LE CHIEN DES BASKERVILLE d’Arthur Conan Doyle

*Barrymore fit un bond pour s’écarter de la fenêtre ;
un sifflement s’échappa de sa poitrine ; livide, tremblant,
il resta immobile devant nous. Ses yeux noirs qui, dans
le visage blanc, paraissaient encore plus noirs, allaient
de sir Henry à moi en exprimant autant d’horreur que de
surprise.*
(Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE, Arthur Conan Doyle,
numérique, storylab éditions, 2014, 200 pages)

Une malédiction pèse sur les Baskerville, qui habitent le vieux manoir de leurs ancêtres, perdu au milieu d’une lande sauvage : quand un chien-démon, une bête immonde, gigantesque, surgit, c’est la mort. Le décès subit et tragique de Sir Charles Baskerville et les hurlements lugubres que l’on entend parfois venant du marais, le grand bourbier de Grimpen, accréditent la sinistre légende.

Dès son arrivée à Londres, venant du Canada, Sir Henry Baskerville, seul héritier de Sir Charles, reçoit une lettre anonyme : « Si vous tenez à votre vie et à votre raison, éloignez-vous de la lande. » Malgré ces menaces, Sir Henry décide de se rendre à Baskerville Hall, accompagné de Sherlock Holmes et de son fidèle Watson.

Un célèbre cerbère
*Ce fut d’abord un murmure long, grave ; puis
un hurlement qui prit de l’ampleur avant de
retomber dans le gémissement maussade où
il s’éteignit. À nouveau il retentit, et tout l’air
résonna de ses pulsations : strident, sauvage…*
Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE

LE CHIEN DE BASKERVILLE est un livre à part dans l’œuvre d’Arthur Conan Doyle…une petite escapade atypique comme ça s’est vu avec 10 PETITS NÈGRES d’Agatha Christie par exemple ou LA TOUR SOMBRE de Stephen King. D’abord le récit est plus long que les nouvelles habituelles de l’auteur, le texte est mieux travaillé et l’intrigue fait l’objet d’enquête d’une minutieuse attention.

Le docteur Watson est plus présent, plus utile. Il fait corps avec Holmes qui lui, fait un peu moins office de maître un peu imbu comme j’ai pu l’observer dans l’ensemble de l’œuvre : *Je dois vous complimenter…pour le zèle et l’intelligence dont vous avez témoigné à propos d’une affaire extrêmement difficile*. (Extrait)

Enfin, l’enquête qui est développée est beaucoup plus complexe, je dirais mystifiante. On a l’impression d’une petite touche de surnaturel. On était habitué à la légendaire réplique *élémentaire mon cher Watson* à quelques variantes près. Pas dans LE CHIEN DE BASKERVILLE où il n’y a rien de simple, encore moins d’élémentaire. 

Je ne m’étonne donc pas que LE CHIEN DE BASKERVILLE soit devenu dès sa parution au début du XXe siècle une des enquêtes les plus palpitantes et intrigantes de l’œuvre du Père Doyle…la mieux travaillée, la plus réussie. Et un détail qui m’a beaucoup plus, c’est qu’on a donné à Sherlock Holmes un peu plus d’humilité qu’à l’ordinaire, et surtout, du fil à retordre :

*On ne peut pas toujours gagner, ni obtenir le succès qu’on espère, fit-il. Un enquêteur a besoin de faits, mais pas de bruits et de légendes. Cette affaire m’a déçu* (Extrait) Watson aussi, à qui on a beaucoup demandé dans cette aventure, était ébranlé par la complexité de l’affaire…un sentiment que l’auteur a le don de transmettre au lecteur… :

*- Ah ! Holmes, je suis heureux du fond de mon cœur que vous soyez ici ! Car vraiment ma responsabilité et le mystère devenaient trop lourds pour mes nerfs. * (Extrait) 

Avec une énigme aussi puissante, je ne suis pas surpris non plus que LE CHIEN DE BASKERVILLE ait été très largement adapté au cinéma, à la télévision et même à la radio. Près d’une trentaine d’adaptations dans différents pays et c’est sans compter les livre-jeux, les jeux vidéos, les bandes dessinées. Il y a même eu trois adaptations au théâtre. Tout ça fait de LE CHIEN DE BASKERVILLE l’œuvre la plus visitée et consultée de Conan-Doyle et probablement la plus adulée.

J’irai un peu plus loin…Rappelez-vous la prestation de Sean Connery dans le célèbre film LE NOM DE LA ROSE, adaptation de l’œuvre d’Umberto Eco. Connery jouait le rôle d’un ancien inquisiteur en visite dans une abbaye bénédictine pour enquêter sur une mort suspecte. Connery incarnait Guillaume de Baskerville. Ce nom est un clin d’œil d’umberto Eco à Sherlock Holmes et au roman d’Arthur Conan Doyle : LE CHIEN DE BASKERVILLE. 

Donc nous avons ici un très beau classique de la littérature policière, doté d’une écriture ferme, une puissante intrigue développée dans l’atmosphère embrumée, voire glauque de la lande anglaise. Pour moi c’est une trouvaille car Sir Charles de Baskerville est mort de peur apparemment à cause d’un chien sorti tout droit d’une malédiction ancestrale.

Comment prouver que cette peur a été provoquée? Autrement dit, que Sir Charles a été assassiné et que Sir Henri court le même risque. Tout ça nous conduit à une finale fort bien imaginée tout à fait imprévisible et dans laquelle les spéculations surnaturelles prennent toutes leur sens. 

C’est un roman assez court, il se lit vite et bien. J’ai apprécié sa profondeur et le non-dit, c’est-à-dire l’atmosphère parfois épaisse qui se dégage de la lande, un endroit définitivement peu recommandable. J’ai aussi apprécié bien sûr l’intelligence de la machination et l’intensité des principaux personnages. Je vous recommande ce livre avec plaisir et je vous invite aussi à essayer au moins une adaptation cinématographique. Voyez ma suggestion ci-bas.

Suggestion de lecture, du même auteur : 17 NOUVELLES ENQUÊTES de SHERLOCK HOLMES

Il y a eu plusieurs adaptations du célèbre roman de Connan-Doyle.

Mon adaptation préférée du livre est de loin la version britannique réalisée en 1950 par Terence Fisher. C’était la première adaptation cinématographique en couleur du roman éponyme de Sir Arhur Conan Doyle publié en 1901. Je l’ai préférée à cause de l’atmosphère particulière du film rendue par Fisher et pour l’excellence de deux des meilleurs acteurs de films d’épouvante : Peter Cushing dans le rôle de Sherlock Holmes et Christopher Lee dans le rôle de Sir Henry Baskerville. André Morell incarne le docteur Watson.

Ce film fut l’une des grandes heures de gloire des studios de la Hammer. En haut, Holmes avec son fidèle Watson. En bas, Sir Henry Baskerville et Sherlock Holmes, incarné par deux icônes du cinéma : Peter Cushing et Christopher Lee.

Pour tout savoir sur l’auteur Arthur Conan Doyle,

cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 25 avril 2021

PHOBIE, drame psychologique de SARAH COHEN-SCALI

*La porte du placard. Elle bouge. Tout doucement. Centimètre
par centimètre. Me boucher les oreilles pour ne pas entendre
le crissement des gonds. Ça fait comme un grincement de
dents. Après, il y aura des gloussements, des ricanements,
un cri… J’ai envie de vomir. Ça fait mal.*

(Extrait : PHOBIE, Sarah Cohen-Scali, Gulf stream éditeur,
collection Electrogene, 2017. Papier et numérique, 408 pages,
littérature-jeunesse.)

Une odeur de moisi. Une cave. L’obscurité totale. Et la peur. Cauchemar… ou réalité ? Anna ouvre les yeux et prend peu à peu conscience qu’elle n’est pas en train de faire le cauchemar récurrent qui la tourmente depuis son enfance, mais qu’elle est bel et bien séquestrée. Qui l’a enlevée ? Chargé d’enquêter sur l’enlèvement de la jeune fille, le commandant Ferreira doit collaborer avec un psychiatre. Son enquête est vite reliée à une autre, celle de la disparition du père d’Anna, onze ans auparavant. Onze années de silence et d’oubli à parcourir. 

 

L’ombre du croque-mitaine
*D’après le psychiatre qui la suit, Anna fait un cauchemar
récurrent dans lequel le croque-mitaine, qui, pense-t-elle,
a dévoré son père, revient la chercher pour la tuer à son
tour. Elle souffre de cette peur phobique depuis la
disparition de son père. D’où la mise en scène du ravisseur*
(Extrait)

PHOBIE est un drame psychologique puissant et intense. Nous suivons Anna Lefaure une adolescente qui, même à 16 ans, a encore peur du croque-mitaine, ce personnage maléfique qu’on utilisait jadis pour faire peur aux enfants, croyant les rendre plus sages. Onze ans plus tôt, le père d’Anna disparaissait dans des circonstances non élucidées.

Anna a développé la conviction que son père a été dévoré par le croque-mitaine. Un jour, elle se réveille, séquestrée dans une cave, vêtue d’une robe de soirée. La peur et les questionnements s’entremêlent. Est-ce que ce serait un coup du croque-mitaine?

*Le croque-mitaine n’aurait pas eu besoin de me droguer et de me ligoter. Le croque-mitaine m’aurait dévoré sur place.  Je n’ai pas affaire au monstre de mon imaginaire, non… Mais à une autre sorte de monstre. Un psychopathe, un détraqué, un fou. *  (Extrait)

L’enquête sur la disparition d’Anna est confiée au commandant Matteo Ferreira. Ce dernier aura besoin de la collaboration de la mère d’Anna, Audrey, et du psychiatre d’Anna, le docteur Fournier qui, apparemment, utilise une technique très audacieuse pour traiter la jeune fille. Il semble que tout ce beau monde a des choses à cacher. 

Il devra comprendre et suivre les méandres d’un esprit torturé et utiliser des méthodes pas très orthodoxes pour trouver des réponses. Par exemple, le père d’Anna, Mathias est-il mort? Officiellement, il n’est que disparu. Pourquoi la mère d’Anna semble si peu inquiète du sort de sa fille enlevée? Et puis face aux talents particuliers du docteur Fournier, comment établir la frontière entre le fantasme et la réalité?

INTERACTION DE GENRES

J’ai été rapidement accroché par la technique narrative développée dans PHOBIE, attractive, cohérente et convaincante. J’ai été aussi séduit par l’originalité du sujet. En effet, PHOBIE est un mélange de genres qui interagissent : policier, psychologique, science, réalité virtuelle, et des références aux contes de fée qu’on nous racontait quand on était petit et qui semble avoir un lien direct avec l’état psychologique d’Anna .

*Anna…avait apporté les livres que lui avait offert son père et qu’elle avait l’habitude de lire avec lui. Des contes. Cendrillon, Barbe bleue, la Belle au bois dormant, la Belle et la Bête. C’était eux, les coupables. Leurs pages enfermaient les monstres de ses cauchemars. * (Extrait)

Le lecteur découvrira comme moi qu’Anna est beaucoup plus solide qu’il n’y parait. J’ai été agréablement surpris d’une métamorphose à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Dans ce roman bien pensé et travaillé avec une logique qui rend crédible son caractère psycho-scientifique, le caractère psychologique cède le pas à l’intrigue policière qui s’imbrique dans les manipulations du docteur Fournier. C’est dans cette partie qu’on appréciera davantage la qualité des personnages entre autres.

Il faut toutefois faire attention car le thème de la réalité virtuelle est omniprésent dans le récit. Il faut donc faire la part des choses. Il ne sera pas toujours facile de séparer le virtuel de la réalité. C’est une des beautés intrigantes de l’œuvre. L’auteure n’était pas pour laisser le lecteur, la lectrice sans un petit défi à relever.

Rebondissements, personnages forts, en particulier Anna et Ferreira, une technique d’enquête qui ouvre la voie à des possibilités fort intéressantes. PHOBIE est un huis-clos efficace. Une trouvaille.

Suggestion de lecture : LA COUPURE de Fiona Barton

Sarah Cohen-Scali est née en 1958 et vit à Paris. Elle a suivi des études de lettres, d’art dramatique et de philosophie. De son apprentissage de comédienne, il lui reste un appétit insatiable pour le cinéma, essentiel pour nourrir l’écriture à laquelle elle se consacre à plein temps depuis 1989.

Elle a écrit une quarantaine de romans et nouvelles, pour tous les âges, depuis l’album illustré destiné aux tout jeunes lecteurs, jusqu’au roman policier pour adultes. Son dernier roman, Max, publié aux éditions Gallimard, a remporté le prix Sorcières 2013. Quant à PHOBIE, il a décroché le prix du meilleur polar jeunesse, Cognac, 2017.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 23 avril 2021

LE PROCÈS DU DOCTEUR FORRESTER, Henry Denker

*C’est fini… Elle est partie. –C’est impossible!
protesta Kate. Continuons, nous la ferons
revenir, il le faut ! Briscoe ôta ses mains
gantées de la plaie ouverte et s’écarta de la
table. – Résignez-vous Kate, c’est terminé.*

(Extrait : LE PROCÈS DU DOCTEUR FORRESTER,
Henry Denker, Presses de la Cité, 1993 pour la t.f. ,
édition de papier, 415 pages)

Une nuit, alors que Kate est le seul médecin de garde dans un grand hôpital de New-York, une jeune fille admise aux urgences meurt brusquement. Pourquoi cette brillante praticienne n’a-t-elle pas diagnostiqué une grossesse extra-utérine responsable du décès? Négligence ? Le père de la victime va tout faire pour provoquer la radiation de Kate, quitte à soudoyer témoins, juges et experts.

De son côté, l’administration de l’hôpital abandonne Kate à son sort. Le seul moyen de démontrer son innocence serait de prouver que la jeune victime lui a dissimulé de précieuses informations, la nuit de son décès. Heureusement, Kate va trouver un allié inattendu en la personne d’un jeune avocat idéaliste.

UNE COUPABLE À TOUT PRIX
*Restez et luttez, sachant qu’il y a un risque
que vous soyez vaincue. L’important est que
vous affirmiez haut et fort votre conviction
D’avoir fait ce qu’il fallait pour la jeune
Claudia Stuyvesant.*
(Extrait : LE PROCÈS DU DOCTEUR FORRESTER)

Ce n’est pas une histoire compliquée et elle est très ajustée à l’actualité : un médecin est accusée d’incurie suite au décès d’une de ses patientes en Urgence dans un grand hôpital de New-York. La question qui poursuit le lecteur est aussi simple : est-ce que le médecin a trompé sa patiente ou serait-ce la patiente qui aurait trompé le médecin.

C’est le père de Kate qui est le fil conducteur de l’histoire : un personnage puissant, très riche, influent sur le plan politique et social, celui à qui on doit tout et pour lequel on est rien. Sa seule présence à l’audience transforme les procureurs en lèche-culs : *Vous avez vu comment Hoskins transforme en faute les meilleurs mouvements du cœur…* (Extrait)

Pour s’opposer à cette espèce d’araignée qu’est Claude Stuyvesant : a on désigne un avocat, jeune, sans expérience. Son opiniâtreté est belle à voir. C’est un tenace et en plus il est audacieux. En fait, c’est le petit côté irritant du livre, c’est trop beau pour être vrai…aussi irritant que cette espèce d’amourette timide qui tente de s’installer entre deux audiences et qui se heurte à quantité d’objections.

C’est la ténacité de l’avocat Scott Van Cleve qui donne au livre ses lettres de noblesses car le temps lui manque, des témoins lui font défaut et quelque chose lui est caché, une information enfouie sous l’épaisseur bétonnée du secret médical…Il trouve le moyen d’avancer, en respectant une logique de droit et le simple bon sens.

C’est là que j’admire l’intelligence et l’imagination de Henry Denker , pour le défi posé à son personnage : contourner les suppôts de Stuveysant en lui opposant quelqu’un qui n’en a pas peur et qui souhaite au contraire injecter au richissime pacha une dose d’humilité :

*Le visage coloré de Stuyvesant…semblait soudain gris et âgé. Point de mire de tous les regards, il se tenait…comme mis à nu, son hostilité vis-à-vis de Kate réduite à ce qu’elle était : un bouclier derrière lequel il dissimulait sa propre culpabilité* (Extrait)

Ce n’est pas à proprement parler un livre génial. Son sujet n’est pas original mais au contraire réchauffé. Il m’a fait pourtant passé un intéressant moment de lecture : le rythme est très élevé. Il y a des revirements parfois surprenants mais toujours vraisemblables à mon avis.

Le sujet n’est pas sans faire réfléchir sur la situation parfois dramatique dans les urgences des hôpitaux américains qui manquent souvent de personnel, d’argent, d’espace, d’équipement et de compréhension. Le sujet vient nous rappeler également que les médecins sont des humains et ne sont pas à l’abri de l’erreur. Aussi, quand on consulte, il est capital de ne rien lui cacher.

C’est un bon livre, mais il n’est pas un de ces ouvrages qu’on garde en mémoire. On finit par l’oublier mais le chantier de lecture comme tel a un petit quelque chose de *page turner*. Il se lit vite et bien et sa finale, quoiqu’un peu rapide est bien travaillée. La psychologie des personnages est peu développée.

C’est une faiblesse du récit. Il aurait été intéressant d’en savoir plus sur les STUYVESANT : Claudia, morte dans des circonstances mystérieuses qu’on finira par éclaircir de peine et de misère car on s’est dépêché pour des raisons tout aussi mystérieuses d’incinérer le corps.

Maman Stuyvesant qui a peur de son mari et vit dans son ombre prendra  tout le monde par surprise…bien trouvé et Papa Claude…j’en ai déjà parlé, c’est le bon Dieu faute de mieux…j’aurais préféré que l’auteur approfondisse davantage ces personnages.

Enfin, il faut se rappeler que Kate va trouver un allié inattendu. Ce roman raconte un combat acharné. C’est loin d’être novateur mais j’ai trouvé sa lecture satisfaisante d’autant qu’elle colle un intouchable sur la touche…

Suggestion de lecture : LE PROCÈS de Franz Kafka

Henry Denker a commencé à écrire pendant ses études à l’Université de New-York. Il a renoncé à sa carrière de juriste pour l’amour de l’écriture. Il a été scénariste, directeur et producteur. Il a également écrit six pièces de théâtre, toutes jouées à Broadway. Il a enfin écrit de nombreux romans comme L’ENFANT QUI VOULAIT MOURIR et ELVIRA. Denker partageait son temps entre la Californie et les Adirondack. Plusieurs de ses romans ont été adaptés à l’écran. Henry Denker est mort presque centenaire en 2012.

Bonne lecture
Claude Lambert

Le dimanche 14 mars 2021

LE ONZIÈME PION, livre de HEINRICH STEINFEST

*Ne le prenez pas personnellement, fit une voix à côté de lui. –Je le prends on ne peut plus personnellement, répliqua Stransky, estomaqué par sa propre ironie. Il faut préciser que le blond trapu, arrivé sans le moindre bruit par une minuscule ruelle, lui braquait un revolver sur la tempe. «Bonne nuit, dit l’homme.*

(Extrait : LE ONZIÈME PION, Heinrich Steinfest, Carnets nord pour la traduction française. Édition numérique, 2012, 410 pages)

Georg Stransky dîne avec femme et enfant dans sa maison de banlieue lorsqu’un étrange projectile perturbe ce moment de paix : une pomme brise une vitre et finit sa course sous la table. Un incident vite oublié, si ce n’est qu’au matin, Georg a disparu. Pour Lilli Steinbeck, spécialiste des questions d’enlèvement, cette mise en scène n’est pas nouvelle. Sept hommes ont déjà disparu dans des circonstances similaires, avant d’être retrouvés morts aux quatre coins du monde, bien loin de leur Allemagne natale. Rien ne semble les relier, à part un passage à Athènes. C’est là que commence l’étrange enquête de Lilli Steinbeck. 

LES POMMES QUI MYSTIFIENT
*Il ouvrit la bouche et mordit dans un fruit qui
n’existait peut-être que dans son imagination,
mais qui avait pourtant un goût douceâtre. Ni
céleste ni infernal, pas d’âmes réduites en purée
Ni de surdose quelconque. Un goût de pomme.*

(Extrait : LE ONZIÈME PION)

C’est le caractère bizarroïde de ce récit qui a maintenu mon intérêt jusqu’au bout. C’est en effet une histoire très étrange, déjantée, hors-norme, surprenante. Ça reste un polar, mais l’écriture est très singulière et l’ensemble est assez insolite.

L’histoire est d’autant originale qu’elle prend son envol grâce à une pomme… une simple pomme qui est passée par la fenêtre et a atterri sur la table des Stransky : Georg et Viola. Ça ressemble au mauvais coup classique d’un gamin mais, le lendemain matin, Georg n’était plus là. Il avait bel et bien disparu.

L’enquête est confiée à Lili Steinbeck, une policière peinarde qui tranche par un nez spectaculaire et une routine bien précise incluant le coucher à 22 heures. Pour l’aider, Lili achètera les services de Spiridon Kallimachos, un obèse énorme qui fume comme un pompier et se déplace avec la grâce d’un hippopotame. Spiridon a aussi une mystérieuse particularité : la mort le fuie. On ne peut pas le tuer.

Lili apprend que 7 personnes sont déjà disparues suivant le même scénario et qu’elle se trouve au cœur d’un jeu sordide opposant Esha Ness, un monstre d’égocentrisme et qui tue pour s’amuser et le docteur Antigonis.

Le bon docteur tente, avec sa femme de sauver les pions car comme dans un jeu d’échec, les pions sont vite sacrifiables. Ici, il y a dix pions. Sept sont morts, le huitième est celui qu’on suit dans le récit, et deux sont à venir. Il est facile de s’imaginer qui est le onzième pion.

La règle est simple, on enlève un pion, on l’expédie à l’autre bout du monde. On le relâche et on le tue. Une seule chose peut sauver un pion. Qu’il réussisse à retourner sain et sauf dans sa maison. Après il devient intouchable.

Mais quel est le sort du huitième pion ? Qu’est-ce qui attend le onzième ? Et puis quel est ce lien à la fois mystérieux et cocasse qui unit Steinbeck et un bébé braillard appelé Léon ? Est-ce que quelqu’un viendra à bout de Kallimachos ? Quel est le sens de ce jeu tordu ?

Ce roman sort vraiment de tous les sentiers battus. Il y a dans le récit des rebondissements qui semblent défier la logique et une finale très curieuse, inattendue. J’aurais pu être déçu mais j’ai vu les choses différemment. Je crois que Heirich Steinfest fait bande à part en imprégnant ses histoires d’un caractère mystificateur avec une touche d’inexplicable.

Il va à contre-courant des formes classiques ou habituelles du polar avec en plus, une forme d’humour instantané que je décrirais de frisquet. C’est le cas spécialement dans les dialogues impliquant Lili Steinbeck et bien sûr le gros Kallimachos qui fera l’objet, chez le lecteur, de tous les questionnements.

Les personnages sont bien travaillés, approfondis. Plusieurs sont attachants, particulièrement ce cher Spiridon . Il y a enfin Georg Stransky, le huitième pion : attachant à sa façon avec son esprit scientifique dédié à l’ornithologie et qui croise pendant sa tentative de sauvetage une espèce d’oiseau qu’on croyait éteinte.

Donc, nous avons ici une histoire abracadabrante qui met continuellement le lecteur en questionnement sur le développement parfois saugrenu de l’histoire. Je me suis souvent posé la question : Où est-ce que Steinfest veut en venir? Il faut bien s’en tenir au fil conducteur de l’histoire. Il est assez stable, mais il dérape vers la fin du récit.

Moi j’aime bien cette espèce de volonté de faire différent même si ça mène à une certaine *indiscipline littéraire*. C’est original. Enfin je ne jurerais de rien mais j’ai l’impression que l’auteur s’est ménagé une petite sortie pour une suite éventuelle. Pourquoi pas ? Étant donné qu’il y a encore plusieurs pions en suspension…

Donc c’est un livre qui m’a plu. Si vous décidez de l’attaquer, attendez-vous simplement à quelque chose d’audacieux, de différent.

Suggestion de lecture : ÉTRANGES RIVAGES, d’Arnaldur Idridason

Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur cet auteur sorti des sentiers battus, un peu rebelle, pamphlétaire. On sait qu’il est né en Australie mais issu d’une famille autrichienne. Il a grandi à Vienne. Au moment d’écrire ces lignes, il vit à Stuttgart où il est peintre et écrivain.

Steinfest est un des opposants les plus connus au projet STUTTGART 21 contre lequel il a participé à plusieurs manifestations et manifestes. Son premier roman DER ALLESFORSCHER met en scène son propre frère, Michael Steinfest, mort à 23 ans dans un accident de montagne.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 19 février 2021

ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery

<C’est son fils, si tu allais chercher dans les mains courantes
des services sociaux, tu y trouverais son dossier. Il est à vomir.
Elle lui fait vivre un enfer à ce gamin, depuis toujours. Elle lui
fait payer sa propre déchéance et elle en use et en abuse à
tous les degrés. C’est un bon gosse. Il ne dit rien, il ne fait rien.
D’ailleurs que peut-il faire ?>
(Extrait : ALLIANCE OBSCURE, Jean-François Thiery, éditions
Ex Aequo, collection Rouge, 2015, édition numérique. 50p.)

Qui tue ces femmes d’un unique coup de poignard en plein cœur ? Bratislava a peur. Un tueur en série sévit près de la tour UFO, le célèbre bâtiment de la capitale slovaque. Les victimes sont des femmes délinquantes. Elles sont tuées d’un coup de poignard dans le cœur, un seul, sans autre forme de violence.
L’inspecteur Théo Fusko est sur la brèche. Malgré l’aide de son énigmatique collègue, Néo, l’enquête piétine. La méthode du binôme ne figure nulle part dans les manuels de Police ; elle intrigue une jeune profileuse, Lydia Kacinova. La jeune femme s’inquiète ; elle y reconnaît les symptômes de pathologie psychiatrique, mais une vérité beaucoup plus dérangeante la guette, une vérité au-delà de l’explicable…

UNE VÉRITÉ AU-DELÀ DU RÉEL
*Théo Fusko est couché sur le dos. Il tremble…
Les spasmes s’accompagnent de gémissements…
Un couteau ensanglanté est à ses côtés, à portée
de main. Il se cabre encore et pousse un cri
effrayant, bascule sur un côté avant de s’effondrer.*
(Extrait)

C’est un roman aussi bref qu’étrange. Pour résumer, un tueur en série poignarde des femmes dans la ville de Bratislava, capitale de la Slovaquie. Le tueur, rusé et habile est difficile à traquer. L’enquête est confiée à l’inspecteur Théo Fusko, un policier étrange qui ne sera pas toujours au bon endroit au bon moment. Dans sa tâche, Théo est aidé par un énigmatique et insaisissable personnage qui vit dans l’ombre et qui donne de précieuses indications à son allié.

Cette alliance intrigue au plus haut point Lydia Kacinova, une profileuse judiciaire venue de Prague pour tenter d’établir le profil psychologique du tueur. Elle croit reconnaître dans le comportement de théo des signes de pathologie psychiatrique. Trouble dissociatif, syndrome de la personnalité multiple? En fouillant, Lydia va s’apercevoir qu’il y a encore pire…encore plus étrange.

Tout au cours de ce récit, j’ai cru verser dans la littérature fantastique alors que la finale en est une de science-fiction qui est plus proche de la réalité qu’on pense. Le récit n’est pas sans me rappeler le film de Jack Gold LA GRANDE MENACE avec Richard Burton, une excellente production qui évoque l’incroyable pouvoir du cerveau humain, et par la bande, la réalité des pouvoirs paranormaux.

Ceux-ci sont poussés à l’extrême dans le film tandis que Thierry, dans son livre, fait preuve d’une certaine retenue, ce qui n’a pas nui du tout au récit. Je ne peux pas en dévoiler plus car cela reviendrait à dévoiler le secret de l’histoire et ici, je crois qu’il vaut la peine d’être préservé même si le thème s’apparente quelque peu à bon nombre d’histoires développées dans la littérature fantastique et qui évoquent en surface les pouvoirs paranormaux. Malgré tout, le récit a une certaine originalité.

Le mystérieux partenaire de Théo s’appelle Néo. Ce dernier s’applique à guider Théo pour l’aider à préciser sa pensée sur le tueur tant recherché : *Il est en colère. Il nous connaît bien : il a découvert la relation très spéciale qui nous unit. Ce lien le met en danger. Il veut le briser. Je ressens beaucoup de haine à ton égard. Il t’en veut mon ami. Bien plus qu’à moi. Mais je ne permettrai pas qu’il te tue.* (Extrait) Ajoutons à ce mystère une atmosphère épaisse, une énigme savamment entretenue et développée, un non-dit bien dosé…c’est efficace.

L’histoire est très intéressante, intrigante, mais l’auteur a développé son idée de façon à créer un roman de la taille d’une nouvelle. Il ne fait qu’une quarantaine de pages. Je l’ai évidemment dévoré en moins d’une heure. J’ai été saisi par une finale surprenante et pourtant, je suis resté sur ma faim. Le thème est sous-développé. J’aurais souhaité que Thiéry développe davantage la psychologie de ses personnages et en dévoile plus sur les motivations du tueur.

J’ai eu l’impression que le récit est issu d’une idée géniale que l’auteur n’avait pas vraiment envie de développer. C’est un peu dommage. Malgré tout, j’ai aimé. C’est une bonne histoire qui mise en fait sur la nature de la connexion entre Néo et Théo. C’est le principal élément qui entretient l’intrigue…maladie mentale ou pouvoir surnaturel? l’œuvre du tueur en série devient plus accessoire on dirait.

Donc en résumé, trop court avec le résultat que le potentiel de l’histoire est sous-développé. Si on prend l’histoire sous l’angle de la nouvelle. C’est efficace et le lecteur y plonge rapidement.

Suggestion de lecture : CUL-DE-SAC, d’Agnès Boucher

L’auteur : Jean-François Thiery est cadre informaticien dans l’industrie automobile. Il réside en France, dans le pays de Montbéliard. Il commence à écrire en 2009, et publie des nouvelles et des romans. Dans son écriture, l’écrivain aime associer l’humour à la gravité, créer des intrigues solides avec des dénouements étonnants, planter des scènes avec un regard cinématographique.

La psychologie des personnages est la chair de ses pages. Il s’agit de caractères épais, souvent minés par des démons intérieurs. Ils ne sont ni complètement bons ni complètement mauvais. Ils évoluent dans un entre-deux qui nous est proche, une zone trouble que l’auteur considère comme une mine littéraire inépuisable.

Bonne lecture
Claude Lambert
dimanche 7 février 2021

TOMBENT LES ANGES de MARLÈNE CHARINE

*Tu nous a fait quoi, là, Choupette ? Dit Boris, un
pli d’inquiétude sur le front. –Je ne sais pas vraiment.
Je suis entrée et j’ai été frappée par une vague de
détresse. Quelque chose de démesuré. De trop costaud
pour moi…C’était une émotion pure…Et puis le froid. Comme
les autres fois.*
(Extrait : TOMBENT LES ANGES, Marlène Charine, éditions
NL.com, 2017, éditions numérique, 1066kb, 274 pages)

Lors d’une perquisition de routine, Cécile, jeune policière désabusée vit une expérience hors du commun qui va faire basculer son existence. Audrey, jolie infirmière de 25 ans met fin à ses jours dans la salle de bain de son luxueux appartement du XVe arrondissement. Elle ne s’y trouve pas seule. Contactée par le lieutenant Kermarec, Cécile n’a pas d’autres choix que d’écourter ses vacances forcées. Et après tout, il est bien le seul à ne pas la prendre pour une cinglée. Ainsi Cécile se lance dans une enquête qui chevauche le surnaturel…une enquête troublante…

ÉMOTIONS À CHAUD
*Un frisson la traversa de part en part.
Elle entoura la tasse de ses paumes,
but une nouvelle gorgée. Les cinq
paires d’yeux fixés sur elle
commençaient à la mettre mal à
l’aise. Surtout avec ce qu’elle était en
train de raconter.*
(Extrait: TOMBENT LES ANGES)

TOMBENT LES ANGES est un thriller policier avec du paranormal en toile de fond. Ça ne réinvente pas le genre mais je l’ai trouvé bien ficelé.  La trame est simple et facile à suivre : une policière à la limite dépressive reprend du service à la demande du lieutenant Merlin Kermarec. Une mort qui a toutes les apparences d’un suicide, mais quelque chose cloche.

L’affaire s’annonce complexe. La policière, Cécile Rivère, a un don. Elle peut voir des entités et ressentir des choses. C’est un don très rare. Mais peut-on faire avancer une enquête sur des preuves surnaturelles ? Le défi de l’auteure était d’insérer le surnaturel à l’enquête tout en demeurant crédible. C’est là l’originalité de l’œuvre. Le point fort.

Autre élément intéressant qui contribue à la crédibilité du récit est le fait que Cécile a peur de son don, elle le craint. Elle l’utilise une fois forcée ou avec parcimonie. Mais dans l’enquête sur la mort d’Audrey, l’infirmière, des entités appellent à la vengeance et leur force est telle que Cécile ne peut la contourner.

Il lui reste à utiliser cette force pour déterminer comment exactement Audrey est morte. Car il est clair pour les policiers qu’il ne s’agit pas d’un suicide. L’enquête est bien travaillée, l’intrigue va crescendo et la finale réserve une surprise. J’en ai eu un petit frisson dans le dos. Mission accomplie pour Marlène Charine, elle m’a tenu en haleine.

Je signalerais peut-être un dernier élément qui m’a plu. Le ou les coupables est ou sont particulièrement monstrueux (Je ne veux pas être trop précis pour ne pas vous enlever le plaisir de la découverte).

L’auteure aurait pu gaver son récit de passages croustillants et d’épisodes de charcutage sanglants, un peu comme l’a fait Sénécal avec LES 7 JOURS DU TALION, mais ce n’est pas le cas. Ça reste très violent mais j’ai senti une retenue de l’auteure et elle a bien servi la trame, particulièrement dans le dernier quart du récit que je peux qualifier de haletant.

Il y a deux irritants principalement. Je les signale même s’ils ne nuisent pas trop à l’œuvre. L’auteure s’étend beaucoup sur l’état d’âme des policiers Rivère et Karmerec, des êtres *bardassés* par la vie, qui ont passé de sales quarts d’heures, qui maudissent leurs supérieurs mais qui sont définitivement policiers jusque dans l’âme.

Et puis, il y a l’inévitable petite romance entre les deux…un petit sentiment, un peu de sexe, quelque chose qui ressemble d’abord à l’amour d’un grand frère et qui devient par la suite plus ou moins mal défini.

Les états d’âme et la romance sont deux clichés extrêmement courants en littérature policière. Il m’arrive toutefois de lire des romans policiers qui sont exempts de ces clichés ennuyeux et bouche-trous. Je ne l’ai pas fait souvent jusqu’à maintenant. Petit point positif, dans le livre de Charine, le sexisme est combattu…jusqu’à un certain point.

Donc en conclusion et pour résumer, TOMBENT LES ANGES développe une enquête extrêmement intrigante. En passant le titre est très bien choisi, vous découvrirez pourquoi. Tout est brillamment lié, tension constante et atteignant un paroxysme à la fin.

Bien que certains passages soient tirés par les cheveux, l’appel au surnaturel demeure crédible. L’auteure a évité la caricature et provoque l’empathie. Bref, un très bon livre qui mérite d’être lu.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Marlène Charine est une auteure scientifique et nouvelliste suisse née en 1976. Le nez en permanence plongé dans un livre depuis l’enfance, Marlène Charine a sauté le pas de l’écriture il y a un quelques années. Sans doute pour compenser la rigueur de son métier scientifique, ses récits, romans ou nouvelles, ont tous une saveur d’imaginaire. Le Projet Alice, un thriller teinté d’anticipation, est son premier roman.

Intéressé à lire mon commentaire sur le tout premier roman de Marlène Charine ? Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche 31 janvier 2021

LE MYSTÈRE MENGELE, de JORGE CAMASARA

*Dès son arrivée, Mengele fit preuve d’une grande
activité… Il reçut bientôt le titre de «monstre» et
d’«ange de la mort» chez les prisonniers…ils se
souvenaient de lui à cheval, au milieu des victimes
…toujours une cravache de cuir à la main…*
(Extrait : LE MYSTÈRE MENGELE, Jorge Camarassa,
Robert Laffont, 2008, édition de papier, 179 pages)

Fruit d’une longue et rigoureuse enquête, le livre raconte un obscur épisode de l’exil en Amérique latine de l’un des plus grands criminels de guerre. Jeune savant eugéniste, Josef Mengele fut chargé de faire exploser le taux de naissances aryennes, afin de fournir les futurs soldats du Reich. À Auschwitz, il sélectionnait à l’arrivée des trains des enfants, juifs et tziganes – souvent des jumeaux –, sur lesquels il pratiquait d’effroyables expériences.

En 1945, avec la complicité du Vatican, il échappe à la justice des Alliés et parvient à s’enfuir en Amérique latine où il officie comme médecin dans une ville frontalière du Brésil. Dès lors, les naissances de jumeaux se multiplient…tous blonds aux yeux bleus… les scientifiques n’ont pas d’explications à ce phénomène, mais pour l’historien Jorge Camarasa, on ne peut écarter l’hypothèse troublante de l’oeuvre du docteur Mengele.

SUR LES TRACES D’UN MONSTRE
*Josef Mengele a passé ses dernières années
au Paraguay, dans cet enchevêtrement de
confusions, de soupçons et de données
improbables sur sa vie ou sa mort.*
(extrait)

C’est un livre qui rassemble des hypothèses sur la vie et la mort de Joseph Mengele, un des plus grands criminels de guerre de l’histoire et probablement le plus insaisissable, après sa fuite d’Auschwitz en 1945. Mengele était obsédé par une mission eugénique, tordue et dépravée : produire des jumeaux 100% Aryens afin de fournir des soldats au Reich. : *Son obsession pour les jumeaux le marquera jusqu’à sa mort. *  (extrait)

À Auschwitz, surnommé « l’Ange blond de la mort », il sélectionnait à l’arrivée des trains des enfants juifs et tziganes sur lesquels il pratiquait d’effroyables expériences. En 1945, il échappe à la justice des Alliés et parvient à s’enfuir en Amérique latine.

Au début des années 1960, on le retrouve médecin itinérant à Candido Godoi, une ville frontalière du Brésil dans laquelle vit une communauté allemande. Depuis 1963, plus de cent paires de jumeaux sont nées dans la petite ville de sept mille habitants. Une proportion qui dépasse l’entendement.

Pour l’auteur-historien Jorge Camarasa, on ne peut écarter cette question troublante : serait-ce là l’oeuvre du sinistre docteur Mengele ? Ce livre est le fruit d’une enquête sur l’itinéraire de Mengele dans son exil en Amérique latine et tente d’expliquer pourquoi il n’a jamais été arrêté.

On sait que Mengele était un monstre sans conscience et dont les atrocités ont été largement détaillées dans beaucoup de livres et dans la presse. On sait qu’il envoyait des prisonniers à la mort en souriant ou en sifflant une chanson et qu’il se gardait les autres pour ses abominables expériences.

Le livre de Camarasa ne s’attarde pas aux bassesses de Mengele mais plutôt à son errance en exil d’une part et son obsession pour la gémellité d’autre part. *…son histoire, sa correspondance, ses antécédents laissaient clairement apparaître son seul leitmotiv dans l’existence : l’expérimentation génétique. * (Extrait)

Dans le livre, une phrase en particulier m’a intrigué car elle résume très bien le caractère insaisissable du personnage : *Joseph Mengele a passé ses dernières années au Paraguay dans cet enchevêtrement de confusions, de soupçons et de données improbables sur sa vie et sa mort. * (Extrait)

C’est un livre intéressant qui nous*rappelle de ne pas oublier* ces millions de personnes assassinées pour satisfaire une ambition eugénique et qui nous motive à exercer une tolérance zéro sur ces monstruosités. Toutefois, le quatrième de couverture mentionne que l’enquête de Camarasa est rigoureuse. Elle l’est sûrement.

C’est un livre sérieux mais je constate malheureusement que tous les éléments qu’on y retrouve ne font qu’alimenter la légende entourant Joseph Mengele. Il y a beaucoup d’hypothèses, beaucoup de questions, mais peu de réponses.

Une chose est sûre, c’est que certains régimes politiques latins ont protégé Mengele et agissaient comme des sympathisants à la cause Nazie même si la défaite a dissout le régime. Le livre met en perspective des collaborations, des complicités, des associations douteuses, de la protection.

Il semble que même pendant son exil, Mengele inspirait la crainte. Je suis donc resté un peu sur ma faim. Bien sûr, je peux poursuivre mes recherches avec des livres plus récents, mieux documentés. Pour ce qui est de LE MYSTÈRE MENGELE, la zone grise de la vie de Mengele demeure encore beaucoup trop vaste.

Suggestion de lecture :  TOUS À ZANZIBAR de John Brunner

Jorge Camasara (1953-2015) était un écrivain et journaliste argentin qui a vécu à Córdoba. Il a travaillé dans plusieurs journaux et a servi en tant que conseiller du Centre Simon Wiesenthal. Il a aussi participé à des colloques, et donné des conférences dans plusieurs pays d’Amérique latine et d’Europe. Sa bibliographie comprend près d’une quinzaine de livres dont quelques-uns sont devenus référentiels.

Bonne lecture
Claude Lambert
Vendredi 27 novembre 2020

DRÔLE DE MORT, le livre de SOPHIE MOULAY

Enquêtes d’outre-tombe # 1

*Tôt ce matin, je suis mort. *
(Extrait : DRÔLE DE MORT,
Sophie Moulay, Les éditions du
38, 2018. Numérique et papier
235 pages.)

Je m’appelle Roger Fournier et je suis mort depuis soixante ans. Assassiné. Ne soyez pas désolé, j’ai eu le temps de m’y habituer. Les plus beaux moments de ma mort ? L’enquête menée par l’inspecteur Tovelle pour découvrir mon meurtrier. Inutile de vous préciser que j’étais aux premières loges ! J’ai découvert le véritable visage de mes proches et appris à mes dépens que toute vérité n’est pas bonne à entendre… Depuis, j’ai su rebondir et me construire une nouvelle vie dans la mort. Un jour, si nous avons le temps, je vous en parlerai davantage. Mais d’abord, laissez-moi vous raconter comment j’ai été assassiné.

ÇA RAPPELLE HERCULE…
*Seul dans la pénombre,
j’ai maintenant l’impression
d’être passé à coté de
moments importants. *
(Extrait)

Ce n’est pas un livre qui tranche par son originalité mais je l’ai trouvé drôle et franchement bien écrit. Un homme, Roger Fournier, meurt assassiné. Il se désincarne bien sûr mais son esprit reste sur place. Roger ne comprend pas trop pourquoi mais il décide d’en profiter pour comprendre les causes de sa mort et de suivre l’enquête qui déterminera qui l’a tué :

Il découvre des choses intéressantes mais il déchante car ce qui saute surtout à ses yeux de spectre est l’hypocrisie de sa famille. Fallait-il se surprendre? Surtout si on tient compte que Fournier laissait à sa mort une fortune considérable.

En plus de l’écriture qui est soignée, je note plusieurs forces dans ce livre. D’abord, malgré le contenu dramatique du récit, l’humour est omniprésent sans connotations noires ou disgracieuses : *Ma mère est morte la première, étouffée par un os de poulet. Ma tante l’a suivie dans la tombe un an plus tard. Un accident de voiture. Elle a voulu éviter une dinde égarée. Depuis, je fuis toute volaille. * (Extrait)

Autre force intéressante, la psychologie développée des personnages. Comme ce récit est un huis-clos familial et que chaque personnage est suspect, l’auteure a travaillé et bien campé chaque acteur afin que le lecteur puisse comprendre la démarche des policiers et participer à l’enquête.

À ce niveau, je signale deux éléments intéressants : l’auteure met en perspective la solitude des membres de la famille qui n’ont jamais appris à se connaître et deuxièmement, j’ai beaucoup apprécié le personnage de l’inspecteur Tovelle : secret, théâtral et remarquablement intuitif. Je m’y suis attaché rapidement.

Enfin, le livre pose une question intéressante. Est-ce qu’à ma mort, je serais intéressé en tant qu’esprit, à rester sur place pour connaître avec exactitude les vrais sentiments de mon entourage à mon égard. Il y a forcément des petites vérités qui n’ont jamais éclaté. Alors ? Je reste ou passe à autre chose ? J’ai encore un peu de temps j’espère pour y réfléchir.

C’est un très bon livre qui amène ses lecteurs à analyser chaque personnage suspect car dans cette histoire, tout le monde a quelque chose à cacher. L’enquête est riche en rebondissements et j’ai particulièrement aimé suivre Roger Fournier dans son introspection en tant que spectre, curieux, intéressé mais frustré de ne pouvoir dire son mot ou remettre certaines personnes à leur place.

En fait sa démarche est une forme d’examen de conscience sans jugement. Il y a dans le récit, de beaux moments d’émotion et d’humour. J’ai trouvé aussi la finale particulièrement bien imaginée. Qui peut savoir ce que ressent un être intuitif comme l’inspecteur Tovelle ?  Il me rappelle un peu Hercule Poirot celui-là. Légendaire limier créé par Agatha Christie.

Reste à savoir maintenant ce qui se passe avec Roger Fournier une fois faite la conclusion de l’enquête :  *Le reste de la journée s’écoule lentement. Très lentement. Ce que la mort peut être ennuyeuse ! L’éternité risque d’être très longue. *  Un autre très beau moment de lecture pour moi. Je vous recommande DRÔLE DE MORT de Sophie Moulay.

Suggestion de lecture : LE MAGASIN DES SUICIDES, de Jean Teulé

Sophie Moulay a découvert les livres de la Bibliothèque verte au milieu des années 80. À ce moment-là, il était trop tard pour espérer la guérir du virus de la lecture ; elle s’y est donc adonnée avec bonheur. Plus tard, elle découvre les équations et les racines carrées et va même jusqu’à les enseigner au collège.

Elle a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor« . Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » ; « Drôle de mort » en constitue le premier volet.

Suggestion de lecture   11 SERPENTS de Philippe Saimbert

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 novembre 2020

ÉTRANGES RIVAGES, de ARNALDUR INDRIDASON

*Lombre dun homme vacille sur la cloison, il laperçoit en un éclair : il a le dos tourné et baisse la tête, lair désespéré. Cette vision le fait sursauter avec une telle violence que la lampe lui échappe et tombe sur le sol où elle séteint à nouveau.*
(Extrait : ÉTRANGES RIVAGES, Arnaldur Indridason, Éditions Métailié, 2010, édition
numérique, 300 pages)

Erlendur est de retour dans ce roman noir d’Arnaldur Indridason. Parti en vacances dans les régions sauvages des fjords de l’Est, le commissaire est hanté par le passé, celui des affaires restées sans réponses comme des évènements sinistres qui se sont déroulés dans cette région bien des années auparavant.  Un groupe de soldats anglais s’est perdu dans ces montagnes pendant une tempête. Certains ont réussi à regagner la ville. Cette même nuit, une jeune femme a disparu dans la même région et n’a jamais été retrouvée. Erlendur veut trouver coûte que coûte ce qui est arrivé… Une histoire étrange…

UN POLAR TRÈS NORDIQUE
*Je n’ai jamais entendu parler de ces gémissements…
Si c’était la réalité, ça impliquerait qu’il était sacrément
résistant…- mais je connais des histoires où il est
question d’une résistance exceptionnelle au froid et
d’un instinct de survie hors du commun…*
(Extrait : ÉTRANGES RIVAGES)

L’histoire se déroule dans une magnifique contrée appelée ISLANDE, littéralement, «terre de glace», un état insulaire de l’Océan Atlantique Nord, situé entre le Groenland et la Norvège. Superficie : 103 000 km carrés. Population : 331,000 habitants. La capitale est Reykjavik. La langue nationale est l’Islandais.

Le climat de l’Islande en est un de toundra, soumis aux vents froids polaires. C’est tout le livre d’Indridason qui respire l’Islande. Même la langue, qui comprend quantité de mots presqu’imprononçables pour les francophones est présente dans chaque page du livre et donne à l’ensemble un rythme agréable de par la toponymie rythmique Islandaise.

L’intrigue du livre se déroule dans les fjords de l’est digne des paysages de GAME OF THRONES (il y a plusieurs lieux de tournages de cette série en Islande) où on peut voir des troupeaux de rennes, des glaciers, des aurores boréales ainsi que les hautes terres intérieures, soumises à d’impitoyables caprices météorologiques. La première chose que je peux dire de ce livre, c’est L’Islande comme si j’y étais.

Le livre raconte l’histoire d’Erlandur,  policier à Reykjavik qui prend quelques jours en vacance et décide d’aller vagabonder dans son patelin natal : les fjords de l’est. Le commissaire est hanté par son passé et obsédé par les disparitions signalées, sur les étranges rivages des fjords. Celle de son frère par exemple.

Mais surtout, cette nuit où les soldats britanniques se sont perdus en pleine montagne pendant une violente tempête, presque au même moment, une jeune femme, Mathildur disparaît et n’a jamais été retrouvée. Pour Erlandur, cette disparition est suspecte. Comme Mathildur était au centre d’un triangle amoureux, Erlandur décide d’aller au bout de la vérité.

La quête d’Erlandur est au cœur du récit. Celui-ci créera involontairement un lien entre son enfance qui le hante et Mathildur. J’ai pu apprécier l’incroyable minutie de l’auteur dans son développement. J’ai été touché par l’opiniâtreté d’Erlandur, policier buté qui  n’était qu’en vacance. Il est obsédé par la découverte de la vérité mais il sait qu’elle fera mal.

*À qui la découverte de la vérité serait-elle utile après toutes ces années, toutes ces décennies ? Pourquoi exhumer des choses que, sans doute, il valait mieux ne pas remuer ? À qui cela profiterait-il ? (Extrait)

En fait, Erlandur ne cherchait pas au départ à résoudre un crime. C’est le crime qui est venu à lui. Indridason a magnifiquement calibré son récit. Son atmosphère est glauque et la ténacité du policier est enveloppante. Imaginez comment Peter Falk pouvait être achalant dans les scénarios de la série COLOMBO. Erlandur est pire.

Mais par le pouvoir d’une plume qui dégage d’intenses émotions, mon cœur est avec Erlandur. On sait ce qu’il veut, on se doute qu’il l’aura, mais comment ? Pour moi, ÉTRANGES RIVAGES est un roman noir dans un cadre blanc, profondément islandais dans son environnement, sa mentalité, son climat dur et imprévisible, son anthroponymie et sa toponymie imprononçables. Le rythme du roman est lent mais l’intrigue est très bien ficelée

Donc j’ai aimé ce livre mais je le répète, je l’ai trouvé dur. Il y a même des passages pénibles qui semble vouloir pousser le lecteur à se demander comment les choses font pour en arriver là. On y trouve tout de même de très belle séquences et l’histoire pousse à une réflexion sur les écarts de l’amour.

Erlandur est attachant même si on peut s’interroger parfois sur ses motivations. Il se dégage de l’ensemble une mélancolie qui pousse un peu à la poésie. Quant à la finale, je l’ai trouvé magnifique, psychologiquement bien manœuvrée. C’était pour moi, une de mes rares incursions dans la littérature islandaise. Je me promets bien d’y revenir.

Suggestion de lecture : LA MÉMOIRE DU LAC, de Joël Champetier

Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec douze millions de lecteurs.

Il a reçu le prix Clef de verre en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert et plusieurs autres prix prestigieux dont le prix espagnol du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres. Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 24 octobre 2020

 

Les neuf cercles, le livre de R.J. ELLORY

*On perdait une partie de son humanité à la guerre, et
on ne la récupérait jamais. Mais cette fois-ci, même
Gaines était retourné. Une jeune fille morte. Peut-être
noyée, peut-être assassinée, et enterrée dans la vase.
L’exhumer ne serait pas une tâche aisée…*
(Extrait : LES NEUF CERCLES, R.J. Ellory, Sonatine
Édition pour la traduction française,  2014, édition
numérique, 700 pages)

1974. De retour du Vietnam, John Gaines a accepté le poste de shérif de Whytesburg, Mississippi. Une petite ville tranquille jusqu’au jour où l’on découvre, enterré sur les berges de la rivière, le cadavre d’une adolescente : Nancy Denton, une jeune fille mystérieusement disparue vingt ans plus tôt et dont le corps a été préservé par la boue. L’autopsie révèle que son cœur a disparu, remplacé par un panier contenant la dépouille d’un serpent. Traumatisé par le Vietnam, John doit à nouveau faire face à l’horreur et se lancer dans  un combat mené pour une adolescente assassinée et une mère de famille déchirée. Ce qui attend John : une nouvelle traversée des neuf cercles de l’enfer.

UN HOMME…
DE LA GUERRE IMPRÉGNÉ
*J’ai fait ce qui m’a semblé le mieux, et si je dois finir
en prison pour ça, alors soit. Et il y avait l’expression
dans ses yeux, cette espèce d’étonnement, cet espoir
désespéré que son acte effroyable ait pu être bénéfique.*
(Extrait)

C’est un suspense policier à caractère psychologique très centré sur l’horreur de la découverte faite par le Shériff John Gaines du cadavre d’une jeune fille conservé intact dans la boue d’une rivière même après 20 ans, le cœur arraché. Que s’est-il passé exactement. Le livre est très centré sur l’impact psychologique d’une telle vision sur l’esprit de Gaines. Mais le shérif est un ancien du Vietnam.

Il a vécu les neuf cercles de l’enfer vietnamien…il en a vu d’autres…c’est pas si simple… : *Quand vous voyiez un joueur de football blond de 19 ans décapiter un jeune vietnamien de 15 ans, puis rester là à prendre des photos…vous compreniez que le monde ne tournait pas rond…Cette affaire était comparable. La même fascination surréaliste et morbide. Le même étonnement sombre et terrifiant. (Extrait) Malgré lui, et avec cette affaire qui dépasse tout le monde, Gaines revivra les neuf cercles.

C’est un roman très noir dans lequel l’atmosphère étrangle parfois l’intrigue et qui met en scène des personnages transformés par la guerre, mais aussi des policiers dépassés par un évènement d’une incroyable morbidité : Au premier plan, on trouve aussi une famille dynastique typique du sud américain du dernier siècle : la famille Wade, pourrie par l’argent, l’ambition, le pouvoir qui étend ses tentacules dans les sphères politiques et judiciaires.

Le genre de famille avec des membres tordus et sans scrupules à qui il est impossible de dire non. Ainsi s’exprime Earl Wade, le patriarche devenu mentalement instable : *<Un salopard, une putain, un pédéraste et une pimbêche. Voilà le fruit de mes entrailles. On dit que les amis sont la famille qu’on se choisit. Si j’avais le choix, je les renverrais tous sans rien et je donnerais tout mon argent.* > (Extrait)

Vous avez maintenant une bonne idée du décor planté avec un rare souci du détail par l’auteur R.J. Ellory. Reste à savoir comment Gaines dirige son enquête. Je vous laisse le découvrir mais vous pourriez être surpris par l’opiniâtreté du Shérif…opiniâtreté qui tourne à l’obsession et qui nous prépare à une finale tout à fait inattendue.

C’est un livre intéressant marqué par une exploration minutieuse de l’âme humaine. L’intrigue est là mais il y a plus fort encore : l’ambiance, l’atmosphère parfois lourde et dense qui évoque le brouillard. Cet élément consacre l’aspect psychologique du récit. Le rythme du récit est modéré et se concentre sur le mal…l’horreur.

J’ai trouvé le lien avec les neuf cercles de l’enfer un peu ténu pas toujours constant. Il n’y a aucune évocation de Dante, mais ce n’est pas important. C’est le traumatisme de la guerre qui compte et il est omniprésent dans l’histoire. Tout comme le caractère psychologique de l’œuvre, la plume est à la fois forte et sensible.

Une belle exploration de la psyché humaine…à lire.

Suggestion de lecture : LES CLOCHES DE L’ENFER, de John Connoly

Roger Jon Ellory est né à Birmingham en 1965. Après avoir connu la prison à l’âge de 17 ans, il se consacre à plusieurs activités artistiques puis se plonge dans la lecture, et sa passion pour la littérature de fiction ne fait que croître. Ses auteurs de prédilection: sir Arthur Conan Doyle, Michael Moorcock, Tolkien, Stephen King… Entre 1987 et 1993, RJ Ellory écrivit pas moins de vingt-deux romans, chacun lui valant systématiquement des refus éditoriaux, polis mais fermes…

Découragé, RJ Ellory cesse d’écrire jusqu’en 2001, où il reprend la plume avec trois romans en moins de six mois. Mais c’est avec SEUL LE SILENCE, son cinquième roman publié en Angleterre que le public français le découvre. Suivront, toujours chez Sonatine Editions, Vendetta en 2009 et Les Anonymes en 2010 et bien sûr LES NEUF CERCLES.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 23 octobre 2020