LA MAISON TELLIER et autres contes

Commentaire sur le recueil de
GUY DE MAUPASSANT

 

<Une émotion étrange me saisit. Qu’était-ce que cela ?
Quand ? Comment ? Pourquoi ces cheveux avaient-ils
été enfermés dans ce meuble ? Quelle aventure, quel
drame cachait ce souvenir ? >
Extrait : LA CHEVELURE, tiré du recueil LA MAISON TELLIER
et autres contes de Guy de Maupassant, Beauchemin éditeur,
2001, édition de papier, 260 pages

Maupassant est un fameux peintre de son temps. Peintre au regard aiguisé à qui aucun détail significatif ne semble échapper et qui saisit les paysages, les choses et les gens dans ce qu’ils ont à la fois d’unique et de typique. Peintre, surtout, au regard sarcastique qui débusque, à la pointe de son ironie, et montre au grand jour la médiocrité, la bêtise et la vanité de ses contemporains. Les titres Le Père Milon, l’Aventure de Walter Schnaffs, Aux champs, Le Vieux, Le petit fût, Le Papa de Simon, La chevelure, La Dot, Le Parapluie, Décoré, Une Partie de campagne, La Maison Tellier.

Les obsessions de Maupassant
L’homme furieux, la face rouge, tout débraillé, secouant en des efforts
violents les deux femmes cramponnées à lui, tirait de toutes ses forces
sur la jupe de Rosa en bredouillant : <Salope, tu ne veux pas ? > Mais
Madame, indignée, s’élança, saisit son frère par les épaules, et le jeta
dehors si violemment qu’il alla frapper contre le mur.
-Extrait : LA MAISON TELLIER-

Ça faisait longtemps que Guy de Maupassant figurait dans mes projets de lecture. Comme j’aime à revenir souvent dans l’univers de la littérature classique, je me suis dit qu’il était grand temps que je fasse connaissance avec ce célèbre écrivain français, auteur de romans, contes et nouvelles, introduit dans le monde de la littérature par le non moins célèbre Gustave Flaubert (1821-1880), un des piliers du mouvement littéraire réaliste, considéré comme le père spirituel de Guy de Maupassant.

J’ai d’ailleurs bien reconnu l’influence du Maître, de Maupassant étant demeuré résolument un auteur réaliste toute sa vie. En effet, Guy de Maupassant ne s’est jamais gêné pour pointer du doigt avec virulence la bêtise et la vanité de ses contemporains et ça transpire dans toute son œuvre, à travers plus de 300 contes et nouvelles.

L’éditeur Beauchemin a choisi dans cette œuvre colossale, douze récits représentatifs des mœurs de l’auteur, de ses obsessions, de ses pairs, des filles qu’il a beaucoup fréquenté dans les maisons closes, les gargotes. À ce titre, LA MAISON TELLIER demeure la nouvelle réaliste la plus célèbre de Maupassant abstraction faite de BOULE DE SUIF parue en 1880.

J’ai été surpris par la beauté et la précision de l’écriture quant aux sentiments qu’elle veut exprimer. Ses descriptions rappellent celle d’une toile. Maupassant fait appel à tous ses sens. Pourtant, LA MAISON TELLIER a reçu un accueil plutôt mitigé par les critiques de son temps…

Critiques qu’il a surmonté sous l’œil bienveillant d’Émile Zola qui considère l’œuvre comme supérieure et bien sûr sous le regard attentionné du Père Flaubert. Moi j’ai beaucoup aimé cette espèce de vision acide mais enrobée de sucre qu’avait Maupassant de ses contemporains. J’ai été charmé par une plume qui coule, par sa chaleur descriptive allant jusqu’au choix des patronymes qui m’a bien fait sourire : la famille Tuvache, Maître Chicot, Maître Lebrument, madame Sacrement, monsieur Caravan et j’en passe, le tout dépourvu d’artifice et bien mis en valeur par le chaleureux accent de la Normandie du XIXe siècle.

Indépendamment de leur véritable nature, Guy de Maupassant appelle tous ses récits des contes. Je ne suis pas spécialiste, mais rares sont les récits de Maupassant qui ont les attributs du conte. De ce nombre très réduit se trouve mon texte préféré qui se trouve au cœur du recueil de LA MAISON TELLIER : LE PAPA DE SIMON.

LE PAPA DE SIMON est une nouvelle qui semble faire bande à part dans l’œuvre de Maupassant. L’histoire d’un garçon de 8 ans, conspué par ses camarades à l’école parce qu’il n’a pas de papa. Un forgeron, Philippe Rémy, témoin de ces scènes propose à Simon de devenir son papa. Je n’ai pas senti dans cette nouvelle le cynisme habituel qu’on retrouve dans les romans de Maupassant. J’y ai vu au contraire du merveilleux, de la pureté. Ce conte me confirme que tous les auteurs ont dans leur œuvre globale, un texte qui se démarque ou qui sort des sentiers battus.

Quant à la nouvelle proprement dite : LA MAISON TELLIER, il se situe dans la continuité des récits de Maupassant sur la prostitution. L’histoire d’une maison close fermée pour cause de *première communion*…original, sarcastique, drôle…critique. Bref…je crois qu’avec LA MAISON TELLIER, vous allez vous régaler.

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia-Marquez

Guy de Maupassant est un écrivain français (1850-1893) Soutenu et conseillé par Flaubert, dont il est le disciple, Maupassant rencontre les principaux écrivains du XIXe siècle, dont Émile Zola. Il écrit des nouvelles, des romans, des récits de voyage, des contes fantastiques, etc. Il meurt à un peu moins de 43 ans des suites d’une crise de nerfs. Le vrai nom de naissance de Maupassant est Henry René Albert Guy de Maupassant. Il existe une tête sculptée de l’écrivain qui se situe à Paris au parc de Monceau.
Vikidia

 

Détentrice d’une maîtrise en littérature comparée de l’Université de Paris III, Josée Bonneville a enseigné au Cégep de Saint-Laurent durant plusieurs années. Elle a été chroniqueuse littéraire à Lettres québécoises, de 2005 à 2009, ainsi qu’à l’émission Arts et lettres, sur les ondes de Radio Ville-Marie, de 2007 à 2009. Elle est devenue directrice littéraire chez XYZ éditeur où elle dirige aussi les collections «Romanichels». Elle a publié plusieurs ouvrages, seule ou en collaboration, tels que des études de contes de Maupassant et le dossier d’accompagnement du premier tome de L’ombre de l’épervier (XYZ, 2004). 

L’ouvrage comprend, en deuxième partie, l’analyse de l’œuvre par Josée Bonneville

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 20 août 2023

 

LA SÉRIE DE CONTES DE VALÉRIE BONENFANT

*D’accord, d’accord, je vais raconter
l’histoire de loin…De toute façon,
cela ne sert à rien que je m’approche,
l’action va venir du ciel…*
(Extrait : LE CHIEN ET L’EXTRA-TERRESTRE
19e conte de Valérie Bonenfant, éditrice : Valérie
Bonenfant/BoD-Books, 2016, Illustrateur :
François Nasica, couleur, 32 pages)

Un chien est en train de garder son jardin quand soudain débarque du ciel un drôle d’engin, plat avec plein de lumières clignotantes… À l’intérieur un drôle d’occupant. Drôle? C’est un des mots clés de ce conte où avoir peur n’a jamais créé autant de secousses… de rires! Un conte mis en images par l’artiste François Nasica, qui puise son inspiration dans l’art urbain et la figuration narrative. Des images colorées, pétillantes et joyeuses, qui vont régaler les yeux des jeunes lecteurs de six ans et plus curieux de voir ce que donnerait une rencontre  improbable entre un chien et un extraterrestre

LA  DOUCEUR DU RÊVE ET DE L’ÉMOTION
*Baroud n’était pas un accordéon comme les autres. Quand il jouait, il ne produisait pas des notes de musique, mais des fleurs… Celles-ci sortaient de son soufflet, dès qu’il s’ouvrait …Il jouait un morceau, et aussitôt, le parterre se couvrait de fleurs. *
(Extrait : BAROUD L’ACCORDÉON, numéro 20 de la collection de Valérie Bonenfant,
illustrations : Fanny Roques, éd. Valérie Bonenfant, 2017)

Depuis 2015, Valérie Bonenfant réalise un vieux rêve : créer des contes ajustés à des circonstances précises de la vie de l’enfant ou à ses traits de caractère ou tout simplement à son imaginaire. Le petit ouvrage que j’ai lu est un conte inachevé. Mais j’ai réalisé qu’il pouvait appartenir à l’enfant de trouver lui-même une finale qui l’amuse ou qui lui convient évidemment.

Ce conte inachevé m’a amené inévitablement sur le site internet de Valérie Bonenfant et honnêtement, j’ai pu mesurer toute l’étendue de son talent, réalisant que s’adresser à un enfant, aiguiser sa curiosité, stimuler sa capacité d’émerveillement et faciliter son apprentissage est un art qui n’est pas donné à tout le monde. Allez voir son parcours en bas. Il y a de l’amour là-dedans.

Le souhait de Valérie Bonenfant est *de proposer de beaux ouvrages, réalisés à la manière de livres d’artistes, mais aussi de petits formats à emmener partout pour rêver, imaginer, sourire, s’étonner, s’amuser, avoir envie de créer…* (Valérie Bonenfant)

Chaque livre de la collection « Les contes de Valérie Bonenfant » est particulier, porteur d’une esthétique qui lui est propre, empreint des idées et de la personnalité de l’illustrateur.

Les enfants, en symbiose avec le rêve et la réalité ont la possibilité de fusionner leur imaginaire avec celui de l’auteur grâce à des ouvrages brefs, bien ventilés, vraiment bien écrits. Enfin les textes sont magnifiquement mis en valeur par des illustrateurs de talents. Je crois que les petits apprécieront ces petits contes couvrant tous les aspects de la vie.

Suggestion de lecture : LES CONTES DES 1001 NUITS

Je suis née le jour de Noël 1965 et j’habite dans le sud de la France. Mariée et mère de trois enfants, j’écris des histoires depuis l’âge de 6 ans. Enfant, je rêvais de devenir écrivain, mais mes études m’ont finalement poussée vers les sciences. En 1988, j’ai obtenu un diplôme d’ingénieur spécialisé dans l’énergie et l’environnement. Dans la vie professionnelle, je suis responsable de projets liés à l’innovation urbaine.

Passionnée d’art, je fréquente les galeries d’expositions et je peins la vie à travers la réalisation de portraits de personnes. Je suis aussi très proche de la nature auprès de laquelle je vais me ressourcer très souvent. En 2003, j’ai décidé de renouer avec mon enfance, et de retrouver mon univers de rêves, de poésie et de tendresse. Écrire des contes, c’est pour moi quelque chose de spontané.

Des feuilles blanches, un stylo et j’écris ce qui se présente, librement, sans jugement ni contrainte. Le résultat est souvent étonnant pour moi, mais c’est une expérience toujours très agréable, une vraie impression de liberté, une parenthèse volée dans un quotidien par ailleurs bien rempli. (Site internet de l’auteure) à visiter absolument)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 7 novembre 2021

24 histoires d’avent Noël de ERIK BJORK

24 HISTOIRES D’AVENT NOËL
Version audio

Les titres

  • Le Noël de Jimmy l’épouvantail (Mary Wilkins Freeman) ;
  • La fée de Noël de Strasbourg (Joseph Stirling Coyne) ;
  • Le Noël de Lapinou (Lyman Frank Baum) ;
  • Noël tous les jours (William Dean Howells) ;
  • La petite fille aux allumettes (Hans Christian Andersen) ;
  • Quand Johnny Grillon vit le Père Noël (Johnny Gruelle) ;
  • Joyeux Noël, Père Fouettard ! (Erik Bjork) ;
  • Le sapin (Hans Christian Andersen) ;
  • Le bonhomme de neige (Hans Christian Andersen) ;
  • L’enlèvement du Père Noël (Lyman Frank Baum) ;
  • La lettre au Père Noël ;
  • Le Noël de Paulina (Anna Robinson) ;
  • Le voyage de Lilli au pays du Père Noël (Ellis Towne, Sophie May et Ella Farman) ;
  • Le moulin magique (Mary Howitt) ;
  • Le Noël des poupées ;
  • Toinette et les elfes (Susan Coolidge) ;
  • Le Noël de la petite fille (W. E. Lincoln) ;
  • Le Père Noël n’oublie pas ;
  • Gretchen et la chaussure en bois (Elisabeth Harrison) ;
  • Le cadeau de Noël de Boréas (W. J. Hays) ;
  • Joël et le Père Noël (Eugene Field) ;
  • Les sabots du Petit Wolff (François Coppée) ;
  • L’incroyable aventure de Chatouille et Pistou (Erik Bjork) ;
  • Ce que le père Noël dit aux jouets (Abbie Phillips Walker).

(FILEOS éditeur, 2015, Durée d’écoute : 5 heures 2 minutes. Narrateurs : Eric Bjork, et Anouck Montreuil.)

NOËL TOUS LES JOURS
*-Est-ce que le Père Noël a apporté un cadeau
à l’épouvantail ? -Bien sûr que non ! …
Je te souhaite un Joyeux Noël dit-elle à
Jimmy l’Épouvantail
(Extrait de LE NOËL DE
JIMMY L’ÉPOUVANTAIL)

Voici une petite merveille sonore qui accompagnera les enfants dans les jours précédant Noël. L’œuvre comprend 24 contes et histoires, soit un pour chaque jour de décembre avant Noël. Un calendrier sonore de l’avent pour les tout-petits. Durée moyenne: treize minutes. Chaque histoire est enrichie d’effets sonores, de musique, de voix d’enfants.

La narration d’Eric Bjork et Anouk Montreuil est un bijou de chaleur et d’émotions avec un registre vocal tout en nuance qui est de nature à cultiver chez l’enfant le sens de l’émerveillement. Les contes m’ont rappelé évidemment les souvenirs de mon enfance.

J’ai renoué avec ce bon vieux Père fouettard que j’imaginais sur lequel j’entendais beaucoup d’histoires qui ne plaisaient pas aux enfants qui n’étaient pas gentils. On retrouve dans la collection quelques classiques d’Andersen. Je ne suis pas sûr que les enfants apprécieront LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES, mais ce serait l’exception.

C’est bien fait, léger, chaleureux et je le rappelle encore une fois, c’est une occasion en or d’introduire les enfants à la littérature, une occasion de se rapprocher des enfants, de leur donner du temps car idéalement, les parents doivent accompagner les enfants dans cette démarche de découverte et je ne m’en cache pas, ça m’a permis de retomber en enfance pendant un moment. Une expérience sonore des plus agréable.

Suggestion de lecture : JACK ET LA GRANDE AVENTURE DU COCHON DE NOËL, de J.K. Rawling

Rien d’intéressant en photo ni en propos concernant l’auteur et narrateur Erik Bjork. Par contre, j’ai pu apprendre sur Anouk Montreuil que c’est une véritable femme orchestre, avant tout comédienne et dont la voix est spécialement largement utilisée : Livres audios, dessins animés, publicité, documentaires, doublages, vidéos, internet, jingles, etc. Ses capacités vocales lui permettent de doubler aisément tous les âges de la vie.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 29 novembre 2020

MONSIEUR ENDORMI, de ROGER HARGREAVES

COMMENTAIRE SUR LA COLLECTION
MONSIEUR MADAME

*«Mais qui êtes-vous ?» Demanda monsieur Endormi?
«Nous sommes Vite-fait, Bien-fait»  répondirent-ils.
«ah bon ?» fit monsieur Endormi.

«Au travail,» dit monsieur Vite-Fait*

Voici l’histoire de MONSIEUR ENDORMI, un citoyen très endormi d’un pays très endormi appelé le Roupillon. Au pays du Roupillon, tout n’était que paresse, lenteur et monotonie. Un jour, monsieur Tranquille reçoit la visite de deux étranges personnages : monsieur Vite-fait et monsieur Bien fait. Ils étaient tout le contraire de monsieur Endormi : énergiques, volontaires, . Monsieur endormi reçoit d’étranges instructions. 

LA PARESSE PRESSÉE
*Quand je soufflerai dans ce sifflet, dit monsieur
Bien Fait, vous partirez…À toute allure ajouta
Monsieur Vite Fait. Monsieur endormi poussa
un gros soupir…*
(Extrait : monsieur endormi)

C’est un chouette petit livre qui met en garde contre la paresse, l’inactivité et le laisser-aller. À l’ère des réseaux sociaux et des jeux électroniques, le petit livre évoque l’importance de bouger, faire des activités et rechercher l’équilibre. Ce petit opus, comme tous ses frères et sœurs de la collection est magnifiquement illustré.

Les dessins sont simples avec des couleurs très voyantes. Idéal pour permettre au tout-petit de faire connaissance avec un livre. Le livre est court ou si vous préférez, pas assez long pour ennuyer l’enfant. Idéal pour les adultes qui aiment raconter des histoires aux enfants…une valeur sûre pour la bibliothèque des tout-petits.

MONSIEUR MADAME est une série de livres pour très jeunes enfants, écrits et dessinés par Roger Hargreaves (1935-1988). Chaque livre de petit format comprend une quarantaine de pages ou moins et met en scène de façon humoristique un personnage, qui n’est jamais le même d’un livre à l’autre et qui est identifié par une caractéristique particulière : Monsieur Rapide, Madame Proprette, Monsieur Parfait, Madame Prudente, etc. Chaque petit livre est abondamment illustré.

Cette série a connu un succès international avec près de 190 millions d’exemplaires vendus en plus d’une vingtaine de langues. Commercialement parlant, le succès a été aussi très flatteur si on tient compte du nombre de produits dérivés créés et vendus, les jouets en particulier, et les vêtements imprimés.

La collection a débuté en 1971 avec MONSIEUR CHATOUILLE, un drôle de petit bonhomme orange qui chatouille tout le monde. L’histoire rapporte que l’auteur Roger Hargreaves l’aurait dessiné pour montrer à son fils ce qu’est une chatouille.

C’est d’ailleurs le fils qui a poursuivi l’œuvre de son père à la mort de celui-ci en créant au fil du temps, de nouveaux personnages. Jusqu’à aujourd’hui, l’œuvre de Hargreaves père et fils s’est continuellement bonifiée avec de nouveaux personnages, de nouveaux titres et même de nouvelles collections.

UN CHOIX DE CLASSE
MONSIEUR MADAME est une collection de petits livres parfaite pour les tout petits en éveil soit 3, 4, 5 et même 6 ans. Chaque livre se prête idéalement à une lecture animée : un papy, une mamy, une maman, un papa, pour une petite histoire avant les dodos, entre deux activités les jours de mauvais temps, idéale aussi pour les garderies, les CPE, etc.

Je ne le dirai jamais assez, avant d’introduire un enfant à la lecture, il faut l’introduire au livre. Il faut lui permettre de le toucher, de tourner les pages, de jouer avec. Il faut en laisser un peu partout dans son environnement familial pour qu’il puisse les repérer facilement. Le reste vous appartient. Il n’y a rien de plus apaisant de raconter une histoire à un enfant en autant qu’elle soit courte, bien illustrée et animée.

Chaque livre développe un thème évoquant des attributs de l’enfant, sa vie quotidienne, les gens qui l’entourent…MONSIEUR ENDORMI est un bel exemple mais il y en a beaucoup d’autres…Monsieur Chatouille, Grognon, Bavard, Grincheux, malpoli…Madame Catastrophe, Pourquoi, Sage, Prudente, Follette, Calin et j’en passe bien sûr.

C’est court mais c’est bien fait, c’est vivant, bien pensé. Si vous animez une de ces lectures pour les tout-petits, ça pourrait vous prendre une dizaine de minutes ce qui vous permet d’enchainer avec un autre livre de la collection.

Vous pouvez insérer aussi une lecture entre deux activités et laisser à l’enfant le soin de choisir son thème pourquoi pas. Pour introduire les livres et la lecture dans l’univers du tout petit, je recommande la collection MONSIEUR MADAME…un classique précieux. Pour plus de détails sur MONSIEUR MADAME, en particulier sur la bibliographie, cliquez ici.

Suggestion de lecture : MONSIEUR PAPA, de Patrick Cauvin

Roger Hargreaves (1935-1988) est un écrivain natif du Royaume-Uni. Dès son enfance il rêvait de devenir dessinateur. Finalement, il a fait davantage. À la fin des années 1950, il s’installe à Amsterdam et travaille à son compte comme concepteur et rédacteur publicitaire. 

Puis en 1970, Roger Hargreaves réalise son vieux rêve : il se lance dans la littérature pour enfants en créant de courtes histoires illustrées, mettant en scène des personnages évoquant des comportements humains. La série se verra bonifiée d’un volet féminin et portera le nom de COLLECTION MONSIEUR MADAME.

Roger Heargraves, dont la collection devient un classique de la littérature pour touts petits, sera actif en écriture jusqu’à sa mort en 1988. Son bilan est impressionnant : 185 millions d’exemplaires vendus et traduits en 25 langues. C’est son fils Adam qui assurera la pérennité de l’œuvre. D’ailleurs, c’est pour Adam que son père avait créé le tout premier *MONSIEUR*…MONSIEUR CHATOUILLE.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 12 mai 2019

HISTOIRES À GRANDIR DEBOUT, de Sylvie Ptitsa

*Le puits existe : c’est la porte de ton imagination, toujours accessible dans ton cœur ! –Tu veux dire que, par ma pensée, je peux continuer à faire exister tout ce que j’ai vécu cette nuit ? Replonger dans le puits, retraverser tous ces pays aux noms bizarres ?… -bien sûr ! C’est ton monde intérieur. Tu peux t’y promener non seulement en rêve, mais aussi consciemment, grâce au pouvoir de ta pensée ! *(Extrait : HISTOIRES À GRANDIR DEBOUT, Sylvie Ptitsa, éditeur : Books on demand GmbH, 2013, édition numérique.)

DORMIR OU GRANDIR ?
Elle n’était ni zouffée, ni prisognoufée,
ni triple pignoufée, ni pataopoufée
sur la moindre parcelle de son corps
ni de son esprit.
(Extrait : HISTOIRES À DORMIR DEBOUT)

HISTOIRES À GRANDIR DEBOUT est un recueil de cinq contes. La lecture de ce petit livre m’a rendu léger. Le livre vient me confirmer que les contes ne sont pas seulement pour les enfants. Outre la naïveté qui caractérise les contes, chaque récit représente un choix de vie. Comme dans tous les contes, on trouve une petite morale, un questionnement, un petit quelque chose qui nous ressemble et qui nous enveloppe.

Ça peut paraître étrange, mais je me suis reconnu dans ces contes. Ce qui s’en dégage surtout c’est que chaque héros préfère tracer son propre destin plutôt que d’en être l’instrument. Oui, c’est profond, mais ce n’est pas si compliqué.

Mon récit préféré dans ce recueil est ALIS AU PAYS DES MERVEILLES. Alis est une petite fille intelligente qui déborde d’énergie. Un jour de pluie, tournant en rond, Alis décide de partir à la recherche de la maison du soleil. Elle le veut tellement qu’elle est aspirée dans le puits de son jardin, pénétrant ainsi dans des mondes de merveilles.

Pour atteindre son objectif elle devra traverser plusieurs mondes avec, comme prix à payer, la perte d’un sens à chaque monde, en commençant par la vue. Avec une remarquable ténacité, Alis franchit les mondes avec l’aide de complices étranges, porteurs d’un secret qu’Alis doit découvrir par elle-même. La plume de l’auteure m’a envouté. Le monde des rêves rejoint celui de la découverte de soi et de ses capacités.

On est bien loin du style de Lewis Carol qui a écrit LES AVENTURES D’ALICE AU PAYS DES MERVEILLES. Il y a un petit point en commun : Alice de Carol et Alis de Ptitsa tombent toutes les deux dans un pays de merveilles. Ce sont les mondes qui diffèrent. Alice rencontre des personnages plutôt retors. Le monde de Carol a quelque chose de parodique, tandis que le monde, les mondes devrais-je dire, de Ptisa ont quelque chose de positif et de constructif.

C’est une boucle de sentiers parsemés de frontières qui coûtent chacune un sens à sacrifier d’une part mais qui élève Alis vers l’affirmation et l’estime de soi. Alis récupérera-t-elle ses sens? Trouvera-t-elle la maison du soleil? Ce conte est écrit avec une remarquable imagination. L’éditeur place l’identité comme sous-thème de ce conte, moi je privilégie plutôt l’affirmation de soi et la ténacité.

J’ai aussi beaucoup apprécié le conte ANAM CARA qui, avec un petit relent poétique et un bel humour définit l’amitié comme une des plus belles valeurs humaines : *En ce temps épatant, exubérant, élastico-époustouflant, en ce temps d’avant le temps qu’était le temps d’avant…vivaient, côte-à-côte, une petite fille, Cara et son vieux voisin, Anam.* (Extrait)

Dans ce conte, et je dirais dans tous les contes du recueil, le dénouement est surprenant…agréablement surprenant et dans l’ensemble, c’est plus formateur que moralisateur. Il y a des passages cocasses, d’autres dramatiques. La notion de conte part parfois à la dérive mais pour moi c’est pour le mieux. Ça ne fait que rafraîchir un genre  qu’on a un peu tendance à mettre de côté.

Quant à prétendre que les contes sont pour les enfants, j’aurais plutôt tendance à m’exprimer comme l’éditeur de Tintin, Casterman : ils sont pour les 7 à 77 ans. Les enfants y font de belles découvertes et les adultes y trouveront de la matière à réflexion dans le sens positif du terme, des choses qui leur ressemblent qui évoquent leurs goûts, leurs rêves, leurs aspirations.

HISTOIRES À GRANDIR DEBOUT se prêterait aussi à un atelier de lecture animée à la garderie, à l’école, à la bibliothèque, et spécialement dans l’intimité d’une famille. Prenez donc un peu de temps pour une lecture différente : HISTOIRES À GRANDIR DEBOUT de Sylvie Ptitsa.

    

Sylvie Ptitsa est une écrivaine Luxembourgeoise. Elle écrit des contes et poèmes pour enfants et jeunes adolescents, mais également pour adultes. A partir de 2010, elle publie en outre des volumes en autoédition et plusieurs contes philosophiques pour adolescents et adultes.

D’EST EN OUEST est un conte en prose et en poésie qui raconte l’histoire d’une artiste céramiste asiatique dont la demeure est détruite dans un incendie et qui se met à la recherche de son identité. L’histoire a été inspirée par un fait réel détaillé à la fin du livre. LA BELLE ENTENTE et PAR LA FENÊTRE sont deux nouvelles qui thématisent la mort.

En 2006, Sylvie Ptitsa obtient au concours « Faites des livres » organisé par le CNDP le prix coup de coeur pour son livre 38 mains, 126 pattes, ouvrage non publié à ce jour. Et bien sûr, on lui doit HISTOIRES À DORMIR DEBOUT qui vient rafraîchir et réactualiser une tendance littéraire un peu délaissée : le conte. Malheureusement, Sylvie Ptitsa a fermé son blog GRAINE D’ESPÉRANCE mais on peut la suivre sur sa pages Facebook LA LUTINIÈRE.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 3 mars 2019

LETTRES DE MON MOULIN d’ALPHONSE DAUDET, recueil

C’est la troisième messe qui commence. Il n’y a plus que quelques pas à faire pour arriver à la salle à manger ; mais, hélas ! À mesure que le réveillon approche, l’infortuné Balaguère se sent pris d’une folie d’impatience et de gourmandise. Sa vision s’accentue, les carpes dorées, les dindes rôties sont là, là… Il les touche… il les… Oh ! Dieu !… Les plats fument, les vins embaument… (Extrait : LES TROIS MESSES BASSES, publié d’abord dans LES CONTES DU LUNDI en 1875, puis inclus dans LES LETTRES DE MON MOULIN en 1878, conte de Noël sous le thème de la gourmandise, réédition, 1986, Hachette)

LES LETTRES DE MON MOULIN s’ouvrent sur les images d’une province française pittoresque au charme légendaire. Sans égard à la chronologie ou à quel qu’ordre que ce soit, Alphonse Daudet développe dans ses lettres des thèmes sans âge, mais chers à sa Provence : la valeur de la liberté, les joies et les peines de l’amour, la dignité, la paix, la famille…

Quant aux formes littéraires qu’on retrouve dans les lettres, je dirais qu’elles sont disparates : lettres, récits, légendes,  nouvelles et bien sûr le conte. Les lettres de Daudet sont un mélange de réalisme et d’imagination.

Bien sûr, comme bien des *boomers*, j’ai fait connaissance avec LES LETTRES DE MON MOULIN à l’école. LA CHÈVRE DE MONSIEUR SÉGIN était une des lettres de prédilection ainsi que LA MULE DU PAPE et quelques autres. Comme les autres lettres m’intriguaient, j’ai lu l’ensemble de l’œuvre.

D’abord, je précise que ces lettres n’ont pas de liens entre elles et avant d’être rassemblées dans un recueil, elles avaient déjà été publiées dans des journaux de l’époque. Sans le considérer comme un chef d’œuvre, je dirais que c’est un bon recueil, rafraîchissant et qui se lit bien. Si vous en entreprenez la lecture, vous dégagerez sûrement des textes qui vous plaisent beaucoup, d’autres moins, certains pas du tout. Ce qui a été mon cas.

J’ai définitivement un faible pour LA CHÈVRE DE MONSIEUR SÉGUIN (qui me rappelle tellement de beaux souvenirs), LA MULE DU PAPE et LE SECRET DE MAÎTRE CORNILLE qui m’avait beaucoup ému.

LES LETTRES DE MON MOULIN demeure un très beau classique de la littérature française…un véhicule de sagesse et d’émerveillement avec, toujours comme toile de fond, les paysages bucoliques de la Provence. Pour prendre un exemple précis, j’ai choisi de vous parler de LA MULE DU PAPE.

Le jeune Tistet Védène, fils du sculpteur d’or, entre dans la maîtrise du pape. Il est chargé de s’occuper de la mule de ce dernier mais il la maltraite. L’animal lui en veut et rumine sa vengeance. Tistet est ensuite envoyé auprès de la reine Jeanne à Naples en tant que diplomate. La mule doit donc remettre à plus tard son châtiment. Après sept ans, Tistet revient pour être moutardier du pape. Lors de la cérémonie, la mule trouve enfin le moment pour exercer sa vengeance en décochant à son ancien bourreau un coup de sabot mortel. Le récit est illustré avec les tableaux de Vittore Carpaccio.

Peintre italien né à Venise autour de 1460 et mort approximativement vers 1525. Si l’on admet l’hypothèse de T. Pignatti (1958) concernant sa naissance, Vittore, fils de Piero Scarpazza, marchand de peaux, préféra changer son nom en celui de Carpaccio. Carpaccio détient une place éminente et originale dans l’histoire de la peinture vénitienne du XVe siècle. 

LES ODEURS DE LA PROVENCE
*Une fois au service du pape, le drôle continua
le jeu qui lui avait si bien réussi. Insolent avec
tout le monde, il n’avait d’attentions ni de
prévenances que pour la mule…*
(Extrait : LA MULE DU PAPE)

Il est difficile de déterminer la forme littéraire de LA MULE DU PAPE mais comme il s’agit d’un récit ayant une légère connotation fantastique tout en jetant un regard sur le réel, je dirai que c’est un conte. C’est un récit original avec un petit quelque chose de comique : un Pape témoignant une affection presque démesurée pour sa monture, une mule. Le récit vient nous rappeler qu’il n’y a pas que les éléphants qui ont de la mémoire.

Un petit conte drôle et sympathique, agrémenté pour cette édition de tableaux thématiques de l’artiste-peintre Vittore Carpaccio. L’histoire se situe au XIVe siècle, au temps où les papes habitaient en Avignon…*fifres et tambourins se postaient sur le pont d’Avignon, au vent frais du Rhône et jour et nuit l’on y dansait, l’on y dansait…* (Extrait : LA MULE DU PAPE)

Alphonse Daudet (1840-1897) est un écrivain et auteur dramatique français. Il est né à Nîmes et a passé toute son enfance en Provence avant de s’installer à Paris pour se lancer dans sa carrière littéraire. Sa Provence bien-aimée l’inspirera pour de nombreux récits sur la campagne provençale et ses légendes, ainsi que les personnages qui ont fait son histoire.

Ses premiers romans (LES AMOUREUSES 1859, LES LETTRES DE MON MOULIN 1865) ont connu un succès tel qu’il peut vivre de sa plume tout en travaillant pour des journaux. Daudet a bien publié des romans comme LE NABAB (1877), LES ROIS EN EXIL (1879) et L’IMMORTEL (1888)

Mais ce sont surtout ses nouvelles et ses contes qui l’ont rendu célèbre dans le monde entier, en particulier LES CONTES DU LUNDI et LES LETTRES DE MON MOULIN. Dans ce dernier recueil on trouve une des histoires les plus populaires de la littérature : LA CHÈVRE DE MONSIEUR SÉGUIN.

J’ai eu beaucoup de plaisir à renouer avec les LETTRES DE MON MOULIN. Je vous invite à les découvrir ou les redécouvrir. Pour parcourir les titres du recueil, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
LE DIMANCHE 28 JANVIER 2018

Douze contes vagabonds, Gabriel Garcia Marquez

*Elle n’éprouva aucun malaise, et à mesure qu’augmentait la chaleur et que par les fenêtres ouvertes entrait le bruit torrentiel de la vie, le courage lui revenait de survivre aux énigmes de ses rêves.

Le comte de Cardona, qui passait à la montagne les mois de grande chaleur, la trouva à son retour plus séduisante encore qu’au temps de ses cinquante printemps surprenants de jeunesse.*
(Extrait: Douze contes vagabonds, de Gabriel Garcia Marquez)

Douze contes vagabonds est un recueil d’histoires imaginées par Gabriel Garcia Marquez et publié en 1992. Le prologue indique qu’il s’agit en fait d’une sorte de patchwork de travaux éparpillés durant les 18 années précédentes, et destinés à différents supports (télévision, cinéma, roman…). Ces travaux, rapporte l’auteur, étaient de ce fait plutôt différents, mais suffisamment proches dans les thématiques pour pouvoir être rassemblés en recueil. C’est en 1974, au Mexique, qu’il m’est apparu que ce livre, au contraire de ce que j’avais d’abord envisagé, ne devait pas devenir un roman mais un recueil de contes brefs s’appuyant sur le genre journalistique et libérés de leur enveloppe mortelle grâce aux astuces de la poésie. (Extrait de la préface)

Ces thèmes que sont les voyages, l’exotisme, la mort et le catholicisme cher aux Latino-Américains sont en effet déployés dans un style frôlant constamment la prose. C’est d’ailleurs ce qui m’a totalement conquis dans l’écriture de Gabriel Garcia.

Il manie d’une main de maître les figures de style imagées telles que la métaphore, l’allégorie, la comparaison, la personnification, etc. Ainsi, par ces tournures de phrases nombreuses, bien réparties et surtout naturelles et bien pensées, l’auteur a su rendre douze contes relativement différents, parfaitement harmonieux.

Et que dire de ces récits! L’auteur utilise dans chacun de ceux-ci un curieux alliage de chronique et de nouvelle. Oh ce n’est certainement pas les pâles intrigues et les chutes peu spectaculaires qui gardent l’attention du lecteur.

En réalité, ce qui tient le lecteur captif, c’est cet effet étrange engendré par des récits d’une profonde originalité animés par des personnages dépeints comme ordinaires, mais suscitant beaucoup de curiosité. Au milieu de chaque histoire je me posais la question:

Où veut-il nous amener avec toutes ces histoires de vieilles attendant la mort, de présidents déchus cherchant le repos de l’âme, de ces gens souhaitant une audience du pape? … Et à force de lecture, le questionnement revient d’un conte à l’autre, mais le doute disparaît totalement, car on comprend que l’auteur finira toujours sur une note douce mais surprenante qui fera soupirer ou frissonner de satisfaction.

L’écriture de Gabriel Garcia Marquez se compare au café de son pays d’origine: elle est veloutée. Et de même que chaque gorgée d’un fin café colombien, chaque paragraphe des récits du livre Douze contes vagabonds est une expérience sensorielle et une friandise pour l’esprit.

Sans tomber dans des formulations complexes et interminables, Gabriel Garcia fait constamment appel aux sens du lecteur. Il dénote constamment par-ci par-là des sons, des odeurs, des saveurs, des textures, mais de façon tellement élégante et naturelle que le lecteur est immergé sans aucun effort.

*Ses visites étaient devenues un rite. Le comte arrivait, ponctuel, entre sept et neuf heures, avec une bouteille de champagne espagnol enveloppée dans le journal du soir pour qu’on le remarque moins, et une boîte de truffes au chocolat.

María dos Prazeres lui préparait un gratin de cannellonis et un poulet rôti et tendre, les mets préférés des Catalans de haut lignage de jadis, et une coupe de fruits de saison.

Pendant qu’elle faisait la cuisine, le comte écoutait sur le phonographe des enregistrements historiques de morceaux d’opéras italiens, en buvant à petites gorgées un verre de porto qu’il faisait durer jusqu’à ce que les disques fussent passés.*
(Extrait – Douze contes vagabonds)

C’était mon premier livre de Gabriel Garcia Marquez, mais il me tarde d’en expérimenter un autre. Je sens que Gabo, ainsi qu’on le surnomme en Amérique du Sud, pourrait devenir l’un de mes écrivains préférés!

Suggestion de lecture : LES CONTES DU WHISKY, de Jean Ray

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LA BIBLE DU HIBOU, livre d’HENRI GOUGAUD

*Il vint à pas de loup surprendre les amants,
se tint un long moment courbé comme un
voleur contre la porte  close, pleura quand
Blanche soupira, puis il entra avec ses gardes,
il fit empoigner Nicolas et dans la tour ferrée
ordonna qu’on l’enferme.*
(Extrait : LE PRISONNIER DE LA TOUR du recueil
LA BIBLE DU HIBOU d’Henri Gougaud, Éditions du
Seuil, 1993, édition de papier,  340 pages)

LA BIBLE DU HIBOU est un recueil de fables, légendes et récits très courts qui ont été recueillis par Gougaud dans tous les coins de la France. Ces histoires ont traversé les siècles jusqu’à nous et demeurent pourtant sans âge, sans doute à cause de leur capacité à nous propulser aux limites de l’inconnu et de la connaissance, nous faisant explorer nos peurs ataviques : fantômes, êtres de légende, le diable. Ce livre rappelle la tradition orale aujourd’hui gâchée par la télévision et Internet. Écrit dans un style qui confine parfois à la poésie, Henri Gougaud, ce célèbre conteur s’est laissé aller à sa passion…

Légendes, peurs bleues, fables…
*Un bateau barbaresque aux voiles rouges
apparut dans la crique. Pierre voulut rejoindre
la rive. Il n’en eut pas le temps. Dix hommes
dans une chaloupe vinrent sur lui par le devant,
l’empoignèrent,  bâillonnèrent sa bouche,
ligotèrent ses pieds et le jetèrent enfin sur
leur vaisseau pirate qui aussitôt apparailla.*
(Extrait : MAGUELONNE, du recueil LA BIBLE DU HIBOU)

Dans l’univers du conte, il n’y a pas vraiment de juste milieu. Ou c’est vivant ou c’est mort. On aime ou on aime pas. Moi j’ai bien aimé la  bible du hibou parce que l’adaptation des contes se rapproche beaucoup de la tradition orale d’où ils sont issus. En effet, ces histoires venant des quatre coins du monde ont été racontées avant d’être écrites.

Pour saisir leurs auditeurs et les garder captifs, les conteurs devaient imprégner leurs histoires d’émotions, d’exaltation, de conviction. Ils s’exclamaient, déclamaient et maintenaient constamment leur signature vocale dans un registre élevé d’intonation, d’expression et d’émotion.

Vous vous imaginez alors le défi que ça représente de traduire toutes ces vertus en écriture. Ce n’est pas simple. Dans la préface du livre, Joseph Kessel exprime fort bien la nature de ce défi : *…mais de l’oral à l’écrit, si l’on gagne en pureté, en rigueur, en précision, on perd beaucoup me semble-t-il en liberté, en jubilation…*

L’écrivain est prisonnier des lois et des règles de la langue dans laquelle il écrit. Plusieurs subissent les contraintes d’un éditeur ou des correcteurs. *Le conteur, lui, est sans cesse entraîné par le désir de ses auditeurs. Il va aussi loin que l’on veut. Il abreuve, il nourrit, stimulé par la soif et la faim de ceux qui l’écoutent…*

Voilà ce que sont dans les faits les racines de la littérature : *…un terreau de paroles cultivé des millénaires durant…* Cette volonté de rendre les textes vivants fait toute la beauté de LA BIBLE DU HIBOU.

Tous les textes du recueil sont courts et respectent la même règle d’écriture vivante imposée par Henri Gougaud. Je me vois très bien en retenir plusieurs et en raconter à des amis autour d’un feu de camp. En me référant à l’esprit du texte et à sa qualité d’adaptation, la conviction et l’intonation feront le reste.

LA BIBLE DU HIBOU vient nous rappeler que le conte est une forme littéraire qui a toujours nourrit l’imaginaire. Dans quoi croyez-vous que la science-fiction et le cinéma fantastique ont puisé pour grandir?

LA BIBLE DU HIBOU est un ouvrage qui m’a permis d’apprécier toute la force d’attraction du conte avec des histoires de peur, de fantômes de docs et de ruelles obscures, de diables, d’ombres inquiétantes et j’en passe. Le recueil ne se limite pas à faire peur, il divertit et nourrit notre soif de savoir et de connaître. Un bon livre…plein de vie…

Suggestion de lecture : LA SÉRIE DE CONTES DE VALÉRIE BONENFANT

Henri Gougaud (1936- ) est un écrivain, poète et conteur français né à Carcassonne. Il a aussi été homme de radio et parolier pour des chansonniers comme Serge Reggiani, Juliette Greco et Jean Ferrat. Homme-orchestre, il réactualise un style littéraire en déclin : le conte. Il dirige d’ailleurs les Collections MÉMOIRES DES SOURCES ET CONTES DES SAGES aux Éditions du Seuil. Son œuvre comprend aussi de nombreux romans, récits et essais avec un goût prononcé pour l’humour noir.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
FÉVRIER 2016

LES CONTES DU WHISKY, recueil de JEAN RAY

*…deux mains énormes, froides, dures comme
l’acier. Dans un silence immense, sans cri, sans
haine, avec une méthode et une sûreté de
machine, elles serraient mon cou.*
(extrait de LES CONTES DU WHISKY, LA NUIT DE
CAMBERWELL, Jean Ray, Nouvelles Éditions Oswald,
1ère édition : 1925, 134 pages, éd. Num.)

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray paru en 1925 et rééditée plusieurs fois par la suite. C’est un recueil d’histoires noires,  diaboliques, contes d’horreur, de crimes crapuleux. Ces brèves nouvelles sont inspirées du quotidien inquiétant des coins obscurs de Londres : les ports, les docks brumeux, tavernes malfamées, ruelles sombres, le tout dans une atmosphère de malfaisance, de crimes et de déchéance sociale aux limites du surnaturel. Le narrateur est plus souvent qu’autrement ivre, le whisky étant omniprésent dans les récits. 

Vapeurs éthyliques et mort
*Non mon maître. Il était au milieu des siens,
quand il s’est levé subitement en criant :
C’EST L’HEURE! Puis il partit d’un grand
éclat de rire et il est tombé mort…il était
minuit 20.
(MINUIT 20, extrait de LES CONTES DU WHISKY)

Je dois dire que j’ai passé un bon moment avec ce livre qui est présenté en deux parties : LES CONTES DU WHISKY et QUELQUES HISTOIRES DANS LE BROUILLARD. Les nouvelles sont très courtes et se déroulent dans les coins les plus sombres et les plus mystérieux de Londres ou dans le légendaire brouillard ouaté qui recouvre si souvent cette ville.

Bien sûr, les récits sont empreints de mystère, de fantastique. Le tout semble vouloir atteindre presque le surnaturel un peu à la manière d’Edgar Allen Poe. Toutefois, ce qui m’a le plus fasciné dans ce recueil, c’est l’humour particulier qu’on y retrouve…un humour édulcoré, tamisé, un peu noir et sans aucun doute rehaussé par une impressionnante adulation du divin whisky… :

*Il y a des morts galants; souvent même leurs amours portent fruit…Ce sont des mort-nés, cela va sans dire. Jusqu’ici, on s’est fort peu occupé de leur éducation. (extrait LES CONTES DU WHISKY,  MON AMI LE MORT)…C’est bon…fameux…Parmi les choses que je regretterai, il y aura le whisky…je suis trempé…Quelle horreur…un peu de whisky pour me donner du cœur…(extrait LES CONTES DU WHISKY, LA DERNIÈRE GORGÉE)

Ce qui est très spécial aussi dans ces récits, c’est que pour plusieurs d’entre eux, le narrateur est ivre, solidement imbibé de whisky, ce qui favorise le vagabondage de l’esprit du lecteur. On peut de cette façon, relire autant de fois qu’on veut un récit et lui trouver autant d’interprétations.

LES CONTES DU WHISKY est le premier livre de Jean Ray. Sa façon directe et ironique de décrire un univers mystérieux et féroce, un peu onirique, voire surnaturel lui a valu un départ fulgurant dans sa carrière littéraire. Je recommande la lecture de ce livre. Les récits sont très brefs et décrivent un monde de déchéance avec un style particulier où l’horreur, le fantastique et un humour imagé se chevauchent. Je crois que vous passerez un bon moment.

…juste en parler m’a donné une de ces soifs…

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Raymond Jean-Marie de Kremer (1887-1964) est un écrivain belge. Jean Ray est le pseudonyme qu’il s’est choisi pour écrire en français. LES CONTES DU WHISKY furent le point de départ d’une carrière fascinante : plus d’une centaine d’aventures d’ Harry Dickson, très populaire dans les années 30 et MALPERTUIS, son premier roman fantastique publié en 1943, œuvre majeure adaptée à l’écran par Ham Kümel. Je cite aussi LES CONTES NOIRS DU GOLF,  et LA GRANDE FROUSSE adapté à l’écran par Jean-Pierre Mocky. Ray a aussi écrit plusieurs livres en néerlandais sous le pseudonyme John Flanders.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2015

LE COQ DE BRUYÈRE, livre de MICHEL TOURNIER

*Car il est vrai qu’un ineffable secret l’unissait à vendredi, et ce secret, c’était une certaine petite tache verte qu’il avait fait ajouter dès son retour par un cartographe du port sur le bleu océan des Caraïbes…* (extrait de LE COQ DE BRUYÈRES, LA FIN DE
ROBINSON CRUSOÉ,  Michel Tournier, Éditions Gallimard, 1978, num. 214 pages)

LE COQ DE BRUYÈRE est un recueil de contes et nouvelles comprenant 14 récits aux formes variées. L’œuvre passe en revue quelques grands mythes (le Père Noël par exemple) en provoquant chez le lecteur différentes émotions contradictoires telles le bonheur et la tristesse, le rire et les larmes, la certitude et le scepticisme…Dans tous les récits, spécialement les plus tragiques, l’auteur fait intervenir l’humour…c’est ainsi qu’on découvre une nouvelle vertu étrange au citron, que l’ogre du Petit Poucet serait un hippie et même que le Père Noël aurait donné le sein à l’Enfant Jésus. Le titre d’un de ces récits est devenu celui du recueil : LE COQ DE BRUYÈRE.

Iconoclaste et séduisant…
*En tout cas, c’est défendu de manger
pendant la classe. Tu me copieras
cinquante fois ‘je mange des citrons
en classe’*
(extrait LA JEUNE FILLE ET LA MORT,
LE COQ DE BRUYÈRE)

LE COQ DE BRUYÈRE est un intéressant recueil de contes et de nouvelles, chaleureux et attendrissant qui attire le lecteur dans ses pages en faisant appel à un mélange d’émotions mises en valeur par un humour léger. Les récits sont quelque peu disparates.

Quelques-uns m’ont déçu, plusieurs m’ont accroché, spécialement ceux qui semblent allier les merveilles des contes classiques aux récits plus récents, de même tendance, mais qui se sont adaptés à la modernité comme LA FUGUE DU PETIT POUCET par exemple où l’auteur concède à l’ogre une nature de hippie qui évoque la recherche constante et inconditionnelle de la liberté.

LA FUGUE DU PETIT POUCET est un exemple de récit iconoclaste comme LA FIN DE ROBINSON CRUSOÉ ou LA MÈRE NOËL. Michel Tournier est un peu vandale dans son genre. À la lecture de ses récits, j’ai développé l’impression d’une tentative de sa part de redéfinir les mythes, de tirer un trait sur l’histoire et de se tourner vers l’avenir.

J’ai senti une dualité entre le concepteur et le philosophe et une merveilleuse capacité de balloter le lecteur de la tristesse à la joie, de la fragilité de l’esprit au courage et à l’abnégation.

Dans le COQ DE BRUYÈRE il y a des rebondissements, de l’inattendu, de l’originalité, de la recherche. J’ai été particulièrement surpris par LES SUAIRES DE VÉRONIQUE. Dans ce récit, Véronique est photographe et chaque photo qu’elle prend enlève une parcelle de vie à son modèle :

*…vous m’avez aussi beaucoup pris. Vingt-deux mille deux cents trente-neuf fois quelque chose de moi m’a été arraché pour entrer dans le piège à images, votre –petite boîte de nuit-…

Vous m’avez plumé comme une poule, épilé comme un lapin angora. J’ai maigri, durci, séché non sous l’effet d’un quelconque régime alimentaire,  mais sous celui de ces prélèvements effectués chaque jour sur ma substance…*(extrait LES SUAIRES DE VÉRONIQUES, LE COQ DE BRUYÈRE).

Bref, Véronique tue avec son appareil photo…un simple appareil photo qui a la particularité de *siphonner* la force vitale.

La plupart des récits sont venus me chercher mais LES SUAIRES DE VÉRONIQUE est sans doute celui qui m’a le plus surpris.

Avec la séduction de l’humour tendre, les récits sont porteurs de sagesse et d’une intéressante réflexion sur le sens de la vie et de la mort, le refus de grandir (thème développé avec brio dans le récit TUPIK où un jeune garçon projette de couper son pénis pour éviter de devenir un homme) et ça va plus loin avec des observations parfois saisissantes sur la nature humaine.

C’est tout Tournier…divertir et faire réfléchir. Ça m’a plu.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, de Renaud Benoit

Michel Tournier (1924-  ) est un écrivain français né à Paris. Dès 1941, il développe un intérêt pour la philosophie. Malgré un échec au concours de l’agrégation, il gagne sa vie comme traducteur et rédacteur publicitaire, animateur et concepteur à la radio avant de joindre l’équipe du fameux éditeur PLON en 1959.

Il publie son premier roman en 1967 VENDREDI OU LES LIMBES DU PACIFIQUE, grand prix de l’Académie française. Avec ce chef d’œuvre et LE ROI DES AULNES, prix Goncourt en 1970, Tournier s’est par la suite entièrement voué à une brillante carrière littéraire tout en siégeant à l’Académie Goncourt.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MAI 2015