ANTISÈCHES

Commentaire sur le livre de
SÉBASTIEN L. CHAUZU

*-On ne va pas se mentir. Si tu étais inspiré, ça fait longtemps que tu aurais essayé de me draguer.
J’ai regardé l’animal allongé sur la chaise longue et j’ai évalué les chances que j’avais de sortir vivant de ce combat…elle a croisé les jambes au niveau de ses genoux et a ajouté :
-Tu sais, tu n’es pas mon premier écrivain. *

Extrait : ANTISÈCHES, de Sébastien L. Chauzu. Édition de papier et format numérique : Prise de parole éditeur, 2025, 354 pages.

Ed aurait pu faire face à la réalité. Il a préféré remplir ses poches de rappels absurdes. Antisèches, ou comment rester debout grâce à l’ironie, l’obsession, et une foi discrète en l’humanité. Dans un monde parfait, Ed serait romancier, et l’infidélité d’Ana, il la découvre en recevant une lettre anonyme. Mais Ed est réceptionniste dans une maison d’édition qui refuse de le publier, et plutôt que de se rapprocher de sa compagne, il cherche à tout prix à retrouver l’auteur du courrier.

S’ensuit une longue série de déconvenues qui amène Ed à sillonner son quartier en tracteur, et à bourrer ses poches d’antisèches, qui sont censées lui rappeler ses priorités. Au fil de son périple, il croise entre autres, un Espagnol qui partage la vie de son ami éditeur, et un barbu tireur d’élite.

Ed sait ce qui l’attend au bout du chemin, mais il ne veut pas affronter cette réalité sans se dire, une dernière fois, qu’il peut tout arranger.

 
Ironique, absurde mais touchant

ANTISÈCHES est un roman aussi singulier qu’audacieux. Décalé et relâché sur le plan narratif, à l’image de son héros, Edgar Clauss (qui préfère qu’on l’appelle Ed tout court) un écrivain raté en ce sens qu’il est incapable d’écrire un récit cohérent tout comme il est incapable de structurer sa vie. Réceptionniste dans une maison d’édition qui refuse de le publier, Ed se sent incompris :

*Les gens ne comprennent pas ce qu’est un écrivain, le marché, la publication, une histoire avec un début et une fin, mon égo, des personnages qui essaient de créer du sens alors que la vie n’en a aucun. * (Extrait)

Un jour, Ed reçoit une lettre anonyme qui lui dévoile l’infidélité d’Ana. Dès lors, il n’aura qu’un seul objectif, découvrir l’auteur du courrier anonyme. Il entreprendra alors toutes sortes de démarches absurdes et farfelues. Il a entre autres la manie d’écrire sur des bouts de papier des petits rappels, des notes, réflexions et des pensées sur ses relations en Société et surtout sur ses relations amoureuses. On appelle ces notes des antisèches.

Ed est obsédé par Ana et l’auteur de la lettre anonyme, moteur de l’intrigue. Mais ce qui poursuit les lecteurs et lectrices tout au long du récit, ce sont les antisèches d’Ed. Elles sont au cœur du récit et malheureusement pour notre héros, pour ne pas dire notre antihéros, il est le premier à s’y perdre. Tous les personnages secondaires sont les témoins volontaires ou non, des démarches obsessionnelles d’Ed.

C’est un récit déjanté, balloté dans le burlesque et l’absurde et donnant l’apparence d’une philosophie bon marché avec quantités de phrases et d’expressions étranges et gonflées auxquelles on peut donner le sens qu’on veut si on en trouve un : *Que valait une époque qui imposait le traçage de chaque minute de la vie de notre jambon si c’était pour nous exhorter à effacer de nos mémoires la plus infime de nos déceptions ? * (Extrait) ou encore *Le jugement est la seule chose qui différencie une fleur d’une mauvaise herbe. * (extrait)

Mais au-delà des apparences, j’ai développé de l’affection pour Ed, personnage maladroit et mélancolique évoluant dans un monde qui semble lui échapper. C’est un personnage attachant parce qu’humain, en quête de sens et d’identité, et fragile aussi. En fait, si Ed n’avait pas été un écrivain raté, le roman de Chauzun n’aurait aucune raison d’être. Ed n’est rien de moins que touchant. J’ai été fasciné par sa vulnérabilité et sa sincérité. Ce sont des éléments qui imprègnent le récit d’une finesse  enveloppante.

Pour bien goûter cette œuvre atypique, il faut s’armer de patience car elle comporte des longueurs et des redondances et elle est décousue. La galerie de personnages secondaires est assez abondante et le fait que l’humour absurde s’insère dans une situation personnelle dramatique rend le tout pas très facile à suivre. Il y a aussi la finale qui m’a donné une impression d’inachevé. Le style narratif et le ton utilisé peuvent ne pas convenir à tous les lecteurs et lectrices.

Toutefois, l’ouvrage a des qualités indéniables qui compensent largement les petits bémols…j’ai été surpris par le style de Chauzu qui joue aisément avec l’absurde et le drame. Oui, son univers est loufoque et burlesque mais il a doté son personnage principal d’authenticité. Il est maladroit mais sincère. Tout ce mélange ouvre la voie à une infinie tendresse. L’humour est subtil. La légèreté et la gravité sont en équilibre dans ce roman.

Le récit pousse à la réflexion sur l’échec, la solitude, le besoin de reconnaissance et vient nous rappeler qu’il n’est pas toujours aisé de vivre dans un monde étouffé par les lois et les convenances. Le récit traduit une dérive existentielle. Pour moi il est porteur d’émotion et ça compte beaucoup.

Suggestion de lecture : LE MUR, Jean-Paul Sartre


L’auteur Sébastien L. Chauzu

Du même auteur


Détails ici

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 novembre 2025

Défense d’entrer ! 13

Commentaire sur le livre de
 Caroline Héroux, avec la participation de Charles-Olivier Laroche

*Tout ce que je veux. Maman était contente de m’annoncer que j’y allais (au camp d’été) mais elle a fait exprès pour envoyer les jumeaux en même temps, juste pour me faite ch**r. <Je dois faire attention à mon langage, car je me suis échappé devant Mamie l’autre jour et elle m’a ramassé SOLIDE.>

Extrait : DÉFENSE D’ENTRER ! 13 VENDREDI…13 !!! De Caroline Héroux, avec la participation de Charles-Olivier Laroche. Support numérique et édition de papier : : Éditions Défendu 2020, 249 pages.

Charlot, l’authentique ado

Tout récemment, mon petit-fils, Raphaël, me proposait de lire et de commenter un livre extrait d’une série dont il raffole : DÉFENSE D’ENTRER, de Caroline Héroux, écrite avec la collaboration de son fils et d’inclure son opinion dans mon article.

Je connais bien sûr la série, ayant déjà commenter le tome 8 : VOTEZ LOLO. J’étais tombé sous le charme du livre et de la série. Sur la suggestion de Raphaël, j’ai donc sauté sur l’occasion de voir comment la série a évolué.

On continue donc de suivre Charles, appelé gentiment LOLO qui va atteindre ses 14 ans en plein camp d’été alors qu’il développe un *petit sentiment énorme* pour la belle Sarah. Malgré tout son courage, le pauvre Lolo n’est pas au bout de ses peines.

Entre temps, avec ses amis, il aura à résoudre la redoutable légende du camp : LA LÉGENDE DU VENDREDI 13 et il y a des frissons au programme et peut-être la naissance d’une phobie : *Je vais approfondir mes connaissances sur la PARASKEVIDÉKATRIAPHOBIE * (Extrait) le mot existe vraiment. C’est ainsi qu’on appelle la peur irraisonnée du vendredi 13. (Ça se glisse bien dans une conversation avec un peu de pratique.)

L’histoire est très bien bâtie, fidèle à l’image de la série, riche en aventures et en rebondissements et très proche des ados, en particulier les garçons qui, culturellement, ont plus de difficulté à apprécier la lecture. On dirait aussi que le récit semble confirmer sa nature autobiographique avec la participation active de Charles-Olivier Larouche qui connait ça l’adolescence. Au moment d’écrire ces lignes, il a seize ans.

Ici, je me permets de reconduire l’opinion que j’ai émis sur ce site en juillet 2021 concernant le tome 8 de la série DÉFENSE D’ENTRER : VOTEZ LOLO : Ce qui est frappant, à la lecture de ce livre, c’est le ton juste, précis : manière ado, parler ado, attitude ado…ado gossant, flippant, difficile à lever, difficile à coucher, possédant l’art de la réplique et…des gros mots.

Beaucoup de choses m’ont plu dans VENDREDI 13 !!! le récit rend très bien l’atmosphère d’un camp d’été pour jeunes même si les moniteurs sont quelque peu occultés. De plus, la légende du camp touchant le vendredi 13 est particulièrement bien imaginée et pourrait fort bien pousser le jeune lecteur et la jeune lectrice à se poser la fameuse question, celle qui vient consacrer la justesse de la plume: …ET SI C’ÉTAIT VRAI… Je vous laisse découvrir l’intrigue en vous disant qu’elle a été particulièrement bien soignée.

Un point très important est la présentation du livre : la variété dans la grosseur des lettres, l’utilisation des couleurs, du soulignement, des dessins et une forte ventilation du texte contribuent à traduire les émotions, les sentiments et le ressenti des personnages et rend l’ensemble extrêmement attrayant pour le jeune lectorat.

Enfin, la naissance des sentiments chez les ados et le réveil hormonal sont traités avec une infinie sensibilité. Charles est très attiré par Sarah mais il faut voir comment ça va se terminer. Caroline Héroux n’aborde pas seulement le réveil des hormones mais aussi celui de la maturité. C’est bien pensé.

Bien d’autres découvertes drôles vous attendent dans ce treizième tome de la série DÉFENSE D’ENTRER qui prend bien son temps pour vieillir. Une très belle lecture.

Suggestion de lecture : LA RÉBELLION DES CORNICHONS, de Mika


Extrait de DÉFENSE D’ENTRER 13 ! VENDREDI…13 !!!
surtout pour donner un aperçu de l’aménagement des pages.


L’autrice Caroline Héroux et son fils, Charles-Olivier Larouche
qui a collaboré activement à la série DÉFENSE D’ENTRÉE.

La collection

À LA TÉLÉ

La série a été adaptée sur ICITOUT.TV EXTRA par le réalisateur Jason Roy-Léveillée

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 2 novembre 2025

Osti de tabarnak

PREUX CHEVALIER FRANCOL

Commentaire sur le livre de
GISLAIN TASCHEREAU

*…Et à voir les traits de Qing Bloke, tendus comme une arbalète armée, il devine que le roi de l’Unifol ne mijote pas une soirée cervoise avec celui qui a enlevé son fils, S’il concocte quelque chose, c’est plutôt de retrouver cet Osti de Tabarnak et de le suspendre par les pieds au-dessus d’un cloaque à purin jusqu’à ce qu’il expire. Et il rêve probablement de lui annoncer sa sentence lui-même en chair et enculé. *

(Extrait : OSTI DE TABARNAK PREUX CHEVALIER FRANCOL, de Ghislain Taschereau, LAFFONT éditeur 2020, édition de papier, 408 pages. Format numérique, ERL Canada numérique éditeur 2019, version audio : Audible studios éditeur 2020, durée d’écoute : 11 heures 58 minutes. Narrateur : Ghislain Taschereau.)

Nous sommes au Moyen Âge. La cité de Franc, capitale de la Francolie, pays des Francols, a été prise par l’armée de l’Unifolie. Florent de Lys, le roi de la Francolie, a été capturé et mis en geôle. L’armée francole a été décimée et l’on soupçonne son maréchal, porté disparu, de félonie.

La partie n’est toutefois pas gagnée pour les Unifols, primo parce que leur reine est une enfant rebelle de la Francolie, secundo parce qu’ils auront affaire aux chevaliers du Déconcrissage…

Une caricature engagée

*…mais Carisse de calice lève un doigt ! <Je tiens à préciser que si mon frère devait, par malheur, se révéler être un sale traître à la francolie, mon pays que j’aime de tout mon cœur, je le tuerais de mes propres mains ! > Carisse de calice se tait soudain, puis tente de réprimer un sanglot qui, à défaut de pouvoir emprunter le chemin de ses yeux, lui sort par le nez et tombe devant lui sur la table… * (Extrait)

Ce livre, au titre audacieux, drôle pour ne pas dire comique m’a semblé au premier coup d’œil une charge irrévérencieuse contre la noblesse mais surtout un portrait incisif de l’éternelle dualité culturelle entre l’anglophonie et la francophonie., Il pointe du doigt l’absurdité et la bêtise de la politique.

Taschereau a campé son sujet bien solidement dans un contexte médiéval, donnant à ses héros des noms que les puritains jugeront définitivement blasphématoires mais que moi j’ai trouvé dôles et tape-à l’oreille (car j’ai écouté la version audio narrée par l’auteur lui-même).

Ghislain Taschereau a commencé par créer un noyau de héros francols, les chevaliers du déconcrissage, dirigés par le héros du récit, le preux chevalier Osti de Tabarnak, bien secondés par Osti de Tocson, d’Osti de Tough, d’Osti de Peassou, de Quarisse de Câlisse et de Kérisse de Gorlo. Notez *l’exotisme* des noms créés à partir de jurons, patois, termes jouals et blasphèmes.

S’ajoute quantité de personnages secondaires aux noms très signifiants. Baron Mautadine de Tabarouette, Duc Torpinouche de Torvis, Duchesse Torieuse de Bonrienne, Comte Caline de Mosuss, Comtesse Batêche de Calibine et quelques autres.

Il ne faut pas oublier les dignes représentants de l’Unifol avec en tête le roi Qing Bloke dont l’expression linguistique est un tantinet tournée en dérision :  *-Well thi wall you will wrung the well wull? Demande Qing Bloke dont les larmes se sont figées sous la rage. -Thiwol you is Osti de Tabarnac az wall wring youl thi, répond Layshen. (Extrait)

Quoique fort divertissante, l’histoire est difficile à suivre car elle est truffée de phrases à double-sens, jeux de mots, allusions, sarcasmes et sens cachés, sous-entendus.

C’est une faiblesse. Pas nécessairement un irritant. Ça m’a simplement obligé à quelques retours en arrière en cours d’audition. J’ai beaucoup apprécié le contexte médiéval dont notre langue s’est assez bien inspiré et la façon dont l’auteur évoque des tares historiques en passant par l’absurde.

Les allusions directes à des personnages contemporains formellement identifiables sont rares Toutefois, le patronyme PET TRUDEAU m’a surpris et l’image qui s’en dégage est peu flatteuse, ce qui m’a ravi au plus haut point.

Malgré son humour attractif et déridant, il est évident pour moi que ce livre véhicule une pensée sociale et d’actualité qui ne m’a pas laissé indifférent. Si la finale débouche sur une idée de régime politique discutable, j’adhère totalement à sa conclusion qui laisse entendre que c’est en passant par l’éducation, l’acquisition de connaissances et l’enrichissement de la culture qu’un peuple devient fort :

Il n’est
d’erreurs,
de désespoirs
et de complexes
que les Francols n’endurent.

Il n’est
d’erreurs,
de désespoirs
et de complexes
que l’éducation ne cure.

À lire ou écouter. Évasion garantie.

Suggestion de lecture : LA BÊTE CREUSE de Christophe Bernard

Du même auteur

 

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 31 août 2025

CÉDRIC

Commentaire sur
La série de bandes dessinées créée par

le scénariste Raoul Cauvin et le dessinateur Laudec
avec la touche du coloriste Vittorio Leonardo


Extrait de COUCHÉ, SALE BÊTE! Le 34e album de la série CÉDRIC

Dur, dur, d’être un petit garçon… Entre la maîtresse, le psychologue de l’école, les parents trop curieux, les copains chahuteurs, une cousine odieuse et une petite copine capricieuse, Cédric a fort à faire pour préserver sa tranquillité. Heureusement, Pépé est toujours là, pour les mauvais coups comme les coups de blues.

Dans le cadre de mon exploration ponctuelle du neuvième art, j’ai découvert avec un rare plaisir la série de BD CÉDRIC signée par le tandem Cauvin-Laudec et présentant, avec une imagination débordante La nouvelle star des enfants. CÉDRIC est déjà un classique de la BD familiale, conçue également pour divertir toute la famille. Personnellement j’ai été séduit par la série qui m’a beaucoup diverti avec un petit tannant bien sympathique et très attachant.



IRRÉSISTIBLE

Extrait : bonne astuce pour faire signer un bulletin

Toute la collection raconte le quotidien de Cédric Dupont, huit ans. C’est un garçon turbulant, rusé, un peu manipulateur et a une tendance évidente à être insolent <baveux>, dirait-on en bon québécois avec les adultes. C’est un petit bonhomme extrêmement intelligent et pourtant mauvais élève à l’école, à cause…des filles…

Il est d’abord préoccupé par son attirance pour sa professeure, mademoiselle Nelly. Mais lorsqu’une jeune chinoise, Chen, s’installe dans son école et dans son univers, à partir du troisième volume, il en tombe amoureux fou et tentera toutes sortes de coups pour la séduire, parfois pendables, souvent bien imaginés. Cette petite passion entraîne beaucoup de moments cocasses.

Toutefois, attention. Cédric n’est pas le petit ange qu’il donne l’impression d’être. C’est un petit caractériel, colérique et machiste. Il est cependant astucieux, imaginatif et ce qu’il est prêt à faire pour séduire la belle Chen est un élément générateur de nombreux moments drôles.

Je ne peux pas qualifier la série d’hilarante mais elle m’a beaucoup amusée, pour la dizaine d’albums que j’ai lue. Je n’ai pas trouvé Cédric particulièrement attachant, mais placé dans son contexte quotidien, dans son milieu d’amis et à l’école et compte tenu de ses pirouettes amoureuses enfantines, j’ai trouvé l’ensemble rafraîchissant, particulièrement enrichi par le talent du dessinateur Tony de Lucas, alias Laudec.

À lire donc pour faire diversion, se détendre, s’amuser, la série CÉDRIC, le produit de deux enfants de la Belgique, le pays qui a donné au neuvième art la place qui lui revient…le pays qui nous a donné Tintin…

Suggestion de lecture : Les aventures de Tintin, de Hergé


À gauche, le scénariste Patrick Cauvin, à droite, le dessinateur Laudec. Ce sont les créateurs de CÉDRIC. Voyez leur parcours biographique ici.

Pour parcourir les 35 volumes de la collection, cliquez ici.

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 1er août 2025

 

 

Les dieux s’amusent

Commentaire sur le livre de
DENIS LINDON

*Il y a un peu plus de trois mille ans, la Terre était peuplée d’une multitude de divinités qui ne cessaient d’intervenir dans les affaires des hommes. À bien des égards, ces dieux ressemblaient fort à des hommes ordinaires : ils étaient orgueilleux, avides, paresseux, gourmands, menteurs, mesquins, rancuniers, jaloux, frivoles, capricieux et violents ; il leur arrivait aussi quelquefois d’avoir de bons sentiments. Ils se mariaient, avaient des enfants, se disputaient, se trompaient, se vengeaient et se pardonnaient tout comme le commun des mortels. *

Extrait : LES DIEUX S’AMUSENT, Denis Lindon. Support papier : Castorpoch éditeur (rééd.) 512 pages. Version audio : Gallimard éditeur, 2019, durée d’écoute : 9 heures 2 minutes, narrateur : Jean-Paul Bordes. Format numérique : Flammarion jeunesse éditeur, 2019, 469 pages.

Un précis de mythologie aussi savant que souriant. Un livre passionnant, drôle et instructif qui permet de découvrir les plus belles histoires du monde : les amours de Jupiter, les travaux d’Hercule, les colères d’Achille, les ruses d’Ulysse…

Léger et plein d’humour

C’est un livre léger, rafraîchissant et instructif. Il faut prendre son titre au pied de la lettre. L’auteur démystifie (façon de parler) la mythologie grecque. Il raconte l’histoire et l’évolution des dieux jusqu’à leur dernière invention : un genre de marionnette appelé *humain*.

Denis Lindon raconte les dieux grecs sous un angle différent et novateur. Il prend des libertés par rapport à la mythologie officielle pour autant qu’on puisse considérer une mythologie comme officielle. Il ne s’en cache pas d’ailleurs. Peut -être est-ce au nom de cette liberté que Lindon a laissé glisser des erreurs dans l’histoire.

Il dit par exemple que le Cheval de Troie était une offrande à Athéna alors que ladite offrande était faite à Poséidon. Autre exemple, les 12 travaux d’Hercule qui ne sont pas présentés dans le bon ordre. L’ouvrage comporte plusieurs coquilles de ce genre. C’est la raison pour laquelle il faut se rabattre sur le titre et croire que l’auteur s’est aussi amusé.

Il y a quelque chose de paradoxal dans le fait de dire qu’une mythologie est inexacte puisqu’il n’est question que de légende. À ce chapitre, ma base de référence a toujours été et sera toujours Homère, ainsi que L’HISTOIRE DE LA MYTHOLOGIE GRECQUE de Jeremy Haim publié chez AFNIL et réédité en 2021. Si je me base sur ces références et quelques autres, la crédibilité de LES DIEUX S’AMUSENT est quelque peu discutable.

Il reste que le livre est original et divertissant. Sa version audio est superbe. J’ai trouvé l’ensemble drôle et instructif malgré tout. Son titre donne une bonne idée de l’objectif que s’était fixé l’auteur au départ.

Le livre est divisé en trois grandes parties. La première est consacrée à l’histoire des dieux grecs qui sont présentés comme des magouilleurs indolents, capricieux, menteurs, infidèles, sournois et autres gentillesses du genre.

La deuxième partie est consacrée à l’histoire et la guerre de Troie avec Ulysse en vedette, Achille bien sûr, Ajax, Hector, Pâris, la belle Hélène et plusieurs autres. Enfin, la troisième partie est consacrée à l’odyssée d’Homère qui, sous l’emprise de dieux cruels et fourbes, mettra 20 ans pour regagner sa terre d’Itak après la guerre de Troie.

Bien que ce livre dépoussière la mythologie grecque, que sa présentation soit agréable et sa façon d’aborder les dieux soit amusante, ce n’est pas un livre pour les enfants à cause des thèmes qui y sont développés : guerre, meurtres, cruauté, traîtrise, inceste, jalousie, misogynie et j’en passe.

Les dieux n’étaient pas des enfants de chœur. Il est donc exagéré de dire que c’est un livre pour toute la famille. Pour le reste, c’est une histoire énergique, captivante, qui va au-delà des autres versions. Petit bémol, l’humour prend souvent le pas sur la rectitude.

Suggestion de lecture : LE CHANT D’ACHILLE de Madeline Miller

Du même auteur

Après avoir dirigé pendant quinze ans l’une des plus importantes sociétés françaises de conseil en management, fondé et présidé la Sofres, Denis Lindon est devenu professeur de marketing à HEC et consultant d’entreprise dans les domaines de la stratégie marketing et de la formation des cadres marketing. Denis Lindon est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et d’économie de l’Université de Cambridge (G.-B.). Il écrit aussi des livres pour les enfants.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 23 juin 2025

Les malheurs de Sophie

Commentaire sur le livre de
LA COMTESSE DE SÉGUR

*On n’avait jamais vu un enterrement plus gai. Il est vrai que la morte était une vieille poupée, sans couleur, sans cheveux, sans jambes et sans tête, et que personne ne l’aimait ni ne la regrettait. La journée se termina gaiement ; et, lorsque Camille et Madeleine s’en allèrent, elles demandèrent à Paul et à Sophie de casser une autre poupée pour pouvoir recommencer un enterrement aussi amusant. *

Extrait : LES MALHEURS DE SOPHIE, par la Comtesse de Ségur. Publié à l’origine chez Hachette en 1858, collection rose. Réédité plusieurs fois. Pour la présente, CreateSpace éditeur, 2013, 88 pages. Édition numérique libre de droit, 152 pages. Version audio : Audiolud éditeur, 2020, narratrice, Lucille Delanne, durée d’écoute, 3 heures 13 minutes. Disponible en Bd chez Glenat éditeur, 2021, 56 pages. Littérature jeunesse.

Précurseur de la littérature pour enfants

Je lisais récemment sur internet un dossier littéraire qui réactualisait les écrits de la comtesse de Ségur, qualifiant son œuvre d’indémodable. S’il est vrai que la comtesse de Ségur fut précurseur de la littérature moderne pour enfant, je suis heureux de constater que les thèmes qu’elle développe ont été mis au goût du jour par nos auteurs contemporains. L’œuvre de la comtesse a vieilli, il faut bien le dire.

J’ai moi-même lu LES MALHEURS DE SOPHIE quand j’étais à l’école primaire. Je me rappelle que le livre m’avait atteint. Je l’avais apprécié car il correspondait parfaitement aux courants sociaux de l’époque qui mettaient surtout les garçons en valeur. Le machisme couvait.

En effet, Sophie est une petite fille de quatre ans, caractérielle, égoïste, colérique et qui accumule les gaffes et les bêtises parfois cruelles. Le deuxième héros du petit roman est son cousin, Paul, un petit garçon bon, doux, facile et agréable à vivre. Sophie énerve tout le monde et tout le monde magnifie Paul. Classique d’un temps révolu, du moins pour les occidentaux.

Donc par curiosité et soixante ans plus tard, j’ai relu LES MALHEURS DE SOPHIE. J’ai aussi écouté la version audio narrée par Angèle Coutu. J’ai relevé des irritants comme par exemple le niveau de langage de Sophie, 4 ans, beaucoup trop haut perché pour être vraisemblable. L’imagination de ses bêtises est aussi poussée. Il eut été inadmissible que mes parents m’aient laissé jouer avec un couteau et encore moins boire du vin, entre autres.

LES MALHEURS DE SOPHIE est un livre du XIXe siècle et se cantonne encore au XIXe siècle. Toutefois, l’œuvre m’a encore atteint, mais pour des raisons différentes.

L’histoire de Sophie est porteuse de réflexions sur de nombreux thèmes qui ont conservé toute leur actualité : sur les personnes qui ont un irrésistible besoin d’avoir l’attention des autres par exemple, l’inutilité des châtiments corporels, l’équité et l’égalité entre garçons et filles, la place des femmes dans la Société.

L’ouvrage porte également à réfléchir sur des troubles qui n’étaient pas identifiés à l’époque mais qui sont courants aujourd’hui comme les déficits d’attention et l’hyperactivité. C’est un concept d’éducation à parfaire qui sous-tend l’œuvre de la Comtesse de Ségur.

LES MALHEURS DE SOPHIE est un récit intéressant, d’autant qu’il est autobiographique. Il est aussi divertissant même si l’imagination de Sophie est parfois poussée. Je pense qu’on peut faire confiance à l’intelligence des enfants de 7 ans et plus pour faire la part des choses.

Suggestion de lecture : UN VOISIN ÉTRANGE, de Florian Dennisson


Après avoir épousé le comte Eugène de Ségur
Sophie Rostopchine devient
LA COMTESSE DE SÉGUR

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le samedi 7 juin 2025

Les aventures de Tintin

Commentaire sur les albums de
HERGÉ

Malgré les efforts de Tintin pour les protéger, six membres d’une expédition scientifique consacrée à la civilisation Inca sont mystérieusement plongés dans une profonde léthargie. Lorsque le dernier scientifique tomba en léthargie, le professeur tournesol disparait, enlevé après s’être paré du bracelet de la momie Rascar Capac. Tintin et le capitaine Haddock concluent que leur enquête devra se poursuivre au Pérou d’où origine la momie. Pendant ce temps, les scientifiques endormis font régulièrement et simultanément le même cauchemar. Un rêve fou dans lequel la momie est vivante.

LE TEMPLE DU SOLEIL est la suite de l’aventure amorcée dans LES 7 BOULES DE CRISTAL. Nos amis Tintin et Hadock sont au Pérou, à la poursuite du professeur Tournesol, après avoir appris que ce dernier a commis le sacrilège de porter le bracelet de la momie Rascar Capac. Ils auront l’aide inespérée d’un jeune indien Quishua appelé Zorrino qui leur apprend l’existence d’un temple, très loin dans les montagnes péruviennes où pourrait être mis à mort le professeur Tournesol. Ils entreprennent un long et périlleux voyage qui pourrait bien conduire nos amis au sacrifice de leur vie…

Riche et indémodable

Ma première lecture à vie fut celle d’un album de Tintin. Par la suite, j’ai dévoré rapidement la collection complète et j’y suis revenu régulièrement au fil des ans. C’est comme plus fort que moi. Tintin fut mon premier ami. C’est lui qui m’a introduit à la lecture. Même après soixante ans, j’y reviens à l’occasion.

Cette fois, j’ai profité de l’arrivée sur le marché d’un nouveau format d’édition, plus petit mais tout aussi attractif et qui se glisse bien mieux dans une bibliothèque. En fait, ce nouveau format est sorti en 2007, toujours chez Casterman pour souligner le centenaire de la naissance de Hergé.

Il était temps pour moi de m’y remettre. J’étais dû comme on dit. Pour me replonger dans l’univers du jeune reporter, j’ai choisi les diptyques de la collection, c’est-à-dire les aventures de Tintin déployées sur deux albums. Il y a quatre diptyques en tout dans la collection : LES CIGARES DU PHARAON et LE LOTS BLEU, LES 7 BOULES DE CRISTAL et LE TEMPLE DU SOLEIL, LE SECRET DE LA LICORNE et LE TRÉSOR DE RACHAM LE ROUGE et le diptyque lunaire : OBJECTIF LUNE et ON A MARCHÉ SUR LA LUNE.

J’ai réalisé peut-être encore davantage aujourd’hui la richesse de ces albums avec leurs graphismes recherchés, leur caractère initiatique en géographie, histoire, sciences et phénomènes de toutes sortes et ce magnifique équilibre que Hergé a toujours jalousement conservé entre mystères, énigmes, enquêtes et l’humour avec les attachants personnages qui entourent Tintin dont bien sûr le tonitruant capitaine Haddock.

Toutes ces qualités sont toujours recherchées par les jeunes lecteurs à qui on propose encore plus car Hergé a su insuffler à son jeune héros un inexplicable pouvoir attractif comme une aura qui tend un irrésistible filet gardant les jeunes lecteurs dans le coup.

Je constate aujourd’hui que Tintin demeure une icône de la francophonie internationale. Un incontournable. Il n’a pas vieilli. Et après toutes ces années, je le redécouvre encore.

Quant au diptyque en rubrique, c’est mon préféré. Il est teinté de véracité et de crédibilité qui supposent une recherche sérieuse et beaucoup de documentation. Il y a aussi les personnages secondaires qui sont venus me chercher en particulier Zorrino dans LE TEMPLE DU SOLEIL, une attachante petite racine péruvienne. Il y a aussi Tchang le jeune chinois qui fut au centre de mon attention dans LE LOTUS BLEU et TINTIN AU TIBET.

Chaque album a un petit quelque chose, une particularité, un personnage ou une situation, susceptible de vous atteindre personnellement. Pour moi, dans les   boules de cristal, ce fut un petit cachet fantastique, personnifié par Rascar Capac. Quoiqu’il en soit, encore aujourd’hui, Tintin ne laisse personne indifférent.

C’est donc avec un plaisir renouvelé que je vous recommande un des fleurons du neuvième art : LES AVENTURES DE TINTIN, créé par Hergé.

Suggestion de lecture : FINGERS,  une aventure de Lucky Luke, de Lo Hartog Van Banda et Morris


L’auteur : Georges Remi, dit HERGÉ

Les autres suites

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 22 mars 2025

Lettres fort inconvenantes de deux libertins

Commentaire sur le livre de
MICHEL GARCIN

*J’étais rouge et haletant derrière la vitre. Ma pique, excitée par ce voluptueux tableau, redressait sa tête impatiente. J’écarquillais les yeux, dans l’attente d’un accouplement nouveau pour moi et dont je savourais <à l’avance les multiples aspects…> * (Extrait : LETTRES FORT INCONVENANTES DE DEUX LIBERTINS, Michel Garcin, Mercure de France éditeur, 2000, édition de papier, 260 pages)

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Loin des troubles politiques qui secouent Paris en cette fin du XVIIIe siècle, sourds aux grondements croissants du peuple ulcéré, le marquis de La Fare et le baron d’Albon n’ont que deux préoccupations dans la vie : le libertinage et le « beau sexe ». Ils entretiennent une correspondance dans laquelle ils dévoilent leurs exploits amoureux. Leurs aventures, parfois cocasses, souvent scabreuses, contées dans leurs moindres détails, sont à vrai dire plutôt des mésaventures : un inventaire éloquent des Infortunes de la débauche !

En effet, à lire les hauts faits du marquis et du baron, le plaisir est loin d’être sans danger. Le baron, lorsqu’il ne se fait pas assommer et dépouiller pendant l’amour par le compagnon de la femme qui lui dispense du plaisir, manque de périr par les flammes à trop vouloir espionner de charmantes dames dans leurs élans saphiques ou voit, à sa plus grande honte, l’objet de sa virilité réduit à l’impuissance au plus mauvais moment. Quant au marquis, l’amour lui réserve aussi son lot de déconvenues. 

 Libertinage et irrévérence

Peu de choses à dire sur ce livre dont la forme narrative est essentiellement épistolaire et qui s’adresse finalement à un lectorat assez limité. L’ouvrage explore les mœurs et les excès d’une noblesse française lascive qui se cherche à travers une série de lettres entre deux libertins. Le titre est réaliste et révélateur. Les lettres sont effectivement inconvenantes et irrévérencieuses.

Désireux de sortir des sentiers battus, je suis tombé sur ce livre lors d’une de mes nombreuses visites dans les librairies.

Je l’ai choisi, question de faire diversion dans mes lectures sans trop me douter que l’inconvenance atteignait les sommets de la débauche. Le format épistolaire renforce le caractère intimiste de l’histoire de nos deux *héros* qui devient ainsi encore plus *chaude* si vous me permettez cette image.

Ça va plaire aux amateurs de *coquinage*, c’est sûr. Ils se pourraient bien qu’ils jugent le contenu immersif. N’eut été d’un style cru, direct et explicite, j’aurais pu m’intéresser à ce livre. J’y ai plutôt constaté un manque d’imagination. C’est trop direct au but. Ça ne m’a pas emballé du tout même si je dois admettre que l’exploration historique de la France du XVIIIe siècle est intéressante et que l’esprit et l’humour de l’auteur rendent les récits tolérables.

C’est un livre pour lecteurs adultes et avertis car son contenu est potentiellement choquant avec des descriptions lubriques et plutôt salées. La trame est linéaire sans fil conducteur solide comme ça se produit dans les romans épistolaires.

Si vous êtes amateur de littérature paillarde, ce livre est pour vous, mais si vous cherchez bien, vous pourriez trouver mieux.

Je n’ai trouvé aucune photo acceptable de l’auteur et la biographie est plutôt mince. Plutôt ordinaire pour quelqu’un qui a écrit huit livres. Quelques détails sont tout de même disponibles sur lecteurs.com.

Bonne lecture

Claude Lambert

le dimanche 16 mars 2025

FINGERS

Une aventure de Lucky Luke par
Lo Hartog Van Banda et Morris

Extrait : LUCKY LUKE FINGERS, scénario : Lo Hartog Van Banda, dessins : Morris. Lucky comics éditeur, 2001, bande dessinée, 47 pages. Numérique et papier.


Lucky Luke apprend que cinq (!) Dalton viennent de s’évader. En effet, un habile prestidigitateur du nom de Fingers a participé à l’évasion des Dalton mais c’est aussi lui qui va permettre de les renvoyer en prison. Se prétendant injustement condamné, ce « gentleman cambrioleur » a besoin de l’appui de Lucky Luke pour son recours en grâce. Il obtiendra gain de cause mais Lucky Luke gardera un œil sur lui car ses mains échappent à tout contrôle !

 

Le parfait héros

J’ai adulé Lucky Luke pendant de nombreuses années. Je l’aime toujours mais mon intérêt a baissé d’un cran. Comme tous les inconditionnels de l’homme qui tire plus vite que son ombre, j’ai dû subir deux sevrages avec cette série de BD qui réussit à garder la tête hors de l’eau. D’abord, Morris a troqué la cigarette pur une brindille de paille. Je peux comprendre Morris, il ne faisait que devancer les exigences de la loi Elvin, adoptée au début des années 1980 en France et encadrant sévèrement la publicité sur le tabac. C’est un détail, loin d’être malsain mais je ne m’y suis jamais fait.

Autre sevrage important, le décès de Goscinny en 1977. Depuis ce jour, la série a perdu un peu de ses étincelles et a commencé à vieillir à mes yeux. La subtilité et la spontanéité de Goscinny manquent cruellement au scénario de FINGERS. Ça reste une bonne histoire, drôle par moment, pas désagréable à lire au contraire. Malheureusement, le personnage de Lucky Luke s’est affadit avec le temps. Il reste stoïque, sûr de lui mais il est devenu prévisible et sans éclat. Toujours vedette, mais d’une série essoufflée. Dans FINGERS, Luke est plus effacé, trop,  en fait, par rapport au prestidigitateur à qui le scénariste a donné des pouvoirs surdimensionnés

Morris, très différent aussi de son prédécesseur Uderzo a fait quand même de son mieux pour rehausser le scénario de Van Banda et a réussi à rendre l’ensemble plus rigolo. L’histoire de Lucky Luke est quand même extraordinaire.

Plus de 80 albums. Malgré une certaine baisse d’intérêt, j’ai apprécié la lecture de FINGERS. Je sens que je n’en ai pas terminé avec le <poor lonesome cowboy> car j’aime particulièrement l’environnement dans lequel il évolue, une espèce de carricature du far ouest qui m’a toujours fait rire.

À gauche, le scénariste Lo Hartog Van Banda, à droite, le dessinateur Morris, créateur de la série LUCKY LUKE

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT

Le vendredi 17 janvier 2025

 

La rébellion des cornichons

Commentaire sur le livre de
MIKA

*Julie avait quinze ans. Elle était géniale ma sœur. Tout le monde l’aimait ! C’était une ado brillante et toujours souriante. Elle était mon soleil. Julia était une vraie combattante, une Viking ! Après plusieurs batailles, elle a perdu sa guerre. Il y a cinq mois, une saleté de maladie nous l’a prise. Un monstre appelé fibrose kystique. *

Extrait : LA RÉBELLION DES CORNICHONS, Mika, Bayard éditeur, collection Œil de lynx. Format numérique, 100 pages.

De la magie pour alléger un cœur

C’est un petit livre léger, rafraîchissant et franchement drôle. Les enfants de huit ans et plus auront, je crois, un plaisir fou à lire ce petit opus, surtout s’ils connaissent bien certains produits de consommation liés à l’alimentation. Vous allez comprendre. C’est l’histoire d’un garçon de 12 ans, Louis. Louis a perdu sa grande sœur, décédée à 15 ans des suites de la Fibrose Kystique. Depuis, il vit entre deux parents dysfonctionnels.

Pour s’éloigner de cette atmosphère malsaine, il passe des week-ends chez sa mamie qu’il adore. Un jour, Mamie demande à Louis d’aller à l’épicerie du vieux monsieur Casavant afin de lui rapporter des biscuits délectables à l’érable. Une fois sur place, le vieux commerçant l’entraîne dans l’entrepôt au sous-sol et Ho! Surprise, Louis y est enfermé. Ce faisant, Louis basculera dans un monde onirique où il connaîtra peur et émerveillement.

J’ai eu un plaisir fou à voir évoluer Louis entre Quaker <Monsieur Grau> et Ant Jemima, la spécialiste des crêpes, de le voir au milieu d’une chicane entre les biscuits durs et les biscuits mous, de se frotter à un géant vert et de tenter de suivre un caractériel du nettoyage, amateur de citrons, monsieur Net en personne. -Aaarrr ! non mais quel cornichon a osé salir mes planchers ? Il n’en fallait pas plus pour qu’une centaine de cornichons encerclent Monsieur Ménage. Les petits bouts vers et pustuleux semblent aussi très en colère. – Extrait.

Ça sent la revendication, car de toute évidence, les cornichons souffrent d’un manque de reconnaissance… <Nous ne sommes pas que des concombres ! Nous avons une valeur ajoutée ! Nous sommes marinés…> Extrait. Et dire qu’après cette extraordinaire aventure, mamie a demandé à Louis de faire une course à la pharmacie : <…je n’ai pas envie d’assister à un match de lutte entre un colosse rouleau de papier de toilette et un suppositoire géant. > Extrait.

Je ne suis pas sûr de pouvoir mettre un nom sur ce que Mika a voulu faire vivre à son personnage : illusion, rêve, rêve éveillé hallucination, magie ?

Ce que je sais, c’est que Louis a tiré une leçon de son aventure. Il a développé le courage du dragon. Bref : histoire courte au rythme assez trépidant. Louis est attachant et est inspiré par sa sœur qui le regarde du ciel. C’est plein de trouvailles, de bonnes idées. Reste à savoir si mamie aura ses biscuits délectables à l’érable. J’ai eu du plaisir dans la mesure où j’ai pu lire avec mes yeux d’enfants mais qu’à cela ne tienne, le sourire est garanti dans ce bref petit roman bien écrit et encore, avec beaucoup de sensibilité. J’ai même appris que le sirop d’érable peut faire des miracles. C’est court mais ça touche…osez !

Suggestion de lecture : BELLE SAUVAGE, de Philipp Pullman, de la trilogie de la poussière (littérature jeunesse)


Graphiste de formation, Mika a illustré une centaine de livres pour enfants et est aussi autrice à ses heures. En 2017, elle remporte un prix d’illustration pour le roman Chacun sa fenêtre pour rêver, décerné par le Salon du livre de Trois-Rivières. Toute petite, Mika était déjà fascinée par la littérature jeunesse. En plus de son amour pour les livres, elle ne peut vivre sans soleil et sans chocolat, mais elle ne doit cependant pas mélanger les deux, car c’est très salissant. (Québec Amérique)

POUR LES PETITS, DE LA MÊME AUTRICE

Comme lecture connexe, je vous invite à lire le dossier de MAD CANADA sur les enfants en deuil.

Bonne lecture
Claude Lambert
janvier 2022