Éissem passait par là

Commentaire sur le livre de 
PIERRE JUTEAU

*Le même jour, au même instant, Mathieu, Mireille, Geneviève, Antoine et Catherine, tous nés au même moment, entraînèrent, par un acte involontaire la mort de Louis, Amilie, Suzanne, Éric et Dorothée…
Les cinq jeunes quintuplés provenaient de l’esprit et des âmes de ceux qui avaient été tués par ces mêmes quintuplés.
La naissance avait donné la mort. *

Extrait : ÉISSEM PASSAIT PAR LÀ, de Pierre Juteau, Éditions de la Francophonie, 2006, version papier, 100 pages.

La réincarnation serait-elle possible ? Qui d’entre nous ne s’est jamais posé la question ? Êtes-vous dans un autre corps ? Et votre esprit, appartient-il à votre propre corps ou provient-il d’un autre individu. Tellement de questions qui restent sans réponse. ÉISSEM PASSAIT PAR LÀ est un court roman qui suggère des avenues possibles.

 

Une approche de la réincarnation

Éissem passait par là de Pierre Juteau est un roman futuriste captivant qui explore le thème de la réincarnation. Publié par les Éditions de la Francophonie, ce livre compte 104 pages et propose une réflexion originale sur la vie, la mort et les liens entre les âmes.

L’histoire se déroule dans un univers où les personnages sont confrontés à des questions existentielles profondes, tout en naviguant dans un monde empreint de mystère et de spiritualité. Le style d’écriture de Juteau est souvent salué pour sa capacité à mêler des concepts philosophiques à une narration engageante.

Si vous êtes intéressé par les récits qui allient science-fiction et introspection, ce livre pourrait vous intriguer.

J’ai trouvé ce petit livre intéressant mais il ne m’a pas emballé surtout parce que je ne suis pas porté vers les récits à caractère initiatique. Le livre propose une réflexion philosophique sur des thèmes existentiels, limitée par sa brièveté.

L’auteur n’est peut-être pas allé au bout de sa pensée mais il y a tout de même beaucoup d’intéressantes matières à réflexion. C’est un peu spécialisé sur les plans philosophiques et spirituels. Ça pourrait ne pas plaire à tout le monde.

Si vous aimez la philosophie, se petit livre pourrait vous plaire. Il se lit vite et ne manque pas de profondeur.

Suggestion de lecture : JONATAN LIVINGSTON LE GOÉLAND, de Richard Bach


Oeuvre de l’artiste-peintre et auteur Pierre Juteau


L’auteur et artiste-peintre Pierre Juteau

Pierre Juteau est un artiste-peintre québécois présent dans plusieurs galeries d’art. Il colore l’imaginaire. En 2005, Pierre Juteau a été sélectionné pour représenter le Canada à la biennale internationale d’art contemporain de Florence en Italie.

Sa formation en science ainsi que sa passion pour apprendre l’ont guidé vers d’autres lieux. Il se questionne constamment sur ce qu’est l’esprit humain ainsi que sur la relation entre la vie et la mort.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 18 mai 2025

L’Arbre Monde, Richard Powers

*Elle prend sa main tremblante dans le noir. C’est si bon au toucher, c’est ce que doit ressentir une racine qui découvre, après des siècles, une autre racine avec qui s’enlacer sous terre. Il y a cent mille espèces d’amour, inventées séparément, toujours plus ingénieuses, et chacune d’entre elles engendre des choses nouvelles. *

(Extrait : L’ARBRE MONDE, Richard Powers, version audio : Lizzie Éditeur, 2018, durée d’écoute : 21 heures 42 minutes, narratrice : Leah Valdis-Bogart. Version papier : Cherchemidi éditeur, 2018, 550 pages.)

Aux frontières de la poésie

C’est un livre magnifique qui m’a touché profondément car il développe avec sensibilité et intelligence, un sujet qui me tient à cœur. Mais résumons d’abord l’histoire.

Après des années passées seule en forêt, une botaniste fait une découverte extraordinaire qui confirme finalement ce que les légendes proclament depuis l’aube des temps : les arbres communiquent entre eux et pas seulement, ils tentent de communiquer avec l’homme depuis les temps anciens. Malheureusement, leur fréquence est incompatible avec la compréhension de l’homme.

L’histoire évoque également le fourmillement d’une vie souterraine qui va jusqu’à supposer que les arbres du monde auraient bien pu prendre racine à partir d’un arbre-mère : l’arbre-monde.

Au fil de cette profonde intimité, nous suivons le destin entrelacé de neuf personnes, représentées par des noms d’arbres, qui convergent vers la Californie pour défendre un séquoia menacé de destruction. Les lecteurs peuvent suivre les défenseurs, un peu comme on lit les nouvelles convergentes d’un recueil.

Ça peut paraître saugrenu, mais je pourrais très bien qualifier cette œuvre de drame d’amour écologique, essai de philosophie environnementale, un roman manifeste. Moi j’appelle ça une alerte écologique, émise sans haine, sans jugement avec une plume poétique à la limite du langage musical. J’ai été ému par la beauté et la profondeur de l’écriture. J’ai été saisi par une émotion d’une rare intensité.

Ce livre met en perspective une véritable tragédie : la déforestation, la coupe à blanc, des pans entiers de forêt qui disparaissent au nom du développement et qui abîment dangereusement la planète.

Il y a plusieurs années de cela, j’enseignais à mes jeunes scouts que lorsqu’on est perdu en forêt et au bord de la panique, faire un câlin à un arbre nous procurait calme et énergie nouvelle. C’est en partie un pouvoir de communication de l’arbre.

 Voilà ce qu’est pour moi ce livre de Richard Powers : un câlin, doublé d’un sérieux avertissement, un plaidoyer d’une profonde sincérité doublé d’un appel au respect et à la reconnaissance. C’est un livre énorme et puissant mais aussi doux et enveloppant.

Le récit comporte quelques faiblesses toutefois. Il y a beaucoup de longueurs qui nuisent au fil conducteur, aussi, des explications scientifiques un peu lourdes. Certains passages frôlent l’extrémisme, sans y plonger vraiment toutefois. Le tout demande une certaine concentration car l’écriture bifurque souvent. La version audio offre une narration monotone qui frôle l’ennui.

Richard Powers consacre ici un genre littéraire appelé à proliférer : le roman écologique. Une chose est sûre, je ne verrai plus jamais les arbres comme avant. Extraordinaire moment de lecture.

Suggestion d’écoute : PAYSAGE SONORE DE LA NATURE CANADIENNE, collectif audio


L’AUTEUR RICHARD POWERS

 Du même auteur

Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans. Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père Depuis la mort de sa femme, Theo Byrne, un astrobiologiste, élève seul Robin, leur enfant de neuf ans.

Attachant et sensible, le jeune garçon se passionne pour les animaux qu’il peut dessiner des heures durant. Mais il est aussi sujet à des crises de rage qui laissent son père démuni. Pour l’apaiser, ce dernier l’emmène camper dans la nature ou visiter le cosmos.

Chaque soir, père et fils explorent ensemble une exoplanète et tentent de percer le mystère de la vie. Le retour à la réalité est souvent brutal. Quand Robin est exclu de l’école suite une nouvelle crise, son père est mis en demeure de le faire soigner. Refusant l’option de la médication, Théo se tourne vers un neurologue expérimentant une nouvelle thérapie. Par le biais de l’intelligence artificielle, Robin va s’entraîner à développer son empathie et contrôler ses émotions. 

BONNE LECTURE

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 6 avril 2025

 

LE PETIT PRINCE

Commentaire sur la version audio du livre
D’ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY

*-Aaahh…Petit Prince, j’ai compris peu à peu ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n’avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J’ai appris ce détail nouveau le quatrième jour au matin quand tu m’as dit : -J’aime bien les couchers de soleil ! Allons voir un coucher de soleil ! *

Extrait : LE PETIT PRINCE, édition anniversaire, livre audio par ADA, Vues et Voix éditeur, 2019. Durée d’écoute : 1 heure 58 minutes, narrateur principal : René Gagnon. Comédiens : Élizabeth Gautier-Pelletier, Catherine Renaud et Tristan Harey.

Suite à une panne de moteur, un aviateur doit poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara. Cet aviateur, qui tente de réparer son avion est nul autre que Antoine de Saint-Exupéry qui se met lui-même en scène dans cette histoire. Tôt le matin, il est réveillé par une petite voix qui lui demande : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! »

 Indémodable

Magnifique adaptation sonore du conte universellement connu : LE PETIT PRINCE. Il a été publié en plus de 500 langues et dialectes à travers le monde. Je ne connais pas d’ouvrages autant traduits à part peut-être la bible. Il y a de bonnes raisons à cela. C’est un conte d’une douceur et d’une fraîcheur infinies.

L’histoire est très simple. Celui qui se raconte est nul autre que l’auteur lui-même, Antoine de Saint-Exupéry, un aviateur qui a dû poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara.

Le lendemain de ce drame, Antoine est réveillé par une petite voix qui lui demande candidement *S’il-vous-plait…Dessine-moi un mouton*  (Extrait) Jour après jour, alors que l’aviateur tente de réparer son appareil, le Petit Prince lui raconte son histoire à partir du moment où il a décidé de quitter sa minuscule planète mère, l’astéroïde B612 pour explorer les étoiles et se faire des amis.

Je ne peux pas critiquer un chef d’œuvre pareil. On ne peut que se laisser pénétrer par sa chaleur et sa force d’attraction. Le petit Prince nous pousse en effet à retrouver l’enfant en nous, dont la pureté et l’innocence sont demeurés intactes.

Avec une simplicité et une tendresse désarmantes, LE PETIT PRINCE nous amène à redécouvrir le bambin toujours en couvaison dans notre cœur et qui détient une vérité à redécouvrir car elle est le sens de la vie.

Mon passage préféré est le dialogue avec le renard qui tient tant à être apprivoisé. Il met en lumière l’amitié, l’attachement, l’amour, la valeur de la vie.

LE PETIT PRINCE est avant tout une œuvre poétique et philosophique. Très accessible à tous, elle m’a atteint quand j’étais petit, elle m’atteint encore en tant qu’adulte.

Ce n’est pas une œuvre moralisatrice. Elle rassemble, avec l’extraordinaire sincérité du Petit Prince, tout un lot de valeur positives comme l’amitié, l’empathie et particulièrement l’ouverture d’esprit sans oublier le sens de l’émerveillement. LE PETIT PRINCE est aussi porteur d’une réflexion sur la solitude.

La version audio de cette œuvre est un véritable enchantement. La narration est superbe, les comédiens merveilleux. C’est une autre belle occasion d’introduire les enfants à la littérature, tout en douceur. Les parents passeront aussi un bon moment à faire la lecture du conte aux enfants, redécouvrant ainsi une des œuvres les plus marquantes de l’histoire littéraire.

Suggestion de lecture : LE PETIT PRINCE, LE ROMAN DU  FILM, novellisation, adaptation de Vanessa Rubbio-Barreau

Suggestion de lecture : LES CONTES DE NOËL, de Charles Dickens


L’auteur Antoine de Saint-Exupéry

Bonne écoute
Claude Lambert

Le samedi 1er février 2025

L’ÉTRANGER, Albert Camus

*Aujourd’hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas. J’ai reçu un télégramme de l’asile :  » Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués.  » Cela ne vaut rien dire. C’était peut-être hier. * Extrait : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus, version audio, Frémeaux et associé éditeur, 2020, lu par l’auteur, durée d’écoute : 2 heures 51 minutes. Note : L’ÉTRANGER a été publié pour la première fois en 1942 chez Gallimard.

Le sens de la vie selon Camus

C’est le personnage principal qui raconte lui-même son histoire dans ce roman un peu bizarre mais qui suit une philosophie et un schéma de pensée bien précis, à la Camus quoi ! Meursault est un homme introverti, taciturne, passif et pusillanime. La vie lui coule sur le dos comme flot d’indifférence, les sentiments, l’empathie et l’altruisme lui faisant cruellement défaut.

Sa singulière histoire se déroule en deux parties. Au début, la mère de Meursault meurt dans son asile. Le fils vivra brièvement son deuil avec plus d’indifférence que de tristesse et cela est à retenir car cette indifférence, doublée d’une apparence d’ennui va se retourner contre lui dans la deuxième partie.

Nonobstant quelque idylle de nature plus sexuelle que sentimentale, une chaîne d’évènements amènera Meursault à commettre un meurtre lui aussi marqué par l’absurde et l’indifférence. Un procès s’ensuit, à mon avis, LE véritable plat de résistance du roman.

Même si Meursault vit son procès avec détachement et ennui, il était prévisible que l’indifférence affichée lors de la mort de sa mère soit au cœur de l’argumentaire du procureur. Reconnu coupable et condamné, Meursault se lance dans une introspection laissant à penser qu’il mourra comme il a vécu.

C’est un roman étrange, singulier et original qui n’est pas sans nous questionner sur le sens de la vie et surtout sur la nature humaine. Est-il possible qu’un être humain soit doté d’une nature que rien ne gêne, n’ébranle ou ne touche ? Et si c’est le cas, cet être humain a-t-il une âme ? Question mise en évidence dans le plaidoyer du procureur. Je vais plus loin en suggérant que par le biais de tous ses questionnements, Albert Camus jette sur la Société un regard sévère, critique. Ce roman m’a ébranlé car il met en perspective une carence sociale : l’indifférence.

J’ai écouté la version audio de L’ÉTRANGER, lue par l’auteur en personne Albert Camus. Je l’ai trouvée aussi étrange que l’histoire. Autant dire que cette lecture d’un autre temps est caractérisée par la nonchalance et le détachement, est parfaitement ajustée au sujet.

Ajoutons à cela un peu d’atonie et de légèreté qui m’ont donné un peu l’impression, par moment, de donner au récit une empreinte caricaturale. Je n’ai pas vraiment été emballé par la narration, mais le roman est tellement fort, pointant du doigt l’irrationnalité et la bêtise, que j’ai été subjugué…tout simplement.

L’ÉTRANGER comporte de la sérieuse matière à réflexion. Le roman est court, frappe et va droit au but. Ça me rappelle une chanson célèbre dont les paroles sont de Maurice Vidalin, interprétée par Gilbert Bécaud, écrite en 1977 : L’INDIFFÉRENCE.

Dans ce chef d’œuvre *le chanteur français met en exergue…l’émotion qui consiste à ne pas ressentir, il s’agit de l’indifférence. Le chanteur diabolise, maudit et blâme ce trait de caractère. Il l’aperçoit comme l’une des pires caractéristiques que l’humain peut acquérir, au fil des paroles, on comprend pourquoi ! * (greatsong.net)

L’indifférence, elle fait ses petits dans la boue
L’indifférence, y a plus de haine y a plus d’amour
Y a plus grand chose
L’indifférence, avant qu’on en soit tous crevés
D’indifférence, je voudrais la voir crucifiée
L’indifférence, qu’elle serait belle écartelée


ALBERT CAMUS  (1913-1960)

Suggestion de lecture : Déjà paru sur ce site : mon commentaire sur un autre grand classique d’Albert Camus : LA PESTE

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert Einstein

Extrait : COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert
EINSTEIN, Flammarion 1979, réédité en 2009
par Flammarion dans CHAMPS SCIENCE. Édition
de papier, 245 pages

Il aura fallu la tragique apparition du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale pour laisser entrevoir, d’Albert Einstein un homme d’une humanité exemplaire, partisan de l’entente entre les peuples, observateur attentif du monde.
Cet ouvrage rend compte, à partir de textes écrits entre 1930 et 1935, des grandes questions sur lesquelles ce génie solitaire souhaitait s’expliquer publiquement : le pacifisme, la lutte contre le national-socialisme, la défense du judaïsme, la religion et la science, la culture morale, l’éducation. Il traite également de la relativité restreinte et généralisée, la mécanique de Newton. Autant de sujets qui conduisent Einstein à s’interroger sur les responsabilités de l’homme de science face à l’histoire. (Flammarion)

La passion du savoir
Qu’est-ce qu’un auteur scientifique ?
Réponse : Le croisement entre un mimosa et un porc-épic.

COMMENT JE VOIS LE MONDE est un essai philosophique. Malgré le côté un peu ardu de cet opuscule, j’ai découvert l’homme derrière le physicien : Albert Einstein, un homme résolument pacifiste, qui crache sur la guerre et le service militaire obligatoire, un humaniste demeuré profondément sioniste sauf qu’il a toujours milité pour un juste règlement de la cohabitation avec les arabes. Dans cet opuscule, Einstein analyse le monde dans la vie religieuse, politique, sociale et économique.

L’ouvrage se divise en cinq grands volets : 1) une vision globale du monde avec une réflexion sur la nécessité d’une vie morale, d’une saine justice et de l’engagement social. 2) Einstein livre sa réflexion sur la politique et le pacifisme, donne sa version du sens de la paix et critique sévèrement le service militaire obligatoire. On y trouve entre autres l’extrait d’une lettre à Sigmund Freud.

3) Bref commentaire sur le national-socialisme : *Je refuse de séjourner dans un pays où la liberté politique, la tolérance et l’égalité ne sont pas garantis par la loi. * (Extrait) 4) Une analyse rigoureuse sur le sionisme et les problèmes juifs. 5) et bien sûr, un large volet sur la science : l’approche, les protocoles d’expérimentation et de recherche et plus important encore, la pensée scientifique, celle qui a amené par exemple la création des deux théories de la relativité.

Pour ce qui est du volet scientifique, oubliez ça si vous n’êtes pas initié à la physique et à la physique quantique. Vous risquez de trouver cette partie parfaitement indigeste. C’est ce qui m’est arrivé. Autrement, il faut se concentrer pour suivre la pensée d’Einstein qui est profonde, complexe et pas toujours facile à suivre. Mais au final, sa position sur les grands thèmes qui lui tiennent à cœur est claire, très directe et encore aujourd’hui, incroyablement ajustée à l’actualité :

* Dans les rouages universels, le rouage État ne s’impose pas comme le plus indispensable. Mais c’est la personne humaine, libre, créatrice et sensible qui façonne le beau et qui exalte le sublime, alors que les masses restent entraînées dans une ronde infernale d’imbécilité et d’abrutissement. * (Extrait : C’est une pensée d’einstein que j’ai toujours partagée.)

Toutefois, notez bien que l’éditeur a choisi les textes qu’il voulait. Ça fait arbitraire parce que tous ces textes et extraits ont été sortis de leur contexte général. C’est la principale faiblesse de cet opuscule, abstraction faite de la complexité de certains propos. Pas de notes, pas de dates, aucune explication sur le contexte des lettres et citations, pas de renvois J’ai trouvé ça un peu frustrant et irritant.

Par contre, j’ai apprécié les références à d’autres scientifiques et un hommage rendu à plusieurs d’entre eux, Isaac Newton par exemple, Johannes Kepler, Michael Faraday pour, entre autres, ses travaux sur l’électro-magnétisme. C’est évident, Einstein admet avoir subi l’influence positive de ses prédécesseurs et de ses contemporains.

Sur les thèmes cités plus haut, il tente de préciser sa pensée (C’est parfois laborieux, peut-être à cause de la traduction). Il encense ici, il condamne là. COMMENT JE VOIS LE MONDE fut pour moi la lecture édifiante d’un livre qui n’a pas vieilli et qui livre les propos d’un homme qui fut toujours à la recherche de la vérité.

Suggestion de lecture : NAISSANCE ET DESTIN DE L’UNIVERS, de Paul Parsons

Pour lire le commentaire de Phenixgoglu, publié en 2013 sur ce site sur COMMENT JE VOIS LE MONDE, cliquez ici.

Albert Einstein, né le 14 mars 1879 à Ulm (Wurtemberg), en Allemagne et mort le 18 avril 1955 à Princeton, aux États-Unis d’Amérique, est un physicien. Il est probablement le scientifique le plus célèbre du XXe siècle. Il a publié beaucoup de travaux de toute première importance, dont la fameuse théorie de la relativité qui rend plus précise la théorie de la gravité d’Isaac Newton.

Mais Einstein a contribué à beaucoup d’autres domaines de la physique et a presque toujours apporté une contribution très importante aux domaines sur lesquels il a travaillé. Il est mort en 1955 d’une rupture d’anévrisme. Il a reçu le prix Nobel de physique pour sa découverte de l’effet photoélectrique, un principe physique qui permet de produire de l’électricité à partir de la lumière du soleil utilisée dans les panneaux solaires.

(Cette biographie brève est extraite d’un dossier fort intéressant monté en particulier pour les jeunes. Source : Vikidia )

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 janvier 2024

CEUX DE LÀ-BAS, de Patrick Sénécal

*-Il y a une présence…un esprit est parmi nous…
(Pause) Manifeste-toi esprit. Si tu es là, tourne
une page de ce livre ouvert au milieu de la table.
Quelques secondes passent. On entend le bruit
doux d’une feuille de papier qui tourne. Hoquet
féminin de stupeur.*
(Extrait : CEUX DE LÀ-BAS,
Patrick Sénécal, Alire éditeur, 2019, édition de papier
560 pages.)

À l’aube de la cinquantaine, Victor Bettany est psychologue auprès des étudiants du cégep de Drummondville. En excellente forme physique, c’est toujours à pied qu’il se rend au boulot… ou au CHSLD afin de rendre visite à son père, Philippe, aux prises avec l’alzheimer.

Or, de voir dépérir son père perturbe Victor, lui qui a vécu il y a deux ans le décès accidentel de Roxanne, son amoureuse, et dont la peur de la mort s’amplifie en vieillissant. Mais, il se sait capable de surmonter ses angoisses, et tout cela ne l’empêche pas de vivre sa vie, ni même de chercher une nouvelle âme sœur.

Mais ce soir, sa rencontre avec une flamme potentielle ne s’est pas très bien déroulée et, plutôt que de revenir chez lui, Victor décide sur un coup de tête – qu’il va amèrement regretter quelques heures plus tard – d’assister à la première du nouveau spectacle de Crypto, un jeune hypnotiseur qui aime fouiller, paraît-il, dans les zones sombres de l’humain…

Le cœur de la peur
*Une fois dans sa voiture, il veut démarrer, mais
il tremble tellement que ses clés tombent au sol.
Au moment où il se penche pour les ramasser, il
s’immobilise comme si son dos coinçait alors qu’il
ne ressent aucune douleur. Il demeure ainsi,
paralysé par la terreur, le souffle court.* (Extrait)

Encore une fois, Patrick Sénécal nous a pondu un roman fort et encore une fois, Sénécal pèse fort où ça fait mal…étire une corde sensible qui sous-tend l’ensemble des êtres humains :  La mort sous tous ses angles, toutes ses coutures, la mort au-delà de la philosophie, de l’éthique, de la religion, la mort et ses effets sur la vie : peurs, craintes, obsessions, questionnement…tout ça dans une soupe concoctée par un spécialiste québécois de l’horreur.

CEUX DE LÀ-BAS est une longue et profonde réflexion sur la mort…la mort selon Sénécal…noire, tourmentée, intrigante, étouffante. Cette vision n’engage que l’auteur bien sûr mais il a vite fait de prendre le lecteur au piège. C’est ce qui m’arrive tout le temps avec Sénécal. Son récit est attractif. Il m’enveloppe d’abord puis me kidnappe.

La mort s’insinue au fur et à mesure de la déchéance de notre personnage principal : Victor Bettany, jeune psychologue au CÉGEP de Drummondville qui suit plusieurs jeunes en consultation dont Guillaume, un ado à surveiller.

Bettany a perdu sa conjointe, tombé d’une falaise il y a deux ans, son père est atteint d’alzeimer et s’en va doucement. Ça va pas fort en amour. Avant d’aller plus loin, voyons ce qui s’est passé.

Victor se rend à Trois-Rivières pour rencontrer une fille intéressée à une relation stable. C’est un échec. Un échec de plus. Plutôt que de rentrer à Drummondville, Victor décide, sur un coup de tête de se rendre à la salle Champ Gauche pour assister au spectacle de Crypto, un redoutable hypnotiseur qui n’est intéressé que par le côté obscur de l’être humain et qui a un faible pour le pouvoir.

Pour Victor, ce sera la pire décision de sa vie car ce fameux soir au CHAMP GAUCHE, tout va basculer y compris la vie, y compris la mort…ici Sénécal me tend un piège dont je ne sortirai pas car je n’ai jamais aimé les hypnotiseurs à spectacle, des manipulateurs de subconscient. Cette façon d’amuser la galerie nuit aux hypnotiseurs thérapeutes qui peuvent rendre de grands services…

Toujours est-il qu’au nom du pouvoir qu’un ambitieux illuminé s’est conféré…la mort s’étend comme un raz-de-marée après avoir été chassée d’un corps dans un premier temps…les proches meurent en premier puis la faucheuse met un temps pour se rendre à la cour arrière. Je ne peux ni m’expliquer ni en dire davantage. Il faut lire pour voir et patienter pour savoir.

J’ai dévoré ce livre…disons avec moins d’appétit. Il y a de nombreuses longueurs, en particulier sur les états d’âme de Victor. Je peux comprendre mais je compose assez mal avec la redondance…ça m’ennuie mais ça ne me sort pas du piège Cependant. Arnaud, l’ami de cœur de Crypto est un caractériel un peu bourru mais son lien avec Victor devenant très dense, j’aurais souhaité que le personnage soit davantage développé et plus actif.

La finale est assez bien concoctée, elles intéressante mais elle n’est pas très claire et ouvre la porte aux interprétations. Elle ne donne pas beaucoup de réponses. Pour moi si la vie a un sens, c’est que la mort en a un aussi et la vision que l’auteur a de la mort dans son récit est peu engageante. Toutefois, il nous laisse un peu d’espoir en tentant d’établir une nuance entre la mort qui arrache et la mort qui accueille. Une réflexion intéressante sur la peur, la peur de la peur et l’approche de la mort.

Ce n’est pas le meilleur livre de Patrick Sénécal mais ça reste un roman puissant malgré certains irritants et je n’ai pas parlé des fantômes qui pullulent sous le regard de Bettany…images classiques de zombies, d’humains morts qui se décomposent en dégoulinant autour des vivants comme dans POLTERGEIST.

Ça fait cliché, trash, un mélange d’horreur et de surnaturel. Sénécal a déjà fait mieux mais cependant il n’a pas fini de nous surprendre. En ce qui me concerne, le livre m’a happé malgré tout. Il a rempli son office.

Pour en savoir plus sur Patrick Sénécal, cliquez ici.
Pour lire l’article de Sarah-Émilie Nault  (lié à la photo ci-haut) sur Patrick Sénécal, rendez-vous sur Huffingtonpost.

 

Pour lire mon commentaire sur FAIMS
de Patrick Sénécal, cliquez ici.)

 

 

 

 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 novembre 2023

HOMO DEUS, livre de YUVAL NOAH HARARI

VERSION AUDIO

*Dans la salle de bain, l’humanité se débarbouille, examine
ses rides dans la glace puis, elle se prépare une tasse de
café et ouvre son agenda…voyons l’ordre du jour : le
programme a été le même pendant des milliers d’années :
La famine, les épidémies et la guerre ont toujours été en tête
de liste…*

(Extrait : HOMO DEUS, Yuval Noah Harari, édition originale, Harvill
Secker éditeur, 2015, 448 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018. Narrateur : Philippe Sollier, durée d’écoute : 14 heures 48)

Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ? Qu’adviendra-t-il de l’État providence lorsque nous serons évincés du marché de l’emploi par des ordinateurs plus performants ? Quelle utilisation ferons-nous de la manipulation génétique ? Homo deus nous dévoile ce que sera le monde d’aujourd’hui, selon les mythes qui le hantent.

À ces légendes concernant  les dieux, l’argent, l’égalité et la liberté, s’allieront de nouvelles technologies démiurgiques. Et que les algorithmes pourront se passer de notre pouvoir de décision. Car, tandis que l’Homo sapiens devient un Homo deus, nous nous forgeons un nouveau destin. Le nouveau livre audio de Yuval Noah Harari offre un aperçu vertigineux des rêves et des cauchemars qui façonneront le XXIe siècle.

Une brève histoire du futur
*Hisser les humains au rang des Dieux peut se
faire selon trois directions : le génie biologique,
le génie cyborg et le génie des êtres non-
organiques. *
(Extrait)

Ce livre est en principe une suite logique de SAPIENS de Harari. Harari y livre sa version de l’histoire globale de l’humanité et développe une philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les valeurs. Cette philosophie qui a valeur de religion s’appelle l’humanisme, un principe global de la vie humaine qui se précarise dans HOMO DEUS au profit des nouvelles technologies.

L’humanisme pourrait bien être parqué dans une voie de garage par un autre phénomène qui prendra valeur de religion dans HOMO DEUS, c’est-à-dire le traitement des données et  l’omniprésence des algorithmes qui caractérisent le troisième millénaire. Ces protocoles technos vont jusqu’à penser à notre place. Ainsi, des méga-MACHINES comme Google ou Facebook nous connaîtrons mieux qu’on ne se connaît nous-même.

Je dois noter ici une faiblesse et un irritant. Il y a beaucoup de redondance dans HOMO DEUS par rapport à SAPIENS. De la redite. Mais comme le propos est extrêmement intéressant et dans ce cas-ci, une narration dynamique et persuasive, il faut considérer HOMO DEUS comme un complément d’information, une mise à jour pour utiliser un langage techno, des précisions sur la pensée de l’auteur.

Sapiens s’en tient à l’histoire et aux dérives de la Société. Dans HOMO DEUS, il faut faire très attention au sous-titre UNE BRÈVE HISTOIRE DU FUTUR. Ça fait vendeur mais il n’est pas tout à fait approprié. L’auteur ne fait aucune prédiction sur le futur de l’humanité, pas d’énigme à la Nostradamus ni pronostic.

Harari développe outille le lecteur pour lui permettre de développer sa propre interprétation de l’avenir en s’appuyant sur la force d’attraction et de pénétration des nouvelles technologies…la fameuse techno-dépendance qu’Harari appelle le *dataïsme*. Le terme *histoire du futur* m’apparait donc un peu fort.

J’ai été séduit par la pensée de Yuval Noah Harari, basée sur l’histoire et la science, un soupçon d’empirisme et une analyse de l’esprit humain. Moins spontané que SAPIENS, HOMO DEUS m’a néanmoins gardé continuellement en alerte par la richesse du propos, la déconstruction de vieux concepts humains et la quantité d’informations livrées, parfois surprenantes.

Je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer : *Au début du XXIe siècle, l’être humain moyen risque davantage de mourir d’un excès de McDo que de la sécheresse, du virus Ébola ou d’un attentat d’Al quaida * (Extrait) Plusieurs passages ont de quoi surprendre et poussent à la réflexion.

Le livre nous laisse sur un tas d’interrogation. C’est souvent le cas dans les essais. Mais HOMO DEUS contient suffisamment de *données* pour brasser les consciences :

*Pour l’américain ou l’européen moyen, Coca Cola représente une menace plus mortelle qu’AL quaida. (Extrait) … *Plutôt que de craindre les astéroïdes, c’est de nous que nous devrions avoir peur. * (Extrait) … HOMO DEUS est une prise de conscience de l’histoire en devenir.

HOMO DEUS est un essai qui nourrit la réflexion par son propos ajusté aux réalités historiques de l’homme. À ce titre, c’est un ouvrage précieux que je n’hésite pas à recommander, en particulier la version audio avec l’exceptionnelle performance narrative de Philippe Sollier qui me donnait l’impression de s’adresser à moi.

Suggestion de lecture : 8 HISTOIRES DU FUTUR, collectif de nouvelles

Yuval Noah Harari est docteur en Histoire, diplômé de l’Université d’Oxford. Aujourd’hui, il a remporté le  » prix Polonsky pour la Créativité et l’Originalité  » en 2009 et en 2012. Acclamé par Barack Obama et Mark Zuckerberg, son ouvrage Sapiens est devenu un phénomène international : traduit dans près de 40 langues et présent dans toutes les listes de bestsellers à travers le monde.

 

Sur les scènes de théâtre Philippe Sollier a joué Goldoni, Marivaux, Labiche, Tchekhov, Strindberg, Wesker… des spectacles pour enfants et des spectacles de clown. À la télévision, il a participé à de nombreuses séries, notamment policières, des téléfilms et un documentaire-fiction Otages à Bagdad. Il prête sa voix à grand nombre de documentaires, téléfilms étrangers ou dessins animés.

Homo Deus est la suite logique de SAPIENS



Sapiens retraçait l’histoire de l’humanité. Homo deus interroge son avenir.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 9 octobre 2022

 

LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, Oscar Wilde

*Il n’y a que deux sortes d’êtres qui soient
 véritablement fascinantes : ceux qui savent
absolument tout, et ceux qui ne savent
absolument rien.*
(Extrait : LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, Oscar
Wilde, édition à l’origine, 1890, réédition, Gallimard
1992. 408 pages. Version audio : Audible studio
éditeur, 2014. Durée d’écoute : 9 heures 28 minutes,
narrateur : Hervé Lavigne)

Par la magie d’un vœu, Dorian Gray conserve la grâce et la beauté de la jeunesse. Seul son portrait vieillira. Le jeune dandy s’adonne alors à toutes les expériences et recherche les plaisirs secrets et raffinés. « il faut guérir l’âme par les sens, guérir les sens par l’âme ».  Oscar Wilde voulut libérer l’homme en lui donnant comme modèle l’artiste. Pour se réaliser, il doit rechercher le plaisir et la beauté, sous toutes ses formes, bien ou mal. L’art n’a rien à voir avec la morale.

L’auteur remet en question la société, le mariage, la morale et l’art. Ce livre scandalisa l’Angleterre victorienne, Oscar Wilde fut mis en prison pour avoir vécu ce qu’il écrivait. Au siècle suivant, Proust, Gide, Montherlant, Malraux ont contribué à la célébrité du génial écrivain.

Le parfum de l’irrévérence
*Ce que vous m’avez dit est tout à fait un roman,
un roman d’art l’appellerais-je et le désolant de
cette manière de roman est qu’il vous laisse un
souvenir peu romanesque.*
(Extrait)

C’est un livre étrange qui dégage un parfum de scandale issu d’une écriture aussi belle que noire, aussi audacieuse que décadente. Un livre qui évoque la beauté du diable, envoûtant et un peu glauque. L’histoire n’est pas sans me rappeler le destin de Faust qui, pour éviter la stagnation et la chute de son art, fait un pacte avec le diable.

Ici, le peintre Basil Hallward achève son meilleur tableau à vie. Son modèle est un adolescent d’une incroyable beauté, dont la richesse et le style dandy vont se préciser au fil du récit. Lorsque l’œuvre est fin prête, Basil invite Dorian à la regarder. Le regard traduit d’abord la surprise, puis la fascination. Sur le champ, Dorian Gray fait un vœu insensé : que le portrait vieillisse à sa place et que lui, Dorian, conserve éternellement jeunesse et beauté.

Le diable l’a peut-être entendu, obsédé par la possession d’une nouvelle âme. Toujours est-il que le vœu se réalise. Le récit se centre par la suite sur le nouveau chemin que prend Dorian Gray : celui de la déchéance. Ici l’art est extirpé de toute éthique. Le portrait de Dorian Gray devient graduellement hideux, rongé par la perversité et le stupre.

J’ai cité deux des trois principaux personnages, le peintre, Basil Hallward et le modèle Dorian Gray. Le troisième personnage Lord Henry : sucré à la philosophie facile ayant une tendance très forte à l’hédonisme. Il s’agit de connaître un peu Oscar Wilde, reconnu pour ses mœurs légères, même s’il a beaucoup souffert après avoir reconnu son homosexualité, pour comprendre que Lord Henry donne au récit un caractère autobiographique.

Même les références homosexuelles m’ont semblé *très proches de la surface*. La relation entre Lord Henry est étrange, extrêmement attractive et a quelque chose de pervers. La personnalité de Dorian Gray est très complexe et constitue un défi pour le lecteur et la lectrice qui auront à décider entre autres si les journaux qui publiaient dans les années 1890 exagéraient en jugeant LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY empoisonné et immoral.

Dans ce livre, il n’y a pas d’action proprement dite mais il y a un crescendo évident dans l’intensité dramatique. La toile de Basil devenant le miroir de l’âme de Dorian, l’auteur m’a fait plonger dans les coulisses de la décadence. Le dernier tiers du livre est particulièrement prenant et dramatique.

Le lecteur est témoin d’une transformation radicale du physique de Dorian Gray sur la toile de l’artiste Hallward et d’une transformation toute aussi radicale sur l’âme du Gray vivant : *L’âme est une terrible réalité. On peut l’acheter, la vendre, on peut l’empoisonner ou la rendre parfaite. Il y a une âme en chacun de nous. Je le sais. * (Extrait)

J’ai été moins attiré par le sujet que par la beauté de l’écriture même si les propos de Wilde sont résolument cyniques et frôlent l’immoralité. Il m’a peut-être envoyé promener sans que je m’en aperçoive. Subtilité, finesse sont la substance du non-dit. Il reste que Wilde est acide dans ses propos, surtout ceux qui évoquent l’hédonisme, la misogynie et la dérision.

J’ai beaucoup aimé cette façon qu’a Oscar Wild de tourner en dérision le conformisme british. Enfin, le récit pousse à la réflexion sur le sens de la vie et sur l’influence de l’art. Je n’ai pu faire autrement que de me poser cette question qui vous brûlera peut-être aussi les lèvres : Qu’est-ce que je ferais avec une jeunesse éternelle, sachant que la pureté s’éteint dans un temps si bref qui nous est imparti.

LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY est un roman noir qui frôle la démesure. On peut aussi le considérer comme un roman fantastique sans doute et philosophique sûrement. Le sujet et le développement ne constituent pas pour moi un chef d’œuvre mais la plume est un enchantement.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN de S.E. Harmon

 

Après de brillantes études littéraires, Oscar Wilde (1854-1900) fréquente la haute société londonienne dès 1879. Ce dandy élégant et à l’esprit vif et cynique s’y forge vite une réputation. Il se fait l’apôtre de l’esthétisme dans ses poèmes aux vers raffinés ainsi que dans ses pièces de théâtre. Mais son oeuvre maîtresse en la matière est certainement son roman fantastique le Portrait de Dorian Gray, publié en 1891. Wilde est alors au sommet de sa gloire.

Il monte pièces et comédies cyniques qui remportent un grand succès. Bien que marié et père de deux enfants, le poète est jugé pour son homosexualité affichée en 1892. Il est envoyé en prison pour deux années et perd dans ce procès sa réputation et l’amour du public. Il meurt dans la solitude à Paris, quelques années après sa sortie de prison. (linternaute)

LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY a été adapté plusieurs fois au cinéma et au théâtre. Ci-haut, l’affiche de la version cinématographique de 1945, réalisée par Dalton D. Neela avec Bouglé Rochant. En bas, photo extraite de la version cinématographique de 2009 réalisée par Oliver Parker avec Ben Barnes (à droite) dans le rôle de Dorian Gray.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 14 août 2022

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE, Mickaël Druart

*…vous avez compris que chaque vie est un musée
qui dort en nous et réunit des pierres précieuses.
Chaque évènement, aussi insignifiant puisse-t-il être
constitue notre vie et en fait une grande œuvre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE,
Mickaël Druart, litl’book éditeur, 2018, format numérique,
et papier, 222 pages)

« Mortelles, Mortels, Peu avenante, la Grande Faucheuse jouit, depuis la nuit des temps, d’une réputation qui ternit, bien injustement, l’énergie d’hommes et de femmes qui s’évertuent, sans relâche, à prodiguer fauchages et agonies de qualité. Aussi, je vous prie de bien vouloir prendre connaissance, au travers du recueil qui suit, de leur quotidien, et des rencontres et péripéties qui le parsèment. Bien à vous, Josiane Smith, Secrétariat de la Grande faucheuse. P.S. : Pardonnez le sentimentalisme de ma secrétaire. Ce livre c’est mon best of, point barre. Vénérez-moi. Sa macabre majesté, La Grande Faucheuse. »

La mort qui narre
*Vous, mortels, qui aurez ce livre entre les amis :
il ne sera à vos yeux que l’invention d’un auteur
dont le nom n’aura été créé que pour couvrir mes
arrières. Peut-être, néanmoins, quelques puissent
être vos croyances, vous reconnaîtrez-vous dans
les pages noircies que je vous offre. *
(Extrait)

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE est un enchaînement de 20 nouvelles pouvant se lire indépendamment mais l’ensemble est présenté sous forme de journal, avec comme thème central la mort, représentée dans l’imaginaire nord-américain par la faucheuse.

Selon wikipédia, Dans le folklore occidental moderne, la Mort est généralement représentée comme un squelette portant une robe, une toge noire avec capuche, et éventuellement avec une grande faux. La Mort est alors connue sous le nom de « la Grande Faucheuse » ou tout simplement « la Faucheuse ». Au thème de la mort s’ajoute un sous-thème non-négligeable : la transition vers l’après-vie qui suit la rencontre avec la faucheuse.

Ici, la mort est présentée comme une nécessité de la vie, un passage et surtout une institution avec son Président-directeur général : La grande Faucheuse, ses employés : les Faucheurs et Faucheuses, son bras droit Josianne, le classique des secrétaires indispensables et femme de l’ombre, un personnage récurrent dans tous les textes du livre.

Ce livre a été pour moi un véritable coup de cœur car il est porteur d’émotion, de tendresse et de délicatesse. Aucune violence ni approche négative. La mort n’y est pas présentée comme une finalité mais un passage qui donne tout son sens à la vie.

Il y a aussi une petite touche d’humour. Elle concerne dans la plus part des cas une dualité cocasse entre la Grande Faucheuse qui connait tout et Josianne qui ne connait rien et que le patron considère un peu comme une fainéante…elle qui est partout. Ce n’est pas méchant. En fait, il n’y a rien de méchant ou de négatif dans ce recueil. J’ai été touché et subjugué par la profondeur des textes. Chaque récit est une découverte.

Le thème est développé de façon décontractée, avec philosophie. Si la mort est démystifiée, la vie elle, est mise en valeur avec finesse subtilité et beaucoup d’imagination.

Une de mes nouvelles préférées raconte l’histoire de Clara White, capitaine d’un navire en perdition qui prend sous son aile un jeune garçon qu’elle appellera Elliot.

Pris dans une terrible tempête et sur le point de sombrer, le navire se met en marge du temps qui semble vouloir se figer pour permettre un dialogue. *-Je sais que notre mort prochaine et le miracle qui nous fait face doivent être mis de côté pour quelque chose de plus important. Alors, au travers du vent, je m’adresse dans un hurlement à la Capitaine médusée par la vague immobile. –Racontez-moi votre histoire ! * (Extrait)

J’ai compris alors que le jeune garçon n’était pas Elliot. Que pour mettre en perspective le meilleur d’une vie, la mort a besoin d’être touchée par elle. Au cours des récits, la mort prend différents aspects. J’ai trouvé intéressante la nouvelle sur le Tribunal des Morts. Chaque texte a un caractère particulier et dans tous les cas, l’auteur m’a accroché. Le livre n’est pas moralisateur mais il pousse doucement à réfléchir sur sa propre vie.

Chaque texte dégage comme une aura. J’ai trouvé tous les personnages attachants. Même la Faucheuse m’a semblé sympathique malgré ses airs de *je sais tout* prétentieux. Avec Josianne, la Faucheuse a donné à l’ensemble du recueil une agréable légèreté. Bien sûr, la mort reste un sujet grave mais la plume de Druart est tellement addictive qu’elle nous pousse à prendre cette nécessité avec philosophie.

Je trouverais même séduisante l’idée de rencontrer la Faucheuse à mon dernier moment pour jaser un peu et philosopher avec elle comme l’ont fait Clara White et Elliot dans la nouvelle intitulée LA FABULEUSE HISTOIRE DU PHÉNIX.

Il est rare que de dis ça d’un livre qui traitre de la mort, mais LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE m’ont fait du bien.

Suggestion de lecture : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE d’Annie Bacon

PROPOS AUTOBIOGRAPHIQUES DE L’AUTEUR
Professionnel de la petite histoire sur le coin d’une feuille, de la bonne idée nocturne oubliée au réveil, et des punchlines qui ne font rire que moi, je publie (malgré tout) mon premier livre aux Editions Boz’dodor en 2017. Aidé d’influences littéraires, cinématographiques et musicales, je crée depuis l’âge de sept ans des petites histoires qui ont conduit, à partir de seize ans, à la création de mes premiers romans.

Adepte des forums d’écriture, je finis néanmoins par m’essayer au format, plus adapté, de la nouvelle. Ainsi naissent les histoires d’une Grande Faucheuse cynique, de sa secrétaire, et du monde où se côtoient les âmes de défunts hauts en couleurs. Bref, les autobiographies, c’est pas mon truc.
Pardon pour tout. (Amazon)

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 juillet 2022

ALICE AU PAYS DES TROP VIEILLES, Cristina Alonzo

*Oui, évidemment, que j’écris un livre…Un livre sur mon enfance, passage difficile. ou sur mon adolescence, étape difficile. Ou sur ma dépression, moment difficile. Ou sur mes dix années de psychanalyse, tunnel difficile.* (Extrait : ALICE AU PAYS DES TROP VIEILLES, Cristina Alonzo, Éditions Albin Michel, 2010 224 pages. Format numérique, 220 pages)

Alice est journaliste. Elle a un mari, des amies de « bons » conseils, deux enfants adolescents, elle ment sur son âge (même son passeport est faux), se fait mettre au placard parce que son boss la trouve « trop vieille », s’interroge sur le botox et la chirurgie et cherche la bagarre…Alice grandit, vieillit, enrage et s’apaise. Un livre à l’usage des femmes qui ne sont pas vieilles et ont quelques réserves sur l’idée de le devenir.

 

Journal de ma quarantaine fracassante
C’est pas un peu gênant de prendre le petit
déjeuner avec le mec de sa fille ? –J’ai résolu
le problème, je leur apporte au lit, comme ça
pas besoin de boire mon café en face de deux
autistes.
(Extrait)

C’est l’analogie avec le pays des Merveilles qui m’a attiré vers ce livre. C’est tout de même très différent pour ne pas dire paradoxal car le livre de Cristina Alonzo développe le thème du vieillissement chez la femme. Notez que le phénomène est traité avec un peu de philosophie et beaucoup d’humour.

L’auteure traite des conséquences et des corollaires du vieillissement, un mot qui a été largement galvaudé et qui pourrait être interprété par l’expression *prolongement de la jeunesse*, un euphémisme gentil qui dévoile  les petits bobos liés disons au deuxième âge chez les femmes, les mères en particulier. : Apparition de rides, papillotes, apparition de cheveux blancs, prise de poids, petits problèmes de dos…

*Alors que vos parents devenaient grands-parents entre 45 et 55 ans, vous êtes de « vieux » parents d’ados grognons qui ne sont pas près de quitter la maison, devenue sans que vous vous en rendiez compte un Bed and Breakfast. La situation vous convient. (Aucune envie de prendre un coup de vieux supplémentaire en les voyant partir.)

Mais parfois, elle vous horripile. Ces ados sont des carpes, et lorsqu’ils vous adressent la parole, c’est pour demander à boire, manger, sortir, ou acheter. Il n’y a pas trente-six solutions : Acceptez le fait que vous êtes une vieille maman et agissez en conséquence en cessant d’être leur pote. * (Extrait)

Le livre est développé un peu comme un journal. Pour chaque chapitre, il y a une petite pensée au début, une liste de choses à faire avec au moins une bizarrerie dans chacune, le développement lié toujours à *l’avancement en âge*, des techniques pour s’en sortir honorablement et un récapitulatif du sujet traité. Ce n’est pas un livre qui va révolutionner le genre mais il est divertissant.

C’est une lecture légère qui évoque la tolérance et l’acceptation et met en perspective la différence qui existe entre *vieillir* et être vieux…*Entre l’âge que j’ai, celui que je fais, celui qu’on me donne et celui que j’ai l’impression d’avoir, il y a comme un bug…* (Extrait) Morale de l’histoire, il vaut beaucoup mieux accepter l’âge qu’on a et s’en moquer. C’est sans doute là qu’on commence à rayonner. Personne ne prétend que c’est facile.

Donc c’est un livre amusant écrit par une femme pour les femmes. Les gars eux, vont peut-être se reconnaître un brin. Le lectorat masculin pourrait en rigoler et qui sait, peut-être y réfléchir…peut-être… J’ai l’impression que l’auteure s’est fait plaisir et ne s’est pas prise trop au sérieux et l’idée d’orienter son livre vers le journal intime est une bonne idée je crois.

Les filles pourront sans doute se reconnaître à quelques égards ou en tout. L’idée est d’en rigoler, surtout si vous avez dépassé la quarantaine. Si vous approchez de la quarantaine, vous pourriez frémir un peu mais le mot d’ordre est toujours le même : mieux vaut en rire.

La plume est légère, fluide, empreinte d’une philosophie de supermarché qui est basée quand même sur une idée de départ qui nous place devant une certaine réalité : Alice est virée de son poste parce qu’au final, elle est trop vieille. L’âge est-il si important eu égard aux performances. Des questions intéressantes sont posées et Alice est parfois touchante. Un bon petit livre léger, amusant et rapide à lire.

Suggestion de lecture : L’ÉLÉGANCE DU HÉRISSON, de Muriel Barbery

Cristina Alonso est une journaliste et romancière française
C’est au « Journal du dimanche » qu’elle s’affirme, puis, en créant le magazine « Elle à Paris« .
Elle écrit son premier roman, « Alice au pays des trop vieilles », paru aux Éditions Albin Michel en 2010, un roman bien accueilli par la presse et le public.
Après le succès de son premier livre, elle publie « Alice et le prince barbant » (2011), sa chronique décapante de la vie d’une quadra au bord de la crise de rire !.

Lecture suggérée

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 15 octobre 2021