FISSURES NOIRES, le livre de JESS KAAN

<Dylan Coudrelier s’était effondré face contre
terre, provoquant l’hilarité de ses amis, un rire
de gosses habitués à se souler et tomber ivres
morts. Mais la marrade avait vite cessé quand
la tête de Max…avait explosé et souillé le
carrelage de l’entrée de sang, d’os et de
cervelle.>
(Extrait de la nouvelle UN HABITANT, UNE BALLE, du
recueil FISSURES NOIRES de Jess Kaan, Éditions Le
Héron d’argent, 2014, édition numérique et de papier,
336 pages)

Les élèves d’un car scolaire meurent dans des circonstances mystérieuses, un étrange cocon rouge serait en cause… 1916, sur le front allemand, un mystérieux tableau garderait il ouvertes les portes de l’enfer ? Pendant une amicale, un sniper frappe. Les morts s’accumulent. La peur ajoute au ravage. Qui survivra pour raconter. À Locquières, un chômeur profanant la tombe de son patron s’apprête à réveiller d’inquiétantes forces obscures. Vous vous préparez à lire des nouvelles inquiétantes dans lesquelles l’univers familier se délite et laisse place à l’Ailleurs. Et si notre réalité commençait à se fissurer…

Les titres du recueil étant assez évocateurs, j’en reproduit ici la liste :

KÉVIN, CHUTE D’UNE DAMNÉE, RUSTBELT, ÉPIÉS, UN HABITANT UNE BALLE, SHROMAZDISTE, L’INTRIGUE, LE SYNDROME DE MIDAS, LES CHATS, 59, TOUTE LA PEINE DU MONDE, 915, PAUPÉRISATION, LE RESTOROUTE, APRÈS LE NEKKER, FANTASY IMPROMPTUE, CRUEL HIVER, LA GUILDE DES AVALEURS D’ASPHALTE, LES HERBES HAUTES, FENÊTRE OUVERTE SUR…, MACHINE À BROYER LA JEUNESSE.

LA RÉALITÉ QUI BASCULE
*Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue
et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer
à ces dons en se suicidant. Si vous voulez survivre,
il vous faudra renoncer à la technologie et à
toute forme artistique…*
(Extrait de la nouvelle «59» du recueil FISSURES
NOIRES de Jess Kaan.)

C’est un recueil intéressant qui se caractérise par une belle variété de styles et d’influences. J’y ai savouré du bout de la langue un peu de Guy De Maupassant, EDGAR ALLAN POE et même THÉOPHILE GAUTHIER car il faut bien préciser ici la différence entre le *fantasy* et le *fantastique*. Dans le recueil de Kaan, il n’y a pas de sorcière, de dragons ou d’elfes.

Dans FISSURES NOIRES, on trouve plutôt des personnages qui tentent de se tenir la tête hors de l’eau dans leur fleuve de misère. Je ne vous cacherai pas que les nouvelles dans l’ensemble sont plutôt noires et mettent lez nez de la Société sur les misères qu’elle a créé elle-même…

Un aspect extrêmement intéressant de ces nouvelles, c’est que dans l’ensemble, elles commencent par la réalité. Le décor est planté dans un ordinaire très noir, puis, bascule peu à peu dans une distorsion de la réalité. L’auteur crée alors une brèche, une fissure donnant accès à une dimension surnaturelle. Sa façon de le faire est remarquable. C’est la grande force du recueil.

L’auteur est très habile et manie parfaitement l’art de la nouvelle. Par ses nouvelles, il présente un portrait peu flatteur de la société. Dans chaque nouvelle, il y a un petit quelque chose de sombre, de malsain même qui va crescendo.

Chaque nouvelle laisse un petit goût amer, mais aussi, développe le goût onirique de faire un ménage dans la société, un ménage qui commence d’abord par soi-même : voyons quelques extraits :

*Afin de prouver que je ne suis pas fou et que les mutilations que je vais m’infliger ne résultent pas d’une maladie mentale, voici quelques détails me concernant : je m’appelle Arnaud Ribauval* (Extrait : LES HERBES HAUTES)

ou encore cet extrait de ma nouvelle préférée : 59 qui pourrait faire l’objet d’un roman complet comme beaucoup d’autres des nouvelles de ce recueil d’ailleurs, à cause de l’originalité des sujets. Chaque nouvelle constitue une petite fresque de la société dans ce qu’elle a de pire, ce qui n’est pas pour me déplaire.

*Nous sommes les gardiens d’Agven. Écoutez-nous humains, car il en va de votre vie. Dans huit jours exactement et à cette heure, il ne restera plus sur terre que 59% d’entre vous que nous stériliserons. Les autres, nous les aurons éliminés, car nous en avons décidé ainsi* (Extrait : 59)

Ces mystérieuses voix qui viennent d’une fissure laissent le choix aux épaves entre l’alpha et l’oméga : *Aux survivants, nous offrirons la beauté absolue et l’éternité. Mais ils pourront toujours renoncer à ces dons en se suicidant* (Extrait : 59) langage direct sur la crasse que camoufle habilement la Société.

Vous comprenez sans doute mieux maintenant la signification du titre. Ces fissures altèrent la réalité des hommes pour les placer face à eux-mêmes. Ça ne fait pas très sympathique mais l’écriture est d’une remarquable beauté et va bien au-delà d’une simple histoire. Il y a des leçons à tirer et tant qu’à tirer, on peut supposer qu’il y a de l’espoir.

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Tout est sombre c’est vrai. Mais le livre a deux forces qui tranchent : Les brèches dans la réalité, ces fissures qui nous font verser dans le fantastique mettent notre société face à elle-même avec ce qu’elle a de plus tordu, mais c’est écrit, imaginé avec une finesse qui m’a fasciné, voilà pour la première force et il y a, je l’ai déjà dit, la beauté de l’écriture et une parfaite maîtrise des sujets.

L’écriture est aussi fluide et le propos très direct…pas de temps mort, aucune déviation. Les décors sont savamment plantés. Lisez les titres plus haut, regardez bien la page couverture au début de cet article…tout est en place pour nous amener dans un ailleurs, mais en douceur…

J’en ai déjà parlé sur ce site, écrire une nouvelle est souvent difficile. C’est un art. Il faut couper court et jongler entre le raisonnement cartésien et la fluidité de l’écriture de façon à figer le lecteur et finalement l’engloutir et le pousser à l’empathie pour plusieurs personnages.

Il y a dans l’ensemble un petit aspect philosophique, une observation méthodique des travers de la société. Pas d’erreur, FISSURES NOIRES est une réussite. Je vous recommande ce livre sans hésiter.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES, recueil de Renaud Benoit

Né sur les bords de la mer noire, Jess Kaan est un auteur éclectique puisque ses écrits couvrent les champs de la science-fiction et de la fantasy humoristique et surtout du fantastique. Ses récits, ayant souvent comme toile de fond le nord du Pas de Calais, naissent d’anecdotes vécues ou entendues.

L’auteur s’est donné comme objectif de pousser le lecteur à éprouver de l’empathie pour ses personnages et de les confronter ainsi à la déglingue de la réalité. Il a reçu en 2003 le prix Merlin pour sa nouvelle L’AFFAIRE DES ELFES VÉROLÉS et en 2005 le prix de l’armée des douze singes. Un de ses scénarios écrits en 2012 a été adapté pour un court métrage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 8 décembre 2019

FIN DE RONDE, le livre de STEPHEN KING

*…je vais vous dire un truc que je dirais jamais si j’étais sobre. J’aimerais que Babineau le tue. Qu’il lui injecte un truc vraiment toxique et qu’il le fasse dégager.
Parce qu’il me fait peur…il nous fait peur à tous.*
(Extrait : FIN DE RONDE, Stephen King, Albin Michel 2017 pour la traduction française, 460 pages, éd. Numérique)

Dans la chambre 217 de l’hôpital Kiner Memorial, Brady Hartsfield, AUTEUR DU MASSACRE À LA MERCÉDÈS QUI A FAIT HUIT MORT, git dans un état végétatif depuis sept ans, soumis aux expérimentations du docteur Babineau. Mais derrière son regard fixe, Brady est bien vivant et capable de commettre un nouveau carnage sans même quitter son lit. Comprenons-nous bien : QUELQUE CHOSE DANS LA CHAMBRE 217 DU SERVICE DES TRAUMATISMES CÉRÉBRAUX DE LA CLINIQUE RÉGIONALE VIENT DE SE RÉVEILLER…QUELQUE CHOSE DE MALÉFIQUE…

AVANT-PROPOS :

TÉLÉKINÉSIE : D’après le dictionnaire de l’internaute.com, la télékinésie est une faculté paranormale de déplacer un objet par la seule pensée. Wikipédia parle de psychokinèse ou psychokinésie présentée comme une hypothétique faculté métapsychique d’agir directement sur la matière, par l’esprit.

SUBLIMINAL : Une perception subliminale est une perception qui se situe en dessous du seuil de la conscience. Un message subliminal peut ainsi être transmis à une personne sans que celle-ci en ait conscience. Dans le sens strict du terme la perception subliminale est limitée au stimulus trop faible ou trop rapide pour être traité consciemment.

UN LÉGUME QUI TUE
*«Une voiture. Elle est passée sur la foule
comme une tondeuse à gazon. Le putain
de taré m’a manqué de peu. Je sais pas
combien il en a fauché…»*

En matière de lecture, j’ai plutôt tendance à élargir mes horizons avec de nouveaux auteurs, des styles différents. Il m’arrive toutefois régulièrement de revenir à mes auteurs fétiches et parmi ceux-ci : Stephen King. Mon choix s’est porté sur un titre récent : FIN DE RONDE qui vient compléter la trilogie après Mr MERCEDES et CARNETS NOIRS et qui vient fermer le cycle BILL HODGES, INSPECTEUR À LA RETRAITE.

Voyons voir d’abord le contenu. Ceux qui ont lu la trilogie se rappelleront que Brady Hartsfield, ce fou dégénéré a hérité d’une chaussette pleine de billes d’acier que Holly lui a porté en plein sur le crâne avec un maximum de force. Résultat, Brady se retrouve à l’hôpital à l’état de légume.

Tout le monde le croit fini, mais non, il se réveille le gentil monsieur avec la même idée encore plus folle qu’avant : pousser des jeunes au suicide. Il se découvre un don pour la télékinésie et un autre don, autrement plus dangereux, celui de faire migrer son esprit dans un autre corps afin d’en prendre le contrôle. Brady a beau jeu de provoquer de nombreux suicides en utilisant l’hypnose par le biais d’un jeu électronique appelé Fishin’Hole.

J’ai été un peu déçu du fait que King a versé plus dans l’intrigue policière avec une trame très complexe, pénible par moment. L’ensemble est plutôt lourd et manque de fluidité. Il y a une grande quantité de personnages et le fil conducteur souffre de précarité. Le lien entre Brady, le jeu vidéo et le joueur potentiellement suicidaire n’est pas établi clairement. Il y a des longueurs et il est facile de se perdre dans ce pavé de 500 pages.

Le livre comporte toutefois beaucoup de forces dont une des principales caractéristiques de Stephen King, celle de travailler ses personnages, de les approfondir, de leur attribuer des défauts, des qualités, un passé, une mentalité. King tend à rendre ses personnages réels avec un maximum de sincérité en particulier pour Bill Hodges dont l’état de santé a le don d’inquiéter le lecteur.

Autre force importante liée au talent de Stephen King, c’est le brassage d’émotions qui caractérise ses ouvrages. FIN DE RONDE n’échappe pas à la règle : il y a Brady dont on voudrait tordre le cou et qui échappe continuellement aux limiers, Hodges dont la santé est plus que précaire. Je n’ai pas ressenti la peur comme je la ressens habituellement dans la bibliographie de King mais il a réussi à me faire passer par une gamme d’émotions.

Je dois ajouter à tout ça, que, outre une finale digne d’un des esprits les plus imaginatifs de la littérature, FIN DE RONDE n’est pas sans nous faire réfléchir sur le caractère addictif des jeux vidéo et sur les réseaux sociaux qui à mon avis échappent à tout contrôle comme internet d’une certaine façon. Il y a aussi matière à réflexion sur le suicide : 800 000 personnes meurent chaque année par suicide dans le monde.

Une statistique frappante dit que trois québécois s’enlèvent la vie chaque jour. C’est énorme. Le suicide n’est pas inné. Comme dans FIN DE RONDE, il est provoqué. Enfin, je veux préciser que les messages subliminaux existent. L’utilisation de cette technique a été criminalisée dans plusieurs pays.

Il est vrai que cette fois, King a versé davantage dans l’intrigue policière mais il l’a fait avec finesse et intelligence même s’il est parfois un peu difficile à suivre et bien sûr il a ajouté les ingrédients qui font que King demeure King : le mystère, le pouvoir psychique et le caractère authentique de ses personnages.

Pour toutes ces raisons, et je ne tiens pas compte du destin réservé à Bill Hodges et Brady Hartsfield, je recommande sans hésiter FIN DE RONDE…on ne pouvait trouver meilleur titre.

Suggestion de lecture : QUE S’EST-IL VRAIMENT PASSÉ, collectif

Pour tout savoir sur Stephen King, biographie, bibliographie, filmographie et les actualités entourant l’auteur, je vous invite à visiter le CLUB STEPHEN KING.

Je vous invite à lire les commentaires que j’ai écrit sur LA TOUR SOMBRE et 22/11/63, deux œuvres majeures de Stephen King.


BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 30 novembre 2019

LA SORCIÈRE DU PALAIS, SOPHIE BÉRUBÉ

*Aucune trace d’Édouard. Elle se dirige
vers la cuisine. Elle entend une sorte de
ronflement. Il y a du sang partout. Mais
c’est le ronflement qui égratigne les
nerfs de Julie.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS, Sophie
Bérubé,  Les Éditions Coup d’œil, 2017.
Édition de papier, 385 pages)

Dans les couloirs du palais de justice, tous connaissent Maître Julie De Grandpré, avocate redoutable, séduisante et sans merci. Surnommée «La Sorcière», elle a quitté la couronne pour représenter la défense. Mais pour l’enquêteur Mathieu Langlois, le surnom de Julie De Grandpré ne l’intéresse pas autant que le fait qu’elle a disparu depuis trois semaines. Qui peut bien en vouloir à la «sorcière» ? Au fil des découvertes étonnantes sur le passé de l’avocate, de graves révélations viendront compliquer l’affaire, mettant au jour un important scandale judiciaire. 

LE CÔTÉ OBSCUR DE LA JUSTICE
*…il ne faut pas oublier qu’on s’attaque à
gros. Au ministre de la Justice, au
procureur en chef et au président d’une
multinationale. On a pas le choix de
vérifier ce qui est écrit là-dedans.*
(Extrait : LA SORCIÈRE DU PALAIS)

LA SORCIÈRE DU PALAIS est un thriller judiciaire qui explique un peu comment, pour faire une enquête, on peut partir d’à peu près rien et finir par résoudre l’affaire. Mais cette affaire est étrange : Une avocate, Julie De Grandpré disparait dans de mystérieuses circonstances…pas d’indices, pas de mots…et un chat éventré découvert dans sa cuisine par la femme de ménage. Le mystère est total.

Julie De Grandpré est célèbre pour avoir basculé de la Couronne à la défense sans explication. C’est une avocate redoutable qui a aussi une réputation douteuse. Tout ce que Mathieu Langlois, policier spécialisé dans les disparitions, sait de l’avocate au moment de débuter son enquête, c’est qu’on l’appelle la sorcière dans les couloirs du palais de justice. Sa tâche ne sera pas facile.

Dans une intrigue qu’elle fait évoluer très habilement, Sophie Bérubé présente un portrait pas très flatteur de la justice et très tôt dans le récit, le lecteur se demande si Julie De Grandpré était du bon côté de la justice au moment de faire basculer sa carrière. Elle doit composer avec la mafia, des gangs de rue, des criminels sans compassion. L’enquête rappelle un peu une course à obstacles qui sont autant de rebondissements pour le lecteur.

L’auteure implique aussi un personnage très important dans son intrigue : Marc Thiffaut, qui passe d’éditorialiste à journaliste aux affaires judiciaires. Il se crée, entre Thiffaut et Langlois une interaction très intéressante. Les journalistes peuvent être les pires casse-pieds mais ils peuvent être aussi d’une précieuse utilité. J’ai beaucoup apprécié ce jeu de donnant-donnant favorable à la justice. Ça m’a semblé crédible et réaliste.

Il n’y avait, pour moi, qu’un seul côté irritant dans ce récit, c’est le penchant fleur bleue ou rose bonbon du policier Mathieu Langlois. C’est classique. C’est un cliché. L’image du policier qui fait passer son travail avant sa femme, qui a le quart de la moitié d’une petite aventure avec sa *cliente* et qui vient près de perdre sa famille pour ça.

L’histoire du policier dont la vie de ménage est fragilisée et qui étale ses états d’âme, ça m’énerve et c’est malheureusement courant en littérature policière. Je dois toutefois avouer que l’auteure a donné à son personnage principal une sensibilité qui le rend attachant. En général, les personnages de l’histoire sont étoffés et bien travaillés.

Donc c’est un ouvrage au rythme enlevant, aux rebondissements multiples et à la finale qui était pour moi totalement imprévisible. Je brûle de vous en parler mais vous trouverez particulièrement satisfaisant de la découvrir vous-même. Cette finale comme telle est un revirement. J’ai été happé par le livre dans son ensemble mais je dois dire que le dernier quart fut particulièrement addictif.

L’ouvrage m’a aussi fait réfléchir sur la crasse qui obstrue la justice. Ce n’était peut-être pas son but mais c’était inévitable. En lisant le quatrième de couverture, vous avez tout de suite la puce à l’oreille : pourquoi une avocate de la couronne réputée faire des miracles passe-t-elle subitement à la défense et pourquoi est-ce qu’on l’appelle LA SORCIÈRE DU PALAIS? Je me suis laissé aller dans une lecture dont l’intrigue allait en crescendo.

On sait que l’univers littéraire policier est riche et se caractérise par l’abondance. Faire son chemin dans cette tendance ne doit pas être nécessairement facile vu la nécessité de trancher par l’originalité, la subtilité, la nouveauté, le tout pour un lectorat qui semble toujours demandé la même chose : SURPRENEZ-MOI.. À ce titre, je crois que Sophie Bérubé est une auteure à surveiller.

Suggestion de lecture : LE PROCÈS, de Franz Kafka

Sophie Bérubé est une auteure québécoise. Elle a évolué dans le droit, le journalisme, l’écriture, la critique, la production et l’animation.  Avec sa passion de l’écriture,  elle a publié quatre romans : SANS ANTÉCÉDANTS, son premier roman a franchi le cap des 20 000 exemplaires vendus, le roman érotique PREMIÈRE FOIS, son petit dernier, au moment d’écrire ces lignes : sur un plateau d’argent. LA SORCIÈRE DU PALAIS est son deuxième roman. Véritable femme-orchestre, Sophie Bérubé évolue dans plusieurs domaines tous liés au monde des communications.

Pour visiter le site internet de Sophie Bérubé, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 novembre 2019

 

LÉDO, un roman sombre de PIERRE CUSSON

<Tu vas voir, salaud, lequel des deux est le plus fou…Le triangle enflammé n’est plus qu’à vingt mètres. Le moment est arrivé…> (Extrait : LÉDO, Pierre Cusson, Éditions Pratiko/ Polar presse, édition numérique, 375 pages)

La petite ville de Ste-Jasmine et l’inspecteur Réginald Simard sont aux prises avec une série de meurtres tous aussi horribles que mystérieux. Un dangereux criminel court les rues et semble insaisissable. Il s’acharne à narguer Simard en le ridiculisant par des notes laissées sur les lieux de ses méfaits. La clé de l’énigme est confinée dans les dossiers de l’éminent policier.

De nombreux rebondissements viennent compliquer l’enquête et au moment où le mystère Lédo semble résolu, surgit alors l’impensable…*Un être aussi abject, d’une perversité aussi extrême, ne peut continuer à faire partie intégrante d’une société* Extrait

PSYCHOPATHE ET PIRE…
*Recouvert d’une mince couche de frimas, le corps
de Rita Donovan gît tout au fond, sur un lit de
petits paquets de viande et de boîtes de produits
de toutes sortes.. À ses pieds l’accompagne son
caniche…*
(Extrait : LÉDO)

Comme la plupart des livres de Pierre Cusson, Lédo est un roman policier très sombre. Pour vous placer le mieux possible dans le contexte, je pourrais comparer le style de Cusson à celui de Martin Michaud (voir la chorale du diable) ou encore à celui de Chrystine Brouillet. Ces auteurs ont une capacité de montrer jusqu’où peut descendre la bêtise humaine.

Dans LÉDO, la petite ville de Sainte-Jasmine est le théâtre de meurtres aussi horribles que mystérieux. Des meurtres qui laissent supposer que les victimes ont subi une innommable torture. Un criminel dégénéré court les rues, insaisissable et pousse la provocation jusqu’à laisser des messages à l’inspecteur Réginald Simard qui enquête sur ces meurtres :

*«Que fais-tu Simard? Tu arrives trop tard. Il ne te reste plus qu’à ramasser les ordures. Comme d’habitude. Tu es un incompétent et jamais tu ne pourras m’attraper. Mais comme je suis généreux, tu auras encore ta chance. Ce petit salaud n’est pas le dernier. Alors à bientôt, Réginald. xxx.»* (Extrait)

J’ai plongé dans cette lecture et je n’ai jamais vu le temps passer. Intrigue, mystère, énigmes et beaucoup de questionnements. Il semble que plusieurs victimes étaient loin d’être des enfants de chœur. Mon attention était déjà soutenue jusqu’au milieu du récit où j’ai eu droit à un véritable coup de théâtre, l’histoire a fait un extraordinaire virage sans nuire en quoi que ce soit au fil conducteur.

N’ayant aucune idée du nombre de pages restantes, je croyais que l’histoire était terminée. Mais non. J’étais au milieu. La deuxième partie m’a catapulté dans une forte addiction qui m’amenait de surprise en surprise.

Pierre Cusson a fort bien soigné la psychologie de ses personnages et a orchestré une histoire noire dont certains passages sont à soulever le cœur et poussent le lecteur et la lectrice à se demander s’il est possible que l’homme puisse descendre aussi bas. Je vous fais grâce des détails mais en dehors des exactions humaines heureusement décrites avec une certaine retenue, nous avons ici un excellent roman policier, très bien écrit.

Le style de Cusson est très direct et le caractère haletant de l’histoire ne ménage pas le lecteur. Bavures, errance policière, traîtrise… La plume est forte. Il n’y a pas de longueurs, pas de temps morts. Le coup de théâtre au milieu du récit m’a pris par surprise et j’ai trouvé la finale fort imaginative et qui n’est pas sans laisser le lecteur avec de la matière à réflexion.

En fait, le principal questionnement ici est le fait de se faire justice soi-même. *«Se faire justice soi-même est un grave délit. Laisser errer un meurtrier parmi les innocents, c’est de la folie pure et simple», Ce sont ces phrases que Réginald Simard avait criées à Marcel Vincelette alors que ce dernier quittait sa chambre à l’hôpital de Sainte-Jasmine.* (Extrait)

Est-ce qu’on est en droit de dire que quelqu’un ne mérite pas de vivre? Que la seule façon d’empêcher une récidive de la part d’un meurtrier est de l’abattre ? Est-ce qu’on peut se substituer à la justice ?

Qui n’a pas été tenté de le faire ? La loi est claire. Il y a la justice qui est là pour ça. Elle est lente. À beaucoup, elle donne l’impression d’être détraquée. La justice est aveugle comme le dit l’expression consacrée, mais c’est la justice. Le livre pose ou peut-être devrais-je dire *expose* une question : Est-il possible qu’il se présente des circonstances qui ne donnent pas le choix ?

Plusieurs personnages ne sont pas tous ce qu’ils prétendent être. C’est un beau défi de lecture car on va de rebondissement en rebondissement et l’énigme s’épaissit au fur et à mesure de la progression de l’histoire et la première conclusion tirée au milieu de l’ouvrage est surprenante. Pour ceux et celles qui aiment les lectures *hard* et *gore* pour utiliser un langage exceptionnellement familier, LÉDO est pour vous.

Suggestion de lecture : DANS L’OMBRE DE CLARISSE, de Madeleine Robitaille

Au moment d’écrire ces lignes, les notes biographiques sur Pierre Cusson étaient à peu près inexistantes. Je sais que Pierre Cusson est né en 1951 en Montérégie au Québec et que toute son enfance a été imprégnée des histoires d’Hergé, de Jules Verne et d’Henri Verne et plusieurs autres auteurs et qui ont contribué au développement de l’imagination déjà fertile de Pierre Cusson. Pour suivre cet auteur, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 novembre 2019

NOUVELLES NOIRES, recueil de RENAUD BENOIT

*En un flash tout disparut, et Lantier, en sueur, sursauta en ne comprenant pas ce qu’il avait vu ou avait cru voir…Ne voulant en parler à personne, il décida donc
de garder cette incroyable histoire pour lui.*
(Extrait : NOUVELLES NOIRES, vol. 1, CHEZ LANTIER, Renaud Benoist,  édition L’ivre-book, 2014, numérique,  recueil)

Dans ce premier opus des NOUVELLES NOIRES, Renaud Benoist nous entraîne dans un malstrom de réalité et d’irréalité. Le but : happer le lecteur et le faire plonger dans des textes insolites, noirs, dérangeants et le poussant sans cesse à se demander s’il est dans le réel ou l’irréel. Oui, Renaud Benoist corrompt la perception de la réalité en entraînant le lecteur dans un monde de cauchemar : tueur en série, tableau maléfique, nature vengeresse et autres tableaux mystérieux issus d’une imagination débridée. Les NOUVELLES NOIRES sont comme un jeu de pistes qui ouvre la voie à une nouvelle dimension du frisson.

CAUCHEMAR AU JOUR LE JOUR
*Ce jour-là, les cloches de l’église sonnèrent
longtemps, trop longtemps, le curé avait été
seul à s’en inquiéter et ce fut lui qui remarqua
cette brèche qui passait sous la maison de
Dieu.*

(Extrait:: NATURE, du recueil NOUVELLES
NOIRES)

À l’occasion, j’aime insérer dans mes projets de lecture, un recueil de nouvelles pour voir et apprécier comment les auteurs, autant ceux qui sont connus que les émergents se débrouillent dans cette forme littéraire très particulière.

La nouvelle littéraire est un récit fictif très bref qui fait appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu’on appelle la chute. Comme il s’agit d’un court récit, la nouvelle littéraire comporte peu de personnages, peu d’action et peu de lieux…

Le défi d’un nouvelliste est de concentrer son histoire pour en renforcer l’effet. Donc la nouvelle n’est pas un roman. C’est une forme définie de littérature développée dans un minimum de pages (5 à 15). Certaines nouvelles vont jusqu’à cent pages. Dans la nouvelle on planche plutôt sur la surprise, les rebondissements et les finales percutantes.

En matière de nouvelles, mon choix s’est porté cette fois sur les NOUVELLES NOIRES, vol. 1 de Renaud Benoist. Ces récits ont comme toile de fond l’Auvergne, une région du massif central de la France, un territoire de nature sauvage et de paysages grandioses. Un décor parfait pour développer les thèmes de la solitude, du mystère, de la peur et des légendes entourant la nature vengeresse.

J’ai aimé ce recueil, résultat d’une imagination volontairement débridée. Les textes sont insolites et poussent le lecteur à l’évasion. On oublie les problèmes, le temps…pour frissonner un peu car c’est bien ce que propose l’auteur : de l’émotion parfois forte, de l’insolite, de l’inexplicable, des forces obscures qui échappent à la raison humaine…

NOUVELLES NOIRES vol. 1 comprend 8 nouvelles. Ma préférée : LES ÉTANGS BLEUS.  Les parents de Jean décident de déménager toute la famille dans un complexe de HLM appelé LES ÉTANGS BLEUS. Quelques temps après le déménagement, Jean entend des bruits bizarres dans le placard de sa chambre…comme un grattement.

Dans son nouveau patelin, Jean est attiré par un coin de forêt appelé le petit bois dans lequel apparemment des enfants sont disparus et ne sont jamais revenus. Ça l’intrigue et il demande à son nouveau copain Luc de l’accompagner.

Luc lui montre sa cabane perchée discrètement dans un arbre…soudain le lien se fait entre le placard et la cabane. Jean s’apprête à goûter l’obscure médecine du petit bois : *J’ai vu…J’ai vu ce que tu ne verras jamais…J’ai vu une espèce de chose sortir d’un arbre et les attaquer, ça n’a duré qu’une minute ou deux…elle les a avalés et est retournée dans son antre…* (Extrait)

C’est une nouvelle dans laquelle l’atmosphère s’alourdit de pages en pages et qui développe l’idée de créatures qui rappellent un peu les monstres de H.P. Lovecraft. C’est une lecture qui devient très vite addictive.

Une forme se dégagea du comptoir et prit corps. Jeannette…c’était sa Jeannette, sa femme morte depuis dix ans. (Extrait de CHEZ LANTIER, la première nouvelle du recueil NOUVELLES NOIRES vol.1)

Les bulles étaient là, tout comme le «rien» était derrière nous. Lui avançait, elles grossissaient. On aurait dit une scène d’un livre de Kafka. (Extrait de LE PONT la quatrième nouvelle de NOUVELLES NOIRES vol.1)

Bref, j’ai passé un bon moment de lecture. Je crois que l’auteur a bien relevé le défi. L’écriture est fluide, le mystère est bien entretenu, on le sent dans chaque texte comme une espèce de non-dit. À lire. Si vous aimez, le volume 2 est disponible.

Suggestion de lecture : FISSURES NOIRES, de Jess Kaan

Renaud Benoist est né le 27 mars 1973 à Epinay-sur-Seine. En 1998, il débute la série Nouvelles noires. En 2001, il sort le premier tome de la Trilogie des Yukulutes, La Solution symbiose suivi du tome 2, Le Culte d’Arès, en 2013 et du dernier volume, Quazar Balder, en 2006. De 2007 à 2013, il se consacre à des recherches sur le fameux Triangle de la Burle. En mai 2013, il sort En Quête du triangle de la Burle. Il reçoit le prix des automnales du livre de Sury-le-Comtal, en 2001, pour La Solution symbiose, Il écrit le scénario d’une comédie musicale intitulée Le Fanten lupo.

À LIRE AUSSI

BONNE  LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 28 septembre 2019

 

CRIME ACADEMY, de CHRISTIAN JACQ

<L’assassin n’en croyait pas ses yeux. Une convocation
en bonne et due forme à la télévision pour devenir la
vedette d’une émission qui fascinerait le grand public,
«CRIME ACADEMY»! De même qu’à six autres candidats,
on lui proposerait, ni plus moins, de raconter son crime
parfait…>

(Extrait : CRIME ACADEMY, Christian Jacq, 2012, J-édition pour
la version numérique, 235 pages, édition de papier)

CRIME ACADEMY est le titre d’une nouvelle émission créée par une chaîne populaire de télévision et qui se rapproche de la téléréalité. Sept assassins impunis, des criminels qui ont échappé à la justice, sont invités à l’émission pour raconter les circonstances de leur crime. Ensuite, le public est appelé à choisir son criminel préféré. Les grands pontes de Scotland Yard sont furieux et délèguent l’inspecteur  à la retraite Higgins et son remplaçant Scott Marlow pour enquêter. Ce dernier commence par rencontrer les *vedettes* . Quelque chose cloche…

CRIMINELS OU FABULATEURS?
*La forteresse qui abrite les
sept candidats de la
CRIME ACADEMY est un
marécage recouvert de
brume*
(Extrait : CRIME ACADEMY)

Je connaissais déjà la plume de Christian Jacq pour ses nombreux récits sur l’Égypte. J’étais très curieux de vérifier comment Jacq se débrouillait dans un contexte d’intrigue policière. J’ai choisi CRIME ACADEMY tout à fait au hasard. On est très loin de la perfection mais le livre présente un intéressant rapport de forces et de faiblesses. Voyons d’abord le synopsis.

L’histoire tourne autour de sept assassins potentiels, c’est-à-dire sept personnes qui avouent avoir commis le crime parfait sans jamais avoir été ennuyé par la justice. Les crimes ont été perpétrés il y a plus de trente ans, en Grande Bretagne, là où la prescription n’existe pas. Mais la justice doit remonter trop loin dans le temps pour être efficace et rendre punissables ces sept personnages.

Cecil Cadeno, animateur et organisateur d’une émission de télé-réalité à scandale réunit ces sept personnes avec une garantie de protection légale pour qu’elles racontent leur crime et concourent ainsi au titre de meilleur assassin, titre accompagné d’une somme d’argent plus que confortable.

Le superintendant Marlow de Scotland Yard se lance dans une enquête qui s’annonce fort complexe, tellement qu’il fait appel à son vieil ami Higgins pour l’aider à découvrir la vérité dans ce panier de crabe. Très vite, Higgins voit qu’il y a anguille sous roche. Et ça se complique très vite car des morts s’ajoutent pendant l’enquête. Le temps presse.

Première observation, le concept est original et rappelle les *huis-clos* de Miss Marple et d’Hercule Poirot, les brillants limiers créés par Agatha Christie. Le Crime de l’Orient-Express me vient à l’esprit aux fins de comparaisons. Même si ça rappelle Agatha Christie et même Conan Doyle, le concept est bien propre à Christian Jack.

La comparaison s’arrête là, les histoires d’Agatha Christie étant beaucoup plus approfondies et mieux finies. L’originalité de l’histoire m’a quand même plu, d’autant qu’elle vient faire un petit croche-pied à l’univers de la téléréalité, que je trouve d’une extraordinaire insipidité. Elle n’est pas rendue aussi bas, mais je ne suis pas sûr qu’elle se gênerait.

La plus belle réussite de Christian Jacq est qu’il a pu maintenir le caractère intriguant de l’histoire jusqu’à la fin. Il m’a forcé à me creuser la tête et j’ai joué le jeu : *La forteresse qui abrite les sept candidats de la CRIME ACADEMY est un marécage recouvert de brumes…* (Extrait).

J’ai trouvé la finale excellente. Elle vous réserve un magnifique bouquet de déductions et de logique policière alors que tous les suspects sont réunis pour le *speech* final et que toutes les pièces du casse-tête prennent leur place.

Le roman est relativement court, il se lit très bien. La plume est fluide et l’ensemble est très bien ventilé, les chapitres en particulier qui sont courts. C’est la principale faiblesse du roman : il est trop court, il manque de fini, de développement, d’enrobage. La psychologie des personnages est très peu développée ce qui est dommage, spécialement dans le contexte d’un roman de type huis-clos comme CRIME ACADEMY.

Il aurait été intéressant, voir nécessaire de développer davantage le schéma de pensée des assassins et surtout, d’en savoir plus sur les motivations de Cecil Cadeno, l’animateur qui a beaucoup à gagner et beaucoup à perdre aussi comme on le verra, car l’auteur nous a réservé quelques surprises.

On est très loin du chef d’œuvre mais j’ai quand même apprécié ma lecture. Je considère que CRIME ACADEMY est un très bon divertissement.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, De Martin Michaud

Né à Paris en 1947, Christian Jacq est d’abord et avant tout égyptologue et il a partagé sa passion en publiant des livres qui sont devenus autant de références sur l’Égypte. Aujourd’hui, ses ouvrages sont publiés dans une trentaine de langues. Parallèlement, il a publié des romans historiques qui ont pour cadre évidemment l’Égypte antique, ainsi que des romans policiers publiés sous pseudo et réédité par la suite sous son vrai nom.

Comme si Christian Jacq avait une corde de plus à son arc, ses romans policiers ont connu aussi un succès flatteur grâce à son personnage fétiche, l’inspecteur Higgins. Cette série : LES ENQUÊTES DE L’INSPECTEUR HIGGINS comprend 23 titres. C’est une collection à découvrir. Voici quelques titres…juste pour vous mettre l’eau à la bouche…

             
           

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 21 septembre 2019

ANAVÉLIA, le livre de KIM FOURNELLE

Les neuf médaillons

*Lentement, elle se laissa emporter, sentant son cœur
ralentir et sa vue s’embrouiller. Les heures s’écoulèrent
sans qu’elle réagisse, puis soudain un ruban noir
couvrit son regard. Un froid humide l’engloutit, et un
bourdonnement incessant se mit à résonner autour
d’elle. Pensant que c’était la mort qui venait la chercher,
elle se mit à divaguer doucement. -Enfin…*
(Extrait: ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS, Kim Fournelle,
Éditions AdA, 2013, édition de papier, 675 pages)

Tyffanie semblait avoir la vie rêvée jusqu’à ce qu’elle trébuche dans un monde hostile…une plongée en enfer. Lentement, afin de se procurer sa drogue pour revoir ses couleurs, elle renonce à sa survie jusqu’à être acculée au pied du mur et ne voir aucune autre option que la mort. Elle pense que celle-ci est venue la délivrer quand un homme vient la surprendre. Qui est ce capitaine Inès qui lui parle d’une légende dont elle semble faire partie. Elle ne le sait pas, mais elle va embarquer dans une aventure plus grande qu’elle ne l’aurait jamais imaginé. La Légende des neuf médaillons sera-t-elle sa délivrance?

Une *fantasy* sympathique
*…«Au moins je pourrai venger les miens si je les
tue et les renvoie en petites tranches au château.»
Tyffanie se mit à se secouer violemment sur le sol.
Elle voulait se défendre, elle voulait parler. «Très
bien Jordan. Attachez-les sur l’exécutoire dehors,
et nous les pendrons au coucher du jour.»

(Extrait : ANAVÉLIA LES NEUF MÉDAILLONS)

 C’est un livre très volumineux dans le genre Fantasy qui développe une grande quête et qui nous fait passer d’une sous-quête à l’autre. Il y a beaucoup de personnages, des longueurs, quelques redondances mais c’est un récit riche d’aventures et de leçons.

Je résume d’abord ce que ça raconte : Alors qu’elle nage dans l’enfer de la drogue et victime d’une vie dissolue, Tyffanie est interrompue dans son attente de la mort, par un mystérieux personnage : Le capitaine Oswald Inès qui lui fait une offre étrange :

*-J’ai passé devant votre rideau et vous sembliez en pleine douleur, alors je suis entré et je vous ai vue. Et c’est là que j’ai vu votre marque et que j’ai su… – Vous avez su ? – Oui, j’ai su que vous étiez ce qui me manquait pour chercher le trésor de ces îles. J’ai su que j’étais votre guide pour empêcher une horreur.* (Extrait)

Cernée par la souffrance et la douleur, Tyffanie ne pouvait vraiment refuser. C’est ainsi qu’elle s’est lancée dans une aventure extraordinaire : la légende des 9 médaillons qui pourrait garantir à Tyffanie la rédemption. Ce n’est pas pour rien qu’Oswald l’a choisie. Elle a la marque…elle est l’élue.

C’est donc une grande aventure qui attend les lecteurs. Une aventure qui se passe en mer et aussi sur les îles qui représentent autant de sous-quêtes et sur ces îles, l’équipage s’enrichira de nouvelles alliances et tout ce beau monde affrontera l’ennemi final : Shelk.

C’est un récit typique de la fantasy : des magiciens, des sorcières, des Elfes, des monstres, il y a même un vampire, et italien encore, personnage sympathique, drôle et pas méchant pour deux sous : Émilio, le cuistot de bord. Il y a du mystère et une héroïne, Tyffanie, qui a en elle des pouvoirs qu’elle ignore mais qui sera aidée par des alliés inespérés pour les mettre en évidence et les rendre redoutables.

Ça ne réinvente pas le genre, mais l’auteur a développé avec beaucoup de savoir-faire, la transformation de son héroïne et ses interactions avec l’équipage. De plus Kim Fournelle a beaucoup travaillé sur ses personnages, imposant à chaque espèce ses qualités propres et sa psychologie, ses forces et ses faiblesses

Tyffanie est un personnage particulièrement attachant et l’auteure s’est bien gardée d’en faire une héroïne sans peur et sans reproche comme on en voit souvent en littérature. Comme vous voyez, le livre a des belles qualités. Toutefois, c’est un long pavé. Et encore, il y a une suite. Il y a des longueurs, c’est inévitable et les scénarios se ressemblent d’une île à l’autre. Il y a des redondances et bien sûr, un petit caractère prévisible.

Le récit véhicule toutefois une belle leçon de vie. D’une part, il faut savoir que nous avons en nous une force insoupçonnée qui contribue à atteindre ou maintenir l’équilibre dans notre vie, et d’autre part, retenir qu’il y a toujours de l’espoir, et voir comme une nécessité… *Le bonheur de la bonne compagnie et des moments simples de la vie qui vous remplit d’une béatitude incroyable .* (Extrait)

Pour ce qui me concerne, j’ai trouvé ce livre agréable, bien documenté, avec des bonnes idées, des personnages sympathiques. Le fil conducteur de l’histoire est parfois mince, il faut s’y accrocher mais c’est un détail parce que la plume est assez fluide. La pire faiblesse est au niveau de la structure : des chapitres qui n’en finissent pas de finir…trop long, un peu lourd. J’aurais préféré une meilleure ventilation. Mai qu’à cela ne tienne, je vous recommande ce livre et sa suite : LA QUÊTE DES DIEUX

Suggestion de lecture : L’HEURE DE L’ANGE, d’Anne Rice

KIM FOURNELLE

À LIRE AUSSI :

ANAVÉLIA, TOME 2, LA QUÊTE DES DIEUX

Maintenant en parfait contrôle de ses pouvoirs après avoir reçu l’éducation de Karmina, Tyffanie prend la mission des Dieux entre ses mains. Elle se lance dans la quête qu’ils lui ont octroyée sans se poser plus de questions, mais la vie reste une surprise…

Prisonnière de son destin, elle fait face aux épreuves qui se dressent sur son chemin sans se douter de ce qui l’attend vraiment. Sera-t-elle prête à faire ce qu’elle doit faire pour accomplir la dure et lourde tâche qui s’impose à elle ?

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 3 août 2019

 

 

THÉRAPIE, le livre de SEBASTIAN FITZEK

*Mais soudain, son soulagement se mua en horreur.
Car Anna n’avait pas remarqué son retour et ne
manifestait aucune intention de se retourner. Au
lieu de cela, elle était en train de verser discrètement
une substance blanche dans son thé.
*
(Extrait : Thérapie, Sebastian Fitzek, Knaur 2006,  T.f. :
Les Éditions de l’Archipel, 2008, numérique, 213 pages)

Josy, 12 ans, la fille du célèbre psychiatre berlinois Viktor Larenz, est atteinte d’une maladie qu’aucun médecin ne parvient à diagnostiquer. Un jour, son père l’accompagne chez un de ses confrères. Alors qu’elle échappe à son attention. Elle disparait. Quatre années passent. Alors que Lorenz est toujours sans nouvelles de sa fille, une inconnue frappe à sa porte.

Anna Spiegel, romancière prétend souffrir d’une forme rare de schizophrénie : les personnages de ses récits prennent vie sous ses yeux. Or, le dernier roman d’Anna a pour héroïne une fillette qui souffre d’un mal étrange et qui s’évanouit sans laisser de traces. Connaître la suite de l’histoire devient une obsession pour le psychiatre Viktor Larenz.  La quête s’annonce complexe…

COINCÉ DANS LA TEMPÊTE AVEC UNE *SCHIZO*
*Si les photos étaient si choquantes, ce n’était pas

parce qu’elles représentaient des perversions
sadiques, des morceaux de cadavre ou d’autres
choses du même acabit. Viktor était rempli
d’horreur parce qu’il voyait partout le même

visage…on reconnaissait la même personne…*
(Extrait : Thérapie)

Ce livre, qui est un véritable défi pour l’esprit, plonge le lecteur dans l’univers complexe de la schizophrénie, de la mythomanie ou le mensonge pathologique et du syndrome de Münchhausen : un trouble psychologique désignant un besoin irrésistible de simuler une maladie ou un traumatisme dans le but d’attirer l’attention ou la compassion. Je vous dis d’entrée de jeu que j’ai trouvé ce livre phénoménal, aussi brillant qu’acerbe. J’ai été captif de la plume incroyablement efficace de Fitzek.

Dans n’importe quelle histoire, il faut bien une introduction, une mise en place si on veut comprendre le développement. Mais l’histoire conçue par Fitzek est vraiment spéciale. Voyons voir : un psychiatre renommé, Viktor Larenz accompagne sa fille Josy chez le médecin. Josy est atteinte d’une mystérieuse maladie inconnue.

Larenz s’absente un instant pour aller aux toilettes et lorsqu’il revient, s’aperçoit que sa fille a disparu. Pourtant, le médecin et sa secrétaire certifient à Larenz que Josy n’avait pas de rendez-vous aujourd’hui et personne ne l’a vu entrer.

À partir de ce moment, c’est un trou noir de quatre années à l’issue desquelles Larenz va se réveiller dans un lit d’hôpital psychiatrique avec à ses côtés, le docteur Roth qui non seulement va s’atteler à trouver la vérité mais qui va aussi complètement changer la donne.

Notez que c’est très brièvement résumé et il ne faut pas se fier à l’introduction pour avoir un aperçu de la suite. C’est là le côté génial de Fitzek. C’est que ces quatre années de coma vont entraîner le lecteur de rebondissement en rebondissement et le projeter dans une incroyable suite de revirements de situation.

La plume sombre de l’auteur enferme le lecteur dans un maelstrom psychologique très complexe. C’est ce que je voulais dire au début par *défi pour l’esprit*. Rien n’est sûr, rien ne permet au lecteur de prévoir la fin, de résoudre l’énigme de Josy.

Quant à vous donner des indices, en dire peu c’est comme en dire trop. Il faut donc se laisser aller dans la lecture de ce polar sombre. Le style mordant et acide de Fitzek risque de provoquer une addiction chez beaucoup de lecteurs et de lectrices jusqu’à une finale géniale en deux actes.

Quand on peut lire un livre et oublier le reste y compris le temps, c’est que l’auteur a trouvé le ton juste. C’est un polar terriblement efficace qui va au-delà du genre. Pas de diversions, des chapitres courts parfois haletants ou qui baladent les lecteurs du présent au passé. Le rythme est parfois saccadé et surtout, l’auteur accuse une parfaite maîtrise de la psychologie de ses personnages qui est, vous vous en doutez peut-être, très complexe.

Le récit ne verse pas dans l’horreur ou le macabre mais plutôt dans le mystère et l’inexpliqué comme l’esprit tortueux d’un schizophrène. En effet, imaginez une romancière qui voit ses personnages prendre vie sous ses yeux, ou encore un menteur pathologique qui croit sincèrement ses propres mensonges, ou un père qui prend son enfant pour acquis, comme sa chose, sa propriété et qui l’aime d’un amour étouffant et même fatal.

THÉRAPIE est un récit costaud et même éprouvant jusqu’à un certain point, description d’un long cauchemar dont on ne saisit le début qu’à la fin. C’est drôlement bien ficelé. Ça me rappelle un peu SHUTTER ISLAND de Dennis Lehane dont j’ai déjà parlé sur ce site.

Shutter Island est un îlot au large de Boston où un hôpital psychiatrique semblable à une forteresse accueille des pensionnaires atteints de troubles mentaux graves et coupables de crimes abominables. Deux marshals y font une enquête très troublante. Une chose est sûre, Lehane et Fitzek ont un point en commun : ils ont déployé le maximum pour jouer avec mes nerfs.

THÉRAPIE : à essayer…Je crois qu’on est pas loin du chef d’oeuvre là…

Sebastian Fitzek est un auteur allemand né à Berlin le 13 octobre 1971. Il fait ses études de droit mais préfère finalement les communications. Entre temps, il se met à l’écriture et il publie un premier livre en 2006 : THÉRAPIE qui connaîtra un succès retentissant avec 220 000 exemplaires vendus, seulement en Allemagne. Le premier thriller de Fitzek s’est retrouvé numéro un des ventes dans son propre pays. Plusieurs autres titres à succès suivront dont LE BRISEUR D’ÂMES et L’INCISEUR sans compter une percée au cinéma avec THE CHILD.

Suggestion de lecture : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de Tom Noti

FITZEK AU CINÉMA

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 25 mai 2019

LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST

Commentaire sur le livre de
CLAIRE NORTH

 *La mort…peut être obtenue de deux façons. Je ne parle pas de la mort fastidieuse que notre corps nous force à endurer à la fin de chacune de nos vies…je parle de la mort véritable…sa première forme, c’est l’oubli. On efface l’intégralité de votre mémoire…ce qui, pour nous, équivaut à une mort véritable. L’ardoise ainsi effacée, vous pouvez redevenir pur et innocent. * (Extrait : LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST, Claire North, Delpierre éditeur, 2014. Édition numérique, 320 pages.)  

Harry August se retrouve sur son lit de mort. Une fois de plus. Chaque fois qu’Harry décède, il naît de nouveau, au lieu et à la date exacte auxquels il est venu au monde la première fois, possédant tous les souvenirs de ses vies antérieures. Il sait seulement qu’il y en a d’autres comme lui. Alors qu’Harry arrive à la fin de sa onzième vie, une petite fille apparaît à son chevet et lui livre un message à transmettre d’enfant à adultes à travers des générations depuis mille ans dans le futur. Le message dit : « Le monde se meurt et nous ne pouvons rien y faire. À vous de jouer. » Reste à savoir comment Harry August essaiera de sauver un passé qu’il ne peut changer et un futur qu’il ne peut accepter. 

TANT ET TANT DE VIES
TANT ET TANT DE TEMPS
*C’est bizarre de savoir que tous ces gens
se connaissent depuis plusieurs siècles
alors qu’à mes yeux ils sont encore des
étrangers.*
(Extrait : LES QUINZE PREMIÈRES VIES
D’HARRY AUGUST)

L’histoire est un peu complexe mais le fil conducteur est riche et solide. Ça m’a permis de rester dans le coup et de découvrir avec plaisir les talents d’une auteure que je ne connaissais pas : Claire North. Il faut bien saisir le début de l’histoire et la situation d’Harry pour apprécier à sa juste valeur le reste du récit et en arriver à se poser la question qui porte un peu à réfléchir : Qu’est-ce que j’aurais fait à la place d’Harry.

Donc il faut savoir qu’Harry est né orphelin, qu’il a vécu, qu’il est mort, qu’il est né de nouveau au même endroit et dans les mêmes circonstances, avec les souvenirs demeurés intacts de sa vie antérieure. C’est un Kalachakras. Et en plus, il est mnémonique. Ceux qui n’ont pas ce don, le commun des mortels autrement dit, sont des linéaires…linéaire comme le temps.

Il est porteur d’un message transmis d’enfant à vieillard mourant : *J’ai besoin de faire remonter un message dans le temps…comme vous avez l’obligeance d’être en train de mourir, je vous demande de le transmettre aux Cercles de votre jeunesse, de la même façon qu’il m’a été transmis.* (Extrait)

Ce n’est pas un secret, ce message révèle que la fin du monde approche. Ça m’a semblé logique, car dans l’histoire, le futur est en train de changer dramatiquement.

Harry consomme ses vies en poursuivant ceux de son espèce qui sont susceptibles d’altérer l’histoire en introduisant à l’avance divers éléments et inventions pour lesquels la société n’est pas préparée.

Il poursuit en particulier Vincent Ramkis qui projette la création d’un miroir quantique qui permettrait aux hommes d’avoir réponse à toutes les questions existentielles et qui permettrait de percer les mystères de l’univers avec les yeux de Dieu et ce faisant, introduit des technologies très en avance sur le temps.

Cette histoire me rappelle à certains égards le livre de Ken Grimwood REPLAY (Éditions du Seuil, 1998). Si vous avez lu ce livre, vous vous rappellerez que Jeff Winston est mort dans son bureau d’une crise cardiaque en 1988. Il se retrouve en 1963 à 18 ans dans son ancienne chambre d’Université. L’histoire est quand même différente mais ça fait une lecture parallèle très intéressante.

J’ai trouvé cette histoire très originale même si les sauts dans le temps et les paradoxes temporels sont des thèmes chers à la littérature, il en est question entre autres dans deux livres que j’ai commentés sur ce site : LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson et LE TEMPS PARALYSÉ de Dean Koontz.

Dans le livre LES QUINZE PREMIÈRES VIES D’HARRY AUGUST, vous pourrez lire en particulier un intéressant dialogue sur les paradoxes temporels et leurs effets. Original aussi ce livre, parce que la vie d’Harry August étant une boucle temporelle, il a autant de vies que de regards critiques sur le XXe siècle et il y a beaucoup d’observations pertinentes.

Si ma vie était une boucle temporelle, je vivrais aisément sachant d’avance les numéros gagnants de loterie. Dans le livre de North cet aspect est exploité avec modération, August allant chercher juste ce qu’il lui faut. L’auteure n’est pas tombée dans le piège de la surexploitation qui est parfois si tentant. C’est un autre bon point.

Il y a quelques faiblesses : des longueurs, des bouts de dialogues nombreux qui n’apportent rien au récit. Et à peu près rien sur l’enfance d’Harry. Ça c’est dommage et ça fait que pour moi, le livre est incomplet. Il aurait en effet été très intéressant de savoir comment Harry vivait son enfance et son adolescence au fil de ses vies. Tout ce que j’ai cru comprendre est qu’il trouvait cette partie de ses vies ennuyantes à mourir et dépourvues d’intérêt. Enfin, il y a des sauts dans le temps.

Il faut être attentif malgré la solidité du fil conducteur. Ce livre est comme une longue lettre à saveur autobiographique ou un journal si vous préférez. Harry en est le narrateur et dans son récit, il peut passer d’une vie à l’autre pour illustrer ses comparatifs. Un peu mêlant par bouts…

Sans être un chef d’œuvre, c’est une histoire réussie et un bon roman. Il pousse à l’introspection et au questionnement. Comme je l’ai mentionné au début de ce texte, on peut se demander entre autres qu’est-ce qu’on ferait à la place d’Harry et puis comment gèrerait-on une vie éternelle surtout en sachant que le futur agonise.

Même si l’avenir était prometteur, seriez-vous volontaire pour une vie éternelle ? La plume consistante et un peu énigmatique de Claire North a de quoi alimenter votre réflexion.

Malgré les longueurs et l’aspect complexe de l’œuvre, j’ai apprécié ce roman et oui… ce n’est pas vraiment un coup de cœur, mais je crois que c’est une réussite.

 LECTURE PARALLÈLE SUGGÉRÉE : ANABIOSE, de Claudine Dumont

+

Claire North, de son vrai nom Catherine Webb est une écrivaine anglaise né en 1986. Elle a aussi écrit sous le pseudonyme de Kate Griffin. Élevée entre une mère auteure et un père éditeur, on peut comprendre que Catherine Webb soit devenue très tôt une passionnée de lecture, puis de l’écriture.

Elle n’avait que 14 ans quand elle a complété l’écriture de son premier roman en 2000 LA GUERRE DES RÊVES publié en 2002. Elle s’est spécialisée très tôt dans la littérature de science-fiction et de fantasy. LES QUINZE PREMIÈRE VIE D’HARRY AUGUST et son treizième ouvrage, récipiendaire du prix John Wood Campbell memorial en 2015.

BONNE LECTURE
JAILU/CLAUDE LAMBERT
Le dimanche 5 mai 2019

LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1

LE BALLET DES OMBRES

Commentaire sur le livre de
MARIKA GALLMAN

*Je m’avançai jusqu’à la table du salon, les
genoux tremblants. Là, je m’arrêtai, retournai
l’enveloppe dans tous les sens, pris une
profonde respiration et l’ouvris. Mes pires
cauchemars devinrent réalité lorsque je sortis
une série de photos.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1, LE
BALLET DES OMBRES, Marika Gallman, Éditions
Bragelonne,  2015, édition de papier, 475 pages)

Cette première chronique d’Hallow nous raconte l’histoire d’Aby, une jeune fille qui a le don extraordinaire d’absorber l’énergie des gens qui l’entourent. Toutefois, c’est un don qu’elle connait assez mal. Elle ne s’en sert que pour dévaliser des œuvres d’art. Mais sa vie va basculer le jour où elle se rendra compte que son dernier cambriolage était un piège, que son maître-chanteur n’a rien d’humain et qu’en plus, le policier qui la traque est immunisé contre son don. Si Aby veut survivre à cet épisode infernal, elle doit savoir qui sont ces hommes.  Cette rencontre avec le policier va la propulser dans un monde étrange : Hallow, où même les ombres peuvent tuer.

L’HÉRITIÈRE DE L’OMBRE
*Une fraction des enfants D’Ordre et Chaos, énergie pure
habitant des créatures vivantes, a créé vos ancêtres, une
«anti-énergie»…avec lesquels ils se sont reproduits pour
mettre au point votre race, une espèce capable de

suspendre l’énergie, ainsi que de l’absorber. De la
maîtriser. Lorsque la paix s’est instaurée entre les deux
factions qu’étaient devenues les enfants d’Ordre et
Chaos, vos ancêtres ont pris le rôle de garde du corps

des êtres supérieurs afin d’éviter qu’un côté n’essaie
de prendre le dessus sur l’autre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1, LE BALLET DES OMBRES)

C’est un bon livre et je crois qu’il ouvre la voie à une série prometteuse. L’histoire est celle d’Abby, jeune femme de trente ans, voleuse professionnelle, experte en particulier dans le vol des œuvres d’art. Abby a un autre don encore plus extraordinaire : elle peut absorber l’énergie des gens qui l’entourent. Il suffit qu’elle se concentre un peu et hop, tout le monde tombe dans les pommes quelques minutes.

Très pratique pour braquer une galerie d’art. Mais son dernier vol a les apparences d’un piège. En effet, en toute ignorance, Abby tente de voler le portefeuille d’un policier…immunisé contre le don d’Abby. À partir de ce moment, un lien particulier unit maintenant le policier Wally et Abby dont les pouvoirs se détraquent. Les deux empruntent maintenant un chemin qui les mènera du côté obscur de Hallow où ils seront en présence de deux forces obscures qui s’opposent.

J’ai beaucoup aimé cette histoire. L’héroïne, Abby est une jeune femme courageuse, sympathique, très humaine, en plus d’être dotée d’un beau sens de la famille. Et surtout, elle connait son pouvoir et le craint parce que d’une certaine façon elle a la capacité de commander à l’énergie, mystère universel dont elle a une notion bien précise :

*Nous absorbions l’énergie, parfois de manière drastique, mais comme on dit : «Rien ne se perd rien ne se crée, tout se transforme.» Le surplus ne reste pas dans nos corps. Il s’évacue lentement, s’échange entre humains, animaux, plantes et même avec certains objets…Quand quelqu’un meurt par exemple, son énergie ne disparaît pas. Elle se diffuse progressivement.

Elle imprègne parfois les murs de la pièce où la personne se trouvait, ou quelque chose qu’elle touchait. L’énergie a une inclination naturelle à retourner dans un hôte vivant, mais, en cas de décès violent, elle peut se retrouvée traumatisée…et se fixer dans un objet inanimé. C’est souvent pour ça que les gens parlent de maison hantée…* (Extrait)

Dans LE BALLET DES OMBRES, il y a de la place pour tout ce qui fait la beauté de la littérature de type *urban fantasy* : une héroïne attachante et empathique au point qu’on aimerait l’avoir comme amie, il y a aussi de l’humour, du mystère, de la magie. Dans le troisième tiers du livre, l’atmosphère, le non-dit, l’aura redoutable de deux sombres personnages : Smith et McCucheon.

Tout ça me rappelle un peu le fameux comic strip policier américain DICK TRACY créé par Chester Gould en 1931. Bien sûr dans le Ballet des ombres, les visages ne sont pas déformés. La comparaison touche surtout l’atmosphère qui est glauque, obscure, mystérieuse et surtout surnaturelle.

La série ne fait que débuter. Il sera intéressant de voir quelle voie empruntera le prochain tome…par exemple que deviennent Smith et McCucheon, jusqu’où ira cet amusant petit jeu de séduction entre Wally et Abby et qui me rappelle la tague de mon enfance, quel sera le destin d’Abby? Quelles forces obscures pourraient encore se trouver sur son chemin? Je pense que la série promet.

En terminant je veux mentionner que j’ai été séduit par la beauté de l’écriture. J’y ai vu beaucoup d’inspiration, d’imagination, une recherche sérieuse de vocabulaire dans des constructions de phrases soignées et qui ont parfois une connotation sensuelle :

*L’énergie est en constant développement. Elle ne reste pas à un endroit donné, elle coule. Comme un torrent de montagne qui rejoint une rivière, puis l’océan, et sera ensuite charrié sous forme de nuage pour pleuvoir sur de nouveaux horizons. *  (Extrait)

Je suis sûr que vous apprécierez ce roman au rythme élevé et aux personnages attachants. Avec LE BALLET DES OMBRES, je crois que l’auteure Marika Gallman s’est donné un très bel élan pour sa série LES CHRONIQUES DE HALLOW. À suivre…

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Marika Gallman est une auteure suisse née en 1983. Collectionneuse acharnée de post-it et de personnalités multiples, elle rate de peu une carrière de scénariste à Hollywood en écrivant, alors qu’elle n’avait que douze ans, le scénario d’un Indiana Jones 4 qui ne sera finalement pas retenu.

Elle se console devant ses séries préférées dont elle rejoue les scènes culte chaque nuit à voix haute dans son sommeil, quand elle ne se relève pas en douce pour regarder des films d’horreur. Attirée par les ambiances sombres et les hommes aux dents pointues, elle se lance dans l’écriture de son premier roman, RAGE DE DENTS en 2009, donnant naissance à série MAEVE REGAN.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 14 avril 2019