LIEUTENANT EVE DALLAS, de NORA ROBERTS

-Démence du crime
-Préméditation du crime
*Une mise en garde…-De quel genre ? aboya Eve .
Enfermez-vous chez vous? Fuyez la ville ?… ne sortez
plus faire vos courses au cas où le magasin où vous vous
rendrez soit visé ? Semer la panique, voilà l’objectif
de ces ordures.*
(Extrait : DÉMENCE DU CRIME, Nora Roberts, t.f. Éditions
J’ai lu, 2014, édition de papier, 800 pages en co-publication
avec PRÉMÉDITATION DU CRIME)

Dans un bar chic de Manhattan, une folie contagieuse fait une véritable boucherie : 83 morts. Eve Dallas interroge les rescapés, terrorisés, qui lui relatent l’apparition d’un monstre et d’abeilles par centaines. Eve traque le moindre indice pour trouver le coupable jusqu’à déterrer des souvenirs qu’elle croyait enfouis pour toujours. Après cette affaire, Dallas n’aura guère le temps de reprendre ses esprits car elle doit élucider la mort d’une comptable appréciée et sans histoire. Quand des dossiers confidentiels de la défunte disparaissent, Ève n’a d’autres choix que de s’immiscer dans le monde impitoyable des affaires…

AVANT-PROPOS :
le lieutenant de police Eve Dallas consacre sa vie à traquer des criminels. Dans son métier, pas de place pour les sentiments. Alors, les cauchemars qui hantent ses nuits, elle les oublie…elle essaie…comme son passé, un passé pas simple…un passé qui, forcément va s’amalgamer avec plusieurs de ses enquêtes, c’est inévitable.

Nora Roberts a publié cinquante-cinq titres dans la série LIEUTENANT EVE DALLAS, en grande partie sous le pseudonyme J.D. Robb. Chaque titre de la série comprend le mot CRIME : AU BÉNÉFICE DU CRIME (#3), LA LOI DU CRIME (#11), HANTÉ PAR LE CRIME (#22), CONFUSION DU CRIME (#42), etc


DES ANGLES DU CRIME

*Tout s’est passé si vite. Ce salaud avait une façon de bouger-
rapide, agile. Il a soulevé le gamin d’une main, cogné le père
du coude gauche, pivoté sur lui-même et lancé. Ce type a joué
au football… Il est fort. Le gosse devait peser une dizaine de
kilos.*
(Extrait : #36 PRÉMÉDITATION DU CRIME)

Je n’ai lu que deux livres de la série LIEUTENANT ÈVE DALLAS, laquelle série compte 55 tomes qui peuvent se lire indépendamment. Je ne peux donc pas dire si DALLAS a évolué au cours des années. Je peux cependant affirmer que le personnage est bien campé : Dallas est très intelligente, intuitive, minutieuse, curieuse, un peu froide, agressive, tenace.

J’ai eu de la difficulté à m’attacher au personnage, peut-être à cause de son côté un peu roublard, imbu, peut-être aussi à cause de sa précision militaire et son petit côté parfait. Bref, elle m’énerve. Mais le cadre dans lequel elle a été installée est très intéressant à cause de l’histoire qui est à saveur de terrorisme, donc très ajustée avec l’actualité.

Au tout début du récit, Roberts frappe fort. Dans un grand restaurant, une folie contagieuse éclate subitement. D’abord une hallucination collective puis une paranoïa généralisée amène tout le monde à s’entretuer avec une violence innommable.

Résultat de cette incroyable boucherie : 83 morts et des blessés. L’auteure m’a accroché immédiatement à cause de l’intrigue et à cause du mobile qui est mis en lumière à la petite cuillère jusqu’à la fin qui m’a coupé le souffle.

Les possibilités sont nombreuses, le ou les tueurs sans pitié : *Qui a pu commettre un acte pareil?…Peut-être ciblait-il une ou plusieurs victimes en particulier, mais provoquer un tel massacre dans un bar en quelques minutes, Ça l’a forcément excité. Êtes-vous d’accord docteur Mira? Absolument. Tuer des gens si vite et de surcroit les manipuler comme des marionnettes. Probablement sans se salir les mains…* (Extrait)

Ce n’est pas du tout le lieutenant Dallas qui m’a fasciné dans ce récit, mais bien l’intensité dramatique de l’histoire qui amène le lecteur de rebondissement en revirement jusqu’à une seconde hécatombe qui fera une cinquantaine de morts. Comment décrire un tel meurtrier ? *Notre tueur jongle avec la colère, la cruauté, un mépris total à l’égard de l’humanité- et plus encore à l’égard de ceux qu’il côtoie chaque jour.* (Extrait)

Ce qui m’amène à vous parler d’un autre aspect du récit qui m’a fasciné : l’omniprésence du profilage. En criminologie, le profileur établit le profil psychologique d’un individu recherché en fonction des indices recueillis par les services d’enquête. C’est la première fois que je lis un roman policier dans lequel est développé et expliqué le profilage psychologique prévisionnel. J’ai donc appris quelque chose qui m’a accroché.

Maintenant, pour le tome 36, PRÉMÉDITATION DU CRIME, il est assez bien fait mais beaucoup moins intense et dramatique que dans le tome précédent. L’action se déroule dans le monde des affaires, des sociétés qui s’imbriquent les une dans les autres avec leurs clientèles…et quand des audits sont réclamés, beaucoup de financiers sont pris par surprise parce qu’ils ont beaucoup à cacher…et puis un meurtre en appelle un autre.

On s’y perd un peu tellement ce monde est tentaculaire et impitoyable. Ça donne tout de même une enquête tricotée serrée avec un lieutenant Dallas toujours aussi opiniâtre et directif. Un point en commun avec l’épisode précédent : La vie de Dallas : boulot pour 90%, du sexe pour le reste avec Connors, l’amant parfait qui gagne à être connu.

En conclusion, sans être emballé, j’ai trouvé ces deux lectures intéressantes. Je ne serais pas surpris que DÉMENCE DU CRIME soit un épisode très à part dans le monde du lieutenant Dallas. Je ne serais pas plus surpris si le fait de se lancer dans la lecture des 55 épisodes deviennent singulièrement ennuyant. Toutefois, DÉMENCE DU CRIME vaut bien qu’on s’y arrête.

Suggestion de lecture : NÉBULOSITÉ CROISSANTE EN FIN DE JOURNÉE, de Jacques Côté

voir la liste complète des tomes ici

Nora Roberts (de son vrai nom Eleanor Marie Robertson) est une romancière américaine spécialisée dans les romans sentimentaux et les thrillers psychologiques, née en 1950 dans le Maryland. Elle commence à écrire pendant une tempête de neige en février 1979 et son premier roman L’INVITÉE IRLANDAISE est publié en 1981. Nora Roberts est une auteure particulièrement prolifique. Près d’une dizaine de nouveaux romans sortent chaque année. Elle a vendu plus de 100 millions de livres et est traduite en plus de 25 langues.

QUELQUES ÉPISODES DE *LIEUTENANT ÈVE DALLAS*

           

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 4 avril 2020

L’ASILE, le livre de MADELEINE ROUX

*…La maison devait les contenir.
Et une fois entrés,
ils n’en sortiraient jamais.*
(Extrait du prologue de L’ASILE de
Madeleine Roux, HarperCollins 2013,
t.f. :  Éditions AdA, 2017. Édition de
papier, 320 pages)

Dan Crawford, un ado de seize ans participe à un programme estival pour étudiants doués préparatoire du Collège du New Hampshire. À son arrivée, Dan apprend que la résidence estivale habituelle a fermé ses portes, obligeant les étudiants à demeurer dans un édifice qui tombe en ruines, Brookline – un ancien hôpital psychiatrique. À mesure que Dan et ses deux nouveaux amis, Abby et Jordan, explorent les couloirs sinueux et le sous-sol dissimulés de Brookline, ils découvrent des secrets troublants sur les événements survenus entre ses murs… Brookline n’était pas un hôpital psychiatrique ordinaire. 

TROUBLANTES EAUX TROUBLES
*Brookline exerce une emprise sur les gens.
Ça a toujours été le cas. C’est la prophétie
autoréalisatrice de la démence. Si quelqu’un
te dit assez souvent que tu es fou, au bout
du compte, ça devient la réalité.*
(Extrait : L’ASILE)

Vous avez sans doute lu le synopsis un peu plus haut, et vu la page couverture. C’est exactement ce qui m’a attiré et poussé à la lecture de ce livre, en plus du fait que je ne connais pas l’auteure. Comme j’aime découvrir de nouveaux auteurs, je me suis lancé. Je me suis vite rendu compte que ce livre n’est qu’une autre variation sur un thème surexploité en littérature et au cinéma.

En effet, l’action se déroule dans un ancien établissement de santé mentale qu’on appelait à une certaine époque *ASILE*, réservait à plusieurs de ses patients des traitements aussi barbares qu’inutiles au nom de l’expérimentation médicale bien sûr mais aussi trop souvent pour assouvir les passions de médecins sadiques et tordus. Des âmes prisonnières rôdent dans les sous-sols de l’établissement qui accueille des étudiants en pension.

Ce qui m’a gardé dans l’histoire, c’est surtout l’atmosphère qui s’en dégage. J’ai eu de la difficulté avec le reste. L’histoire tourne autour de Dan, 15 ans. Il se lie d’amitié avec Abby et Jordan. Le trio nouvellement formé est bizarre et désassorti. Je n’ai pas pu vraiment m’attacher aux personnages : Dan a été balloté de famille d’accueil en famille d’accueil pour finalement être adopté. Il devient parfois lunatique et a des blancs de mémoire.

Jordan est un homosexuel qui vient de faire son coming out et vit avec la peur constante d’être rejeté. Son caractère est un peu instable. Abby est une petite boute en train, drôle. L’intrigue prend le dessus sur une amourette mais a une misère noire à décoller et, finalement n’aboutira jamais, du moins pas dans ce tome. J’ai trouvé cet aspect de l’histoire frustrant, quelconque et simpliste.

Donc, pour ce qui est de l’histoire, c’est du déjà vu, tout comme le fait par exemple que les trois principaux personnages découvrent, pendant leur enquête qu’ils ont un lien mystérieux avec l’établissement et son passé. Je pense que l’auteure a fait un effort pour rendre le tout intéressant. L’intrigue est évolutive car le lecteur se posera la question jusqu’à la fin : Qui est l’auteur des meurtres ? Ce n’est pas simple je vous assure. Le mystère est bien entretenu jusqu’à la fin.

Et, ce que j’ai particulièrement apprécié dans ce livre et qui vient compenser les faiblesses, c’est cette atmosphère…ce non-exprimé de mystère et ça s’épaissit au fur et à mesure que les jeunes descendent dans les sous-sols de l’établissement pénétrant ainsi dans les arcanes de la peur.

Évidemment, ça vient réactualiser les incroyables excès dont ont été victimes de nombreuses personnes handicapées mentales au milieu du 20e siècle. Dans la deuxième moitié du récit, le paranormal transpire presque dans chaque page.

Enfin, il y a deux finales dans ce livre : la petite, qui tient sur quelques chapitres, et la grande qui tient sur deux lignes et qui pourrait vous donner la chair de poule pour autant que l’histoire vous a vraiment accroché. Évidemment la grande finale appelle à une suite qui est d’ailleurs connue au moment d’écrire ces lignes, elle s’intitule LE SANCTUAIRE.

À la fin de L’ASILE, l’éditeur a pensé vous donné une idée de la suite en publiant le chapitre 1. Ça n’apprend rien sur rien sinon que Dan s’ennuie un ptit peu d’Aby et de Jordan. À mon avis, l’éditeur aurait dû s’abstenir ou mettre quelque chose d’un peu plus accrocheur.

Voilà…ça ne réinvente pas le genre paranormal…PARANORMAL ACTIVITY, CONJURING, BLAIR PROJECT, POLTERGEIST…il y a un peu de tout même si l’ensemble est quand même un peu moins paniquant et évoque sans y croire vraiment le syndrome de la personnalité multiple ou double-personnalité.

J’aurais souhaité que les relations interpersonnelles du trio de jeunes soient un peu moins insignifiantes, mais tout de même, l’intrigue est là et le mystère aussi. Ça se lit vite, chapitres courts sans trop de longueurs. Plume efficace.

Suggestion  de lecture : VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU, de Ken Kesey

Madeleine Roux est titulaire d’un baccalauréat en écriture créative et en interprétation du Collège Beloit en 2008. L’année suivante, elle a terminé un baccalauréat spécialisé proposant, rédigeant et présentant un roman de fiction historique complet. Peu de temps après, elle a commencé le blog de fiction expérimental Allison Hewitt Is Trapped qui s’est rapidement répandu dans toute la blogosphère, apportant une expérience unique de fiction en série aux lecteurs.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le vendredi
3 avril 2020

L’Affaire Magnotta, livre de MICHAËL NGUYEN

*Car, en ce lundi ensoleillé, les médias du monde
entier ont les yeux tournés vers cet homme de 32
ans, qui est non seulement soupçonné d’
avoir
assassin
é un innocent, mais aussi de l’avoir
d
épecé, d’avoir filmé la scène macabre et d’avoir
diffus
é le film sur internet.*
(Extrait : L’AFFAIRE MAGNOTTA, Michaël Nguyen, Les
Éditions du Journal, 2017, édition de papier, 125 pages)

Lundi, 8 septembre 2014, celui qui se fait appeler Luka Rocco Magnotta, se présente devant ceux qui auront la lourde responsabilité de le juger. Le célèbre procès fait ressortir, peu à peu, au fur et à mesure de son  déroulement, la personnalité trouble derrière la façade de Magnotta. On sait que lissue du procès s’est jouée sur la santé mentale de Magnotta. Rien ny fait, prison à vie. Pour plusieurs personnes encore aujourd’hui, certains points échappent à la compréhension. Le journaliste judiciaire du journal de Montréal Michaël Nguyen raconte le procès et nous plonge dans l’univers profondément troublé d’un dépravé…

AU CŒUR DE L’HORREUR
*Cependant, Magnotta ne sest pas contenté de
tuer les animaux
 : il a filmé les faits. Et c’est
encore sur les conseils de la voix qu
il entend
dans sa t
ête quil met en ligne les deux vidéos.*
(Extrait : L’AFFAIRE MAGNOTTA)

Ce petit opuscule de 118 pages publie le compte-rendu du procès Magnotta, une des affaires judiciaires les plus médiatisées de l’histoire du Canada.

Rappelons que Luka Rocco Magnotta, de son vrai nom Erik Clinton Kirk Newman a été reconnu coupable de meurtre au premier degré, celui du chinois Lin Jun, outrage à cadavre, publication de matériel obscène, sur internet notamment, envoi par la poste de matériel obscène, à des écoles et à des politiques, et harcèlement criminel.

Le 23 décembre 2014, il reçoit une condamnation de prison à perpétuité dont 25 ans sans possibilité de libération. En rendant compte du procès, Michaël Nguyen aborde la vie de Magnotta. Est-ce que ça valait la peine de publier un tel livre ? Oui et non. N’importe qui ayant suivi avec assiduité le procès Magnotta n’apprendra rien de nouveau.

Ce qu’il y a d’intéressant dans ce petit volume écrit très simplement, c’est que son analyse pousse à la réflexion, un peu à la façon d’un essai. Avec le recul du temps, le livre met en lumière des choses qui n’ont pas été expliquées hors de tout doute : comme le mobile par exemple. Le jury devait trancher et il a fait son travail mais ça a dû lui coûter de sérieuses migraines :

*Personne ne s’entend sur l’état mental de Magnotta au moment du meurtre de Jun Lin, et le principal intéressé a choisi de rester muet devant le jury. La preuve se conclut sans consensus, le 4 décembre 2012, au palais de justice de Montréal. Les jurés ont siégé 40 jours. La Couronne a fait entendre 52 témoins pendant 25 journées d’audience, tandis que la défense en a présenté 14. La moitié du temps de la cour a été consacré aux six psychiatres experts.* (Extrait.)

Et personne ne s’est mis d’accord sur l’état mental de Magnotta. Je ne croyais pas la nature humaine complexe à ce point. Magnotta était-il un menteur pathologique, un remarquable comédien ou un psychotique dangereux…un fou pour utiliser le terme de son avocat dans sa plaidoirie finale.

Il se dégage d’autres petits points intéressants de ce livre. J’observe que la vie de Magnotta va basculer après sa première rencontre avec Manuel Lopez, surnommé Manny. Ce sera pour Magnotta une initiation au sadomasochisme et l’adoption volontaire ou pas, d’une philosophie de la violence. Manny deviendra plus tard la voix dans la tête de Magnotta.

Il m’a semblé que cet aspect a été sous-développé dans le livre. En fait, on se demande même si la rencontre a réellement eu lieu et on va même plus loin en se demandant si Manny existe. Un dernier point : d’après un intervenant au procès, l’esprit de Magnotta est un mélange de réalité et de fiction. Un esprit faible peut-il faire la différence.

Ce livre est un compte-rendu. Il a la faiblesse habituelle du genre. Plusieurs de ses grands thèmes sont sous-développés. L’auteur aurait pu aller plus loin dans les détails de la vie de Magnotta par exemple. Tenter de répondre à certains questionnements. Par exemple, quand Magnotta était en cavale en Europe. Il avait de l’argent et ne se privait de rien. Est-ce que seul le métier d’escorte pouvait lui permettre ça ?

Michaël Nguyen s’en est tenu au récit journalistique en lui donnant une dimension de saga, agrémenté (façon de parler par deux séries de photos en couleur) généralement, ça plait. Le journaliste plonge le lecteur dans l’esprit d’un dépravé en s’appuyant sur un procès qui n’a pas mis grand monde d’accord. Ce genre de livre ne passe généralement pas à l’histoire mais il n’est pas non plus dénué d’intérêt.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS, de Franz Kafka

Né en Belgique, Michaël Nguyen a grandi au Québec où il a fait des études en littérature et en journalisme. Depuis 2011, il vit ses deux passions au quotidien en couvrant les actualités judiciaires au journal de Montréal. Il a aussi une certaine expérience en scénarisation. Il a suivi minute par minute l’affaire Magnotta.

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 2 avril 2020

JOUR DE CONFESSION, de ALLAN FOLSOM

*Clic. Le bruit métallique reconnaissable
entre tous du revolver que l’on arme…
Abats-le…*

(Extrait : JOUR DE CONFESSION, Allan Folsom,
Presses de la Cité, 1999, éditions de papier et
numériques. 350 pages numériques.)

 » Harry, c’est ton frère, Danny… J’aurais préféré t’appeler dans d’autres circonstances… mais je n’ai… personne à qui parler… J’ai très peur, Harry…  » Quand Harry Addison, jeune avocat d’affaires représentant les plus grandes stars de Hollywood, reçoit sur son répondeur cet appel angoissé, il ignore que c’est la dernière fois qu’il entend la voix de son frère Daniel, prêtre de son état, en poste au Vatican. Il apprend en effet avec horreur que Daniel vient de trouver la mort à la suite d’un attentat terroriste.

Harry se retrouve très vite plongé dans un cauchemar : on lui annonce tout d’abord que Danny est accusé d’avoir assassiné le second personnage du Vatican ; puis, quand on lui montre le cadavre mutilé de son frère et qu’il met en doute l’identité du corps, il se voit lui-même accusé du meurtre d’un policier.

Totalement isolé et vulnérable dans un pays dont il ne parle pas la langue, Harry Addison est contraint de fuir. Avec, à ses trousses, les polices d’Italie et quelques autres, plus obscures. Car, à son insu, Harry est pris dans les filets d’une conspiration mondiale qui se trame depuis le cœur même du Saint-Siège.

ENCORE LE VATICAN
*Harry revit l’image horrible du Père
Bardoni dans la baignore, celle d’un
homme qui n’avait pas parlé sous la
torture…*
(Extrait : JOUR DE CONFESSION)

Ce fut tout un défi pour moi de lire ce livre parce que je suis tombé sur une édition singulièrement pourrie : pagination défectueuse, mots et lettres escamotés, fautes de frappes et d’orthographe, des numéros de page au milieu d’une phrase dans un passage captivant. J’ai quand même tenu bon. Ensuite, le sujet est réchauffé, usé.

C’est une autre intrigue à la sauce Vatican : un cardinal véreux et corrompu, puissant et dont tout le monde a peur, cruel et sans conscience et qui en plus se prend pour Alexandre le Grand. Il n’hésite pas à commanditer des meurtres par ambition, y compris ordonner un véritable génocide avec une affligeante légèreté…des dizaines de milliers de morts.

Dans cette histoire, l’enjeu est rien de moins que le contrôle de la Chine par le Vatican. Première préoccupation du Cardinal Palestrini : éliminer ceux qui en savent trop et qui peuvent faire remonter les autorités jusqu’à lui, car le plan de Palestrini est carrément démoniaque. Je vous laisse en faire la découverte.

Et devinez qui est au-dessus de tout ça et ne soupçonne rien? Le pape bien sûr. Il paraît qu’il est trop occupé et laisse les affaires d’état à ses hommes de confiance…il ne se doute de rien le pauvre…donc pour moi, cette histoire sent le déjà vu et manque d’originalité.

Il y a des invraisemblances et aussi un manque d’équilibre dans la trame. Par exemple, si c’est la Chine qui écope et qui accumule les cadavres, pourquoi l’auteur en parle si peu ? Peut-être parce qu’il vise à soutenir l’attention du lecteur sur les tueurs qui traquent avec acharnement les frères Addison, ceux-là même qui en savent trop.

Et bien sûr, l’auteur n’a pas manqué de donner un caractère particulièrement malin au cardinal Palestrini : *La cruauté de cet homme, sa maladie mentale, dépassaient la compréhension. Comment un homme intelligent avait-il pu changer à ce point ? Quand donc ? Le monstre avait-il toujours sommeillé en lui ? * (extrait)

Il ne faut pas oublier le tueur à gage Thomas Kind, un malade à l’esprit détraqué avec comme principal symptôme le plaisir de tuer et il ne se prive pas. Vous savez les genres qui font qu’on souhaiterait se lever plus de bonne heure pour les détester plus longtemps.

Je dois admettre que ce livre a, malgré les déséquilibres, une très grande force qui peut grandement attirer le lectorat : c’est le rythme très élevé du récit. Même la finale que j’ai trouvée étrange et un peu facile, offrait un rythme soutenu avec quelques rebondissements et des images faciles à créer dans l’esprit du lecteur. Il y a donc beaucoup d’action consécutive aux machinations d’un cardinal sans scrupules. La finale est prévisible.

Est-ce que j’ai aimé ce livre ? Le début est très prometteur mais je dirais qu’il m’a déçu à cause de la sous-exploitation de certains thèmes majeurs. Par exemple, il n’y a pas beaucoup de passages sur la chine. C’est pourtant là que se joue le véritable drame : des morts par dizaine de milliers.

Je crois qu’il aurait valu la peine de développer davantage cet aspect sur les plans physiques, économiques et sociaux et comment, après ce génocide, l’Église compte-t-elle maintenir le contrôle spirituel de la Chine qui représente près du quart de la population mondiale. Autre exemple de thème majeur, l’absence du Pape… pas très crédible. Sa part de responsabilité comme chef d’État est complètement occultée.

Mais si vous aimez l’action, les rebondissements à la James Bond, les folles poursuites, vous pourriez apprécier. Le style se rapproche de certains auteurs à succès comme Harlan Coben ou Robert Ludlum. Malgré mes hésitations, je donne la note de passage à JOUR DE CONFESSION.

Suggestion de lecture : MALEFICIUM, de Martine Desjardins

Né en 1944, Allan Folsom, est romancier et scénariste. Jour de confession et L’Exilé l’ont confirmé comme un maître du suspense dans la lignée de Robert Ludlum et Ken Follett, grâce à des intrigues où se mêlent politique, suspense et scènes d’une violence à couper le souffle. Chacun de ses romans est peaufiné à partir d’une longue  enquête menée sur le terrain. Vous pouvez lire quelques synopsis de ses livres grâce à fichesauteur.canalblog.com cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 mars 2020

INDOMPTABLE, le livre de MILEY AARON

*Elle reconnaît John. Il est sur le brancard et sous respirateur. Son visage et son corps sont couverts de sang. Un médecin urgentiste lui donne les premiers soins Lorsqu’elle s’approche, son cœur se serre. C’était donc ça le message… * (Extrait : INDOMPTABLE, Miley Aaron, Érato Éditions, collection Kama, 2016, édition numérique, 360 pages)

Il y a parfois des questions qui restent sans réponses. Il y a des types qui ont le besoin de faire du mal aux autres pour se prouver qu’ils existent. Et si de nos jours, un jeune PDG mondialement connu, bien sous tous rapports en apparence, n’était en réalité qu’un masque ? Un peu trop sadique sur les bords. Pourquoi toutes les jeunes femmes qui deviennent son assistante disparaissent-elles sans laisser de traces ? Dans ses locaux, seules ses règles comptent. Gare à celui qui les outrepasse.

L’ADDICTION AU MAL
Ava jeta un coup d’œil sur le test de
grossesse : La réponse est là devant
ses yeux. –Maintenant je sais que je
ne porte pas le fils du diable en moi.
(Extrait : INDOMPTABLE)

C’est un livre qui ébranle et je vous avertis tout de suite, il ne s’adresse pas aux personnes sensibles. L’histoire est celle d’une jeune femme nommée Avalon. Si, dans LE CYCLE DU GRAAL, Avalon était l’île où a été emmené le roi Arthur après sa dernière bataille, c’est aussi l’endroit où a été forgée l’épée EXCALIBUR qui bien représenter le caractère bien trempé de la jeune femme. Elle en aura besoin car elle va passer un sale quart d’heure.

Avalon a eu deux plaies dans sa vie : son beau-père, un fou sadique, violent et manipulateur qui la battait pour le plaisir. Elle a fini par s’en échapper pour retomber dans un autre redoutable filet, celui de Ryan Evans, un jeune PDG assis sur un pouvoir aussi énorme que sa fortune.

Un autre cinglé dangereux qui s’amuse à faire souffrir psychologiquement et physiquement jusqu’à une mort lente et horrible de sa victime, toujours des jeunes femmes, dont Avalon, qui ont lié un obscur contrat avec Evans.

Dylan, le beau-père et Ryan Evans sont deux cinglés tordus qui adorent faire souffrir et qui n’hésitent pas à tuer avec le sourire avant de passer à la victime suivante. Avalon est prise dans ce piège mais elle est différente des autres. C’est une battante. Le chef de la sécurité d’Evans le remarque et il se développe un petit quelque chose entre eux. Ryan l’apprend et ça va le rendre encore deux fois plus fou.

C’est un livre dans lequel deux pervers malades se livrent à un jeu de pouvoir avec des raffinements de cruauté et de sadisme, sans aucune compassion, aucun remord…absence totale d’empathie. Il aurait été intéressant d’avoir plus d’éléments pour comprendre la psychologie de Dylan et Ryan Evans en particulier, l’intrigue est bien construite mais les souffrances et les remords s’empilent et j’ai trouvé qu’il y avait une certaine redondance.

Le fil conducteur est très solide et la plume acérée de Miley Aaron m’a poussé à tourner page après page. Le rythme est rapide et en cours de lecture, il est intéressant de voir évoluer la relation entre John et Avalon et surtout d’essayer de deviner comment ils vont se sortir d’un étau qui se resserre lentement et cruellement.

C’est un livre que les amateurs du genre *extrême violence*  vont sûrement beaucoup apprécié. Les souffrances infligées et les meurtres perpétrés sont sans pitié, sans compassion, sans empathie et répondent à un besoin profond de jouir du pouvoir de vie et de mort.

INDOMPTABLE n’est pas mon genre, je n’ai pas trop aimé…trop de haine, de morts, de violence, pas d’échappatoires, de diversions, aucun humour… mais je sais qu’il y a de la qualité dans le développement et que la trame est haletante. Je suis sûr que les lecteurs et lectrices au cœur solide devraient aimer ce livre qui se lit quand même vite et bien.

Je pourrais ajouter en terminant que cette œuvre, réalisée par un auteur émergent n’est pas sans faire réfléchir sur les dangers du pouvoir et surtout la combativité. Aaron est donc à suivre. Juste un petit mot sur la finale…elle est étrange et un peu expédiée. Elle ouvre la voie en tout cas à une suite. Où se positionneront Avalon et John dans tout ça? Je me demande si la suite sera aussi oppressante… À suivre.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison

——————————————

Encore une autre qui se cache derrière l’objectif. On sait peu de choses de l’auteure.

Miley Aaron, est une écrivaine émergente. Dans son blog elle se présente comme suit : Anciennement perfectimperfection, je reviens avec un nouveau blog et en pleine forme =)! Venez découvrir la routine d’une ordinary girl qui souffre de douleur chronique au dos mais qui a décidé de croquer la vie à pleine dents et de se battre contre la maladie quoi qu’il arrive 🙂 !

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 22 mars 2020

HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, ouvrage collectif

Commentaire sur le collectif dirigé
par YVES-MARIE HILAIRE

*Cette histoire de la papauté n’est ni une apologie
ni une présentation partisane de la papauté, c’est
vraiment une histoire accessible à tous et
solidement documentée de deux millénaires. Car à
travers l’histoire de la papauté, c’est l’histoire du
monde qui s’offre à nous, avec ses heures de gloire
et de peine, ses ombres et ses lumières*
(Extrait : HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, citation du Cardinal
Paul Poupard dans sa préface du livre, œuvre collective
dirigée par Yvea-Marie Hilaire, Éditions Tallandier, 2003,
édition de papier, 580 pages)

Yves-Marie Hilaire dirige un collectif d’universitaires, professeurs et historiens pour offrir une grande histoire synthétique de la papauté, dépourvue de fantasmes et de jugements. Héritière de la Rome impériale, la papauté est devenue, au fil du temps, le centre nerveux du catholicisme. Son magistère moral deviendra international au XXe siècle.

L’histoire de la papauté montre comment cette institution, porteuse de renaissance culturelle à travers l’Histoire, a facilité le passage de l’Antiquité au monde médiéval et comment, aujourd’hui, à l’ère de la mondialisation, elle tente de faire face aux nombreux défis du XXIe siècle.

2000 ans de jeu
théologico-politico-ecclésiastique

*La papauté est l’héritière d’une longue histoire, d’un « principe de continuité et d’identité d’un esprit à travers la succession des générations » (Y.-M. Congar)… elle est appelée à un nouveau rôle dans le cadre d’une ecclésiologie de communion, …avec les églises sœurs, portée par le mouvement œcuménique* (Extrait)

À gauche, Pierre, premier pape en l’an 1.
Au centre, Sylvestre II, pape régnant en l’an 1000.
À droite, Jean-Paul II, pape régnant en l’an 2000.

C’est un livre rare, un ouvrage aussi complexe que complet. Cet ouvrage ne juge pas, se met à l’écart de toute partisannerie, évite les rumeurs, histoires obscures ou secrètes. Il n’est pas question non plus des abus de plusieurs papes relatifs au sexe, à l’argent et à la violence.

Le collectif dirigé par monsieur Hilaire s’est essentiellement appliqué à à réunir les éléments qui ont présidé à l’évolution de l’Église Catholique. Autrement dit, comment l’Église et la papauté sont passé de Pierre à Jean-Paul II*, au prix de quelles peines et il faut bien le dire, d’intrigues, de trahison, d’hypocrisie.

J’ai trouvé ce livre intéressant. C’est vrai. Il ne prend pas parti. Il ne juge pas. Il rapporte des faits, vérifiables le plus possible. Notez que pour des raisons évidentes de déformation dans la transmission orale et écrite de l’antiquité au Moyen-Âge, le premier millénaire porte à confusion.

Les auteurs ont donc travaillé très fort à recouper les informations issues des manuscrits, procéder à de multiples vérifications et révéler l’essentiel par la logique des faits. Cette constatation fait de *HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ* une fresque majeure et crédible.

emblème de la papauté

Ce qui m’a le plus frappé dans ce livre, c’est qu’il couvre 2000 ans de mésententes, de chicanes, de schismes, de papes et d’anti-papes, de tractations politiques obscures, de querelles théologiques et j’en passe.

Il est remarquable que l’Église ait survécu à autant de tribulations surtout si on ajoute les conséquences qui ne résistent pas aux analyses : fourberie, manigances politiques, jeux de pouvoir et d’influence, violence, intimidation, assassinats, exécutions et j’en passe.

Il n’est pas facile de comprendre pourquoi l’histoire de l’Église est si agitée. Pourquoi autant de mésententes théologiques. Le message de Jésus n’était-il pas simple : Aimez-vous les uns les autres, Croyez en Dieu. La mission de Pierre n’était-elle pas simple : Faire passer le message de Jésus.

Peut-être me voyez-vous venir…la principale faiblesse du livre et c’est une grande déception pour moi, réside dans la fragilité de sa dimension intellectuelle et spirituelle. Le passage de plusieurs papes mystiques qui ont travaillé fort à définir le rôle spirituel et de guide de l’Église a été pratiquement occulté. Dommage.

J’ai quand même appris des choses intéressantes. Par exemple, comment est né le conclave et comment il a évolué. Comment le Vatican est devenu un état? Comment fonctionne un concile (et Dieu sait que ce n’est pas simple) avec un chapitre intéressant sur le concile le plus complexe de l’histoire, le concile de Trente.

J’ai trouvé très intéressant quoique très choquant le passage sur les Borgia et sur le silence de Pie XII pendant la deuxième guerre mondiale.

Vous voyez donc que le livre répond à beaucoup de questions mais sur chaque question, il ne s’étend que très brièvement. Par conséquent, le livre pousse à la recherche. Mais ces questions abordent très peu la dimension spirituelle qui ne préoccupe les auteurs qu’à partir de la restauration amorcée au XIXe siècle.

Le livre couvre 2000 ans d’histoire. C’est quand même un défi extraordinaire du collectif qui tend à démontrer physiquement, comment l’Église a fait pour survivre jusqu’à nos jours. À ce titre, c’est un ouvrage remarquable. Il me reste à vous prévenir que le récit est lourd, complexe, plutôt mal ventilé. La complexité de l’œuvre exige de la patience.

Suggestion de lecture : BORGIA, de Michel Zévaco

Yves-Marie Hilaire (1927-2014) est un historien français, spécialiste d’histoire des religions. Sa thèse de 1976 sur La vie religieuse des populations du diocèse d’Arras a contribué à élargir de manière significative le champ d’étude du fait religieux en France. Yves-Marie Hilaire a aussi dirigé et contribué à de nombreuses publications collectives portant sur la vie chrétienne dont HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 21 mars 2020

LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de TOM NOTI

«Debout les morts, il va falloir nous supporter
encore un moment ! Pas moyen de sortir de ce
cimetière ! Si vous avez de quoi bouffer glissez-
le sous la porte ! Mais pas de viande humaine
s’il-vous-plaît, je suis végétarien !»
*
(Extrait : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE,
Tom Noti, Paul&Mike éditions, 2016, édition num.)

François, Hervé, Gabriela. Ils sont trois personnes qui ne se connaissent pas dans la salle d’attente d’un psychologue. Bloqués par une porte électrique en panne, ils attendent… Aucun d’entre eux ne sait quand cela prendra fin. Peu à peu, les prisonniers de la salle d’attente vont commencer à interagir entre eux et puis ils auront tout le temps pour une sérieuse introspection, L’attente, l’angoisse, révèlent de durs passés, courbant la trajectoire d’ existences toutes tracées.

DE LA PSY SANS PSY
*Ça fera 80 euros pour la consultation, madame.
Elle m’a touché à nouveau le bras. -C’est moins
cher que ça une consultation de psychologue !
-Mais je ne suis pas psychologue madame. Je suis
acteur, c’est pour ça que je suis affreusement cher !
Un intermittent du cerveau ! On a ri tous les deux…*
(Extrait : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE)

Voici un drame psychologique original qui représente un défi pour l’auteur et pour le lecteur car il s’agit d’un huis-clos avec seulement trois personnages auxquels l’auteur donne la parole à tour de rôle. Le défi du lecteur, tel fut le mien, est de se mettre à la place d’un des personnages pour comprendre cette espèce de chimie qui se développe dans la petite salle d’attente. Voyons d’abord la scène, elle se déroule dans la salle d’attente d’un psychologue.

On y découvre François, qui vient discuter de sa fille avec le psy, Gabriela qui vient seulement pour prendre rendez-vous et enfin, Hervé, un comédien venu passer une audition à l’étage du dessus et qui s’est retrouvé chez le psy à la recherche des toilettes.

Soudain, juste en face du cabinet, un spectaculaire accident fait chuter un pylône électrique. Panne totale. Nos trois personnages sont bloqués dans la salle d’attente par une porte électrique. Aussi, il semble qu’un mystérieux personnage est enfermé dans le bureau du psy…bruit de verre cassé…mystère.

Revenons maintenant au défi du lecteur ou de la lectrice. Vous voilà isolé avec deux autres personnes. Des points communs ? Trois personnes ordinaires, sans histoires…tentative de conversation…Sujets banals d’abord : la météo, qu’est-ce qu’il fait le psy, soudain, la conversation s’enrichit de petites révélations, de confidences.

Le lecteur sentira l’atmosphère s’intensifier graduellement et assistera à de petites explosions du caractère de chacun. Les carapaces cèdent et dévoilent trois personnalités plus fragiles qu’elles en avaient l’air. Les échanges deviennent plus intimistes et forcément, les masques tombent.

Même des petits sentiments se développent. L’auteur a eu, je crois, le génie d’y aller au rythme de la nature humaine sans artifice et sa principale force est d’être allé au bout. Alors ami lecteur, amie lectrice, êtes-vous toujours dans le coup ?

Ce que j’ai particulièrement aimé dans cette histoire c’est que l’auteur ne la limite pas à la salle où sont bloqués François, Gabriela et Hervé. Ça va au-delà…bien après l’ouverture de la porte électrique. Mais là, il faut être attentif car les interactions deviennent plus complexes et puis il y a des sauts dans le temps. Mais en quelques heures, des personnages qui ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Ève apprennent à se connaître.

La plume de Noti est d’une remarquable subtilité…<Maintenant, on en était là. Devoir se quitter pour ne plus se revoir. Je ne pouvais pas me sentir liée à des inconnus en l’espace de quelques heures. Pourtant, en les regardant dans cette salle d’attente, assis tous les deux autour de moi, je me disais que je ne m’étais jamais autant trouvée à ma place…> (Extrait)

C’est un roman d’une grande profondeur qui fait tomber les masques et qui vient nous rappeler que les apparences sont trompeuses, que chasser le naturel n’est pas si simple. C’est un roman qui se lit facilement et très vite parce qu’il est très bien ventilé et que les chapitres sont courts.

Aussi, je le rappelle, chaque personnage a la parole à tour de rôle. J’adore cette façon de faire en littérature car l’auteur pousse plus facilement ses personnages à la confidence. Ça crée une intimité, une dynamique entre le lecteur et les personnages et c’est efficace.

Après un huis-clos pareil, je me suis même demandé si un psy aurait été nécessaire tellement l’échange entre les trois pouvait avoir valeur de psychothérapie.

Quant au mystérieux personnage enfermé dans le bureau du psy, ça c’est la principale intrigue de l’histoire. Elle n’est pas très développée. Ça peut être discutable mais on connaît le fin mot de l’histoire à la fin et ça m’a un peu surpris. Une belle histoire, développée avec rigueur et une belle compréhension de la nature humaine et qui démontre qu’on peut être naufragé sans être épave. J’ai fermé le livre à regret.

Suggestion de lecture : CONVERSATION AVEC UN ENFANT CURIEUX, de Michel Tremblay

Tom Noti est Italien. C’est un solitaire, passionné de lecture. LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE est son troisième roman. Noti a publié auparavant SOULIGNER LES FAUTES en 2012 et ÉPITAPHES en 2015. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 15 mars 2020

ROBINSON CRUSOÉ, livre de DANIEL DEFOE

*Enfin après un dernier effort, je parvins
à la terre ferme où à ma grande
satisfaction, je gravis les rochers
escarpés du rivage et m’assis sur l’herbe,
délivré de tout péril et à l’abri de toute
atteinte de l’océan…*
(Extrait : Robinson Crusoé, Daniel Defoe, ed.
originale : 1719, support audio, version abrégé,
juin 2013, Le livre qui parle éditeur., captation :
Audible. Narration : Yves Adler)

En 1651, Robinson Crusoé quitte York, en Angleterre pour naviguer, contre la volonté de ses parents. Le navire est arraisonné par des pirates de Salé et Crusoé devient l’esclave d’un Maure. Il parvient à s’échapper sur un bateau et ne doit son salut qu’à un navire portugais qui passe au large de la côte ouest de l’Afrique. En 1659, à vingt-huit ans, il se joint à une expédition partie à la recherche d’esclaves africains, mais suite à une tempête il est naufragé sur une île à l’embouchure de l’Orénoque en Amérique du Sud. Il y restera 28 ans avec le non moins célèbre vendredi, un indigène rescapé d’un massacre.

ROBINSON CRUSOÉ
version édulcorée
*Sitôt que j’eus posé le pied hors de ma
palissade, j’ai reconnu qu’il y avait un
épouvantable tremblement de terre. Le
sol sur lequel j’étais s’ébranla trois fois.
et ces trois secousses furent si violentes
qu’elles auraient pu renverser l’édifice le
plus solide qui ait jamais été.* Extrait

J’avais le goût de renouer avec ROBINSON CRUSOÉ mais le livre que j’ai lu dans mon adolescence était long et m’avait laissé ambivalent. Crusoé n’était pas un enfant de chœur. Il trempait dans le commerce des esclaves et aimait dominer. Defoe a consacré une large partie de son livre à ces caractéristiques de la personnalité de son héros.

Une série d’infortunes a amené Crusoé à s’échouer sur une île où il a dû attendre 28 ans avant d’avoir du secours. Or c’est sa vie d’insulaire forcé et la façon dont il a quitté l’île qui m’ont surtout intéressé et même fasciné. Finalement, j’ai découvert une version audio abrégée fort satisfaisante de la vie du célèbre personnage même si son non moins célèbre compagnon, vendredi n’apparaît que dans le dernier quart de la présente version.

Deux aspects de ce récit m’ont particulièrement intéressé : premièrement, l’aventure comme telle. Une fois sauvé des eaux, Robinson devra apprendre à survivre : s’abriter, se protéger des éléments, apprendre à chasser, à conserver les aliments, à composer avec la solitude, et surtout, se protéger des sauvages qui visitent ponctuellement l’île, ce qui l’amènera à sauver et adopter Vendredi tantôt considéré comme esclave, serviteur, ami, frère, fils.

C’est avec habileté et intelligence que l’auteur a fait évoluer Crusoé dans sa condition d’insulaire pendant 28 ans, un peu plus de trois avec Vendredi. Je me suis particulièrement attaché à Vendredi et je sais que je ne suis pas le seul. C’est un personnage bon enfant, un peu naïf, un tantinet paresseux mais fort et surtout reconnaissant.

L’autre aspect très intéressant de l’aventure de Crusoé est son caractère rédempteur. Bien sûr, on peut être irrité des tendances esclavagistes et colonialistes du personnage mais il faut quand même tenir compte du fait que le livre a été publié en 1729.

L’auteur, Daniel Defoe était lui-même un peu aventurier et ses écrits témoignent du développement culturel et social de son époque. Si je fais abstraction du manichéisme qui caractérise l’époque, Defoe a su mettre son personnage en mode introspectif, Crusoé considérant que son interminable solitude est en fait une bénédiction de Dieu, c’est ce mode de pensée qui lui fera tenir le coup et qui déterminera la suite des évènements.

C’est bien écrit et c’est toute la beauté de la langue française qui est bien exploitée mais la version originale comporte beaucoup de longueurs et de redondances. Le livre n’a pas vieilli. Il s’est même réactualisé si on tient compte du fait qu’il prône un retour vers la nature. Il propose aussi une certaine réflexion sur le droit des humains à dominer d’autres humains.

Je veux rappeler toutefois que j’ai écouté la version abrégée. Celle qui se concentre sur le *Robinson Crusoé insulaire*. C’est cette partie que je voulais surtout revivre. Vous ne serez pas plus instruit sur celle-ci si vous lisez la version originale car elle ne consacre qu’un peu plus d’une centaine de pages sur la solitude de Crusoé dans son île.

Enfin un petit mot sur la narration d’Ives Adler. Elle est bien mais le débit est trop élevé et l’intonation est monocorde. Par contre, l’harmonique vocale est un régal et la prononciation impeccable. J’ai passé dans l’ensemble un très bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture : LE DERNIER DES MOHICANS, de Fenimore Cooper

Daniel Defoe (1660-1731) était un écrivain britannique Très tôt, il s’intéresse à l’écriture et à la politique. En intégrant le parti des Whigs, il combat le gouvernement de Jacques II d’Angleterre puis l’Église anglicane. Il sera condamné au pilori, avant de devenir agent secret en Écosse.

Après ses essais et pamphlets provocateurs, Daniel Defoe s’adonne à l’écriture de romans dès 1715 dont « Robinson Crusoé », inspiré de l’aventure d’Alexandre Selkirk, un marin naufragé pendant cinq ans, qui a dû se débrouiller seul pour survivre. Plusieurs des œuvres de Daniel Defoe s’inspirent de la vie politique et économique de l’Angleterre de son époque et ont connu le succès. 

ADAPTATIONS

Robinson Crusoé a été adapté plusieurs fois à la télévision et au cinéma. À gauche, l’affiche de la production de l’année 2003 avec Pierre Richard et à droite l’affiche d’une production des années 1960.

bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 8 mars 2020

DIX PETITS NÈGRES, d’AGATHA CHRISTIE

Dix petits Nègres s’en allèrent dîner.
L’un d’eux s’étrangla et il n’en resta plus que
Neuf.
Neuf petits Nègres veillèrent très tard.
L’un d’eux oublia de se réveiller et il n’en resta plus que
Huit.
Huit petits Nègres voyagèrent dans le Devon.
L’un d’eux voulut y demeurer et il n’en resta plus que
Sept.
Sept petits Nègres cassèrent du bois avec une hachette.
Un se coupa en deux et il n’en resta plus que
Six
Six petits Nègres jouèrent avec une ruche.
Un bourdon piqua l’un d’eux et il n’en resta plus que
Cinq

(Extrait : LES DIX PETITS NÈGRES, Agatha Christie, édition
originale : 1939, traduction française : 1940. Éd. Librairie
des Champs-Élysées, collection Le Masque #299. Papier
244 pages.)

Pour ce livre, j’ai utilisé la version audio
éditée en français par AUDIOLIB, publié
le 16 mars 2016.

NARRATEUR : GREGORY GADEBOIS

Dix personnes sont invitées à séjourner dans une magnifique demeure sur l’île du Nègre. L’hôte inconnu est absent. Dix statuettes trônent dans le salon, une comptine passe dans les chambres. « Dix petits Nègres s’en allèrent dîner. L’un d’eux s’étrangla et il n’en resta plus que neuf ». Une voix mystérieuse accuse de crime chacun des vacanciers. Un premier convive décède comme dans la chanson, une statuette disparaît. C’est le début de l’hécatombe, les invités semblent à la merci d’un dangereux psychopathe.

SECONDE PAUSE AGATHA
Une œuvre à part
Cinq petits Nègres étudièrent le droit.
L’un d’eux devint avocat et il n’en resta plus que
Quatre.
Quatre petits Nègres s’en allèrent en mer.
Un hareng saur avala l’un d’eux et il n’en resta plus que
Trois.
Trois petits Nègres se promenèrent au zoo.
Un gros ours en étouffa un et il n’en resta plus que
Deux.
Deux petits Nègres s’assirent au soleil.
L’un d’eux fut grillé et il n’en resta plus que
Un.
Un petit Nègre se trouva tout seul.
Il alla se pendre et il n’en resta plus
Aucun.
<extrait>
Dans la bibliographie de plusieurs auteurs, on trouve un livre qui fait bande à part. Un livre qui se sépare des autres par son style, sa nature. Je pense à Stephen King avec LA TOUR SOMBRE, ou à Patrick Sénécal avec CONTRE DIEU. Je crois que c’est aussi le cas d’Agatha Christie avec DIX PETITS NÈGRES, retitré en 2020 ILS ÉTAIENT DIX.

Ici, pas de Miss Marple ou d’Hercule Poirot pour résoudre un meurtre énigmatique mais plutôt dix personnes, sans  lien entre elles, condamnées à mort sans le savoir, qui acceptent l’invitation d’un mystérieux personnage appellé O’nyme à se rendre sur l’île du Nègre à une date et une heure bien précises.

Une fois tout le monde arrivé, monsieur O’nyme envoie un message pour signaler son retard. Il arrivera le lendemain. Après le premier repas sur l’île, une voix mystérieuse venue de nulle part s’élève et lance des accusations de meurtre ou de complicité de meurtre touchant chaque invité.

La sentence va s’appliquer selon les règles d’une comptine qu’on retrouve dans chaque chambre établissant l’élimination systématique de dix petits nègres. (Voir extrait) Et la ronde des exécutions commence après le repas alors qu’un des accusés s’étouffe en buvant une boisson et meure : *Dix petits nègres s’en allèrent dîner, l’un d’eux s’étrangla et il n’en resta plus que neuf…* (Extrait)

La panique s’installe. Certains l’extériorisent, d’autres la vivent à l’intérieur. Chacun prétend n’avoir rien à se reprocher mais on dirait que les consciences ne sont pas nettes. Le juge Wargrave qui fait partie des invités condamnés prend l’enquête en main afin de comprendre ce qui leur arrive exactement.

Dès le départ, ce récit m’a accroché, d’abord à cause de l’île, moins mystérieuse que son nouveau propriétaire qui doit être un richissime excentrique mais qui semble en savoir très long sur chaque invité. Ensuite, j’ai été fasciné par le génie d’Agatha Christie à pousser ses personnages à l’introspection me révélant les secrets que chacun gardait enfouis.

Je découvrais que chacun avait quelque chose à se reprocher. Ils avaient tous, d’une certaine façon, échappé à la justice. Ajoutons à cela l’atmosphère crée par l’auteure dans ce huis-clos hanté par la suspicion, l’incompréhension, la peur qui devient terreur…une ambiance d’angoisse et de panique qui fait crescendo. J’ai été prisonnier de la grande dame, le temps de me creuser la tête à comprendre qui pouvait être l’exécuteur.

La technique d’écriture d’Agatha Christie me surprendra toujours. Car, comme toujours, le coupable est le dernier personnage qu’on pourrait soupçonner…ce que j’ai constaté dans une finale qui m’a laissé pantois. J’ai savouré ce livre. Plus que jamais, Agatha m’a happé dans son délire et a fait de moi un prisonnier de l’île du Nègre.

Le point commun avec son œuvre globale est toujours le déploiement de déductions et de raisonnements. Mais c’est tout. DIX PETITS NÈGRES pourrait être le meilleur livre que j’ai lu d’Agatha Christie. Depuis sa publication en 1939, le livre ne s’est jamais démodé.

DIX PETITS NÈGRES a été adapté plusieurs fois à l’écran, je pense entre autres à la version de 1974 du réalisateur Peter Collinson avec le grand Charles Aznavour. J’ai vu également la version de 1945 du réalisateur René Clair qui a remplacé les petits nègres par les petits indiens dans le titre et la fin du film diffère du roman.

Lisez le livre d’abord. C’est ce que je recommande et je suis sûr que vous ne serez pas déçu. On comprendra que DIX PETITS NÈGRES est le livre qui s’est le plus vendu parmi les livres signés par Agatha Christie et un best-seller à l’échelle mondiale.

Suggestion de lecture, de la même autrice : LE CHAT ET LES PIGEONS

Agatha Mary Clarissa Miller devenue Agatha Christie est une des romancières les plus appréciées de l’histoire de la littérature. Elle a vécu de 1891 à 1976. Auteure de 84 romans, une vingtaine de pièces de théâtre et de plusieurs recueils de nouvelles, elle a présidé à l’élaboration de règles de base pour un bon roman policier avec ses fameux détectives Hercule Poirot et Jane Marple. Pour en savoir plus sur la célèbre romancière, je vous invite à consulter le site internet  http//agatha.christie.free.fr/

Le roman LES DIX PETITS NÈGRES d’Agatha Christie a été adapté plusieurs fois à l’Écran dont 2017, 1974 et la première adaptation, photo à droite, remonte à 1945 alors que le réalisateur René Clair avait choisi de titrer le film DIX PETITS INDIENS qui mettait en vedette entre autres Rolland Young et Barry Fitzgerald. Le film s’st vu récompensé en recevant le prestigieux LEOPOLD D’OR au festival du film international de Locarno en 1946. C’est Dudley Nicholls qui avait scénarisé le prestigieux roman. Sans être adaptés, plusieurs films ont été inspirés par le roman qui a aussi été adapté plusieurs fois au théâtre.

Acteur de théâtre et de cinéma français né en 1976, Grégory Gadebois a imposé ces dernières années sa sensibilité à fleur de peau dans le paysage dramatique français. Sa carrière décolle en 2012, année durant laquelle il remporte le César du meilleur espoir masculin pour son rôle dans Angèle et Tony, toujours aux côtés de son amie Clotilde Hesme.  Au cinéma, on l’a récemment vu tourner pour Benoît Jacquot (Les Adieux à la Reine), Frédéric Videau (À moi seule), Jean-Michel Ribes (Brèves de comptoir). Il n’a pas beaucoup de livres audios à son actif. Il faut espérer qu’il persévèrera dans ce domaine.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 7 mars 2020

JE M’ENNUIE, le livre de MICHELINE CUMANT

*Chéri, me demande-t-elle, est-ce ennuyeux de ne rien faire ? –Non mais c’est terriblement fatiguant. On cherche désespérément quelque chose à faire, on fait de tels efforts que quand on l’a trouvé, on en plus l’envie ni le courage. Alors que faire ? -Tu vois, tu cherches déjà.*

(Extrait de la première nouvelle du même titre que le recueil JE M’ENNUIE, Micheline Cumant, Éditions BoD numérique, 2005, 200 pages)

Sennuyerconcerne tout le monde et toutes les époques. Que l’on soit un artiste-peintre, une comptable, un chevalier du Moyen-âge, une vache… nous sommes tous confrontés à ce vilain parasite que constitue lennui. Ce recueil décrit des personnages qui ont tous un point en commun : ils sennuient …et cet ennui les pousse à agir d’une certaine façon…logique ou non, selon les circonstances personnelles et historiques. Même les vaches et les pianos peuvent le dire. Il suffit presque déchanger sur la question pour effacer la mélancolie induite par lennui. Ça en est distrayant…

UNE APOLOGIE DE L’ENNUI
*L’ennui de la vie au couvent lui ayant inspiré
d’amener un homme de Dieu au bord du
précipice, la Comtesse en conclut que ce
sentiment est le pire des ennemies de la
vertu.*
(Extrait de la nouvelle DE VERSAILLES AU COUVENT,
recueil JE M’ENNUIE)

Tout le monde est, tôt ou tard, victime de cette plaie qu’on appelle l’ennui. J’ai trouvé l’ensemble original parce que l’auteure semble vouloir vider la question de l’ennui à travers quatorze nouvelles qui développent toutes les facettes de l’ennui : indifférence, solitude, mélancolie, désaffectation, lassitude, personne blasée et j’en passe.

Je n’avais jamais réalisé que l’ennui pouvait avoir autant de tentacules, autant de corollaires. L’auteure utilise un certain pouvoir empathique et va jusqu’à se mettre à la place de la Tour Eiffel :

*Des poètes ont fait une pétition contre moi, ils m’ont traitée de lampadaire, de squelette, de cheminée d’usine…et un historien d’art a dit un jour qu’il habitait «au pied du monument le plus laid de Paris»* (Extrait) Et maintenant que Paris a accepté la tour comme symbole, s’ennuie-t-elle toujours?

En plus de décrire et de dénoncer d’une certaine façon les conséquences et implications de l’ennui comme l’errance par exemple qui fait l’objet d’une nouvelle très intéressante du recueil, *Je suis le Seigneur Enguerrand qui ère dans son château retrouvé mais que les murs ne peuvent plus reconnaître…* (Extrait)

Il y a aussi le vice: une tare qui affectait entre autre la dernière maîtresse de sa majesté Louis XV, la comtesse du Barry : *L’ennui étant un diable qui poussait au vice, elle chercha dans son entourage quelque personne à séduire ou, à défaut, à tourmenter…* (Extrait de la nouvelle DE VERSAILLES AU COUVENT), l’auteure donne vie et parole à des objets. La tour Eiffel est un exemple.)

Un autre exemple m’amène à parler de ma nouvelle préférée dans ce recueil. Avez-vous déjà essayé de vous mettre à la place d’un piano? Avez-vous déjà pensé que cet instrument pouvait s’ennuyer à mourir? Avec une plume d’une remarquable sensibilité, l’auteure nous amène, le temps d’une douce rafale de mots, à devenir un piano…un petit épisode à saveur onirique qui nous fait vivre le quotidien de cet instrument fier et prestigieux :

*…j’ai été choisi par cet humain «qui débute», pas grave, il pose les doigts sur les touches, pas très adroit, mais il fait attention. Hélas, il n’est pas patient et quand il n’arrive pas à la fin de son petit morceau, il me crie dessus…* (Extrait de la nouvelle LES GAMMES)

L’auteure donne aussi vie et parole à des animaux comme le suggère la page couverture…encore un peu de cette empathie bien spéciale s’il-vous-plait : Voici la parfaite vie de vache : brouter, ruminer, dormir, regarder passer les trains jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de trains…

J’ai été séduit par ce petit recueil. La plume est fluide et l’expression du langage d’une grande simplicité. L’ensemble est original et je crois que l’auteure a relevé un défi très intéressant en développant un thème un peu abstrait : l’ennui et les différents éléments qui induisent cet ennui : la monotonie, la lassitude, le désœuvrement.

Il faut l’admettre, tout le monde a, tôt ou tard comme une espèce de vide intérieur qui nous enlève goût, volonté et intérêt. Pour les humains, c’est un désagrément temporaire…enfin dans la plupart des cas. Décrire l’ennui des objets apporte à l’ensemble un caractère singulier, original. Et voilà l’ennui schématisé, dédramatisé, dessiné presque à la perfection.

Je crois que l’auteure a eu un éclair d’inspiration. Il fallait y penser : décortiquer l’ennui avec distinction, élégance et pour certaines nouvelles, une écriture qui frôle la poésie. Un certain sens de l’humour vient égayer tout l’ensemble. Ce n’est peut-être pas un livre appelé à enflammer la littérature et passer à l’histoire mais je l’ai trouvé intéressant et divertissant et je vous le recommande ne serait-ce que pour sortir des sentiers battus.

Suggestion de lecture : BASTIEN GAMIN DE PARIS, de Bertrand Solet

Sur Atramenta.net, Micheline Cumant se présente de cette façon : *violoncelliste de formation, musicologue, professeur de bridge…on fait ce qu’on peut ! J’ai toujours écrit mais il a fallu la venue du Net pour que je me lance dans l’auto-édition. Je suis publiée chez Books on Demand et Amazon create space.

Je donne aussi bien dans le roman, le roman policier, le fantastique que dans le livre pratique (musique, partitions, jeux de société). Je décris plus facilement les petits pas-doués que les héros, mon chat est un détective, et mes personnages écoutent Jean-Sébastien  Bach au milieu des tours de la Défense…

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er mars 2020