LES DAMES DU LAC & LES BRUMES D’AVALON

Le Cycle d’Avalon 1 & 2, version audio

Commentaire sur le livre de
Marion Zimmer BRADLEY

*Cette histoire doit être racontée telle qu’elle se
déroula vraiment, avant que les prêtres du Christ
blanc ne l’efface pour toujours avec leurs saints
et leurs légendes*.
(Extrait : LE CYCLE D’AVALON, livres 1 et 2, LES DAMES
DU LAC & LES BRUMES D’AVALON, de Marion Zimmer
Bradley, version audio, Audible studio éditeur, 2019, durée
d’écoute : 25 heures et 32 minutes. Narratrice : Bénédicte
Charton.)

Quand Viviane, prêtresse d’Avalon, arrive accompagnée du grand sage Merlin, Ygerne, femme du duc de Tintagel, ne peut contenir la joie de revoir sa sœur. Mais elle est de courte durée. La Dame du Lac lui annonce sa prochaine grossesse – fruit d’une union avec un autre homme – et le destin de l’enfant qu’elle portera : futur Haut Roi de Grande Bretagne, il unira et protégera les peuples présents sur ses terres ainsi que leurs croyances contre les assauts des envahisseurs.

Consciente de ne pouvoir échapper aux forces d’un inéluctable destin, Ygerne se soumet à la volonté de la Déesse… Mais dans un monde où chacun défend son Dieu et où temps anciens et modernes s’affrontent, la paix entre tous ne pourra régner qu’au prix de nombreux sacrifices.

La grandeur d’Arthur
*Guenièvre, surmontant sa fatigue déclara d’une voix
ferme à ses hôtes : <dans le plus grand chariot de
notre convoi, se trouve une immense table ronde.
C’est le cadeau de mariage de mon père au roi. Prise
de guerre très ancienne et de grande valeur, elle vient
D’Irlande. Prenez-en très grand soin messire. > *
(Extrait)

C’est un ouvrage qui s’ajoute à une imposante bibliothèque essentiellement consacrée au cycle arthurien. J’ai lu plusieurs des livres consacrés au Haut-Roi Arthur et à la Table Ronde, le meilleur, à mon avis, étant LE CYLE DU GRAAL de Jean Markale. Le livre que je viens d’écouter est sans doute le plus sombre des récits du cycle arthurien portés à mon attention et pour cette raison, j’ai été un peu déçu.

La hardiesse, le courage, les prouesses, les quêtes audacieuses et la chevalerie ont été mis de côté au profit des intrigues de cour, complots, trahison, infidélité, amours illégitimes, triangle amoureux, inceste et manœuvres politiques. Il y a un net déséquilibre entre les périls qui menacent le royaume de Bretagne et les aspects fiers et merveilleux de la Chevalerie.

On y apprend ce qu’on sait déjà : d’abord Guenièvre, symbole très actuel je dirais d’intolérance religieuse, précipitera la chute du royaume. Elle causera autant de tort que la légendaire Hélène de TROIE évoquée par Homère. On apprend surtout, encore là comme nous l’a appris Homère, que lorsqu’on cesse de croire aux Dieux, ils n’existent plus. Ça, c’est l’aspect le plus intéressant de ce récit en deux volets de Marion Zimmer-Bradley.

Dans ce livre, on voit comment la grande déesse d’Avalon, symbole intransigeant d’équilibre religieux disparaît graduellement au profit du Dieu unique des Chrétiens. C’est une force du livre exploitée très graduellement et avec une grande justesse et qui justifie amplement le titre du deuxième tome. Pour le reste, peut-être suis-je trop imprégné de l’œuvre de Markale, mais j’ai été déçu.

La Table Ronde m’a semblé occultée, Il me semble aussi que Merlin avait un rôle plutôt secondaire. La haine de Mordred pour Arthur s’est manifestée comme un diable sorti d’une boîte. Pas beaucoup de détails non plus sur la quête du Graal. Peu ou pas de détails sur la guerre évoquée à la fin du cycle et la bataille entre Arthur et son fils a été carrément bâclée. Bref, la fin est manquante, ce que je n’ai jamais vu dans aucune version écrite.

Dans l’ensemble, c’est bien écrit mais l’histoire est sous-développée. Avant d’entreprendre l’audition du livre, il faut se rappeler que la légende arthurienne a été revisitée donnant un rôle accru à l’île mythique d’Avalon, aussi inutile que nuisible dans le développement de la Bretagne, ainsi qu’aux intrigues et manigances de cour. Ce choix a malheureusement mis de côté le caractère féérique, majestueux et merveilleux du cycle arthurien avec ses valeureux chevaliers portés à la défense des opprimés et du bon droit. Ce n’est pas mauvais en soi.

Que le livre soit porté surtout sur la politique, les exactions et la stupidité religieuse pourrait rejoindre une grande quantité de lecteurs et d’auditeurs et j’en profite pour mentionner ici que, sans être un chef d’œuvre, la performance narrative de Bénédicte Charton est fort satisfaisante. Je suis déçu du manque d’équilibre dans le récit. Au moins j’ai beaucoup apprécié le développement et l’évolution de la transition religieuse.

Suggestion de lecture : LE CERCLE DE DANTE, de Matthew Pearl

Marion Zimmer Bradley est née en 1930 dans l’État de New York. À dix-huit ans, elle remporte un prix décerné chaque année en Amérique à l’auteur de la meilleure nouvelle. Elle a publié de nombreux ouvrages de science-fiction mais c’est avec ses romans historiques, best-sellers internationaux racontant la merveilleuse légende du Graal, qu’elle est devenue célèbre dans le monde entier. Cette légende fait d’ailleurs l’objet d’une abondante littérature. J’ai déjà commenté sur ce site le Cycle du graal d’après Jean Markale. Pour lire ce commentaire, cliquez ici.  Pour en savoir plus sur la carrière et la bibliographie de Marion Zimmer Bradley, cliquez ici.


La narratrice Bénédicte Charton, comédienne de théâtre
passionnée par la lecture sur scène.

Bonne écoute
Claude Lambert
janvier 2021

DEPUIS L’AU-DELÀ, le livre de Bernard Werber

*…l’âme errante du baron remarque l’âme errante de l’écrivain. < Touriste ? Demande-t-il ? -Heu…oui en quelque sorte. Je suis décédé ce matin. -Vraiment ? Alors préparez-vous à beaucoup de surprises. *
(Extrait : DEPUIS L’AU-DELÀ, Bernard Werber, éditeur original : Albin Michel, 2017, papier, 448 p. Version audio : Audible, décembre 2017, narratrice : Carine Obin, durée d’écoute : 13 heures 16 minutes)

Je me nomme Gabriel Wells.
Je suis écrivain de romans à suspense. Ma nouvelle enquête est un peu particulière car elle concerne le meurtre de quelqu’un que je connais personnellement : Moi-même.
J’ai été tué dans la nuit et je me demande bien par qui. Pour résoudre cette énigme j’ai eu la chance de rencontrer Lucy Filipini. En tant que médium professionnelle, elle parle tous les jours aux âmes des défunts. Et c’est ensemble, elle dans le monde matériel, moi dans le monde invisible, que nous allons tenter de percer le mystère de ma mort.

Un esprit à la rescousse
*…<j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Vous
préférez que je commence par laquelle ? – La bonne.
répond Gabriel, passablement irrité. – Je vous ai
menti. Vous n’êtes pas malade. -C’est déjà ça. Et la
mauvaise alors ? -La mauvaise, c’est queeee…vous
êtes mort. *

Voici l’histoire de Gabriel Wells, écrivain, petit neveu d’Edmond Wells qui signe l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu imaginé par Werber et qui est récurrente dans son œuvre, des extraits de l’encyclopédie faisant office d’introduction de plusieurs chapitres.

Une nuit, Gabriel se couche, s’endort et ne se réveillera jamais, ou plutôt si, mais dans l’autre monde, devenu âme errante. De chez les vivants, une médium qui vient à sa rencontre, Lucie Filippini, apprend à Wells qu’il est mort. Ce dernier finit par comprendre qu’il a été assassiné, empoisonné. C’est dit. Wells n’aura de paix que lorsqu’il découvrira qui l’a tué.

Débute alors une enquête complexe menée par le plus improbable des duos d’enquêteurs : une vivante qui communique avec les morts aussi aisément qu’avec des amis qui boivent un verre dans un bar, et un mort, fantôme, âme errante qui ira de surprise en surprise jusqu’à ce qu’il découvre que son assassin est le personnage le plus improbable qui soit.

Vous reconnaîtrez aisément la signature de Werber. Si vous avez lu LA TRILOGIE DES FOURMIS, vous vous demanderez peut-être dans quel monde vous avez atterri. L’après-vie imaginé par Werber rappelle une énorme machine administrée par des fonctionnaires. Je souhaitais au moins un brin d’originalité comme dans les THANATONAUTES ou une certaine essence dramatique comme dans le PAPILLON DES ÉTOILES mais j’ai été déçu.

Werber a misé sur la spontanéité allant jusqu’à exploiter l’écriture automatique, ce qui a donné un récit sans style, une histoire abracadabrante, tirée par les cheveux, sans direction, sans matière à réflexion avec peu ou pas d’essence philosophique et une finale fabulée et sans saveur. À la rigueur, c’est délirant, au pire, ennuyant.

L’ouvrage a quand même des points forts. Je pense à son humour…parfois lourd, parfois noir… : *Le monde est ironique. Je suis mort au moment même où j’avais décidé de rester en vie le plus longtemps possible…* (Extrait) parfois de nature à alléger un peu le texte… : *Cela fait partie des petits inconvénients d’être mort, on ne peut pas demander d’autographes aux célébrités qu’on rencontre dans l’au-delà. (Extrait)

Autre élément encore plus intéressant, l’histoire est développée dans l’univers des écrivains et de la littérature. Werber ne se gêne pas pour faire la promotion du livre en disant, par la bouche d’un de ses personnages que TOUTES les littératures sont dignes d’être défendues en partant du principe qu’aucun livre n’est foncièrement mauvais surtout si on applique un juste rapport de forces et de faiblesses. Ce n’est pas pour me déplaire.

Pour terminer, j’ai beaucoup aimé le clin d’œil fait par l’auteur à ces critiques littéraires tout droit sortis de la cuisse de Jupiter, pontifiants et imbus et qui oublient que le public a le dernier mot. Par exemple, les critiques en général ont plutôt levé le nez sur l’œuvre de Werber. Pourtant, Werber est un des auteurs français les plus lus dans le monde.

Il y a une petite odeur de règlement de compte mais quand-même, Bernard Werber continue de s’interroger sur les mystères de la mort et le don de médiumnité mais il le fait dans DEPUIS-L’AU-DELÀ avec une telle légèreté que ça frôle la dérision. Il y a quelques trouvailles, une suite dans les idées mais peu de profondeur et des personnages pas très fouillés. Le livre n’est pas sans qualité mais Werber a montré qu’il pouvait faire beaucoup mieux. Quant à la version audio, j’ai trouvé la narration de Karine Obin,  ennuyante et soporifique. Rien pour mettre le récit en valeur.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Bernard Werber fait ses premières armes dans un journal de Cambrai aux rubriques en tout genre, avant de gagner le prix de la fondation News du meilleur jeune reporter qui lui permet de financer son premier vrai grand reportage. A son retour, il devient journaliste scientifique au Nouvel Observateur où il reste 7 ans. Son enquête sur les magnans va lui inspirer son premier roman, Les Fourmis, qui connaît dès sa sortie en 1991, un succès immédiat. Succès qui ira croissant au fur et à mesure de la parution de ses livres (près d’une vingtaine : romans, nouvelles, pièce de théâtre…). Les livres de Bernard Werber sont traduits dans une trentaine de langues.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

L’ASSASSIN QUI RÊVAIT D’UNE PLACE AU PARADIS

Commentaire sur le livre de
JONAS JONASSON

*Un bras cassé de temps en temps, ce
n’était pas si dramatique, surtout si son
propriétaire l’avait cherché et que cela
enrichissait aussi bien l’exécutant que
l’équipe de direction.*
(Extrait :
L’ASSASSIN QU RÊVAIT D’UNE PLACE
AU PARADIS, Jonas Jonasson, Presses
de la cité/Pocket éditeurs, 2015. Édition de
papier, 350 pages.)

Après trente ans de prison, Johan Andersson, alias Dédé le Meurtrier, est enfin libre. Mais ses vieux démons le rattrapent vite : il s’associe à Per Persson, réceptionniste sans le sou, et à Johanna Kjellander, pasteure défroquée, pour monter une agence de châtiments corporels. Des criminels ont besoin d’un homme de main ? Dédé accourt ! Per et Johanna, eux, amassent les billets. Alors le jour où Dédé découvre la Bible et renonce à la violence, ses deux acolytes décident de prendre les choses en main et de le détourner du droit chemin…Après son *vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire*, c’est à un malfrat repenti que Jonas Jonasson donne une seconde chance.

Que sa volonté soit faite !
*-Eh bien voilà ma douce…, se lança-t-il. On s’est
plutôt bien débrouillés dans l’ensemble, tu ne
trouves pas ? –Tu dis ça parce que les gens qui
se dressaient sur notre chemin sont à présent
soit mort, soit en prison, tandis que nous trinquons
au champagne ? *
(Extrait)

Voici un livre que j’ai terminé pour une raison simple : je termine toujours les livres que je commente, question de respect pour les lecteurs et l’auteur. Et même dans les cas où je ne commente pas, je vous dirai que je n’ai pas trouvé souvent un livre pénible à ce point. Mais d’abord, voyons la trame.

Sorti de prison Dédé le meurtrier, qui porte bien son nom, s’associe à un réceptionniste appelé Per Persson, un personnage insignifiant, comme son nom d’ailleurs, et à Johanna Kjellender, une pasteure défroquée qui interprète la bible de façon à ce que ça l’arrange. Ensemble, ils vont créer une petite entreprise appelée à devenir rentable, le principal service fourni étant de casser bras, doigts et jambes, bref, passer des gens à tabac sur demande.

Un jour, un peu comme Saint-Paul, Dédé le meurtrier trouve la lumière et entreprend une nouvelle quête…trouver la rédemption et espérer une place au ciel grâce à la générosité…une générosité qui garnira avantageusement bien sûr les poches du trio : *L’église d’André deviendrait un haut lieu de la générosité avec Jésus en otage, et Dieu dans le rôle du Père Fouettard pour les plus avares de la paroisse. * (Extrait)

Le livre n’est pas foncièrement mauvais. Il a des forces. Entre autres, une forme d’humour très spontané. Personne ne va éclater de rire mais ça devrait arracher des sourires ce qui confère au livre le titre de divertissement moyen. Si vous pouvez vous arracher à la première partie du volume qui me rappelle un peu la longue traînée d’une robe de mariée de la cour royale, vous trouverez dans la seconde partie un certain effort de raffinement dans les dialogues et quelques idées intéressantes.

Par exemple, le passage ou notre trio de filous mercantiles transforme leur entreprise en tournée du Père Noël est le plus beau, je pense du volume. Il confirme d’ailleurs le vieil adage : donnez et vous recevrez au centuple. Croyez bien que c’est pris au pied de la lettre par notre trio de fripouilles.

Attendez-vous à nager dans l’absurde du début à la fin… * Il devait donc l’éloigner de Dieu, du Christ et de la Bible, ce trio qui avait une si mauvaise influence sur lui, pour le ramener à sa trinité habituelle : la bibine, le bistrot et la bringue. * (extrait)

J’ai eu beaucoup de difficulté à embarquer dans l’histoire…l’intérêt n’y était pas entre autres parce que la violence y est banalisée et ensuite parce que les personnages sont très peu sympathiques dont Per Personn qui n’est pas loin d’être nul.  Ces personnages sont sans profondeur, peu développés sur le plan psychologique et il été impossible pour moi de s’y attacher sauf peut-être, petite exception, le sacristain de l’église dont dédé veut prendre les destinées Börje Ekman.

Ekman est un personnage routinier et droit qui aurait pu être la conscience du trio mais qui, malheureusement arrive trop tard dans le récit et son passage pourrait être bref. En général, on dit que le ridicule ne tue pas, mais je suis plus aussi sûr. Allez simplement voire plus haut la page couverture avec un homme pourvu d’ailes d’ange et muni d’une batte de baseball. Parfaite illustration d’un ensemble déjanté et peu crédible.

Parce que j’avais aimé *LE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS FÊTER SON ANNIVERSAIRE du même auteur, je m’attendais ici au moins à de l’aussi bon. Non, vraiment, ce n’est pas un livre qui va passer à l’histoire.

Suggestion de lecture : MEURTRES POUR RÉDEMPTION, de Karine Giébel

Jonas Jonasson est né en Suède en 1961. Son premier roman, LE VIEUX QUI NE VOULAIT PAS FÊTER SON ANNIVERSAIRE, paru en France en 2011 aux Presses de la Cité est un best-seller international. Il a été acheté par 35 pays et a été adapté au cinéma par Félix Herngren. Après l’analphabète qui savait compter, (Presses de la Cité, 2013) Jonas Jonasson a publié en 2016 L’ASSASSIN QUI RÊVAIT D’UNE PLACE AU PARADIS, chez le même éditeur.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 19 février 2023

DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

*…Ici, tout est clean…pas de zombie, pas de cadavres
à tous les coins de rue, juste des gens…des vrais…*
(Extrait : DERNIÈRE TERRE, LE PILOTE, Clément Rivière,
production celestory studio, captation Audible éditeur.
Narration multiple, durée d’écoute : 4 heures 10 minutes).

Au cœur d’une France envahie par les zombies, Dernière Terre raconte le voyage insolite de quatre jeunes prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre. Thomas, David, Laura et la petite Sophie vont côtoyer une série d’univers aussi bien mystique, surnaturel que médiéval. Pour traverser la Manche, notre quatuor de bras cassés va ainsi croiser une galerie de survivants aussi terrifiants qu’excentriques.

Chaque étape de l’aventure permet de comprendre les origines de l’infection et le rôle primordial que les quatre personnages vont devoir tenir. Auront-ils assez de courage, de culot et d’inconscience pour parvenir à sauver l’Europe ? DERNIÈRE TERRE est un road movie burlesque et… particulièrement sanglant ! Avec, dans les rôles principaux : Donald Reignoux, Pierre Lacombe, Audrey Pirault & Mathilde Cerf.

Aventure incongrue
D’un quatuor déjanté
*Si on déterre quelques corps, et ben on peut
les attirer par l’odeur. Une fois massés à
L’intérieur, y’a plus qu’à tout faire péter…*
(Extrait)

Au-delà d’un possible cafouillage scientifique, au départ, il ne faut pas chercher à comprendre. Nous sommes dans une époque du futur où la France est entièrement parasitée par des morts vivants: des zombies. Au cœur de cet enfer, quatre jeunes personnes tentent de gagner l’Angleterre qui, apparemment, n’est pas touchée par cette tragédie.

Il y a Thomas, David et Laura et une petite fille qu’ils amènent in-extrémis : Sophie, 10 ans. Cette petite a un don particulier, elle ne se fait pas mordre, n’a pas peur des zombies et peut communiquer avec eux. Elle leur est tellement sympathique qu’elle est enlevée et enfermée dans le château de Vincennes avec des zombies à qui elle raconte des tas d’histoires. Reste à savoir qui est vraiment Sophie, d’où vient-elle ? Pourquoi et comment résiste-t-elle aux zombies. Pourrait-elle être la source d’un précieux vaccin?

C’est une série époustouflante qui, même avec un côté gore, parodie les histoires de zombies. Les passages humoristiques ne manquent pas. Les dialogues sont pétillants. Et la petite Sophie jouée par Mathilde Serre est particulièrement brillante même si sa petite voix aigüe peut parfois devenir énervante. La distribution est excellente.

Pour ce qui est de l’histoire, elle n’a pas ce que j’appellerais le prix de l’originalité…du réchauffé auquel on a ajouté de la fraîcheur: des bruitages et des effets spéciaux parfois saisissants, des dialogues parfois dynamiques et souvent burlesques.

Le scénario qui a un petit quelque chose de médiéval, serait digne d’un film et ce qui m’a particulièrement plu, ce sont des trouvailles intéressantes dont plusieurs sont rattachées à l’actualité européenne, des passages qui évoquent cette vieille rivalité entre la France et l’Angleterre.

Autre exemple : lorsqu’ils recherchent un zombie géant caché sous les combles de la bibliothèque nationale de Paris, Lara, David et Thomas tombent sur des *gilets jaunes* perdus depuis des mois dans ces sous-sols, pas du tout au courant de la *zombisation* de la France.

[Laura] : ………..Qui êtes-vous ?
[Inconnu] :. ……Euh… Vous pouvez baisser votre arme ? Euh… Moi, c’est Marc et voilà ma femme, Diane.
[Sir William] :…. Vous cherchez le Némésis ?
[Marc] : …………Euh… non. Nous on cherche la sortie.
[Diane] : ………..On sait pas ce que c’est votre truc de psoriasis
[Bérenice] : ……NE ME SIS
[Marc] : …………Eh ben nous on s’est perdu paumer dans les catacombes.
[Laura] : ………..Depuis quand ?
[Diane] : ………..Ah… euh… quelques mois…
[Laura] : ………..Quelques mois ?!!!
[Marc] : …………Peut-être plus… c’est mal indiqué aussi…
[Thomas] : ……..Pourquoi vous porter un gilet jaune ? Vous avez peur de vous faire renverser ?
[Diane] : ………..Mais non. Le gilet jaune c’est pour la manif.
[Marc] : …………Ben ouais voilà. On était venu manifester et quand les CRS ont chargés…
[Diane] : …………..Et pourtant on leur avait rien fait…
[Marc] : …………C’est vrai ça ! On avançait les bras en l’air…
[Diane] : … ……..et ils ont quand même tirés…
[Marc] : .. ……….comme quoi les Droits de l’Homme, ça ne leur créé pas des insomnies…

Voilà qui nous rapproche d’une actualité pas si ancienne et qui vient rafraîchir et stimuler un sujet élimé. J’ai adoré ça.

Parmi les petites faiblesses, appelons ça des irritants mineurs qui pourraient bien être voulus par les auteurs, car c’est évident que tout le monde a pris un plaisir fou à créer cette production, sans trop se prendre au sérieux et pourtant désireux de faire quelque chose de professionnel. Les dialogues sont déclamés et rappellent un peu le ton utilisé sur les planches d’un théâtre. Le tout est sensiblement caricatural, grossi, expressions souvent gonflées.

Le réalisme est dans l’ombre d’un jeu parfois exagéré. Par exemple, les sons produits par les zombies me rappellent ceux des cartoons. Ça m’a fait sourire mais au final, certains dialogues sont tellement tordus que j’ai carrément éclaté de rire. Dans cette création, l’horreur chevauche la comédie et l’humour souvent spontané n’est pas sans me rappeler FRANKESTEIN JUNIOR, célèbre comédie hilarante réalisée par Mel Brooks en 1974.

DERNIÈRE TERRE est en fin de compte un bon divertissement, très proche de la littérature jeunesse, une production de qualité, multisonore, essentiellement audio.

Suggestion de lecture : PASSEPEUR TRIO, de Richard Petit

Clement Rivière est scénariste et directeur artistique français. Il travaille sur des fictions interactives en format jeu vidéo, spectacle vivant et audio. Il est auteur, formateur en sciences de l’information et des bibliothèques, narrative designer.
En parallèle, il enseigne l’écriture et le théâtre dans plusieurs écoles en Europe.

À lire aussi, du même auteur

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 février 2023

LA MÉMOIRE DU LAC, de Joël Champetier

*Pour tuer avec une .22, il fallait viser à la tête ou au cœur.
Une balle ne suffirait probablement pas. Mes pensées
étaient lucides, froides comme de la glace. Pendant que
je remplissais le chargeur, je planifiais la suite des
évènements. *
(Extrait : LA MÉMOIRE DU LAC, Joël Champetier, à l’origine :
Alire éditeur, 2001, papier, 274 pages. Version audio : Audiible
studios éditeur : 2017, durée d’écoute : 7 heures 41 minutes,
         narration : Jonathan Morier)

Ville-Marie, petite ville sur les bords du lac Témiscamingue. Daniel Verrier vient de perdre ses deux enfants en bas âge, morts par noyade. Miné par le remords – il est en partie responsable de leur mort – , délaissé par sa femme et aux prises avec de graves problèmes psychologiques, dont une amnésie partielle, Verrier sombre lentement dans la folie. Mais est-ce bien la folie ou s’agit-il d’autre chose? Pourquoi le demeuré de la ville, Éric «la Poche» Massicotte, le poursuit-il sans relâche de son message sibyllin: «Daniel, le lac attend?» Et quel rapport y a-t-il entre ses malheurs et le charnier découvert dans les caves du manoir Bowman? Les réponses sont peut-être enfouies dans la mémoire de Verrier… ou au plus profond du lac Témiscamingue!

Un ménage d’épouvante et de fantastique
*un goût de bile au fond de la gorge, je me suis
approché de la camionnette. Elle ne bougeait plus.
Ça ne me rassurait pas vraiment. Je savais que
l’eau était profonde à cet endroit-là. La partie
arrière du véhicule ne pouvait être appuyée que
sur un étroit piton rocheux…*
(Extrait)

L’histoire est celle de Daniel Verrier, un homme malmené par la vie, suite au départ de sa femme, à la mort par noyade de ses deux enfants, emportés sous les glaces du lac Témiscamingue et, comme pompier volontaire, victime d’un accident alors qu’une tige de métal lui perce le crâne.

Alcoolique, partiellement amnésique et menacé par l’épilepsie, suivie par une psychiatre, Daniel est hanté par un message reçu de l’idiot du village : *Daniel, le lac attend*. Parallèlement, des policiers demandent à Verrier de collaborer avec eux, à titre d’historien, pour enquêter sur la découverte d’un charnier dans le manoir Bowman où on aurait pratiqué d’étranges rites amérindiens qui se rapprochent beaucoup de la sorcellerie.

Le récit devient alors un mélange de légendes, de fantastique, de sorcellerie et d’intrigue policière et il réactualise une vieille légende voulant qu’une créature démoniaque hante les profondeurs du lac Témiscamingue.

C’est un roman aussi sombre qu’intrigant car il tient l’auditeur dans une zone grise à savoir si Daniel Verrier sombre dans la folie ou encore s’il serait réellement victime du lac que ce soit pour des raisons paranormales ou pour des causes explicables. *Je suis resté longtemps immobile, le corps anesthésié, sauf à la tête, là où le pouls battait douloureusement. J’étais incapable d’agir car choisir une action aurait fait éclater l’illusion que cela ne pouvait être qu’un cauchemar. * (Extrait)

Ce roman m’a tenu en haleine à cause d’un personnage-clé qui m’a causé toute une surprise en cours de récit : Éric Massicote, appelé la Poche et aussi à cause d’un secret de jeunesse que Daniel dévoilera dans une surprenante confession.

C’est un roman bien construit. On sent que l’auteur a bien travaillé la psychologie de ses personnages. Daniel en particulier. L’intrigue devient rapidement addictive et emporte le lecteur/auditeur dans un mélange de genre équilibré : horreur, épouvante, violence, menace, intimidation, danger, légendes… la plume est très directe et je dois le dire, très efficace.

Version audio : Je n’ai pas vraiment été emballé par la narration de Jonathan Morier dont la voix transmet peu d’émotions. Le registre vocal est toutefois agréable et a tout de même réussi à m’envahir de l’atmosphère du récit qui est glauque et lourde. Pour ce qui est de l’histoire comme telle, j’aurais souhaité que l’auteur pousse un peu plus loin dans la terreur en particulier dans la finale qui manque de mordant. Mais c’est très personnel comme impression et peut-être secondaire au fond car j’ai réalisé après coup que ce moment d’audition a passé très vite et je l’ai finalement beaucoup apprécié.

Suggestion de lecture : NOIRE PROVIDENCE, de James Rollins

Né le 30 novembre 1957 à Lacorne (Abitibi), Joël Champetier écrivait depuis 1981. Il a à son actif seize livres touchant tant la science-fiction que le fantastique et la fantasy. Son premier roman fantastique, La Mémoire du lac, a mérité le Grand Prix 1995 de la science-fiction et du fantastique québécois et le prix Aurora du meilleur roman, alors que son second, La Peau blanche, a été adapté pour le cinéma par Daniel Roby.

Outre son travail d’écrivain et de scénariste, Joël Champetier a été le rédacteur en chef de la revue Solaris de 1999 jusqu’à ce qu’il soit emporté par la leucémie en 2015. En son hommage, un prix littéraire a vu le jour en 2016, le prix Joël-Champetier, récompensant les auteurs de nouvelles, non canadiens, francophones.

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 12 février 2023

DISTORSION, d’ÉMILE GAUTHIER et SÉBASTIEN LÉVESQUE

*Les affaires roulent à l’abri des regards de la police. Quel élément a donc pu mener les autorités à découvrir AlphaBay et à enquêter sur elle ? Une mort par overdose.

(Extrait : DISTORSION, Émile Gauthier, Sébastien Lévesque, ALEXANDRE CAZES_ L’ascension et la chute d’un québécois au cœur du dark web, 13 histoires étrangers de l’ère numérique Les Éditions de l’homme, 2019, édition de papier, 225 pages)

13 histoires étranges de l’ère numérique True crime, dark Web, conspiration, disparition, creepypasta, cyberintimidation et légendes urbaines à donner froid dans le dos… Distorsion est une baladodiffusion québécoise pour les amateurs d’histoires étranges. C’est maintenant aussi un livre fascinant qui réunit 13 récits ayant enflammé l’imagination des internautes. Les analystes ont extrait des arcanes de la Toile cinq histoires glauques, jamais diffusées sur les ondes, en plus de fournir huit compléments d’enquêtes inédits. Les lecteurs peuvent s’attendre à des frissons et quelques surprises.

LES TITRES :

  • Elisa Lam-La mort mystérieuse d’une canadienne à Los Angeles
  • Alexandre Cazes-L’ascension et la chute d’un québécois au cœur du dark web
  • La disparition de Maura Murray
  • John Lang-L’homme qui a prédit sa propre mort
  • La légende de Polybius
  • Jenelle Potter-Rechercher l’amitié à tout prix
  • Le Slender Man-Une distorsion de la réalité
  • Où se cache Xavier Dupont de Ligonnès ?
  • L’étrange voyage de Lars Mittank
  • Amanda Todd-Une erreur de jeunesse qui ne pardonne pas
  • *_9MOTHER9HORSE9EYES9*-Un récit terrifiant sur des expérimentations secrètes
  • Un téléphone intelligent témoin de meurtres en haute mer
  • Des post-it dans mon appartement

 

Les abysses du web
*Dans notre monde ultra-connecté, qui carbure
aux fausses nouvelles, il arrive souvent qu’un
drame magnifie une légende. *
(Extrait : LE SLEBDER MAN_UNE DISTORSION DE LA
RÉALITÉ du recueil DISTORSION)

Au départ, DISTORSION est un podcast adulé par des dizaines de milliers d’internautes. Le terme *podcast* est un anglicisme informatique qui est en fait un moyen de diffuser des fichiers audios et vidéos par internet. En français, on appelle ça la baladodiffusion. Au moyen d’un abonnement, la baladodiffusion permet aux utilisateurs, soit l’écoute immédiate ou encore le téléchargement de fichiers audios et vidéos à destination de baladeurs numériques.

DISTORSION a gagné rapidement en popularité parce qu’elle alimente en frissons les explorateurs du côté sombre de l’univers virtuel. Les analystes Émile Gauthier et Sébastien Lévesque ont recueilli une grande quantité de ces histoires et en ont sélectionné treize pour en faire un livre avec un titre qui lui va à ravir : DISTORSION, un titre qui laisse aussi à penser, avec raison que son contenu n’est pas recommandé aux âmes sensibles :

*L’internet regorge de légendes urbaines. Depuis la naissance des forums en ligne et des réseaux sociaux, les rumeurs se répandent comme des traînées de poudre, alimentées et amplifiées par les sites de fausses nouvelles à la recherche de clics* (Extrait) Malheureusement beaucoup des évènements rapportés sont vrais et il n’est pas toujours facile de séparer la fiction de la réalité.

DISTORSION regroupe 13 histoires étranges qui sont autant d’évènements propagés entre autres par YouTube : une mort mystérieuse, un québécois en perdition dans le dark web, incompréhensible disparition, un homme qui avait prédit sa propre mort sur sa page Facebook, un jeu vidéo mortellement addictif, une accro piégée dans Facebook, les creepypastas avec la genèse du terme *légende urbaine*, une histoire d’horreur,  un étrange voyage, une histoire de meurtre et d’anonymat, le piège immonde de la sextorsion, les expérimentations du LSD par la CIA sur des non-volontaires, une histoire de perte de mémoire et l’histoire la plus suffocante du recueil : une exécution live.

Deux de ces histoires m’ont touché plus que les autres, le genre d’histoire qui nous fait demander comment peut-on aller aussi bas. Dans la première qui concerne Amanda Todd. La jeune fille fait une grosse erreur en dévoilant sa poitrine sur Internet. Elle devient rapidement victime de sextorsion, une forme de chantage où l’abuseur menace de viraliser le contenu intime si elle ne luit fait pas un show complet. Une vilaine histoire, prenante qui conduit à un suicide.

Dans l’autre texte qui dévoile la genèse de Youtube, un vidéo fait le tour de la planète montrant des êtres humains en pleine mer se faire exécuter à la mitraillette par des assassins qui terminent leur horrible film par un joyeux selfie. C’est le genre d’histoire qui peut vous empêcher de dormir. Je vous en averti.

Les auteurs-analystes Émile Gauthier et Sébastien Lévesque ont colligé les textes et notes pour créer ce recueil et ils ont parsemé ce dernier de commentaires et d’annotations, certains individuels, d’autres co-écrits. C’est une incursion directe et froide dans les bas-fonds d’internet.

Il découle de l’ouvrage une certaine morbidité, une atmosphère malsaine. Il y a des moments où j’étais mal à l’aise et c’est sans doute normal car évoquer le dark web c’est mettre en perspective la noirceur de l’âme. Les auteurs frappent fort et juste, appuyés par les illustrations de Run qui sont également très froides mais qui contribuent à rendre attrayante la présentation globale de l’ouvrage.

Le livre n’est pas sans nous faire réfléchir sur l’utilisation inappropriée ou frauduleuse, extrêmement répandue d’internet, la cyberdépendance ou dépendance numérique ainsi que sur les natures parallèles des réseaux sociaux, créés d’abord pour nous rapprocher mais qui poussent finalement à l’individualisme et dans plusieurs cas à l’aliénation de la vie privée.

Je suis sorti de cette lecture un peu amer. Les auteurs n’y sont pour rien. Ils ont fait leur travail et je dois dire que c’est du bon boulot. Ils ont trouvé le ton juste c’est tout. J’ajoute à cela une belle ventilation des textes, une présentation aussi attrayante qu’intelligente. Malgré tout, je considère ce livre comme s’adressant à des lecteurs avertis.

Suggestion de lecture L RUMEURS ET LÉGENDES URBAINES, d’Albert Jack

Passionnés de technologies, Émile (à gauche) et Sébastien sont deux professionnels en communication et marketing numérique. Dans une autre vie, ils ont coanimé le podcast Haute-Résolution, diffusé pendant plusieurs années sur les ondes de XMSirius.  Émile a aussi été correspondant sur les ondes de Radio-Canada, alors que Sébastien est chroniqueur sur les ondes d’Énergie. Le soir venu, ils scrutent les bas-fonds d’Internet afin de dénicher des histoires obscures qui remettent en question notre rapport avec les technologies de l’information. Les deux animateurs ont visionné des heures de contenu étrange afin de vous présenter les histoires les plus glauques du web.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 11 février 2023

LA FIN DU MONDE A DU RETARD, de J.M. Erre

*Julius…regarda par l’œilleton, et ne vit personne. Il plaqua
son oreille sur la serrure, mais n’entendit rien. Dans l’état
présent de ses possibilités techniques, il enrageait de ne
pouvoir faire plus. Mais au fond, tout cela n’avait pas
d’importance, car dans quelques heures, Julius serait loin.
Tout était prêt pour le début de l’aventure. À commencer
par son évasion de la clinique Saint-Charles.*
(Extrait : LA FIN DU MONDE A DU RETARD. J.M. Erre, éditeur :
Buchet-Chastel, 2015, édition numérique, 330 pages)

Julius est interné dans un hôpital psychiatrique. Son amnésie partielle ne lui a laissé que peu de souvenirs, mais l’un d’eux est plus vif que les autres : l’organisation Tirésias a planifié la fin du monde pour dans quatre jours ! Mais Julius compte bien révéler leurs manigances au vu et au su de tous. Et pour cela il aura besoin d’alliés. Tout d’abord Alice, qui vit dans la chambre d’en face, amnésique (comme lui) après l’incident qui a interrompu son mariage… en tuant tous les autres convives ! Ensuite Ours, symbole du geek. Le trio va devoir se défaire des policiers qui tenteront de se mettre sur leur route.

*DÉCRET DE CHARLES : *
<Plus on est de fous, moins on rit>
*C’est quoi le plan ? Demanda Alice. -Je vais me fier à mon
instinct. L’instinct ne trompe pas les cœurs purs.
-C’est tiré du Seigneur des Anneaux ? Non, du Club des
Cinq aux sports d’hiver. Un petit blanc dans le dialogue
suivit cette référence culturelle ultrapointue*
(Extrait)

LA FIN DU MONDE A DU RETARD est un petit livre qui ne se prend pas au sérieux. Il suit la cavale de deux personnages très singuliers : Alice, jeune femme seule et malchanceuse dont la vie à basculé le jour de son mariage. *L’heureux* évènement a fait 262 morts, une seule survivante, Alice. Et Julius, un écrivain, doux paranoïaque convaincu de l’imminence de la fin du monde et décidé à prévenir et protéger l’humanité d’un sombre complot :

*Nous serons de la fête chère Alice et nous frapperons un grand coup. Dans cinq jours, le monde tel que vous le connaissez prendra fin. Et un monde nouveau naîtra ! * (Extrait) Ce complot international serait ourdi par une organisation appelée Tirésias qui non seulement mentirait sur la véritable nature de l’humanité mais traquerait certaines personnes pour les faire disparaître.

Étrangement, Tirésias est aussi le nom de l’éditeur de Julius. L’histoire raconte la quête de ce couple très spécial, une contre poursuite qui ira de rebondissements en revirements jusqu’à une surprenante conclusion qui *rappelle une certaine introduction*.

Imaginez maintenant que Julius est un écrivain qui n’a fait que mélanger la fiction et la réalité, que dans cette histoire, Julius joue son propre personnage, son histoire dans son histoire, le tout sur fond de complot international. C’est ce qu’on appelle en littérature une mise en abyme, généralement considérée comme un défi de taille car elle se prête à l’errance et au cafouillage.

Le commissaire Gaboriau, doit enquêter sur la disparition de deux patients qui s’évadent de l’institut psychiatrique et des évènements entourant l’Évènement. LA FIN DU MONDE A DU RETARD, c’est de l’humour en continu. Le burlesque s’échappe des personnages principaux eux-mêmes : Julius, éternel sniffeur de dosettes Nespresso et Alice la dulciné aimante privée d’émotions mais débordante de vitalité. Des personnages loufoques viendront s’ajouter dans la cavale nourrissant d’emblée le caractère burlesque du récit.

Il y a des formes d’humour qui viennent me chercher très rapidement. C’est le cas de l’humour spontané, généralement dépourvu de subtilité et qui me fait réagir au-delà du sourire : *Qu’est-ce que tu attends de moi ? Demanda le maître, agacé. -Je suis en lutte contre le mal ! Sur quelle console ? Playstation ou Xbox ? * (Extrait) C’est drôle, on rit. C’est aussi simple : *Comment on efface une mémoire ? Je vous le dis dès que je la retrouve. * (Extrait)

Jeux de mots, humour déjanté, des gags dignes du stand-up comique, l’auteur ne s’encombre pas de détours contraignants, créant de vigoureuses répliques à ses belligérants mais y va de ses petits clins d’œil personnels d’auteur : *La route était déserte, la forêt impénétrable. On ne voyait rien d’anormal puisqu’on ne voyait rien du tout : il faisait nuit noire. * (Extrait)

Est-ce que ce livre n’est QUE drôle ? Non je ne crois pas. L’humour est une excellente filière pour pousser à la réflexion et ce petit opus de J.M. Erre a quelque chose de philosophique. *À nous trois…nous allons détrôner nos oppresseurs, et surtout, nous allons réenchanter le monde…* (Extrait)

En fait LA FIN DU MONDE A DU RETARD évoque à la fois ce qui fait le malheur et la grandeur de l’être humain : sa capacité de se raconter des histoires, avec comme toile de fond la crainte la plus ancienne de l’histoire du monde : la fin du monde. J.M. Erre en a profité pour faire une petite exploration de l’esprit humain…il est tordu…parfois   dangereusement, souvent gentiment. C’est un livre loufoque qui ne peut que faire du bien.

Je ne le qualifierai pas de sérieux mais je dirai qu’il ne manque pas de profondeur car dès qu’il est question de l’être humain, la comédie fait souvent jonction avec la tragédie. Comme dirait un certain Obélix, ils sont fous ces humains.

Suggestion de lecture : LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE, de Douglas Adams

J.M. Erre est né en 1971 à Perpignan. Il a publié quatre romans aux éditions Buchet-Chastel : Prenez soin du chien (2006), Made in China (2008) Série Z (2010) et Le Mystère Sherlock (2012). Ses ouvrages sont une curiosité dans le paysage littéraire français : une narration au rythme soutenu et l’usage d’un humour frisant l’absurde en font toute la saveur. Le comique de langage y côtoie le comique de situation et provoque une avalanche de surprises et de rebondissements. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 5 février 2023

LE RESSAC DE L’ESPACE, de Philippe Curval

*Quel prix l’homme doit-il payer pour garder sa liberté?
Un monde de plénitude vaut-il la peine d’être vécu si on
ne peut y exercer son libre arbitre et son esprit critique?
Une apparence de bonheur et une vie de plaisir valent-
elles la peine de renoncer à son individualité ? Jusqu’à
collaborer avec l’envahisseur ? *
(Extrait : LE RESSAC DE L’ESPACE, Philippe Curval, à
l’origine, Hachette éditeur 1962, 244 pages. Pour la présente,
P. Curval, format numérique, 235 pages

Après une longue errance, le Txalq arrive finalement sur Terre. Sa quête est terminée ; il va pouvoir à nouveau se diviser par scissiparité et se multiplier. Les Txalqs sont un peuple parasite pour qui l’homme est un hôte parfait car ils peuvent les dominer sans peine. Naturellement les humains vont organiser la résistance, mais quelques hommes libérés de l’emprise mentale des extra-terrestres révèlent bientôt que la symbiose avec un Txalq apporte paix, harmonie et bonheur. C’est par milliers désormais qu’hommes et femmes se livrent joyeusement à la domination des parasites. Seule une poignée d’irréductibles tentent de préserver leur condition humaine. Une poignée contre toute une planète…

Les accords du cauchemar
(titre d’un chapitre de la troisième partie)
*Nous n’échangeâmes aucune parole, traumatisés que nous étions
par cette invraisemblable vision d’un monde nouveau auquel nous
voulions échapper de toutes nos forces. Aucun d’entre nous n’aurait
pu désavouer la pensée que je formulai à cette minute : nous devons
analyser ce qui nous incite à ne pas abdiquer notre dignité d’humain
pour nous intégrer à la civilisation harmonieuse que les Txalqs
établissent sur terre. C’est en en découvrant les raisons que nous
pourrons envisager la reconquête. *
(Extrait)

Forcés de quitter leur planète, des Txalqs errent dans l’espace jusqu’à ce qu’ils soient interceptés par des humains en mission spatiale. Les humains décident de ramener ces créatures sur la terre sans savoir que les Txalqs sont des parasites. Pour survivre, ils doivent s’emparer d’une race inférieure pour des raisons accessoires d’une part, car les Txalqs sont des êtres à peu près incapables sur le plan physique et d’autre part et surtout, pour atteindre un mode de vie idéal fait de beauté et d’harmonie.

C’est le genre de paradis artificiel que procurent aux humains certaines drogues sauf qu’ici, les Txalqs tendent à créer ce monde paradisiaque par l’hypno-contrôle. Les Txalqs, qui se reproduisent par scissiparité ne tardent pas à prendre le contrôle de la terre et étrangement, la plupart des humains sont trop heureux de vivre dans cette espèce de paradis artificiel, acceptant ainsi une symbiose qui leur est imposée…*S’il établissait sa domination sur ces êtres, c’était dans l’unique dessein de créer avec eux un monde harmonieux. En échanges de membres pour agir, il leur offrirait une sorte de renaissance, il deviendrait le corps pensant de leur espèce. * (Extrait) .

Refusant ce bonheur plastique qui n’est rien d’autre qu’une forme d’esclavage, une poignée d’humains décident de résister, fuient sur la planète Vénus afin d’organiser la libération de la terre.

C’est un des très bons romans d’anticipation que j’ai eu le plaisir de lire. Il développe en profondeur la philosophie TXALQ et amène le lecteur et la lectrice à des questionnements très intéressants : entre autres : qu’est-ce que l’homme est prêt à faire ou à donner pour être libre et LA question sur laquelle on pourrait s’étendre longtemps : Est-ce qu’une vie complètement dépourvue de libre arbitre et de sens critique vaut la peine d’être vécue.

Le livre de Curval alimente aussi un intéressant débat sur l’addiction. Si vous croyez que les Txalqs font ce qu’ils veulent avec facilité, détrompez-vous et c’est là que l’auteur nous amène à réfléchir sur la nature humaine. Les hommes sont rebelles, ataviquement violents et addicts. Ils aiment le sexe, ils aiment le jeu, le risque et ils sont épris de liberté. Ils sont humains quoi et de cette humanité, les Txalqs devront en payer le prix.

Est-ce que les hommes pourraient *déteindre* sur les Txalqs ?

Pas étonnant que ce livre soit devenu un classique de la science-fiction francophone. C’est un hymne à la liberté…cette précieuse liberté dont les hommes se privent entre eux depuis la nuit des temps. J’ai trouvé la plume de Curval envoûtante, un peu à l’image de cette créature qu’il a créée. Elle est dosée pour offrir tout ce que souhaitent les amateurs d’anticipation : des revirements, de la technologie, de la confrontation, le choc des idées et le fameux retour introspectif sur soi-même qui se traduit par une question bien simple : Qu’est-ce que je ferais à la place des humains dans cette histoire ? Je mets ma lucidité et mon libre arbitre au placard ou je me bats ?

Par les questions qu’il pose, par l’équilibre dont il a toujours gardé le souci et par sa profonde connaissance de la nature humaine, Philippe Curval a doté son récit d’une belle crédibilité.

Je sais que l’idée de l’atteinte du Nirvana ou la vie dans un monde ou guerre, haine et violence n’ont pas de sens sont des thèmes récurrents en littérature (par exemple, les inconditionnels de Star Trek se rappelleront sûrement du monde de Landru) mais peu de romans ont atteint la profondeur et l’intensité que Curval a insufflé dans son récit.

Une très belle pièce littéraire… à lire absolument.

Suggestion de lecture : LES PROTECTEURS, de Mario Fecteau

Écrivain, journaliste, photographe, Philippe Curval est l’un des principaux fondateurs de la science-fiction française, au milieu du siècle précédent. Il obtient le prix Jules Verne pour Le Ressac de l’espace (Hachette/Gallimard, « Le Rayon Fantastique », 1962), le Grand Prix de la science-fiction française pour l’Homme à rebours (R. Laffont « Ailleurs & Demain », 1974) et de nombreux autres prix et distinctions.

Son amour pour la nouvelle l’a conduit à en écrire plus de cent. Ses derniers recueils, Rasta Solitude (Flammarion « Imagine ») en 2003, et L’homme qui s’arrêta (La Volte) en 2009. Son travail critique sur la SF, commencé dans Galaxie, se poursuivra au Monde, et au Magazine littéraire. Traduit dans quatorze pays, à cette date, il a publié plus de quarante volumes. (La Volte éditeur)

Bonne lecture
Claude Lambert/ biblioclo.com
Le samedi 4 février 2023