il est question dans cette petite histoire n’est pas vraiment méchant, mais c’est une peste, capricieuse, entêtée et collante. Il faudra un bel esprit d’équipe de Brice, le jeune personnage principal de l’histoire, et de ses amis, y compris l’excentrique Mamie Bazooka pour se débarrasser de cette peste.

Annie Jay est surtout spécialisée dans les romans historiques pour la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est un essai dans le vaste domaine littéraire du fantastique pour les jeunes lecteurs et lectrices. Mon avis est que c’est bien essayé. Elle a bien saisi tout l’état d’esprit d’un enfant, son goût en éveil pour le mystérieux, les petites intrigues, l’aventure.

FANTÔME en héritage est une belle petite histoire écrite avec sensibilité,  pleine de rebondissements et de rythme et développant des thèmes précieux pour les jeunes : l’esprit d’équipe, l’amitié et le courage qui consiste d’abord à surmonter sa peur.

Un bon ptit livre.

Suggestion de lecture : GHOST STORY, de Peter Straub

Annie Jay (1957-) est une auteure française spécialisée dans les romans historiques destinés à la jeunesse. FANTÔME EN HÉRITAGE est une petite déviation dans la carrière de l’auteure qui tente un essai dans le mystère et le fantastique. Annie Jay est le passionnée d’histoire et motivée par l’objectif de transmettre aux jeunes le goût de la lecture. À ce jour, elle a publié 14 romans LA FIANCÉE DE POMPÉI, publié en 2013. Pour en savoir plus sur Annie Jay, consultez son site officiel : http://anniejay.com

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015

DES CLIQUES ET DES CLOAQUES, Jim Thompson

*Je lui expédie un crochet du droit, puis un
crochet du gauche : coup sur coup. Je la
laisse s’affaler au pied de l’escalier. Son
cou a l’air d’avoir allongé de dix
centimètres, et sa tête ballotte comme
une citrouille sur un cep de vigne.*
(extrait de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES,
Jim Thompson,  t.f.  Éditions Gallimard, 1967,
éd. Num. 160 pages)

Voici l’histoire de Frank Dillon, un raté,  du moins en apparence, qui partage sa vie entre sa femme, Joyce, une maritorne impossible et Stapple, son patron à l’esprit cruel et méchant pour qui il vend de la camelote de porte en porte. Un jour, alors qu’il croit réussir à vendre des couverts de table à une vieille femme, celle-ci offre à Dillon de se faire payer en nature en couchant avec sa nièce Mona. Dillon refuse et par bonté, laisse les couverts sur place et sort. Stapple menace de le congédier s’il ne rembourse pas. Entre  temps, la belle Mona offre à Dillon de l’aider à se débarrasser de sa vieille tante et mettre la main sur sa fortune. Dillon, ne réfléchis pas longtemps et élabore un plan machiavélique…

Noir, très noir…

*Je lui expédie six balles dans la tête et
dans la nuque. Il pique du nez et c’est
rideau pour Pete. Avant de partir, je
m’assure qu’il a passé. Sa figure ne
ressemble plus à grand-chose, mais
j’ai l’impression qu’il est mort
heureux. Il sourit.
(extrait de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES)

DES CLIQUES ET DES CLOAQUES est un récit extrêmement sombre…*les aventures véridiques d’un homme en proie à la poisse et aux mauvaises femmes* (titre du chapitre 22)…le récit de Frank Dillon, surnommé Dolly, dont la vie est une prise en étau entre *ses femmes*, de véritables poufiasses qu’il appelle *roulures* dans le texte, et son patron Stapple, un exploiteur cruel.

Dolly, un raté, sympathique au départ, devient un parfait salaud, menacé par un plus salaud que lui…les meurtres s’accumulent…

Ne vous attendez pas à des élans de joie de vivre dans ce récit très noir qui explore les bas-fonds de l’esprit humain. La plume est crue et directe : *Si je suis noir, plus noir qu’un trou à charbon…* (extrait)…*Ce soir, tue-la ce soir Dolly…* (extrait) .

Ce roman est développé un peu en dents de scie et pourtant on s’y accroche même si les personnages n’ont rien d’attachant. Comme le récit m’a amené à me demander comment on pouvait tomber aussi bas, je suis devenu comme accroché au texte.

Le petit côté décevant est que Thompson a très peu développé la relation entre Dolly et Mona (la fille exploitée par une vieille femme avec qui elle vivait) et qui devient elle aussi une roulure comme les autres. La finale, tout de même assez solide tient très peu compte de son destin. En revanche, l’auteur exploite à fond son personnage principal : Frank Dillon, un pauvre raté, exploité, qui devient paranoïaque, meurtrier et finalement suicidaire.

Malgré certaines longueurs, pardonnables à mon avis,  question de respirer un peu, le caractère sombre du récit va en s’intensifiant. Thompson nous entraîne dans un univers de folie et d’horreur. Sans être un chef d’œuvre, c’est un très bon roman qui décrit une clique de personnages douteux et dont l’esprit est moralement corrompu, ce qu’on appelle, sur le plan littéraire un cloaque. C’est un bon livre… qui porte bien son titre.

Suggestion de lecture : EN SACRIFICE À MOLOCH, d’Asa Larsson

Jim Thompson (1906-1977) est un écrivain américain. Son premier livre paraît en 1942 : NOW ON EARTH, inspiré du travail que Thompson faisait dans une usine d’aviation au début de la 2e guerre mondiale.  L’empreinte autobiographique de ce livre se retrouvera à des degrés divers dans l’ensemble de son œuvre.

La notoriété de Jim Thompson prend forme en 1956 alors qu’il écrit le script d’un des plus beaux films de Stanley Kubrik : LES SENTIERS DE LA GLOIRE. Ce travail amènera Thompson à s’installer à Hollywood où il continue d’écrire.

Son œuvre comprend plus d’une trentaine de  romans dont plusieurs sont devenus des classiques de la littérature américaine. La notoriété de l’auteur ne s’est installée que très graduellement et n’atteindra son apogée qu’après sa mort grâce, entre autres, à l’adaptation au cinéma de certains de ses romans.

C’est ainsi qu’Alain Corneau réalise SÉRIE NOIRE en 1979, adaptation cinématographique de DES CLIQUES ET DES CLOAQUES. Plusieurs adaptations suivront dont LES ARNAQUEURS en 1990, nominé aux Oscars.

Affiche du film SÉRIE NOIRE réalisé par Alain Corneau en 1979, adaptation du roman de Jim Thompson DES CLIQUES ET DES CLOAQUES avec Patrick Dewaere, Myriam Boyer, Marie Trintignant et Bernard Blier.

BONNE LECTURE
JAILU
MAI 2015

CHIMÈRE, le livre de TESS GERRITSEN

*…Elle regardait l’abdomen de Kenichi, dont la peau semblait se plisser et se rider comme en proie à une ébullition intérieure. -Il y a quelque chose qui bouge…sous
sa peau…
(extrait de CHIMÈRE de Tess Gerritsen, t.f. Presses de la Cité, 2000, éd. Num. 436 pages)

Emma Watson,  est désignée pour une mission : étudier des organismes vivants dans l’espace,  observer en apesanteur l’évolution d’archéobactéries rapportées des profondeurs marines et dont la nature mortelle n’a jamais été révélée à la NASA. Dès son arrivée à bord de la station spatiale internationale, tout tourne mal.

Sous l’effet de la microgravité, les cellules contaminent chaque membre de l’équipage qui agonise dans d’horribles souffrances. S’engage alors une angoissante course contre la montre pour stopper la fureur de la Chimère et empêcher sa prolifération…compte à rebours médical d’une tension poussée à l’extrême d’autant que ces cellules peuvent absorber  l’ADN de leurs victimes…

Pas de quartiers…
*Nathan Helsinger avait enfin cessé de bouger.
Ce qui restait de sa tête gisait dans un lac de sang.
Il y en avait une telle quantité que, pendant un
moment, Roman ne vit rien d’autre. Puis, il
réussit à poser son regard sur le visage du mort.
Sur la masse bleu-vert frémissante qui adhérait
à son front. Des kystes. La Chimère.
(extrait de LA CHIMÈRE)

Je dois dire d’entrée de jeu qu’il est très difficile d’abandonner ce livre une fois qu’on en a entrepris la lecture. À partir du moment où la toxine est libérée dans la station spatiale internationale, le récit devient une suite pratiquement ininterrompue de catastrophes, de conséquences dramatiques…un implacable effet domino…une course haletante contre la montre.

LA CHIMÈRE est un thriller médical puissant, dans la lignée de Robin Cook et qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur l’incroyable pouvoir de l’infiniment petit…les micro-organismes.

Ce que j’appelle le fil conducteur de l’histoire est simple, facile à suivre. L’histoire commence au fond de l’océan où des chercheurs découvrent des archéobactéries qu’ils remontent en surface et soumettent par la suite à des expériences en microgravité dans l’espace à bord de la station spatiale internationale.

Ces micro-organismes, au départ inoffensifs pour l’être humain, et passant d’une condition extrême à l’autre, vont devenir un effroyable cauchemar et le lecteur est captif de ce cauchemar car dans le récit,  tout dégénère rapidement. Ça va vite…ça va très vite.

On dirait qu’à travers toute cette escalade, l’auteure s’est arrangée, par la force de son imagination et de sa plume, pour pousser le lecteur à s’interroger : Comment les choses font-elles pour en arriver là? Vont-ils s’en sortir? Y a-t-il de l’espoir?

Est-ce vrai que la vie trouve toujours son chemin? Gerritsen le précise bien dans son récit : *depuis le commencement des temps, les plus redoutables ennemis de l’humanité ont toujours été les plus petites formes de vie*. Le lecteur est pris et bien pris dans une infernale chaîne d’évènements jusqu’à la toute fin du récit…car la Chimère n’est rien d’autre qu’une branche à part de la vie…une abomination.

CHIMÈRE est un thriller haletant, percutant, extrêmement efficace, pas forcément original mais très habile et plongeant le lecteur dans des moments de forte tension. Une petite amourette allège à peine le tout et c’est tant mieux.

L’idée développée par Gerritsen dans son roman est loin d’être nouvelle, mais la logique qu’elle y déploie est tellement implacable qu’elle a réussi à me *figer*. En fait, je place CHIMÈRE dans une courte liste de livres qui m’ont fait passer par toute une gamme de fortes émotions et qui m’ont arracher des frissons (phénomène assez rares en ce qui me concerne).

Suggestion de lecture : CHIMAERIS, d’Éric Tourville

Tess Gerritsen est une écrivaine américaine née en 1953. Elle exerce la médecine à Hawaii. Parallèlement, elle s’adonne à l’écriture. Un jour elle envoie une nouvelle à un concours littéraire mis sur pied par le Honolulu magazine. Elle gagne le premier prix. Emballée par cette reconnaissance, elle quitte la médecine et se met à l’écriture à plein temps, des suspenses romantiques d’abord, mais c’est son premier thriller médical, DONNEUR SAIN qui lui apportera succès et notoriété. Entre autres distinctions, Tess Gerritsen a reçu le Nero Ward du meilleur roman policier en 2006 avec AU BOUT DE LA NUIT.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
AVRIL 2015

BOB MORANE ALIAS M.D.O. de HENRI VERNE

*C’est alors que, derrière le battant,
un rire retentit. Un rire grinçant,
désagréable, faisant songer au
bruit provoqué par une feuille de
métal froissé…*
(extrait de BOB MORANE ALIAS M.D.O.
Henri Verne, Pocket Marabout # 45, 1968,
Éditions Gérard & co, Verviers, num. 116 p.)

Le SMOG, organisation criminelle qui fait la pluie et le beau temps à Hong Kong détenait en otage les clients de l’hôtel Ylang Ylang. SMOG a fini par libérer tout le monde sauf une personne : Louis Nordham, alias M.D.O… qui a été retrouvé mort dans le vieux quartier de la ville. Avant de mourir, M.D.O. avait eu le temps de contacter Bob Morane pour lui demander de l’aide, mais c’était trop tard. Morane et Bill Ballantine se mettent en quête de la présumée auteure de l’assassinat, nulle autre  que Miss Ylang Ylang, la grande patronne de SMOG. Nos amis seront aidés par un des rois de la pègre de Hong Kong.

Qui est Bob Morane?

Bob Morane est un personnage créé par Henri Verne en 1953 à la demande de Marabout Junior dont le directeur de la collection était soucieux d’offrir à la jeunesse un héros, aventurier et justicier et dont elle pourrait suivre les aventures de livre en livre. Verne écrit donc un premier *Morane* en 1953 : LA VALLÉE INFERNALE. Les jeunes sont emballés. Plus de 180 romans suivront jusqu’en 2000. Bob Morane est un personnage attachant. Il court après les ennuis, ou les ennuis courent après lui. Il donne parfois l’impression d’être un peu brouillon, mais il est sans peur, il a un sens aigu de la justice. Bob Morane est un sportif, passionné de livres, de films d’horreur et de bains chauds. Bien qu’en général son attitude soit celle d’un don quichotte redresseur de torts, courageux voire téméraire, ses nombreuses qualités et ses petits travers en ont fait un personnage extrêmement attachant. Les jeunes l’ont adopté rapidement.

La guerre aux vilains…
*Si vous n’étiez pas une femme,
je vous briserais la nuque
comme une malfaisante volaille
que vous êtes…*
(extrait de BOB MORANE ALIAS M.D.O.)

Dans les livres de Verne consacrés à Bob Morane, et ils sont nombreux comme vous l’avez vu plus haut, le gentil justicier va donc d’une aventure à l’autre. Comme plusieurs personnes de ma génération, des hommes surtout, j’ai lu les aventures de Morane pendant mon adolescence, mais je n’ai pas pu vraiment m’attacher au personnage. J’ai apprécié plusieurs récits mais mon intérêt était limité.

40 ans plus tard,  avec le recul du temps et sachant que les aventures de Bob Morane sont encore lues un peu partout dans le monde, j’ai à nouveau fait la lecture de quelques aventures du héros. J’ai choisi de parler de ALIAS M.D.O. toutefois mes commentaires s’appliqueraient je crois à n’importe quels titres de la série.

Les critiques décrivent Morane comme un personnage attachant. C’est vrai qu’il est sympathique mais comme je l’ai dit plus haut, *il n’est pas vraiment venu me chercher*.
Bob Morane est un peu justicier, agent secret, espion, policier, défenseur des opprimés…il évolue d’un récit à l’autre avec un personnage créé pour le seconder et parfois ramener un peu son esprit brouillon à l’ordre, il s’agit de Bill Ballentine.

Morane rencontre dans ses aventures des personnages parfois surréalistes comme on en voit par exemple dans la série James Bond. Il donne des rossées mais il en reçoit aussi. Il subit des échecs mais il en sort plus fort et il a une qualité que j’apprécie beaucoup dans ce genre de roman, il a la capacité de s’enrichir de ses erreurs. Ce n’est pas un invincible qui a réponse à tout. Il est très doué et fort mais il est humain. Pas étonnant donc que Bob Morane ait été tant apprécié des ados des sixties et il l’est encore aujourd’hui.

Les aventures de Bob Morane s’étalent sur 180 livres. Ce sont des livres assez courts, entre 100 et 200 pages. Ce sont des récits sans trop de profondeur. Toutefois la profondeur n’est pas une qualité que les ados cherchaient particulièrement dans les sixties. Donc les récits sont assez brefs, bien ventilés avec des chapitres courts et qui sont imprégnés d’un fort caractère aventurier, le tout en accord avec les caractéristiques culturelles des adolescents  d’hier et d’aujourd’hui.

Tous ces éléments s’appliquent évidemment au récit choisi pour ce commentaire : ALIAS M.D.O . Dans ce récit, Henri Verne ballote son personnage dans une société de gangsters et en profite au passage pour donner de la CIA une image peu flatteuse. Un petit livre qui manque un peu de substance mais qui constitue un bon divertissement…assez agréable à lire…ou à relire.

Suggestion de lecture : 35 MM, de Christophe Collins

MORANE EST AUSSI UN HÉROS DE LA BD

Charles-Henri-Jean Dewisme est un auteur belge né à Ath le 16 octobre 1918. Dès sa préadolescence,  il prend goût à la lecture. Il écrit ses premières nouvelles à l’âge de 17 ans. Après la guerre, il devient journaliste de terrain pour une agence de presse américaine, et il écrit des feuilletons pour des magazines. Son premier livre, LA PORTE OUVERTE est publié en 1944. En 1953,  il crée le personnage de Bob Morane. La première aventure du héros, LA VALLÉE INFERNALE est publiée le 16 décembre 1953 et connaît un succès immédiat. C’est à ce moment-là que Charles-Henri-Jean Dewisme choisit un pseudonyme : Henri Verne.

Entre autres adaptations de Bob Morane, je citerai une très bonne télésérie tournée en 1963 et comprenant 26 épisodes avec Claude Titre dans le rôle principal (photo à gauche) et Billy Kearns dans le rôle de Ballantine, le meilleur ami de Morane, personnage récurrent dans les romans de Verne. Pour en savoir plus sur l’auteur, son œuvre, sur Bob Morane et sur les adaptations, consultez le site internet  http://imaginaire.ca/BobMorane/

BONNE LECTURE
JAILU
AVRIL 2015

BILBO LE HOBBIT, livre de J.R.R. TOLKIEN

*L’animal devint alors fou; il sauta en l’air;
trépigna et jeta ses pattes de droite et de
gauche en d’horribles bonds, jusqu’au moment
où Bilbo le tua d’un nouveau coup d’épée;
après quoi il tomba et perdit conscience
pendant un long moment.*
(extrait de BILBO LE HOBITT, publication originale
1937, rééd. Le livre de Poche, juin 2007. J.R.R. Tolkien,
édition numérique, 253 pages)

Ce livre raconte l’histoire de Bilbo, un Hobbit de la Comté, paisible qui n’aime ni les aventures ni les imprévus. Mais un jour, la douce quiétude de Bilbo s’envole quand Gandalf vient le chercher. Le magicien entraîne Bilbo dans une aventure fantastique qui le mènera jusqu’à la Montagne Solitaire, gardée par un dragon cruel. Le voyage comporte de dangereuses épreuves.  

Bilbo croisera des personnages très étranges, Gollum en particulier, mais aussi des trolls. Avec Gandalf, Gollum, le Seigneur Elrond et plusieurs autres, Bilbo, sans le savoir, tisse la toile de la plus extraordinaire fresque de l’histoire de la littérature : LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

Pour les enfants de Tolkien

*-Qu’ai-je, je me le demande?-
se dit-il, pantelant et trébuchant.
Il fourra la main gauche dans sa
poche. L’anneau lui parut très
froid comme il le glissait
doucement à son index tâtonnant.*
(extrait de BILBO LE HOBBIT)

Ce livre m’a envoûté tout simplement. Non seulement j’ai savouré une écriture limpide et qui confine parfois à la poésie, mais j’ai eu des réponses aux questions que je me suis posées suite à ma lecture du SEIGNEUR DES ANNEAUX (que j’ai lu en premier comme beaucoup l’ont déjà fait). Entre autres, j’ai su les circonstances exactes dans lesquelles l’anneau a été découvert par Bilbo.

Dans ce livre, l’anneau n’est qu’un accessoire. Ce n’est que dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX que le lien pourra être établi entre l’anneau et le Nécromancien dont il est question à 2 ou 3 reprises dans BILBO LE HOBBIT et qui deviendra SAURON dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX. Mais la découverte de cet anneau sera le prétexte à un extraordinaire dialogue, essentiellement composé de devinettes entre Bilbo et Gollum. Ça m’en a dit long sur la psychologie de ce dernier.

BILBO LE HOBBIT est une histoire pour les enfants. Tolkien l’a écrite pour ses propres enfants en y incorporant des chansons et comptines et en développant des thèmes qui passionnent les jeunes lecteurs : héroïsme, courage, quêtes, mystères…

Mais ce livre convient très bien aux adultes d’autant que, sans le savoir probablement, avec BILBO LE HOBBIT et LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, Tolkien allait modéliser des personnages et des créatures qui occupent encore aujourd’hui l’univers littéraire extrêmement riche du *fantasy* : elfes, gobelins, trolls, dragons, orques, nains, magiciens et j’en passe. De plus le style et les thèmes développés par Tolkien ne sont pas sans rappeler le phénomène *DONGEON ET DRAGONS*.

Mais BILBO LE HOBBIT est avant tout le prologue du SEIGNEUR DES ANNEAUX. Le livre est plus court, plus abordable. L’histoire est basée sur une seule quête, celle des nains qui veulent récupérer le trésor de leur peuple dérobé par Smaug. L’histoire est plus facile à suivre les dialogues étant plus courts et plus simples, un peu moins descriptifs que LE SEIGNEUR DES ANNEAUX et moins guerriers. L’écriture est un heureux mélange de force et de délicatesse.

Il ne faut pas perdre de vue que c’est une histoire pour enfants, elle est construite comme telle, mais elle a tout ce qu’il faut pour séduire les adultes et puis après tout, il faut bien la lire pour saisir tous les aspects profonds de l’œuvre majeure qui suit. Mais ce sera loin d’être une corvée car le récit est rythmé et très bien construit. L’ensemble est simple et captivant.

Pour moi, BILBO LE HOBBIT est un petit bijou de la littérature…incontournable.

Suggestion de lecture,  du même auteur : LE SEIGNEUR DES ANNEAUX

John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) natif d’Afrique du Sud était écrivain, poète et philologue. Au départ, il a imaginé BILBO LE HOBBIT pour amuser ses enfants (Christopher, John, Priscilla et Michael) et stimuler leur sens de l’émerveillement.  Le texte ne sera achevé et publié que beaucoup plus tard, en 1937 et préfigurera LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, ouvrage majeur sur lequel Tolkien travaillera à partir de 1938 et qui sera publié en 1954. Son succès ne sera jamais démenti. TOLKIEN était un passionné des langues et de philologie.

Martin Freeman incarne BILBO LE HOBBIT dans le premier film d’une trilogie
adapté et réalisé par Peter Jackson et sorti en 2012. À suivre…

BONNE LECTURE
JAILU
AVRIL 2015

BEAUX MECS ET SACS D’EMBROUILLES, de Meg Cabot

*Je me demandais si tu avais un peu de temps
aujourd’hui…Est-ce que tu pourrais passer chez
moi pour me donner un coup de main?
TRADUCTION : peux-tu venir chez moi pendant
que mes parents ne sont pas là, histoire qu’on
-s’amuse un peu tous les deux?
(extrait de BEAUX MECS ET SAC D’EMBROUILLES de
Meg Cabot, t.f. Hachette 2008, 185 pages éd. Num. )

 BEAUX MECS ET SAC D‘EMBROUILLES est le récit de Kathie Ellison, une ado jolie et  talentueuse qui vit à Eastport, une petite ville dont les citoyens vouent un culte à leur équipe de football collégiale et où les joueurs sont considérés comme de jeunes dieux. Katie courre deux lièvres en même temps. Trois si on tient compte de l’arrivée dans le décor de l’énigmatique Tommy Sullivan. Pour couvrir sa vie sentimentale compliquée, Kathie ne compte plus les mensonges mais elle sent très vite un piège se refermer sur elle. Qu’arrivera-t-il lorsque la vérité triomphera? La vérité sur ses motivations et sur Sullivan ? un joli sac d’embrouilles en perspective…

Histoire de fille pour filles

*Je n’étais pas la seule menteuse à Eastport,
mais j’étais la plus grosse,
la plus grosse de toute l’histoire de la ville,
assurément.*
(extrait de BEAUX MECS ET SAC D’EMBROUILLES)

C’est une histoire quand même assez banale comme il en arrive à des millions d’ados, mais je l’ai trouvée sympathique et divertissante. Il y a les personnages qui sont très attachants mais toute la dynamique du récit repose sur l’imagination de Kathie et ça m’a accroché.

Kathie est une belle jeune fille qui a de très belles qualités mais ce qui lui complique la vie et crée des situations tantôt cocasses tantôt dramatiques est résumé dans une superbe petite phrase que j’ai notée en cours de lecture et je cite… *OK, je suis une menteuse, doublée d’une mangeuse de garçons (combinaison plutôt mortelle je vous l’accorde), mais je ne suis pas débile.*

Donc, Kathie est la reine des menteuses et cette tendance aux mensonges crée des imbroglios qui justifient amplement le titre du volume et qui rappellent un peu les comédies d’erreur au théâtre et au cinéma.

Donc le défi du lecteur est de démêler les mensonges de Kathie et de voir où ça la mène en attendant un happy end qui ne manquera pas d’originalité.

Ce livre n’est pas la trouvaille du siècle mais il est rafraîchissant, très proche des ados et il soulève des questions qui sont débattues depuis que le monde est monde : qu’est-ce que l’amour? (une concurrente au concours annuel de MISS CLAMS en donne une définition très intéressante dans le récit), est-ce que toute vérité est bonne à dire? Doit-on absolument dire la vérité même si on sait qu’elle fera mal? Peut-on se limiter à des demi-vérités?

Ce livre n’a rien d’un exercice philosophique mais des questions intéressantes sont quand même soulevées…des questions qui sont d’une actualité brûlante dans la vie de n’importe quel adolescent. Alors pour une petite détente, je vous recommande *BEAUX MECS ET SACS D’EMBROUILLES*. Son écriture est simple, vivante, pleine de rebondissements (pas tous prévisibles) et la lecture complète ne prend que quelques heures.

Suggestion de lecture : DARWIN ET L’ÉVOLUTION EXPLIQUÉS À NOS PETITS-ENFANTS, de Pascal Pick

NOTE : malheureusement, le site officiel de Meg Cabot n’est disponible qu’en anglais (www.megcabot.com) mais je vous invite à visiter  www.MEG-CABOT.SKYROCK.com  pour en savoir plus sur l’auteure et son impressionnante bibliographie.

Meggin Patricia Cabot est une auteure américaine de romans pour adolescents et adultes. Elle est née en 1967 à Bloomington indiana où elle a fait des études d’art et exercé différents métiers avant de se consacrer à plein temps à l’écriture  avec, comme premier roman WHERE ROSES GROW WILD publié en 1998 sous le pseudonyme de Patricia Cabot. Elle a écrit plus de quarante romans dont plusieurs sont devenus des best-sellers traduits dans 37 pays et vendus à plus de 5 millions d’exemplaire. LE ROMAN D’UNE PRINCESSE a déjà été adapté à l’écran par les studios Disney.

BONNE LECTURE
JAILU
AVRIL 2015