SI JE SERAIS GRANDE, d’Angélina Delcroix

*Elle me caresse les cheveux et me dit qu’on va réussir.
Réussir quoi ? Je sais pas. Elle quitte ma chambre. Les
cris recommencent dans le jardin d’à côté et s’estompent. *
(Extrait : SI J’ÉTAIS GRANDE, Angélina Delcroix, or. Éditions
Nouvelles Plumes, 2019, version audio : Audible studio éditeur,
2019. Durée d’écoute : 11 heures 50 minutes. Narrateur :
Pascal Chemin)

  1. Deux petites filles disparaissent le même jour, sans laisser de traces. Elles sont voisines, mais n’étaient pas ensemble au moment de leur enlèvement. Eleanor, bientôt six ans, vit dans la crainte de déplaire à ses parents. Est-elle la menteuse que décrit sa mère ?
  2. Des cadavres d’enfants viennent d’être découverts. Mais il y a une survivante. l’adjudante Joy Morel se retrouve à la tête d’une enquête éprouvante qui va l’entraîner aux frontières de l’inimaginable…

LES ÉLITES DE LA HONTE
âmes sensibles s’abstenir
*…Et les pensées qu’elle avait eu en entendant la voix sur le
répondeur… Quelle horreur ! À quel moment s’était-elle
transformée en un monstre d’égoïsme ? Quel malheur nous
autorise à enfermer à double tour empathie, bienveillance et
générosité ? La conséquence en était aujourd’hui mortelle. *

Le récit est ébranlant. J’avais parfois besoin d’arrêter…de respirer et de réfléchir même sur la réalité que met en lumière ce roman noir. Jetons d’abord un bref coup d’œil sur le synopsis : en 2006, deux petites filles disparaissent séparément, même si elles sont voisines. Dix ans plus tard, un charnier est découvert…un charnier d’enfant…au milieu des cadavres, une survivante dont l’esprit est totalement chaviré :

*C’est plus fort que moi. Une force me pousse. Je ne me contrôle plus. Je laboure les bandages comme un chien creuserait pour trouver un os. Au passage, je me griffe la peau autour. Maman crie. Je l’entends, mais de loin. Je suis partie dans mon monde…celui de la souffrance. * (Extrait)

 À la tête de l’enquête, Joy Morel, enceinte de quatre mois et plutôt mal remise de son enquête précédente entraînera son équipe et en général les personnages sains de l’histoire et par la bande les lecteurs-lectrices, auditeurs-auditrices au-delà des frontières de l’imaginable. Mais voilà…qui est sain dans cette histoire et qui ne l’est pas? C’est loin d’être évident.

Même si vous n’êtes que légèrement sensible, attendez-vous à grincer des dents car dans ce roman noir, tout n’est que meurtres rituels et torture d’enfants, haine, cruauté, violence, satanisme, pédophilie, folie. Le récit dévoile une des pires distorsions de l’âme humaine et touche la corde sans doute la plus sensible en littérature et dans la Société en général : les enfants. C’est à la limite du supportable.

Même le titre qui évoque un certain caractère d’innocence camouffle une incroyable terreur. Je n’ai pas eu vraiment de plaisir à écouter cette histoire. L’efficacité de la plume de Delcroix a exacerbé ma curiosité jusqu’à la finale…une finale d’ailleurs qui m’a glacé le sang. C’est bien écrit…trop bien peut-être et c’est d’une crudité parfois refoulée heureusement mais en générale glaciale et dérangeante.

Le tout se rapproche considérablement de l’actualité, la maltraitance des enfants étant une malheureuse réalité. L’auteure vient aussi nous rappeler que souvent, les personnes que l’on croit bien connaître ou qui sont haut placées dans la Société ne sont pas celles qu’on pense. Il y a des penchants qui sont hautement inavouables.

C’est un roman *Coup de poing*, très fort, très noir, immersif et même gore. Son sujet dérange mais pousse à la réflexion et c’est ce que souhaite l’auteure dans une note publiée à la fin de l’ouvrage. Il faut toutefois faire attention…il y a beaucoup de personnages, on s’y perd un peu…

Encore plus dur de savoir qui est bon, qui est mauvais : *Soit, je suis vraiment un être à part, soit ils sont tous tordus. Vu qu’apparemment je suis toute seule à être différente, la réponse est toute trouvée. * (Extrait) Malgré tout, j’ai été éprouvé par le récit, ébranlé à l’idée qu’on applique à des enfants un étau psychologique qui leur donne un horrible choix : Mourir ou devenir eux-mêmes des monstres. Préparez-vous à du *pas facile*.

Suggestion de lecture : GORE STORY, de Gilles Bergal

Angélina Delcroix, psycho praticienne et auteure

À écouter aussi, de la même auteure
le premier volet de la série JOY MOREL

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert

le samedi 16 mars 2024

LA PART DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt

*Personne n’avait remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer, la
 catastrophe qui venait de déchirer le hall de l’Académie des beaux-arts,
 la déflagration qui trouait l’univers : Adolf Hitler recalé. *
(Extrait : LA PART
DE L’AUTRE, Éric-Emmanuel Schmidt, Albin Michel éditeur 2014, 500 pages.
Version audio : Audio lib éditeur, 2019, durée d’écoute : 16 heures 22 minutes.
Narrateurs : Daniel Nicodème, Éric-Emmanuel Schmidt)

8 octobre 1908 :

« Adolf Hitler recalé ». Que ce serait-il passé si l’École des Beaux-Arts de Vienne en avait décidé autrement ? Que serait-il arrivé si, cette minute-là, le jury avait accepté et non refusé Adolf Hitler, avait flatté puis épanoui ses ambitions d’artiste ? Cette minute-là aurait changé le cours d’une vie, celle du jeune, timide et passionné Adolf Hitler, mais elle aurait aussi changé le cours du monde…

 

L’uchronie la plus célèbre du XXIe siècle
*Rideau de fer. Terminé. On ne passe plus.
Allez voir ailleurs. Dehors… Personne n’avait
remarqué l’énormité qu’on venait d’annoncer. *
(Extrait)

 

Original et captivant sont les deux premiers mots qui me viennent à l’esprit pour qualifier l’œuvre d’Éric-Emmanuel Schmidt qui développe dans LA PART DE L’AUTRE, deux facettes complètement opposées de la même personne : une qui est avérée, l’autre imaginaire. En fait, l’auteur développe parallèlement deux biographies romancées d’Adolf Hitler : d’abord, la vraie, puis la biographie uchronique.

Tout repose sur la seconde ultime où Hitler reçoit le résultat de son examen d’admission aux Beaux-arts. On sait que dans la réalité, Hitler a été recalé à cet examen et là, commence l’histoire d’un homme refoulé, égocentrique, aux tendances narcissiques qui changera à jamais la face du monde. C’est la biographie documentée et crédible d’un homme dont tout le monde avait peur. C’est un aspect de l’histoire que l’auteur m’a aidé à comprendre dans le développement de son récit et dans l’argumentaire qu’il propose et explique lui-même à la fin de l’ouvrage.

J’ai compris comment la première guerre a changé l’homme, comment son patriotisme est devenu obsessionnel et tordu, comment s’est développé son antisémitisme et comment est disparu chez cet être atypique toute trace d’empathie. Bref, avec des raffinements de précision, Schmidt nous présente d’une part le tristement célèbre Adolf Hitler : <artiste raté, ancien clochard, soldat incapable de prendre du galon, agitateur de brasserie, putschiste d’opérette> coincé sexuel et incapable de communiquer autre chose que de la haine.

Maintenant, supposons un instant qu’à ce fameux examen des Beaux-Arts, Adolf Hitler ait été accepté et devienne un peintre célèbre. Voici la partie uchronique du récit. Que ce serait-il passé si Hitler avait été reconnu par ses pairs aux Beaux-Arts. Je vous laisse le découvrir bien sûr…ma propre vie ne serait peut-être même pas ce qu’elle est… mais j’ai trouvé le développement passionnant…rien de moins.

Bien imaginé, bien écrit, avec des éléments recherchés qui sont de nature à créer ou préciser mes schémas de pensée sur, entre autres, le sens de la vie et le revers susceptibles de se cacher dans notre personnalité et qui sont aussi susceptibles de resurgir, ce que l’auteur appelle sans doute LA PART DE L’AUTRE. Dans la biographie réelle, l’homme s’appelle Hitler ou le Führer mais dans l’uchronie, j’ai été heureux de connaître celui qu’on appelle Adolf H. :  créatif, généreux, humain et sensible.

La faiblesse de l’ouvrage réside dans le développement du contexte historique dans la partie uchronique du récit. Difficile de voir où s’en va l’Allemagne sans le Führer. J’avais aussi l’impression que l’auteur adoptait parfois un ton éditorial comme s’il vidait un trop plein en fustigeant l’un pour magnifier l’autre. Prenez connaissance de l’exposé de l’auteur à la fin. Je crois avoir saisi le sens ou l’esprit de sa pensée mais j’ai trouvé que ça sentait la justification.

Il y a aussi beaucoup de longueurs ventilées toutefois par quelques passages savoureux par exemple, les séances thérapeutiques d’Adolf H. avec le célèbre psychanalyste Sigmund Freud…magnifique. L’oeuvre me laisse sur un questionnement hautement philosophique : Quelle part de moi pourrait changer le monde ? C’est une gamme d’émotions qui vous attend. Lancez-vous…je crois que vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Ses livres, traduits en quarante-six langues, atteignent des tirages vertigineux et ses pièces sont jouées régulièrement dans plus de cinquante pays : Éric-Emmanuel Schmitt est l’un des auteurs francophones les plus lus et les plus représentés dans le monde. Né en 1960 à Lyon, cet agrégé de philosophie, docteur en philosophie, s’est d’abord fait connaître au théâtre en 1991 avec La Nuit de Valognes, son premier grand succès. Il n’arrêtera plus.

Non seulement les plus grands acteurs ont interprété ou interprètent ses pièces – Belmondo, Delon, Francis Huster, Jacques Weber, Charlotte Rampling et tant d’autres –, mais le Grand Prix de l’Académie française couronne l’ensemble de son œuvre théâtrale dès 2001.

Romancier lumineux, conteur hors pair, amoureux de musique, Éric-Emmanuel Schmitt fait passer une émotion teintée de douceur et de poésie dans tous les arts. Il est à la fois scénariste, réalisateur, signe la traduction française d’opéras, sourit à la BD et monte lui-même sur scène pour interpréter ses textes ou accompagner un pianiste ou une soprano. (livre de poche)

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 12 janvier 2024

 

LA DALLE DES MORTS, de Daniel Lessard

*Les hommes se signent. Gonzague ne dit mot.
Ses mains tremblent, son cœur s’agite. Il
N’aurait pas dû ouvrir le cercueil.*
(Extrait)
LA DALLE DES MORTS, Daniel Lessard, Éditions
Pierre Tisseyre, 2019, édition de papier et numérique,
350 pages.)

Basé sur des faits vécus qui ont traumatisé le petit village de Saint-Léon-de-Stanton, au point que les séquelles s’en font sentir encore aujourd’hui, le livre nous replonge dans le Québec profond à l’époque de la Grande noirceur, quand l’Église toute puissante dictait la conduite des catholiques du berceau jusqu’au tombeau. La dalle des morts raconte l’histoire macabre et tragique d’une guerre ouverte entre un curé et ses ouailles autour du déménagement du cimetière paroissial. Peuplé de personnages plus grands que nature, LA DALLE DES MORTS est un roman qui montre la vie dans le Québec rural à une époque aujourd’hui difficilement imaginable.

LA BALLADE DES CIMETIÈRES
*J’ai des tombeaux en abondance
Des sépultures à discrétion
Dans tout cimetière d’quelque importance
J’ai ma petite concession
De l’humble tertre au mausolée
Avec toujours quelqu’un dedans
J’ai des p’tits bosses plein les allées
Et je suis triste, cependant
Car je n’en ai pas, et ça m’agace
Et ça défrise mon blason…*

(Georges Brassens, La Ballade des Cimetières)

J’ai été attiré par le titre et par la très belle présentation du livre. Et je me suis dit aussi qu’il était grand temps que je me penche sur au moins un livre d’un auteur dont j’ai toujours apprécié l’excellent travail de journaliste à Radio-Canada : Daniel Lessard. Je n’ai pas été déçu pour plusieurs raisons. Avec neuf livres à son actif, je me doutais que Daniel Lessard est un très bon conteur. C’est le cas. Il s’est <emparé> de mon attention et l’a gardé jusqu’à la fin avec, entre autres, un personnage central étouffant, le curé Alyre Verreault.

Cet homme d’église est le genre de personnage pour lequel on aime à se lever plus tôt pour le détester plus longtemps. Ensuite, le récit touche à une époque qui m’a toujours particulièrement intéressé. Nous sommes ici dans le Québec campagnard des années 30 et 40, au cœur de l’obscurantisme induit par l’église catholique qui contrôle ses ouailles du premier à leur dernier souffle, entretenant la sempiternelle psychose du ciel et de l’enfer.

Il faut préciser que LA DALLE DES MORTS n’est pas un livre d’histoire mais un roman inspiré de faits réels. Avec une prose remarquable et un langage d’époque soigneusement reproduit, l’auteur relate, de façon romancée, des évènements qui se sont réellement produits entre 1938 et 1946 à Saint-Léon-de-Standon, petit village de la région actuellement appelée Chaudière-Appalaches mais qui faisait partie à l’époque du comté de Dorchester, vaste territoire qui comprenait Saint-Benjamin d’où Daniel Lessard est originaire.

Voici l’histoire abracadabrante d’une guerre ouverte entre un curé frustré et tyrannique et ses paroissiens concernant le déménagement du cimetière paroissial souhaité par le curé. Nous assistons ici à la métamorphose d’un village qui se déchire et où la vie devient impossible, le curé brandissant à tout va le spectre de l’enfer et de l’excommunication.

La crainte de l’église était une réalité à l’époque. Je la verrais difficilement se manifester ainsi de nos jours. J’ai un respect infini pour mes ancêtres, mais j’ai peine à croire qu’ils pouvaient être aussi naïfs, spécialement devant un curé qui n’avait pas grand-chose d’humain.

Ce livre aurait pu s’intituler LA GUERRE DES CIMETIÈRES ou LE MATCH DES CIMETIÈRES si on veut être un peu plus sportif tellement était omniprésente cette question des cimetières qui était profonde, complexe, déchirante avec des effets cruels sur les corps et les âmes alors qu’en réalité toute cette question reposait sur la volonté d’un seul homme, craint mais singulièrement détesté.

J’ai beaucoup aimé ce livre. On voit que l’auteur s’est documenté et a évité le piège du sensationnalisme. Il a aussi évoqué avec brio le quotidien des jeunes gens du village, leurs projets d’amour et de futur malheureusement ébranlés et déchirés par la guerre. En bref, c’est un roman tragique, insolite. Il a quelque chose de noir, de macabre. Mais il se lit bien, il est captivant et, au regard de l’histoire, il est crédible. Un très beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : LA MÉMOIRE DU LAC, de Joël Champetier

Daniel Lessard est né à Saint-benjamin-de-Beauce en 1947. Il fait ses débuts à la radio à CKBM-Montmagny en 1969 d’où il passe à CJRC-Ottawa en 69 et à CKAC-Montréal de 70 à 72. Il s’installe à Radio-Canada en 1972 à CBOFT-Ottawa comme journaliste et  devient animateur du Ce Soir en 78-79. À titre de correspondant national, il sera affecté à la Colline Parlementaire de 1979 à 1981.  Il fut affecté à la couverture des premiers ministres fédéraux de 1981 à 1994.

Il fut donc aux premières loges de grands évènements : rapatriement de la Constitution, congrès au leadership, Meech et Charlottown, référendum, élections générales, etc… Il a évolué à Radio-Canada jusqu’en 2011 alors qu’il était animateur de *LES COULISSES DU POUVOIR. Puis la retraite et, la même année, la publication de son premier roman : MAGGIE. Huit autres romans suivront jusqu’à ce jour. (Site internet Daniel Lessard)

Du même auteur, entre autres :

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 19 mars 2023

LE GRAVEUR, livre de Pierre Bergeron

*L’intrus lève son arme et juste avant de presser
la détente, il voit Soucy lever les yeux vers
l’escalier derrière lui, il presse la détente deux
fois. Deux petits bruits secs résonnent avant que
Soucy tombe à la renverse sur la table à café
dans un grand fracas. *
(Extrait : LE GRAVEUR, Pierre Bergeron, ADA
éditions, collection Corbeau, 2019, 400 pages)

Un avocat opposé au crime organisé, un directeur de la protection de la jeunesse et un pédophile sont abattus dans diverses régions du Québec. Rien ne les relie, mis à part la signature sur leurs cadavres: les lettres T et C ont été gravées dans la chair de leurs fronts. Que signifient ces lettres? Qui peut bien se cacher derrière ces homicides?

La liste de suspects potentiels est tellement longue que les enquêteurs de la Sûreté du Québec et de la police de Longueuil doivent travailler ensemble pour résoudre ces  meurtres sordides.

Un graveur grave
*Méthodiquement et sans s’énerver, il observe les
signes vitaux de sa victime tout en surveillant
cette rue encore déserte. Le décès confirmé, il
sort un couteau tactique Walther P99 d’une poche
avant. Il déplie la lame et se penche sur le corps
avec un frisson de plaisir comme s’il goûtait à
l’avance ce qu’il est sur le point de faire. *
(Extrait)

C’est un roman intéressant, bien développé, avec en général tout ce qu’il faut pour capter l’attention. C’est un thriller fort, malgré certaines faiblesses. Mais voyons d’abord le contenu.

Les policiers de la Sûreté du Québec et du service de police de Longueuil doivent unir leurs forces pour résoudre des meurtres crapuleux qui n’ont en fait qu’un seul point en commun : Les lettres T et C gravées sur le front des victimes. C’est ainsi que le meurtrier devient LE GRAVEUR L’auteur frappe dès le départ avec un meurtre puis un autre, un double…

Entrée en scène des policiers qui seront présent tout le long du récit : de la sq, Marie Loup Berger à la beauté parfois dérangeante. Louis Biron, plus ou moins stable psychologiquement car il se croit l’auteur d’une gaffe policière qui a amené une mort d’homme. De la police de Longueuil, Benoit Lassonde qui a eu dans le passé une vie conjugale pénible.

Beaucoup d’autres personnages vont grossir la galerie en cours de récit. Une enquête aussi minutieuse qu’ardue se développe très lentement.

LE GRAVEUR est un polar minutieux et crédible sur le plan policier. C’est la minutie de l’enquête imaginée par Pierre Bergeron qui amène les policiers à croire qu’il y a peut-être plus qu’un point en commun entre les victimes. Le roman devrait plaire je crois aux amateurs de polars et aussi aux geeks car ce qui a permis au graveur de se rendre si loin est sa maîtrise dans nouvelles technologies et l’utilisation du DARK WEBB, le côté obscur du réseau internet, de plus en plus évoqué en littérature. 

*On y retrouve : des trafiquants d’armes, de drogues ou d’esclaves, ainsi que nombre de pédophiles. Dans cette partie de la toile, tout est accessible par le biais de forums de discussions où vendeurs et acheteurs se rencontrent anonymement à l’abri des organismes qui espionnent l’Internet. Le seul préalable, c’est d’être capable d’y surfer incognito pour assurer sa sécurité en regard des pirates qui y foisonnent. *  (Extrait)

Grâce à cette compétence particulière, LE GRAVEUR se joue des policiers et évolue dans ce qui rappelle le jeu du chat et de la souris. C’est habilement construit et bien imaginé.

La faiblesse du récit est dans sa finale. Pour ce qui est de connaître et comprendre les motivations du tueur, le lecteur et la lectrice sont laissés sur une voie de garage tout le long du récit. Bien sûr, le tueur parle et laisse des indices sur ce qui pourrait être par exemple une vengeance, mais pourquoi exactement ?

La réponse à cette question explose en quelques pages à la fin du récit. Personnellement j’aurais aimé que l’auteur me mette dans le coup plus tôt dans le récit, m’amène à tirer mes conclusions et les comparer à la fin comme si je voulais me donner une note. J’ai eu l’impression que la finale accordait plus d’importance aux États d’âme de Louis Biron qu’aux motivations du tueur.

Il y a dans la finale ce qui ressemble à un déséquilibre. Bien sûr, j’ai fini par savoir ce que signifient les lettres T et C et personnellement, j’ai trouvé ça plutôt simpliste. C’est évidemment une question de perception, sachant à la fin ce qui motive le GRAVEUR et l’entraîne dans un tel déploiement de haine et de violence.

Donc j’ai déchanté un peu à la finale mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle manque d’intérêt. La force du récit réside dans sa construction. Je pense aux étapes de l’enquête, aux subtilités conduisant aux déductions.

Je me suis senti dans les coulisses d’un vrai service de police, ce qui consacre la crédibilité de l’histoire si je tiens compte des 25 années d’expérience de l’auteur dans les enquêtes criminelles. Pour toutes ces raisons, je recommande sans hésiter LE GRAVEUR de Pierre Bergeron.

Suggestion de lecture : DARK WEBB, de Dean Koontz

Pierre Bergeron est né à Longueuil en 1951. C’est à la suite de l’enlèvement de monsieur Pierre Laporte, alors ministre du travail, qu’il a décidé de devenir enquêteur. Après 32 années d’expérience, dont 25 consacrées aux enquêtes criminelles. Il a écrit son premier livre NÉ POUR ENQUÊTER en 2016. LE GRAVEUR est son deuxième roman.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 5 novembre 2022

LES LUCIOLES, le livre de DAVID MENON

*Qui avait pu vouloir faire cela ? Il se laissa glisser le long du mur et s’écroula au sol. Son cœur était en miettes et son âme aussi. Il se mit à pleurer. Il lui semblait qu’il ne pourrait plus jamais s’arrêter.* (Extrait : LES LUCIOLES, David Menon, série DSI Jeff Barton,  cop. David Menon 2014, Silver spring press. Format numérique 200 pages.)

L’Inspecteur en Chef Jeff Barton est de retour pour enquêter sur une série d’ assassinats de jeunes hommes le soir de leur enterrement de vie de garçon à Manchester. Est-ce le fait d’un psychopathe ou l’œuvre angoissante d’une personne agissant pour le compte d’une autre et prête à tout pour se sentir exister ?
Durant l’enquête, Jeff est confronté à un vieil ennemi qui n’est autre qu’un célèbre gangster de Manchester. Mais ce maître du crime est-il vraiment lié aux meurtres, ou Jeff ne voit-il que ce qu’il veut voir ? Jeff et sa collègue l’Inspecteur Rebecca Stockton continuent à hésiter sur les sentiments qui les unissent, sans avoir le temps de s’y attarder s’ils veulent démasquer le meurtrier …

Enterrement définitif
*Il était assis dans sa voiture, en opération de
surveillance, quand quelqu’un s’est approché
et l’a abattu…Andy approchait du but, il allait
coincer Connelly et c’est ça qui l’a fait tuer.*
(Extrait)

C’est un roman intéressant quoique très expédié si je me réfère à sa présentation générale. Mais voyons d’abord le contenu. Cette histoire met en scène le commissaire Jeff Barton, récurrent dans l’œuvre de David Menon. Un sympathique personnage, veuf, tiraillé entre un travail exigeant et son fils de cinq ans, Toby.

Le soir de leur enterrement de vie de garçon à Manchester, un singulier psychopathe tue et mutile de jeunes hommes. Cette affaire serait-elle liée à l’assassinat d’une jeune mariée à Manchester?

Le pauvre nouveau marié n’était sorti que pour fumer et à son retour la jeune fille gisait dans un bain de sang. Jeff travaillera avec sa collègue Rebecca Stockton. Ce sera une enquête longue et très difficile qui amènera les limiers jusqu’au cœur de la mafia locale mais avec un succès limité. Ils iront de déduction en déduction, rassemblant patiemment, un par un et dans le bon ordre, les éléments d’une implacable logique.

C’est ainsi que Barton est propulsé dans un giron de haine, de traîtrise, de vengeance et de punition aussi, semble-t-il, car on pourrait penser que le meurtrier se prend pour dieu le père appliquant aléatoirement le droit de vie ou de mort.

L’auteur a très bien travaillé son enquête et les efforts de Barton pour concilier le travail et la famille le rendent attachant et sympathique, autant il peut être redoutable sur le plan professionnel. Il apprend même des choses qui le pousseront à préparer son fils à affronter la Société…*Je vais m’assurer que Toby soit au courant de ce que c’est que le harcèlement et de ses effets à long terme.* (Extrait) 

Pour l’enquête comme telle, il n’y a pas de problème, c’est du bon policier. Mais le livre a un sérieux problème de remplissage. Je note de l’errance et des longueurs. Je me suis même demandé si on aurait pu faire une simple nouvelle avec l’histoire.

Le fil conducteur prend toutes sortes de directions. Comme une des victimes était un chaud lapin, le sexe prend une place importante dans le récit qui expose des passages très explicites et qui frôlent le mauvais goût. Plusieurs passages ayant le racisme et la ségrégation comme toile de fond ouvrent la voie à des moments ennuyeux, teintés de paranoïa.

L’enquête est palpitante mais le reste n’est que du remplissage, phénomène courant en littérature et que je n’apprécie guère. J’ai aussi trouvé la traduction un peu fantaisiste. Beaucoup de personnages intéressants sont sous-exploités ou peu travaillés.

Mais suivre Jeff Barton qui ne m’a pas tapé sur le système avec ses états d’âmes a été pour moi un plaisir et j’ai pu admirer le calme olympien dont il fait preuve presqu’en toute circonstance. Vous comprenez mon dilemme : enquête passionnante incluant la finale même si elle aussi traîne un peu en longueur. Toute ce qui n’est pas enquête abaisse le rythme de lecture et devient beaucoup moins intéressant.

Donc c’est une lecture qui me laisse mitigé. Ça peut vous paraître étrange, mais je vous recommande cette lecture en misant sur Jeff Barton et aussi en misant sur la recherche du ou de la coupable question de comprendre comment une personne peut être fêlée à ce point.

Suggestion de lecture : PROIES, De Mo Hayder

David Menon est né à Derby, Angleterre en 1961. Il a vécu un peu partout au Royaume-Uni et à présent, En 2009, il a mis fin à une longue carrière dans l’industrie aéronautique pour se consacrer à l’écriture. LES LUCIOLES est le second roman d’une série mettant en scène l’inspecteur Jeff Barton. LE SORCIER était le premier. Puis après LES LUCIOLES, il y a eu TEMPÊTES, AUCUNE QUESTION, RETOUR À L’ENVOYEUR et BALANCÉ.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 27 novembre 2021

INDOMPTABLE, le livre de MILEY AARON

*Elle reconnaît John. Il est sur le brancard et sous respirateur. Son visage et son corps sont couverts de sang. Un médecin urgentiste lui donne les premiers soins Lorsqu’elle s’approche, son cœur se serre. C’était donc ça le message… * (Extrait : INDOMPTABLE, Miley Aaron, Érato Éditions, collection Kama, 2016, édition numérique, 360 pages)

Il y a parfois des questions qui restent sans réponses. Il y a des types qui ont le besoin de faire du mal aux autres pour se prouver qu’ils existent. Et si de nos jours, un jeune PDG mondialement connu, bien sous tous rapports en apparence, n’était en réalité qu’un masque ? Un peu trop sadique sur les bords. Pourquoi toutes les jeunes femmes qui deviennent son assistante disparaissent-elles sans laisser de traces ? Dans ses locaux, seules ses règles comptent. Gare à celui qui les outrepasse.

L’ADDICTION AU MAL
Ava jeta un coup d’œil sur le test de
grossesse : La réponse est là devant
ses yeux. –Maintenant je sais que je
ne porte pas le fils du diable en moi.
(Extrait : INDOMPTABLE)

C’est un livre qui ébranle et je vous avertis tout de suite, il ne s’adresse pas aux personnes sensibles. L’histoire est celle d’une jeune femme nommée Avalon. Si, dans LE CYCLE DU GRAAL, Avalon était l’île où a été emmené le roi Arthur après sa dernière bataille, c’est aussi l’endroit où a été forgée l’épée EXCALIBUR qui bien représenter le caractère bien trempé de la jeune femme. Elle en aura besoin car elle va passer un sale quart d’heure.

Avalon a eu deux plaies dans sa vie : son beau-père, un fou sadique, violent et manipulateur qui la battait pour le plaisir. Elle a fini par s’en échapper pour retomber dans un autre redoutable filet, celui de Ryan Evans, un jeune PDG assis sur un pouvoir aussi énorme que sa fortune.

Un autre cinglé dangereux qui s’amuse à faire souffrir psychologiquement et physiquement jusqu’à une mort lente et horrible de sa victime, toujours des jeunes femmes, dont Avalon, qui ont lié un obscur contrat avec Evans.

Dylan, le beau-père et Ryan Evans sont deux cinglés tordus qui adorent faire souffrir et qui n’hésitent pas à tuer avec le sourire avant de passer à la victime suivante. Avalon est prise dans ce piège mais elle est différente des autres. C’est une battante. Le chef de la sécurité d’Evans le remarque et il se développe un petit quelque chose entre eux. Ryan l’apprend et ça va le rendre encore deux fois plus fou.

C’est un livre dans lequel deux pervers malades se livrent à un jeu de pouvoir avec des raffinements de cruauté et de sadisme, sans aucune compassion, aucun remord…absence totale d’empathie. Il aurait été intéressant d’avoir plus d’éléments pour comprendre la psychologie de Dylan et Ryan Evans en particulier, l’intrigue est bien construite mais les souffrances et les remords s’empilent et j’ai trouvé qu’il y avait une certaine redondance.

Le fil conducteur est très solide et la plume acérée de Miley Aaron m’a poussé à tourner page après page. Le rythme est rapide et en cours de lecture, il est intéressant de voir évoluer la relation entre John et Avalon et surtout d’essayer de deviner comment ils vont se sortir d’un étau qui se resserre lentement et cruellement.

C’est un livre que les amateurs du genre *extrême violence*  vont sûrement beaucoup apprécié. Les souffrances infligées et les meurtres perpétrés sont sans pitié, sans compassion, sans empathie et répondent à un besoin profond de jouir du pouvoir de vie et de mort.

INDOMPTABLE n’est pas mon genre, je n’ai pas trop aimé…trop de haine, de morts, de violence, pas d’échappatoires, de diversions, aucun humour… mais je sais qu’il y a de la qualité dans le développement et que la trame est haletante. Je suis sûr que les lecteurs et lectrices au cœur solide devraient aimer ce livre qui se lit quand même vite et bien.

Je pourrais ajouter en terminant que cette œuvre, réalisée par un auteur émergent n’est pas sans faire réfléchir sur les dangers du pouvoir et surtout la combativité. Aaron est donc à suivre. Juste un petit mot sur la finale…elle est étrange et un peu expédiée. Elle ouvre la voie en tout cas à une suite. Où se positionneront Avalon et John dans tout ça? Je me demande si la suite sera aussi oppressante… À suivre.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison

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Encore une autre qui se cache derrière l’objectif. On sait peu de choses de l’auteure.

Miley Aaron, est une écrivaine émergente. Dans son blog elle se présente comme suit : Anciennement perfectimperfection, je reviens avec un nouveau blog et en pleine forme =)! Venez découvrir la routine d’une ordinary girl qui souffre de douleur chronique au dos mais qui a décidé de croquer la vie à pleine dents et de se battre contre la maladie quoi qu’il arrive 🙂 !

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 22 mars 2020

TAG, le livre de GHISLAIN TASCHEREAU

*Il vous est garanti que le corps de la cible
disparaîtra et ne sera jamais retrouvé…
puisque je n’ai rien contre le bénévolat,
sachez que… UN DÉFAUT DE PAIEMENT
VOUS SERAIT FATAL.*
(Extrait : TAG, Ghislain Taschereau,  Les Éditions
Goélette, édition de papier, 265 pages)

Tag est un tueur à gages. Il a deux problèmes principalement : il méprise l’humanité en général et l’être humain en particulier et souffre d’un énorme sentiment de frustration. Le tueur à gages serait-il devenu sensible ? Pas nécessairement. Tag ne sait pas encore si tous les humains méritent la mort ou si on peut en sauver quelques-uns. Il ne va pas tarder à le découvrir grâce à une expérience étonnante qu’il prépare avec un soin méticuleux et exécute avec un exceptionnel souci du détail. Cette expérience en est une de déconditionnement. Tag est-il un fou dangereux ou encore un justicier irréaliste ?

HUMAINE DÉMENCE
*Il fit vite coulisser la portière de la fourgonnette
et prit la tête du juge dans un étau. Dizcoti glapit
tandis que TAG le halait à l’intérieur du véhicule.
Sa mauvaise forme physique fit en sorte qu’il
s’éteignit facilement et rapidement…*

(Extrait : TAG)

Ghislain Taschereau nous livre cette fois l’histoire de Loïc L’Heureux appelé TAG, un tueur à gage misanthrope et froid qui n’a qu’un rêve, et il s’en fait même un objectif : détruire l’humanité : *Il faut que je parvienne à la grande extinction. Je ne veux plus avoir mal à mon espèce. * (extrait)

D’ailleurs Tag ne tue pas. Il *éteint*. Dans sa mentalité, ce n’est pas du tout la même chose. Vous aurez compris que TAG voue une haine profonde pour l’humanité : *Je hais les humains. Ces ordures me font regretter de faire partie de leur sale race. Je les hais tous profondément et avec attention. * (Extrait)

Dans l’évolution du récit, TAG consacre son temps principalement à trois activités : remplir des contrats *d’extinction*, déconditionner des humains, c’est-à-dire les remettre sur la bonne voie selon les critères de TAG et enfin, travailler à son grand projet d’extinction de l’humanité.

Première chose importante : Taschereau a vraiment bien travaillé son personnage. Malgré toute la haine qu’il peut cracher, la psychologie du personnage ne m’a pas repoussé. Je veux en dévoiler le moins possible parce que lire TAG, c’est aller de découverte en découverte. Devant l’impossibilité de réaliser son rêve, TAG devient un expérimentateur.

Sa haine est manifeste mais sa recherche du bon m’a semblé évidente. En fait Taschereau nous décrit un esprit à la dérive un peu comme s’il prenait un pot à la santé de la connerie humaine. TAG est un personnage recherché et profond. Sa psychologie est complexe mais ses motivations sont limpides.

Dans une entrevue accordée au Journal de Montréal en 2014, Ghislain Taschereau expliquait à la journaliste Marie-France Bornais qu’en créant TAG, personnage habité par la haine et la violence, il voulait provoquer une prise de conscience de la bêtise humaine.

Il a donc donné à son personnage les moyens, la rigueur et la froideur pour y parvenir. Autre force majeure du livre, son auteur a su entretenir l’intrigue jusqu’à la finale probablement parce que le personnage lui-même EST une intrigue.

Malgré tout, l’auteur l’a mis en position d’être compris à certains égards par le lectorat. En effet, qui n’a pas rêvé tôt ou tard de débarrasser l’humanité de sa mauvaise graine : meurtriers, violeurs, pédophiles, dictateurs sanguinaires et autres… loin de moi l’idée d’excuser le personnage mais je suis sûr que les lecteurs et lectrices vont trouver dans le récit un petit quelque chose qui va venir s’ajuster à leur philosophie sociétale.

Enfin un dernier point à signaler : l’auteur fait preuve d’un certain humour dans son livre et je ne me limite pas au fait que c’est toute la société qui est tournée en dérision mais sa façon de s’exprimer, surtout dans ses comparatifs m’a arraché quelques sourires :

*Quand TAG s’enquit de l’endroit où se trouvaient les *internets* rapides, une vieille serveuse, maquillée comme un clown qui se serait voulu sexy lui désigna trois petites portes…* (Extrait)

J’ai toujours aimé cette façon de mettre de l’humour dans un texte, aussi dramatique puisse-t-il être. Quant à la finale, je dirai que dans le dernier quart, le récit prend toutes sortes de directions et perd de sa spontanéité. Le personnage principal se cherche, allant d’idée en idée. Toutefois, Les trouvailles qu’on y fait, issues d’un esprit qui dérape complètement garde le lecteur dans le coup jusqu’au puissant et dramatique point final.

J’ai aimé ce livre et je le recommande. Je n’ai pas vu le temps passer. Il se lit très vite. Il est accrochant, à la rigueur troublant. L’histoire est assortie, peut-être même enrichie d’une vision ironique, voir acide que l’auteur se fait de la Société. J’ai trouvé l’ensemble original…à lire.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison

Ghislain Taschereau est un comédien, humoriste, réalisateur et auteur québécois né en 1962. Sa carrière d’humoriste est extrêmement substantielle. Elle a commencé en 1989 comme scripteur à l’émission 100 LIMITES, un bulletin de nouvelles plutôt mordant qui était diffusé à TQS. Fort de cette première aventure, Taschereau a enchaîné avec Bob Binette, les Bleus poudre et j’en passe.

Sur le plan littéraire Ghislain Taschereau a connu un succès flatteur avec un personnage qu’il a créé, L’INSPECTEUR SECTEUR qui a ceci de particulier, que pour être le meilleur inspecteur de police de la planète pendant toute sa vie il a invoqué Satan involontairement et lui a vendu son âme sans à peine s’en apercevoir. Cette création a valu quatre best-sellers à Taschereau.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche premier décembre 2019

FRANKENSTEIN, le classique de MARY SHELLEY

*Sa stature gigantesque, la difformité de son aspect, trop hideux pour appartenir à l’humanité, m’apprirent sur-le-champ que c’était le misérable, l’épouvantable démon à qui j’avais donné la vie.* (Extrait FRANKENSTEIN, Mary Shelly, édition originale : 1818,
pour la présente réédition, Les Éditions du 38, 2015, édition numérique, 200 pages num.)

   

FRANKENSTEIN OU LE PROMÉTHÉE MODERNE raconte l’histoire de Victor Frankenstein, un jeune savant suisse passionné de physique et fasciné par les effets de la foudre.

Un jour, Frankenstein décide d’actualiser ses connaissances scientifiques jugées par ses tuteurs scientifiques faussées et faibles. Il va même les propulser vers l’avenir en utilisant l’énergie fantastique de la foudre et son esprit devenu un peu torturé pour créer, à partir de chairs mortes, un être vivant.

Ça fonctionne, mais l’être qu’il crée, quoique doué d’intelligence est affreusement hideux au point que Frankenstein l’abandonne et disparaît. Furieux d’avoir été rejeté par son créateur et persécuté par la société, la créature traquera son père. Victor Frankenstein sera finalement recueilli sur la banquise par un navire faisant route vers le pôle nord. Un face à face semble inévitable…

ANIMÉ PAR LE FEU DU CIEL
*Mes machinations criminelles ont donc eu
 raison de ton existence, mon cher Henry!
 J’ai déjà détruit deux êtres humains. D’autres
 victimes vont encore succomber!*
(Extrait)

Mon exploration de la littérature classique se poursuit cette fois avec Frankenstein de Mary Shelly, un livre qui a beaucoup frappé l’imaginaire depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à nos jours car le thème central tourne autour du pouvoir de donner la vie et la mort.

Je n’ai pas été déçu mais j’ai été surpris, étonné de constater à quel point l’œuvre de Mary Shelly a été galvaudée et mal comprise. Je me réfère ici aux très nombreuses adaptations de Frankenstein pour le cinéma et la télévision.

D’abord résumons. Ce livre raconte l’histoire de Victor Frankenstein qui, émerveillé par la puissance de la foudre et obsédé par une théorie scientifique, réussit à créer, à partir de chairs mortes, un être vivant. Victor ne lui a pas donné de nom. On parlera de lui comme étant le monstre de Frankenstein. Monstre parce que l’être que Victor a créé est immense, difforme, laid, hideux.

Victor rejette sa créature qui, elle, ne l’accepte pas. Le monstre demande à son créateur de créer une créature femelle à son image en échange de quoi il disparaîtra complètement de sa vie. Frankenstein refuse. Alors la créature se vengera sur tous les proches que Frankenstein aime.

C’est tout. L’histoire n’explique pas comment a été créé le monstre, comment et où le docteur allait chercher les organes, les parties de corps. L’histoire n’explique pas non plus, ou très peu comment le monstre exerçait sa vengeance sur les proches de Frankenstein.

L’histoire commence alors que le docteur pense entrevoir sa créature et bâtit secrètement des plans pour l’éliminer. Quant à la finale, elle est loin d’être aussi spectaculaire que ce à quoi le septième art nous a habitué.

En fait, ce livre repose essentiellement sur la honte et les regrets du bon docteur Frankenstein ainsi que sur une singulière haine que se vouent mutuellement la créature et son créateur. Voici un exemple, extrait d’un plaidoyer de la créature à son créateur. Il fait plus que dire son mépris, il crache sa haine :

*Tout ce qui concerne mes origines maudites y est consigné. Chaque détail de cette chaîne de faits horribles est mis en relief. Et y est donnée aussi la description précise de mon odieuse et repoussante personne, en des termes qui accusent ta propre horreur et qui rendent la mienne indélébile. J’étais dégouté en lisant cela. «Maudit soit le jour de ma naissance ! » m’écriai-je.* (Extrait)

Au-delà d’un récit au rythme lent et très redondant à mon avis, le livre véhicule un beau schéma de pensée sur la vie, la mort, l’amertume de la vengeance et, dans un cadre plus moderne, les risques d’une recherche scientifique non encadrée et la mise en perspective de l’éthique.

Il y a un élément en particulier qui m’a agacé : de la création du monstre jusqu’à la conclusion du livre, il s’écoule trois années. Or, lors d’une longue histoire que la créature raconte à son créateur, je me suis aperçu très vite que le monstre s’exclamait dans un français haut de gamme et faisait preuve d’une érudition qu’il faudrait une vie entière pour atteindre. Cette histoire était en fait une supplique.

Le monstre insistait pour que Frankenstein crée une réplique féminine. Comment une créature qui ne sait ni lire ni écrire peut déclamer à ce point dans un français aussi impeccable. Pour moi, c’est une incohérence.

Je crois que c’est le cinéma qui a fait la notoriété du livre il ne s’est pas encombré des lamentations du docteur ni du français haut perché de sa créature.

Les performances de Boris Karloff en particulier et les investissements de la Hammer ont frappé de plein fouet l’imaginaire collectif et ont dénaturé l’œuvre de Mary Shelly, faisant du monstre de Frankenstein l’œuvre la plus adapté au cinéma avec Dracula et Tarzan.

Sans être un chef d’œuvre, Frankenstein demeure pour moi un classique de la littérature. Ne vous attendez pas à de l’action, il n’y en a pas…pas plus que des scènes d’horreur et des bains de sang. Ce livre est d’abord l’histoire d’un homme qui s’accuse et c’est surtout sa teneur philosophique qui m’a intéressé.

Mary Godwin (1797-1851) est une écrivaine britannique née à Londres. En 1816, Mary épouse le poète Percy Shelley. La même année, Mary se met à l’écriture et entreprend son roman FRANKENSTEIN qui sera publié en 1818. Après la mort de son mari, Mary Shelley se consacre entièrement à sa carrière d’écrivaine et fait publier ses œuvres ainsi que celles de son mari. Des œuvres qui seront sensiblement mises dans l’ombre par son célèbre FRANKENSTEIN qui deviendra aussi un des leviers ouvrant la voie à la science-fiction moderne. Mary Shelly est morte en 1851 à l’âge de 53 ans.

FRANKENSTEIN AU CINÉMA

                  
1931                                           1957                                          1970

Boris Karloff a été le premier à interpréter Frankenstein dans l’adaptation cinématographique de 1931 produite par Universal. Sa prestation influencera toutes les incarnations futures du monstre. Les productions télé de 1973 et long métrage de 1994 sont beaucoup plus proche du roman. Quant à Boris Karloff, on peut dire qu’il aura marqué l’imaginaire collectif.

Nous verrons dans d’autres adaptations de FRANKENSTEIN des contemporains de Karloff briller à l’écran : Christopher Lee (Frankenstein s’est échappé), Peter Cushing jouant le docteur dans les productions de la Hammer films, Lon Chaney jr (Le fantôme de Frankenstein) et bien sûr Bela Lugosi (Frankenstein rencontre le loup-garou)

  

                       1935                                                    2015

La production de 1935 remet en scène Boris Karloff. Il faut rappeler que dans l’œuvre de Mary Shelley, le docteur Frankenstein avait effectivement une fiancée.  Quant à la production de 2015, elle nous donne l’occasion de revoir Daniel Radcliffe qui joue autre chose qu’Harry Potter.

BONNE LECTURE
Jailu
Le dimanche 24 février 2019