LA MYTHOLOGIE, ses dieux, ses héros, ses légendes

Commentaire sur le livre d’
EDITH HAMILTON

*la mythologie nordique et la mythologie grecque
nous donnent une claire image de ce qu’étaient ces
 peuples auxquels nous devons la plus grande part
de notre héritage spirituel et intellectuel. *
(Extrait : LA MYTHOLOGIE, Edith Hamilton, origine :
Marabout éditeur, 2013, papier, 450 pages. Version
audio : Audiolib éditeur 2019, durée d’écoute : 14 heures.
Narrateur : Thierry Jenssen)

Le livre saisit toute l’importance que gardent, à notre époque, les mythes et les légendes, qui sont le fondement même de notre culture, et où nous puisons encore une si large inspiration. Remontant aux sources, c’est chez les poètes Homère, Hésode, Pindare, Ovide qu’Édith Hamilton retrouve la substance des grands thèmes mythologiques et nous les restitue, dans leur spontanéité, sous forme de merveilleuses histoires : Orphée et Eurydice, Tantale et Niobé, les travaux d’Hercule, le défi d’Icare, la descente de Thésée aux Enfers De l’avis unanime, un ouvrage clair et complet. 

Merveilles des panthéons
*Avec la naissance de la Grèce,
l’homme se plaça au centre de l’univers*

(Extrait)

Par le biais d’une plume qui me rappelle un peu celle de Jean Markale dans LE CYCLE DU GRAAL, enduite de poésie, de fantastique et de fabuleux, densifiée par une narration chaude et enveloppante, Edith Hamilton vient me rappeler que je me suis peut-être trop fier au cinéma pour pénétrer les mystères de la mythologie. Le récit m’a permis de faire de magnifiques découvertes, de m’apprendre des choses dont j’étais loin de me douter.

Je savais que les dieux se bousculent au panthéon. Il y a un dieu pour chaque chose. Par exemple, j’apprends que la déesse de l’aube avait pour nom AURORE. Qu’Écho était une nymphe condamnée par Héra à ne plus pouvoir parler, sauf pour répéter les derniers mots qu’elle avait entendus. Que Pandore possédât une boîte que Zeus lui avait interdit d’ouvrir car cette boîte contenait tous les maux de l’humanité. On connait la suite…Pandore ayant cédé à sa curiosité…

Un dernier exemple : Arachné était une jeune femme qui excellait dans l’art du tissage. Suite à une cuisante humiliation, elle se suicida mais Athéna décida de lui donner une seconde vie sous forme d’araignée suspendue à son fil. Il fallait y penser…la mythologie au secours de l’étymologie. C’est ainsi que j’allai de découverte en découverte avec ce livre qui m’a conquis dès les premières minutes.

Le récit est imprégné de l’Esprit des grands penseurs et poètes de l’antiquité…Ovide surtout, mais aussi Virgile et l’incontournable Homère car l’odyssée d’Ulysse est omniprésente dans le récit qui m’apprend aussi que le nom grec d’Ulysse était Odysséus. Une autre découverte sur l’origine d’un mot. Je savais que l’histoire des Dieux est une suite de complots, d’hypocrisie, de jalousie, de tueries et j’en passe mais le récit met l’emphase sur la façon dont les mortels composaient avec les *marionnettistes*.

Il était clair que les dieux étaient voués à la disparition parce que les mortels cesseraient d’y croire. Quoiqu’il en soit, certains héros sont apparus sous un jour nouveau pour moi. J’apprends par exemple qu’Hercule aurait tué sa femme et ses enfants dans un accès de folie insufflée par une déesse, ce qui a conduit à l’incontournable mythe des douze travaux d’Hercule.

La seule faiblesse de l’ouvrage concerne la mythologie nordique qui n’occupe qu’une petite place à la fin du récit, ce qui est incompatible avec le caractère généraliste du titre. Odin méritait mieux que ça je pense. Mais il reste que j’ai beaucoup aimé ce livre. Un excellent divertissement.

Suggestion de lecture : PETITES HISTOIRES DE LA MYTHOLOGIE, d’Hélène Montardre

Edith Hamilton, née le 12 août 1867 et morte le 31 mai 1963, est une enseignante, helléniste, historienne américaine d’origine allemande, spécialiste de la mythologie grecque et de la Grèce antique.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 27 janvier 2024

LE FABULEUX MAURICE et ses rongeurs savants

Commentaire sur le livre de
TERRY PRATCHETT

*Les rats ! Ils pourchassaient les chiens et mordaient les chats, ils… Mais il n’y avait pas que ça. Comme le disait le fabuleux Maurice, ce n’était qu’une histoire de rats et d’hommes. Et le plus difficile, c’était de définir qui étaient les hommes et les rats. *
(Extrait : LE FABULEUX MAURICE ET SES RONGEURS SAVANTS, Terry Pratchet, 2001. T.F. : 2004 par Librairie L’Atalante. Format numérique, 188 pages.)

Les déchets magiques de l’Université de l’Invisible ont transformé le chat Maurice et les rats des environs en créatures super intelligentes, dotées de parole et d’une conscience du monde très aiguë. Maurice est devenu le roi de l’arnaque. Avec sa bande de rats (Pur-Porc, le dominant, Pistou, le rat albinos, ou encore Sardines, pro des claquettes), il parcourt les cités qu’il pille joyeusement en simulant des invasions, grâce à un complice benêt, le joueur de flûte. Mais arrivés à Bad Igoince, la petite bande tombe sur un os. Un village sans rats où vivent pourtant des chasseurs de rats, voilà qui est étrange. Voire carrément malsain…

 

Les couleurs de l’imaginaire
*<N’importe qui peut attacher ensemble des queues de rats
s’il en a envie…je suis sûre que je pourrais, moi. –Avec des
rats vivants ? Tu dois d’abord les prendre au piège, ensuite,
tu de débats avec des espèces de bouts de ficelle glissants
qui gigotent sans arrêt pendant que l’autre extrémité des
bestioles continue de te mordre ! Huit rats ? Vingt ? Trente-
deux ? Trente-deux rats enragés ? > *
(Extrait)

J’ai été attiré par le titre bien sûr mais spécialement pas l’image de couverture. Attention toutefois car vous pourriez avoir la même impression que moi. En effet, l’image laisse à penser que Maurice est un chat savant qui fait des tours extraordinaires avec des rats dans un cirque. On est très loin du compte. Je dirais même que Terry Pratchett a tranché par son originalité.

Il a imaginé Maurice, un chat plutôt égocentrique et impudent, d’apparence en tout cas, et une bande de rats, tout ce beau monde ayant séjourné trop longtemps et trop proches d’une haute école de mage. Le résultat est extraordinaire car nos amis parlent maintenant. Ils peuvent penser.

Avec ce magnifique nouveau don d’intelligence, Maurice et les rats décident de parcourir les campagnes environnantes et d’arnaquer les habitants en simulant des invasions de rats et chargeant un complice humain, Keith de faire semblant de dératiser avec une flute. Mais, dans un village au bout de la route, la petite troupe trouvera chaussure pour chaque petit pied.

Cette façon qu’a Pratchett de faire fondre la nature des humains dans celle des rats est très spéciale et donnera lieu à des moments très drôles spécialement en mettant à la jonction des deux dimensions un chat : qui n’a jamais voulu être fabuleux et qui n’aime pas spécialement les rats. Il est aussi spécial que tout ce petit monde mette à profit ce don soudain d’intelligence en volant et en trompant.

Enfin On est humain ou on l’est pas et puis, tant qu’à penser…*-Ho, tu penses aussi hein ? fit Pur-Porc. Tout le monde pense ces temps-ci. Je pense que ça pense beaucoup trop, voilà ce que moi je pense. On ne pensait pas à penser. Quand j’étais jeune…* (Extrait) Ça donnera lieu à des moments parfois très émouvants, mais aussi cocasses voir drôles.

J’ai trouvé les dialogues avec les humains savoureux d’autant que ce sont des rats qui ont reçu l’intelligence et comme on le sait, le rat n’est pas spécialement le meilleur ami de l’homme. Le récit n’est pas seulement drôle, il est sensible, coloré, léger. C’est un livre-jeunesse mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

La dimension humoristique du récit a été bien pensée en commençant par les noms donnés aux rats, suffisamment drôles pour changer un simple rictus en fou rire : Pure-porc, Pistou, Nutritionnelle, sardines, grosseremise, datlimite, saumure, pêches, offrespéciale, noir-mat et j’en passe.

Tout ce beau monde est dirigé, c’est une façon de parler, par celui qui a un nom bien humain, MAURICE, le fabuleux Maurice, le gentleman arnaqueur qui va entraîner le lecteur et la lectrice d’une péripétie à l’autre avec, au programme rater, dératiser, et encaisser.

*« On va leur en mettre plein la vue, conclut Maurice. Des rats ? Ils s’imaginent avoir connu des rats dans leur ville ? Après notre passage à nous, ils en feront des romans ! » (Extrait) Il y a dans ce livre un peu les caractéristiques d’un conte ce qui n’est pas sans rappeler les frères Grimm.

Il y a aussi un aspect légende, entre autres les rois des rats, attachés par la queue et à qui on prête des pouvoirs surnaturels. Je veux noter au passage les belles illustrations de David Whyatt. Elles sont trop discrètes à mon goût mais elles rehaussent le récit avec l’omniprésence de monsieur Lapinou qui rappelle Wish et les mangas des années 90.

Tout ceci donne à l’ensemble une richesse extraordinaire même si ça s’est déjà vu. Rappelez-vous LE JOUEUR DE FLUTE DE HAMELIN. Le livre de Pratchett en est la parodie.

Enfin, vous avez en présence un chat, des rats et des hommes. La violence est inévitable et il y a en a. Même Maurice meure dans cette histoire mais heureusement, il lui reste des vies dans son lot de 9. Il y a aussi dans le récit des longueurs. Quelques dialogues qui se ressemblent sensiblement.

Il faut surtout ne pas perdre de vue que la parole ne suffit pas nécessairement à prouver l’intelligence d’une part et que si les rats ont reçu le don de parole et de pensées, ils demeurent des rats avec des mœurs de rat. C’est un aspect du récit qui ne plaira pas à tout le monde. C’est un livre-jeunesse oui, mais avec certaines limites.

Dans l’ensemble, c’est un livre bien écrit, bien imaginé et surtout bien documenté. Pratchett n’a pas lésiné sur la recherche. Le tout est crédible.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE POST-APOCALYPTIQUE D’UNE ENFANT SAGE, d’Annie Bacon

AVANT-PROPOS
Le Disque-monde est un univers imaginaire de fantasy burlesque développé à partir de 1983 par l’écrivain britannique Terry Pratchett dans la suite de romans Les Annales du Disque-monde et adapté depuis sur divers supports. La série de romans du Disque-monde comporte quarante-et-un volumes (trente-cinq annales et six romans dédiés à un public jeune), tous traduits en français. Il existe également un certain nombre d’ouvrages « hors-série ». La série a été adaptée en téléfilms, film d’animation, jeux vidéos et même en jeux de société.

 

Terry Pratchett est né en 1948 dans le Buckinghamshire. Voilà un écrivain dont l’humour donnera du fil à retordre à ses biographes ! Sa vocation fut précoce : il publia sa première nouvelle en 1963 et son premier roman en 1971. D’emblée, il s’affirma comme un grand parodiste : La Face obscure du soleil (1976) tourne en dérision L’Univers connu de Larry Niven ; Strata (1981) ridiculise une fois de plus la hard S.-F. en partant de l’idée que la Terre est effectivement plate.

Mais le grand tournant est pris en 1983. Pratchett publia alors le premier roman de la série du Disque-Monde, brillant pastiche héroï-comique de Tolkien et de ses imitateurs.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 12 novembre 2022

EN SACRIFICE À MOLOCH, livre d’ASA LARSSON

VERSION AUDIO

*La salle de classe pue la crasse, la laine
humide et la peau de renne sure. Mais elle
ne sent pas l’étable et ici, elle a le droit
d’ouvrir la fenêtre.*
Extrait : EN SACRIFICE À MOLOCH, Asa
Larsson, à l’origine : Albin Michel éditeur, 2017,
448 pages, version audio : Audiolib éditeur, 2018,
durée d’écoute : 10 heures 58 minutes.
Narratrice : Odile Cohen, prix meilleur polar suédois)

Au terme d’une traque impitoyable dans les forêts de Lainio, en Laponie suédoise, un ours féroce est abattu. Dans sa panse : les restes d’un homme…cette macabre découverte est suivie quelques mois plus tard par l’assassinat d’une femme à coups de fourche. Chargée de l’enquête, la procureure Rebecka  Martinsson ne tarde pas à recouper ces faits a priori sans rapport : les deux victimes avaient un lien de parenté ; ils étaient père et fille.

Mais ils ne sont ni les premiers ni les derniers à disparaître, comme si une étrange malédiction frappait leur famille… Une odyssée dans les paysages crépusculaires et inquiétants du Grand Nord suédois.

(NOTE : Kiruna existe vraiment. C’est une ville de moins de vingt mille habitants où se déroule l’action de la plupart des romans d’Asa Larsson)

UN THRILLER BORÉAL

 

*N’importe qui peut avoir pris cette fourche
dans cette grange. Il serait normal  d’y
trouver les empreintes de Jinny Egroth.
Elle peut parfaitement l’avoir utilisée…*
(Extrait)

C’est un polar intéressant et même accrochant selon l’état d’esprit du lecteur. En effet, avant d’entreprendre la lecture de ce livre, il faut connaître un peu la nature de la littérature scandinave tout au moins dans sa façon de développer les polars. Au moins trois éléments nous donnent un excellent point de départ : la notoriété de l’auteure Asa Larsson, le fait que ce livre a décroché le prix du meilleur polar suédois en 2012 ainsi que la narration chaude et dynamique d’Odile Cohen qui nous fait oublier un peu le petit côté ennuyeux du style littéraire suédois.

En effet, l’histoire est développée dans le décor boréal de la Laponie suédoise…le froid, la neige et le vent sont omniprésents. L’approche psychologique de l’histoire et de ses personnages prend le pas sur l’action et les rebondissements. Ne vous attendez à rien de particulièrement enlevant. Toutefois, le développement, bien qu’un peu paresseux est fort et très intriguant. J’ai beaucoup apprécié le personnage de la procureure Rebecka Martinson qui en est à sa cinquième enquête dans l’œuvre de Larsson.

C’est un personnage particulièrement bien travaillé, abouti, attachant et très humain et je pourrais parler aussi longtemps de son intuition et de son sens aigu de la déduction. Ici, elle perd l’enquête à cause d’un imbécile mais elle continue tout de même, bravant les interdits. C’est un aspect très intéressant de l’histoire.

Même si son décor est blanc, EN SACRIFICE À MOLOCH est un polar très noir, obscur. Le roman démarre sur des chapeaux de roues avec la découverte, dans l’estomac d’un ours abattu, de restes humains…un homme. Cette découverte macabre sera suivie un peu plus tard de l’assassinat d’une femme. Recoupant les faits la procureure Martinson découvrira rapidement que l’homme et la femme étaient père et fille.

D’autres disparitions surviendront un peu à la façon des malédictions qui sillonnent les légendes scandinaves comme celle de Moloch*divinité capable de donner richesses, belles moissons et victoires au combat… Des nouveau-nés étaient donnés en sacrifice. On fabriquait des statues creuses en cuivre. Avec une large poitrine. On allumait un feu à l’intérieur des statues qu’on chauffait à blanc puis on déposait les enfants vivants entre les bras de Moloch*.  (Extrait)

Le lecteur et la lectrice doivent se concentrer quelque peu car l’auteure nous fait faire de nombreux voyages dans le temps. Je l’avoue, je me suis parfois un peu perdu. Ça donne un petit côté assommant au récit si je tiens compte de la lenteur du rythme. C’est l’intrigue qui maintient l’intérêt.

Quoique l’histoire soit parfois difficile à suivre, la beauté de l’écriture m’a séduit ainsi que l’originalité de l’ensemble. Par exemple, Asa Larsson fait parler la nature et les animaux avec les légendes et l’histoire qui sous-tendent le récit, ça donne à l’ensemble un petit goût surnaturel pas désagréable.

Aussi beaucoup de passages font place à de petites morales pas toutes très recherchées mais intéressantes qui rendent évident le fait que l’auteur a pour habitude de prendre son temps. *Qui aime la perfection ? L’amour ne va pas sans le dévouement et le dévouement ne peut s’attacher qu’aux imperfections de l’être aimé, à ses blessures, à sa folie.

*L’amour veut combler les manques et la perfection n’a pas besoin d’être comblée. Une personne parfaite, on ne l’aime pas, on la vénère.* (Extrait)

Donc pour résumer, EN SACRIFICE À MOLOCH est un roman fort. Pas toujours facile à suivre, empreint de longueur et d’un peu d’errance quoique calculée. Mais le mystère savamment entretenu et la force des personnages ont capté mon attention et maintenu constant mon intérêt. C’est très noir comme roman. Sinistre à la limite.

Mais il y a du mystère, de l’intrigue et la finale vaut bien l’attente. J’ai assez bien apprécié. Il faut se rappeler ici que le style de l’auteur est conforme à la tradition littéraire scandinave. Je n’ai pas tout à fait compris pourquoi ce livre s’est mérité un prix national mais bon…je fais peut-être trop nord-américain.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY, de Robert Goddart

Asa Larsson a grandi à Kiruna, 145 km au-dessus du cercle polaire Arctique, où se déroulent ses romans. Avocate comme son héroïne, elle se consacre désormais à l’écriture. Les cinq tomes de la série autour de Rebecka Martinsson sont en cours de traduction dans 30 pays.

Travaillant sur scène, à l’écran et dans le doublage, Odile Cohen est notamment la voix française régulière de Renée Zellweger et Uma Thurman, ainsi qu’une des voix françaises d’Andie MacDowell (l’autre étant Rafaèle Moutier), Carla Gugino Rebecca Mader, Jennifer Connelly et Anna Torv. Odile Cohen a un impressionnant parcours en théâtre, télévision, cinéma comme actrice et au doublage en livres audio et même un jeu vidéo à son actif.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 16 janvier 2022

LES CONTES INTERDITS, coup d’œil sur la série

BLANCHE NEIGE

Commentaire sur le livre de
L.P. SICARD

Et la série
LES CONTES INTERDITS

*Et curieusement, lorsque cette fenêtre
fut verrouillée, le sentiment de m’avoir
fait prisonnière m’assaillit de plein
fouet. Éteindre la noirceur. Traquer
l’obscurité. Cela devint ma toute
priorité. Il me fallait allumer chacune
des bougies de ce manoir, m’entourer
de clarté.>

(Extrait : BLANCHE NEIGE de la série LES
CONTES INTERDITS, L.P. Sicard, Éditions
AdA, 2017, édition de papier, 200 pages)

AVERTISSEMENT : ce livre contient certains
passages au contenu
explicite.

*Cette sombre réécriture du conte
classique BLANCHE-NEIGE ET LES SEPT
NAINS est un plongeon dans les eaux
noires et visqueuses de la démence…
(4e de couverture)

LA SÉRIE

COMMENTAIRE Partie 1Ce n’était pas nécessairement dans les intentions de l’éditeur, mais cette série des contes interdits vient réactualiser le côté obscur des frères Grimm, développé et mis en perspective dans de nombreux dossiers et articles littéraires. On en trouve abondamment sur internet. Un de ces dossiers m’a particulièrement intéressé, celui publié par le site Bibliobs.nouvelobs.com On y voit par exemple la reine meurtrière assurer le spectacle lors des noces de Blanche-Neige, obligée de danser jusqu’à la mort dans des souliers de fer chauffé à blanc ; les demi-sœurs de Cendrillon se mutilent les pieds…

On affirme, dans ces dossiers que la version originelle des contes de Grimm est beaucoup plus violente et atroce que leur version contemporaine. Il ne faut pas oublier qu’en plus d’être philologues, les frères Jacob et Wilhelm Grimm étaient collecteurs de légendes et de contes. Il est donc dans la logique des faits que les frères Grimm aient adapté des contes qui n’étaient pas du tout prévu pour les enfants pour en faire les douces et tendres histoires qui ont bercé la petite enfance de tellement de générations.

La série des contes interdits vient détruire cette magie bâtie par les frères Grimm…magie blanche amplifiée et encadrée pour les enfants par des personnages célèbres comme Walt Disney. Les Contes interdits, c’est l’envers de la médaille…c’est plus que le côté B, c’est le côté obscur et glauque de la réalité. Ce sont les petits contes tendres et ouatés qui nous endormaient étant petits qui sont complètement chamboulés, marqués au fer rouge, adaptés en version contemporaine horrifique.

Des contes revisités qui mettent en exergue la vision la plus glauque de l’esprit humain. Nous avons maintenant des récits qui inspirent le dégoût et l’horreur dans les thèmes typiques du genre : pédophilie, gore, voyeurisme, drogue, prostitution et même cannibalisme…j’en passe. La sensibilité de beaucoup de lecteurs risque d’être carrément violée.

Ce sera à vous amis lecteurs et amies lectrices de juger si cette série dépasse les limites du bon goût. Personnellement, j’avais mis ce critère de côté au départ car j’étais trop curieux de savoir comment cette série était bâtie et comment les auteurs travaillaient leurs personnages. J’ai misé au départ sur la qualité de l’écriture et l’imagination déployée pour transformer des textes roses bonbon en récits brutalement gores. Je n’ai pas été déçu. La curiosité m’a fait avancer.

Suggestion de lecture : LES CONTES DU WHISKY, de Jean Ray

Pour vous permettre d’avoir une autre vision du contenu, j’ai découvert un site internet axé sur l’actualité littéraire qui propose un tableau récapitulatif des principales forces et faiblesses des quatre premier volumes (Les 3 p’tits cochons, Hansel et Gretel, Peter Pan et Blanche Neige) ainsi que des émotions ressenties.

Le site propose aussi une critique détaillée de chacun des volumes. Pour visiter le site, cliquez ici. Voilà pour la série. Dans mon prochain article, je parlerai d’un des volumes de cette série plus spécifiquement : BLANCHE NEIGE de L.P. Sicard version CONTES INTERDITS ÉVIDEMMENT.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 28 février 2021

NOUVELLES NOIRES, recueil de RENAUD BENOIT

*En un flash tout disparut, et Lantier, en sueur, sursauta en ne comprenant pas ce qu’il avait vu ou avait cru voir…Ne voulant en parler à personne, il décida donc
de garder cette incroyable histoire pour lui.*
(Extrait : NOUVELLES NOIRES, vol. 1, CHEZ LANTIER, Renaud Benoist,  édition L’ivre-book, 2014, numérique,  recueil)

Dans ce premier opus des NOUVELLES NOIRES, Renaud Benoist nous entraîne dans un malstrom de réalité et d’irréalité. Le but : happer le lecteur et le faire plonger dans des textes insolites, noirs, dérangeants et le poussant sans cesse à se demander s’il est dans le réel ou l’irréel. Oui, Renaud Benoist corrompt la perception de la réalité en entraînant le lecteur dans un monde de cauchemar : tueur en série, tableau maléfique, nature vengeresse et autres tableaux mystérieux issus d’une imagination débridée. Les NOUVELLES NOIRES sont comme un jeu de pistes qui ouvre la voie à une nouvelle dimension du frisson.

CAUCHEMAR AU JOUR LE JOUR
*Ce jour-là, les cloches de l’église sonnèrent
longtemps, trop longtemps, le curé avait été
seul à s’en inquiéter et ce fut lui qui remarqua
cette brèche qui passait sous la maison de
Dieu.*

(Extrait:: NATURE, du recueil NOUVELLES
NOIRES)

À l’occasion, j’aime insérer dans mes projets de lecture, un recueil de nouvelles pour voir et apprécier comment les auteurs, autant ceux qui sont connus que les émergents se débrouillent dans cette forme littéraire très particulière.

La nouvelle littéraire est un récit fictif très bref qui fait appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu’on appelle la chute. Comme il s’agit d’un court récit, la nouvelle littéraire comporte peu de personnages, peu d’action et peu de lieux…

Le défi d’un nouvelliste est de concentrer son histoire pour en renforcer l’effet. Donc la nouvelle n’est pas un roman. C’est une forme définie de littérature développée dans un minimum de pages (5 à 15). Certaines nouvelles vont jusqu’à cent pages. Dans la nouvelle on planche plutôt sur la surprise, les rebondissements et les finales percutantes.

En matière de nouvelles, mon choix s’est porté cette fois sur les NOUVELLES NOIRES, vol. 1 de Renaud Benoist. Ces récits ont comme toile de fond l’Auvergne, une région du massif central de la France, un territoire de nature sauvage et de paysages grandioses. Un décor parfait pour développer les thèmes de la solitude, du mystère, de la peur et des légendes entourant la nature vengeresse.

J’ai aimé ce recueil, résultat d’une imagination volontairement débridée. Les textes sont insolites et poussent le lecteur à l’évasion. On oublie les problèmes, le temps…pour frissonner un peu car c’est bien ce que propose l’auteur : de l’émotion parfois forte, de l’insolite, de l’inexplicable, des forces obscures qui échappent à la raison humaine…

NOUVELLES NOIRES vol. 1 comprend 8 nouvelles. Ma préférée : LES ÉTANGS BLEUS.  Les parents de Jean décident de déménager toute la famille dans un complexe de HLM appelé LES ÉTANGS BLEUS. Quelques temps après le déménagement, Jean entend des bruits bizarres dans le placard de sa chambre…comme un grattement.

Dans son nouveau patelin, Jean est attiré par un coin de forêt appelé le petit bois dans lequel apparemment des enfants sont disparus et ne sont jamais revenus. Ça l’intrigue et il demande à son nouveau copain Luc de l’accompagner.

Luc lui montre sa cabane perchée discrètement dans un arbre…soudain le lien se fait entre le placard et la cabane. Jean s’apprête à goûter l’obscure médecine du petit bois : *J’ai vu…J’ai vu ce que tu ne verras jamais…J’ai vu une espèce de chose sortir d’un arbre et les attaquer, ça n’a duré qu’une minute ou deux…elle les a avalés et est retournée dans son antre…* (Extrait)

C’est une nouvelle dans laquelle l’atmosphère s’alourdit de pages en pages et qui développe l’idée de créatures qui rappellent un peu les monstres de H.P. Lovecraft. C’est une lecture qui devient très vite addictive.

Une forme se dégagea du comptoir et prit corps. Jeannette…c’était sa Jeannette, sa femme morte depuis dix ans. (Extrait de CHEZ LANTIER, la première nouvelle du recueil NOUVELLES NOIRES vol.1)

Les bulles étaient là, tout comme le «rien» était derrière nous. Lui avançait, elles grossissaient. On aurait dit une scène d’un livre de Kafka. (Extrait de LE PONT la quatrième nouvelle de NOUVELLES NOIRES vol.1)

Bref, j’ai passé un bon moment de lecture. Je crois que l’auteur a bien relevé le défi. L’écriture est fluide, le mystère est bien entretenu, on le sent dans chaque texte comme une espèce de non-dit. À lire. Si vous aimez, le volume 2 est disponible.

Suggestion de lecture : FISSURES NOIRES, de Jess Kaan

Renaud Benoist est né le 27 mars 1973 à Epinay-sur-Seine. En 1998, il débute la série Nouvelles noires. En 2001, il sort le premier tome de la Trilogie des Yukulutes, La Solution symbiose suivi du tome 2, Le Culte d’Arès, en 2013 et du dernier volume, Quazar Balder, en 2006. De 2007 à 2013, il se consacre à des recherches sur le fameux Triangle de la Burle. En mai 2013, il sort En Quête du triangle de la Burle. Il reçoit le prix des automnales du livre de Sury-le-Comtal, en 2001, pour La Solution symbiose, Il écrit le scénario d’une comédie musicale intitulée Le Fanten lupo.

À LIRE AUSSI

BONNE  LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 28 septembre 2019

 

LE CYCLE DU GRAAL, l’octalogie de JEAN MARKALE

1)    La naissance du roi Arthur
2)    Les chevaliers de la Table Ronde
3)    Lancelot du Lac
4)    La fée Morgane
5)    Gauvain et les chemins d’Avalon
6)    Perceval le Gallois
7)    Galaad et le roi Pêcheur
8)    La mort du roi Arthur

*…et tous deux s’affrontèrent de toute la force de leurs
chevaux. Bientôt, Gauvain fit vider les étriers à son
adversaire, et sautant à bas de sa monture, il le
poursuivit l’épée à la  main. Il y mit toute sa rage, car
le tort et l’insulte qu’il venait de recevoir excitaient sa
haine…*

————————————————

*…et Lancelot se mit à genoux et, tout heureux de
savoir qu’il verrait bientôt Galaad, conjura
ardemment Dieu de le conduire, et de lui
permettre…d’approcher les grands mystères du
Saint Graal.*
(Premier extrait : LE CYCLE DU GRAAL, tome 2, LES
CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, deuxième extrait :
LE CYCLE DU GRAAL, tome 7, GALAAD ET LE ROI
PÊCHEUR.
LE CYCLE DU GRAAL, Jean Markale, Éditions Pygmalion,
Gérard Watelet à Paris.
1992 à 1996, 2230 pages, édition numérique)

Mettant de côté les traductions et adaptations des textes médiévaux, Jean Markale s’est octroyé une mission à la fois difficile et fantastique : réécrire dans un style moderne les grandes légendes arthuriennes apparaissant dans les manuscrits du XIe au XVe siècle, autant les textes les plus connus que ceux demeurés dans l’ombre pour des raisons qui se perdent dans la nuit des temps.

Markale s’est fait fort de garder l’esprit de la légende pour rapporter dans un langage contemporain toute la beauté des récits de la Table Ronde. Ce travail colossal a donné LE CYCLE DU GRAAL en huit tomes…une œuvre gigantesque dont le but est simple : *redire avec le langage d’aujourd’hui ce qui constitue le plus merveilleux et le plus essentiel de la tradition européenne dans ses sources vives* (Extrait : introduction au CYCLE DU GRAAL, Poul Fétan, 1992)

Les légendes arthuriennes
au goût du jour
*Ah! Dit Arthur, Excalibur, ma bonne, ma précieuse
épée…tu vas perdre ton maître! …Puis il dit à
Girflet –Monte sur cette colline qui est derrière
nous. D’en haut, tu apercevras un lac. Va
jusque-là et jettes-y mon épée, car je ne veux
pas qu’elle demeure en ce royaume*
(Extrait : LE CYCLE DU GRAAL, Tome 8
LA MORT DU ROI ARTHUR)

Au milieu des années 70, je me rappelle avoir entrepris la lecture des LÉGENDES ARTHURIENNES…toute une série de vieux textes écrits en prose française du 13e siècle à partir de récits médiévaux traduits de l’anglais, du gallois, de l’islandais et de l’allemand entre autres.

La plume étant d’une lourdeur pénible, essentiellement compréhensible et accessible pour des spécialistes, j’ai abandonné la lecture (pour une des rares fois de ma vie). Je me suis promis d’y revenir plus tard sans grande sincérité.

Ce *plus tard* est venu au début des années 90 alors que Jean Markale, un spécialiste de l’histoire celtique entreprit la publication de son octalogie LE CYCLE DU GRAAL sur laquelle il a travaillé pendant presque toute sa vie active d’écrivain, soit près de 40 ans. Je me demandais si la vieille expression consacrée *plus ça change plus c’est pareil* s’appliquait. Aussi, j’entrepris une petite recherche.

J’ai vite compris l’objectif de Markale. Il ne s’agissait pas de livrer une nouvelle traduction des textes, mais plutôt de faire une réécriture de ces textes dans un français contemporain fluide, accessible et rassemblés dans une suite logique de récits qui se lisent un peu comme un roman, tout en respectant l’esprit des Légendes Arthuriennes.

Il y a plus. Les récits mettent en perspective les aspects romanesques du Moyen Âge en général et de l’histoire celtique en particulier. C’est ainsi que dans les années 90, je fis la lecture complète de l’octalogie et plus récemment, en 2016, je fis une relecture de l’œuvre afin de vous en parler ici. Je me suis tout simplement régalé.

Tout y est : chevalerie, enchantement, mystère, magie, érotisme, violence, religion et bien sûr les personnages qui ont, tôt ou tard marqué notre adolescence et ou notre enfance, ne serait-ce que par les multiples adaptations télévisuelles et cinématographiques réalisées à ce jour : Le roi Arthur, Lancelot-du-Lac, Merlin, la Fée Morgane, la Dame du Lac, Perceval, Galaad…

Il faut prendre chaque tome de l’octalogie pour ce qu’il est : une suite de récits…mais une suite cohérente, logique, écrite dans un français d’une remarquable limpidité. La tâche de Markale a été colossale : rien de moins que livrer aux amateurs de légendes et de récits fantastiques une des plus belles fresques de la littérature.

Est-ce que Jean Markale a été d’une rigueur parfaite dans l’écriture du CYCLE DU GRAAL eu égard aux textes originaux? Je ne peux pas vraiment l’affirmer car je n’ai pas de comparatifs. Je sais que les critiques sont assez mitigées. Mais, moi, j’ai vu dans la progression de l’œuvre une logique sans faille et éclairante sur la quête du graal, quête sur laquelle l’humanité s’interroge toujours d’ailleurs…

En ce qui me concerne, LE CYCLE DU GRAAL, c’est plus de 2200 pages de pur régal…une grande épopée racontée simplement dans un style littéraire accessible, confinant parfois à la poésie. C’est avec enthousiasme que je recommande LE CYCLE DU GRAAL de Jean Markale.

Quelques symboles clés du Cycle :

LA TABLE RONDE fut dressée à Camelot, la cour du roi Arthur, après que Merlin l’enchanteur eut révélé son souhait, voire la nécessité de réunir les Chevaliers les plus courageux pour entreprendre la quête du graal. Cette quête ne prendrait fin que lorsque le Graal, la coupe sacrée sera définitivement installée sur la Table Ronde. Ainsi, les Chevaliers de la légendaire Table Ronde devaient jurer fidélité et à leur roi, et au Graal. C’est le fils de Lancelot, Galaad qui remportera cette quête sacrée.

EXCALIBUR est l’épée magique légendaire du roi Arthur. Plusieurs versions des légendes arthuriennes disent que l’épée du rocher et Excalibur sont deux épées distinctes. Mais ce qui est sûr, c’est qu’Arthur fut le seul à pouvoir retirer l’épée du roc, prouvant ainsi son lignage. Il fut  ainsi sacré Roi et présida ensuite à l’édification de la Table Ronde.

LE GRAAL est le but ultime de la quête des Chevaliers de la Table Ronde. Il s’agit de la Coupe utilisée par Jésus-Christ et ses apôtres lors de la dernière Cène. La Coupe Sacrée revient aussi dans de nombreuses autres époques. Selon la légende, c’est Joseph d’Arimathie qui aurait introduit la précieuse Coupe en Grande Bretagne. Dans les légendes arthuriennes, la recherche du Graal donnera lieu à de nombreuses prouesses jusqu’au triomphe de Galaad qui clôturera les temps aventureux.
Peinture de William Morris réalisée en 1890 représentant Bohort, Perceval et Galaad découvrant le Graal.
(Source : Wikipédia)

Jean Markale (1928-2008) était un écrivain, conteur, poète et conférencier français. Dès son enfance, il a développé une véritable passion pour la culture celtique. Il commence sa carrière comme professeur et parallèlement, il entreprend d’étudier le cycle arthurien et de le raconter. Il a fini par quitter l’enseignement pour se vouer entièrement à son œuvre, se spécialisant ainsi dans l’histoire celtique et la culture bretonne.

Ses premiers ouvrages étaient destinés aux érudits, mais il a vite compris que pour élargir l’auditoire, il fallait vulgariser la mythologie, ce qu’il a fait entre autres avec les légendes arthuriennes devenues LE CYCLE DU GRAAL.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 août 2018