HYPÉRION, Dan Simmons

*Oui. C’est l’archange Michaël, Moroni, Satan, le Masque de l’Entropie et le monstre de Frankenstein emballés dans le même paquet. Il rôde autour des Tombeaux du Temps en attendant le moment de sortir pour se livrer à ses massacres quand l’humanité sera prête à rejoindre le dodo, le gorille et le grand cachalot au palmarès de l’extinction des espèces. *

Extrait : LE CYCLE D’HYPÉRION, tome 1 HYPÉRION, Dan Simmons, Pocket éditeur, 2007 pour la version papier, 288 pages. Version audio intégrale : Audiolib éditeur, 2017, durée d’écoute : 21 heures 21 minutes. Narrateur : Mathieu Dahan

Sur Hypérion, c’est la panique : des millions d’habitants tentent de prendre d’assaut les derniers astronefs pour s’enfuir avant l’arrivée des Extros, des envahisseurs en guerre avec la confédération terrienne… Pendant ce temps, sept pèlerins que rien n’aurait dû rassembler rallient la petite planète HYPÉRION de l’Hégémonie pour y rencontrer le gritche, un monstre incompréhensible, capable de maîtriser le temps, objet du culte morbide de l’Église des templiers !

Qu’y a-t-il de commun en effet entre Kassad, le « boucher de Bressia », un écrivain réduit au silence, un détective privé amoureux, un prêtre catholique traumatisé par une atroce parodie de la crucifixion, un érudit dont la fille (une archéologue victime des « Tombeaux du temps ») rajeunit chaque jour, le chef des Templiers et un consul de l’Hégémonie alcoolique ?

 

Un pilier de la SF et du Space opera

 

HYPÉRION est une histoire d’une extraordinaire richesse structurelle et issue d’une forte imagination. Elle est au cœur de l’œuvre de Dan Simmons. Toutefois, c’est un récit qui demande une infinie patience car il est très long. Inutilement long en fait. La trame est complexe mais bourrée de bonnes idées qui donnent à l’ensemble un caractère original.

La toile de fond est un peu celle à laquelle nous a habitué la science-fiction moderne : le tout se déroule dans un futur très lointain dans un système galactique : Le Retz, une fédération de planètes unies, un système politique : l’hégémonie, un ennemi féroce en approche : les Extros et une planète, foyer de dangereuses distorsions temporelles : HYPÉRION.

À cette structure, Simmons a manifesté son génie en créant de nombreux mystères entourant Hypérion dont Les Tombeaux du Temps qui font dériver le temps de l’avenir vers le passé et le Gritche, figure animale mythologique, barbare et cruelle, objet de culte de l’église des templiers

Pour éviter une guerre meurtrière et invasive, sept pèlerins se rendent sur hypérion pour présenter leur doléance au Gritche. Dans le premier tome d’Hypérion chaque pèlerin y va d’un long récit autobiographique. Ça s’arrête là. Premier volet inabouti sinon qu’à la toute fin les voyageurs sont en vue des tombeaux du temps.

Ces récits sont d’un intérêt variable mais un de ceux-ci m’a particulièrement passionné, celui de Sol Weintraub qui accompli le pèlerinage avec un poupon dans les bras : sa fille Rachel qui, après avoir violé Les Tombeaux du Temps, fut frappée de la malédiction grichetèque : rajeunir d’une journée à tous les jours, impossibilité donc de se rappeler de la journée de la veille, en constante régression. L’inverse du vieillissement autant mental que physique.

L’histoire de Rachel m’a beaucoup ému et touché et elle constitue un défi passionnant pour l’intellect. Imaginez un peu que ça vous arrive. Ça peut paraître curieux à dire, mais le tome 1 d’HYPÉRION n’est en fait qu’une longue introduction au tome 2 : LA CHUTE D’HYPÉRION.

Le tome 2 : La chute d’Hypérion

Dan Simmons a vraiment déployé tout son génie dans LA CHUTE D’HYPÉRION avec des idées extraordinaires et des trouvailles passionnantes : Les tombeaux du temps dont l’ouverture lâcherait le Gritche dans le Retz, le syndrome de Merlin ou la maladie du vieillissement inversé.

Il y a aussi le Techno-centre qui est au cœur de l’intrigue d’Hypérion sur le plan géopolitique, la démarche des pèlerins étant celle sur le plan religieux. Le techno-centre est une forme de gouvernement parallèle qui contrôle les intelligences artificielles. Le Gritche qui maîtrise le temps. Ce ne sont que quelques exemples.

Je suis allé de surprise en surprise malgré quelques irritants comme le suivi de Rachel qui a été selon moi sous-développé. Comme cette dernière est mon personnage préféré, vous comprenez un peu mon désappointement. Il y a aussi les motivations du Gritche qui sont difficiles à cerner.

Mais en règle générale, j’ai trouvé cette lecture tout à fait passionnante et je la recommande chaleureusement.

 Suggestion de lecture : L’ÉLU DE MILNOR, de Sophie Moulay

Les livres du cycle Hypérion
et la suite
Les livres du cycle endymion


L’auteur Dan Simmons

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 12 octobre 2025

IDÉALIS

À LA LUEUR D’UNE ÉTOILE INCONNUE

Commentaire sur le livre de
CHRISTOPHER PAOLINI

Kira Navàrez… Tu m’as un jour demandé ce que je voyais parmi les étoiles. Je t’ai dit que j’y voyais des questions. Maintenant c’est toi que j’y vois. Je nous y vois tous les deux.

Extrait : IDEALIS 1, À LA LUEUR D’UNE ÉTOILE INCONNUE, de Christopher Paolini, Bayard jeunesse 2020, papier, 837 pages. Version audio : Audiolib éditeur, 2021. Durée d’écoute : 27 heures 20 minutes. Narratrice Noémie Bianco.

Kira Navárez rêvait d’un monde nouveau. Elle vient de réveiller un cauchemar d’une ampleur intersidérale…

Lors d’une mission de routine sur une planète inconnue, Kira découvre un organisme vivant d’origine extraterrestre. Fascinée, elle s’approche de l’étrange poussière noire. La substance s’étend sur tout son corps et commence à prendre le contrôle. Kira, en pleine transformation, va explorer les dernières limites de sa condition d’être humain.

Mais quelle est l’origine de cette entité ? Quelles sont ses intentions ? La scientifique n’a pas le temps de répondre à ces questions : la guerre contre les aliens est déclarée, et Kira pourrait bien être le plus grand et le dernier espoir de l’humanité.

Un long space opera

IDEALIS suit une jeune femme, Kira Navarez, exobiologiste. Vous avez déjà le résumé ci-haut. Vous avez donc compris que, lors d’une exploration, Kira a été envahie par une entité appelée LAME SOUPLE qui va protéger Kira, souvent malgré elle et qui va l’impliquer dans une guerre sans merci entre les humains et les extra-terrestres dont les Méduses qui la reconnaîtront comme IDEALIS.

La LAME SOUPLE, devient pour Kira une espèce d’armure endoderme semblant avoir son énergie et sa volonté propres. Elle est difficile à contrôler mais j’ai découvert très vite qu’elle est apprivoisable, ce qui est un des rares aspects originaux de l’histoire. Reste à découvrir pour le lecteur quel est l’objectif de cette entité ainsi que le sens et la direction qu’elle donnera à l’histoire.

C’est un livre très long, peu original car il emprunte largement à du déjà-vu. J’y ai vu en effet quantité de clins d’œil sur des titres célèbres comme TERMINATOR, le célèbre robot qui était doté d’un bouclier interne, offensif et défensif, à base de métal liquide. Je pense aussi à ALIEN, la célèbre série initiée par Ridley Scott. Il y a aussi un peu de LA GUERRE DES ÉTOILES et j’ai aussi senti l’influence de la SF des années ASIMOV et GUIEU entre autres dans l’atmosphère et la description des créatures.

Donc, dans le tome 1 d’IDEALIS, Paolini n’invente rien. Ajoutons à cela de longs palabres, de la redondance, des personnages plus ou moins travaillés, un ensemble plutôt simpliste et parfois tiré par les cheveux.

Il reste tout de même des forces dignes de mentions qui pourraient intéresser en particulier le lectorat adolescent friand de science-fiction. Je pense en particulier aux motivations de la LAME SOUPLE et de l’intimité très spéciale qu’elle crée avec kira. Il y a aussi l’aspect intriguant. Je fais ici référence au sens que donnera KIRA à l’histoire et à l’équilibre des mondes.

Il y a enfin cette capacité particulière que l’auteur a donné à Kira : celle de communiquer avec les extra-terrestres. Ce don précis amène à certains dialogues assez intéressants. Malheureusement, IDEALIS 1 n’offre ni conclusion ni aboutissement et encore moins une idée même vague de ce qui attend les lecteurs et lectrices dans IDEALIS 2. Rien pour mettre en appétit.

J’ai lu ce livre en me fiant essentiellement sur la notoriété de Paolini qui s’est bâtie sur ERAGON, la fameuse saga-fantasy créée pour la jeunesse et adaptée au cinéma. Malgré quelques irritants, j’avais adoré cette série dont je considère le style et l’écriture supérieurs à IDEALIS.

Je ne regrette aucunement ma lecture, mais je ne suis par certain de passer à IDEALIS 2.

Suggestion de lecture : SÉCESSION, de Julien Centaure


L’auteur Christopher Paolini

 

Bonne lecture
Claude Lambert

le samedi 11 octobre 2025

ÉMEUTES, Vic Verdier

<Les paroles s’étranglent dans la gorge de Djela. Cette femme n’est pas Paula McBride. ! Maudite sorcière ! Ses membres se relâchent et la manette glisse de sa main. Il ne lui reste plus qu’une fraction de seconde pour constater son malheur avant que le C-4 ne disperse son corps en fines particules dans l’air chaud de l’été.>

Extrait : ÉMEUTES, Vic Verdier, éditions Corbeau 2022, papier, 182 pages

Vic Verdier se rend au match des Canadiens avec sa fille sur la poignée de dollars qui lui restent. Il souhaite que cette soirée soit inoubliable, car ce sera sa dernière; il a décidé de s’enlever la vie au lever du soleil. Autour de Vic, un chassé-croisé brutal: sept histoires entremêlées, sept émeutes prêtes à se déchaîner à la moindre provocation.

Un trio de jeunes truands célèbre son premier gros coup. Un chauffeur de taxi veut régler ses comptes avec le gouvernement du Canada. Un frustré au chômage se prend pour Jason dans Vendredi 13. Une policière coiffe son casque antiémeute et se remémore le viol qui l’a brisée. Un gardien de but remplaçant comprend qu’il ne sera jamais numéro un. Un conseiller politique du premier ministre espère ramener une femme au Reine-Elizabeth. Un blogueur joue avec le feu…

56 minutes avant que les Canadiens affrontent les Flames dans le septième match de la Coupe Stanley, une émeute gronde au Centre Bell.



Nous sommes à Montréal, au Centre Bell alors que dans moins d’une heure débutera le septième match de la finale pour l’obtention de la Coupe Stanley. Au centre de l’histoire : Vic Verdier, un homme désespéré qui a méticuleusement planifié son suicide pour le lendemain, le temps de passer une dernière soirée avec sa fille Laurie-Anne.

Une tension hors norme règne au Centre Bell. Étrangement, Verdier va se retrouver au cœur d’un enchevêtrement d’histoires en convergences, celles d’une série de personnages disparates dont les motivations ne peuvent mener qu’à des émeutes hors de toutes proportions.

Contexte : un ultime match de hockey. Prétexte : Une haine démesurée de francophones, partisans du Canadien pour les anglais, partisans des Flammes de Calgary. DÉCLENCHEUR : Le compte Twitter du premier ministre du Canada piraté dans le but d’attiser la haine et la vengeance. Tous les éléments sont réunis pour transformer le Centre Bell en une inimaginable poudrière.

La foule s’embrase. Des émeutes d’une incroyable violence éclatent à l’intérieur et à l’extérieur du Centre Bell. Des émeutiers tuent avec le sourire, des personnes sont brûlées vivantes. On dirait que le mal est sorti du sol pour s’emparer du corps d’hommes et de femmes qui ont perdu tout sens de l’humanité. Chaos, carnage, tuerie. Les policiers et experts en contrôle des foules ont brillé par leur impuissance.

Pour utiliser une expression consacrée, ce livre m’a glacé le sang. C’est un roman très fort et son auteur a fait preuve d’une redoutable technique d’écriture, au point de provoquer l’addiction. Le roman n’est pas très long mais il est d’une densité à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Évidemment c’est violent, c’est très dur. Ce sont des attributs inévitables vu le sujet développé : la psychologie des foules. Dans une note très éclairantes à la fin de son livre, Verdier évoque *les théories aujourd’hui contestées, de Gustave Le Bon, publiées en 1895 dans sa <psychologie des foules>. C’était l’époque où la civilisation occidentale craignait les regroupements chargés d’émotions, les masses informes et beuglantes, bref, les manifestation du pouvoir populaire insoumis. * (Extrait)

Même si Le Bon, sociologue et psychologue social, demeure un auteur controversé, ses réflexions et observations sur le désordre comportemental et la psychologie des foules font réfléchir. Les humains pris séparément restent des humains. Mais au milieu d’une foule en colère, le même humain peut accuser un déficit de raison.

C’est exactement ce que Verdier développe dans son récit. C’est bien écrit, bien développé, plein d’excès, très intense et, autant vous le dire, choquant. Le rythme ne m’a laissé aucun répit. Excellente lecture à prendre pour ce qu’elle est : l’autopsie de la folie de masse.

Suggestion de lecture : TOUS À ZANZIBAR, de John Brunner


L’auteur Vic Verdier

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 5 octobre 2025

Docteure Irma, Pauline Gill

*<Vous êtes là pour me rappeler à l’ordre, mes petits chéris. C’est à vous sauver que j’ai dédié ma vie, pas à la reconnaissance des humains. Y a une chose que je vous promets aujourd’hui : je ne souscrirai jamais à un règlement qui vous priverait de vos droits aux meilleurs soins. Pauvres ou riches, miséreux ou choyés, vous y avez tous droit. Parole d’Irma. >*

Extrait : DOCTEURE IRMA, tome 1, LA LOUVE BLANCHE, de Pauline Gill. Format papier, Québec Amérique, 2009, 536 pages.

Née à Québec en 1878 dans le quartier Saint-Roch, la petite Irma LeVasseur est marquée par plusieurs évènements tragiques : La mort de son jeune frère et la disparition de sa mère Phédora Venner, une cantatrice de talent. Bouleversée, elle se lance alors dans une cause inaccessible aux femmes de l’époque : devenir médecin pour enfants.

Durant ses études à l’étranger, elle apprendra à devenir cette femme de tête au grand cœur qui donna sa vie aux enfants malades sans jamais reculer devant les obstacles. Première femme médecin canadienne-française et fondatrice de l’hôpital Sainte-Justine, le destin singulier d’Irma LeVasseur illustre toute l’ampleur portée par la détermination.

 

Vers Sainte-Justine

*L’esprit d’Irma bourdonne des mille choses à faire mais, dans son cœur, qu’une pulsion. Irrésistible. Penchée au-dessus du premier patient de L’HÔPITAL DES ENFANTS, la jeune pédiatre s’accorde un moment de pure exaltation. Qui aurait dit que mon meilleur complice dans la réalisation de mon rêve serait un bébé ! * Extrait.

LA LOUVE BLANCHE est le premier tome d’une trilogie dans laquelle Pauline Gill raconte la vie et les combats de la docteure Irma LeVasseur, première femme médecin canadienne-française à exercer cette profession au Québec après avoir été affublée du titre de première femme médecin à ne pas avoir le droit de pratiquer la médecine dans son propre pays.

Ça en dit long sur le combat parfois désespéré et rude de l’héroïne pour se tailler une place dans un monde qui couve une culture essentiellement masculine et machiste. L’ouvrage raconte aussi en détail le rêve de cette femme qu’elle a transformé en réalité au prix de sa santé :

*C’est pour les soigner, les petits enfants, que je veux étudier. Je vais ramasser mes sous et je vais faire bâtir un hôpital rien que pour eux, décrète-t-elle, martelant chaque mot avec une détermination saisissante. * (Extrait)

C’est cette détermination qui a conduit à la création de l’hôpital Sainte-Justine de Montréal, spécialisé en pédiatrie et devenu une autorité mondiale dans le domaine, et la fondation de l’hôpital Enfant Jésus de Québec. Le tout s’est fait non sans l’accumulation de douleurs, de peines, de frustrations et de contradictions, sans compter les nombreux reculs imposés par l’absurdité de la domination masculine.

Je suis un homme et pourtant je n’en reviens tout simplement pas de cette supériorité artificielle qui additionne l’absurde à l’absurde : *D’une part, on ne m’accepte pas comme femme et d’autre part, on ne m’accepte plus comme médecin. Or, je me définis essentiellement comme femme médecin. S’il n’en tenait qu’à ces deux collégialités, je n’aurais donc plus le droit d’exister. * (Extrait)

Cette histoire brasse les émotions, d’autant qu’elle se déroule à une époque (fin du XIXe, début du XXe siècle) où les statistiques sur la mortalité infantiles sont dramatiques, plaçant le Canada dans une bien piètre position à l’échelle mondiale.

Cette biographie d’Irma LeVasseur est romancée. Elle l’est trop à mon goût d’ailleurs parce que trop diluée d’abord dans la recherche obsessionnelle de sa mère, Phédora, qui a quitté la famille cavalièrement pour poursuivre une carrière de cantatrice aux États-Unis.

L’idée de retrouver Phédora ne quitte pas Irma comme elle ne quitte pas le récit d’ailleurs tout comme ses petites liaisons sentimentales superficielles, compliquées et qui n’aboutissent pas et les nombreux regards sur le frère d’irma, Paul-Eugène, qui vit avec une dysfonction comportementale.

Sur le plan romanesque, ce livre ne m’a pas vraiment emballé. Il y a de la redondance, des longueurs et aussi, et là c’est très personnel comme observation, un peu de misérabilisme.

Sur le plan biographique, c’est un livre très fort. La plume de Gill est vraiment venue me chercher en exacerbant des émotions liées aux efforts souvent sabotés d’Irma LeVasseur pour arracher des enfants à la mort : colère, tristesse, déception, rage. Si mes yeux sont devenus parfois plus humides que de raison, c’est que l’autrice a trouvé le ton juste.

Le livre est aussi porteur d’une profonde réflexion sur des cordes sensibles de la Société qui, dirait-on sont en constante redéfinition : La famille, les enfants, l’éducation, la salubrité, et surtout la santé, un domaine très malmené au Québec.

C’est un bon livre, conforme à l’histoire d’Irma LeVasseur et aux réalités québécoises au tournant des XIXe et XXe siècle. Je vais sûrement m’attaquer à la suite un jour. Il parait comme le tome 2 mérite fort bien son titre. Entre temps, je vous recommande LA LOUVE BLANCHE.

Suggestion de lecture : DANSEUR, Colum McCann

La suite


L’autrice Pauline Gill

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 4 octobre 2025

Le journal d’Anne Frank

*Je vais pouvoir, j’espère, te confier toutes sortes de choses, comme je n’ai encore pu le faire à personne, et j’espère que tu me seras d’un grand soutien* (12 juin 1942, jour d’acquisition du journal d’Anne Frank)

Extrait : JOURNAL D’ANNE FRANK. Ce livre autobiographique a été édité à de nombreuses reprises sur toutes les plateformes. Pour la présente, j’ai utilisé la version papier de l’éditeur Calman-Lévy publiée en 1989. 350 pages. La pages couverture se trouve ci-bas à l’extrême droite. Le livre a été écrit à partir du journal intime d’Anne Frank

En 1942, la jeune Anne Frank a 13 ans. Elle vit heureuse à Amsterdam avec sa sœur Margot et ses parents, malgré la guerre. En juillet, ils s’installent clandestinement dans « l’Annexe » d’un immeuble. En 1944, ils sont arrêtés sur dénonciation. Anne est déportée à Auschwitz, puis à Bergen-Belsen, où elle meurt du typhus au début de 1945, peu après sa sœur. Son journal, qu’elle a tenu du 12 juin 1942 au 1er août 1944, est un des témoignages les plus bouleversants qui nous soient parvenus sur la vie quotidienne d’une famille juive sous le joug nazi.

 

MÉMOIRE EN HÉRITAGE

J’ai eu un peu de difficulté à adhérer à ce livre et je me sens à contrecourant de la masse critique. LE JOURNAL D’ANNE FRANK a été tiré à plus de vingt millions d’exemplaires. Je comprends donc qu’il ait atteint et ému tant de gens partout dans le monde. Pourtant je m’explique mal le dithyrambe dont cet ouvrage a fait l‘objet.

Anne Frank est une jeune fille juive au caractère bien trempé, très proche de son père, en conflit avec sa mère. Je veux rappeler ici le contexte : à Amsterdam, anticipant l’horrible sort qui attend le peuple juif pendant la deuxième guerre mondial, le père d’Anne, Otto, décide de cacher sa famille et quelques amis de celle-ci dans l’annexe jouxtant leur maison avant l’occupation de la Hollande par les Nazis.

Cette dissimulation durera plus de deux ans. Anne y entreprendra son journal, du 12 juin 1942, jour de ses 13ans, jusqu’au premier août 1944, une semaine avant son arrestation. Deux aspects précis caractérisent le journal : d’abord, il sera totalement empreint de l’entrée de la jeune fille dans l’adolescence : connaissance de son corps, premier amour, réveil de l’ambition, etc.

Ensuite, et c’est là la grande force du livre, Anne précise sa pensée sur l’histoire, la religion, la dimension humaine de la guerre et la condition des juifs. Je ne suis donc pas surpris que tant de gens dans le monde aient rejoint la pensée d’Anne Frank :

*Cette histoire nous a rappelé brutalement à la réalité, au fait que nous sommes des juifs enchaînés, enchaînés en un seul lieu, sans droit et avec des milliers d’obligations. Nous, juifs, nous ne devons pas écouter notre cœur, nous devons être courageux et forts, nous devons subir tous les désagréments sans rien dire, nous devons faire notre possible et garder confiance en Dieu. Un jour, cette horrible guerre se terminera enfin, un jour, nous pourrons être des êtres humains et pas seulement des juifs ? * (Extrait)

La sincérité de la jeune fille marque profondément le journal. Toutefois, je ressens un certain inconfort à l’idée qu’Anne Frank philosophe tranquillement dans sa cachette pendant deux années alors que des millions de juifs sont massacrés. Inconfort aussi parce que le récit est très intimiste. Trop par moments, spécialement quand il est question d’hygiène et de sexualité.

J’ai trouvé aussi le lien entre la guerre et la vie dans l’annexe un peu faible. Anne n’a pas parlé beaucoup de la guerre et pourtant, elle avait accès aux nouvelles.

Enfin, je me suis beaucoup interrogé sur cette édition du Journal d’Anne Frank qu’on dit définitive. Je ne suis pas certain de sa validité car l’histoire éditoriale du livre rapporte des ratures, des omissions, des ajouts au journal, un journal original, un autre revampé en vue de sa publication. Ce n’est rien pour mettre à l’aise.

En dehors du lien contextuel, j’avais trop l’impression d’être limité aux récits d’une jeune fille qui découvre les joies et les vicissitudes de l’adolescence. Quoiqu’il en soit, je crois qu’Anne n’a pas tout dit. C’est un journal à lire entre les lignes et il faut savoir analyser le ressenti.

Je sors mitigé de cette lecture. LE JOURNAL D’ANNE FRANK n’est pas une œuvre littéraire à proprement parler. Mais son caractère historique et sa charge émotive doivent conforter l’humanité dans un devoir primaire…celui de ne pas oublier…de ne jamais oublier.

Suggestion de lecture : AU NOM DE TOUS LES MIENS, de Martin Gray



Ci-haut, le manuscrit d’Anne Frank. À gauche, extrait du film LE JOURNAL D’ANNE FRANK, version 1959, réalisé par George Stevens, avec Millie Perkins dans le rôle-titre.  Autres versions : consultez la liste préparée par cinetrafic.fr


Anne Frank (1929-1945)


Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 3 octobre 2025

Le pape et Hitler 1

L’histoire secrète de PIE XII

De John Cornwell
commentaire partie 1

 *Eugenio Pacelli n’avait rien d’un monstre. Son cas est autrement plus complexe et tragique. Tout l’intérêt de son itinéraire réside dans le mélange contradictoire et fatal de hautes aspirations spirituelles et d’un appétit effréné de pouvoir.

Il s’en dégage le portrait non pas du mal, mais d’une fatidique dislocation morale : celle du divorce de l’autorité et de l’amour chrétien. La collusion avec la tyrannie et, en définitive, la violence, furent le fruit de cette rupture. *

(Extrait de la préface, LE PAPE ET HITLER de John Cornwell, Albin Michel éditeur, 1999, édition de papier, 493 pages.)

Pie XII (1876-1958) fut-il Saint homme ou un nouveau Machiavel qui pactisa avec le diable nazi ? L’éminent dignitaire du Vatican, qui s’attacha à renforcer le pouvoir pontifical, joua-t-il, dans le même temps, le rôle de  » Pape de Hitler »?

C’est à ces interrogations que répond John Cornwell en s’appuyant sur des documents inédits et jusqu’alors inaccessibles au grand public – les dépositions sous serment de soixante-huit témoins entendus pour le procès de béatification et les archives des services de la Secrétairerie d’État du Vatican – ainsi que sur les nombreux travaux consacrés aux activités de Pie XII en Allemagne dans les années 1920-1930.

Autant de sources qui révèlent la vraie personnalité d’un homme tiraillé entre les plus hautes aspirations spirituelles et un appétit effréné de pouvoir.
C’est un livre-document dont le retentissement international ébranle la doctrine de l’infaillibilité pontificale elle-même, renouvelle, par les éléments qu’il dévoile, le débat sur la culpabilité de l’Église catholique durant la Deuxième Guerre mondiale.

 Le silence de PIE XII
toujours débattu

Avec ma passion de l’histoire de la papauté et du Vatican, le pontife sur lequel j’ai investi le plus de temps fut sans aucun doute PIE XII que j’appelle le pape du silence. J’essaie toujours de comprendre la nonchalance et la pusillanimité d’Eugenio Pacelli, PIE XII alors que les nazis exécutaient la solution finale d’Hitler, c’est-à-dire l’extermination des juifs par millions.

Pie XII refusait obstinément d’user de sa forte autorité morale pour dénoncer aux yeux du monde les horreurs de cette guerre, la cruauté des SS et de Hitler et sa clique. Tous les gouvernements le suppliaient d’intervenir. Rien à faire.

Il n’avait rien à dire sinon des déclarations floues, ambiguës, nébuleuses qui prêtaient à toutes sortes d’interprétations.

Encore un livre sur Pie XII allez vous me dire ? C’est vrai mais dans ce livre de Cornwell, j’ai apprécié l’argumentaire qui repose en bonne partie sur les témoignages du procès en béatification de Pie XII. Il en ressort malheureusement que les spécialistes et historiens sont toujours divisés sur l’immobilisme du pape pendant la deuxième guerre mondiale.

Le livre de John Cornwell est en trois parties. La première détaille les magouilles de PIE XII, appelées pompeusement des actions diplomatiques. Pie XII était le nonce du pape et sa démarche avait plusieurs objectifs, entre autres, protéger les catholiques allemands de la montée du nazisme, peu sympathique à la religion.

Ensuite, au-delà de tout, Pacelli voulait préserver et renforcer le centralisme et le pouvoir d’une église monolithique et autocratique visant le pape comme la seule, unique et infaillible autorité suprême. Pacelli considérait comme prioritaire la protection du Vatican et de ses institutions et voulait que Hitler les considère comme intouchables. Protéger ou sauver des vies humaines semblait secondaire.

Ces écrits m’ont conforté dans mon impression que plus Pacelli se rapprochait d’un concordat avec Hitler, plus ce dernier s’en éloignait et manipulait à sa guise.

La deuxième partie du livre est consacrée au pontificat de Pie XII. Il nous en apprend beaucoup sur l’homme : exigeant pour lui et les autres, autoritaire, autocratique, ascétique et très versé dans la spiritualité au point d’aspirer à la sainteté. Toutefois, la plupart des témoignages confèrent à Pie XII une bonne nature, il était bienveillant et très humain.

Je comprends, de l’œuvre de Cornwell, que Pie XII avait une empathie plutôt sélective et qu’il était antisémite. Rien de ce que j’ai lu sur Pie XII ne vient prouver le contraire.

La troisième partie du livre concerne l’héritage de Pie XII. Jean XXIII allait hériter d’une église en totale rupture avec la modernité, ce qui l’a poussé à convoquer le concile Vatican 2. Beaucoup de chicanes en perspective entre les réformistes et les orthodoxes.

Quant à cette aura qui entoure le pape, elle couvera quelque peu sous Paul VI et sera par la suite fortement réactualisée sous Jean-Paul II.

C’est un livre abondamment documenté. Il jongle avec le pour et le contre, tentant d’être objectif. Je peux admettre certains éléments en faveur de Pie XII comme par exemple, le fait qu’en s’abstenant d’intervenir, le pape évitait ainsi des représailles qui auraient pu coûter beaucoup de vies. Je peux admettre aussi qu’en n’intervenant pas, Pie XII se plaçait en meilleure position pour être le médiateur idéal dans un processus de paix.

Dans ce livre, je n’ai malheureusement rien trouvé qui justifie l’inaction et le silence de Pie XII…silence que beaucoup considèrent comme coupable et sympathique aux nazis. Ça me désole, mais je n’ai trouvé aucune excuse à Pie XII dans ce livre comme dans les autres.

Cornwell cite un article de Gunther Lewy, publié dans *Commentary* : *Finalement, on est enclin à conclure que le pape et ses conseillers-influencés par la longue tradition d’antisémitisme modéré si largement accepté dans les cercles du Vatican-ne considèrent pas le calvaire des juifs avec un réel sens d’urgence et d’indignation morale…

…Il n’est pas possible de trouver la documentation nécessaire pour justifier cette affirmation, mais c’est une conclusion qu’il est difficile d’éviter. *

Cet extrait est lourd de signification et tout comme le livre de Cornwell, il laisse planer le doute et met en perspective le profond désaccord qui perdure entre ceux qui appuient Pie XII et ceux qui considèrent que le silence du pape fut coupable.

Suggestion de lecture : HISTOIRE DE LA PAPAUTÉ, collectif

Dans la prochaine publication sur biblioclo.com, je complèterai mon commentaire sur LE PAPE ET HITLER de John Cornwell et proposerai quelques suggestions pour ceux et celles qui veulent aller plus loin dans l’exploration du sujet.

 

BONNE LECTURE

Claude Lambert

le samedi 27 septembre 2025

Le pape et Hitler 2

De John Cornwell
Commentaire partie 2


Si vous voulez faire un retour sur la partie 1 de mon commentaire sur le livre de John Cornwell, cliquez ici.

Dans la première partie de mon commentaire, j’ai présenté les différentes parties du livre et, après analyse, j’ai tiré mes conclusions qui sont, je tiens à le rappeler, très personnelles. Car la corde est très sensible. Le sujet donne matière è beaucoup de désaccord, de discorde.

Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé ce livre très intéressant, surtout développé sous l’angle des témoignages au procès de béatification. Il est possible que beaucoup de lecteurs et lectrices trouvent ce livre indigeste car il entre profondément dans les détails. Cela donne la chance de se faire une idée plus précise sur un dossier tellement complexe. Il faut être persévérant.

Même si le livre de John Cornwell apporte des lumières intéressantes, Pie XII demeure un pape énigmatique et je crois qu’i n’y aura jamais d’unanimité sur les résultats réels de sa fonction pontificale au regard de l’histoire.

Pour terminer ce dossier, je vous propose quelques citations signifiantes du livre de John Cornwell LE PAPE ET HITLER.

*Mais quel aurait été le risque réel de représailles de la part des SS si le pape avait protesté de façon <significative> aux déportations du 16 octobre ? Dans quelle mesure les SS auraient-ils pu entrer au Vatican et arrêter le pape ? *

*Quiconque se lance dans une étude sur Pie XII dit marcher sur les brisées de ceux qui ont tâché d’élucider le problème de son silence pendant la guerre. La controverse sur l’attitude d’Eugenio Pacelli à l’égard de la solution finale n’a pas cessé depuis trente-cinq ans et a vu se multiplier les recherches savantes…chaque essai pour rendre un verdict définitif sur l’information et la conduite du pape, provoquant une réaction du camp adverse. *

*Les théologiens catholiques débattent depuis longtemps de ce qui sépare la prudence chrétienne de la lâcheté. La ligne de partage est souvent difficile à tracer et toute la casuistique du monde sur le silence admissible face au crime afin d’empêcher le pire ne rendra pas la tâche moins ardue, Il existe des situations où l’on pêche moralement par omission. Le silence a ses limites. *

*Ce silence autour de la solution finale apporta au monde la preuve que le vicaire du Christ n’était homme ni de pitié ni de colère. De ce point de vue, il était le pape pour les desseins indicibles de Hitler. *

*Au plus profond de la guerre, le programme de Pacelli – ses aspirations à la sainteté et sa position sur les relations entre la papauté et l’Église – semblait bien loin de tout sentiment de responsabilité entre les juifs d’Europe et d’identité commune avec eux… *

*Pacelli savait fort bien que l’auditoire reconnaîtrait ces ennemis de Jésus qui lui avaient crié <crucifiez-le> < Pacelli, écrit Herczl, savait que son auditoire le comprendrait parfaitement.> Le représentant du pape à un congrès eucharistique marquait clairement que l’<amour universel> qu’il prêchait devant cette assemblée n’incluait pas les juifs. *


L’auteur John Cornwell

 

Suggestions

Pie XII a fait l’objet d’une quantité considérable de livres, documents, essais et dossiers de presse. Voici trois suggestions de livres. Je vous invite aussi à consulter le dossier publié par Wikipédia en cliquant ici.

SUGGESTION DE FILM

Amen est un film franco-germano-roumain réalisé par Costa-Gavras, sorti en 2002. Il s’agit d’une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre Le Vicaire (Der Stellvertreter) de Rolf Hochhuth, critiquant l’inaction du pape Pie XII durant la Seconde Guerre mondiale, en particulier à l’égard des Juifs.

Il faut noter toutefois que la pièce LE VICAIRE est controversée. D’après le Vatican, la pièce aurait été fortement influencée par les communistes et les ennemis de l’Église. Plusieurs critiques croient que la pièce contiendrait plusieurs erreurs. Là encore, il y a deux camps.

Quoiqu’il en soit, le film de Costa Gavras rend très bien le contexte historique

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 27 septembre 2025

Le tatoueur d’Auschwitz

Commentaire sur de livre de
HEATHER MORRIS

 

*Tandis qu’ils disparaissaient dans l’obscurité, Lale fait un serment : Je sortirai vivant de ce camp. Je partirai en homme libre. S’il y a un enfer, je verrai ces assassins brûler dans ses flammes. *

Extrait : LE TATOUEUR D’AUSCHWITZ d’Heather Morris. Pour la version papier : J’ai lu éditeur, 2021, 256 pages. Pour le format numérique : City editions, 2018, 320 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2018, durée d’écoute : 7 heures 40, narratrice : Isabelle Miller.

La vie qui bat

C’est une histoire qui m’a beaucoup impressionné. L’autrice est venue me chercher très rapidement pour ne pas dire dès le départ. On suit, tout au long du récit, Ludvig Einsemberg, un jeune slovaque de 23 ans surnommé LELLE. Il est capturé vers 1942 et déporté dans le camp d’extermination d’Auschwitz en Pologne.

En arrivant dans ce camp de la mort, Lele s’est juré de survivre à tout prix. Il est fûté et débrouillard. Une chaîne d’évènements et de rencontres l’amènera à devenir le tatoueur du camp dont le rôle est de tatouer un numéro d’identification au bras des prisonniers. Ça améliorera très sensiblement son sort.

Pour tout le monde, il demeure Lele, volant dans les réserves pour aider les plus affamés et les malades. Les allemands l’appelleront le *tatöwierer* c’est-à-dire le tatoueur en allemand. Un jour, il aperçoit une jeune femme nommée Gita. C’est le coup de foudre, une nouvelle raison de vivre dans cet environnement de mort.

Graduellement, le coup de foudre devient partagé. Un amour profond s’installe. Il est difficile à exprimer car les conditions du camp d’extermination ne se prête pas tellement aux rencontres courtoises. Mais comme je l’ai dit plus haut, Lelle est débrouillard. Mais il aura trois ans à attendre avant la libération qui ouvrira la porte aux espoirs les plus fous…

Même si le récit est basé sur une histoire vraie, c’est un coup de génie d’Heather Morris d’avoir développé une aussi belle histoire d’amour dans un cadre aussi cruel et infernal que le camp d’Auschwitz conçu et créer pour torturer et tuer. Ce paradoxe démontre bien le pouvoir de l’amour.

Elle a bâti son histoire d’une plume habile et intelligente, avec beaucoup de sensibilité. Afin de maintenir un parfait équilibre dans son récit, Morris s’est gardée une réserve. Bien sûr, elle n’a pas pu contourner les horreurs historiquement avérées des camps d’extermination mais elle a évité les artifices et autres détails monstrueux. Elle s’est concentrée sur un garçon passionné et attachant et rusé comme un renard en plus et sur la naissance d’un amour en apparence impossible.

Il doit tout de même y avoir une part de fiction dans cette histoire. Je suis surpris par exemple qu’un homme ait tenu trois ans en vie à Auschwitz, même comme tatoueur. À ma connaissance, aucun document historique mentionne Ludvig Eisemberg. Sous l’angle historique, il se peut bien que la rigueur du récit soit discutable.

Peut-être que l’histoire a été bâtie sur des témoignages recoupés. J’éviterai donc le terme *biographie* ou encore roman historique. Je dirai un roman basé sur une histoire vraie.

Il reste que c’est une histoire d’une magnifique beauté. Une leçon de courage, d’amour et d’abnégation.

L’écriture est belle et sensible et ma dernière heure de lecture de ce livre a été pour moi très émouvante. Lisez sans crainte. C’est un coup de cœur.

Suggestion de lecture : L’ANGE DE MUNICH, de Fabio Massimi


L’autrice Heather Morris

 De la même autrice

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 21 septembre 2025

 

L’espoir est une terre lointaine

Commentaire sur le livre de
COLLEEN McCULLOUGH

*…Me voici en route pour une île minuscule, perdue au milieu de l’océan, si loin de tout que les hommes ne s’y sont jamais établi

s jusqu’à ce que nous arrivions, nous autres anglais…
Une chose est sûre, cet endroit ne sera jamais mon chez-moi. Je m’y retrouve seul après avoir navigué sur des eaux solitaires et je le quitterai seul…Un lieu aussi éloigné ne peut avoir de substance… *

Extrait : L’ESPOIR EST UNE TERRE LOINTAINE, de Colleen McCullough, Format papier, Les Presses de la Cité éditeur, 2002, 770 pages

À travers le destin de Richard Morgan, (qui, selon l’auteure, a réellement existé) Colleen McCullough brosse une gigantesque fresque historique retraçant la formation de l’Australie. Mais avant tout, ce livre raconte l’histoire d’un homme ordinaire qui connut l’amour, la haine et les pires épreuves, un homme qui a su transcender l’injustice et les souffrances les plus terribles pour fonder une nouvelle génération de conquérants.

Australie en devenir

 

Avec L’ESPOIR EST UNE TERRE LOINTAINE, Colleen McCullough nous offre cette fois un roman historique ou s’entremêlent la fiction et les faits historiques avérés, solidement documentés. Elle nous décrit les évènements qui ont présidé à la création de l’Australie : *Sur la carte, elle figure sous le nom de <Terra incognita> ou encore <Terra Australia> * (Extrait) Elle raconte cette histoire à travers le destin de Richard Morgan, ancêtre de quatrième génération du conjoint de Colleen McCullough. Le destin de Morgan croisera celui de Fletcher Christian, le célèbre mutiné du Bounty.

Tout débute en 1765 à Bristol, Angleterre, à une époque où une justice peu éclairée et désorganisée, condamnait pour tout et pour rien. Richard Morgan, veuf, deux enfants morts, armurier, aubergiste, homme à tout faire, est injustement condamné à être déporté sur une terre lointaine dans un endroit sinistre appelé Botany bay, découvert plus tôt par l’explorateur James Cook et qui deviendra plus tard Sydney.

Avec plusieurs autres condamnés, Morgan allait inaugurer le rêve de l’Angleterre : se débarrasser des bandits, criminels, indésirables et bons à rien de tout le pays en les envoyant aux confins du monde: *J’ai atteint ce point du globe où ma destinée prend fin et où le cercle de ma vie se referme sur lui-même. * Extrait

Ici, la vie de Morgan, quoique très romancée, est reconstituée avec une remarquable précision historique. Vous pouvez me croire quand je vous dis que Morgan ne l’aura pas facile car, n’ayant pas vu plus loin que le bout de leur nez, les autorités anglaises ont imposé ces déportations sans préparation, peu ou pas d’équipement de survie, alimentation pauvre, inadéquate, pas de directives d’installation. Souffrance et misère attendent les déportés et même leurs gardiens :

*Mais cette conviction si bien ancrée ne l’empêchait nullement de tout faire pour résoudre des problèmes que ces imbéciles de Londres n’avaient même pas envisagés. Comme il était facile de déplacer des pions humains sur un échiquier quand on restait assis dans un fauteuil confortable, le ventre plein, à côté d’un bon feu et d’une carafe de porto toujours bien remplie ! * Extrait

Ces sur des cœurs vaillants comme Richard Morgan qu’une colonie pénitentiaire donnera naissance à l’Australie. Une histoire de bâtisseur, mais aussi une histoire d’amour dont les acteurs sont résolument tournés vers l’avenir.

J’ai beaucoup aimé cette histoire malgré certains irritants que je dois signaler au passage : beaucoup de longueurs, une trop forte quantité de détails techniques assommants, certains dialogues peu utiles ou trop longuement élaborés, une galerie de personnages qui donne le vertige.

Je dois dire aussi que je me suis beaucoup interrogé sur Richard Morgan. C’est un personnage plus grand que nature. Il excelle dans tout ce qu’il fait et dois-je le rappeler, c’est un touche-à-tout. Santé de fer, philosophe, cultivé, habile, travailleur en plus d’être beau comme Adonis.

Voilà. Je m’interroge sur une telle perfection. C’est comme trop beau pour être vrai. J’ai suivi avec intérêt son évolution mais avec un certain sentiment de détachement. Malgré tout, j’ai été très sensible aux réalités historiques décrites dans ce récit et qui soulève beaucoup de questions sur le fonctionnement de la justice anglaise par exemple et qui décrit avec un réalisme bouleversant la situation des femmes dans une société où elles n’ont aucun droit.

L’autrice y développe aussi certains thèmes comme la cruauté (et elle ne manque pas dans cette histoire) et même l’homosexualité.

J’ai apprécié cette histoire. C’est une belle et grande fresque romanesque qui ravira je crois, les amateurs d’histoire.

Suggestion de lecture de la même autrice: UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR

 

La suite

DE LA MÊME AUTRICE


Colleen McCullough

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 20 septembre 2025

 

Éloge de la lenteur

Commentaire sur le livre de
CARL HONORÉ

*dans notre tête. Cette hâte compulsive restera ancrée dans notre fonctionnement jusqu’à ce que notre attitude change. Mais changer ce que nous pensons n’est que le début de notre démarche. *

Extrait : ÉLOGE DE LA LENTEUR, Carl Honoré, format broché : Marabout éditeur, 2013, 288 pages, poche. Format numérique, Marabout éditeur, 2013, 366 pages, format audio : audiolib éditeur, 2008, durée d’écoute : 3 heures, narrateur, Pierre Tissot.

Contre un penchant pour la vitesse

L’auteur est un journaliste de renom. Il a travaillé pour L’OBSERVER, Le NATIONAL POST et plusieurs autres grands journaux. Dans un élan frénétique, parti d’une idée originale, Carl Honoré décide de faire le tour du monde pour enquêter sur un mouvement qui prend selon lui, une ampleur considérable : le *slowconcept* qui tend à répandre partout dans le monde les vertus de la lenteur : *Même à l’ère des <histoires-minute> pour aller dormir, il existe une alternative au <toujours plus vite>. Et bien que cela sonne comme un paradoxe, le mouvement pour la lenteur se développe à toute allure. * (Extrait)

Le *slowconcept* cultive l’idée d’une décélération dans nos activités quotidiennes touchant tous les domaines de la vie : travail, loisirs, famille, finances. L’auteur va jusqu’à dire que les tempos musicaux contemporains sont trop rapides. Il me suggère même de lire moins vite, ce qui n’a pas manqué de me faire sourire.

*Pourquoi sommes-nous toujours si pressés ? Comment guérir de notre obsession du temps ? Est-il possible ou seulement désirable d’aller moins vite ? * (Extrait)

Donc l’auteur développe la philosophie de la lenteur en expliquant les différentes formes prises par le phénomène et tout y passe, même le sexe. Tout l’argumentaire débouche forcément sur les bienfaits d’un retour au calme.

*Une fois que vous commencez à vous poser des questions sur la vitesse au volant, vous vous posez les mêmes à propos de votre vie en général : pourquoi suis-je pressé ? Quel intérêt ai-je à me dépêcher pour gagner une minute ou deux? Lorsque vous devenez plus calme au volant, vous l’êtes aussi en famille, au travail, en tout. *

C’est le titre qui m’a accroché, avec le dessin de la tortue. L’idée de base est originale et rejoint un large courant d’opinion et explique en détail les avantages d’un ralentissement du rythme de notre vie. Chaque chapitre développe un thème de la vie quotidienne et débouche invariablement sur un ralentissement du rythme de vie, ce qui m’a fait beaucoup déchanter. Malgré le fait que je suis resté attaché au sujet, j’ai trouvé l’ensemble indigeste, lourd, mal ventilé, redondant, répétitif. Le livre souffre de remplissage et en qualifiant le tout de *philosophie de la lenteur* l’auteur fait preuve d’une certaine arrogance.

Dans les faits, j’ai trouvé le livre plus mercantile que philosophe car il est présenté un peu à la façon d’un cours de développement personnel : une idée à vendre avec parfois l’énergie de l’obsession : une grande quantité de témoignages qui reviennent pas mal au même, beaucoup d’exemples par lesquels je ne me suis pas senti concerné. L’écriture est froide et sans émotion.

J’avais très hâte de terminer ce livre. L’aurais-je lu trop rapidement ? Si c’est le cas, ce n’est pas vraiment un bon point pour l’auteur. Toutefois, sans prendre l’allure d’un escargot, l’idée de ralentir notre rythme de vie est très intéressante.

Suggestion de lecture : TA DEUXIÈME VIE COMMENCE QUAND TU COMPRENDS QUE TU N’EN AS QU’UNE de Raphaëlle Giordano

L’auteur Carl Honoré

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le vendredi 19 septembre 2025