LA MYTHOLOGIE, ses dieux, ses héros, ses légendes

Commentaire sur le livre d’
EDITH HAMILTON

*la mythologie nordique et la mythologie grecque
nous donnent une claire image de ce qu’étaient ces
 peuples auxquels nous devons la plus grande part
de notre héritage spirituel et intellectuel. *
(Extrait : LA MYTHOLOGIE, Edith Hamilton, origine :
Marabout éditeur, 2013, papier, 450 pages. Version
audio : Audiolib éditeur 2019, durée d’écoute : 14 heures.
Narrateur : Thierry Jenssen)

Le livre saisit toute l’importance que gardent, à notre époque, les mythes et les légendes, qui sont le fondement même de notre culture, et où nous puisons encore une si large inspiration. Remontant aux sources, c’est chez les poètes Homère, Hésode, Pindare, Ovide qu’Édith Hamilton retrouve la substance des grands thèmes mythologiques et nous les restitue, dans leur spontanéité, sous forme de merveilleuses histoires : Orphée et Eurydice, Tantale et Niobé, les travaux d’Hercule, le défi d’Icare, la descente de Thésée aux Enfers De l’avis unanime, un ouvrage clair et complet. 

Merveilles des panthéons
*Avec la naissance de la Grèce,
l’homme se plaça au centre de l’univers*

(Extrait)

Par le biais d’une plume qui me rappelle un peu celle de Jean Markale dans LE CYCLE DU GRAAL, enduite de poésie, de fantastique et de fabuleux, densifiée par une narration chaude et enveloppante, Edith Hamilton vient me rappeler que je me suis peut-être trop fier au cinéma pour pénétrer les mystères de la mythologie. Le récit m’a permis de faire de magnifiques découvertes, de m’apprendre des choses dont j’étais loin de me douter.

Je savais que les dieux se bousculent au panthéon. Il y a un dieu pour chaque chose. Par exemple, j’apprends que la déesse de l’aube avait pour nom AURORE. Qu’Écho était une nymphe condamnée par Héra à ne plus pouvoir parler, sauf pour répéter les derniers mots qu’elle avait entendus. Que Pandore possédât une boîte que Zeus lui avait interdit d’ouvrir car cette boîte contenait tous les maux de l’humanité. On connait la suite…Pandore ayant cédé à sa curiosité…

Un dernier exemple : Arachné était une jeune femme qui excellait dans l’art du tissage. Suite à une cuisante humiliation, elle se suicida mais Athéna décida de lui donner une seconde vie sous forme d’araignée suspendue à son fil. Il fallait y penser…la mythologie au secours de l’étymologie. C’est ainsi que j’allai de découverte en découverte avec ce livre qui m’a conquis dès les premières minutes.

Le récit est imprégné de l’Esprit des grands penseurs et poètes de l’antiquité…Ovide surtout, mais aussi Virgile et l’incontournable Homère car l’odyssée d’Ulysse est omniprésente dans le récit qui m’apprend aussi que le nom grec d’Ulysse était Odysséus. Une autre découverte sur l’origine d’un mot. Je savais que l’histoire des Dieux est une suite de complots, d’hypocrisie, de jalousie, de tueries et j’en passe mais le récit met l’emphase sur la façon dont les mortels composaient avec les *marionnettistes*.

Il était clair que les dieux étaient voués à la disparition parce que les mortels cesseraient d’y croire. Quoiqu’il en soit, certains héros sont apparus sous un jour nouveau pour moi. J’apprends par exemple qu’Hercule aurait tué sa femme et ses enfants dans un accès de folie insufflée par une déesse, ce qui a conduit à l’incontournable mythe des douze travaux d’Hercule.

La seule faiblesse de l’ouvrage concerne la mythologie nordique qui n’occupe qu’une petite place à la fin du récit, ce qui est incompatible avec le caractère généraliste du titre. Odin méritait mieux que ça je pense. Mais il reste que j’ai beaucoup aimé ce livre. Un excellent divertissement.

Suggestion de lecture : PETITES HISTOIRES DE LA MYTHOLOGIE, d’Hélène Montardre

Edith Hamilton, née le 12 août 1867 et morte le 31 mai 1963, est une enseignante, helléniste, historienne américaine d’origine allemande, spécialiste de la mythologie grecque et de la Grèce antique.

Bonne lecture
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Claude Lambert
le samedi 27 janvier 2024

IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE MON PAPA

Commentaire sur le livre de
JEAN-LOUIS FOURNIER

*Un jour, il est rentré avec sa traction dans un
troupeau. Il a abîmé quelques moutons, mais
il a pas écrasé le berger, il s’est arrêté juste
avant. *
Extrait IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE
MON PAPA, Jean-Louis Fournier, Stock éditeur,
1999, 152 pages, format numérique pour la présente.

Il était docteur, le papa de Jean-Louis Fournier. Un drôle de docteur qui s’habillait comme un clochard, faisait ses visites en pantoufles et bien souvent ne demandait pas d’argent.
Il n’était pas méchant, seulement un peu fou quand il avait trop bu ; il disait alors qu’il allait tuer sa femme. Un jour il est mort : il avait quarante-trois ans. Longtemps après, son fils se souvient. En instantanés, il trace le portrait de ce personnage étonnant, tragique et drôle à la fois. Il a appris, en devenant grand, l’indulgence. Et qu’il ne faut pas trop en vouloir à ceux qui, plus fragiles, choisissent de « mauvais » moyens pour supporter l’insupportable. Il en résulte un livre drôle et poignant.

Des pages de vie
*On a tout essayé pour que papa ne boive
plus : des prières, des neuvaines, des
messes…on a même essayé un curé…*
(Extrait)

C’est un petit livre fait d’histoires très brèves qui sont autant de pans de la vie du docteur Fournier…des histoires racontées par son fils, Jean-Louis, avec toute la candeur qui caractérise habituellement les petits garçons. Le bon docteur soigne des gens qui le paient mal ou pas du tout mais qui lui offrent toujours à boire :

*On essayait de le ranimer : la cousine lui mettait des glaçons sur la tête, maman lui faisait boire du café très fort, puis elle repartait au salon faire des sourires aux invités, leur dire que papa allait bientôt rentrer, et elle retournait à la cuisine s’occuper de lui. Finalement…Les invités ne s’étaient rendu compte de rien. Ils disaient à maman qu’il n’était pas étonnant de voir papa fatigué, avec le nombre de client qu’il avait ! * (Extrait)

Telle était la vie de la famille Fournier, une reconstruction quotidienne des apparences autour d’un homme pas méchant malgré ses allures parfois menaçantes, gauche, maladroit, parfois drôle mais pour des résultats finalement assez tristes. Mais de petite histoire en petite histoire, j’ai découvert qu’on ne pouvait pas vraiment en vouloir à cet homme singulier. J’ai été surtout ému par la bonne nature de ses enfants et le courage de la maman.

Cette succession de petits épisodes est une bonne idée. On peut se les imaginer comme des sketches, des instantanés de l’école de la vie avec des moments comportant parfois un certain humour mais générant aussi de la tristesse. Voilà…humour et tristesse qui se côtoient : *Je me souviens, un jour, ils ont été au cinéma…C’était docteur Jekyll et Mister Hyde…C’était l’histoire d’un docteur très gentil et très savant. Il travaillait dans la journée, mais le soir, il se transformait. Il devenait comme un monstre…Est-ce que maman, elle s’est rendu compte que c’était un peu l’histoire de papa ? * (Extrait)

Il faut sans doute bien connaître Jean-Louis Fournier pour comprendre le petit ton de dérision qui caractérise son recueil. Il a un sens de l’humour assez aiguisé, il ne craint pas la controverse. J’ai l’impression qu’il part du principe que le ridicule ne tue pas. Bien que ces textes autobiographiques font passer les lecteurs par une gamme d’émotions, j’ai senti, dans les propos de Jean-Louis Fournier davantage d’affection que d’amertume pour son père, un raté au grand cœur, gentil mais imprévisible. D’ailleurs il dit lui-même qu’il ne lui en veut pas et qu’il aurait aimé mieux le connaître.

J’ai donc passé un bon moment de lecture, qui a passé très vite évidemment. Autodérision, humour grinçant. Une histoire de résilience et d’acceptation. Je me suis longtemps demandé, après la lecture de ce livre, comment un homme aussi graffigné par la vie ait réussi à me faire rire des épreuves de la vie. Ça fait réfléchir.

*Maintenant j’ai grandi, je sais que c’est difficile de vivre, et qu’il ne faut pas trop en vouloir à certains, plus fragiles, d’utiliser des «mauvais» moyens pour rendre supportable leur insupportable. * (Extrait)

Suggestion de lecture : LE MONDE DE BARNEY, de Mordecai Richler

Auteur prolifique, Jean-Louis Fournier a toujours su mêler humour, culture et sincérité. Fournier est un homme-orchestre mais c’est surtout son humour à la fois pétillant et touchant qui gagne le cœur du public. Avec ses essais humoristiques, Jean-Louis Fournier rencontre un succès immédiat. Par exemple, dans ARITHMÉTIQUE APPLIQUÉE ET IMPERTINENTE, il apprend au lecteur et à la lectrice à calculer le poids du cerveau d’un imbécile. Je souligne enfin la publication de deux ouvrages sur l’enfance de l’auteur.

On sait que dans IL A JAMAIS TUÉ PERSONNE MON PAPA, il aborde l’alcoolisme de son père et OÙ ON VA PAPA qui lui vaut le prix FÉMINA 2008 pour une évocation émouvante du handicap de ses fils. Enfin, en 20013, il publie LA SERVANTE DU SEIGNEUR, sur la vocation religieuse de sa fille.

Quelques livres de l’auteur

Pour lire mon commentaire sur le C.V. DE DIEU, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 21 janvier 2024

LE FESTIN NU, de William Burroughs

*Les vétérans de la drogue sont tout pareils. À leur seule
de la camelote, ils commencent à mouiller et gargouiller.
Pendant qu’ils mitonnent leur sauce blanche, la bave leur
dégouline du menton. Ils ont le ventre clapoteux et les
tripes qui papillotent en péristole, et le peu de peau intacte
qui leur reste se dissout… *
(Extrait : LE FESTIN NU, William
Burroughs, folio sf, Gallimard éditeur, t.f. 1964, édition de papier
340 pages.)

L’Interzone. Un territoire qui ne figure sur aucune carte, situé quelque part entre New York et Tanger, dédale infini de rues Un lieu fantomatique, où se réfugie William Lee après avoir accidentellement tué sa femme. Persuadé d’être un agent secret au centre d’une gigantesque machination, Lee commence à rédiger des rapports pour le compte d’une mystérieuse corporation internationale, communiquant avec elle par l’intermédiaire d’une machine à écrire fort loquace…Vertigineuse descente aux enfers de la drogue –

Le macabre imaginaire
*L’image pervertie de l’homme évolue de
minute en minute, de cellule en cellule…
la misère, la haine, la guerre, gendarmes
et voleurs, la bureaucratie, la folie, tous
les symptômes du virus humain. Or, on
peu à présent isoler et soigner le virus
humain. *
(Extrait)

C’est un roman étrange, très dur, fort, noir, atypique, qui ne cache d’aucune façon son caractère autobiographique. C’est un récit qui est aussi très dur à comprendre parce qu’écrit dans un langage très argotique et incohérent, frôlant même le délire. On dirait une suite de récits interrompus. Certains de ces passages me rappellent un peu l’écriture automatique. Le langage utilisé, ainsi qu’une traduction laborieuse m’ont obligé à rester en surface mais j’ai vite compris la nature de l’écrivain. Humain mais camé. Très camé.

En principe, quand Burroughs a commencé à écrire LE FESTIN NU, il devait être libéré de la drogue. Je suis un peu sceptique après la lecture d’une substantielle quantités de passages exubérants et irrationnels qui sont souvent à soulever le cœur. Burroughs ne se fait pas d’illusion sur ce que pensera de lui le lecteur mais il insiste sur un point important sur lequel pourra s’accrocher les lecteurs et lectrices comme à un fil conducteur :

*…le virus de la drogue constitue le problème médical numéro un du monde moderne. Traitant de ce problème médical, LE FESTIN NU est fatalement brutal, obscène et répugnant. La maladie et ses détails cliniques ne sont pas pour les estomacs délicats. * (Extrait) Croyez-moi, il n’exagère pas.

Je vous en averti à nouveau, LE FESTIN NU n’est pas facile à suivre étant issu d’un esprit torturé qui s’exprime dans un langage démesurément chaotique : *…m’échauffez pas le sang ou je vous en raconte une si raide qu’elle va vous mettre le paf au garde-à-vous et vous partirez à japper après la coquillette rose du con tout neuf ou la jolie chansonnette gicleuse d’un petit cul brun d’écolier qui vous joue sur la bite comme sur un pipeau. * (Extrait) Tout à fait à l’image du livre.

Traduire un tel ouvrage a dû provoquer quelques maux de tête au traducteur éric Kahane. Pour aider un peu à la compréhension du récit et le rendre plus supportable à suivre, l’auteur a créé L’INTERZONE, une région fictive pour satisfaire tous les fantasmes, débauches sexuels débridées à l’extrême, orgies, stupre et dépravation homosexuelle et surtout un terrain où l’expérimentation chimique et médicamenteuse prolifère. Et je ne parler pas ici de médicaments pour les maux de tête. Je parle de véritables recettes de mixtures addictives qui contrôlent totalement leurs consommateurs et les condamnent irrémédiablement.

C’est un ouvrage chaotique et décousu mais pourtant, il m’a parlé. À bâtons rompus bien sûr, mais j’ai cru déceler quelque chose…un message…un avertissement…un énorme WARNING si vous me passez le terme anglais.

Ceux qui connaissent le courant littéraire issu de la *beat generation* comprendront sûrement qu’on ne peut pas rejoindre Burroughs dans la profondeur de son jugement. Je peux donc pardonner la vulgarité et les bassesses exprimées par un esprit atypique. La lecture de ce livre fut pour moi disons une expérience. Elle sera difficile à oublier. Si vous tentez l’expérience, une suggestion : n’allez pas trop en profondeur. Si vous pouvez saisir la poésie de l’auteur sans en comprendre le sens, c’est que vous avez tout compris.

Suggestion de lecture : AMERICAN GODS, de Neil Gaimen

William S. Burroughs (1914-1997) était un romancier et un artiste américain, une des principales figures de la beat génération et à ses figures emblématiques dont Jack Kerouac et Allen Ginsburg.. Principalement connu pour ses romans hallucinés mêlant drogue, homosexualité et anticipation, William Burroughs a élaboré le cut-up, technique littéraire consistant à créer un texte à partir d’autres fragments textuels d’origines diverses.

LE FESTIN NU AU CINÉMA

Le livre de Burroughs a été adapté au cinéma en 1991 par David Cronenberg. Synopsis : Employé dans une société new-yorkaise qui élimine les cafards, Bill Lee, ex-junkie, est accusé d’avoir détourné la précieuse poudre utilisée pour cette extermination. En proie à un délire hallucinatoire, il écrit «Le Festin nu». Il tue sa femme accidentellement après l’avoir surprise faisant l’amour avec leurs deux meilleurs amis. Distribution : Peter Weller, Judy Davis, Ian Holm et Julian Sands. PRIX GÉNIE du meilleur film.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi janvier 2024

TENSION EXTRÊME, de Sylvain Forge

*Le sang remontait dans sa gorge. Il voulut crier. Mais seul un borborygme sortit de sa bouche. Alors, passé le choc de l’accident, la douleur se rappela à lui. Une souffrance inexplicable lui dévora les entrailles, les poumons et le cœur. La voiture s’embrasa au moment où il perdait conscience. *
(Extrait : TENSION EXTRÊME, Sylvain Forge, à l’origine, Fayard éditeur, 2017, 381 pages. Version audio : Sixtrid éditeur, 2019. Duré d’écoute : 6 heures 6 minutes. Narrateur : Nicolas Dangoise.)

Aux limites du virtuel et de la réalité, les nouvelles technologies conduisent parfois à la folie ! Des cyberattaques paralysent la Police Judiciaire de Nantes, et cernent une ville où le moindre objet connecté peut devenir une arme mortelle. Alors que les victimes s’accumulent, une jeune commissaire et son adjointe, affrontent un ennemi invisible. Toutes les polices seront mobilisées pour neutraliser la menace de la science complice du crime.

Un pouvoir effrayant
*… Une machine à café ! …Elle détient un capteur qui renseigne
sur le niveau d’eau et le café dans ses réservoirs. La machine
communique avec le cyberespace et bien sûr, elle ne possède pas
d’antivirus, donc … *
(Extrait)

Comment deux quinquagénaires peuvent-ils mourir exactement au même moment et de la même façon?  On découvre rapidement qu’ils étaient porteurs de pacemakers et que ceux-ci auraient littéralement explosé entraînant la mort instantanée des deux hommes. Le livre de Forge frappe fort dès le départ par deux morts tout à fait improbables qui vont mobiliser la Police judiciaire de Nantes et toutes les polices spécialisées. La conclusion à laquelle arrivent les limiers est tout à fait extraordinaire. La destruction des pacemakers n’est rien d’autre qu’un cyberattaque. 

Mais quelle application peut permettre de détraquer des pacemakers. Tout le récit repose sur un ennemi invisible et le temps est compté car des cyberattaques paralysent la police judicaire, infiltrent la vie privée des enquêteurs et obligent la population à se méfier du moindre objet connecté et connectable à un réseau. Une espèce de paranoïa cyber technologique se répand à une vitesse folle car les victimes s’accumulent. Les policiers, assistent à l’émergence d’une nouvelle forme de criminalité.

Les premières constations à l’écoute de ce récit donnent à penser qu’il est poussé, exagéré voire caricatural. J’ai vite conclu que ce n’était pas le cas. Il n’y a pas de sang ou de scènes dégoûtantes dans cette histoire. Il n’y a rien de gore. C’est le non-dit, c’est-à-dire ce que laisse supposer le texte que j’ai trouvé effrayant : les raffinements de la cyber menace, la technologie complice du crime, le viol de la vie privée et ce qui en découle : chantage, arnaque, vol et maintenant meurtres.

J’ai trouvé cette histoire tellement réaliste eu égard à la vitesse d’évolution des nouvelles technologies et au pouvoir des hackers qu’elle fait peur et pousse aux questionnements. Faudra-t-il se méfier de sa cafetière ou de son couteau électrique ou même de la distribution d’électricité. J’exagère ? Non je ne pense pas. Le titre est justifié. Ce n’est pas de la science-fiction.

L’auteur ne fait que devancer très sensiblement la réalité en exposant les extrêmes capacités technologiques et les extraordinaires possibilités des intelligences artificielles. Par exemple, vous pourrez suivre, dans le récit, une créature aussi puissante qu’étrange, appelée Molly. Elle m’en a fait voir de toutes les couleurs.

Ce récit n’est pas un chef d’oeuvre de style, La plume est plutôt froide et passe à l’essentiel. L’enquête est complexe et ponctuée de revirements mais dans l’ensemble, le thème principal est sous-développé. C’est très classique comme polar mais ce qu’il raconte est tout à fait délirant et pire, crédible. En tant que consommateur hyperconnecté, je pourrais ne plus devenir à l’aise avec mes *applications*. Cet aspect a dû compter pour beaucoup dans l’attribution du prix du Quai des Orfèvres et justifie particulièrement le titre.

Un dernier point: les personnages ne sont pas particulièrement bien travaillés ni attachants. Mais le hacker et Molly, repoussant les limites de la folie, m’ont littéralement hypnotisé. Pour la version audio, j’ai trouvé la narration de Nicolas Dangoise acceptable.

Donc ce récit m’a secoué et éveillé en moi de nouvelles émotions. Sa crédibilité soulève surtout beaucoup de questions sur un internet hors de contrôle, l’éthique et ça va jusqu’à une réflexion sur l’avenir de mes petits-enfants. TENSION EXTRÊME n’est pas une histoire d’horreur et pourtant, elle fait peur…et pas à peu près.

Suggestion de lecture : CARBONE MODIFIÉ, de Richard Morgan

Originaire d’Auvergne, Sylvain Forge a beaucoup voyagé avant de s’installer à Nantes, depuis plusieurs années. Spécialisé sur les questions de sécurité dans le monde de l’entreprise, c’est aussi un amateur de théâtre d’improvisation et de jeu de rôles, qui a depuis longtemps le goût de raconter des histoires. Pour lui, l’écriture est apparue comme une suite naturelle. 

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 14 janvier 2024

 

COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert Einstein

Extrait : COMMENT JE VOIS LE MONDE, Albert
EINSTEIN, Flammarion 1979, réédité en 2009
par Flammarion dans CHAMPS SCIENCE. Édition
de papier, 245 pages

Il aura fallu la tragique apparition du nazisme et de la Seconde Guerre mondiale pour laisser entrevoir, d’Albert Einstein un homme d’une humanité exemplaire, partisan de l’entente entre les peuples, observateur attentif du monde.
Cet ouvrage rend compte, à partir de textes écrits entre 1930 et 1935, des grandes questions sur lesquelles ce génie solitaire souhaitait s’expliquer publiquement : le pacifisme, la lutte contre le national-socialisme, la défense du judaïsme, la religion et la science, la culture morale, l’éducation. Il traite également de la relativité restreinte et généralisée, la mécanique de Newton. Autant de sujets qui conduisent Einstein à s’interroger sur les responsabilités de l’homme de science face à l’histoire. (Flammarion)

La passion du savoir
Qu’est-ce qu’un auteur scientifique ?
Réponse : Le croisement entre un mimosa et un porc-épic.

COMMENT JE VOIS LE MONDE est un essai philosophique. Malgré le côté un peu ardu de cet opuscule, j’ai découvert l’homme derrière le physicien : Albert Einstein, un homme résolument pacifiste, qui crache sur la guerre et le service militaire obligatoire, un humaniste demeuré profondément sioniste sauf qu’il a toujours milité pour un juste règlement de la cohabitation avec les arabes. Dans cet opuscule, Einstein analyse le monde dans la vie religieuse, politique, sociale et économique.

L’ouvrage se divise en cinq grands volets : 1) une vision globale du monde avec une réflexion sur la nécessité d’une vie morale, d’une saine justice et de l’engagement social. 2) Einstein livre sa réflexion sur la politique et le pacifisme, donne sa version du sens de la paix et critique sévèrement le service militaire obligatoire. On y trouve entre autres l’extrait d’une lettre à Sigmund Freud.

3) Bref commentaire sur le national-socialisme : *Je refuse de séjourner dans un pays où la liberté politique, la tolérance et l’égalité ne sont pas garantis par la loi. * (Extrait) 4) Une analyse rigoureuse sur le sionisme et les problèmes juifs. 5) et bien sûr, un large volet sur la science : l’approche, les protocoles d’expérimentation et de recherche et plus important encore, la pensée scientifique, celle qui a amené par exemple la création des deux théories de la relativité.

Pour ce qui est du volet scientifique, oubliez ça si vous n’êtes pas initié à la physique et à la physique quantique. Vous risquez de trouver cette partie parfaitement indigeste. C’est ce qui m’est arrivé. Autrement, il faut se concentrer pour suivre la pensée d’Einstein qui est profonde, complexe et pas toujours facile à suivre. Mais au final, sa position sur les grands thèmes qui lui tiennent à cœur est claire, très directe et encore aujourd’hui, incroyablement ajustée à l’actualité :

* Dans les rouages universels, le rouage État ne s’impose pas comme le plus indispensable. Mais c’est la personne humaine, libre, créatrice et sensible qui façonne le beau et qui exalte le sublime, alors que les masses restent entraînées dans une ronde infernale d’imbécilité et d’abrutissement. * (Extrait : C’est une pensée d’einstein que j’ai toujours partagée.)

Toutefois, notez bien que l’éditeur a choisi les textes qu’il voulait. Ça fait arbitraire parce que tous ces textes et extraits ont été sortis de leur contexte général. C’est la principale faiblesse de cet opuscule, abstraction faite de la complexité de certains propos. Pas de notes, pas de dates, aucune explication sur le contexte des lettres et citations, pas de renvois J’ai trouvé ça un peu frustrant et irritant.

Par contre, j’ai apprécié les références à d’autres scientifiques et un hommage rendu à plusieurs d’entre eux, Isaac Newton par exemple, Johannes Kepler, Michael Faraday pour, entre autres, ses travaux sur l’électro-magnétisme. C’est évident, Einstein admet avoir subi l’influence positive de ses prédécesseurs et de ses contemporains.

Sur les thèmes cités plus haut, il tente de préciser sa pensée (C’est parfois laborieux, peut-être à cause de la traduction). Il encense ici, il condamne là. COMMENT JE VOIS LE MONDE fut pour moi la lecture édifiante d’un livre qui n’a pas vieilli et qui livre les propos d’un homme qui fut toujours à la recherche de la vérité.

Suggestion de lecture : NAISSANCE ET DESTIN DE L’UNIVERS, de Paul Parsons

Pour lire le commentaire de Phenixgoglu, publié en 2013 sur ce site sur COMMENT JE VOIS LE MONDE, cliquez ici.

Albert Einstein, né le 14 mars 1879 à Ulm (Wurtemberg), en Allemagne et mort le 18 avril 1955 à Princeton, aux États-Unis d’Amérique, est un physicien. Il est probablement le scientifique le plus célèbre du XXe siècle. Il a publié beaucoup de travaux de toute première importance, dont la fameuse théorie de la relativité qui rend plus précise la théorie de la gravité d’Isaac Newton.

Mais Einstein a contribué à beaucoup d’autres domaines de la physique et a presque toujours apporté une contribution très importante aux domaines sur lesquels il a travaillé. Il est mort en 1955 d’une rupture d’anévrisme. Il a reçu le prix Nobel de physique pour sa découverte de l’effet photoélectrique, un principe physique qui permet de produire de l’électricité à partir de la lumière du soleil utilisée dans les panneaux solaires.

(Cette biographie brève est extraite d’un dossier fort intéressant monté en particulier pour les jeunes. Source : Vikidia )

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 13 janvier 2024

LA PART DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt

*Personne n’avait remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer, la
 catastrophe qui venait de déchirer le hall de l’Académie des beaux-arts,
 la déflagration qui trouait l’univers : Adolf Hitler recalé. *
(Extrait : LA PART
DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt, Albin Michel éditeur 2014, 500 pages.
Version audio : Audio lib éditeur, 2019, durée d’écoute : 16 heures 22 minutes.
Narrateurs : Daniel Nicodème, Éric-Emmanuel Schmidt)

8 octobre 1908 :

«Adolf Hitler recalé». Que ce serait-il passé si l’École des Beaux-Arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, avait flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ? Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde…

 

L’uchronie la plus célèbre du XXIe siècle
*Rideau de fer. Terminé. On ne passe plus.
Allez voir ailleurs. Dehors… Personne n’avait
remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer. *
(Extrait)

 

Original et captivant sont les deux premiers mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmidt qui développe dans LA PART DE L’AUTRE, deux facettes complètement opposées de la même personne : une qui est avérée, l’autre imaginaire. En fait, l’auteur développe parallèlement deux biographies romancées d’Adolf Hitler : d’abord, la vraie, puis la biographie uchronique.

Tout repose sur la seconde ultime où Hitler reçoit le résultat de son examen d’admission aux Beaux-arts. On sait que dans la réalité, Hitler a été recalé à cet examen et là, commence l’histoire d’un homme refoulé, égocentrique, aux tendances narcissiques qui changera à jamais la face du monde. C’est la biographie documentée et crédible d’un homme dont tout le monde avait peur. C’est un aspect de l’histoire que l’auteur m’a aidé à comprendre dans le développement de son récit et dans l’argumentaire qu’il propose et explique lui-même à la fin de l’ouvrage.

J’ai compris comment la première guerre a changé l’homme, comment son patriotisme est devenu obsessionnel et tordu, comment s’est développé son antisémitisme et comment est disparu chez cet être atypique toute trace d’empathie. Bref, avec des raffinements de précision, Schmidt nous présente d’une part le tristement célèbre Adolf Hitler : <artiste raté, ancien clochard, soldat incapable de prendre du galon, agitateur de brasserie, putschiste d’opérette> coincé sexuel et incapable de communiquer autre chose que de la haine.

Maintenant, supposons un instant qu’à ce fameux examen des Beaux-Arts, Adolf Hitler ait été accepté et devienne un peintre célèbre. Voici la partie uchronique du récit. Que ce serait-il passé si Hitler avait été reconnu par ses pairs aux Beaux-Arts. Je vous laisse le découvrir bien sûr…ma propre vie ne serait peut-être même pas ce qu’elle est… mais j’ai trouvé le développement passionnant…rien de moins.

Bien imaginé, bien écrit, avec des éléments recherchés qui sont de nature à créer ou préciser mes schémas de pensée sur, entre autres, le sens de la vie et le revers susceptibles de se cacher dans notre personnalité et qui sont aussi susceptibles de resurgir, ce que l’auteur appelle sans doute LA PART DE L’AUTRE. Dans la biographie réelle, l’homme s’appelle Hitler ou le Führer mais dans l’uchronie, j’ai été heureux de connaître celui qu’on appelle Adolf H. :  créatif, généreux, humain et sensible.

La faiblesse de l’ouvrage réside dans le développement du contexte historique dans la partie uchronique du récit. Difficile de voir où s’en va l’Allemagne sans le Führer. J’avais aussi l’impression que l’auteur adoptait parfois un ton éditorial comme s’il vidait un trop plein en fustigeant l’un pour magnifier l’autre. Prenez connaissance de l’exposé de l’auteur à la fin. Je crois avoir saisi le sens ou l’esprit de sa pensée mais j’ai trouvé que ça sentait la justification.

Il y a aussi beaucoup de longueurs ventilées toutefois par quelques passages savoureux par exemple, les séances thérapeutiques d’Adolf H. avec le célèbre psychanalyste Sigmund Freud…magnifique. L’oeuvre me laisse sur un questionnement hautement philosophique : Quelle part de moi pourrait changer le monde ? C’est une gamme d’émotions qui vous attend. Lancez-vous…je crois que vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Ses livres, traduits en quarante-six langues, atteignent des tirages vertigineux et ses pièces sont jouées régulièrement dans plus de cinquante pays : Éric-Emmanuel Schmitt est l’un des auteurs francophones les plus lus et les plus représentés dans le monde. Né en 1960 à Lyon, cet agrégé de philosophie, docteur en philosophie, s’est d’abord fait connaître au théâtre en 1991 avec La Nuit de Valognes, son premier grand succès. Il n’arrêtera plus.

Non seulement les plus grands acteurs ont interprété ou interprètent ses pièces – Belmondo, Delon, Francis Huster, Jacques Weber, Charlotte Rampling et tant d’autres –, mais le Grand Prix de l’Académie française couronne l’ensemble de son œuvre théâtrale dès 2001.

Romancier lumineux, conteur hors pair, amoureux de musique, Éric-Emmanuel Schmitt fait passer une émotion teintée de douceur et de poésie dans tous les arts. Il est à la fois scénariste, réalisateur, signe la traduction française d’opéras, sourit à la BD et monte lui-même sur scène pour interpréter ses textes ou accompagner un pianiste ou une soprano. (livre de poche)

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 12 janvier 2024

 

LES INFORTUNES DE LA BELLE AU BOIS DORMANT

1- L’INITIATION

Commentaire sur le livre d’
ANNE RICE

*À son entrée dans la chambre, son désir avait été fort et presque douloureux. À présent, il l’aiguillonnait sans merci. -Je vous ai réveillée ma chérie, lui dit-il. Vous avez dormi cent ans…Écoutez. Écoutez ! Vous allez entendre ce château revenir à la vie comme personne avant vous ne l’a jamais entendu. *
(Extrait : LES INFORTUNES DE LA BELLE AU BOIS DORMANT, volet 1 : L’INITIATION. Anne Rice. Robert Laffont éditeur, 1999, format numérique pour la présente, 315 pages.)

Vous connaissez l’histoire de la Belle au bois dormant.

Mais imaginez un instant qu’une fée mutine et joliment perverse se soit subrepticement glissée dans la chambre de la petite princesse, après le départ de ses consœurs, modifiant le sortilège.

La belle enfant sera délivrée de son long sommeil par un Prince, qui l’initiera à l’amour et au plaisir dans la douleur, l’emmènera dans son royaume, où, avec des centaines d’autres jeunes esclaves, elle assouvira les désirs et les fantasmes d’une bien étrange Cour…

 

Détournement de conte
*Vous ne devez point résister, mais bien plutôt prendre possession
 de vos charmes, c’est-à-dire laisser votre esprit habiter votre
corps. Vous êtes nue, sans défense, tous vont jouir de vous
 et qu’y pouvez-vous ? Ainsi donc, il me faut vous avouer que
 vos contorsions ne font que vous rendre plus exquise. *
(Extrait)

C’est sans doute le livre le plus indigeste que j’ai lu jusqu’à maintenant et je suis surpris que cette nullité ait été écrite par l’auteure du best-seller mondial ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE ou encore L’HEURE DE L’ANGE, un livre que j’ai déjà commenté sur ce site et que j’avais trouvé intéressant. Dans L’INITIATION, j’ai commencé a trouvé le temps long à la page 5.

Le titre de la série (parce que c’est une trilogie) est un bel euphémisme si je me fie au premier tome où il n’est question que d’avilissement, de masochisme, d’esclavagisme sexuel et d’un jeu sordide de soumission/domination : *Mais le prince n’était pas totalement satisfait de la manière dont il instruisait la belle. Il lui dit qu’à leur arrivée dans la prochaine ville…il lui arracherait encore un peu de sa dignité, afin de lui rendre les choses plus faciles. * (Extrait) C’est n’importe quoi.

Je suis surpris que les critiques qualifient ce récit d’érotique. L’érotisme implique l’amour sensuel, les plaisirs sexuels consentis et partagés. Dans ce livre, il n’est question que de viols, de torture, de masochisme, d’asservissement, de brutalité, de bestialité. Le tout traité avec une légèreté dérangeante : *…la douleur vous adoucit, vous rend les choses plus aisées. Vous êtes infiniment plus malléable, depuis la fessée que je vous ai donnée à l’auberge…* (Extrait)

Ici, nous avons 230 pages de fesses…des fesses torturées, zébrées, rougies sans compter le sort réservé aux organes génitaux. Au moins, cette violence, qui est physique et aussi fortement psychologique, est exempte de sang. Dans cette histoire, il n’y a pas de bains de sang, même pas une petite coupure ni brulure. Tous les acteurs sont de beaux garçons jeunes et vigoureux et de belles jeunes filles au corps magnifique…évidemment. Je dois l’admettre…c’est bien écrit, très descriptif.

J’ai essayé de donner un sens à cette histoire. Il n’y en a pas. Le prince charmant éveille la Belle au bois dormant, littéralement et sexuellement. Conquis par ses charmes, il fait d’elle une servante d’amour qui va découvrir la tendresse et la cruauté, le plaisir et la douleur. Ça s’arrête là. Ici le prince est tout sauf charmant. Aucune explication sur les origines du prince, ni sur les horribles traditions de la Cour de la reine.

D’où viennent tous ces princes et princesses littéralement humiliés et écrasés par les caprices des grands Seigneurs. C’est quoi ce pays de tarés ? Rien qui donne du sens. Qu’est-ce qui motive tous ces dégénérés, et comment vivent-ils ? Encore si j’en avais une idée. Mes sentiments me rappellent vaguement ceux que j’avais à la lecture de certains livres du Marquis de Sade. Et dire que ce livre est le premier d’une série.

J’ai compris à la finale du premier que les insoumis sont envoyés dans un endroit appelé le village qui évoque pour moi un des cercles de l’enfer. C’est donc là que devrait débuter le deuxième volet de la trilogie. Pour moi, cette expérience de lecture s’arrête là.

Suggestion de lecture : CRASH, de J.G. Ballard

Née en 1941 à La Nouvelle-Orléans, Anne Rice commence à écrire au milieu des années 1970 ce qu’elle pense être «une courte nouvelle sur le thème du vampirisme». Entretien avec un vampire deviendra un livre culte, le premier volume des «Chroniques des vampires». Reine du fantastique moderne qu’elle a révolutionné en lui apportant sensualité et démesure, elle passe au roman historique avec La Voix des anges, superbe histoire de castrats à Venise, et à l’érotisme avec Les infortunes de la Belle au bois dormant. Anne Rice a également publié quatre romans érotiques sous le pseudonyme de A. N. Roquelaure et deux romans sous celui de Anne Rampling. 

LA SUITE

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 17 décembre 2023

 

UN DIEU PARMI LES HOMMES, Sylvain Johnson

*-Il n’y a aucune place pour un être comme toi dans
la maison de Dieu. Sois maudit ! … -Il n’y a de place
nulle part pour moi sur cette foutue planète. *
(Extrait : UN DIEU PARMI LES HOMMES, de Sylvain
Johnson, Éditions Corbeau 2020, papier, 380 pages.)

Un objet non identifié s’écrase dans la campagne mauricienne. Un couple dysfonctionnel récupère un nouveau-né dans l’épave extraterrestre, Un enfant doté de pouvoirs surhumains. D’aussi grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.

Sauver le monde? Faire le bien? Ou n’être que le produit de son environnement?

Certaines légendes naissent pour contrer la noirceur, d’autres pour la répandre…

 

Accrochez-vous
*Le couple était incapable de bouger, paralysé
par la crainte et fasciné par ce qu’ils voyaient.
Leurs esprits troublés tentaient de donner un
sens à cette apparition. *
(Extrait)

C’est un livre intéressant. Original même. Il développe la nature d’un violent combat entre le bien et le mal. Ce n’est pas nouveau sauf qu’ici, il s’agit d’un combat intérieur. Voyons d’abord ce qui se passe. Un vaisseau spatial s’écrase sur la terre. Il y a deux témoins : Michel, homme violent, alcoolique, colérique, sans scrupule, bat sa femme, un monstre. Et il y a sa femme, Diane qui n’est que l’ombre d’elle-même et qui se dissout lentement aux côtés d’un homme sans conscience.

Michel explore les restes du vaisseau et y découvre un enfant. Décidant que cet enfant ne lui rapporterait rien, il décide de le tuer mais un évènement extraordinaire l’en empêche. Michel s’aperçoit que l’enfant possède des dons extraordinaires et décide de l’adopter pour, éventuellement, qu’il l’assiste dans ses activités criminelles. Il lui donne comme nom CARL. En grandissant, la puissance destructrice de Carl devient phénoménale et une chaîne d’évènements l’amène à tuer et même à massacrer.

C’est un roman noir, très violent et dont les personnages sont froids et déplaisants y compris Carl, torturé entre la possibilité de faire le mal et celle de faire le bien. Pour ce qui est de s’attacher aux personnages, on peut oublier ça. J’ai senti, dans cet ouvrage au rythme haletant, que l’auteur nous exprimait sa pensée critique sur la Société en particulier.

L’ouvrage m’a gardé captif. On eut dit que Johnson me posait toujours la même question : ici qu’est-ce que tu ferais à la place de Carl, et là qu’est-ce que tu ferais? Il y a de quoi s’interroger en effet : qu’est-ce que je ferais si j’avais la puissance d’un Dieu avec pouvoir de vie ou de mort ? Je guérirais l’humanité ou je ferais le grand ménage.

Le livre soulève aussi plusieurs autres questions : comment peut-on violer et battre des femmes à répétition sans aucune espèce de scrupule ? Comment peut-on détourner un enfant, entre autres vers la criminalité ? Le père biologique de Carl et son père adoptif sont des monstres : pas de conscience, pas de morale, sans humanité. La mère adoptive est battue, torturée et humiliée. Comment un garçon peut s’épanouir dans ces circonstances ?

Le livre se lit bien, la plume est forte et fluide. Il rend captif, il est même addictif car on se demande continuellement quel plateau de la balance Carl fera pencher. L’auteur frappe fort dès le début avec un surprenant prologue postapocalyptique. J’ai aussi accroché à l’histoire parce qu’elle se déroule au Québec dans ma belle Mauricie natale : Sainte-Thècle surtout, Shawinigan, Trois-Rivières.

Je le rappelle c’est très violent et j’ai trouvé la finale très sortie des sentiers battus…atypique. Il y a comme une espèce de post-face qui laisse supposer une suite, non annoncée, qui donne à penser que Carl pourrait trouver chaussure à son pied. Je recommande ce livre. Je crois que vous pouvez faire confiance à Sylvain Johnson, qui a quelques titres dans la série des contes interdits, pour une lecture qui vous fera vibrer.

Suggestion de lecture : LES ENFANTS DE MINUIT, de Salman Rushdie



Sylvain Johnson est né à Montréal en 1973. Après des études en arts et lettres au Cégep de Shawinigan, il s’est installé à Laval et travaille maintenant pour un organisme à but non lucratif. Il passe son temps entre Laval et le Maine, où il a collaboré avec deux nouvelles littéraires dans la première anthologie franco-américaine « Voix de chez nous ».

Son premier roman « Le Tueur des rails » a été publié en août 2010 par la maison d’édition « Pop fiction » de Montréal. Puis Sylvain s’investit dans LES CONTES INTERDITS : LE JOUEUR DE FLÛTE DE HAMELIN et LA PETITE SIRÈNE jusqu’au moment de publier mon article où il publie UN DIEU PARMI LERS HOMMES. Aujourd’hui, Sylvain Johnson vit en Caroline du Nord avec sa femme et son fils.

Du même auteur

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 16 décembre 2023

EN PLEIN COEUR, de Louise Penny

*S’il avait laissé l’image telle quelle, il ne se serait jamais
fait prendre. Il a été passif pendant toute sa vie. La seule
 fois qu’il a vraiment agi, il s’est condamné. *
(Extrait : EN PLEIN CŒUR, Louise Penny, Flammarion
éditeur, 2013, 416 pages pour le format de poche. Version
audio : Audible studio éditeur, 2020, durée d’écoute : onze
heures. Narrateur : Raymond Cloutier.)

Three Pines dans les Cantons de l’est. Pendant la fin de semaine de l’Action de Grâce, Jane Neal est trouvée morte dans la forêt, le cœur transpercé. Le réveil est plutôt brutal pour cette tranquille communauté, d’autant que l’inspecteur-chef de la Sûreté du Québec, est perplexe. Est-ce que ça pourrait être autre chose qu’un bête accident de chasse. Mais qui pourrait souhaiter la mort de Jane Neal, une enseignante à la retraite qui a vu grandir tous les enfants du village. Le détective Armand Gamache se doute qu’un serpent se cache au cœur de l’Éden, un être dont les zones d’ombre sont si troubles qu’il doit se résoudre au meurtre. Mais qui ?

La grande première d’Armand
*Son petit secret c’était que…à la mi-cinquantaine, passé le
sommet d’une longue carrière qui paraissait en perte de
vitesse, il s’étonnait toujours devant la mort violente, C’était
une étrange réaction de la part du chef de l’escouade des
homicides… *
(Extrait)

C’est un livre intéressant mais qui ne fut malheureusement pas à la hauteur de mes attentes. Voyons voir le résumé : une vieille dame, enseignante à la retraite, Jane Neil est assassinée dans la forêt près du petit village de Three Pines, le cœur traversé par une flèche de chasse. Pourquoi une vieille dame aussi gentille? À qui le crime profite ? Ce sera un véritable casse-tête pour le plus singulier des policiers, l’inspecteur-chef Armand Gamache, qui ne se doute pas encore que d’autres cadavres vont se rajouter.

Ce qui m’a plu dans ce livre est le développement de plusieurs volets qui s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres. Par exemple, Jane Neil ayant été tuée par une flèche, Gamache va commencer son enquête chez les tireurs à l’arc. Il y a justement un club de tir à l’arc à Three Pines et là vous devez vous attendre à un cours d’archer 101 que j’ai trouvé un peu long et redondant.

Il y a de bonnes idées dans ce récit. Des trouvailles. Je ne peux pas trop en dire évidemment, mais il faut voir ce que Jane Neil a fait des murs de sa maison et là encore, il faut s’attendre à un long palabre sur l’art et les couleurs. Je pense que l’intrigue est assez bien réussie mais elle est un peu diluée dans un étalage de détails et de connaissances. Mais je l’admets, c’est intriguant. 

J’ai été déçu par les personnages car il n’y a pas vraiment de distanciation entre eux. On dirait des clones. Pas de personnalité, aucun élément qui les rattache au lecteur. Ils sont plutôt froids, peu attachants. Les personnages plus intéressants sont ceux qui sont morts. J’ai trouvé très fort par exemple le profil de Jane Neil et effectivement, les auditeurs se poseront forcément la question : À qui le crime profite ? Et ce n’est pas simple.

Quant au héros de l’histoire, Armand Gamache, Je m’y suis très peu fait : plus grand que nature, surfait, surévalué, très cultivé, habillé bizarrement, un peu déjanté, excentrique mais politiquement correct. Il régule à lui seul le rythme de l’histoire, souvent lent, parfois accélérant. J’ai de la difficulté avec ce genre de personnage plastique. Je recommande tout de même ce livre parce qu’il développe avec finesse les cachotteries typiques de petits villages ou de petites communautés. Des petits bourgs où tout le monde connait tout le monde et où, automatiquement, tout le monde en sait trop…

Suggestion de lecture : LES PENDULES, d’Agatha Christie

Louise Penny, née le 1er juillet 1958 à Toronto, est une
femme de lettres canadienne surtout connue pour ses
romans policiers. En 2011, elle demeure à Sutton au
Québec où se situe le décor des enquêtes de l’inspecteur
 québécois Armand Gamache de la Sûreté du Québec.
Les livres de cette série lui ont valu quatre fois de suite
(2007–2010) le prix Agatha pour le roman policier de
l’année qui se conforme au genre du whodunit dans le
style d’Agatha Christie. (Wikipédia)

Bonne lecture
Claude Lambert

le vendredi 15 décembre 2023

DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, de Romain Sardou

 

*Tu vas bientôt assister à la plus étonnante surprise
de l’ère chrétienne depuis… depuis que des soldats
romains sont revenus un matin pour trouver vide le
tombeau du Christ ! *
 
(Extrait, DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, prologue, Romain
Sardou, XO éditions, 2008, format numérique, 335
pages)

Quercy, XIIIe siècle.

Dans un village perdu, une troupe d’hommes en noir enlève un enfant. Le prêtre du village décide de se lancer à la poursuite de ses ravisseurs. Les indices qu’il glane à mesure de sa quête lui font craindre d’être mêlé à une terrible affaire de sorcellerie… Mais il n’est pas le seul à s’intéresser à l’enfant. Pendant ce temps, à Rome, Bénédict Gui se voit confier une mission spéciale : retrouver le frère de la belle Zapetta, qui travaille pour la mystérieuse Sacrée Congrégation.
Dans un Moyen Age hanté par les querelles religieuses, où le pouvoir de l’Église est plus fort que jamais, se noue une intrigue dont les fils remontent jusqu’au Vatican

Les petites victimes
des jeux de pouvoir
*Cette vision d’horreur pétrifia Aba et les enfants.
– Si tu fais encore un geste, le curé, j’en épingle
d’autres comme cela sur tous tes murs, mugit
l’assassin en direction du prêtre.
(Extrait)

Au cœur du Moyen-âge en Europe, des enfants disparaissent, enlevés par de mystérieux hommes en noir, des cardinaux sont assassinés ou portés disparus. Le Père Aba recherche activement le jeune Perot et parallèlement, un enquêteur de Rome recherche un jeune homme disparu, Rainerio qui était au service d’un puissant Cardinal de la Sacré Congrégation appelée dérisoirement la machine à faire des Saints. C’est elle qui décide qui sera canonisé en analysant les miracles faits par les candidats.

Il appert d’une part, que les miracles, les saints et les candidatures à la canonisation font l’objet d’un trafic très lucratif et pour protéger l’organisation, on n’hésite pas à tuer, à éliminer les gêneurs ou ceux qui en savent trop. Et d’autre part, les enfants disparus ont un point en commun. Ils ont chacun un don surnaturel. Toutes ces capacités miraculeuses réunies pourraient décupler la puissance des cardinaux. Pas étonnant que le meurtre et la cruauté soient florissants.

Voici un thriller médiéval très addictif ayant comme toile de fond la crasse qui a incrusté l’Église pendant des siècles, sa puissance et sa cruauté. C’est un récit violent. Évidemment, l’auteur ne réinvente pas la roue avec un récit ayant comme thème l’Église sauf qu’ici, il est question d’un trafic très particulier : le trafic des saints et des miracles dans le but de renforcer la dévotion et augmenter considérablement les dons des fidèles.

La motivation de cardinaux corrompus jusqu’à la moelle est renforcée par l’exploitation de quelques enfants ayant des pouvoirs extraordinaires. L’auteur maîtrise fort bien son sujet et propose au passage une analyse de certains miracles et précise même qu’une agence catholique s’est donné comme but d’expliquer chaque miracle des saintes écritures pendant que d’autres organisent des simulacres de miracles.

Cette histoire m’a tenu en haleine. Le rythme est rapide et les personnages sont travaillés. Le jeune Perot, l’enfant sûrement le plus prodigieux du groupe a été pour moi un important générateur d’émotions. L’auteur met aussi talentueusement en perspective une époque très vaste où il n’y a rien de plus fort que l’Église, un big brother aussi puissant que corrompu.

La plume de Sardou est forte mais pas toujours facile à suivre. Il faut porter attention mais ça vaut la peine ne serait-ce que pour savoir où il veut en venir avec la petite touche de fantastique qu’il a imprégné à son roman. Malgré une très sensible impression de déjà vu, équilibrée finalement par la qualité de l’intrigue et la sensibilité du sujet, la manipulation des enfants étant une corde sensible et très délicate, j’ai passé un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : LE NOM DE LA ROSE, d’Umberto Eco

Issu d’une longue lignée d’artistes, Romain Sardou, né en 1974, se passionne très jeune pour l’opéra, le théâtre et la littérature. Après quelques années à Los Angeles, où il écrit des scénarios pour enfants, c’est en France qu’il publie chez XO son premier roman, un thriller médiéval, Pardonnez nos offenses (2002), qui connaît aussitôt un immense succès, ainsi que les suivants L’Éclat de Dieu (2004) et Délivrez-nous du mal (2008).

Exploitant d’autres rivages romanesques, Romain Sardou a également publié trois contes d’inspiration dickensienne, ainsi qu’un thriller contemporain, et un roman philosophique, Quitte Rome ou meurs (2009). Il explore maintenant l’histoire de la naissance de l’Amérique dans le premier volume de sa nouvelle trilogie, America, La treizième colonie (2010).

 

Du même auteur…
le livre précédant DÉLIVREZ-NOUS DU MAL

Romain Sardou est le fils du célèbre chanteur Michel Sardou

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 décembre 2023