L’ACCORDEUR DE PIANO, le livre de Pascal Mercier

*J’attendis que cédât en moi cette grande pression intérieure comme lorsqu’on a enfin surmonté un obstacle. En vain. Je sus alors que quelque chose n’allait pas.*
(Extrait : L’ACCORDEUR DE PIANO,  Pascal Mercier, Meta-Éditions, 2008, édition de
papier, 510 pages)

Un ténor célèbre est abattu d’un coup de pistolet sur la scène de l’opéra de Berlin alors qu’il était en pleine représentation de Tosca de Puccini : L’assassin est identifié : il s’agit d’un accordeur de piano. Ses enfants, les jumeaux Patrice et Patricia regagnent le foyer familial afin de comprendre ce qui a poussé leur père, accordeur réputé mais piètre compositeur à commettre ce meurtre. C’est en sondant le passé de leur père que les jumeaux vont découvrir la cause de son désespoir et de celui de toute la famille. Est-il possible que le crime ait été orchestré par la musique ou qu’il ait un lien avec celle-ci? 

LA MUSIQUE COUPABLE
*…Succès. C’était le mot devant lequel je
M’étais enfui et que je ne voulais plus
jamais entendre. Quoique fût ce qui
avait envoyé Père en prison, l’idée de
succès y avait joué un rôle, j’en étais
sûr.
(Extrait : L’accordeur de piano)

 Avant d’entreprendre la lecture de L’ACCORDEUR de piano, j’étais stimulé par plusieurs critiques élogieuses que j’ai lues sur ce livre de Pascal Mercier… Beaucoup de commentaires pour le moins flatteurs. Malheureusement, j’ai déchanté au fil des pages.

Le récit évoque l’histoire d’une famille un peu dégénérée, en commençant par le père et époux : Frédéric Delacroix, un musicien raté dont la vie s’enlise dans un déni total de son incapacité à créer de grandes œuvres musicales. Sa vie se résume en d’*amères expériences du foyer et les nombreuses humiliations subies dans sa recherche de reconnaissance*. (extrait)

Ensuite, il y a la mère, une morphinomane qui est loin de ce qu’on pourrait appeler une enfant de Marie. Finalement, il y a les jumeaux : Patrice et Patricia dont l’amour qui les unit va un peu plus loin que le simple amour fraternel si vous me suivez bien.

Dans ce livre, les jumeaux communiquent entre eux par le biais de cahiers qui expliquent finalement une sorte de malédiction qui pèse sur la famille avec une énorme quantité de détails, dont beaucoup sont insignifiants,  qui se coupent et se recoupent. Ces cahiers sont aussi préparatoires à la séparation définitive des jumeaux.

Il y a sept cahiers pour chaque jumeau. Cela donne à l’œuvre une forme littéraire un peu particulière qui ne m’a pas vraiment emballé. Je précise aussi que le drame est annoncé dès le départ : un célèbre ténor est abattu en plein concert, devant tout le monde, par Delacroix.

Par l’entremise des cahiers, les jumeaux tente d’expliquer le geste du père, et ce faisant, dévoilent des secrets fort dérangeants sur l’histoire de la famille. C’est loin d’être simple.

Ce n’est pas facile de commenter un tel livre. D’une part, l’écriture est d’une magnifique richesse, dans une excellente traduction (de l’allemand au français) mais d’autre part, j’ai été déçu par la pauvreté du sujet. L’ensemble est lourd, indigeste avec des longueurs assommantes.

L’histoire est complexe et je me suis souvent perdu dans des sommes de détails dont l’utilité m’apparaissait douteuse. J’ai trouvé agaçant de ne pas trouver plus de rythme, de légèreté, de simplicité,  dans un livre où on parle de musique à peu près à chaque page.

C’est un roman glauque pas facile à lire sans se perdre tellement le récit est éclaté. Il n’y a pas de repères, pas de fil conducteur et il n’y a pas d’ordre chronologiques dans les évènements. Toutefois, je ne considère pas avoir perdu mon temps car j’ai savouré la beauté de l’écriture, la richesse des mots. Sous cet aspect, je considère que l’ouvrage nous pousse à une réflexion sur l’écriture et aussi sur la complexité de la famille.

Il appartient évidemment au lecteur d’aller chercher dans le récit ce qui le fera vibrer.

Suggestion de lecture : PASSÉ À VIF, de Lisa Jackson

Pascal Mercier, de son vrai nom Peter Bieri est un écrivain et philosophe suisse de langue allemande né à Berne le 23 juin 1944. De 1993 à 2007, il a été titulaire de la chaire de philosophie des langues de l’Université Libre de Berlin, mais il est surtout connu du public pour ses romans, plusieurs ayant été traduits en français comme LE SILENCE DE PERLMAN en 1995, LÉA en 2011 et bien sûr L’ACCORDEUR DE PIANO en 1998.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
MARS 2016

CRIMES À LA LIBRAIRIE, collectif de nouvelles

*L’heure est venue. Discrètement, il prend un verre de vin rouge et y laisse tomber
quelques gouttes de funeste poison. Un convive le regarde d’un air réprobateur
mais poli. -C’est pour ma pression artérielle…
(Extrait : UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE, Éditions Druide, 2014, 734 pages)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est un recueil de seize nouvelles écrites par des auteurs québécois sous un thème unique. La meilleure façon de décrire cet ouvrage est encore de citer le réalisateur du projet Richard Migneault: *Je vous invite donc…à rencontrer ces seize écrivains de chez nous pour nous amener ailleurs au cœur même de leur imaginaire. Pour stimuler leur créativité et votre curiosité, je leur ai donné un devoir pas très facile à réaliser…faire de la librairie une véritable scène de crime, transformant du coup chaque livre qui s’y trouve en témoin de l’énigme, du suspense, de l’insoutenable* 

Cette anthologie regroupe autant d’auteurs de renoms que ceux les plus prometteurs de la relève. La crème de la littérature québécoise y est. Polars, récits noirs et frissons au programme.

LES NOUVELLES :
-PUBLIC CIBLE de Patrick Sénécal
-LE LIBRAIRE ET L’ENFANT de Martine Latulippe
-UNE LONGUE VIE TRANQUILLE de Martin Michaud
-LE PSAUME DU PSOQUE de Benoît Bouthillette
-DES HEURES À LA LIBRAIRIE de Chrystine Brouillet
-UN CADAVRE AU CRÉPUSCULE de Robert Soulières
-L’HOMME QUI DÉTESTAIT LES LIVRES de Sylvain Meunier
-PERINDE AC CADAVER d’André Jacques
-JUNGLE JUNGLE de Jacques Coté
-DERNIER CHAPITRE AU BOOKPALACE de Florence Menay
-MON COMBAT de Mario Bolduc
-233°C de Johanne Seymour
-ROUGE TRANCHANT de Camille Bouchard
-LE PALMARÈS de Richard Ste-Marie
-DEMI-DEUIL d’Arianne Gélinas
-RARES SONT LES HOMMES de Geneviève Lefebvre

La mort entre les livres
*-Oui je vais signer.
-Bon là tu parles. Good man!
Robinson griffonna deux mots
«fuck off»

et remit la feuille à Bennet. En
voyant l’affront de ce jeune
insolent, il devint rouge de colère.
(Extrait de JUNGLE JUNGLE de Jacques
Côté, du recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE)

CRIMES À LA LIBRAIRIE est le fruit d’une très intéressante expérience dirigée par Richard Migneault qui a réuni 16 auteurs québécois autour d’un thème bien précis : un crime dans une librairie, sujet original s’il en est car avec son atmosphère tamisée, son calme bucolique et l’attraction qu’elle exerce sur les esprits en quête de mots et d’histoires, la librairie est un endroit qui ne se prête pas beaucoup au meurtre.

Ce thème est une trouvaille qui a mis en lumière tout le talent des auteurs sélectionnés et bien sûr la puissance de leur plume. L’objectif de l’expérience est simple : faire connaître l’univers du polar québécois et le résultat a donné une remarquable anthologie qui m’a accroché car elle m’a permis de faire des découvertes très intéressantes.

Bien sûr j’y ai retrouvé des auteurs avec lesquels j’étais déjà familier comme Patrick Sénécal, Robert Soulières, Christine Brouillet et Martin Michaud, mais j’ai aussi découvert des auteurs qui m’ont surpris et mon donné le goût d’explorer davantage leur œuvre et leur style comme par exemple Geneviève Lefèbvre dont la nouvelle RARES SONT LES HOMMES est particulièrement oppressante.

En ce qui me concerne, la qualité des textes va de très bonne à excellente. Les textes varient beaucoup en intensité, en recherche et en originalité. Comme dans tous les recueils, il y a des bonnes nouvelles, il y en a de moins bonnes. Je ne prétends pas vous dire quelles sont les meilleures mais j’ai particulièrement accroché sur la nouvelle de Martine Latulippe LE LIBRAIRE ET L’ENFANT.

Développer une histoire de meurtre dans une librairie demandant déjà beaucoup d’imagination, y impliquer un enfant rend encore plus complexe le défi littéraire sur le plan contextuel…un défi bien relevé par L’auteure qui se spécialise dans la littérature pour enfants. C’est ce qu’on pourrait appeler une double-vie littéraire.

J’ai aussi beaucoup apprécié la nouvelle d’Ariane Gélinas DEMI-DEUIL, un récit basé sur le parfum de la libraire, qui exhale jusqu’à rendre fou. Cette nouvelle n’est pas sans me rappeler l’œuvre célèbre de l’écrivain allemand Patrick Süskind LE PARFUM dont j’ai déjà parlé sur ce site. Comme je l’ai déjà précisé, décrire une odeur avec justesse et émotion est déjà un énorme défi.

Suggestion de lecture : 17 NOUVELLES ENQUÊTES DE SHERLOCK HOLMES, recueil d’Arthur Conan Doyle


Martine Latulippe à gauche et Ariane Gélinas

Je crois que grâce à l’initiative de Richard Migneault, la littérature québécoise s’est enrichie d’un fleuron qui place le polar québécois au rang de littérature de haut niveau. Il serait intéressant de répéter l’expérience avec des auteurs québécois en émergence. Les résultats pourraient être fort intéressants.

Directeur d’école à la retraite, Richard Migneault est un défenseur de la littérature québécoise. Animateur du blogue POLAR, NOIR ET BLANC et coordonnateur des Prix TENEBRIS des PRINTEMPS MEURTRIERS DE KNOWLTON, il s’est donné pour mission de faire connaître les auteurs québécois de polar en Amérique et en Europe. Il intensifie sa mission en réunissant 16 écrivains québécois autour d’un même thème, ce qui nous a donné l’excellent recueil CRIMES À LA LIBRAIRIE.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JANVIER 2016

SI JE TE RETROUVAIS, le livre de NORA ROBERTS

Eh bien voilà… Il fallait bien que ça arrive un jour. Pour la première fois en 7 ans avec Québec Loisir, je n’ai pas reçu ce que j’avais commandé. En ouvrant la boîte j’ai découvert une petite brique dont l’auteur et la couverture ne me disait rien du tout. Par curiosité plus que par lâcheté, j’ai décidé de conserver le livre plutôt que de le retourner. Après tout, des découvertes fantastiques ont été faites en partant d’une erreur!


Fiona Bristow mène une vie idyllique sur une île au large de seattle avec ses trois labradors. Dans sa jolie maison campagnarde, elle dirige son centre de dressage canin et reçoit des clients d’un peu partout. Quelques années plus tôt, elle a été kidnappée par un tueur en série. Par miracle elle a pu s’échapper, mais le tueur s’est vengé en assassinant son fiancé, ce qui a conduit à son arrestation.

Après des années difficiles, Fiona a enfin pu retrouver la paix dont elle avait besoin pour se reconstruire après ce cauchemar.  C’est alors qu’entre dans sa vie Simon Doyle, un homme plutôt froid et  asocial devenu propriétaire malgré lui d’un chien incontrôlable. Une chimie se crée entre ces deux personnes aux caractères particulièrement opposés. Puis se produisent des événements inquiétants: une série de meurtres sont commis en suivant exactement les mêmes méthodes que le kidnappeur de Fiona. Et tout indique que le tueur se rapproche d’elle.

Il serait très facile de ne pas aimer ce livre. Une recherche rapide a confirmé mes doutes: Nora Roberts a une sérieuse bibliographie de romans d’amour et de thrillers psychologique. Du coup ça explique pourquoi l’intrigue amoureuse et les états d’âme de Fiona prennent autant de place. Beaucoup de –je t’aime -moi non plus mais pas trop à l’eau de rose heureusement. Ça peut tout de même devenir vite ennuyeux quand on aime pas le genre.

Nora Roberts

En ce qui me concerne, trois éléments m’ont fait accrocher suffisamment longtemps pour que je veuille le finir. Dans la première partie du livre,  Fiona dirige une équipe de recherche afin de retrouver un enfant égaré. Il est beaucoup question de dressage, de comportement et de psychologie canine. Moi qui veut un berger ou un retriever depuis des années, j’en ai rêvé un coup! L’histoire se déroule à la campagne, au travers de forêt,  de clairières et  de prairies, encore de quoi me faire rêvasser. Et finalement la petite intrigue policière est somme toute assez intéressante.

Comme vous voyez c’est plutôt subjectif. Les chiens, la campagne et le meurtrier m’ont aidé à passer au travers des histoires de couple des deux personnages principaux, et de ne pas regretter la lecture de ce livre de 600 pages. Enfin j’ai trouvé que Nora Roberts manipule bien les dialogues, qu’elle utilise en abondance. Elle réussit aussi à bien nous représenter les lieux, sans se lancer dans des phases descriptives interminables.

Suggestion de lecture : LE CHIFFREUR, de Christine Benoit

Phenixgoglu
Avril 2013

Un cadavre de classe, de ROBERT SOULIÈRES

Voici un roman jeunesse fou et niaiseux, mais dans ce que ces termes ont de meilleur! En vulgarisant, il s’agit d’un roman policier, mais il est bourré d’humour! Je le recommande grandement, surtout pour les petits lecteurs, ceux qui sont intimidés ou écœurés par le côté parfois sérieux et intello de l’univers des romans.

Si vous êtes intéressé, l’excellent compte rendu que vous trouverez ICI achèvera de vous convaincre.

Dans le complément je vous présente un extrait que j’ai trouvé particulièrement sweet!

Suggestion de lecture : CAPITAINE STATIC d’Alain M. Bergeron

Phenixgoglu
Décembre 2012

(En Complément…)

CYANURE, le livre de CAMILLA LÄCKBERG

Née le 30 aout 1974 à Fjällbacka en Suède, Camilla Läckberg est l’auteure d’une série de romans policiers  parus  chez Actes Sud.

Les intrigues se situent toujours à Fjällbacka, ancien port de pêche de la côte ouest en Suède, reconverti en station balnéaire, qui, sous des apparences tranquilles cache des  relations humaines compliquées, sordides et rarement gratifiantes. .

L’histoire est celle de la famille LIJECRONA qui, un peu avant Noël se réunit sur l’île de Valo. Ils sont 8 réunis dans une maison fort belle, confortable, bien pourvue mais isolée. On y retrouve le milliardaire patriarche Ruben, ses 2 fils, leurs femmes et leurs enfants, et Martin, l’ami policier d’une des petites filles. Ils sont d’autant plus isolés qu’une violente tempête de neige empêche tous déplacements.

Le premier repas de la famille prend les allures d’un règlement de compte alors que Ruben, persuadé que la plupart de ses enfants sont des incapables cupides et profiteurs, dit de façon tranchante et sans appel sa façon de penser. Par la suite, le patriarche meurt dans d’horribles souffrances et de façon spectaculaire.

Martin prend l’enquête en main mais sera confronté à un casse-tête beaucoup plus complexe qu’il le croyait.

L’histoire est courte et pas très originale. Le style n’est pas sans rappeler Agatha Christie, et dans une moindre mesure Conan-Doyle (qui est infiniment plus raffiné avec Sherlock Holmes). Ici, l’enquête est confiée à un personnage pas très sûr de lui et qui évolue péniblement et ça devient agaçant à lire. Toutefois, l’auteur a fait de Martin le policier un personnage attachant et humain à défaut d’être génial…il n’a pas le coté *snobinard* d’un Hercule Poirot ou d’un Holmes. Comme lecteur, ça m’a donné un petit élan de sympathie.

C’est loin d’être un chef d’œuvre et ça n’invente rien, mais comme le livre est assez court (150 pages) je vous en suggère la lecture, ne serait-ce que pour la finale qui est assez inattendue et qui m’a donné la satisfaction de ne pas avoir perdu trop mon temps.

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES d’Edgar Wallace

JAILU
Novembre 2012

(En Complément…)