1794

Commentaire sur le livre de
Niklas Natt Och Dag

*…Les orbites n’étaient plus que des flaques rouges, la mâchoire pendait de travers et il ne restait plus qu’une bosse pleine d’éclats d’os à la place du nez. Dawis s’accouda au-dessus de lui pour écouter le gargouillis de sa respiration, puis haussa les épaules et lança des regards entendus aux spectateurs, qui tous se retournèrent démonstrativement tandis que l’aubergiste plaquait sa large main sur la bouche et le nez. L’homme à terre, à peine conscient, tenta gauchement de résister, mais Dawis le berça jusqu’à ce que ses talons cessent de marteler le sol et que sa respiration se taise. *

Extrait : 1794, de Niklas Natt Och Dag. Édition de papier : Pocket éditeur, 2022, 640 pages. Format numérique : Sonatine éditeur 2021, 504 pages, Version audio : Lizzie éditeur, 2022. Durée d’écoute : 13 heures 16 minutes. Narrateur : Martin Spinhayer.

Les fosses de la dépravation

Un jeune noble ado, Erik de Trerozar tombe amoureux d’une fille de fermier, Linnea Carlotta et veux l’épouser. Le père d’Erik s’oppose à cette union et envoie son fils à l’île de Saint-Barthélemy, un centre international de transactions esclavagistes. Erik y fait la rencontre d’un truand appelé Tycho Cetton. Erik s’enfuie de Saint-Barthélemy pour retrouver sa belle. Le mariage a lieu mais ne sera jamais consommé.

Le soir, après la cérémonie, la soirée est fortement arrosée. Le lendemain, Linnea est retrouvée morte, assassinée d’une horrible façon. Erik, encore dans les vapeurs, ne se rappelle de rien. On conclut à une attaque de loup, ce qui est parfaitement ridicule. La mère de Linnea n’en croit rien et fait appel à Jean-Michael Cardel, enquêteur invalide de guerre mais talentueux pour faire la lumière sur ce meurtre d’une cruauté barbare.

Cardel, qui doit déjà composer avec un passé tortueux n’aura pas le choix d’affronter ses démons car ses investigations vont le mener vers une secte étrange dans un mystérieux orphelinat sans compter les manœuvres tordues de Cetton. Toute l’horreur de la vérité risque de lui laisser un goût amer.

C’est un roman très noir, glauque qui tranche par son atmosphère opaque. On plonge d’abord dans le quotidien misérable de la Stockholm du XVIIIe siècle, un dépotoir malfamé indescriptible qui n’a rien à voir avec la capitale suédoise d’aujourd’hui, puis dans la fange et les fosses de l’île de Saint-Barthélemy ou les africains débarqués en esclave sont traités comme des marchandises. C’est sans compter sur l’épais mystère qui pousse Cardel vers une découverte lourde et douloureuse.

C’est un roman cru et dérangeant sous plusieurs aspects. Par exemple, l’esclavagisme y est traité avec une légèreté choquante et l’ensemble est plutôt sanglant. Le récit ne laisse pas indifférent mais il est un peu irritant de par sa structure. Je peux comprendre plusieurs lecteurs de la masse critique de ne pas avoir terminé le roman.

On dirait que l’auteur a déployé un concentré d’imagination dans la première moitié de l’histoire. Par la suite, l’intérêt décroît. Le fil conducteur ne tient plus. Ça devient lourd avec des longueurs, des palabres inutiles et de nombreux passages invraisemblables.

Heureusement, j’ai pu m’attacher à Cardel. C’est un boudin. Terme irrévérencieux utilisé à l’époque pour définir un policier un peu comme le terme *poulet*, terme utilisé de nos jours même s’il est devenu archaïque J’ai éprouvé de l’empathie pour ce personnage malmené par la vie, pour sa sincérité, son opiniâtreté et sa clairvoyance.

Enfin, c’est un roman très dur et sa finale m’a un peu laissé sur mon appétit. L’histoire m’a semblé non aboutie. L’ensemble est complexe et accuse parfois de la dilution. La force réside dans les personnages, Cardel en particulier et la reconstitution historique m’a semblé sans faille. Bref, donnez-vous du temps et soyez patient.

Suggestion de lecture : EN SACRIFICE À MOLOCH, d’Asa Larsson

 
La série


L’auteur : Niklas Natt Och Dag

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 15 novembre 2025

La nuit des enfants rois

Commentaire sur le livre de
BERNARD LANTERIC

*Le garçon que j’ai découvert, avant que je n’épouse sa mère, n’avait pas encore réussi à maîtriser- ou à effacer, j’ignore quelle explication est la bonne- l’invraisemblable violence qu’il porte en lui. *
(Extrait : LA NUIT DES ENFANTS ROIS, Bernard Lenteric, Olivier Orban éditeur, 1992,
Format numérique pour la présente, 294 pages.)

Une nuit, dans Central Park, à New York : sept adolescents sont sauvagement agressés, battus, certains violés. Mais ces sept-là ne sont pas comme les autres : ce sont des enfants-génies. De l’horreur, ils vont tirer contre le monde une haine froide, mathématique, éternelle. Avec leur intelligence, ils volent, ils accumulent les crimes parfaits. Car ces sept-là ne sont pas sept : ils sont un. Ils sont un seul esprit, une seule volonté. Celui qui l’a compris, Jimbo Farrar, lutte contre eux de toutes ses forces. A moins qu’il ne soit de leur côté… Alors, s’ils étaient huit, le monde serait à eux et ce serait la nuit, la longue nuit, La Nuit des enfants rois.

Quelque chose a dérapé
*-Ils veulent nous tuer tous les deux Ann. Toi et moi…
-Ils allaient te tirer dessus. Ils l’auraient fait si je ne
t’avais pas appelée…-Ils arrivent, dit Jimbo, chucho-
tant à son oreille. Elle se retourna et vit les sept qui
sortaient de l’ombre. *
(Extrait)

Dès le début de ma lecture, un petit frisson d’angoisse s’est installé dans ma colonne vertébrale et y est resté jusqu’à la fin. Malgré sa structure bizarre et son développement quelque peu déficient, ce roman a de quoi faire frémir.

L’ordinateur le plus puissant du monde appelé Fozzy et créé par un informaticien de génie, Jimbo Fararr, repère dans le monde sept enfants dont l’intelligence est quasi surnaturelle. Ce repérage a été fait dans le cadre du programme CHASSEUR DE GÉNIE développé par la fondation Killian. Chaque année, Jimbo prend contact avec chaque enfant, chaque année jusqu’à leur adolescence.

Chaque enfant ne connait aucun des six autres…jusqu’à leur adolescence où la Fondation les réunit à New-York. Un soir, alors que les sept se trouvaient à Central Park pour apprendre à se connaître, ils sont brutalement agressés et violés pour certains. C’est alors que tout bascule. À la fin de ce drame, *Les sept n’échangèrent pas un mot. Ils n’auraient désormais plus besoin de se parler pour se comprendre. * (Extrait) Car les sept étaient mus par un seul et même esprit.

*Ce qui est arrivé à Central Park a scellé l’union des sept. La fraternité dans la haine. *  (Extrait) À l’arrière-plan de cette sinistre toile…des idées d’apocalypse. Une abomination était née. Avec leur intelligence hors-norme, ils arnaquent et tuent. Et les cadavres s’accumulent.

Fararr connaissait l’énorme pouvoir des sept car il est clair qu’il faut les mettre hors d’état de nuire. L’intrigue ici est de savoir dans quel camp se trouve Fararr. Si c’est dans celui des sept, ils seraient maintenant 8 et ce serait un inimaginable désastre.

Ce livre a été réédité de nombreuses fois depuis sa publication initiale en 1981. Avec le temps, j’ai l’impression que le contenu a été modifié voir tassé. L’édition que j’ai lue comporte des longueurs pénibles portant entre autres sur les arnaques bancaires. Il y a aussi des imprécisions et des éléments manquants. Rien sur la psychologie des jeunes génies, leur passé, leur histoire. Aussi, le rôle de Fararr n’est pas toujours clair. Enfin, j’ai trouvé la finale étrange, dégageant un parfum d’inabouti.

J’ai remarqué que la masse critique est divisée sur l’archaïsme de l’informatique dont il est question dans le récit. Moi je crois que les dangers de la surexploitation technologique et informatique n’ont pas d’âge. Le principe a toujours été le même et dans le récit de Lanteric, ça ne change rien. Sept petits génies ont un pouvoir conjugué tel que le monde entier est en danger.

Le génie de Lanteric a été d’installer dès le départ une atmosphère anxiogène et de la conserver tout au long du récit mettant en relief le pouvoir diabolique des sept éclos après l’évènement de Central Park qui est le point de bascule de l’histoire. La précision des meurtres et la cruauté froide et indifférente qui suivront sont à faire blanchir les lecteurs/lectrices.

Malheureusement, l’aspect dramatique de l’histoire est quelque peu noyé dans les interminables palabres sur les arnaques financières, les itinéraires compliqués des voyages de Fararr et la complexité des relations entre Jimbo et deux femmes.

Malgré tout, j’ai aimé. Ce livre m’a fait un effet…disons plutôt décoiffant…

Suggestion de lecture : LES ENFANTS DE MINUIT, de Salman Rushdie

Bernard Lenteric, nom de plume de Bernard Bester, né à Paris le 19 janvier 1934 et mort dans la même ville le 24 mars 2009, de la maladie de Charcot, est un écrivain et un producteur de cinéma français, auteur de nombreux best-sellers. Par exemple, Bernard Lenteric publie en 1993 Les Maîtres du pain, une saga familiale adaptée la même année à la télévision en deux parties. Il a également publié L’Empereur des rats, un roman fantastique qui met en scène des rats transgéniques. Pour ce roman, il s’est inspiré des Fourmis de Bernard Werber, après lui en avoir demandé l’autorisation.

DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 1er novembre 2025

Deux contes interdits

PETER PAN de Simon Rousseau

Et
LA PETITE SIRÈNE de Sylvain Johnson

Une vague de drogués se jetant du haut d’immeubles, croyant pouvoir voler. Des disparitions. Une île perdue dans la forêt boréale, habitée par une communauté déjantée et leur leader sans âge. Une baronne du crime nymphomane et amoureuse des bijoux en forme de clochettes. Un enquêteur médisant dépourvu de sa main droite, dévorée par un cannibale qui hante encore ses nuits. La réécriture la plus sombre du conte classique » Peter Pan »

 

Cette version moderne de La petite sirène plonge dans les bas-fonds de la nature humaine et de l’horreur. Un conte d’espoir, de perdition, de déchéance, où sont exploités les plus bas instincts qui animent les hommes. Il faut parfois savoir accepter notre destin au risque de déclencher des évènements irréversibles…Un père alcoolique qui tente de noyer son enfant difforme…Un couple de monstres de foires en cavale, poursuivi par un policier corrompu, au service d’un juge pervers. Une mystérieuse attraction montréalaise, le palais des nains, qui cache des abominations, d’absurdes personnages de cauchemars aux intentions machiavéliques.

Le cœur de l’horreur
(Encore et toujours)

C’est sans doute le dernier commentaire que je fais sur des livres de cette série. Je me sens saturé car la tendance gore est peu renouvelable. La série regroupe des contes revisités ou détournés de façon à mettre en exergue la vision la plus glauque de l’esprit humain.
Nous avons maintenant des récits qui inspirent le dégoût et l’horreur dans les thèmes typiques du genre : pédophilie, gore, voyeurisme, drogue, prostitution et même cannibalisme…j’en passe. La sensibilité de beaucoup de lecteurs risque d’être carrément violée.

C’est pratiquement du pareil au même d’un récit à l’autre. On a pratiquement fait de cette série une culture du mauvais goût. J’ai apprécié au début, mais le genre est statique, peu évolutif. En fait, c’est la redondance qui m’a saturé. Dans Peter Pan de Simon Rousseau, une drogue qui rend totalement abruti et dépendant fait l’objet d’un odieux trafic. On y trouve un tueur en série, une nymphomane cruelle et vicieuse et bien sûr Peter Pan, abusé dans sa jeunesse, devenu gore, violent, sanguinaire.


Le récit est composé d’histoires imbriquées, pas de fil conducteur et les ingrédients qui sont la signature habituelle des Contes interdits : cruauté, violence, torture, bestialité et du sang à la tonne. Rien de neuf. J’ai trouvé LA PETITE SIRÈNE de Sylvain Johnson mieux structurée. C’est évidemment très gore, ça lève le cœur par moment, mais il y a un fil conducteur et la petite sirène a un objectif précis.
Ici, nous avons une jeune fille atteinte du syndrome de la sirène appelé sirénomélie, une maladie fœtale très rare qui se caractérise par une fusion des membres inférieurs qui rappelle une queue de poisson.

L’objectif de la petite sirène est clair : se faire greffer une belle paire de jambes flambant neuves. Mais ce rêve devient un cauchemar car la petite deviendra victime des pires bassesses humaines. Pas de pitié, pas d’empathie.
L’histoire a une certaine originalité et sa composition fait qu’elle est facile à suivre. À part cet attribut quand même important, c’est aussi glauque et sulfureux que les autres livres de la série. Comme d’habitude, ça finit mal et comme d’habitude, le récit est truffé de passages dégeulasses de nature à soulever le cœur.


J’ai le plus grand respect pour les amateurs de gore Mais en ce qui me concerne, je suis heureux de passer à autre chose.

Suggestion de lecture : GORE STORY, de Gilles Bergal



L’auteur Simon Rousseau                    l’auteur Sylvain Johnson

Le 31 octobre 2021, le site internet fillesdejoual.com a publié un article extrêmement intéressant signé Withney St-Onge B.

Le dossier résume et analyse le succès foudroyant de la série des CONTES INTERDITS. Pour lire le dossier et avoir accès aux résumés des 25 contes interdits, cliquez ici. Vous ne serez pas déçu.

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le vendredi 29 août 2025

RAIPONCE, L.P. Sicard

<Elle entendait chaque millilitre d’hémoglobine s’égoutter des pointes repues et éclater au plancher, chaque respiration rauque de son latent assassin et le subtil crépitement de la glace que le sang chaud faisait craqueler.>

Extrait : RAIPONCE, de L.P. Sicard, ADA Éditeur 2018, édition de papier, 192 pages. Version audio : ADA AUDIO-SGNT média éditeur, 2020, durée d’écoute : 5 heures 13 minutes. Narrateurs-comédiens : Frédérik Zacharek, Danièle Panneton, Catherine De Sève, Jean-François Beaupré, Tristan Harvey, Elisabeth Gauthier Pelletier, Lisanne Lafontaine, L.P. Sicard

Des contes revisités qui mettent en exergue la vision la plus glauque de l’esprit humain. Nous avons maintenant des récits qui inspirent le dégoût et l’horreur dans les thèmes typiques du genre : pédophilie, gore, voyeurisme, drogue, prostitution et même cannibalisme…j’en passe. La sensibilité de beaucoup de lecteurs risque d’être carrément violée.  (Extrait d’un article de JAILU publié en février 2021, commentant la série LES CONTES INTERDITS.)

Gore et choquant

Comme tous les livres de la série CONTES INTERDITS, RAIPONCE est réservé à un public averti. Mais alors là, vraiment averti…c’est-à-dire prêt à mettre de côté les critères du bon goût et plonger dans les profondeurs de l’horreur et goûter à tout ce qui est noir et tordu.

C’est, pour moi, un des récits les plus intenses de la série quoique j’y ai trouvé peu d’affinité avec le conte original des frères Jacob et Wilhelm Grimm. Quoiqu’il en soit, les amateurs de gore y trouveront largement de quoi se satisfaire : du sang, de la peur, de la violence, des esprits détraqués. Bref, du trash qui va d’abomination en abomination. De l’horreur…rien que de l’horreur sans répit.

La plume est acide, directe et crue. L’auteur va jusqu’à décrire dans les détails une scalpation…un des passages les plus glauques du récit. Fermez les yeux et imaginez-vous un instant qu’on vous arrache le cuir chevelu…horreur en profondeur. 190 pages de frissons et de poils dressés.

La version sonore canalise davantage la terreur et l’amplifie à cause des effets sonores et de la musique, le tout parfaitement ajusté avec le caractère choquant de l’histoire. De plus, j’ai trouvé la narration particulièrement impressionnante. Que ce soit papier ou audio, si vous êtes trop impressionnable, abstenez-vous.

Quant à l’histoire comme telle, elle est vraiment bien écrite. Sicard manie les mots en maître et aucune page de son livre n’est délestée de cruauté. Il a les mots justes qui secouent le lecteur et entretient la tension tout au long de la lecture pouvant jusqu’à provoquer un malaise.

Dans ce livre, qui tranche par son réalisme, beaucoup de mots vont au-delà de leur définition et certains agencements rappellent la poésie d’une certaine façon. Je me réfère en particulier aux figures de style. C’est très personnel comme point de vue. D’une façon ou d’une autre, RAIPONCE ne laisse pas indifférent.

C’est un livre terriblement descriptif. San être emballé, j’ai assez aimé…

Suggestion de lecture : Coup d’œil sur la série CONTES INTERDITS

Louis-Pier Sicard est un écrivain québécois né en 1991. Il obtint un baccalauréat en éducation physique en 2014. Il est inscrit à la maîtrise en études littéraires tout en travaillant, depuis 2012, comme enseignant suppléant en éducation primaire. Gagnant du premier prix mondial de poésie francophone des 15-25 ans en 2014, il a publié un premier recueil en 2013, Les Amants de l’abîme, et a entrepris la publication d’une série fantastique, Félix Vortan, dont le premier tome obtient le Grand prix jeunesse des univers parallèles.

La série CONTES INTERDITS
en développement

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE DIMANCHE 24 AOÛT 2025

Le monstre de Kiev

Commentaire sur le livre de
SYLVAIN JOHNSON

<Il n’eut droit à aucun procès et fut rapidement surnommé ―le monstre de Kiev― par les journaux et les citoyens, qui parleraient de son crime pendant des mois. D’autres agressions inexpliquées sur des enfants lui furent rapidement attribuées, sans la moindre preuve. Le lendemain, il était déjà en route pour le goulag, le fameux système carcéral de camps de travail. >

Extrait : LE MONSTRE DE KIEV, Sylvain Johnson, ADA éditeur, 2018, collection Corbeau, édition de papier, 445 pages.

Grigori Tarasovski, un condamné au goulag pour un horrible crime qu’il n’a pas commis, découvre la violence et la folie de son espèce au sein des camps de prisonniers. Toutefois, il s’aperçoit que l’enfer de Sibérie cache autre chose: des entités innommables, monstrueuses, nées d’une légende antique. La source de leur création – et de leurs pouvoirs – est tout près. Une source capable de changer le destin des hommes. Et de les détruire.

Note :
GOULAG : organisme central gérant les camps de travail forcé en Union soviétique. La police politique placée à la tête du système pénal développa le Goulag comme instrument de terreur et d’expansion industrielle. Cette administration pénitentiaire connut une croissance constante jusqu’à la mort de Staline, à mesure que de nouveaux groupes étaient incarcérés et déportés, et que ses prérogatives économiques se développaient. <Wikipédia>

 

L’horreur né du goulag

Quoiqu’original, LE MONSTRE DE KIEV est un roman dur, violent et d’une grande noirceur car on y plonge dans l’atmosphère de la Russie Stalinienne des années 1930 alors que le peuple était écrasé par la paranoïa et la délation. On plonge aussi dans le quotidien d’un goulag, celui de Kolyma, une prison-mouroir sibérienne, basse œuvre d’un régime politique cancéreux.

Je pourrais dire que l’histoire est en deux parties mais son caractère surnaturel est tellement manifeste qu’il est plus juste de dire que l’histoire se déroule en deux temps parallèles mais elle deviendra plus claire pour les lecteurs quand les deux existences s’imbriqueront.

On suit Grigori Tarasovsky, injustement condamné au Goulag, milieu carcéral sibérien d’une inimaginable cruauté qui transformera Grigori en monstre cruel et sans pitié. Une chaîne d’évènements mettra Grigori en présence d’enfants à l’apparence de spectres, venus de nulle part et qui doivent leur subsistance à une entité nommée *la Source* et qui doit être protégée à tout prix.

Par la suite, après avoir hérité de l’énigmatique médaille de Saint-Christophe, Tarasosvky changera de temps et d’espace grâce au concours de deux petites filles : Svetla et Tania, jusqu’à une rencontre ultime, à Montréal. Rongé par un cancer, menacé par la redoutable mafia russe, Grigori ne se doute absolument pas de ce qui est prévu pour lui, par la source…

Sachant que l’auteur, Sylvain Johnson est membre du collectif des CONTES INTERDITS, je craignais un récit gore, aux limites du supportable. Ce ne fut pas le cas. Bien sûr, la plume est crue, directe et froide, mais le récit dans l’ensemble est original. L’histoire est captivante et le style de l’auteur m’a plu.

Toutefois, l’épilogue m’a semblé un peu anarchique et la finale un peu prévisible concernant le destin de Grigori Tarasovsky. Si l’évolution du personnage principal est relativement facile, je ne peux en dire autant des créatures en général et de la Source en particulier. Des détails manquent à ma compréhension. L’aspect surnaturel est indéniable, mais, me semble-t-il, sensiblement sous développé.

Dans l’ensemble j’ai aimé ce livre. Il est bien documenté et m’a appris des choses et bien sûr, il m’a fait frissonner. Bref, c’est une histoire d’horreur qui m’a fait de l’effet.

Suggestion de lecture du même auteur : UN DIEU PARMI LES HOMMES


L’auteur Sylvain Johnson

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 juin 2025

LES OISEAUX

Commentaire sur le recueil de
DAPHNÉ Du MAURIER

<Il cria en agitant les bras et les dispersa; comme le premier oiseau, ils s’envolèrent et disparurent par-dessus le toit. Il laissa vivement retomber la vitre de la fenêtre à guillotine et la ferma. -Tu as entendu ça ? dit-il. Ils m’ont attaqué, ils voulaient me crever les yeux. > Extrait : LES OISEAUX ET AUTRES NOUVELLES, Daphné Du Maurier, Albin Michel éditeur, 1953 et 1988. Édition de papier, 327 pages.

LES NOUVELLES :

Les Oiseaux : Sans raisons apparentes, des nuées d’oiseaux attaquent des maisons, puis un village. Les agressions s’étendent. La guerre aux humains semble déclarée.

Le pommier : Un veuf associe mentalement un vieux pommier de son jardin à son épouse récemment décédée. À côté du vieil arbre se trouve un jeune pommier qui rappelle à l’homme une fille qu’il a aimée. Le vieux pommier en voudrait-il à l’homme ?

Encore un baiser : Des aviateurs sont tués, supposément par une femme activement recherchée. Malheureusement, le héros de l’histoire s’est trouvé sur son chemin.

Le vieux : Près d’un lac, un homme observe à distance un vieux couple dont il est impossible de percer l’intimité jusqu’à ce qu’un évènement tout à fait inattendu renverse complètement l’observateur.

Mobile inconnu : Un détective privé enquête sur le suicide d’une jeune femme. Ce qu’il apprend est désarmant. Ce qu’il dira au père de la jeune suicidée est tout à fait inattendu.

Le petit photographe : une femme de la haute société mais tout à fait insignifiante, s’ennuie dans son couple. Pour mettre du piquant dans sa vie, elle prend un amant qu’elle va manipuler cruellement, pour s’amuser et passer le temps. Mais ça ne se terminera pas du tout comme elle l’espérait.

Une seconde d’éternité : Au retour d’une promenade, une femme ne reconnait plus sa maison et observe à sa grande surprise que la maison est occupée. La police l’emmène au poste. Personne ne semble reconnaître cette femme. Quelque chose a dû se passer pendant la promenade…

Au cœur de la nuit, le vent d’est cingle la falaise. Entre deux rafales, des nuées d’oiseaux cognent aux vitres. Mais ce n’est pas la peur qui les précipite avec une telle force vers le monde des hommes…

On retrouvera ici – et pas moins terrifiant – le récit qui inspira son chef-d’œuvre au maître de l’angoisse, Alfred Hitchcock.

Dans les autres nouvelles de ce recueil, l’horreur se fait plus insidieuse, le fantastique à peine étranger au réel. Il suffit d’un pommier à forme étrangement humaine, ou d’une ouvreuse de cinéma qu’un jeune mécanicien a envie de suivre après la séance…

La fiction que la réalité redoute

J’ai beaucoup aimé ce recueil. Les nouvelles ne m’ont pas toutes atteint de la même façon.

J’ai adoré ou simplement aimé mais aucun récit ne m’a laissé indifférent. Toutes les histoires sont imprégnées d’étrange, de mystère, de bizarre allant aux limites du surnaturel, du fantastique.

Dans chaque récit, j’ai particulièrement apprécié une petite touche d’inachevé, d’inabouti, parfaitement voulue par l’autrice. Mais elle nous laisse quantité d’indices, de clés…non pour nous permettre de résoudre le mystère mais plutôt de titiller notre libre arbitre, stimuler notre réflexion, bref nous équiper pour amener notre propre solution. Brillant.

Évidemment, la nouvelle la plus célèbre est la première : LES OISEAUX. Bien que cette nouvelle angoissante ait inspiré le célèbre film éponyme, je veux préciser ici que l’œuvre d’Alfred Hitchcok n’a pas grand-chose à voir avec la nouvelle de Daphné Du Maurier. Hitchcok s’est aussi basé sur autre chose, Un fait vécu mais explicable apparemment. Il faut lire la nouvelle car ce détail m’a sauté aux yeux.

Cela dit, LES OISEAUX occulte sensiblement les autres nouvelles et c’est un peu dommage car elles ont toutes sans exception un cachet particulier et attractif, en particulier UNE SECONDE D’ÉTERNITÉ qui m’a fait développer une forte empathie pour la pauvre madame Ellis et LE VIEUX qui m’a totalement pris par surprise.

J’admire la capacité de Daphné Du Maurier d’amalgamer aussi subtilement qu’habilement la psychologie et la conscience humaine en insérant à chacune de ses nouvelles ces éléments qui amènent le lecteur, la lectrice à plonger dans l’impossible, le hasard, la coïncidence…le surnaturel.

Brillamment écrit et fortement recommandé : LES OISEAUX et autres nouvelles de Daphné Du Maurier.

Suggestion de lecture : MALÉFIQUE LE POUVOIR DU MAL (roman du film) d’Elizabeth Rudnik


Extrait du film LES OISEAUX …voir les détails


L’auteure DAPHNÉ Du MAURIER

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 18 janvier 2025

BLOCK 46, Johana Gustawsson

<Les trois lampes torches zèbrent la fosse. Un rectangle parfait. Un mètre trente de long, cinquante centimètres de large. Du sur-mesure. Il ramasse la pelle, la charge de terre et en arrose le trou. Une seule pelletée et les jambes sont déjà recouvertes; on ne voit plus que les orteils. Des orteils doux comme des galets, froids comme des glaçons, qu’il aimerait toucher du bout des doigts…>
Citation : BLOCK 46 de Johana Gustawsson. Pour la lecture de ce livre, j’ai utilisé un support numérique. Bragelonne éditeur, 2015, 56 pages.

 

Association française Buchenwald-Dora Falkenberg, Suède. Le commissaire Bergström découvre le cadavre terriblement mutilé d’une femme. Londres. Profileuse de renom, la ténébreuse Emily Roy enquête sur une série de meurtres d’enfants dont les corps présentent les mêmes blessures que la victime suédoise : trachée sectionnée, yeux énucléés et un mystérieux Y gravé sur le bras. Étrange serial killer, qui change de lieu de chasse et de type de proie…

De l’insoutenable en bloc

C’est une histoire d’une incroyable noirceur. Le potentiel descriptif de la plume donne froid dans le dos. Et la corde est sensible car les victimes sont des enfants cruellement torturés avant de mourir. L’enquête est confiée à Emily Roy, une profileuse canadienne et Alexis Castel, une écrivaine spécialisée dans les tueurs en série.

Étrangement, l’intrigue prend sa source en 1944 dans un camp de concentration appelé Buchenwald. Un allemand jugé traître à son pays est interné dans ce camp : Erich Ebner est violenté et reçoit les pires corvées. À un cheveu d’être abattu, Erich est pris sous l’aile du   médecin chef du camp, un boucher sans conscience. L’auteure mène par la suite deux récits en convergence : la situation désespérée des déportés avec l’évolution d’Erich et  de son protecteur et une enquête complexe menée dans les années 2010.

Des enfants, tous issus de familles dysfonctionnelles disparaissent. Ils sont effroyablement mutilés vivants et marqués d’un mystérieux Y sur un bras. Au fur et à mesure de la convergence des récits, je suis devenu choqué, désarmé par tant de violences et de cruauté d’autant que les atrocités faites dans les camps de concentration allemands furent avérées par l’histoire. Je me suis fait à l’idée qu’il n’y a pas de frontière à la folie.

Je sais que c’est un cliché vieux comme le monde mais je l’utilise tout de même : ÂMES SENSIBLES S’ABSTENIR. C’est une histoire très bien écrite, ficelée et maîtrisée mais d’une violence innommable. Malgré tout, je rends hommage à l’auteure qui a évité le piège de la gratuité et du spectacle. J’ai été saisi d’addiction jusqu’à la finale, totalement inattendue et qui m’a proprement désarmé. C’est un roman très dur, perturbant. Plusieurs passages pourraient vous soulever le cœur d’autant que le rythme est très lent et de nature à faire mijoter et glacer le lecteur.

Un rythme lent favorise généralement la profondeur surtout qu’ici l’auteur exploite le pouvoir des mots avec une redoutable précision allant jusqu’à développer des passages qui expliquent ce que ressent la victime. Le roman est très fort et cette force se manifeste dès le début. Il m’a inspiré dégoût, horreur et colère mais force m’est d’admettre qu’il a été développé avec talent et intelligence

Est-ce qu’un roman peut-être trop bien écrit ? À vous de voir. Quoiqu’il en soit, BLOCK 46 développe avec brio un thème malsain et ne doit être lu que par des lecteurs-lectrices capables de soutenir l’insoutenable.

Suggestion de lecture : SOLEIL NOIR,  de Christophe Semont


L’auteure Joana Gustawsson

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 25 août 2024

 

LE SINGE D’HARLOW

Commentaire sur le livre de
LUDOVIC LANCIEN

*Le Centre d’Injection Supervisé. Trois mots résumant à eux seuls
l’ampleur du désastre. Un projet controversé, conspué. Une tumeur
plantée dans le cœur fatigué d’une ville…dans le but officiel de
réduire les risques sanitaires liés aux maladies infectieuses et
autres overdoses. Une manière de mettre sous cloche une gangrène
de la société… *

(Extrait : LE SINGE D’HARLOW, Ludovic Lancien,
Hugo poche éditeur, 2019, édition de papier, poche, 430 pages)

Démis de ses fonctions de commandant à la PJ parisienne, le lieutenant Lucas Dorinel vit son exil brestois comme une petite mort. Jusqu’à ce qu’un message obscur — Les Bêtes seront sacrifiées — lui rappelle ce que la mort, la vraie, a de plus terrifiant.
Car le message le conduit à un cadavre. Sauvagement mutilé. Celui d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. En s’adressant directement à lui, l’assassin réveille en Lucas à la fois son instinct de flic et sa violence. Le meurtrier et lui sont faits de la même étoffe. Prêts à combattre le mal par le mal et à traquer les Bêtes là où elles se terrent.

Combattre le mal par le mal
*Lucas repensa au discours du docteur Dubois. A l’expérience d’Harlow,
ce psychologue américain, qui démontrait que l’homme, au même titre
que tous les animaux, avait besoin de sécurité affective, à travers une
figure d’attachement, pour s’épanouir. Certains grandissaient sans cette
 figure et s’en sortaient très bien une fois arrivés à l’âge adulte. Mais tout
le monde n’était pas immunisé face à ce désastre psychique*
(Extrait)

C’est une histoire complexe. Un policier en disgrâce et en exil reçoit un obscur message qui le conduit au cadavre mutilé d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. Un message qui remet le lieutenant Lucas Dorinel en selle.

Je suis sorti de cette lecture mitigé car si le synopsis semble simple, le récit est dur à suivre. Commençons par les forces. Dans ce roman, il n’y a pas de suspense comme tel mais l’intrigue est forte. L’idée de base est intéressante même si le rituel meurtrier est issu d’un tordu décérébré et il n’est pas le seul dans cette histoire. Il y a plusieurs trouvailles dans ce récit. Il y a par exemple un geste posé par le meurtrier qu’on retrouve souvent dans la mythologie grecque, je vous le laisse découvrir évidemment.

Le lien avec le titre est aussi fort. Il fait référence à l’expérience de Harry Harlow <1905-1981>, un psychologue américain qui visait à vérifier la théorie de l’attachement de Bowlby. Pour plus de détails, allez au lien mais sachez toutefois que cette expérience sur des singes étaient d’une cruauté sans nom et serait de nos jours condamnée par l’éthique et la morale ainsi que par la loi. Vous aurez sans doute plaisir à découvrir ce que Harlow vient faire dans cette histoire et à vous de décider si vous êtes d’accord avec le principe ou pas.

Je l’ai dit plus haut, c’est pas facile à suivre. D’abord, la quantité de personnages, beaucoup trop forte inutilement donne au récit un caractère labyrinthique qui porte le lecteur au découragement. Je l’ai dit souvent. Pour un tel défi littéraire, l’éditeur devrait inclure au début, une liste des principaux personnages. Une fois bien mêlé, on pourrait au moins y référer. C’est la principale faiblesse du livre.

Autre irritant : Dorinel est un autre de ces policiers au passé compliqué et aux états d’âme lancinants. C’est trop courant en littérature policière. C’est polluant au point de se demander si ça se trouve quelque part un policier normal. Enfin, l’histoire est ponctuée de fausses pistes, de non-dit, de détournements d’attention et parfois de dialogues erratiques. Le fil conducteur est instable. Tout est gardé pour la finale qui ne m’a pas emballé d’ailleurs.

J’aimerais terminer avec quelques points positifs. Il y a de très bonnes idées dans ce roman. C’est un récit noir, dur et violent qui ne laisse pas indifférent et même qui ébranle un peu. Au moins, le livre provoque des réactions. Son écriture est assez fluide, les chapitres sont courts et l’édition est très bien ventilée. Enfin plusieurs éléments dans l’imagination déployée et dans la plume laissent à penser que l’auteur, Ludovic Lancien est prometteur. Après tout LE SINGE D’HARLOW est son premier roman. Si sa carrière commence comme son récit, il sera très intéressant à suivre.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Comme les protagonistes de son thriller, Ludovic Lancien a sillonné l’ouest de la France, de
Quimperlé à Nantes en passant par La-Roche-sur-Yon et Concarneau pour travailler en pépinière et en maraîchage. Lecteur assidu, il a créé son propre blog littéraire avant de se lancer dans l’écriture et de remporter, à l’unanimité du jury, le prix FYCTIA 2019 du meilleur suspense.

 

Dans la même collection

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 24 août 2024

SAC D’OS, Stephen King

*Ce qui se met en place, lorsque disparaît la lumière du jour, est une sorte de certitude : qu’en dessous de la surface gît un secret, un mystère à la fois noir et éclatant. On ressent ce mystère dans chaque respiration, on le devine dans chaque ombre, on s’attend à y plonger à chaque pas. Il est là. *

Extrait : SAC D’OS, Stephen King, Le livre de poche éditeur. 2001, 726 pages, papier. VERSION AUDIO : Audible studio éditeur, 2019. Durée d’écoute : 24 heures 50 minutes, narrateur : François Montagut.

Depuis qu’elle n’est plus là, Mike n’écrit plus. Son souvenir l’obsède, ses nuits sont des cauchemars. Entre deux mondes, Mike la cherche. Mais elle n’est plus qu’une ombre parmi celles qui hantent le domaine de Sara Laughs, prêtes à faire payer des crimes que l’on croit oubliés. Et lorsque Mike tombe sous le charme d’une fillette de trois ans et de sa mère, une jeune veuve, il ne sait pas qu’ il va devoir affronter le déchaînement de forces surnaturelles et vengeresses.

PROFONDEUR EN LONGUEUR

Voici l’histoire de Mike Nunan, un écrivain à succès qui a perdu sa femme, Johanna quatre ans plus tôt suite à une rupture d’anévrisme. Depuis, le romancier fait des cauchemars qui concernent sa résidence secondaire, Sara Laughs dans laquelle il finit par s’installer. Nunan y découvre des éléments intrigants du passé de sa femme et réalise que Johanna hante Sara laughs.

Entre temps, Nunan s’attache à une jeune veuve, Mattie, et sa fille de trois ans Kira. L’écrivain aura à combattre sur plusieurs fronts : les mystères fantomatiques de Sara Laughs, la leucosélidophobie, un trouble psychique appelé aussi <le blocage de l’écrivain> et le beau-père de Mattie, Max Devory, un vieil homme mauvais et extrêmement agressif.

Je sors de la lecture de ce livre mitigé même si, pourtant, il est bardé de prix dont le prestigieux prix Locus du meilleur roman d’horreur. Je crois que c’est un peu exagéré de parler ici d’horreur. Le livre conserve un caractère fantastique même si, à mon avis, il est limité. De plus, je ne partage pas l’avis des critiques qui déclarent SAC D’OS comme le livre le plus abouti de King. Ça reste un bon roman mais son caractère surnaturel est plutôt timide.  Ce n’est pas le KING que j’ai adulé.

Le livre est inutilement long. Beaucoup de palabres, de passages creux et certains épisodes démesurément décrits comme par exemple un viol collectif particulièrement sordide expliqué avec un luxe de détails. J’ai trouvé l’ensemble un peu ennuyant. Le récit est assorti d’une romance entre Mattie et Mike, touchante, assez bien élaborée si on tient compte du caractère violent du beau-père. C’est un aspect de l’histoire qui ne m’a pas déplu mais qui est peu habituel dans la bibliographie de Stephen King.

L’aspect le plus intéressant du livre est la psychologie du personnage central, Mike Nunan. C’est la principale force de SAC D’OS et là, je reconnais King. Il a imprégné son héros d’authenticité, de sincérité et d’équilibre. De plus, après le décès de Johanna, chaque fois qu’il tente d’écrire, l’auteur est pris de désagréables malaises. L’inspiration ne vient plus. King m’a aidé en fait à mieux comprendre le processus de création de l’auteur qui, dans SAC D’OS, se trouve à être le narrateur et à mieux saisir aussi ce que ressent un écrivain aux prises avec le syndrome de la page blanche.

Grâce à un personnage principal humain, bien imaginé et travaillé, cherchant à s’outiller pour comprendre et combattre, j’ai pu sortir de cette lecture avec un certain degré de satisfaction.

Suggestion de lecture : POPULATION : 48, d’Adam Sternbergh

SAC D’OS A ÉTÉ ADAPTÉ À L’ÉCRAN en 2011. Cliquez ici.

Plusieurs livres de Stephen King ont été commentés sur ce site. Voici quelques liens :
ÇA,
FIN DE RONDE
UN VISAGE DANS LA FOULE
-LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TOM GORDON
22/11/63
LA TOUR SOMBRE

Pour visiter le site de Stephen King, cliquez ici.

bibliographie

BONNE ÉCOUTE
BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 9 août 2024

POPULATION : 48

Commentaire sur le livre
d’ADAM STERNBERGH

version audio

*L’existence de cette ville – notre survie – repose sur des principes partagés, des intérêts et une confiance mutuelle, comme dans n’importe quelle autre communauté. Sauf que dans cette communauté, quand ces principes ne sont pas respectés, les gens souffrent et meurent. * (Extrait de POPULATION : 48  d’Adam Sternbergh, version audio, Audible studios éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 11 minutes. Narrateur : Erwan Zamor

Caesura Texas – une minuscule bourgade clôturée, au fin fond du désert. Population ? 48 habitants. Des criminels, a priori. Ou des témoins. Comment savoir ? Tous ces gens ont changé d’identité, et leur mémoire a été effacée. Pour leur bien. Dans l’optique d’un nouveau départ.

En échange de l’amnistie, les résidents doivent accepter trois règles simples : aucun contact avec l’extérieur, aucun visiteur, et aucun retour possible en cas de départ. Une expérience unique, menée par un mystérieux institut. Pendant huit ans, tout ce petit monde est resté à peu près en place. Jusqu’à aujourd’hui.

Errol Colfax, en effet, s’est suicidé… avec une arme qu’il n’aurait jamais dû posséder. Puis Hubert Humphrey Gable est assassiné. Calvin Cooper, le shérif local, est contraint de mener l’enquête. Ce faisant, il risque de déterrer des secrets que l’essentiel des habitants auraient préféré voir rester enfouis. 

Chaos en vase clos

Cette histoire est une variation d’un thème déjà connu : une mystérieuse institution dirigée par une psychiatre du type *savant fou* et bénéficiant d’un obscur financement, crée une petite agglomération où on entasse les pires criminels : meurtriers, tueurs en série, psychopathes violents, pédophiles et violeurs d’enfants, bref, une variété de monstres à qui on a enlevé la mémoire. 48 cervelles qui n’ont aucune idée des horreurs inimaginables qu’ils ont pu commettre et à qui on offre sursis et confort grâce à un programme appelé CEASURA dont les motivations sont plus ou moins définies.

Un seul résident échappe à ces définitions : un jeune garçon nommé Isaac qui tient sans le savoir le destin de CEASURA dans ses mains. On appellera cette agglomération une ville portant le nom du programme : CEASURA. Personne d’autres ne peut y entrer mais les habitants peuvent en sortir, sans toutefois jamais y revenir. Les règles sont clairement établies dès le départ par le personnage central de l’histoire, le shérif Cooper. Cet aspect du récit place les lecteurs-lectrices dans une zone de confort appréciable.

Ce que j’ai compris assez vite c’est que le traitement infligé aux criminels par la psychiatre Judi Halliday n’empêche pas la vérité de se camoufler près de la surface et je suis resté en haleine pour savoir quand ça se produira et surtout COMMENT ça se produira et qu’est-ce qui se passera, en particulier avec Isaac.

C’est un récit d’une incroyable violence et j’ai été rivé à mon livre par une plume qui frappe très fort au point de me donner des frissons. J’ai déchanté un peu à la finale avec la description crue et froide d’un carnage qui dépasse l’entendement et dont je n’ai pas saisi tout à fait l’utilité à part peut-être me conforter dans l’idée qu’il n’y a pas de limite à la folie.

Bien sûr la vérité finit par éclater mais il faut voir comment… j’ai trouvé la finale simpliste, lourde, chargée d’informations données par une impressionnante quantité de personnages qui s’entrecoupent et…s’entretuent. Bref, une finale qui ne finit pas de finir me laissant à penser que l’esprit le plus dérangé de cette histoire est encore celui de la psychiatre qui révèle sa vraie nature dans un dialogue très édifiant.

C’est un récit un peu atypique mais féroce et qui frappe fort. Le sujet développé n’est pas nouveau mais son développement laisse place à beaucoup de rebondissements et il est intéressant pour les lecteurs/lectrices de connaître graduellement les détails de la vie des résidents et les raisons pour lesquelles ils choisissent de rester à CEASURA et le jeune Isaac m’a gardé dans l’histoire plus que les autres car jusqu’’aux dernières pages, on n’est pas fixé ni sur ses origines, ni sur son sort on sait simplement qu’il a un rôle à jouer et qu’un cœur pur n’a pas sa place dans une colonie d’esprits aussi sordides.

Bref, c’est un polar fort, intrigant, démesuré sur le plan de la violence, bien ficelé sur le plan psychologique, le récit est immersif et m’a fait beaucoup ressentir de *non-dit* un élément qui laisse une large place à l’imagination des lecteurs à cause de l’épaisseur du mystère qui entoure CEASURA. POPULATION : 48, un huis-clos que je garderai en mémoire.

Suggestion de lecture : LE LIVRE SANS NOM, anonyme

Adam Sternbergh a passé son enfance et une partie de son adolescence à Toronto. Puis Il s’est installé à Brooklyn où il a travaillé comme journaliste entre autres au Times de New-York. Il se décrit tantôt génial, tantôt méprisant mais il ne laisse pas indifférent en particulier avec LE FOSSOYEUR et maintenant POPULATION : 48.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 mai 2024