L’ÉPICERIE SANSOUCY, de RICHARD GOUGEON

L’épicerie Sansoucy
Le p’tit bonheur

*Un simple malaise physique ne pouvait engendrer
à lui seul un tel éloignement des êtres. Même le
taciturne Placide, le plus renfermé de ses enfants,
ne lui était jamais apparu aussi étrange, aussi
impénétrable…*
(Extrait : L’ÉPICERIE SANSOUCY, le p’tit bonheur,
Richard Gougeon, Les éditeurs réunis, format poche,
réédition : 2018, édition de papier, 425 pages

Au milieu des années 1930, dans le quartier ouvrier de Maisonneuve, la pauvreté règne, le chômage est le pain quotidien des miséreux. La famille nombreuse de Théodore Sansoucy s’entasse dans un logement au-dessus de son épicerie-boucherie.

Irène, l’aînée des enfants Sansoucy, est la vieille fille sage de la maisonnée. Forte tête, Léandre travaille au magasin, et la tension monte entre son père et lui. Marcel, étudiant peu talentueux, livre les commandes.

L’intellectuel Édouard, quant à lui, rêve de se marier avec la fille du notaire Crochetière, chez qui il fait son apprentissage de clerc. Il ne s’intéresse nullement aux siens et encore moins à l’épicerie.

Simone, la « petite perle » du clan, amoureuse d’un Irlandais au grand dam du paternel, ainsi que l’impénétrable Placide, membre de la congrégation de Sainte-Croix qui aspire à marcher sur les pas du frère André, complètent le portrait de cette famille. La vie de quartier s’anime autour de la petite épicerie.

Derrière le comptoir, Sansoucy reçoit des confidences. Cependant, les commentaires sont bien moins drôles à entendre lorsqu’ils concernent sa vie familiale. Surtout s’il s’agit des frasques de ses enfants…

INTIMISTE ET ANECDOTIQUE
*L’amour ne règle pas tous les problèmes, Arlette. Je ne
suis pas plus avancé que j’étais avec cette histoire de
restaurant. Comme c’est là, je me retrouve le bec à
l’eau, sans emploi comme des milliers de jeunes de mon
âge, sans avenir, avec un loyer à payer, puis une
blonde qui colle à moi comme une grosse mouche à
marde, taboire.*
(extrait)

L’épicerie Sansoucy est un roman historique, une chronique intimiste du cœur des années 1930 qui suit le quotidien d’une famille québécoise typique vivant à Montréal, dans les logements situés au-dessus de l’entreprise familiale : L’épicerie-boucherie Sansoucy.

Une vraie famille québécoise pure laine d’avant-guerre comprenant une variété de genres et bien sûr, une flopée de *matantes* *mononcs*, beaux-frères et belles-sœurs, cousins et cousines…tous des personnages attachants mais qui ne sont pas vraiment là pour simplifier la vie familiale. Bref une famille typique.

Richard Gougeon développe son histoire un peu comme Roger Lemelin l’a fait plus tard avec les Plouffe : la vie de tous les jours d’une famille attachante avec ses hauts, ses bas et ses petites intrigues. Il y a bien sûr des différences accessoires entre les deux histoires mais il faut surtout dire que le récit de Gougeon débute quelques années avant la guerre tandis que l’histoire des Plouffe débute quelques années après la guerre.

Au Québec ça fait des différences importantes dans le tissu familial. L’auteur met l’emphase sur deux éléments essentiels : d’abord, la vie de quartier évolue autour de l’épicerie. Ça crée des évènements cocasses qui impliquent évidemment les commères du quartier.

Et il y a les petits drames qui montent vite en épingle : l’accident de Marcel, les aventures douteuses de Léandre, le hold-up de l’épicerie. Même avec le recul du temps, on continue de se reconnaître dans ce récit que j’ai trouvé savoureux.

J’ai été particulièrement captivé par les moments où je trouvais Colombine, la fiancée d’Édouard, au derrière de laquelle j’aurais donné volontiers un bon coup de pied. La rencontre entre la famille Sansoucy et les Crochetière était un pur délice…un classique du choc des cultures, le quartier Hochelaga et Westmount :

*- Vous oubliez l’étiquette Mère. Vous auriez pu attendre avant de vous asseoir. -Ma chérie ! rétorqua faiblement madame Crochetière. Sa fille prit un air offusqué. -La convenance la plus élémentaire l’exige, exprima-t-elle. Même lorsqu’on reçoit du monde ordinaire. * (Extrait) La visite des Crochetière chez les Sansoucy était aussi un bel exemple du choc des convenances.

Cette saga a constitué pour moi un très bon moment de lecture. Richard Gougeon nous a concocté une petite finale dramatique au premier tome qui ne fait que nous donner l’envie de poursuivre la lecture. N’hésitez pas. Vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture : RUE PRINCIPALE. été 1966, de Rosette Laberge

La suite… 


Richard Gougeon est né à Granby en 1947. Très préoccupé par la qualité de la langue française, pour la beauté des mots et des images qu’ils évoquent. Il a enseigné pendant trente-cinq ans au secondaire. L’auteur se consacre aujourd’hui à l’écriture et est devenu une sorte de marionnettiste, de concepteur et de manipulateur de personnages qui s’animent sur la scène de ses romans. ( richardgougeon.com )

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le  dimanche 4 octobre 2020

LA BALLE SAINTE, livre de LUIS MIGUEL ROCHA

*Sache que tous les êtres humains ont leurs faiblesses.
La mienne est l’Église ; la tienne, l’excès de confiance.
Méfie-toi ! C’est souvent une grande erreur. Retire ton
ego de l’équation. Alors seulement tu pourra être sûr de
ne pas faillir.*
(Extrait : LA BALLE SAINTE, Luis Miguel Rocha, Éditions de
L’Aube, 2015, collection l’Aube Noire, COMPLOTS AU
VATICAN, t 2, édition numérique, 490 pages)

Mai 1981, Cité du Vatican. Alors que vingt mille croyants se pressent sur la place Saint-Pierre, attendant l’audience hebdo­madaire du pape Jean-Paul II, un jeune homme ­déambule parmi eux. Lorsque la papamobile passe devant lui, Mehmet Ali Aca sort un pistolet et tire six fois sur le pape avant d’être maîtrisé. Au fil des ans, l’attentat contre Jean-Paul II a fait l’objet d’intenses spéculations. Mais personne n’est parvenu à expliquer ce qui s’est réellement passé, pourquoi le pape a été pris pour cible et par qui exactement. Personne, jusqu’à maintenant, ne s’était approché de la vérité… LA BALLE SAINTE est le 2e tome de la quadralogie COMPLOTS AU VATICAN.

BONDIEUSERIES IMPROPRES
*Le pape sait-il que vous êtes ici ? Pourquoi ne pas le lui
demander vous-même ? -C’est une idée…je vais y
réfléchir. J’ai beaucoup de questions à vous poser
Père Raphaël Santini…un vif éclat brille un instant
dans le regard du russe. Il est temps de montrer ses
armes.*
(Extrait)

He oui, encore des livres avec, comme toile de fond, la face cachée de l’Église catholique ou devrais-je dire plutôt son côté obscur. Ceux qui ont lu le tome 1 retrouveront sans doute avec ravissement Rafael Santini, agent secret du Vatican, Sarah Monteiro, étoile montante du journalisme et l’énigmatique JC maître de la loge P2 qui ne serait pas étrangère à la mort du pape Jean-Paul 1er.

L’histoire suit plusieurs personnages et évènements en convergence, à commencer par l’attentat contre le pape Jean-Paul II sur lequel Mehmet Ali aca tire six fois avant d’être maîtrisé. Une de ces balles, apparemment mortelle, aurait été miraculeusement déviée, ce que Jean-Paul II attribuera plus tard à la Sainte Vierge. Le projectile a été qualifié de balle sainte et le titre laisse à penser qu’on tente encore de comprendre aujourd’hui pourquoi Jean-Paul II a été choisi comme cible et qui a pu commanditer cette tentative d’assassinat.

Dans ce deuxième opus, on retrouve encore des espions, agents secrets, agents doubles, taupes, loges secrètes, la CIA, de mystérieux ecclésiastiques envoyés par d’obscures créatures de l’église dont l’Opus Dei qu’on a appris à connaître un peu dans le livre de Dan Braun DA VINCI CODE.

Cette histoire est un vaste chassé-croisé de personnages qui ne font pas dans la dentelle et dont le but premier est de protéger l’église de tout ce qui pourrait nuire au dogme et à sa pérennité quitte à tuer, harceler, intimider, faire disparaître. Comme des milliers de livres tendent à démontrer que L’Église est historiquement assise sur le mensonge, les justiciers de la foi sont donc très occupés.

Un aspect très intéressant du livre touche la principale menace qui concerne l’église, la plus crédible dans l’histoire. Cela concerne un personnage qu’on retrouvera ici et là au cours du récit. Il s’appelle Abou Rachid. C’est un musulman à qui apparaît quotidiennement la Vierge Marie. Un musulman qui parle à la vierge c’est tout un scandale pour l’Église. Il doit disparaître. Quelqu’un s’y emploie.

Mais la sérénité, le calme et le mysticisme de Rachid opérant quelques miracles, ce ne sera pas simple pour l’église de le mettre à l’écart. L’idée même qu’un musulman soit dans les confidences de la Sainte Vierge m’en dit long personnellement sur l’utilité des religions. L’Église doit suivre un chemin. Que celui-ci mène au diable ou à la trinité Ça n’a pas d’importance. On ne doit pas déroger point. Il y aurait gros à perdre, argent, pouvoir et de colossales richesses.

Dans cette histoire, tout y est…jeux politiques, bondieuseries, manipulation, mensonge, espionnage, meurtres bref un tas de détails qui laissent à penser que l’Église n’est pas propre propre. Donc, tout y est mais il n’y a rien de neuf. C’est bien rythmé, c’est même rocambolesque. C’est une histoire complexe et peu originale avec une galerie de personnages qui donne le tournis.

Deux de ces personnages portent des noms qui rappelleront sans doute des souvenirs aux baby-boomers amateurs de séries culte : Simon Templar (Le Saint) et James Phelps (Mission impossible). Je n’ai pas compris ce choix qui fait un peu ridicule. Je dois admettre que l’auteur imbrique avec grand art l’histoire et la fiction et imprègne à son récit une intrigue assez solide. Donc au thriller s’ajoute une dimension historique.

C’est un bon thriller j’en conviens. Le fil conducteur est un peu pénible et ça manque d’originalité. On ne réinvente pas la roue. Mais bon, j’ai lu tellement de ces histoires qui se ressemblent, je m’attendais simplement à autre chose. Un peu de nouveauté quoi…

Suggestion de lecture : LE ROUGE IDÉAL, de Jacques Côté

Né à Porto en 1976, Luis Miguel Rocha a vécu en Angleterre et au Portugal. Romancier, scénariste, il est devenu le premier écrivain portugais à figurer dans la liste des best-sellers du New York Times. Il décède en 2015, âgé de seulement trente-neuf ans. LA BALLE SAINTE est le deuxième volume de la série «Complots au Vatican», après LE DERNIER PAPE (Folio Policier).

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 3 octobre 2020

DARK WEB, un roman signé DEAN KOONTZ

*En temps ordinaire, on dénombre 38 000 cas de suicide annuellement. Pour l’an dernier, cela représente 4 500 décès supplémentaires. En projection annuelle, on comptera 8 400 suicides de plus au 31 décembre prochain. Tout en citant ces chiffres, elle avait bien conscience de ne pas pouvoir les interpréter. *

(Extrait : DARK WEB audio, Dean Koontz, édition originale : Archipel éditeur,
2018, papier, 418 pages. Édition audio : Audible éditeur, 2018, narration :
Pascale Chemin, durée d’écoute : 12 heures 12 minutes)

Un homme met fin à ses jours. Son épouse, Jane Hawk, du FBI, ne croit pas à la thèse du suicide. D’autant qu’ils sont de plus en plus nombreux à connaître le même sort sur le territoire américain…En cherchant, Jane met au jour – avec l’aide d’un hacker spécialiste du dark web – un complot visant à manipuler mentalement les êtres humains. Très vite, elle devient la fugitive la plus recherchée des États-Unis.

Ses ennemis semblent posséder un secret si terrifiant qu’ils semblent prêts à tout pour l’éliminer. Mais leur influence et leur perversité suffiront-elles pour arrêter cette femme aussi intelligente que déterminée ?

UN KOONTZ DIFFÉRENT
*En parlant de tuer, j’ai découvert le corps d’une morte à
Aspasie. (il fut parcouru d’un frisson) Une ravissante
blonde nue sur une table en innox. Elle a été étranglée,
sans doute au moment où un de vos amis membres
atteignait la jouissance…Ils s’apprêtaient à brûler son
corps dans un four crématoire…
(Extrait)

Tout au cours de l’écoute de ce livre audio, j’ai essayé de reconnaître l’esprit, le caractère habituellement angoissant de Koontz. Il ne faut donc pas chercher le surnaturel auquel Koontz fait habituellement appel. Il faut plutôt prendre le livre pour ce qu’il est : un thriller. Voyons un peu le contenu. Une vague de suicides sans précédant frappe les États-Unis.

Une agente du FBI récemment mise en congé sans solde décide de faire une enquête à titre personnel et elle y mettra un redoutable acharnement pour la bonne raison que son mari s’est suicidé, lui aussi, sans raison apparente, comme des centaines d’autres. Jane Hawk se lance à la découverte d’un complot qui semble toucher l’ensemble du pays.

Ce qui m’a poussé à m’accrocher dès le départ est la nature même des suicides : des gens sans problème en bonne santé mentale et physique et aussi au caractère mystérieux des messages laissés par les auto-sacrifiés : *Quelque chose ne tourne pas rond chez moi, j’ai besoin, un besoin terrible, j’ai terriblement besoin de mourir. *

Il devient facile pour le lecteur de deviner qu’il y a une intervention humaine…un dispositif quelconque qui modifie quelque chose dans le cerveau : *J’ai une araignée dans la tête, qui me parle. * (Extrait) Ça donne au récit un caractère très intrigant.

Bien sûr, c’est un thriller efficace mais sans grande originalité. En fait c’est une variation sur un thème fortement récurrent en littérature : ambition, pouvoir, domination et même, par extrapolation, l’eugénisme, le tout ficelé avec de la science-fiction. Ne vous fiez pas au titre. Le dark Webb a peu à voir avec l’intrigue. Il n’est qu’un prétexte pour Jane Hawk pour se lancer sur une piste précise.

Pour mettre le lecteur, la lectrice sur un début de piste, je miserais plutôt sur la définition que fait l’auteur dans son récit de la singularité : *…du stade où les progrès de l’intelligence artificielle et des nanotechnologies induiront des changements au niveau de l’évolution humaine. * (Extrait)

Il manque quelque chose à ce récit, comme si l’auteur, en s’écartant de son thème de prédilection, le surnaturel, avait péché par la sous-exploitation de son thème principal c’est-à-dire la recherche de scientifiques tordus assoiffés de pouvoir. Le genre *erreur de la nature* qui se distingue par une absence totale d’empathie et une incroyable cruauté.

Pour les forces : le récit est intrigant avec des passages qui font froid dans le dos. Le rythme est élevé. Le fil conducteur est fragile mais le tout se lit assez bien. Le sujet est bien traité, il y a quelques trouvailles intéressantes. L’écriture est efficace, de nature à donner au livre un petit côté tourne-page, l’intrigue un peu paranoïaque poussant le lecteur à la curiosité.

Du côté des faiblesses : sous-exploitation du thème, récit linéaire, pas beaucoup de rebondissements, personnage principal (Jane) plutôt froid et caricatural. C’est long avant de comprendre où l’auteur veut en venir. La finale est peu éclairante. Je n’ai pas été emballée par la narration de Pascale Chemin qui manque d’émotion.

Bref, je préfère le Koontz *d’avant*.

Suggestion de lecture : DISTORSION, d’Émile Gauthier et Sébastien Levesque

Auteur de best-sellers souvent classés nº1 sur la liste des meilleures ventes du New York Times, Dean Koontz réside en Californie. Traduit dans près de quarante pays, l’auteur de Les Yeux foudroyés et Les Étrangers a écoulé plus de 450 millions d’exemplaires dans le monde. Les éditions de l’Archipel ont publié Dark Web (2018), premier volet de cette nouvelle saga d’action et en cours d’adaptation par la Paramount.

DU MÊME AUTEUR SUR CE SITE : LE TEMPS PARALYSÉ. Pour lire mon commentaire, cliquez ici.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le vendredi 2 octobre 2020

SURTOUT N’Y ALLEZ PAS, de ANTOINE FILISSIADIS

*Voici un livre à ne pas mettre entre toutes les mains.
Sa lecture peut-être une épreuve bouleversante pour
les femmes et les hommes qui aiment trop. *
(Extrait : SURTOUT N’Y ALLEZ PAS, Antoine Filissiadis,
2005, Éditions internationales Stanké, papier, 430 p.)

Abonnée aux histoires d’amour qui finissent mal, Corinne aime trop. Sa troisième tentative de suicide l’entraîne une nouvelle fois à l’hôpital, où une femme étrange lui donne l’adresse d’un docteur tout aussi étrange, Gérard Rickson. Puis, sa meilleure amie lui prodigue un mystérieux conseil : « Seul le Docteur Rickson peut te sauver, n’y va surtout pas. » Le désir de Corinne de se libérer de la dépendance à l’amour est plus fort que tout. Corinne se porte finalement à la rencontre de ce psychiatre peu orthodoxe, qui va l’entraîner dans une thérapie de choc, la contraignant à oublier ses proches, son métier, ses biens matériels pour mieux renouer avec elle-même. Le prix est lourd à payer pour briser le cycle de la dépendance.

EN AMOUR AVEC L’AMOUR
*Les choses s’arrangeraient avec le temps.
Le temps, miroir aux alouettes des
femmes qui aiment sans vraiment savoir
aimer. *
(Extrait)

Ce livre est un roman. Un thriller psychologique qui développe le sujet spécifique de la dépendance affective, particulièrement les femmes qui aiment trop. C’est loin d’être mon genre de littérature mais j’ai été fort intrigué par le titre et comme l’ouvrage était présenté comme un thriller, alors je me suis lancé. Je suis mitigé je dois l’avouer.

Voici l’histoire de Corinne, une trentenaire psychologiquement instable, divorcée, alcoolique, mère d’une fille qu’elle ne voit plus et pour finir, suicidaire. Lors de son séjour à l’hôpital psychiatrique après sa troisième tentative de suicide, elle découvre dans sa chambre une carte portant le nom et les coordonnées d’un psychiatre appelé Gérard Rickson avec, au verso, une inscription étonnante : *n’y allez surtout pas*.

Elle cherche à savoir qui est ce psy que personne ne connait sauf sa meilleure amie et en désespoir de cause, malgré les exhortations à ne pas y aller, <*Si jamais tu y vas, accroche-toi bien : il besogne dans l’extrême. C’est tout ce que je peux te dire> (extrait) Corinne décide de le consulter.

Attendez-vous à une thérapie hors-norme, une succession de mises en scène surprenantes dans lesquelles le sexe prend le pas sur les sentiments. Une thérapie utopique avec des conditions imposées par le psy qui sentent l’arnaque : *Cet homme frappe fort. Il ne fait pas dans la dentelle. Tout ce que tu as vécu, il l’a manigancé pour ton bien. * (Extrait)

Il ne faut pas perdre de vue que ce livre est une fiction. La thérapie est au cœur de l’histoire. Elle est improbable, démesurée, mais elle tient lieu de fil conducteur et je dois dire que l’écriture est assez efficace. Ça reste une histoire divertissante, intéressante jusqu’à un certain point mais malheureusement, elle est bourrée d’irritants.

Ce livre ressemble à un vaste exercice de vente des ateliers de développement de la personnalité dans la spécialité *amour et séduction*. C’est après ma lecture que j’ai découvert que l’auteur est conférencier dans le domaine. Un adon qui m’a tapé sur les nerfs.

Deuxième point, le tableau que dresse l’auteur sur les hommes est démesurément sombre. Bien sûr, les manipulateurs existent et ils font des ravages, j’en conviens mais j’ai été irrité de cette façon qu’a l’auteur de généraliser.

J’ai trouvé aussi exagéré que Corinne fasse cession de tous ses avoirs pour payer la thérapie. De plus, l’auteur semble magnifié le sexe et lui donner une prépondérance qui débouche sur des passages d’une crudité savamment déployée. Je pourrais aussi parler de la finale, une magnifique queue de poisson qui tient sur une page.

Je n’ai pas pu vraiment adhérer à cette histoire tirée par les cheveux et parsemée d’eau de rose qui tente de cerner les pièges de la dépendance amoureuse. Les personnages sont mal développés, certains même m’ont semblé tout à fait insignifiants. L’argumentaire ne m’a pas tellement convaincu, en particulier de faire copain-copain avec les passionnés du développement de la personnalité. En fait, ce livre a à peine la note de passage.

Suggestion de lecture : LE LIVRE QU’IL NE FAUT SURTOUT, SURTOUT, SURTOUT PAS LIRE, de Sophie Laroche

Antoine Filissiadis est né en 1951. Il vit à Chypre, sur l’île d’Aphrodite. Écrivain, conférencier et formateur, il anime des stages de développement personnel depuis 1983. Une formation constante lui permet d’enrichir en permanence ses ateliers des plus récentes expériences faites en matière de relations humaines et de communication. Son niveau de compétence crée un climat de confiance dans lequel chaque participant est amené à évoluer.

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 1er octobre 2020

CARBONE MODIFIÉ, le livre de RICHARD MORGAN

*La chair humaine coûte moins cher qu’une machine. C’est la vérité, de notre temps. La vie humaine n’a aucune valeur. Vous n’avez pas encore appris cela, Takeshi, après
tout ce que vous avez vu ? *

(Extrait : CARBONE MODIFIÉ, Richard Morgan, édition à l’origine, Bragelonne 2008, 544 pages. Version audio : Hardigan 2018. Durée d’écoute : 18 heures 38 minutes : narrateur : Nicolas Planchais)

Dans un avenir pas si lointain, la mort n’est plus définitive : vous pouvez sauvegarder votre conscience et vos souvenirs et les réimplanter dans un nouveau corps. De fait, pour Takeshi Kovacs, mourir n’est plus qu’un accident de parcours : il a déjà été tué plusieurs fois. C’était les risques du métier dans les troupes d’élite du Protectorat des Nations unies expédiées à travers la galaxie. Mais, cette fois, on le ramène sur Terre pour enquêter : un riche magnat veut élucider sa propre mort. Pourquoi se suicider quand on sauvegarde son esprit tous les jours, certain de revenir parmi les vivants ?

LA MORT TEMPORAIRE
*En m’habillant devant le miroir cette nuit-là, j’ai été
convaincu que quelqu’un d’autre portait mon
enveloppe. J’en était réduit au rôle de passager
dans la voiture d’observation située derrière mes
yeux. On appelle ça un rejet de psycho intégrité ou
de la fragmentation. Il n’est pas rare d’avoir des
crises.
(Extrait)

CARBONE MODIFIÉ est un roman-adrénaline complexe, très noir, violent et froid. L’univers dépeint par le récit est immersif et presque totalement délinquant. Le postulat de départ, et c’est ce qui fait l’originalité du récit, est que, dans un futur indéterminé, la mort n’est plus définitive. Le corps humain est un costume, un réceptacle qu’on peut changer à volonté, tant qu’on est fortuné.

Grâce au carbone modifié, la conscience et la personnalité sont stockés dans une pile en attendant d’être réinjectées dans un corps humain vide. Le but de l’histoire, clair au départ, s’embrouille le long du pavé. Laurens Bancroft est victime d’un meurtre.

La police conclue à un suicide. Bancroft qui est de retour, n’est pas d’accord et, pour en avoir le coeur net confie l’enquête à Takeshi Kovacs qui l’accepte. Voilà qui aurait pu être un fil conducteur efficace, malheureusement, le récit prend toutes sortes de directions, accuse un peu d’errance et de confusion, à tel point que l’enquête devient presque secondaire.

Le livre repose beaucoup sur la personnalité de Kovacs, un va-t-en-guerre blasé, caractériel, violent à en être tordu. Il fait équipe avec Kristin Ortega, lieutenant de police, spécialisée dans les dommages organiques, calme, tenace, peur de rien. Première observation : Le récit est truffé de longueurs et de diversions dont plusieurs passages à connotations sexuelles très explicites.

Trop c’est comme pas assez dit-on. Donc récit trop tentaculaire. On dirait qu’en nous emmêlant, l’auteur s’est emmêlé lui-même. J’ajoute à cela une narration d’une lenteur souvent désespérante qui ne cadre pas toujours avec l’action et la violence déployées. Toutefois, il se dégage du récit de la matière à réflexion.

Ici, la mort n’a plus de sens. La vie non plus d’ailleurs. On stocke la mémoire, on va dormir un peu et on revient tout simplement : *-J’ai plus de trois siècles monsieur Kovacs, a-t-elle dit avec un léger sourire aux lèvres. –Les apparences sont trompeuses. Ceci est mon onzième corps…* (Extrait)

Un détail toutefois indique qu’il y a des choses qui ne changeront jamais : Dans cette société du futur les citoyens peuvent changer leur enveloppe selon leurs moyens : Pour les pauvres, ce sera une intelligence artificielle. Pour les riches, une bonne enveloppe corporelle différente de la précédente, pour les très riches : un clone. La vraie mort constitue ici un évènement.

*Les humains rêvent de paradis et d’enfer depuis des millénaires. Le plaisir ou la douleur éternelle, sans les restrictions de la vie et de la mort. Grâce aux univers virtuels, ces fantasmes sont maintenant réalité. Il suffit d’un générateur industriel. Nous avons vraiment apporté l’enfer, ou le paradis, sur terre. * (Extrait)

C’est l’originalité de l’histoire qui maintient un pointage élevé. Avec CARBONE MODIFIÉ, la virtualité atteint un nouveau sommet. L’écriture est efficace. L’auditeur est entraîné d’une intrigue à l’autre mais il n’y a pas de matière à addiction d’après moi.

L’ouvrage manque cruellement d’émotions. La vie n’a que peu de valeur. C’est froid. Du cyberpunk obscur mais fort. La plupart des personnages sont bien campés mais je les ai trouvé peu attachants. Pas toujours facile à suivre mais ça reste un SF incisif et intense.

Suggestion de lecture : LE BERCEAU DU CHAT, de Kurt Vonnegut jr

Le cycle Takeshi Kovacs
CARBONE MODIFIÉ

Richard Morgan était recteur à l’université de Stratchclyde (Grande-Bretagne) avant de devenir romancier à plein temps. Carbone modifié est son premier roman et il a obtenu le prix Philip K. Dick en 2003. Il est depuis considéré comme une des étoiles montantes de la science-fiction. Richard a publié deux suites à Carbone modifié : Anges déchus et Furies déchainées. Son roman, Black Man, a obtenu le prix Arthur C. Clarke en 2008. 

 LA SÉRIE TÉLÉ

Netflix a entrepris la diffusion de CARBONE MODIFIÉ en 2018. La série a été créée par Laeta Karlogridis et prise en main par plusieurs réalisateurs. Les acteurs principaux sont Joel Kinnaman, James Purefroy et Martha Higareda. La série a été sélectionnée aux EMMYS pour ses effets visuels. Pour plus de détails, visitez le site officiel de Netflix.

Bonne écoute
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 27 septembre 2020

LE JOURNAL D’UN FOU, de NICOLAS GOGOL

AVANT-PROPOS :

Depuis sa première publication en 1835, LE JOURNAL D’UN FOU de Nicolas Gogol a été publié un nombre incalculable de fois. Ce qui m’a décidé de faire la lecture de cette nouvelle un peu spéciale, c’est son insertion dans une méga-édition réunissant *50 CHEFS-D’ŒUVRE QUE VOUS DEVEZ LIRE AVANT DE MOURIR*. Le journal d’un fou, d’un comique plutôt acide est devenu un grand classique à cause de l’exploration de l’âme humaine qu’il suggère. C’est très noir, c’est aussi très émouvant.

(Nouvelle extraite des *golden deer classics*
50 chefs-d’œuvre que vous devez
lire avant de mourir. vol. 1)

*J’avoue que, depuis quelque temps, il
m’arrive parfois de voir et d’entendre
des choses que personne  n’a jamais
vues ni entendues. «Allons, me suis-
je dis, je vais suivre cette chienne et
je saurai qui elle est et ce qu’elle
pense.*
(édition originale, 1835 dans le recueil
arabesque, Nicolas Gogol, réédition 2009
éditions thélène, la nouvelle est inscrite
dans la méga-édition numérique 50 chefs
d’œuvre que vous devez lire avant de mourir)

LE JOURNAL D’UN FOU relate comment un citoyen russe ordinaire sombre graduellement dans la folie pour éviter les souffrances que lui impose sa vie. Poprichtchine est un citoyen qui occupe un poste minable dans un ministère quelconque. Un jour, il tombe amoureux de la fille de son directeur, inaccessible à cause de sa noblesse. Pour compenser, l’homme éconduit va entretenir une relation avec la chienne de la jeune fille, persuadé qu’elle lui parle. À travers Poprichtchine, se jouent les conditions humaines incluant la frontière parfois fragile entre la folie et la normalité.

LA DÉMENCE QUI DÉNONCE
*« Reste là, et si tu racontes que tu es le roi Ferdinand, je
te ferai passer cette envie. » Sachant que ce n’était qu’
une épreuve, j’ai répondu négativement. Alors le
chancelier m’a donné deux coups de bâton sur le dos,
si douloureux que j’ai failli pousser un cri, mais je me
suis dominé, me rappelant que c’était un rite de la
chevalerie, lors de l’entrée en charge d’un haut dignitaire. *

(Extrait : LE JOURNAL D’UN FOU/ 50 chefs d’œuvre que vous
devez lire avant de mourir. Volume 1)

Le fou dont il est question est un petit fonctionnaire russe, tailleur de plume, qui tombe secrètement amoureux de la fille de son directeur et décide d’écrire son journal. Première évidence à travers toutes les incohérences qui mettent en perspective un cerveau sensiblement tordu mais qui conserve tout de même un certain sens de l’expression, monsieur Propichtchine a un faible pour tout ce qui est inaccessible.

J’observe ici que monsieur Propichtchine, un parfait indolent, nonchalant et incapable partage en fait les mêmes désirs qu’un peu tout le monde. C’est une tendance très humaine qui veut que ce soit généralement mieux dans la cour du voisin :

*Tout ce qu’il y a de meilleur au monde échoit toujours aux gentilshommes de la chambre ou aux généraux. On se procure une modeste aisance, on croit l’atteindre, et un gentilhomme de la chambre ou un général vous l’arrache sous le nez. * 

Il se dégage de ce journal chaotique, incohérent et affublé d’une logique défaillante une question intéressante que semble vouloir poser Gogol : lequel est le plus fou ? En lisant le journal, la question est moins évidente. Notre fonctionnaire se prend pour le roi d’Espagne, ce grand pays qui aurait enfin trouvé son guide, entend et interprète des conversations entre chiens et décide de suivre, d’espionner une chienne, animal de compagnie de sa dulcinée.

Ces propos d’un esprit dérangé soulèvent des questions que l’auteur se pose sur la Société, sur la définition de la folie et tout ce qui peut la justifier. Les effets de la folie, ses conséquences. Le portrait de la Société qui découle du délire de Poprichtchine est peu flatteur. Notre pauvre petit fonctionnaire méprisé et rejeté va finir à l’asile mais la question se pose toujours : lequel est le plus fou? Il est plus facile bien sûr de pointer du doigt un individu qu’une collectivité. Peut-être la différence réside-t-elle dans la cohérence.

Il se dégage du texte de la sensibilité, une certaine émotion. De la tristesse. Malheureusement, la nouvelle est trop courte. La déchéance de Poprichtchine est trop rapide. Je n’espérais pas vraiment un roman, mais tout de même un texte un peu plus fourni et travaillé et une déconnexion moins rapide avec la réalité.

Peut-être Gogol y a-t-il pensé et aurait senti le danger de diluer sa pensée. Quoiqu’il en soit, le personnage est attachant et ce, malgré le caractère absurde de son raisonnement, la déformation quasi spectaculaire de sa notion du temps et la perte graduelle de sa notion de la réalité.

Il y a de grandes forces en présence dans ce texte. Par exemple, le dialogue avec les chiens, son apparition au ministère alors que, se croyant le roi d’Espagne, il regardait de haut son directeur…des forces qui mettent en perspective la fragilité de l’esprit humain en prenant l’exemple d’un pauvre *monsieur personne* coincé dans une inimaginable solitude.

Avec un humour parfois grinçant et bien que je ressentisse tristesse et empathie pour Poprichtchine, l’auteur établit une énorme zone grise entre la raison et la folie. Les limites sont très discutables. Il y a matière à réflexion. C’est une lecture d’une belle profondeur qui ne laisse pas indifférent.

Suggestion de lecture : VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU, de Ken Kesey

Nicolas Gogol (1809-1852) est un auteur ukrainien qui sera témoin et partie prenante à l’explosion du roman dans la littérature russe. Au fil du temps, Gogol se persuada d’être un génie. Cela va le conforter dans ses névroses qui se retrouveront à peu près dans toutes ses œuvres.

Il écrit son premier livre à 20 ans : LES VEILLES DANS UN HAMEAU PRÈS DE DIKANKA où il reprend les contes populaires de son enfance. Cette œuvre, à la fois pétrie de fantastique, de romantisme et d’humour va rapprocher du lectorat russe, en route vers la gloire et ses excès. Il devient adoré par le tsar et l’aristocratie russe. 

Son œuvre majeure sera LES ÂMES MORTES. Toutefois elle subira la critique négative de Poushkine et des critiques littéraires. Cela plongera Gogol dans un désespoir profond.

Pourtant, LES ÂMES MORTES connait un succès fulgurant. Au bout du compte, le livre sera jugé tellement mauvais que Gogol se résoudra à le bruler. Puis, souffrant de dépression nerveuse, il se laissera mourir de faim chez un de ses amis, à l’âge de 44 ans. (Fiches de lecture)

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 26 septembre 2020

TOUT EST EN UN, le livre de CHRIS ANDSON

*…j’ai peur que l’on ne puisse pas passer
sur l’île ce soir. Il le faudrait pourtant,
assura Marshal. Je voudrais bien
remettre la main sur notre prophète
avant que quelqu’un s’acharne sur lui
et lui fasse bouffer les versets de la
bible.*

(Extrait: TOUT EST EN UN, Chris Andson,
Plume Noire, collection LES CHRONIQUES
DES NOMBRES. Une édition pour tous, 2015,
version numérique, 288 pages)

La vie avec le commandant Foreste n’était pas vraiment une partie de plaisir. Son côté sombre, sa violence et son caractère étaient de moins en moins gérables. Alors quand Karen Styles lui ordonna de protéger un homme étrange, il s’exclama : – Qu’est-ce qu’il a à dire de si important ce blaireau, que je sois obligé de lui servir de garde du corps ? – Vous ne devez rien savoir commandant. Simplement le protéger. – Mais qui c’est ce mec ? – Vous le découvrirez bien assez tôt. Marshal Foreste sortira terrassé par cette rencontre.

L’ÉNIGME DU SURVIVANT
*Les otages commençaient à comprendre que
l’homme ne les relâcherait pas, tant sa folie
l’entraînait vers l’abîme. Marshal en était d’autant
plus conscient qu’il faisait un rapprochement
avec la présence qu’il trouvait suspecte, du mec
à la veste marron, qui comme par hasard se
trouvait toutes les fois sur les lieux d’un carnage.*
(Extrait : TOUT EST EN UN)

Le héros de cette histoire mouvementée est un personnage très singulier : le commandant de police Marshall Foreste. Près de la moitié du volume est consacré aux états d’âme du policier. Habituellement, je considère cela comme une faiblesse mais ici, il faut voir et comprendre la nature du personnage pour apprécier l’histoire.

En effet, le limier est mufle, mal embouché, extravagant, indiscipliné, excentrique, sombre, violent, impitoyable, incroyablement dur pour son corps, exigeant pour lui et les autres : *Tout lui collait à la peau, tout lui mangeait son oxygène. Comme certaines bêtes, il faisait respecter son territoire. Son énergie, sa vitesse d’exécution et de discernement, son comportement excentrique, cela jouait en sa faveur.* (extrait)

C’est ainsi que la faiblesse est devenue une force. Il est intrigant et extrêmement intéressant de suivre l’évolution de ce personnage malmené par la vie, dans une enquête complexe et très particulière.

Maintenant que nous avons cerné le héros, voyons l’histoire. La police s’intéresse à un mystérieux personnage qui s’est retrouvé sur les lieux de trois tueries et qui s’en est sorti indemne à chaque fois. Il s’appelle Ornet Sens, venu de nulle part et sachant exactement où il s’en va : en guerre contre le gourou d’une secte qui s’en met plein les poches, commanditaire de vol, de violence, et de meurtres.

Son objectif est de livrer aux membres de la secte NOUVEL HOMME un message de paix, d’amour et de liberté et de dévoiler toute la vérité sur l’infâme gourou Jim-Bocker Smiss. Le commissaire ordonne au commandant Foreste de surveiller et de protéger Sens qui n’a, à première vue, aucune idée du danger qui le guette et qui consiste à le faire taire…définitivement.

C’est une histoire accrochante dont le traitement est sans demi-mesure malgré une plume subtile et sensible. L’histoire  est originale parce qu’il n’est pas question ici de pousser une réflexion sur le sens de la vie mais plutôt de donner un sens à une mort. Happy ending ou pas? À vous de juger, mais le dernier quart de l’histoire est d’une forte intensité dramatique. L’auteur a particulièrement bien travaillé ses personnages.

Malgré tout l’étalement des bobos personnels de Foreste, je me suis attaché à ce personnage tout à fait extraordinaire. je vous laisse découvrir Ornet Sens, Jésus des temps modernes, qui se focalise sur une mission de nature à faire comprendre qu’aucune secte n’est justifiable surtout lorsque le gourou exploite ses semblables pour satisfaire sa soif de pouvoir et de confort.

La véritable faiblesse de ce livre que j’ai lu en version numérique est la traduction que j’ai trouvée fort douteuse, de nombreuses fautes d’orthographe, d’accords, de grammaire. Des mots sont manquants. J’ai été obligé plusieurs fois de relire des phrases et de revenir en arrière pour bien saisir le contexte du paragraphe ou du chapitre.

Ce fut pour moi comme un duel : une histoire aussi bien imaginée insérée dans un texte bourré de fautes. Je ne comprends pas qu’une maison d’édition puisse tolérer un tel gâchis. Il ne semble pas y avoir eu de relecture ou de révision. Dommage. Si vous avez la volonté ferme de surmonter le massacre du français, vous lirez tout de même une histoire haletante. Je crois que le jeu en vaut la chandelle.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Je ne peux pas dire que Chris Andson est très généreuse quant aux détails sur sa vie professionnelle et encore moins personnelle, pas plus sur les photos d’ailleurs… Les cercles littéraires se limitent à dire que c’est une auteure de romans policiers et thrillers à succès avec notamment sa série LA CHRONIQUE DES NOMBRES. Elle adore développer des enquêtes où l’étrange se mêle avec subtilité à la réalité.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 25 septembre 2020

LE TRICYCLE ROUGE, livre de VINCENT HAUUY

*-désolé, docteur, mais de mon point de vue,
elle reste tarée, objecta Steve. On ne se lève
pas un matin pour prendre un marteau et
fracasser le crâne de sa meilleure amie dans
son lit sans avoir un pet au casque ! *
(Extrait : LE TRICYCLE ROUGE, Vincent Hauuy, éd.
Hugo et compagnie, livre de poche, 2017, édition de
papier, 500 pages)

Noah Wallace est un homme usé, à l’ombre du brillant profileur qu’il était jusqu’à ce qu’un accident lui enlève sa femme et sa carrière. Mais un appel téléphonique va le contraindre à reprendre du service. Son ami et ex-coéquipier Steve Raymond a besoin de lui. Une carte postale trouvée sur le lieu d’un crime atroce au Canada le ramène à une série de meurtres commis cinq ans plus tôt. Un tueur en série présumé mort, serait de nouveau à l’œuvre. Dans le même temps à New-York, la journaliste Sophie Lavallée enquête sur un reporter disparu dans les années . Et si les deux affaires étaient liées par le même sombre secret ? 

UN TAPE-NERF INCISIF
*Puis Noah se fige. Un frisson glacial lui
parcourt l’échine, ses poils se hérissent.
Quelqu’un va mourir dans cette pièce.
Il le sent*
(Extrait : LE TRICYCLE ROUGE)

C’est un des romans les plus noirs qu’il m’a été donné de lire. Voici l’histoire de Noah Wallace, ancien policier profileur de talent dont la carrière a été brusquement interrompue dans un accident qui a emporté sa femme. Il était impliqué dans la poursuite d’un tueur en série appelé le démon du Vermont. Étrangement, l’accident met fin à une série de meurtres.

Cinq ans après ce tragique évènement. Le profileur à la retraite est rappelé à la rescousse alors qu’apparemment, le démon du Vermont a repris du service. Au cours de l’enquête, Noah va s’enfoncer dans la pénible découverte de la vérité sur son passé trouble qui laisse supposer une implication dans l’œuvre du démon du Vermont.

L’histoire développe deux enquêtes qui évoluent en convergence : celle de Noah et celle de Sophie Lavallée, une journaliste de terrain qui cherche la vérité sur la mystérieuse disparition d’un reporter appelé Trout. Le lien de cette affaire avec le démon du Vermont m’a réellement saisi lorsque je l’ai découvert en cours de lecture.

Beaucoup de chose m’ont fasciné dans ce thriller psychologique. D’abord, la profondeur des personnages. Noah en particulier. Il ressent les choses, voit par le ressenti des évènements qui se sont déjà dérulés. L’attachant personnage mettra son cancer du cerveau au service de la vérité. Lorsqu’il la découvrira, il en sera fortement ébranlé. Il y a aussi l’atmosphère qui se dégage du roman : ténébreuse, opaque qui provoque en lui une forte soif de réponses.

Je pense aussi à cette vérité que découvrira Noah. En effet, l’enquête de Noah l’amènera dans un bâtiment qui abritait une école pour enfants surdoués. La vérité se cachait en fait dans les sous-sols du bâtiment. C’est la partie la plus glauque du récit où s’imbriquent des prêtres, des services secrets incluant la puissante CIA, des militaires et surtout des enfants à qui on fera subir des traitements inimaginables visant à en faire des machines à tuer.

C’est une histoire très complexe dans laquelle une grande quantité d’éléments s’entremêlent, s’enchaînent ou s’imbriquent à la manière d’un casse-tête. À la fin, quand chaque élément prend sa place, j’ai eu l’impression comme lecteur d’être pris dans une toile d’araignée. La principale faiblesse du roman est précisément le tricycle rouge.

Au début de l’histoire, le petit tricycle rouge et l’enfant qui le conduit seront frappés de plein fouet par la voiture de Rebecca Law qui en fera une obsession : *Et alors que les voisins sortent un à un des maisons et que Rébecca continue de hurler, ils voient tous le tricycle rouge, la flaque de sang qui s’écoule…et le petit garçon nu étendu sur l’asphalte. * (Extrait)

On sait qu’au moment où l’enfant sur son tricycle rouge est frappé, la vie de plusieurs personnages vient de basculer et ne sera plus jamais la même. L’auteur a maintenu très faiblement à mon avis le lien entre le récit et le tricycle rouge. L’histoire commence par un tricycle rouge et se termine par un tricycle rouge. C’est dommage car c’est  *l’agent propulseur du récit* et faire intervenir un tricycle rouge à la fin était un peu facile.

Heureusement, le récit est percutant et efficace de par son style. Je ne suis pas vraiment surpris que ce livre ait décroché le prix MICHEL BUSI du meilleur thriller français en 2017…un thriller ayant comme toile de fond géographique le Québec et le Nord-est des États-Unis où le cauchemar débute. Le ton est donné dès le départ : sinistre, acide…

Je vous recommande LE TRICYCLE ROUGE. C’est un livre fort. Pour le premier livre d’une carrière qui s’annonce prometteuse, Vincent Hauuy frappe fort. La barrière est élevée.

Suggestion de lecture : LA COUPURE, de Fiona Barton

Né à Nancy en 1975, Vincent a su lire dès l’âge de cinq ans en regardant le célèbre jeu télévisé français *des chiffres et des lettres*. Sa mère, férue de livres en tous genres lui offre BILBO LE HOBBIT à 7 ans. Il le dévore et c’est l’étincelle qui enflamme l’imaginaire. Depuis lors, il ne cessera jamais d’inventer des histoires. À 10 ans, il «emprunte» le nouveau Stephen King de sa mère :SIMETIÈRE. Fan incontesté de Stephen King, Tolkien et George R.R. Martin, Vincent construit un monde fictif fait de paranormal, de sang et de complexité qui donnent à ses romans des intrigues très riches.  (Site de Vincent Huuy : cliquez ici.)

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 24 septembre 2020

À LA CROISÉE DES MONDES, de PHILIPP PULLMAN

LES ROYAUMES DU NORD

*Après avoir ôté le bouchon d’une carafe contenant un vin à la riche robe dorée, Il
déplia le papier et versa dans la carafe un filet de poudre blanche avant de chiffonner
la feuille et de la jeter dans le feu. Il prit ensuite, dans sa poche, un crayon avec lequel il remua le vin jusqu’à ce que la poudre soit totalement dissoute.>

(Extrait : À LA CROISÉE DES MONDES, tome 1 LES ROYAUMES DU NORD, Philip Pullman, édition originale : Gallimard, 2007, papier, 1032 p. présente édition : livre audio, éditeur : Gallimard jeunesse, année de publication : 2015, durée d’écoute : 14 heures 55) Narrateur : Jean-Claude Drouot

Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l’atmosphère confinée du prestigieux Jordan College, est-elle l’objet de tant d’attentions ? De quelle mystérieuse mission est-elle investie ? Lorsque son meilleur ami disparaît, victime des ravisseurs d’enfants qui opèrent dans le pays, elle se lance sur ses traces. Un périlleux voyage vers le Grand Nord, qui lui révélera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d’un autre monde.

UN NOUVEAU FLEURON DE LA FANTASY
N’existait-il qu’un seul monde finalement,
qui passait son temps à rêver à d’autres
mondes ?
(Extrait)
L’histoire se déroule dans une société parfaitement humaine à une exception près : Chaque humain possède un prolongement de lui-même sous forme animale appelé DAEMON. Le deamon est intimement lié à son humain et vit en symbiose avec lui. Ici, nous suivons une petite fille de onze ans, Lyra Bellacqua, adoptée par les érudits du Collège Jordan.

Dans une conversation qu’elle n’était pas sensée entendre, Lyra apprend l’existence de la POUSSIÈRE : des particules visibles seulement dans les Royaumes du Nord et qui auraient le pouvoir d’ouvrir une voie de communication avec des mondes parallèles. Les autorités œuvrent pour empêcher Lord Asriel, le père de Lyra d’ouvrir cette mystérieuse voie.

Parallèlement à ces évènements, une femme aussi énigmatique que froide, Marysa Coulter dirige un projet secret via le conseil général d’oblation qui met les daemons en danger. Jetée au cœur du conflit, Lyra part à la recherche de la poussière et se fera de nombreux alliés pour sauver ses amis et empêcher madame Coulter de mener à bien son projet.

J’ai eu plaisir à retrouver les personnages de ce roman qui chevauche le fantastique, le fantasy et la science-fiction : Lyra Bellacqua et son ami Roger, Lord Asriel, Yorek Bernison, l’ours en armure, Farder Coram et les gitans, Seraphina Peckala la sorcière…

J’ai lu ce livre il y a plusieurs années et cette fois, j’ai entrepris la trilogie complète en utilisant la version audio qui est à elle seule un spectacle sonore exceptionnel présenté par Jean-Claude Drouot. J’ai beaucoup apprécié sa prestation même si, à mon avis, elle est un peu trop déclamée.

PASSER PAR LA POUSSIÈRE

Le but de la trilogie est de raconter le rite de passage de Lyra et de son daemon, Pantalémon dans les univers parallèles ouverts par la poussière. À un certain degré, la série présente le caractère de romans philosophiques dans lesquels il y a de la matière à questionnement.

Mais si j’en reste au but premier de la trilogie, on y trouve tout ce que les ados et les jeunes adultes apprécient dans ce type de roman : Action, revirements, rebondissements, énigmes, mystère, fantasy, de la science-fiction, liés à des thèmes contemporains, comme l’Église, encore empêtrée dans un jeu de pouvoir et d’ambition, présentée d’une façon peu flatteuse.

Ce n’est qu’un exemple. Pullman s’est bien gardé d’alourdir les thèmes exploités dans le récit, gardant une plume forte mais fluide et claire dans ses explications et ses descriptions. Il y a beaucoup d’idées originales dans l’œuvre et même géniales à certains égards. Les daemons par exemple, celui de Lyra étant particulièrement attachant.

Autre exemple, l’aléthiomètre, chargé de symboles…et de vérités, intimement lié à la Poussière qui est aussi une trouvaille. Beaucoup de ces idées sont liées de près ou de loin aux Nouvelles technologies. Ce lien devrait plaire aux jeunes lecteurs.

Un dernier détail, moins positif celui-là : j’ai eu beaucoup de difficultés à m’attacher au personnage principal : la jeune Lyra Bellacqua. Elle n’a que onze ans et elle en met beaucoup trop pour son âge. J’en ai déjà parlé sur ce site.

C’est le problème et la faiblesse de beaucoup de romans qui mettent en scène des jeunes héros : surdoués, intelligence supérieure, des raisonnements qui leur donne raison sur tout. Trop forts et trop indépendants pour leur âge. Dans le cas de Lyra s’ajoute des tendances qui s’approchent de la suffisance, l’arrogance et un peu aussi l’insolence.

J’ai beaucoup de difficulté à admettre une telle supériorité. Pour savoir si j’exagère, comparez simplement Lyra à son copain Roger qui a à peu près le même âge et qui est VRAIMENT de son âge.

Heureusement, l’histoire est divertissante et enlevante. On ne s’ennuie pas en lisant ce livre qui nous enlace d’une part de voyage, de rêve et d’émotions. Je reparlerai sûrement bientôt des deux autres tomes.

Suggestion de lecture : LE SECRET INTERDIT, de Bernard Simonay

 Philip Pullman est né en 1946, à Norwich, en Angleterre.  À partir de l’âge de dix ans, Philip passe son temps à lire, à écrire des poèmes, à peindre. À travers la lecture du roman de Mikhaïl Boulgakov, «Le Maître et Marguerite», Philip Pullman découvre le genre du réalisme fantastique. Il commence à écrire un premier roman puis il publie un thriller métaphysique pour lequel il obtient un prix.

C’est en préparant des représentations théâtrales pour ses élèves qu’il se met à écrire lui-même la première ébauche de ses romans pour enfants. À partir de 1985, les romans s’enchaînent. C’est avec la trilogie «A la croisée des mondes», qu’il a mis sept ans à écrire, que Philip Pullman connaît ses heures de gloire.

LA TRILOGIE DE LA CROISÉE DES MONDES

Dans le tome 2, Will est en fuite et pénètre dans un monde parallèle où il rencontrera Lyra. Ils auront à lutter contre des forces obscures afin de pénétrer dans la mystérieuse tour des anges.

Dans le tome 3, avec l’aide des anges, Will parviendra à libérer Lyra des griffes de sa mère, la cruelle madame Coulter. La quête de nos amis est plus désespérée que jamais car il leur faudra affronter maintenant le monde des morts.

Bonne lecture et bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 20 septembre  2020

ÉCRIRE LE MAL, livre de CLAUDE CHAMPAGNE

*Le mal ne vit pas par lui-même…Celui qui l’a doit
le chérir, le faire grandir, en prendre soin. Et le
transmettre. Comme un cadeau. Non, Plus que
ça. Une offrande. Les victimes ne sont pas
importantes.*
(Extrait : ÉCRIRE LE MAL, Claude Champagne, 2014
Éditions Druide, édition de papier, 270 pages)

Alors que Jean Royer s’apprête à annoncer à ses deux employés sa décision de vendre son agence de détectives privés, une vieille femme arrive en larmes : on a tué son chien. Sur les lieux du crime, Jean Royer découvre ce qu’il appelle un camp pour futurs tueurs en série. Connaître l’identité du malade qui a perpétré ces atrocités l’obsède. Serait-ce un semblable désaxé qui, six ans plus tôt, a enlevé sa fille jamais retrouvée ?  Ainsi, Royer s’enfonce dans les méandres de l’âme humaine, Le détective entreprend d’écrire le journal d’une enquête émotivement éprouvante.

NOIR C’EST NOIR
*Il venait pour acheter de la coke. Pis un soir,
quand il était sur son *high*, je l’ai entendu
se vanter d’avoir déjà tué. Mais t’sais, pas
juste tué, là. Il disait qu’il enlevait le mal,
morceau par morceau.*

(Extrait: ÉCRIRE LE MAL)

C’est un récit étrange, un thriller psychologique glauque, très noir. Voici l’histoire de Jean Royer, un écrivain qui n’a rien écrit depuis la disparition de sa fille, il y a plus de 6 ans. Le temps de se retourner et sa fille, Charlotte une belle adolescente de 15 ans avait tout simplement disparu sans jamais donner de nouvelles.

Un calvaire pour Jean Royer qui vient juste d’hériter d’une agence de détectives qui était propriété de son père décédé. Au moment où il veut annoncer aux employés son intention de vendre l’agence, une vieille femme entre en pleurs et veut engager l’agence pour retrouver l’assassin de son chien retrouvé crucifié sur un arbre près de chez elle.

Jean est intrigué pour ne pas dire mystifié lorsqu’il se rend en forêt et découvre un véritable carnage d’animaux cloués sur des arbres, ventre ouvert à coups de couteau. Jean Royer suspend la vente de son agence. Son intuition et certaines indications l’amènent à relier cet évènement à la disparition de sa fille.

Jean devient enquêteur. Il obtiendra plus ou moins d’aide de ses employés. Quelque chose cloche à l’agence. Quoiqu’il en soit, ce nouveau rôle que vient de se donner Jean Royer lui redonne le goût d’écrire.

Pas un roman non…plutôt le journal de son enquête : *Je n’avais pas écrit un seul mot ou presque depuis la disparition de ma fille, ni même déjà tenu un journal de ma vie. Pourtant, me voici ce soir à rédiger ces lignes, comme mon père avant de mourir…* (Extrait). Alors, mû par la douleur d’un père à qui on a arraché une raison de vivre, Royer ira d’horreur en horreur et réalisera qu’il écrit plus qu’un journal. Il s’est lancé à écrire le mal.

Parmi les éléments qui m’ont accroché dans la lecture de ce livre, je citerai le plus important. C’est que le récit est entrecoupé d’extraits du journal d’un ado qui cherche la découverte, la signification et à la rigueur la pratique du mal. Cet élément donne une force incroyable au récit Je fus accro aux passages sur l’ado, mystérieux et sombre qui deviennent plus nombreux et plus explicites au fur et à mesure de l’évolution de l’histoire.

Nous avons dans ce très bon livre, des enquêtes qui s’imbriquent, deux intrigues majeures qui se côtoient et surtout une descente vertigineuse dans une conscience malade, esprit torturé, obsédé par les actes qui font souffrir, fixé sur le mal et caractérisé par l’absence de morale. Claude Champagne a travaillé très fort sur la psychologie de ses personnages, suffisamment pour que les lecteurs s’y attachent ou tentent de les comprendre.

L’histoire est d’autant forte qu’elle est ponctuée de revirements inattendus, sans compter que Royer pourra compter sur certains alliés qui ne manquent pas d’intérêt et d’importance dans l’histoire comme Marcel par exemple, policier à la retraite de la brigade canine qui a vécu une expérience semblable à la vieille dame qui a perdu son chien.

Dans son livre, Claude Champagne décante le mal et en dresse un juste portrait et encore, parfois dans un langage tranchant. L’auteur donne à ses personnages le pouvoir de présenter les choses comme elles sont sans retenue ou censure. J’ai été aussi fasciné tout au long du récit par son atmosphère brumeuse et son style parfois acéré.

C’est un bon roman qui dévoile un aspect de la psychologie humaine et nous pousse en même temps à jeter un certain regard sur la société. Je le recommande. Claude Champagne s’ajoute à la liste toujours plus nombreuse qui donne une *plus value* à la littérature québécoise.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Avant de se consacrer à l’écriture, Claude Champagne a fait le tour du Québec sur le pouce, périple qui l’a mené jusque dans l’ouest canadien, puis en Europe pendant deux ans. En 1992, il a obtenu son diplôme en écriture dramatique de l’École Nationale de Théâtre du Canada.

Il décroche ensuite une maîtrise en études littéraires de l’UQAM en 1999. Entre temps, Claude Champagne cofonde Dramaturges Éditeurs, la seule maison d’édition spécialisée en dramaturgie au Québec. Ses multiples projets l’ont conduit à écrire pour la scène, la radio, la télévision ainsi que des romans.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 19 septembre 2020