PEUR SUR LA CROIX

Commentaire sur le livre de
JEAN-MARC FAYOLLE

*ces pseudos journalistes qui nous abreuvent à longueur d’année d’articles critiquant nos institutions qu’ils considèrent blasphématoires… Ces pseudos croyants qui sont à la solde du Vatican ou de l’opus-Dei. Ces individus, chers frères, sont à faire disparaître de la circulation.

On ne peut tolérer de tels propos insultants envers nos soldats. Rappelez-vous mes frères que nous combattons cette église… depuis que la vérité a été occultée lors du concile de Nicée en l’an 325…Rappelez-vous toutes ces horreurs que nous a infligées le clergé durant ces deux millénaires, tous nos soldats brûlés vifs sur le bûcher pour hérésie. *

Extrait : PEUR SUR LA CROIX, de Jean-Marc Fayolle. Édition de papier et format numérique: Erato éditeur, 2016, 330 pages. (923 KB)

Une menace à fuir

Je ne sais pas trop comment classer ce roman. Sa structure est étrange et ses changements de direction sont frustrants. Je trouve même que le titre et le quatrième de couverture ne remplissent pas leur office.

L’histoire, du moins dans sa première partie repose sur le terrorisme religieux. Rien à voir avec l’Islam. Il s’agit d’une secte chrétienne appelée SARAH qui combat l’Église Catholique prétendant que les deux mille ans d’histoire de cette Église repose sur le mensonge et qu’il est grand temps de scander la vérité à la face du monde.

Comme c’est trop souvent le cas dans les conflits religieux, la secte se radicalise et décide d’utiliser des moyens musclés pour se faire entendre. Résultat : violence et terrorisme.

Une chaîne d’évènements amène un expert en compétitions automobiles à combattre cette secte et tenter d’empêcher une inimaginable catastrophe.

Si je me base sur la première moitié du récit, le roman aurait pu être très intéressant, captivant même. Mais vers la fin du troisième quart, l’histoire accuse une chute vertigineuse de l’action et de l’intrigue et verse mielleusement dans le romanesque avec de longs palabres courtois, des propos explicites et des descriptions sexuelles à peine voilées.

Puis vers la fin, un revirement de situation que j’ai trouvé assez insignifiant pour me rendre compte finalement qu’il était parfaitement inutile. Mais je l’admets, il a quand même attisé ma curiosité, croyant que l’aspect dramatique de la première moitié allait revivre et me donner quelques frissons. À la place, j’ai simplement eu l’impression que l’auteur s’adonnait au remplissage.

J’ai trouvé ça dommage car l’introduction de l’histoire était vraiment prometteuse et s’ajustait avec les réalités du terrorisme et du fanatisme religieux. J’ai déchanté quand le texte a pris les allures d’un drame d’espionnage où tout s’imbrique un peu trop facilement pour finir enfin par une passion amoureuse avec, au passage, une petite chicane de ménage, le tout, entremêlé de courses automobiles.

Autre facteur qui ne m’a pas vraiment aidé à aimer ce roman, c’est qu’il est bourré de fautes. L’orthographe y est malmenée, des mots sont escamotés, d’autres sont glissés par erreur. Je crois que l’éditeur ne s’est pas trop forcé.

Il faut donc considérer la première partie du récit comme une base de roman, mais ça s’est arrêté là. Pas fort.

Suggestion de lecture : LA RELIGION, de Tim Willocks

Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 21 décembre 2025

Les Hauts de Hurle-vent

Commentaire sur le livre
d’EMILY BRONTË

*Mon amour pour Linton est comme le feuillage dans les bois : le temps le transformera… comme l’hiver transforme les arbres. Mon amour pour Heathcliff ressemble aux rochers immuables qui sont en dessous : source de peu de joie apparente, mais nécessité. Nelly, je suis Heathcliff ! Il est toujours… dans mon esprit ; non comme un plaisir, pas plus que je ne suis toujours un plaisir pour moi-même, mais comme mon propre être. Ainsi, ne parlez plus de notre séparation ; elle est impossible…*

Extrait : LES HAUTS DE HURLE-VENT, d’Émilie Brontë. Édition de papier : Livrepoche éditeur, 1997, 403 pages. Format numérique : Culture commune éditeur, 2011, 1646 KB. Version audio : Éditions Thélème 2016, durée d’écoute : 14 heures 8 minutes, narratrice : Mélodie Richard.

Un fleuron de la littérature

LES HAUTS DE HURLE-VENT est l’unique roman d’Emily Brontë, emportée par la tuberculose à l’âge de 30 ans seulement. Pourtant, ce roman est considéré comme un des plus grands de la littérature du XIXe siècle. Pour moi, c’est peut-être un peu fort, mais il reste que c’est un roman dérangeant, qui ne laisse pas indifférent. Résumons d’abord un peu l’histoire.

LES HAUTS DE HURLE-VENT est le nom qu’on donne à un domaine dans lequel vit confortablement une famille : monsieur et madame Earnshaw qui ont deux enfants, un garçon et une fille. Un jour, monsieur Earnshaw ramène avec lui, d’un de ses voyages, un enfant abandonné appelé Heathcliff, ne se doutant pas qu’il a introduit dans la famille rien de moins qu’un serpent.

Dès le départ, les enfants de Earnshaw méprisent le nouveau venu. Heathcliff devient amoureux de la fille, Catherine, mais ça n’ira pas loin. Dès lors Heathcliff n’est mû que par la vengeance et ça coûtera très cher à la famille ainsi qu’à sa descendance, au moins jusqu’à ce que la fille de Catherine tombe amoureuse d’une petite réplique d’Heathcliff, un être tout ce qu’il y a de méprisable.

C’est un roman très sombre, insolite, dur, atypique par sa violence si on tient compte des conventions morales qui régissaient la Société Britannique du XIXe siècle, ce qui a valu d’ailleurs beaucoup de critique à l’endroit d’Emily Brontë. Je ne me suis pas soucié des conventions de l’époque mais j’ai été ébranlé par la plume redoutable de Brontë et l’oppression qu’elle inspire est avérée.

Il n’y a pas beaucoup de monde dans cette histoire qui aurait le bon Dieu sans confession ce qui m’amène aux irritants. Le monde de Hurle-vent est peuplé de salauds, de coups bas, de vengeance. La vertu est rare. Il y a dans cette histoire un certain déséquilibre qui fait toute la différence entre le drame et le mélodrame. Ça devient lassant parce que sans aboutissement.

Heureusement, les descriptions environnementales sont tout simplement magnifiques et à elles seules en valent la peine.

L’histoire est assez agréable à lire mais attention. Il y a plusieurs narrateurs qui s’entrecroisent et il me serait difficile de démontrer l’utilité de quelques-uns d’entre eux. LES HAUTS DE HURLE-VENT demeure pour moi un très bon roman, probablement emblématique de son époque, mais pas assez convaincant à mon goût pour le qualifier d’un des meilleurs de la littérature.

Trop de tristesse sans compensation, trop de redondance, pas assez de conviction. Il y a toutefois suffisamment d’éléments pour faire bouillir les lecteurs et lectrices.


Suggestion de lecture : LA DERNIÈRE DES STANFIELD, de Marc Levy

Au cinéma

Il existe de nombreuses adaptations de l’oeuvre LES HAUTS DE HURLE-VENT, y compris celle de 2026. Pour en parcourir la liste, je vous réfère au site SENS CRITIQUE.


L’autrice Emily Brontë (1818-1848)

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 20 décembre 2025

Cemetery boys

Commentaire sur le livre de
AIDEN THOMAS

*-Tu sais qui tu es, je sais qui tu es et Notre Dame le sait aussi… alors que tous les autres aillent se faire voir. Maritza lui lança un sourire malicieux.
-Souviens-toi pourquoi on fait tout ça…Yadriel se blinda et parla avec tout le courage qu’il put rassembler. -Pour qu’ils voient bien que je suis un Brujo.
-Ils vont se sentir bien bêtes lorsque tu leur feras voir.

Extrait : CEMETERY BOYS, version française, d’Aiden Thomas. Édition de papier (poche) Big Bang éditeur, 2023, 456 pages. Format numérique : Actu SF éditeur, 2023, 405 pages, 1136 KB. Version audio : VOolume éditeur, 2023, durée d’écoute : 12 heures 37 minutes, narrateur : Loïc Richard.

Le choc de la tolérance

C’est un très bon roman. J’ai trouvé sa lecture agréable. Le thème est sensible mais habilement développé, en douceur, avec délicatesse. Pour le résumé de l’histoire, vous pouvez vous fier au quatrième de couverture plus haut. On ne pourrait faire mieux. Ce qu’il faut retenir, c’est que Yadriel est un garçon transgenre et qu’il veut devenir Brujo pour invoquer les esprits disparus, un pouvoir traditionnellement réservé aux garçons

Yadriel veut utiliser son pouvoir pour faire revenir l’esprit de son cousin qui a connu récemment une mort violente. Yadriel réussit effectivement à faire revenir un esprit. Mais voilà, ce n’est pas le bon. Ce qui apparaît est l’esprit d’un jeune homme lui aussi victime de mort violente. Il s’appelle Julian.

Julian ne veut pas repartir. Il veut rester pour protéger ses amis qui sont menacés et a besoin pour ce faire de la complicité de Yadriel. S’ensuit toute une série d’aventures et surtout, la naissance d’un petit sentiment qui grandit doucement surtout chez Yadriel. Mais bref, au départ, Julian veut rester pour sauver ses amis, Yadriel veut que Julian reparte mais on se rend vite compte qu’il en a de moins en moins envie.

Je veux m’attarder un peu sur Julian qui fut de loin mon personnage préféré. Jeune homme en fin d’ado, il est rebelle, un peu bougon, têtu et traînait de son vivant, une réputation de méchant garçon. Pourtant, L’auteur l’a doté d’une très bonne nature. Il a une carapace de dur à cuir mais ce n’est qu’une apparence. Il est sensible, protecteur et surtout, il a accepté Yadriel dans sa différence…le genre de bonhomme qu’on serait heureux d’avoir comme ami.

C’est un récit bien développé. L’action n’est pas à l’emporte-pièce mais il y a de l’émotion et la plume pousse les lecteurs à sympathiser avec les personnages qui ont tous un côté attachant et chaleureux. C’est un roman pour jeunes adultes mais aussi une réflexion de société alors que la reconnaissance des genres est au cœur de l’actualité. (voir LGBTQIA+)

Si le livre est venu me chercher et m’a touché, il comporte tout de même quelques irritants et faiblesses. Je note d’abord une surexploitation de mots et de termes espagnols. C’est un peu dérangeant, La version audio en particulier n’est pas aisée à suivre. Et puis, je suis toujours un peu heurté quand un livre en français porte un titre anglais. Pas fort. Enfin, l’intrigue tourne en rond et accuse un peu d’errance mais elle nous amène pourtant vers une finale surprenante. Le genre de finale qu’on a l’impression de vivre entre les mots…

Enfin, un mot sur les personnages. Ils sont forts mais sensibles. Certains luttent pour les traditions, d’autres luttent contre. Outre Julian et Yadriel, vous ferez la connaissance de Maritz, une vraie flamme celle-là, attachante et empathique, rejetée par les siens parce qu’elle est végane. Heureusement, deux petites perles que je vous laisse découvrir la protègent : Donatello et Michelangelo.

C’est un livre plein des mystères latins que l’auteur Aiden Thomas nous fait découvrir en toute simplicité en plus de thèmes que nous avons besoin d’explorer comme société : Amitié, Amour et bien sûr Respect des différences, Tolérance, Acceptation.  Je qualifierai ce livre de doux et fort.

Suggestion de lecture : LE BLEU DES GARÇONS, d’Éric Leblanc


Aiden Thomas est un auteur à succès figurant sur les listes best-sellers du New York Times. Il détient une maîtrise en création littéraire. Originaire d’Oakland (Californie), il est installé à Portland (Oregon). En tant que queer, trans et Latinx, il plaide pour une représentation de la diversité dans les médias.

Du même auteur

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 19 décembre 2025

L’apothicaire

Commentaire sur le livre 
D’HENRI LOEVENBRUCK 

*Malgré le froid et l’heure matinale, les ouvroirs bigarrés des épiciers envahissaient l’allée, avec leurs odeurs mêlées de suif à bougies, de cannelle, de gingembre… et de clou de girofle. L’apothicaire soupira. Ces vulgaires marchands faisaient passer de simples blandices pour de vrais médicaments en les vendant à des prix que seule la mode expliquait, sans les justifier pour autant. *

Extrait : L’APOTHICAIRE, de Henri Loevenbruck. Édition de papier : Jailu éditeur 2013, 800 pages. Format numérique : Flammarion éditeur, 2011, 774 pages, 1517 KB, version audio : Audible studios éditeur, 2017, durée d’écoute : 22 heures 22 minutes. Narrateur : Jean-Christophe Lebert.




Une grosse machination




L’APOTHICAIRE est un roman historique qui pourrait bien être addictif pour de nombreux lecteurs et lectrices à cause des faits historiques qui y sont détaillés, soutenus par une imposante recherche, du caractère intrigant de l’ouvrage et de la qualité de ses personnages.

Nous suivons un énigmatique personnage, Andreas Saint-Loup, appelé l’apothicaire car il est très versé dans les soins du corps par les plantes. Saint-Loup est un peu atypique pour son époque et intrigue beaucoup ses contemporains. Nous suivons aussi son apprenti, Robin Messonier, adolescent à l’esprit vif, et une jeune fille appelée Aaliss qui a fui la cruauté de ses parents et croisé le destin de l’apothicaire et de Robin. Maintenant résumons brièvement l’histoire.

Nous sommes en France, en 1313, sous le règne du roi Philippe IV LeBel, celui-là même qui a envoyé au bûcher les derniers templiers. (voir LES ROIS MAUDITS de Maurice Druon) Un matin de la nouvelle année, un apothicaire, Andreas Saint-Loup, découvre qu’il y a une pièce dont il n’a jamais réalisé l’existence, à mi-étage de sa boutique. À partir de ce moment, et de celui où il découvrira une toile effacée du tiers de sa surface, la vie de Saint-Loup basculera complètement.

Une chaîne d’évènements amène la cour de France à accuser l’apothicaire d’hérésie ce qui pousse Philippe LeBel à le pourchasser, faisant même intervenir le grand inquisiteur de France, le redoutable Guillaume Imber qui joua un sinistre rôle dans le sort des templiers, un autre produit de la charité débordante de l’Église.

L’apothicaire, son apprenti et Aaliss deviennent des fugitifs et frôlent la mort. Saint-Loup, obsédé par la présence de sa chambre mystérieuse entreprend, parallèlement la recherche du *livre qui n’existe pas*. Le périple entraînera nos héros sur les traces du prophètes Moïse, jusqu’au buisson ardent sur le mont Sinaï. 

J’ai trouvé ce roman très fort, nullement influencé par une partie de la masse critique qui considère le récit lourd et parfois ennuyeux à cause de ses longs descriptifs historiques et religieux. Moi j’ai adoré ça car j’ai appris beaucoup de choses qui ont totalement mobilisé mon attention et les exemples sont nombreux. Je dois me limiter évidemment.

J’ai lu par exemple, avec beaucoup d’intérêt, les origines du Chemin de Compostelle, le sens de ce pèlerinage, les mystères de la basilique de Saint Jacques. J’ai appris beaucoup de choses intéressantes, entre autres sur le gnosticisme, le moyen âge qui est magnifiquement bien décrit, sur l’intolérance religieuse, les templiers et même sur le pouvoir des plantes.

J’ai appris beaucoup tout en me divertissant car l’ouvrage est riche d’intrigues, sa finale est renversante. Et ses personnages attachants, Robin en particulier.

Voyons maintenant les faiblesses et irritants. L’ouvrage accuse une surexploitation de locutions latines et grecques. Quoiqu’elles soient bien placées dans le contexte, il y en a trop et ça rend le récit un peu ampoulé, prétentieux. Il faut lire le livre avec patience et aussi de l’intérêt pour le moyen-âge car l’intrigue est souvent noyée dans les descriptifs.

Je crois enfin que le personnage principal manque de fluidité et garde un côté mystérieux jamais vraiment éclairci, abouti. Je l’ai trouvé un peu imbu et je n’ai pas réussi à m’y attacher.

Je me rabats plutôt sur l’exactitude des faits historiques, l’intrigue, qui m’a gardé sur la touche, avec un petit soupçon d’ésotérisme et de philosophie, et la nature de la quête qui est pour le moins originale. Je peux dire que ce roman initiatique a été pour moi un coup de cœur.

Suggestion de lecture, du même auteur : le rasoir d’Ockham


L’auteur : Henri Loevenbruck

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 14 décembre 2025



 

Un homme et son péché

Commentaire sur le livre de
CLAUDE-HENRI GRIGNON

*…et il pensait à tous les billets qu’il avait accumulés à des taux variant entre huit et vingt-cinq pour cent et aux gages qui s’entassaient près des trois sacs d’avoine. Puis, suprême bonheur, Donalda ne lui arrachait plus ses pièces de vingt-cinq sous pour s’acheter des épingles à cheveux, du ruban, de la flanelle, des lacets de bottines, du coton, toutes choses enfin dont il se passerait bien, lui, et qui sont des objets de luxe et de perdition… *

Extrait : UN HOMME ET SON PÉCHÉ, de Claude-Henri Grignon. Édition de papier, Stanké éditeur, 2003, 216 pages. Édition audio : Vues et Voix éditeur, 2022. Durée d’écoute : 4 heures 15 minutes. Narrateurs : Nicholas Gendron et Pierre Lebeau.

Sous le regard du redoutable curé Labelle, protecteur des pays d’en haut, les bâtisseurs s’acharnent à développer les Laurentides. Des terres de roche qui nécessite un travail colossal. Séraphin Poudrier, lui l’avare, compte son or aux dépens des pauvres colons qu’il exploite. La richesse et les rêves d’ailleurs meilleurs séparent les *nés-pour-un-petit-pain* des audacieux qui aspirent à briser le carcan traditionnel de la société québécoise. Pour agir et cesser de subir, il y a un prix à payer.

 

Un immortel de l’imaginaire québécois

Séraphin, homme avare à l’extrême, prête aux habitants de son village à taux usuraires, étouffants. Sa femme, la courageuse Donalda, est le seul être vivant que Séraphin semble aimer sincèrement. Pourtant, lorsqu’elle tombe malade, Séraphin refuse les services d’un docteur de peur que ça lui coûte trop cher mais demande à Alexis s’il peut emprunter sa fille pour faire les corvées et aider Donalda.

Les soins nécessaires faisant défaut, Donalda meurt. Séraphin la place dans un cercueil trop petit pour elle et l’enterre au cimetière, dans le lot des Poudrier. Peu touché, il se console en se disant qu’il n’aura plus à l’entretenir.

Même pour les cœurs de pierre, il arrive que le vent vire. Un jour, une des vaches de Séraphin tombe à l’eau. Au moment où il tente de la sauver, il se rend compte que sa maison est en feu. En panique, Séraphin se précipite pour sauver les pièces d’or qu’il avait cachées dans un sac d’avoine. Je vous laisse découvrir, chers lecteurs/lectrices, le destin de l’avare.

UN HOMME ET SON PÉCHÉ était un radioroman de la génération de mes parents. À la fin des années 1950, j’ai eu l’occasion d’écouter quelques épisodes à CBF 690 qui avait attisé ma curiosité. Mais ce n’est rien à côté de l’intérêt que je développerai plus tard pour la série télévisuelle LES BELLES HISTOIRES DES PAYS D’EN HAUT diffusée plus tard à partir des années 1960 à la télévision de Radio-Canada, CBFT canal 2 à l’époque. Mais ça, c’est une autre histoire.

Plus de 60 ans plus tard, je lis le livre et j’écoute une version audio. J’en ai été enchanté et aussi émerveillé de la prestation de Nicholas Gendron et Pierre Lebeau. C’était un défi pour moi ce retour aux sources car la seule référence que j’avais de Séraphin Poudrier remonte aux BELLES HISTOIRES DES PAYS D’EN HAUT avec Jean-Pierre Masson dans le rôle de Séraphin. Auparavant, je n’avais vu Hector Charland dans ce rôle que deux ou trois fois, c’est un beau livre à découvrir ou redécouvrir.

Jamais un roman québécois de Claude-Henri Grignon ne s’est multiplié à ce point depuis sa parution en 1933. Feuilleton radiophonique puis téléromans refaits puis repris à répétition, cinéma, bande dessinée, l’avare Séraphin et sa pauvre Donalda ont enragé ou fait pleurer plusieurs générations de québécois.

Sous la férule du gros curé Labelle, les personnages de ce roman culte s’acharnent à peupler puis développer le territoire à la terre ingrate des Laurentides. L’avare y fait figure de démon qui compte son or aux dépens des pauvres colons qu’il exploite. La richesse et les rêves d’ailleurs meilleurs séparent les nés-pour-un-petit-pain des audacieux qui aspirent à briser le carcan traditionnel de la société québécoise. Pour agir et cesser de subir, il y a un prix à payer. Cet HOMME ET SON PÉCHÉ en profite d’une mesquinerie à l’autre.

©none Les Éditions Kampus (P)2021 Vues et Voix

Suggestion de lecture : LES FILLES DE CALEB, d’Arlette Cousture

Quatre comédiens du radioroman « Un homme et son péché » de Claude-Henri Grignon, jouant sur les ondes de la station CBC (Radio- Canada) à Montréal. De gauche à droite, nous reconnaissons Hector Charland (Séraphin Poudrier), Juliette Béliveau, Paul Guèvremont et George Alexander


UN HOMME ET SON PÉCHÉ donnera naissance à une des téléséries les plus adulées par la francophonie canadienne dans l’histoire de la télévision : LES BELLES HISTOIRES DES PAYS D’EN HAUT.


L’auteur Claude-Henri Grignon


Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 13 décembre 2025

Les surveillants du fleuve

Commentaire sur le livre de
NORMAND PAYETTE

Kevin n’en croit pas ses yeux ! Il repense aux deux étrangers sur la terrasse de LA RAFALE, au Bureau de commerce… il dévore le texte en tentant de lire entre les lignes et afin de bien comprendre : « Treize inspecteurs allemands arriveront très bientôt dans le but de visiter les installations forestières et portuaires et d’examiner la possibilité d’acheter l’île d’Anticosti. »

Extrait : LES SURVEILLANTS DU FLEUVE, tome 1, INCURSION DES ALLEMANDS SUR LE SAINT-LAURENT (1937-1945), par Normand Payette. Édition de papier : Norpay éditeur, 2022, 475 pages. Version audio : Vues et Voix éditeur, 2019. Durée d’écoute : 15 heures 18 minutes. Narrateur : Jacques Tremblay



De 1937 à 1945, Normand Payette nous entraîne de Montréal à Terre-Neuve, en passant par Québec, Trois-Pistoles, Matane et Anticosti, sans oublier la Côte-Nord du Saint-Laurent. Autour de Kevin O’Connor, un pilote du Saint-Laurent, et de Conrad Tremblay, directeur de la GRC, le défi des surveillants du fleuve sera de faire échec aux manœuvres belliqueuses des Allemands, dont les agents dormants sont infiltrés partout… 

Révélant des faits historiques que le gouvernement canadien a longtemps cachés à la population de l’époque, l’auteur nous plonge avec réalisme dans la bataille du Saint-Laurent et dévoile le rôle majeur de ces pilotes, gardiens de phare et pêcheurs qui empêchèrent les Allemands de mettre la main sur l’île d’Anticosti.

 Roman sur un pan d’histoire

Malgré quelques irritants sur lesquels je reviendrai plus loin, ce livre, un drame d’espionnage m’a captivé… serré, car il développe un thème rare de la deuxième guerre mondiale : la présence d’espions allemands et de nombreux agents dormants au Québec pendant la guerre d’une part, et des nombreux navires destinés à l’approvisionnement des alliés en Europe, coulés ou lourdement endommagés dans le golfe et le fleuve Saint Laurent.

C’est un fait historiquement avéré que les Allemands étaient infiltrés partout au Québec, intéressés par la situation stratégique du Saint-Laurent pour empêcher l’accès à l’océan Atlantique. Ils ont même tenté de se porter acquéreur de l’île d’Anticosti.

Pour tenir tête aux allemands, un réseau de surveillance s’est mis tout naturellement en place, composé de pilotes du Saint-Laurent, des gardiens de phares qui sillonnent le fleuve, et de pêcheurs. Ce réseau portera le nom de SURVEILLANTS DU FLEUVE et prendra une importance telle qu’il sera appuyé par la GRC, l’armée et la police provinciale.

Nous suivons plus particulièrement Kevin O’Connor, un pilote à l’origine du réseau, Conrad Tremblay et Wolfgang Eichman, un espion allemand fantôme, prétendu chef des services secrets allemands au Québec.

Normand Payette reconstitue ici une partie dramatique de notre histoire au Québec avant et pendant la deuxième guerre mondiale et je dois dire que ça manquait à notre littérature. La présence allemande au Québec a été longtemps occultée pour deux raisons en particulier : la crainte du gouvernement de McKenzie King de semer la panique et de commettre de graves erreurs de stratégie et bien sûr, le fait que tous les yeux étaient tournés vers l’Europe, théâtre sanglant qui allaient confirmer la folie d’Hitler.

Des faits historiques avérés comme l’espionnage et les attaques de sous-marins allemands sont insérés dans un roman d’espionnage dans lequel des agents secrets s’autorisent à infiltrer, tuer et promouvoir au maximum le nazisme au pays. J’ai trouvé le récit instructif, captivant. J’ai appris beaucoup de choses tout en savourant une intrigue extrêmement serrée donnant parfois des passages à l’emporte-pièce. L’ensemble est crédible et rigoureux.

Ce livre comporte des irritants que je vais toutefois nuancer. D’abord, il met en scène une imposante galerie de personnages. C’est à s’y mêler mais je souligne que l’auteur, Normand Payette, qui se publie lui-même soit dit en passant, a eu la gentillesse de publier une liste des principaux personnages. C’est une attention qui manque à beaucoup de livres. J’ai dû référer à cette liste souvent mais je suis reconnaissant à l’auteur pour cette initiative.

Il y a dans le récit de nombreux passages un peu *fleur bleue*, d’autres suggestifs, qui s’insèrent laborieusement dans l’histoire.

C’est une tendance un peu agaçante mais il faut la tolérer car dans ce contexte d’espionnage et de guerre, l’amour joue un rôle capital et je vous laisse découvrir pourquoi. Vous verrez que tout se tient.

Enfin, l’auteur décrit chaque attaque de sous-marins allemands dans le fleuve et le golfe Saint-Laurent sur des navires d’approvisionnement à destination d’Europe. Il y en a eu 29. La liste est publiée aux pages 386 et 387 avec la carte signalant les attaques. Était-ce bien nécessaire de décrire chaque attaque avec le cri d’attaque désormais célèbre : ACHTUNG ! Torpedo…LOS. C’est redondant. Répétitif.

Mais je suis un peu mitigé. Peut-être au fond était-ce une nécessité car j’ai été choqué de réaliser que les allemands pouvaient tirer sur tout ce qui bouge en mer en toute impunité. J’ai ressenti colère et tristesse et réalisé que le livre est beaucoup plus porteur d’émotions que je croyais.

C’est un livre haletant. Sa plume est alerte, sa finale, surprenante. À mon avis, l’œuvre vient combler un vide important dans la littérature québécoise.

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE d’irwin Kershaw
Autre suggestion : L’ESPIONNE (l’histoire de Mata Hari) de Paulo Coellho

La suite

L’auteur Normand Payette

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 12 décembre 2025

 

 

La création du monde

Commentaire sur le livre de
JEAN D’ORMESSON

*Vous avez beau vous débattre, chacun de vous est prisonnier de son temps. Il y a un air du temps, il y a un esprit du temps qui est plus fort que tout et dont vous êtes prisonniers. Il commande votre action, il commande votre pensée. *

Extrait : LA CRÉATION DU MONDE, de Jean D’Ormesson. Édition de papier et format numérique : Robert Laffont éditeur, 2006, 210 pages. (Num. 481 KB)

Une question existentielle

LA CRÉATION DU MONDE est une cosmogonie, un essai philosophique aux limites du roman et qui est centrée sur un long dialogue avec Dieu. Voyons le contexte.

Depuis de longues années, quatre amis se donnent rendez-vous annuellement pour des vacances sur une île de la Méditerranée. Cette dernière rencontre sortira des sentiers battus car un des participants soumet au groupe un manuscrit écrit par Simon Laquedem qui se dit choisi par Dieu pour devenir le nouveau Moïse. Le manuscrit reproduit le dialogue entre Simon et Dieu.

Chaque membre du groupe lira un chapitre à tour de rôle. L’ensemble de l’œuvre provoquera des réactions opposées ou s’imbriquant selon le thème développé. Tous semblent s’entendre à l’idée que Laquedem est un illuminé mais la raison et le cœur sont deux choses différentes.

Première chose : L’œuvre est centré sur Dieu qui règle ses comptes avec Simon. Le reste est accessoire, ça se sent. L’auteur n’a pas vraiment travaillé ses personnages et n’a rien fait pour les rendre attachants. D’Ormesson s’est vraiment concentré sur les questionnements de Simon et l’argumentaire de Dieu.

Ici, les thèmes développés prennent pratiquement la forme d’un parcours initiatique : l’existentialisme, l’Angélologie, relation entre Dieu et l’homme, les origines, ce qui s’est passé dans le premier dixième de la première seconde, le mur de Planck, l’espace-temps, l’évolution, la réalité de l’invisible, les mécanismes de la pensée, la vie et la mort, le créationnisme… cette liste est loin d’être exhaustive.

Je l’avoue honnêtement, il a été difficile pour moi de plonger dans de telles profondeurs :

*L’éternité n’est pas un temps interminable : c’est une absence de temps. *
*L’éternel, le néant et moi ne sommes qu’une seule et même chose. *
*Les morts sortent du temps, ils retournent au néant, ils se jettent dans mon sein, ils entrent dans l’éternité. Ils regagnent le royaume, sans frontière et sans roi, où le néant est esprit, qu’ils avaient quitté en naissant pour entrer dans le temps. *
*L’histoire n’est rien d’autre que le combat entre le passé et l’avenir autour d’un présent toujours là et pourtant toujours absent. *
(Extraits)

Ce livre nécessite beaucoup de réflexion, de concentration et d’introspection. Malgré tout, plusieurs passages me sont apparus simplement indigestes. Cela va bien au-delà de la religion, transcende la théologie et frôle l’ésotérisme. C’est très bien écrit même si par moment, l’idéologie fonce sur des portes ouvertes.

Je pense qu’au fond, il n’y a rien à comprendre. Il faut prendre le livre pour ce qu’il est : un débat d’idées et ces idées sont à peine débattues dans le dialogue entre Simon et Dieu. C’est un livre sans histoire mais l’écriture est tellement belle et c’est une des grandes qualités de Jean D’Ormesson.

Étrange à dire, mais c’est la beauté de la plume qui rend finalement admissible l’absurdité de beaucoup de dialogues. Aussi je suis heureux de constater que l’auteur a séparé Dieu de L’Église, habituellement habile à dénaturer les messages divins.

C’est au final un livre intéressant mais ampoulé et parfois emphatique. Heureusement, il n’est pas très long et contient quelques réflexions qui sont venues me chercher, notamment sur les livres et les arts.

Suggestion de lecture : LE PARFUM D’ADAM, de Jean-Christophe Rufin


L’auteur Jean D’Ormesson

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 7 décembre 2025

Conte de fées

Commentaire sur le livre de
STEPHEN KING

*J’attendis que les battements de mon cœur ralentissent (un peu), puis me levai en me disant que les marches étaient assez larges pour mes pieds. Ce qui n’était pas tout à fait exact. Avec mon avant-bras, j’essuyai la sueur sur mon front, en me répétant que tout allait bien se passer. Sans y croire vraiment. Malgré tout, je commençai à descendre. *

Extrait : CONTE DE FÉES, de Stephen King. Édition de papier et format numérique : Albin Michel éditeur, 2023, 730 pages. (22672 KB) version audio : Audiolib éditeur, 2023, durée d’écoute, 28 heures 56 minutes, narrateur : Damien Witecka.

LE GRAND KING HABITUEL

Avec quelques nuances

Oui, c’est du grand King mais si son livre m’a intéressé, il ne m’a pas emballé. Jetons d’abord un coup d’œil sur le récit.

Voici l’histoire de Charlie Read, un garçon costaud de 17 ans. Il vit avec son père, alcoolique devenu abstinent. En voulant sauver un vieillard d’une mort certaine, monsieur Bowditch, Charlie hérite d’un secret aussi fantastique que terrifiant : l’existence d’un tunnel accessible depuis le cabanon du jardin du vieil homme et menant à un monde parallèle appelé Empis.

Charlie s’était attaché à la chienne de Bowditch, appelée Radar mais elle était très vieille et arthrosée. Le vieil homme avait raconté à Charlie qu’il existait, à Empis, un cadran solaire magique qui pouvait faire rajeunir son utilisateur qui s’exposait toutefois à de graves dangers.

À la mort de monsieur Bowditch, Charlie décide d’emprunter le tunnel pour accéder à Empis et au cadran solaire et sauver Radar qui était près de l’agonie.

En entrant à Empis, Charlie pénétra dans un monde ravagé par la guerre et menacé par le mal absolu, s’agitant dans les profondeurs et menaçant à la fois Empis et le monde de Charlie : Gogmagog.

C’est une histoire extrêmement longue qui aurait pu être largement simplifiée. Le premier quart de l’histoire était prometteur mais dès que Charlie a pénétré dans Empis, j’ai perdu de l’intérêt sous l’effet d’une plume errante. Je sais depuis longtemps que King s’étend dans ses histoires et travaille ses personnages en profondeur. Mais dans CONTE DE FÉE, je crois qu’il a battu son record.

L’action est très lente et peut amener les lecteurs-lectrices dans toutes sortes de directions. Pas d’horreur, pas de frissons à une exception près : dans le puits obscur, l’action m’a rappelé un peu ÇA.  Est-ce que King s’adoucit ? Heureusement, il ne manque pas d’imagination et il a pu farcir son récit d’idées fort intéressantes.

La partie dite fantastique du récit, soit à partir du moment ou Charlie entre dans Empis est baignée de l’atmosphère des récits d’HP Lovecraft. J’ai beaucoup aimé le clin d’œil que King a fait à ce célèbre écrivain, évoquant Cthulhu, une énorme et monstrueuse entité cosmique imaginée par Lovecraft et qu’on pourrait apparenter à Gogmagog, créature infernale en dormance dans le puits obscur d’Empis. C’est là que j’ai pensé à *ÇA*. C’était bien imaginé.

Ce lien m’a *gardé dans le coup* comme on dit. Grâce à quelques idées brillantes, je n’ai pas atteint le stade de la vraie déception mais au regard de certains éléments, j’ai malheureusement déchanté : une finale un peu trop rapide, un épilogue sous-développé.

Même la présentation matérielle du livre, tape-à-l’œil dans les présentoirs d’une librairie laisse à désirer. Les lettres de la premières de couverture s’effacent à l’usage, et cette couverture décolle, fragilisant ainsi le dos du livre. Je ne comprends pas l’éditeur, un vieux routier, de ne pas avoir prévu cela.

Ce que j’ai écris ici est mon ressenti de la lecture de CONTE DE FÉE. Je sais que je suis à contre-courant de la Presse littéraire mais peu importe et de toute façon demeure un inconditionnel de Stephen King.

Suggestion de lecture, du même auteur : L’OUTSIDER


L’auteur Stephen King

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 6 décembre 2025

Le roman maudit

Commentaire sur le livre de
FRANK THILLIEZ

* Il vient de se passer un truc. Un truc HORRIBLE. Si quelqu’un lit ça un jour, PITIÉ, arrêtez-vous là. Lisez pas la suite avant demain. C’est une question de VIE OU DE MORT. *

Extrait : LE ROMAN MAUDIT, de Franck Thilliez. Édition de papier, format numérique et version audio : Auzou éditeur, 2025. 388 pages, 112.9 MB. Pour la version audio, durée d’écoute : 3 heures 4 minutes, narratrice : Slimane Yefs 

Des frissons pour l’avent

Si vous cherchez un petit frisson en lecture pour le temps des fêtes, voici un livre très particulier à dévorer au rythme du calendrier de l’avent. Eh oui ! un petit chapitre par jour entre le 1er et le 24 décembre…un peu comme si on ouvrait une case par jour d’un calendrier de l’avent pour découvrir un chocolat. LE ROMAN MAUDIT est une histoire sombre, un peu lugubre mais ce fut pour moi une expérience littéraire originale, captivante et immersive. Une lecture parfaite pour les adolescents/adolescentes et jeunes adultes.

À chaque chapitre, l’angoisse va crescendo. L’histoire mêle et entremêle le rêve et la réalité, l’éveil et le sommeil, la joie et la tristesse, la peur et le courage, l’espoir et désespoir et je pourrais poursuivre longtemps. Ce livre est un continuum d’émotions et ce continuum prend racine dès le début de l’histoire. Voyons un peu ce qui se passe.

Un matin, un adolescent, Naël, le héros de cette histoire, découvre, à la sortie de la maison, un mystérieux carnet. En fait, ce carnet était un journal, écrit par Léo Lacan, 14 ans, kidnappé un an plus tôt. Intrigué, Naël ouvre le petit livre et ce faisant s’immisce sans le vouloir dans une boucle temporelle. Le garçon se retrouve piégé dans une journée qui se répète sans fin, à l’identique sauf s’il intervient et il sera appelé à le faire souvent. En s’endormant le soir, Naël remet le compteur à zéro.

Donc, chaque jour, Naël refait la même chose : sauver son frère d’un accident, faire le bien, sauver des vies mais surtout, comprendre ce qui est arriver à Léo et aux autres enfants kidnappés avant lui, apparemment prisonniers d’un être monstrueux, sauver sa propre vie dans un contexte de temporalité fracturée. Léo a écrit un chapitre par jour? Naël doit-il lire un chapitre par jour de l’avent et faire ce qu’il faut pour sauver tout le monde et stabiliser le temps. Et si c’était un piège ?  Des émotions fortes l’attendent.

Ici, Thilliez s’est adapté à un lectorat plus jeune, adolescents et jeunes adultes pour offrir un suspense très intense mais avec juste ce qu’il faut de retenue. Pas de gore, ni de violence physique. Seulement de la violence psychologique, suffisamment pour mettre les nerfs à l’épreuve.

Outre l’atmosphère qui est froide et oppressante, des personnages attachants : Naël, Léo et Louise, ce qui m’a beaucoup plus dans ce livre est son caractère innovant : pour Naël, Chaque chapitre du carnet de Léo est scellé et doit être découpé avant lecture, comme une case de calendrier de l’Avent. Le suspense est savamment dosé pour inciter les lecteurs et lectrices, auditeurs et auditrices, à lire ou écouter un chapitre par jour. (La version audio est un petit chef d’œuvre narratif)

Il fau bien comprendre que ce n’est pas le Thilliez qu’on connait, connu pour ses thrillers glauques et souvent violents. Ici, LE ROMAN MAUDIT est dédié au jeune lectorat pour donner un peu de piment à leur temps des fêtes.

Plusieurs considèrent cette tendance comme une faiblesse, pas moi. Je la trouve plutôt intimiste car très liée à l’enfance de l’auteur. De plus, les thèmes développés dans cette histoire parlent très fort aux jeunes : amitié, fraternité, solidarité, mystère, disparition sans oublier bien sûr une touche calculée de fantastique ou de science-fiction, la fameuse boucle temporelle.

Ce qui peut être irritant pour les lecteurs/lectrices, c’est le caractère contraignant du découpage. Se limiter à un chapitre par jour est contraignant et beaucoup de lecteurs choisiront de lire ce livre d’un trait. Je l’ai fait et le livre m’a tout de même tenu captif.

La principale faiblesse tient dans les personnages secondaires dont certains font figure d’esquisse, en particulier le personnage terrifiant appelé *le mal* dont on ne connait rien des motivations et qui ne parle pas. Le voisin Charon joue lui aussi un rôle pas très bien défini. Et la sympathique Louise est un personnage précieux de l’histoire que j’aurais aimé voire plus aboutie, plus présente. Enfin, le prénom NAËL est effectivement étrange dans le contexte du livre, mais un indice le justifie vers la finale de l’histoire…finale à laquelle je ne m’attendais pas mais qui pourrait être prévisible pour certains.

C’est une belle réussite je pense pour Frank Thilliez. C’est glacial et un peu noir mais ça va plaire aux amateurs du genre surtout que Noël est omniprésent dans l’ouvrage. Excellente lecture. Et surtout JOYEUSES FÊTES AMIS LECTEURS/AUDITEURS et AMIES LECTRICES/AUDITRICES

Suggestion de lecture du même auteur : PANDEMIA

Autres livres de Frank Thilliez


L’auteur FRANK THILLIEZ

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 30 novembre 2025

OXYMORT, Frank Bouysse

*Je prends lentement conscience de ma condamnation, seconde après seconde. Je suis incapable de me projeter au-delà de ce temps primordial, scandé par les battements de mon cœur, comme des mains frappant la peau tendue d’un tambour. Rythmant ma progression, immobile en pleine Mer Noire. Moi, ce galérien serti dans une coque de noix, qui n’a aucune idée du mouvement qu’il imprime. Le pourquoi de cet effort surhumain. Ce qu’il signifie de l’autre côté de la porte. A qui cela fait-il sens ? *

Extrait : OXYMORT, de Franck Bouysse. Édition de papier MOISSONS NOIRES éditeur, 2019, 276 pages. Format numérique : MOISSONS NOIRES éditeur, 2020, 220 pages, 934 KB. En papier aussi aux Éditions J’ai Lu.

À vous de jouer…
le temps presse

D’abord, vous pouvez vous fier au quatrième de couverture. Il reflète très bien l’histoire qui, du reste est très limitée quant à son développement. OXYMORE est un huis-clos oppressant et anxiogène quant à ce qui se passe dans la cave et à l’état d’esprit du prisonnier Louis Forell. Le roman est assez court et est extrêmement ventilé, donc facile, voire agréable à lire.

La force de ce roman est malheureusement limitée.  Elle se cantonne à la situation dramatique de Forel, enfermé dans une cave non éclairée, froide, humide et qui pue le cadavre. L’agresseur, obsédé mentalement par la possession, joue avec Forel et lui impose des énigmes tordues. L’objectif de Forel est simple : sortir à tout prix en essayant d’être plus malin.

Le thème de la séquestration est courant en littérature mais l’auteur a eu une idée qui avait au départ un potentiel intéressant. Mais le développement a versé malheureusement dans une désolante banalité. Les personnages sont superficiels, quelques-uns même insignifiants mais l’auteur a travaillé soigneusement son personnage principal : louis Forel. Il décrit avec minutie ses états d’âme, son introspection, ses questionnements, sa peur, ses amours, ses espoirs et même sa stratégie.

C’est une histoire très noire, le style est agréable mais l’ensemble est sans profondeur et accuse beaucoup de faiblesses dans les liens et le fil conducteur. Même le rôle du policier est sans saveur. Enfin, l’histoire est farcie de mises en abîmes dont plusieurs sont parfaitement inutiles. C’est ce que j’appelle du remplissage.

Quant à l’agresseur, on connait assez vite ses motivations. L’auteur nous fait savoir qu’il est tordu, mentalement instable. Ça s’arrête là. Enfin, pour ce qui est du titre, le terme OXYMORT est discutable. C’est une figure de style qui tend à rapprocher deux termes qui s’opposent par nature. Ici, le titre fait référence à un silence assourdissant. C’est réaliste jusqu’à un certain point mais pas totalement.

L’idée de départ de Bouysse était intéressante et même prometteuse mais l’inspiration s’est figée quelque part. Le roman est très court, ventilé à outrance et sous-développé. Je sais que mon rapport forces-faiblesses penche en défaveur du roman. Je veux préciser toutefois que le centrage sur la séquestration de Forel vaut le détour.

On dirait que Bouysse a voulu écrire une nouvelle et qu’il l’a transformée en base de roman avec, visiblement une panne d’inspiration mise en évidence par de nombreux passages sans liens avec l’histoire et une finale insipide. Si l’auteur s’était limité à une nouvelle sans liens inutiles et centrée sur la psychologie des personnages, il aurait eu un coup de génie.

Suggestion de lecture : REGARDER LE NOIR, d’Yvan Fauth


L’auteur Frank Bouysse

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 29 novembre 2025