THÉRAPIE, le livre de SEBASTIAN FITZEK

*Mais soudain, son soulagement se mua en horreur.
Car Anna n’avait pas remarqué son retour et ne
manifestait aucune intention de se retourner. Au
lieu de cela, elle était en train de verser discrètement
une substance blanche dans son thé.
*
(Extrait : Thérapie, Sebastian Fitzek, Knaur 2006,  T.f. :
Les Éditions de l’Archipel, 2008, numérique, 213 pages)

Josy, 12 ans, la fille du célèbre psychiatre berlinois Viktor Larenz, est atteinte d’une maladie qu’aucun médecin ne parvient à diagnostiquer. Un jour, son père l’accompagne chez un de ses confrères. Alors qu’elle échappe à son attention. Elle disparait. Quatre années passent. Alors que Lorenz est toujours sans nouvelles de sa fille, une inconnue frappe à sa porte.

Anna Spiegel, romancière prétend souffrir d’une forme rare de schizophrénie : les personnages de ses récits prennent vie sous ses yeux. Or, le dernier roman d’Anna a pour héroïne une fillette qui souffre d’un mal étrange et qui s’évanouit sans laisser de traces. Connaître la suite de l’histoire devient une obsession pour le psychiatre Viktor Larenz.  La quête s’annonce complexe…

COINCÉ DANS LA TEMPÊTE AVEC UNE *SCHIZO*
*Si les photos étaient si choquantes, ce n’était pas

parce qu’elles représentaient des perversions
sadiques, des morceaux de cadavre ou d’autres
choses du même acabit. Viktor était rempli
d’horreur parce qu’il voyait partout le même

visage…on reconnaissait la même personne…*
(Extrait : Thérapie)

Ce livre, qui est un véritable défi pour l’esprit, plonge le lecteur dans l’univers complexe de la schizophrénie, de la mythomanie ou le mensonge pathologique et du syndrome de Münchhausen : un trouble psychologique désignant un besoin irrésistible de simuler une maladie ou un traumatisme dans le but d’attirer l’attention ou la compassion. Je vous dis d’entrée de jeu que j’ai trouvé ce livre phénoménal, aussi brillant qu’acerbe. J’ai été captif de la plume incroyablement efficace de Fitzek.

Dans n’importe quelle histoire, il faut bien une introduction, une mise en place si on veut comprendre le développement. Mais l’histoire conçue par Fitzek est vraiment spéciale. Voyons voir : un psychiatre renommé, Viktor Larenz accompagne sa fille Josy chez le médecin. Josy est atteinte d’une mystérieuse maladie inconnue.

Larenz s’absente un instant pour aller aux toilettes et lorsqu’il revient, s’aperçoit que sa fille a disparu. Pourtant, le médecin et sa secrétaire certifient à Larenz que Josy n’avait pas de rendez-vous aujourd’hui et personne ne l’a vu entrer.

À partir de ce moment, c’est un trou noir de quatre années à l’issue desquelles Larenz va se réveiller dans un lit d’hôpital psychiatrique avec à ses côtés, le docteur Roth qui non seulement va s’atteler à trouver la vérité mais qui va aussi complètement changer la donne.

Notez que c’est très brièvement résumé et il ne faut pas se fier à l’introduction pour avoir un aperçu de la suite. C’est là le côté génial de Fitzek. C’est que ces quatre années de coma vont entraîner le lecteur de rebondissement en rebondissement et le projeter dans une incroyable suite de revirements de situation.

La plume sombre de l’auteur enferme le lecteur dans un maelstrom psychologique très complexe. C’est ce que je voulais dire au début par *défi pour l’esprit*. Rien n’est sûr, rien ne permet au lecteur de prévoir la fin, de résoudre l’énigme de Josy.

Quant à vous donner des indices, en dire peu c’est comme en dire trop. Il faut donc se laisser aller dans la lecture de ce polar sombre. Le style mordant et acide de Fitzek risque de provoquer une addiction chez beaucoup de lecteurs et de lectrices jusqu’à une finale géniale en deux actes.

Quand on peut lire un livre et oublier le reste y compris le temps, c’est que l’auteur a trouvé le ton juste. C’est un polar terriblement efficace qui va au-delà du genre. Pas de diversions, des chapitres courts parfois haletants ou qui baladent les lecteurs du présent au passé. Le rythme est parfois saccadé et surtout, l’auteur accuse une parfaite maîtrise de la psychologie de ses personnages qui est, vous vous en doutez peut-être, très complexe.

Le récit ne verse pas dans l’horreur ou le macabre mais plutôt dans le mystère et l’inexpliqué comme l’esprit tortueux d’un schizophrène. En effet, imaginez une romancière qui voit ses personnages prendre vie sous ses yeux, ou encore un menteur pathologique qui croit sincèrement ses propres mensonges, ou un père qui prend son enfant pour acquis, comme sa chose, sa propriété et qui l’aime d’un amour étouffant et même fatal.

THÉRAPIE est un récit costaud et même éprouvant jusqu’à un certain point, description d’un long cauchemar dont on ne saisit le début qu’à la fin. C’est drôlement bien ficelé. Ça me rappelle un peu SHUTTER ISLAND de Dennis Lehane dont j’ai déjà parlé sur ce site.

Shutter Island est un îlot au large de Boston où un hôpital psychiatrique semblable à une forteresse accueille des pensionnaires atteints de troubles mentaux graves et coupables de crimes abominables. Deux marshals y font une enquête très troublante. Une chose est sûre, Lehane et Fitzek ont un point en commun : ils ont déployé le maximum pour jouer avec mes nerfs.

THÉRAPIE : à essayer…Je crois qu’on est pas loin du chef d’oeuvre là…

Sebastian Fitzek est un auteur allemand né à Berlin le 13 octobre 1971. Il fait ses études de droit mais préfère finalement les communications. Entre temps, il se met à l’écriture et il publie un premier livre en 2006 : THÉRAPIE qui connaîtra un succès retentissant avec 220 000 exemplaires vendus, seulement en Allemagne. Le premier thriller de Fitzek s’est retrouvé numéro un des ventes dans son propre pays. Plusieurs autres titres à succès suivront dont LE BRISEUR D’ÂMES et L’INCISEUR sans compter une percée au cinéma avec THE CHILD.

Suggestion de lecture : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de Tom Noti

FITZEK AU CINÉMA

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 25 mai 2019

L’EMPIRE DU SCORPION, de SYLVAIN MEUNIER

*Une fois qu’elles furent bien installées, Dorothy lui
demanda d’être assez aimable de la laisser parler
sans l’interrompre et de ne pas lui poser de questions.
Le récit qu’elle s’apprêtait à faire était en elle depuis
longtemps. <Je suis consciente que la chose sera
impossible, Emma, mais l’idéal serait que vous oubliiez
ce que je m’apprête à vous raconter.>*
(Extrait : L’EMPIRE DU SCORPION, Sylvain Meunier, Guy
Saint-Jean Éditeur, 2014, édition de papier, 485 pages)

Percival Imbert accompagne sa femme au Centre commercial de son quartier. Sur place il la laisse aller et s’installe sur un banc. Après un certain temps il commence à s’inquiéter. Qu’est-ce qu’elle fait? Paniqué, il fait lancer un appel. Pas de réponse. Marie Doucet a disparu. Enlèvement? Meurtre? Aucune possibilité n’est écartée, y compris la participation d’un être obscur, ignoble, régnant dans les hautes sphères de la politique canadienne, à l’abri de sa fortune colossale qui magouille, fait chanter en toute impunité et signe des crimes sordides. L’enquête  amènera l’inspectrice Jacinthe Lemay  plus loin qu’elle pensait.

INTRODUCTION À LA POLITIQUE-FICTION
*«Pauvre vieille ordure…Si puissant, si brillant et
tellement aveugle…Vous n’avez rien compris,
Père, rien vu. J’aurais pu passer outre l’horreur
du viol. C’était la première fois que vous vous
intéressiez à moi, après tout…ce qui a rendu
toute forme de pardon impossible, c’est qu’après,
je n’ai pas pu vous garder pour moi, pour moi
toute seule.
(Extrait : L’EMPIRE DU SCORPION)

On aurait pu intituler ce livre LA MYSTÉRIEUSE FEMME DU MYSTÉRIEUX PERCIVAL IMBERT. Je m’explique. Lors d’un magasinage de Noël dans un centre commercial, Percival Imbert perd de vue sa femme Marie Doucet. Il ne la reverra plus. L’enquête est confiée à Jacinthe Lemay qui se lancera dans une investigation extrêmement complexe. Jacinthe apprendra beaucoup de choses très troublantes.

Jacinthe en viendra à se demander si Marie Doucet existe réellement. En fait, elle ne trouve aucune trace de son existence. Elle doit fouiller encore plus loin, cette fois au risque de sa vie car elle commence à en savoir un peu trop, entre autres que le nom de Marie Doucet est associé à d’obscures manœuvres politiques à l’époque où le Parti québécois annonce la tenue d’un référendum.

Il semble que Marie Doucet travaille pour un obscur organisme gouvernemental qui ne reconnait pas son existence.  Il semble aussi que Percival Imbert doit combattre un monstre qui est en lui.

Les questions vont se bousculer dans l’esprit du lecteur : qui est Percival Imbert, ce personnage introverti qui parle toujours de lui à la troisième personne du singulier ? Le monstre qui l’habite serait-il en fait le syndrome de la double personnalité?

A-t-il inventé Marie Doucet? (Même dans sa propre maison, tout ce qui aurait un rapport avec Marie Doucet a été complètement occulté) Sinon que lui est-il arrivé? Meurtre, enlèvement ?

Je ne veux pas aller trop loin, mais je peux vous dire que Jacinthe Lemay fera des découvertes pour le moins surprenantes. Ce qui était au départ une simple disparition devient une saga d’espionnage, une obscure et surprenante histoire de famille, une guerre de pouvoir, le tout dans un contexte politique explosif, celui du Québec des années 80.

J’ai beaucoup aimé ce livre, en particulier à cause de cette capacité de l’auteur de maintenir une aura de mystère autour des trois principaux personnages et ce jusqu’à la fin de l’histoire. De page en page, le lecteur se questionne, s’interroge, s’accroche. Ce que j’ai trouvé banal au départ est devenu captivant puis addictif.

C’est un récit très spécial par la qualité de son développement, le magnétisme de ses personnages et la plume de Sylvain Meunier que j’ai trouvé très forte en intrigue, en précision et en subtilité.

Je mentionne aussi que le récit est très fluide et sa finale est surprenante. Et l’ensemble n’est pas dénué d’humour : *« … à l’impossible, nul n’est tenu, et au possible non plus, si le nul en question travaille au gouvernement ! »*
(Extrait)

Si je peux me permettre de rapporter une petite faiblesse, dans le récit, il n’y a pas vraiment de temps morts, mais il y a beaucoup de personnages secondaires dont plusieurs font des apparitions plutôt aléatoires.

Ça devient mêlant un peu, j’ai dû revenir en arrière dans ma lecture pour replacer certains personnages dans leur contexte. Mais ça n’a rien de rebutant. Il suffit de se concentrer, dans un endroit calme et de se fier au fil conducteur de l’histoire qui ne souffre d’aucune déviation.

Un bon livre…d’autant que ça se passe au Québec et que je me suis reconnu dans son environnement géographique et politique. En terminant, je vous laisse sur un autre petit mystère : Le titre. Pourquoi L’EMPIRE DU SCORPION comme titre : le mot empire pourrait évoquer le pouvoir, le mot scorpion pourrait évoquer le venin.

Venin et pouvoir vont bien ensemble je pense. C’est à vous cher ami lecteur de résoudre le mystère. Un petit indice peut-être ? Le mot scorpion est intimement lié au mystérieux Percival Imbert.

On ne s’en sort pas…il faut se rendre au bout…et c’est un plaisir.

Sylvain Meunier est né en 1949, à Lachine (Québec). Retraité de l’enseignement depuis 2006, il a été professeur dans plusieurs écoles de Montréal, en français et en anglais, puis en adaptation scolaire. Il a surtout écrit pour les jeunes, à LA COURTE ÉCHELLE des contes pour les tout-petits, la série GERMAIN pour les  jeunes lecteurs. En 2001, Sylvain  Meunier publie pour les adolescents L’ARCHE DU MILLÉNAIRE. Il récidivera en 2007 avec PIERCINGS SANGLANTS. Sylvain Meunier remportera le prix Création en littérature du premier Gala de la Culture de la ville de Longueuil pour la série RAMICOT BOURCICO.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 20 janvier 2019

LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE, collectif

Commentaire sur le collectif québécois
réalisé sous
la direction littéraire de
TRISTAN MALAVOY-RACINE

*Puis un deuxième regard, juste à côté.
Et un troisième, non loin derrière. Un
nouveau tour sur moi-même achève de
me terrifier : on m’encercle.*
(Extrait : LE NORD MAGNÉTIQUE, Tristan
Malavoy, COLLECTIF «LA DISPARITION DE
MICHEL O’TOOLE» Les Éditions XYZ, 2015,
numérique, 278 pages)

LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE est un collectif québécois de nouvelles traitant d’une seule et même histoire fictive. D’après une idée originale de Tristan Malavoy-Racine, huit auteurs québécois tentent  d’expliquer la disparition de Michel O’Toole à partir du postulat suivant : Un journaliste québécois originaire d’Irlande du Nord et installé au Québec depuis 2002, Michel O’Toole disparaît sans laisser de traces en mai, alors qu’il roulait à moto sur la route 389 reliant Fermont à Baie-Comeau. L’enquête policière n’a rien donné. «Comment peut-on ainsi s’évanouir dans la nature sans laisser la moindre trace?» Huit auteurs, huit points de vue, huit argumentaires différents.

LES NOUVELLES :

INTERMÈDE de Deni Béchard
AMIS D’ENFANCE de Chrystine Brouillet
À HAUTEUR DES YEUX de Stéphanie Pelletier
LE NORD MAGNÉTIQUE de Tristan Malavoy
MICHEL O’TOOLE N’EXISTE PAS de Perrine Leblanc
ENTRE CIEL ET CRATÈRE de Mathieu Laliberté
À LA DOUCE MÉMOIRE DE MICHEL O’TOOLE de Daniel Bélanger
TERRITOIRES de Patrick Sénécal

L’ÉNIGMATIQUE 389
*2 juin, route 389, kilomètre 323
Je suis sur la route du retour. Le corps de Michel
se trouve derrière moi, dans le camion
réfrigéré de la SQ. Je présume qu’il est mort
d’une simple crise cardiaque et qu’un corbeau
ou un renard roux a grugé son cadavre et puis
c’est tout.*
(Extrait : ENTRE CIEL ET CRATÈRE, Mathieu Laliberté,
du collectif LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE)

Dans ce livre donc, vous l’avez compris, huit auteurs planchent sur LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE…huit auteurs sur le même thème, la même fiction…le même principe que celui appliqué au projet littéraire de Richard Migneault CRIMES À LA LIBRAIRIE dont j’ai déjà parlé sur ce site.

J’ai trouvé le recueil intéressant quoique je me balance un peu dans une espèce d’ambivalence, comme si je m’attendais un peu à autre chose. En fait, dans ce collectif, le mystère plane beaucoup plus sur la VIE de Michel O’Toole que sur sa DISPARITION.

Ça donne à l’ensemble un petit caractère mystique parfois agaçant. Bien sûr, on peut bien aligner 20 lecteurs et avoir 20 interprétations différentes. Moi, ça ne m’a pas impressionné.

Toutefois, plusieurs éléments m’ont plus. Par exemple j’étais heureux de renouer avec Maud Graham, la célèbre enquêtrice québécoise créée par Chrystine Brouillet et dont j’ai fait la connaissance dans LE COLLECTIONNEUR.

J’ai trouvé la nouvelle de Patrick Sénécal particulièrement intéressante car il fait évoluer Michel O’Toole dans une espèce d’univers parallèle où il doit faire un choix parmi huit chemins à emprunter, chaque chemin portant le prénom d’un auteur du Collectif.

Cette nouvelle étant la dernière du livre, ça évoque bien sûr une rétrospective de l’ensemble. Je souligne en passant qu’ayant vécu moi-même plus de 30 ans sur la Côte-Nord, j’estime que tous les auteurs ont magnifiquement dépeint l’aura qui entoure la périlleuse route 389.

Mon coup de cœur va au texte de Tristan Malavoy avec un fil conducteur clair, sans faille. Tout le développement aboutit sur un choix à faire. La finale est imprévisible. Deux petites déceptions en particulier : le texte de Mathieu Laliberté qui souffre d’un peu d’errance avec des extra-terrestres et du mysticisme.

Denis Béchard lui a choisi de morceler son texte en <intermèdes> séparant ainsi chaque récit. L’idée est originale sauf que Béchard fait parler l’esprit d’O’Toole dans ce que j’appellerais un petit voyage introspectif. La plume est plus complexe et le fait de disséminer le texte un peu partout dilue sa compréhension et amène une certaine perte d’intérêt.

L’idée de base étant de permettre à des auteurs de rivaliser d’imagination dans le développement d’un seul et même thème est intéressante et sûrement stimulante pour eux.

Je vois ici deux types de lecteur : celui qui est emballé par l’exploration de différentes visions d’un même postulat et celui lassé par le caractère répétitif de l’ensemble et qui a l’impression de passer de Michel O’Toole à Michel O’Toole. Ça ne vous avancera peut-être pas beaucoup mais je suis entre les deux.

Je recommande ce livre parce que le talent des auteurs fait pencher la balance du bon côté.

Natif de Sherbrooke, Tristan Malavoy est un véritable homme-orchestre. Il a publié des poèmes, des nouvelles, a fait paraître deux disques. Il a aussi connu et mis en scène des spectacles où la littérature côtoie la musique. Comme parolier, il a collaboré avec plusieurs artistes dont Ariane Moffat, Catherine Durand et Gilles Bélanger.

Pendant une dizaine d’années, Tristan Malavoy a dirigé les pages littéraires de l’hebdomadaire VOIR, a signé une chronique littéraire de 2009 à 2014 à Télé-Québec. Au moment d’écrire ces lignes, il signe la chronique ARTS ET CULTURE du magazine L’ACTUALITÉ et dirige la collection QUAI NO 5 aux éditions XYZ. Il a publié chez Boréal un premier roman : LE NID DE PIERRE. Enfin, il a dirigé le projet littéraire LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 19 août 2018

 

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, livre de Hervé Giliénine

*Je lui ai dit de m’oublier, elle devait vivre sa vie, je ne lui écrirai pas, je ne lirai pas ses lettres, je ne la reverrai pas. Elle m’a répondu qu’elle serait là quand la porte de la prison claquerait dans mon dos.* (Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine, Prem’Edit 77, 2012, éd. Numérique, 400 pages.)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE raconte l’histoire de Thomas Vogèle,  garçon tranquille, intelligent, passionné de football. Il a plusieurs amis. Parmi eux, Alicia, petite orpheline recueillie par ses grands-parents, voisins de la famille de Tom. Un jour, Alicia disparaît.

Parallèlement, Tom est reconnu coupable du meurtre involontaire d’un voyou qui harcelait Alicia et est envoyé en prison. Au bout de sa peine de 9 ans, il part à la recherche d’Alicia. La raison en est très simple : un jour, il lui a promis qu’il la rechercherait jusqu’au bout du monde si elle venait à disparaître. Thomas ne se doute pas qu’il s’apprête à mettre à jour de très lourds secrets…

Le poids du secret
*Peter Jacobson jeta un coup d’œil circulaire autour
de lui de peur que des silhouettes armées de
machettes quittent l’ombre des bois au son d’un
tam-tam lancinant. –Je vous souhaite de
découvrir ce qui est arrivé à votre amie. Et, qui
sait, de la retrouver saine et sauve…*
(Extrait : ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, Hervé Giliénine)

ALICIA N’EST PAS RENTRÉE est un roman noir, dur, à très forte intensité dramatique. Ce livre est *venu me chercher* très rapidement, spécialement à cause de cette aura dense et particulière que l’auteur a installée autour de l’énigmatique Alicia, une jeune fille née vraiment sous une mauvaise étoile. Cette histoire m’a captivé et même choqué, sachant au départ qu’elle est basée sur un fait vécu.

L’histoire est celle de Thomas Vogèle, un jeune homme sans histoire qui a quelques amis évoluant dans un cercle semblant assez fermé : Sandrine, sa meilleure amie et son petit frère Romain, Boule, Frank, le frère de Thomas, René et évidemment Alicia, une petite orpheline recueillie par ses grands-parents et que Thomas affectionne comme une petite sœur.

Un jour, Thomas se bagarre avec un des frères Marchiani parce que ce dernier harcelait Alicia. Thomas tue Marchiani involontairement et ça le conduit en prison pour 9 ans. Entretemps, Alicia disparaît mystérieusement et on ne la revoit plus.

À sa sortie de prison, Thomas va tenir une promesse étrange qu’il avait faite jadis à Alicia : la retrouver, même au bout du monde, si elle venait à disparaître. L’histoire est centrée sur l’enquête de Thomas qui mettra au jour des secrets très pénibles.

Dans cette histoire, il n’y a pas d’interventions policières, mais un journaliste contribuera à faire avancer Thomas dans sa quête. Évidemment, je ne vous raconterai pas la finale, mais sachez toutefois qu’elle pourrait vous donner des frissons dans le dos.

C’est une histoire qui évolue lentement et dans laquelle le mystère épaissit au fil des pages. La forme littéraire de ce roman est un peu particulière car l’auteur y a inséré de fréquents retours sur le passé. Il n’y a qu’un pas parfois pour confondre passé et présent. Aussi, la lecture de ce récit exige-t-elle du lecteur une bonne concentration.

Je dois avouer que cette façon de faire évoluer une histoire, fréquente en littérature, m’agace un peu. Mais le fil conducteur du roman, la quête de Thomas, est extrêmement solide et amène le lecteur dans des zones sombres, voire sordides par moment.

Suggestion de lecture : L’étrange disparition d’Amy Green, de S.E. Harmon

C’est un premier roman pour Hervé Giliénine. Je crois qu’il a investi avec succès dans la psychologie de ses personnages et la fluidité de sa plume. Il ne s’est pas encombré de fantaisies structurelles. Il n’y a même pas de chapitres dans ce livre, les changements étant signalés par des débuts de paragraphes en caractère gras. C’est l’intensité dramatique de l’histoire qui fait toute la différence. Elle est marquée par un crescendo qui amène le lecteur et la lectrice vers une finale choquante et bouleversante.

Je recommande donc ALICIA N’EST PAS RENTRÉE, un bon roman, riche en suspense et très captivant. Une très belle entrée pour Hervé Giliénine dans l’Univers littéraire.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le 22 janvier 2017

JOUR QUATRE, livre thriller de SARAH LOTZ

*Elle enroula un des foulards de soie de Céline
autour de son cou : elle pourrait s’en couvrir
la bouche. Les microbes le traverseraient mais
elle serait au moins protégée de la puanteur.
Elle aurait l’air ridicule de l’homme invisible,
mais cela valait mieux que passer les prochains
jours à vomir tripes et boyaux.*


(Extrait : JOUR QUATRE, Sarah Lotz, 12-21 éditions,
t.f.  Fleuve Éditions, Dep. Univers Poche, fleuvenoir
2016, édition numérique, 360 pages)

Les passagers vivaient une croisière paradisiaque à bord d’un superbe paquebot de luxe. Mais le confort bucolique des touristes bascule complètement le quatrième jour alors qu’un incendie se déclare à bord. Puis les malheurs s’enchaînent : dérive du navire, communications rompues, meurtre, épidémie et pire, l’apparition de spectres achève de transformer le rêve en cauchemar. 

DU RÊVEUR MAGNIFIQUE
AU
CAUCHEMAR INFERNAL
*Le paquebot grinçait, hurlait, on aurait dit qu’il
voulait se déchirer en deux. Combien de temps
est-ce que ça a duré? J’en sais rien bordel.
Combien de temps ça dure une éternité?*
(Extrait : JOUR QUATRE)

Ce livre n’est pas la suite de TROIS dont j’ai déjà parlé et bien qu’il soit question à plusieurs reprises de Lori et Bobby Small et du fameux jeudi noir, JOUR QUATRE PEUT SE LIRE indépendamment de TROIS. Comme j’ai été déçu de TROIS, j’avais quelques craintes en entreprenant la lecture de JOUR QUATRE. Je peux dire que j’ai été un peu mieux servi.

L’histoire se déroule à bord d’un paquebot de croisière : LE RÊVEUR MAGNIFIQUE ayant à son bord 2,962 personnes. Les trois premières journées sont magnifiques…le bonheur total. La quatrième journée, tout bascule. Le paquebot fait un arrêt complet après avoir perdu ses sources d’énergie suite à un incendie dans la salle des machines.

Tous les systèmes vitaux tombent en panne : plus d’électricité, plus de communication, une épidémie de gastro se déclare à bord, les systèmes sanitaires ne fonctionnent plus. Le paquebot dérive et devient malmené par une forte tempête et en plus, une femme est retrouvée morte dans sa chambre. Tout dégénère, les conditions deviennent critiques, sans compter l’humeur des passagers…bref, un véritable cauchemar.

En marge de ce drame, les passagers se regroupent autour de Céline Del Ray, une voyante qui donne des spectacles et dont la personnalité change complètement, comme si elle était possédée et cela coïncide avec des membres d’équipage convaincus d’avoir vu des apparitions. Je ne peux en dévoiler plus sans vous mettre sur le sentier de la conclusion, c’est-à-dire le destin du navire et ses 2962 passagers.

Bien que le livre souffre de longueurs, l’action est soutenue et est enrichie d’une touche paranormale intrigante et captivante. Comme lecteur, je me suis senti enchaîné à l’histoire au fur et à mesure que la situation se dégradait. Le fond de l’histoire est intéressant. La plume intense de Lotz pousse le lecteur à ressentir la peur des passagers.

Cette peur est d’autant omniprésente que l’auteure n’a prévu aucune communication entre le commandant du navire et ses passagers à part quelques platitudes communiquées régulièrement par Damien, le directeur de croisière.

Donc la peur, le doute, la colère, la panique sont palpables et contribuent à l’atmosphère opaque et lourde qui se dégage de l’histoire et qui finit par envelopper le lecteur.

Il y a quand même des éléments de construction de l’histoire qui seraient susceptibles d’agacer plusieurs lecteurs et lectrices : le rythme de l’histoire est très lent et l’intrigue se développe lentement, à la petite cuillère. Il y a des longueurs dans le livre qui donne parfois l’impression d’une errance de l’auteure.

Aussi, il faut composer avec beaucoup de personnages. Enfin, vous risquez de trouver la conclusion plutôt surprenante. Je l’ai trouvée un peu tirée par les cheveux mais je crois ici qu’il pourrait y avoir autant d’interprétations que de lecteurs. Alors, il faut s’y risquer.

C’est loin d’être une de mes meilleures lectures à vie, mais ça m’a plu en particulier parce que l’atmosphère de l’histoire l’emporte sur l’action. J’entends par là le mystère, le non-dit, l’inexplicable…ces éléments qui poussent le lecteur à aller plus loin jusqu’au dénouement qu’il a été impossible d’entrevoir avant d’y arriver vraiment.

Si vous aimez les histoires aux intrigues glaçantes avec en plus l’angoisse générée par les phénomènes paranormaux. Vous devriez apprécier JOUR QUATRE.

Sarah Lotz

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
19 SEPTEMBRE 2016