L’ICKABOG, J.K. Rowling

*Et de par le territoire entier, petits garçons et petites filles jouaient à combattre l’Ickabog, tentaient de se faire peur en se racontant l’histoire de l’Ickabog, et même, si le conte devenait trop convaincant, cauchemardaient de l’Ickabog. *

Extrait : L’ICKABOG, de J.K. Rowling. Édition de papier : Gallimard Jeunesse éditeur, 2020, 400 pages. Édition numérique : Gallimard Jeunesse éditeur, 2020, 316 pages. Version audio : Audible studio éditeur 2020, durée d’écoute : 7 heures 50 minutes, narratrice : Aïssa Maïga.

La Cornucopia était un petit royaume heureux. On n’y manquait de rien, le roi portait la plus élégante des moustaches, et le pays était célèbre pour ses mets délicieux : Délice-des-Ducs ou Nacelles-de-Fées, nul ne pouvait goûter ses gâteaux divins sans pleurer de joie !

Mais dans tout le royaume, un monstre rôde : selon la légende, l’Ickabog habitait les Marécages brumeux et froids du nord du pays. On disait de cette créature qu’elle avait de formidables pouvoirs et sortait la nuit pour dévorer les moutons comme les enfants. Des histoires pour les petits et les naïfs ? Parfois, les mythes prennent vie de façon étonnante…

 Un conte de fantaisie et de
petits frissons

L’Ickabog est un conte dystopique, politique et à certains égards, satirique. L’histoire se déroule dans un royaume appelé La Cornucopia où règne le roi Fred Sans-effroi dont on ne connait finalement que la vanité et l’insipidité et qui n’est rien d’autre que la marionnette de son conseiller suprême, Lord Crachinet, avide de pouvoir et de domination.

Crachinet utilise une vieille légende pour s’enrichir et étouffer le peuple : L’ICKABOG, une créature mythique à qui on prêtait la volonté de dévorer les enfants, entre autres. Invention ou réalité? Ce qu’on peut dire est que la vérité transformera le royaume à tout jamais grâce au courage et à l’empathie de deux enfants : Bert et Daisy.

Il m’a été difficile d’adhérer à cette histoire à cause de ses personnages adultes que je trouvais parfois insignifiants et qui frôlent la carricature. Il y a aussi des passages qui traînent en longueur. Son intrigue est linéaire et métaphorique et tient peu compte des réalités du peuple qui vit sous le joug de Crachinet.

L’écriture est superficielle et oppose de façon peu originale des méchants très méchants aux gentils trop gentils. Rien de neuf. Ça m’a poussé un peu à l’ennui sauf que ce livre comporte des forces qui ont maintenu mon attention. Des petites trouvailles pas mal intéressantes qui enrichissent l’histoire.

Par exemple, la <néance>. C’est un principe Ickabog qui donne à la naissance d’un petit un sens philosophique très profond et qui veut que le nouveau-né adopte la nature des personnes présentes à sa naissance. Cette trouvaille et quelques autres m’ont réconcilié avec l’histoire car elles en disent long sur la connaissance de la nature humaine.

L’ICKABOG est un récit axé sur les dérives du pouvoir. Il repose sur les pires côtés de la nature humaine : pouvoir, domination, manipulation, mensonge, traîtrise, meurtre, soumission, abrutissement et j’en passe.

Je ne comprends donc pas pourquoi ce livre est classé conte pour enfants de sept ans et plus. Personnellement, je ne recommanderai jamais ce livre aux enfants, sauf peut-être sous réserve de la stricte surveillance d’un adulte et encore.

Le personnage le mieux fignolé dans cette histoire est encore celui qui parle le moins : l’Ickabog lui-même. Belle trouvaille de madame Rowling, pas développée comme je l’aurais souhaité mais néanmoins très intéressante.

Le livre nous rappelle que les vrais monstres ne sont pas toujours ceux que l’on croit et est porteur d’une belle réflexion sur les régimes politiques, les abus de pouvoir et la corruption…entre autres.

Ces détails donnent au conte une saveur particulière et c’est la raison pour laquelle je le recommande aux 13 ans et plus. En passant, ne cherchez pas d’analogies ou de ressemblances avec Harry Potter, il n’y en a pas…

Suggestion de lecture, de la même autrice : UNE PLACE À PRENDRE 


L’autrice J.K. Rowling

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le samedi 14 juin 2025

LA VIEILLESSE, Simone de Beauvoir

*Le mor <rebut> dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs; … Ce sont des mensonges éhontés. La société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression <vieux et pauvre> constitue presque un pléonasme ; inversement : la plupart des indigents sont des vieillards.

Les loisirs n’ouvrent pas aux retraités des possibilités neuves ; au moment où il est enfin affranchi des contraintes, on ôte à l’individu les moyens d’utiliser sa liberté. *
Extrait : LA VIEILLESSE de Simone d Beauvoir, Gallimard éditeur 1970. Édition de papier, 800 pages.

Simone de Beauvoir aborde ici les problèmes, politiques, sociaux, existentiels, philosophiques, psychologiques du vieillissement et de la mort. L’essai est composé de deux parties.

Elle explique d’abord sa vision engagée de la vieillesse en démontrant que les sociétés modernes se comportent de façon aussi « dégradante » que certaines des sociétés primitives. Les vieillards sont des bouches inutiles à nourrir. De Beauvoir est en cela un précurseur du combat politique de personnes âgées pour faire reconnaître leurs droits dans un monde qui exclut les anciens.

Dans une seconde partie, l’auteure définit ce qui pour elle peut donner du sens dans l’absurdité d’un monde impitoyable pour les anciens. L’engagement au service des autres dans des projets et des combats politiques donnent même au grand âge des objectifs qui font sens pour la personne elle-même, pour son environnement, pour la société.

 

Un portrait tranchant

Dans son livre en deux tomes, Simone de Beauvoir dresse un bilan très sombre de la vieillesse. Dans le premier tome, elle décrit la vieillesse sur les plans biologique, ethnologique, historique et termine par le positionnement de la vieillesse dans la Société moderne.

Le deuxième tome est beaucoup plus philosophique, fortement empreint de la pensée existentialiste de Jean-Paul Sartre. Elle décrit la vieillesse sur les plans historiques et évolutifs, ce qui comprend la vie personnelle, professionnelle et sexuelle. Elle donne de nombreux exemples fort détaillés de la vieillesse de grands personnages historiques qui ont marqué leur temps en politique, littérature, arts, musique et philosophie.

Il faut comprendre ici que ce livre a été publié en 1970, soit 52 ans avant la publication de cet article. La question pour moi était de savoir si le livre a mal vieilli. Je dirais oui jusqu’à un certain point. Certaines choses n’ont pas changé.

À une très lointaine époque où régnait la loi tribale, on tuait les vieux dès qu’ils devenaient encombrants. Puis on a arrêté cette pratique et on a confiné les vieux dans leur famille où ils sont devenus rapidement gênants, souvent dans l’attente de l’héritage. Puis la famille a éclaté et on s’est mis à parquer les vieux. Aujourd’hui, on parque toujours les vieux ou ils se parquent eux-mêmes ce qui est tout à fait dans le ton de la modernité.

De Beauvoir a raison a bien des égards malgré l’évolution explosive de la Société : La politique de la vieillesse est un échec monumental de la civilisation, un gâchis à l’échelle mondiale.

Le livre est donc empreint d’un certain réalisme mais comporte des irritants comme celui d’être à la remorque de la mentalité des années 1960-70, l’auteure utilisant par exemple un vocabulaire vu aujourd’hui comme celui d’un autre temps.

Elle utilise des mots jugés aujourd’hui dépassés et même à la rigueur, choquants : Décrépitude, gâtisme, dégénérescence, finitude, déchéance, vieillards, etc. Certains modèles d’expression laissent à penser que Simone de Beauvoir est carrément tranchante :

<Le mot -rebut- dit bien ce qu’il veut dire. On nous raconte que la retraite est le temps de la liberté et des loisirs… Ce sont des mensonges éhontés. La Société impose à l’immense majorité des vieillards un niveau de vie si misérable que l’expression -vieux est pauvre- constitue presque un pléonasme.> Extrait. L’auteure va jusqu’à dire que la politique de la vieillesse confine à la barbarie.

Tout ça est trop fort. Je comprends pourquoi cet essai de Simone de Beauvoir a été aussi critiqué par ses contemporains. Il est tranchant et très agressif. Je rejoins l’auteure toutefois quand elle dit qu’il faut complètement revoir la gestion actuelle des aînés, repartir sur des bases réalistes et cesser de considérer les aînés comme des morts en sursis.

En résumé, l’ouvrage est intéressant, quoique pas toujours facile à suivre. C’est vrai, il est d’un autre temps mais il vient réactualiser la situation et le sort de nos aînés qui, nous l’avons vu pendant la pandémie du COVID 19, souffrent d’une tendance de la Société à les mettre sur une voie de garage.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus


L’auteure Simone de Beauvoir

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er juin 2025

 

SÉCESSION, Julien Centaure

*Depuis de nombreuses années, tous les colons étaient descendus sur Terra et Madeleine avait dû admettre que son ami faisait partie des cinq millions de malheureux perdus pendant le voyage de 15 000 ans à travers l’espace… *

(Extrait : ESPERANZA 64 TOME 3, SÉCESSION de Julien Centaure, version audio, audible studio éditeur, 2019. Durée d’écoute : 16 heures 48 minutes, narrateur : Renaud Dehesdin. Équivalence : 541 pages.)

20 ans après l’arrivée de l’Esperanza 64 en orbite de Terra, tous les colons, qui dormaient dans des soutes vivent désormais sur la planète. Chacun possède un logement, un travail et mange à sa faim. La mission, confiée par Exodus à l’équipage du grand vaisseau, peut donc être considérée comme accomplie. Cependant, ce succès se doit d’être relativisé, car la grande majorité des colons abhorrent le système en place. Ils voudraient retrouver les fondements, si adaptés au genre humain, que sont la démocratie, la propriété privée et la liberté d’entreprendre. La révolution couve et Élisabeth, acculée, cherche désespérément une solution.

Tant qu’il y aura des hommes…

SÉCESSION est le troisième livre de la saga ESPERANZA 64. Bien qu’il peut être lu ou écouté indépendamment, pour mieux apprécier le volume, il est préférable d’avoir pris connaissance des deux premier livres. À ce propos, je vous réfère à un article que j’ai publié sur ce site en mai 2019 sur ESPERANZA 64. Dans ce troisième opus, les rescapés d’Esperanza ont fondé une colonie en plusieurs cités sur Terra, l’exoplanète qui les accueille.

Elizabeth a mis en place un système politique qui se rapproche de l’état de droit mais qui a toutes les apparences du communisme. Rien à voir toutefois avec les régimes qui se sont succédés en Union Soviétique. Sur Terra, le système était viable à cause de l’importance accordée aux droits de la personne. Mais les hommes étant ce qu’ils sont, une scission s’est opérée dans la population : une partie souhaitant de continuer à soutenir le régime en place, l’autre désirant l’économie de marché, bref, l’instauration du capitalisme.

Toutes les parties se sont mises d’accord pour qu’Élizabeth et ses partisans fassent sécession et aillent vivre ailleurs, sur une autre planète déjà détectée. Personnes, installations et matériel seraient envoyés sur la nouvelle planète appelée LUMIÈRE <Parce qu’elle a deux soleils> grâce à la technologie avancée d’une race appelée -superhumains- et basée sur une science devenue légendaire en science-fiction, grâce à Gene Roddenberry et sa création, STARTREK : le télétransport.

SÉCESSION raconte le transfert de ces gens sur une planète plus ou moins accueillante, l’obligation pour eux de coexister avec d’autres races extra-terrestres en particulier les KEINIS avec l’obligation morale du respect des différences, l’établissement d’alliances et la préparation d’un avenir satisfaisant pour tous. Ce n’est pas simple, mais les hommes ne sont pas simples. Julien Centaure a relevé, je crois, un très beau défi.

Beaucoup de critiques considèrent que la série s’essouffle. Je ne trouve pas. La sécession à elle seule est tout un défi à développer et Centaure l’a fait avec une parfaite connaissance de la nature humaine.

Disons que ce que j’ai trouvé le plus difficile est que l’exploration spatiale a laissé sa place aux sciences de la terre et aux tendances humaines. Mais la grande force de Centaure est le message qu’il insère un peu partout dans son récit sur la tolérance et le respect des différences. L’action et les revirements ne manquent pas. Un fil conducteur efficace fait qu’il est facile de suivre l’histoire qui évolue dans une parfaite cohérence.

Le récit accuse quelques longueurs, un peu de redondance comme on en trouve souvent dans les grandes sagas. Les personnages sont bien travaillés, particulièrement les extra-terrestres à qui l’auteur a donné un rôle de premier plan. La description d’une planète neuve témoigne d’une grande imagination de l’auteur, En fin, je signale l’excellente prestation du narrateur Renaud Dehesdin qui ne m’a jamais déçu.

Suggestion de lecture du même auteur : LES NETTOYEURS

Les autres tomes

Pour lire mon commentaire sur le livre premier d’ESPERANZA 64, cliquez ici


Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert.
Le dimanche 8 décembre 2024

 

LE SQUELETTE DE RIMBAUD, de Jean-Michel Lecocq

*-Mon souci concerne l’illustration du roman de Franz Bartelt
que vous connaissez tous, je veux parler du fémur de Rimbaud.
Un exemplaire de ce roman doit être exposé dans une vitrine.
J’aimerais qu’à coté soit présenté le fémur de Rimbaud. *
(Extrait : LE SQUELETTE DE RIMBAUD, Jean-Michel Lecocq,
Lajouanie éditeur, 2019, format numérique, 232 pages)

Plus d’un siècle après sa mort, Arthur Rimbaud sème le chaos dans le département qui l’a vu naître, les Ardennes. Le maire de Charleville-Mézières, voulant fêter dignement le poète, décide de redonner un peu d’éclat au musée qui lui est consacré. En préparant la nouvelle exposition, l’édile et son conseil provoquent une découverte inouïe qui va révolutionner la galaxie rimbaldienne, mais pas seulement… Une cellule de crise est mise sur pied. On va y croiser, un officier de police peu porté sur la poésie et un juge d’instruction qui préfère Baudelaire à Rimbaud. Ce duo va croiser des personnages étranges, prêts à tout pour éviter que le terrible secret entourant la mort de Rimbaud soit éventé.

Les os d’Arthur
Les caricaturistes n’étaient pas en reste et l’un d’eux était allé
jusqu’à représenter une ronde avec les autorités en train de
danser et, au milieu, la tête de Rimbaud montée sur un squelette
 unijambiste en train de se déhancher, avec cette légende :
 la danse macabre.
(Extrait)

C’est un ouvrage original que j’ai trouvé bien écrit et qui m’a fait sourire car malgré son cadre sérieux, j’ai trouvé qu’il ne manque pas d’humour. Voyons le tableau. Le maire d’un département des Ardennes, pays natal du célèbre poète Arthur Rimbaud, décide de souligner dignement le centenaire de la mort du prestigieux poète en exposant dans son musée un fémur de Rimbaud. L’annonce fut suivie d’abord de la surprise générale, d’un éclat de rire, puis de la consternation et jusqu’à la levée de bouclier.

L’exhumation fut décidée…les Ardennes allaient perdre pour un temps leur belle tranquillité. *Ce fut donc au terme d’une démarche biaisée, inique, impopulaire et juridiquement bancale que, par une belle journée d’été, il fut procédé à l’ouverture de la tombe d’Arthur Rimbaud* (Extrait) Ho surprise générale, la tombe du génie renfermait un corps ayant ses deux jambes. Impossible. Rimbaud a été amputé vers la fin de sa vie.

Après enquête, on identifie une autre tombe où se trouvait sûrement le poète. Double surprise générale, pas de corps dans la tombe. C’est l’émoi. La population est au bord de la désobéissance civile. Pire…le coupable commet des meurtres pour protéger son identité. Un policier rémois, Vidal mènera une enquête qui va le pousser très loin. Fait à noter : il n’aime pas Rimbaud. On n’est pas sorti de l’auberge.

Et dire que cette aventure un peu burlesque part du caprice d’un politique municipal. J’ai aimé ce petit livre pour plusieurs raisons. Oui, c’est teinté d’humour mais le récit n’a jamais atteint l’absurde.

J’ai apprécié la retenue de l’auteur même si je l’ai senti hardi pour se moquer gentiment des rimbaldiens haut-perchés car faut-il le rappeler, Rimbaud, dont l’auteur jalonne un peu la vie dans son récit, n’a pas toujours été un enfant de chœur, et c’est sans parler de l’homosexualité supposée du poète et de ses aventures avec un autre célèbre poète : Paul Verlaine.

Je suis heureux aussi que l’auteur n’ait pas spécialisé son récit dans la poésie. C’est une tendance qui ne m’attire pas beaucoup. Mais le récit est intrigant. Ça reste un roman policier parcouru de pans de vie de Rimbaud ainsi que des extraits de ses poèmes insérés seulement au début de chaque chapitre. C’est de bon goût et j’ai lu les vers, extraits de poèmes célèbres avec beaucoup de plaisir.

C’est un suspense bien pensé qui m’a éclairé sur la vie d’Arthur Rimbaud sans jamais nuire à l’intrigue. Je n’ai ressenti aucune irritation, bien au contraire. Les personnages sont pétillants. Je confirme ce que je croyais avant d’entamer la lecture : un polar ayant comme toile de fond LE SQUELETTE DE RIMBAUD, ne doit sûrement pas manquer d’originalité.

Suggestion de lecture : LA VENGEANCE DE BAUDELAIRE, de Bob Van Laherhoven

Jean-Michel LECOCQ est un auteur français né à BOGNY-SUR-MEUSE, dans les Ardennes, le 19 avril 1950. Sa première apparition dans le monde de l’édition remonte à 1972, avec la publication, chez Millas-Martin, d’un recueil de poèmes. Il publie, en 2009, son premier roman, « Le secret des Toscans », un polar historique dans lequel il dévoile sa passion pour l’Histoire. Plusieurs livres suivront. En octobre 2016, il publie « Les bavardes », une enquête au cœur de la petite station balnéaire de Sainte-Maxime. Deux ans plus tard, Lecoq nous surprend avec LE SQUELETTE DE RIMBAUD.

Rimbaud est un poète incontournable, auteur de nombreux poèmes comme Sensation, Ma bohème, Le bateau ivre. Lorsque son chemin croise celui de Verlaine, la passion les emporte jusqu’au drame. Arthur Rimbaud est LE poète par excellence. Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Sa mère l’ élève seule, suivant des principes stricts.

Le jeune Arthur est un élève brillant, il remporte des prix de littérature dès son adolescence. Il saute la classe de cinquième. Grâce à sa plume talentueuse, il remporte divers prix dont le premier prix du Concours académique en 1869. Jeune homme révolté contre l’ordre des choses, il voit la poésie comme un moyen de les faire évoluer. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 24 mars 2024

UNE HISTOIRE DU QUÉBEC, Jacques Lacoursière

*Le 24 juillet 1534 marque le début de l’histoire
officielle du Québec. Ce vendredi-là, des hommes
du capitaine malouin Jacques Cartier plantent une
croix sur la pointe de Gaspé…*
(Extrait : UNE
HISTOIRE DU QUÉBEC, Jacques Lacoursière. Papier :
Éditions du Septentrion 2012, 200 pages. Version audio :
Audible studios éditeur, 2019, durée d’écoute : 4 heures
46 minutes. Narrateur : Alexis Martin.)


Ce livre est une synthèse de l’histoire du Québec. Il retrace « l’évolution de la société québécoise en intégrant dans son texte les grands événements politiques, la vie quotidienne, les débats d’idées et l’opposition entre les éléments conservateurs et progressistes qui ont forgé le destin du Québec ». Jacques Lacoursière va à l’essentiel en livrant le fruit de quarante années de recherche et de réflexion.

Introduction à un pays
*Peu de canadiens avaient manifesté une grande
ardeur à défendre leur Mère-Patrie. Quelques-uns
avaient même pris les armes en faveur des insurgés.
Le 25 mars 1776 à Saint-Pierre-du-sud, non loin de
Montmagny, un combat s’engage entre fidèles sujets
de sa Majesté et canadiens rebelles. On voit alors des
pères se battre contre des fils…*
(Extrait)

UNE HISTOIRE DU QUÉBEC est une synthèse très brève et simplifiée de l’histoire du Québec qui débute officiellement en 1534 par la plantation d’une croix à Gaspé : geste hautement symbolique posé par le Capitaine Jacques Cartier. Étrangement, l’histoire du Québec débute par la découverte du Canada. La brièveté du récit par rapport à la période couverte m’a laissé mitigé. Je dirais que c’est le défaut de sa qualité. Beaucoup de détails importants ont été escamotés mais l’essentiel a été livré.

Pour une introduction simplifiée à l’histoire du Québec, j’ai trouvé le tout très acceptable et pour être honnête, j’aurais beaucoup aimé qu’à l’école, l’histoire du Québec m’ait été racontée à la façon d’Alexis Martin, le narrateur du récit de Jacques Lacoursière en version audio.

Comme je le précise au début, le style du texte est très introductif et évoque une chaîne d’évènements sans nécessairement en expliquer le sens mais en en rapportant toutefois les conséquences. C’est un texte vulgarisé qui, sans entrer dans les détails, constitue un outil de révision de l’histoire très valable.

J’ai quand même su et compris beaucoup de choses qui m’ont échappé au fil du temps : que Jacques Cartier symbolisait un désir d’expansion et de puissance de la monarchie française. La France et l’Angleterre accumulaient les guerres et ça s’est senti jusqu’à la défaite de Montcalm aux Plaines d’Abraham en 1759 marquant le début de la conquête britannique du Québec. On comprend mieux la rivalité entre canadiens anglais et canadiens français, rivalité de langue, de religion et d’identité.

Mais qu’à cela ne tienne, le Québec ne s’est jamais départi de son petit côté *Nouvelle France* et cet aspect des québécois est mis en perspective dans le récit de Jacques Lacoursière et cela, je l’ai beaucoup apprécié.

J’ajouterai à ces nouvelles connaissances la naissance de certaines idées dont quelques-unes ont et ou encore la vie dure : le séparatisme, les conséquences de la guerre, la séparation de l’église et de l’État et même l’annexion du Canada aux États-Unis qui a été souhaitée à une époque où les britanniques se débrouillaient fort mal avec la notion de haut et de bas Canada. J’ai beaucoup apprécié la synthèse sur Maurice Duplessis, l’auteur proposant un intéressant rapport de forces et de faiblesses sur son héritage politique.

Donc en résumé, c’est un ouvrage intéressant qui va à l’essentiel, jugé incomplet par beaucoup de critiques, parce que ça manque de détails entre autres, qu’on enchaîne les évènements sans en expliquer le sens.

Moi je prends ce titre pour ce que je crois qu’il est : un condensé qui va à l’essentiel. La décision d’aller plus loin dans mes connaissances de l’histoire m’appartient et je dois dire que c’est tentant.

Suggestion de lecture : L’HISTOIRE DU QUÉBEC EN 30 SECONDES, de Sabrina Moisan et Jean-Pierre Charland

Jacques Lacoursière est un historien et auteur québécois né en 1932 à Shawinigan et mort à Québec en 2021.. Il se spécialise dans la vulgarisation de l’Histoire du Québec.  Dans les années 1960, il fut collaborateur à Libre Nation, un journal nationaliste et indépendantiste. Passionné d’histoire, L’auteur a fait une refonte complète dans la collection Histoire populaire du Québec, maintenant en cinq tomes. Jacques Lacoursière a aussi, en 1996, participé à l’élaboration de la télésérie historique Épopée en Amérique réalisée par Gilles Carle. Il est le frère de la romancière Louise Lacoursière.


Tout a commencé en 1534…avec Jacques Cartier
(Toile de Suzor-Côté)

Bonne lecture

Bonne écoute

Claude Lambert

le dimanche 26 novembre 2023

 

LE BIEN DES AUTRES, de Jean-Jacques Pelletier

*Montréal, 2 heures 17. Brad Filbaut vécut les
dernières minutes de sa vie avec une certaine
nervosité…*
(Extrait : LE BIEN DES AUTRES. Les gestionnaires
de l’apocalypse, tome 3, Jean-Jacques Pelletier.
À l’origine : papier, alire éditeur 2003, 814 pages.
Version audio : Audible studios éditeur 2018, durée
d’écoute : 38 heures 38 minutes. Narrateur : Jean
Brassard)

Pendant qu’au Québec l’Église de la Réconciliation Universelle recrute secrètement des personnalités influentes, à Ottawa, un nouveau parti politique, l’Alliance progressiste-libérale et démocratique, veut prendre le pouvoir afin de maintenir l’unité du pays et de garantir la sécurité du territoire. Or, la campagne électorale québécoise est marquée par une violence ethnique et linguistique sans précédent, ce qui fait craindre le pire à la population et fournit de l’eau au moulin de l’APLD. 

À la tête de son Unité spéciale d’intervention, l’inspecteur-chef Théberge enquête sur le vandalisme et les attentats qui se multiplient. Mais comment lutter contre ce qui ressemble à un dérapage généralisé – et amplifié par des médias qui s’en donnent à cœur joie! – de la société civile et des institutions démocratiques québécoises? 

Les instruments de la manipulation
*On ne dira jamais trop l’importance de la liberté.
Libérer les individus est la condition essentielle de
toute entreprise efficace de contrôle social. Ce n’est
que libérés de touts leurs liens que les individus
peuvent être pris en charge par le libre jeu du
marché social. * (Extrait)

Jean-Jacques Pelletier poursuit sa tétralogie sur un thème qui lui est cher : une Société en effervescence. Difficile à résumer parce que le récit prend beaucoup de directions différentes. Sa grande force, qui semble confirmer que l’homme ne changera jamais, est qu’il est extraordinairement ajusté à notre actualité contemporaine si je me réfère à différents épisodes développés dans le récit.

Par exemple, la décapitation des statues, l’application des mesures d’urgence qui rappelle les évènements de 1970 au Québec, la violence et les excès engendrés par le sécessionnisme et le racisme, les attentats terroristes qui se multiplient, le radicalisme religieux…tout y passe.

Pelletier poursuit sur la lancée de LA CHAIR DISPARUE avec ses thèmes généraux : Manipulation des foules et des médias, intégration et unification mondiale des mafias, agitation sociale et instabilité politique et au milieu de ce beau jardin: une mystérieuse secte appelée l’Église de la réconciliation universelle avec ses rites absurdes et ses objectifs douteux…plaque tournante idéale pour camoufler l’inimaginable.

C’est un récit froid, cru et noir, certainement pas recommandé aux âmes sensibles. Esclavage sexuel, chantage, séquestration, torture, pornographie pédophile, meurtres rituels, manipulation et exploitation d’enfants et autres horreurs innommables. L’auditeur/auditrice entre dans un monde de complot, d’agitation et pénètre dans des cercles où la vie ne vaut pas cher.

C’est un thriller, disons socio-politique pas facile à suivre. Il est très long et prend de multiples directions sans compter la quantité de personnages qui donne le vertige. Certains personnages toutefois sont fort bien travaillés et intéressants à suivre comme l’inspecteur-chef Gonzague Théberge qui lutte avec l’énergie du désespoir contre la violence, le terrorisme, l’instabilité sociale et le crime organisé. Autres éléments intéressants : l’action se déroule un peu partout dans le monde et l’auteur développe des idées intéressantes sur le détournement des institutions démocratiques.

Dans ses forces et ses faiblesses, je dirais que l’oeuvre est en équilibre. J’aurais souhaité un pavé moins long avec un fil conducteur plus solide et une présentation des principaux personnages au début. L’ensemble est lourd et évoque la sempiternelle lutte du petit bon contre le gros méchant. Je le rappelle, c’est violent et il y a comme une surchauffe dans l’atmosphère qui se dégage du récit.

Pour la version audio, j’ai trouvé la narration correcte sans plus, un peu monocorde et peu nuancée si on tient compte de la quantité de personnages. J’ai trouvé l’ensemble de l’oeuvre intéressant, avec de bonnes idées mais peu emballant.

Suggestion de lecture, du même auteur : DIX PETITS HOMMES BLANCS

Jean-Jacques Pelletier est un auteur québécois né à Montréal en 1947. Écrivain aux horizons multiples, le thriller est pour lui un moyen d’intégrer de façon créative l’étonnante diversité de ses centres d’intérêt : mondialisation des mafias et de l’économie, histoire de l’art, gestion financière, zen, guerres informatiques, techniques de manipulation des individus, chamanisme, évolution des médias, progrès scientifiques, troubles de la personnalité, stratégies géopolitiques…

Depuis L’Homme trafiqué jusqu’à La Faim de la Terre, dernier volet des « Gestionnaires de l’apocalypse », et des Visages de l’humanité jusqu’à Deux balles, un sourire, c’est un véritable univers qui se met en place. Dans l’ensemble de ses romans, sous le couvert d’intrigues complexes et troublantes, on retrouve un même regard ironique, une même interrogation sur les enjeux fondamentaux qui agitent notre société.

DU MÊME AUTEUR

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

L’AIGLE DE SANG, de Jean-Christophe Chaumette

*…Grandit une famille de fauves monstrueux Dévoreurs
de lumière. Ils se gorgeront de la chair des hommes
promis à la mort et disperseront leur sang dans tout
l’univers ; Alors dans les étés qui suivront, le soleil
sera voilé de noir et les vents se déchaîneront en
affreuses tempêtes…*
(Extrait : L’AIGLE DE SANG, Jean-Christophe Chaumette,
Pocket éditeur, 2001, édition numérique, 312 pages)

Alors qu’un hiver permanent s’est abattu sur le monde, une poignée d’inspecteurs du Tribunal Pénal International mène l’enquête sur une série de meurtres aussi mystérieux que terrifiants : de grands criminels de guerre sont retrouvés morts, crucifiés selon un ancien rituel viking appelé « l’aigle de sang ». Ces faits sont d’autant plus troublants que de nombreux autres indices renvoient à la mythologie scandinave, et notamment au Ragnarok. L’ancienne prophétie nordique serait-elle en train de s’accomplir ? La fin de notre monde serait-elle proche ? Navigation entre la mythologie scandinave et l’ufologie

TENDANCES CONVERGEANTES
*Une chose est sûre :
ton client est un fana de
la mythologie nordique !
Un cinglé qui se prend
pour Odin !
(Extrait)

L’Aigle de sang est un thriller sans classification précise. C’est un savant mélange de fantastique, surnaturel, légende, mythologie, politique, militaire, science-fiction ufologie et suspense. Le titre de l’ouvrage et la première moitié du récit reposent sur une légende officielle de la mythologie scandinave appelée l’Aigle de sang…légende qui n’est pas particulièrement tendre.

Ça prépare efficacement le terrain pour entrer dans l’esprit de l’auteur et comprendre où il veut en venir : *Si vous clouez un homme sur un mur, que vous lui fendez le thorax, et que vous lui écartez les côtes pour le transformer en aigle de sang, alors…Alors vous pouvez attirer une force gigantesque ! …vous établissez un lien avec un seigneur du monde-autre ! * (extrait)

Cette légende ouvre la voie à la découverte d’une porte donnant accès à un autre monde, un univers parallèle, une autre dimension. Cette porte amène aussi la création de l’obscur projet Oméga : Ôméga…l’ultime savoir…notre projet…nous avons ouvert une porte vers une autre dimension…où se trouvent les réponses à toutes les questions que se pose l’humanité ! Quelques vies ne sont rien en regard de ça. * (extrait)

Le lien à faire avec l’incontrôlable soif de puissance des militaires est prévisible mais il faut aussi y ajouter un joueur particulier : *…un réseau international de monstres richissimes utilisant leur fortune pour assouvir d’ignobles pulsions de mort en jouant les bourreaux pendant des conflits particulièrement sanglants. * (Extrait)

Tout ça fait une soupe particulièrement explosive et donne un thriller à glacer le sang. Ce roman ne trempe pas dans l’eau de rose et le lecteur doit s’attendre à des passages d’une inimaginable cruauté.  C’est un des romans les plus noirs, les plus violents et les plus gores que j’ai lu. Mais il est bien écrit. Il rentre dans les détails, c’est le moins qu’on puisse dire.

Si les passages dans des mondes parallèles constituent un thème en peu réchauffé, Chaumette a trouvé des idées quand même pas mal intéressantes. Par exemple, il range sans le vouloir au musée les grands vaisseaux extra-terrestres. Ce sont les extra-terrestres qu’on retrouve dans une autre dimension et il y en a deux sortes : les bons qui peuvent aider et guider les humains, et les mauvais qui envahissent par abduction l’esprit humain pour le contrôler. On appelle ces derniers les lucifériens.

Je sais que l’abduction n’est pas un phénomène nouveau en littérature de science-fiction mais l’auteur a développé ce sujet avec beaucoup d’imagination et a su y ajouter de l’originalité. Ici, tous les ingrédients du complot extra-terrestre sont réunis, y compris les militaires qui veulent utiliser leur savoir. C’est un mélange sagace de modernité et de mythologie et qui revisite plusieurs théories.

Enfin, un mot sur la finale que j’ai trouvé particulièrement réussie. Je ne la dévoilerai pas bien sûr, mais elle véhicule une idée particulièrement intéressante qui vient s’ajouter à l’incroyable folklore entourant la mystérieuse zone 51 (Groom lake, É.U.)

Cette zone abrite entre autres le fameux hangar 18 dans lequel on devrait retrouver, selon une croyance bien imprégnée, le vaisseau extra-terrestre qui a fait un crash à Roswell au Nouveau-Mexique en 1947 ainsi que quelques corps d’extra-terrestres. Cette finale, ficelée presqu’à la perfection n’es pas sans faire réfléchir sur la soif illimitée de pouvoir qui agite l’esprit humain.

C’est un roman-choc que j’ai beaucoup aimé. L’intrigue est riche, les rebondissements nombreux, Écriture efficace. Se lit vite et bien. C’est un troisième bouquin pour Jean-Christophe Chaumette, trois fois récipiendaire du prix Masterton. Chaudement recommandé…

Suggestion de lecture n: LA CONSPIRATION DE ROSWELL, de Boyd Morrison

Jean-Christophe Chaumette est un écrivain français né en 1961 Ses romans et nouvelles appartiennent à la littérature de l’imaginaire, à l’exception d’un roman historique publié sous le pseudonyme de Chris Jensen. Il a exploré les domaines de la Fantasy, de la SF, et surtout du Fantastique. C’est dans ce dernier genre qu’il a particulièrement réussi, en recevant trois fois le prix Masterton du meilleur roman fantastique francophone, en 2001, 2002 et 2011.  Il a commencé à écrire en 1983 Son premier roman publié fut « Le Jeu » en 1989, réédité en décembre 2011 sous forme numérique chez Kindle.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 décembre 2022

biblioclo.com 

DUNE, livre premier et second, de Frank Herbert

*Dans les ténèbres, Paul gardait les yeux mi-clos… Il
voyait les yeux de la vieille femme, larges et brillants
comme ceux d’un oiseau de nuit. De plus en plus larges…
de plus en plus brillants, semblait-il…-Dors bien rusé
petit démon ! Demain, tu auras besoin de tous tes moyens
pour affronter mon ghôm jabba ! *

Extrait : DUNE, livre 1,
Pocket éditeur, 1998, à l’origine, v.f. : Robert Lafont 1970. Version
audio : Lizzie éditeur, duré d’écoute : 18  heures. Narrateur :
Benjamin Jungers

Il n’y a pas, dans tout l’Empire, de planètes plus inhospitalières que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert, et que tout l’univers convoite. Quand Leto Atréides reçoit Dune en fief, il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.

Cependant les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie  Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?

L’émergence de Paul Atréïde
*Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort
qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai
de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai
mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus
rien. Rien que moi. * 
(Extrait DUNE, livre 1 litanie contre la peur du rituel Benegesserit)

C’est un chef d’œuvre mais il est amputé. C’est peut-être un peu gros comme entrée en matière, mais ça évoque ma seule déception relativement à cette œuvre. Elle est incomplète. Il manque le livre troisième qui fait l’objet d’une narration à part chez Audible. Je n’ai pas compris ce choix de l’éditeur et je ne vous le cache pas, ça m’a irrité.

Sinon, nous avons affaire ici à une œuvre culte de la science-fiction, un des romans les plus vendus dans le monde. Voyons d’abord les principaux éléments que les premiers livres mettent en place en vue de la longue saga DUNE .

L’empereur Padisha Shadam IV confie au duc Leto la gestion de la planète Dune, une planète de sable occupée par les framens et qui produit l’épice, un mélange addictif convoité dans tout l’univers et pour lequel on tue, on guerroie, on complote sans compter l’obligation d’affronter des vers énormes qui peuvent atteindre 400 à 600 mètres de longueur et qui dévastent tout sur leur passage y compris les usines d’extraction d’épice.

Pour la protection du système, Leto a besoin des Framens qui ne rêvent que de l’arrivée du prophète…l’élu qui changera le cours de l’histoire. Or, les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent un programme millénaire de sélection génétique qui concrétisera tous les dons latents de l’espèce. Toutefois, les risques de dérapages sont sérieux.

C’est ici qu’entre en scène Paul Atréïde, le fils de Leto, qui, par des dons très spéciaux qui commencent à se manifester, donne à penser qu’il pourrait être l’élu. Suite à une trahison, Leto meurt. Paul Atrïde, baptisé Muad’Dib par les Framens, hérite d’un univers dont il prendra le contrôle avec un redoutable savoir-faire ouvrant ainsi la voie au trône impérial.

Évidemment, c’est résumé succinctement, mais au final, DUNE raconte un colossal Jihad qui bouleversera une galaxie entière. En écoutant l’excellente narration de Benjamin Jungers, je n’ai pu faire autrement que de revivre presque scène par scène la surprenante adaptation cinématographique signée David Lynch en 1984. Le travail du narrateur a mis en valeur le caractère immersif du roman.

Ce livre est un chef d’œuvre, un immortel. Son pouvoir descriptif atteint par moment la poésie. Il a aussi un petit côté environnemental qui n’est pas sans rejoindre les préoccupations humaines actuelles. L’oeuvre nous amène aussi à découvrir le mysticisme qui confirme la nature initiatique du récit.

*Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale. J’affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien. Rien que moi* (Extrait : DUNE,  Litanie contre la Peur du rituel Bene Gesserit)

L’écoute de ce classique m’a fait vibrer car non seulement le livre comporte-t-il une vision du futur où il faudra forcément croire à l’immatériel mais il comporte une vision de la vie. Dune pourrait être une quête du sens de la vie.

Ce n’est pas toujours simple car le fil conducteur de l’histoire est parfois instable et prend plusieurs directions. Mais quand on y regarde de près, l’histoire évolue dans un monde grisant, fascinant avec quelque chose qui nous ressemble…parfois un peu…parfois beaucoup. Cette version audio de DUNE fut pour moi un enchantement.

Suggestion de lecture : STAR WARS, LES DERNIERS JEDI, de Brian Johnson

Frank Patrick Herbert (1920-1986) est un écrivain de science-fiction américain. Ses œuvres connurent un succès commercial et furent acclamées par la critique. Il doit principalement sa célébrité à sa série de romans Dune qui aborde des thèmes tels que la survie de la race humaine et son évolution, l’écologie, ou encore les interactions entre la religion, la politique et le pouvoir. (Wikiquote)

DUNE AU CINÉMA

Il y a plusieurs adaptations de Dune à la télévision et au cinéma. Le meilleur film qu’il m’a été donné de voir est celui qui introduit la série, le premier film sorti en 1984 et réalisé par David Lynch : DUNE

À gauche sur l’affiche, on reconnait (personnage du bas) le célèbre auteur-compositeur-interprète Britannique STING de son vrai nom Gordon Mathew Thomas Somner. À droite, Kyle Mclachlan incarne Paul Atréïde et Siân Phillips incarne la révérende mère Gaius Helen Mohiam.

À propos de la série audio

La série audio DUNE de Frank Herbert comprend sept opus, tous édités par Lizzie et narrés par Benjamin Jungers : DUNE 1.1 livre premier et livre second, DUNE 1.2 livre troisième, DUNE 2 LE MESSIE DE DUNE, DUNE 3  LES ENFANTS DE DUNE, DUNE 4 L’EMPEREUR-DIEU DE DUNE, DUNE 5 LES HÉRÉTIQUES DE DUNE et DUNE 6 LA MAISON DES MÈRES.

Je ne reproduis pas ici les premières de couverture car elles sont passablement identiques. Pour plus de détails, rendez-vous sur le site d’audiolib.


BONNE ÉCOUTE
CLAUDE LAMBERT
Le samedi 29 octobre 2022

 

ÉTÉ ROUGE, le livre de Daniel Quiros

*…en entendant l’identité de la morte, j’avais senti Comme un coup au creux de l’estomac…le corps était étendu è plat ventre sur le sable et la marée, que Faustino avait évalué à mi-flux, faisait osciller lentement la chevelure de la morte…*
(Extrait : ÉTÉ ROUGE, Daniel Quiros, 2010. Traduction française : Édition de l’UBW, 2014, NUMÉRIQUE. 210p.)

Côte du Pacifique, Costa Rica. Un Éden où les pinèdes sont massacrées afin de permettre la construction de villas luxueuses pour des investisseurs étrangers… et des caïds de la drogue. Un Éden où il fait terriblement chaud. C’est là, dans un tranquille village de pêcheurs, qu’est découvert sur la plage le cadavre d’une femme, surnommée l’Argentine. Don Chepe, ancien guérillero qui a lutté aux côtés des sandinistes, décide de retrouver l’assassin de son amie. Une enquête qui le conduit à découvrir les liens obscurs entre passé et présent, utopie et désenchantement… et à revisiter l’histoire de son pays.

 

Le révolutionnaire enquêteur
*<Ce que vous devez faire, c’est la chose suivante :
À 14 heures, cet après-midi, soyez assis au restaurant
La Caracola, à une des tables sur la terrasse qui donne
sur la mer. Vous y recevrez ma réponse là-bas.
Maintenant, je vais vous remercier pour votre visite.
Peut-être des forces majeures décideront elles de nous
réunir à nouveau à quelque occasion.>*
(Extrait)

Pour apprécier ce roman à sa juste valeur, il faut comprendre la nature du conflit qui opposa au début des années 1980, les sandinistes nicaraguayens, arrivés au pouvoir après avoir renversé la dictature de Somoza, qui tenait le pays sous le joug depuis plusieurs décennies, aux Contras, les contre-révolutionnaires soutenus, encadrés et armés par les États-Unis qui utilisaient largement son maître des basses-œuvres, la CIA.

Cette région de l’Amérique centrale était une véritable poudrière. En cours de lecture, j’ai dû faire une pause pour entreprendre une recherche afin d’être plus à l’aise pour une meilleure compréhension d’un pan sombre de l’histoire sud-américaine qui a toujours été pour moi fort labyrinthique.

Je n’ai pas regretté cette recherche. Rien ne vous oblige à le faire, mais si vous ne saisissez pas bien les enjeux politiques et militaires de cette époque, vous risquez de trouver le récit erratique et inintéressant. Le roman chevauche les genres policier, drame d’espionnage et thriller politique.

Ce roman suit Don Chepe, un ex-révolutionnaire revenu au Costa-Rica désenchanté par ce qu’il considère comme échec la révolution sandiniste du Nicaragua à laquelle il avait participé. Pour trouver la quiétude, Don Chepe s’installe dans une petite station balnéaire tranquille appelée Tamarindo.

Un jour, une amie de Don Chepe, Ilana Echeverri, appelée l’Argentine, tenancière du Café de Tamarindo, est assassinée. Don Chepe voulut savoir pourquoi et décida d’enquêter. Étrangement, l’Argentine avait prévu sa mort : *Si l’argentine voulait me faire comprendre ce qui avait entraîné sa mort, elle ne me facilitait pas les choses. Tant de mystères, aucun nom donné, une série de pistes menant elles-mêmes à d’autres pistes…* (Extrait)

Cette enquête va entraîner le lecteur dans une sombre réalité historique, l’attentat à la bombe de La Penca, qui a coûté la vie, en 1984 à sept personnes parmi lesquelles des journalistes chargés de couvrir le conflit entre les sandinistes et la Contra.

Donc, Don Chepe mène de front deux enquêtes qui amène surtout le lecteur dans les évènements entourant l’attentat de La Cruz :  *ÉTÉ ROUGE utilise toute cette information historique comme base et contexte. Le roman fait, je l’espère, de ce matériel <authentique> un moyen d’exploration des effets de l’histoire sur le présent, en estompant la frontière entre la réalité et la fiction. * (Note de l’auteur)

Là encore, ma recherche m’a été utile, car l’auteur approfondit très bien le contexte géopolitique de l’Amérique Centrale des années 1980. Le terme *labyrinthique* utilisé plus haut n’est pas, je crois, exagéré. Les personnages évoluent entre le passé et le présent, ce qui nécessite une bonne concentration de la part des lecteurs.

Je n’ai pas trouvé les personnages spécialement attachants mais j’ai pu toutefois constater et admiré l’opiniâtreté de Don Chepe. Son enquête rappelle un peu un jeu de piste avec des indices essentiellement fournis par l’argentine (une fois morte).

Imbriquer la réalité et la fiction dans un roman comporte toujours des risques sur le plan littéraire. Les irritants sont souvent inévitables. Ainsi, ÉTÉ ROUGE souffre de remplissage. Je crois que le roman est bien construit mais il y a beaucoup de longueurs, de détails pas toujours utiles, un peu d’errance et bien sûr le caractère géopolitique du récit est sous-développé.

Très évocateur de la complexité historique de l’Amérique Centrale, ÉTÉ ROUGE a un petit côté noir qui ne m’a pas déplu. Mais avant de lire ce roman, disons qu’il faut s’équiper raisonnablement pour en saisir toute la portée.

Suggestion de lecture : HIVER ROUGE, de Dan Smith

Daniel Quiros est un écrivain costa-ricain né en 1979. Il enseigne la littérature espagnole à l’Université Lafayette en Pennsylvanie aux États-Unis. ÉTÉ ROUGE est son quatrième livre.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 30 octobre 2022

LA MÉMOIRE QU’ON VOUS A VOLÉE, 1760 à nos jours

Commentaire sur le livre de
GILLES PROULX
et
Louis-Philippe Messier

*Plus personne ne se rappelle qu’Ô Canada fut composé pour la fête nationale du 24 juin, qu’UN CANADIEN ERRANT rendait hommage aux patriotes exilés en Australie ou que le club de hockey CANADIEN s’appelle ainsi parce qu’il était réservé aux joueurs d’expression française. *

(Extrait de la préface signée par l’historien Gilles Laporte du livre de Gilles Proulx et Louis-Philippe Messier LA MÉMOIRE QU’ON VOUS A VOLÉE, de 1760 à nos jours. Les Éditions du journal, 2019, par Mylène Des Cheneaux, édition de papier, 245 pages)

Après le succès de Nouvelle-France. Ce qu’on aurait dû vous enseigner, Gilles Proulx revient à la charge pour revaloriser la mémoire collective du Québec. Pourquoi connaissons-nous si mal notre histoire? Dans cet ouvrage rédigé en collaboration avec Louis-Philippe Messier, Gilles Proulx raconte les grands événements et célèbre les personnages marquants qui ont façonné le Québec, de la Conquête jusqu’à nos jours.
*La perte de mémoire rend un peuple incapable des faire des choix éclairés et d’agir sur la réalité…* (Préface de Gilles Laporte. Historien)

Histoire de savoir
*La capitulation est une décapitation*
(Extrait : début du récit alors que la France

perd son vaste territoire nord-américain)

Tout m’a attiré dans ce livre en commençant par la justesse du titre car depuis la petite école qui, en matière d’histoire m’a fait faire un départ aussi spectaculaire que faux, j’ai réalisé au fil de mes lectures et de mes recherches et avec le temps, à quel point j’ai été non pas seulement mal informé mais surtout désinformé.

Comme j’ai toujours apprécié le franc-parler et la rectitude de Gilles Proulx, j’ai été vite séduit par la présentation, le contenu. Car pour moi, il s’agissait des répondre à cette question : Pourquoi est-ce que je connais si mal mon histoire.

La bonne Société politisée et la petite école des années 60 ont occulté tellement de choses importantes qui expliquent ce que nous sommes devenus aujourd’hui et ce, pour des raisons éminemment opportunistes.

Gilles Proulx et Louis-Philippe Messier sont de ces horlogers du temps qui viennent remettre les pendules à l’heure. Ils viennent nous rappeler qu’Henri Bourassa est un peu plus que le nom d’un bouleva, que Pontiac est un peu plus qu’une marque de voiture. Les auteurs remontent le temps et établissent un lien solide entre le passé et le présent.

LA MÉMOIRE QU’ON NOUS A VOLÉE est un ouvrage en quatre parties. La première partie est une préface de l’historien Gilles Laporte qui prépare le lecteur à l’entrée en scène de Gilles Proulx.

*Dès 1840, l’occupant britannique entreprend de déposséder le Canada Français des symboles de son enracinement en Amérique : le castor, la feuille d’érable, ses liens avec les autochtones et jusqu’à la poutine…*. (Extrait)

Il semble bien qu’on ait perdu la mémoire depuis fort longtemps. La deuxième partie du livre publie l’argumentaire de Gilles Proulx et il n’y va pas toujours avec le dos de la cuillère mais ça me va…le message passe :

*Ce poste facile et payant a été créé pour imiter celui des lords qui ont leur chambre en Grande-Bretagne. En 1867, tout comme aujourd’hui, le Sénat est, d’abord et avant tout, un moyen de récompenser ses amis aux frais du con…tribuable ! (Extrait)

Évidemment, ça frôle l’écart, mais il faut connaître l’auteur. En matière de franc parler, Gilles Proulx est une légende. Il y a des choses qui ne changent pas. Beaucoup de liens évoquant le passé expliquent le présent. Imaginez que votre ordinateur n’a pas été mis à jour depuis 5 ans. LA MÉMOIRE QU’ON NOUS A VOLÉE me rappelle une mise à jour de masse.

La troisième partie du livre est une récapitulation des évènements assortie d’explications sur les grandes dates depuis la prise de Québec et la capitulation de Montréal en 1760 jusqu’au rejet de la souveraineté par les québécois en 1995. C’est riche en détails et c’est suffisamment crédible pour remettre les pendules à l’heure.

Enfin, la quatrième partie est une biographie des principaux acteurs de ce récit. J’y ai fait la connaissance de nombreux personnages dont plusieurs ont été mystérieusement occultés de mon éducation.

Je comprends de ce livre à la plume directe et riche que pour qu’un peuple survive, il doit se comprendre. Et pour se comprendre, il doit connaître ses origines. Oui, c’est vrai, les anglais et les français ont exporté leurs chicanes en Amérique mais il s’est passé tellement de choses qui expliquent la sensibilité des québécois.

J’ai l’impression que de précieuses connaissances entassées dans une arrière-boutique obscure me sont rendues. La conclusion de l’argumentaire de Gilles Proulx pose la question ultime : Qui nous a volés ? À vous de le découvrir amis lecteurs, amies lectrices… pour moi, c’est du solide.

Suggestion de lecture : L’HISTOIRE DU QUÉBEC en  30 secondes, de Sabrina Moisan et Jean-Pierre Charland.

Gilles Proulx (1940-2013) est un auteur, animateur de radio et de télévision ainsi qu’un globetrotteur québécois. Il détient un baccalauréat et une maîtrise en communication.
De 1979 à 1991, il était chargé de cours en communication à l’Université de Montréal et professeur invité à l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar au Sénégal, en journalisme radiophonique en 1983.

Il fut directeur de l’information à CKLM, journaliste à l’émission le Temps de vivre à Radio-Canada, et commentateur à CKOI-FM. Il fut animateur du Journal du midi durant 24 ans, soit de 1984 à 1994 à CJMS, de 1994 à 2004 à CKAC, puis de 2004 à 2008 au 98,5 FM.

En 1998 et 1999, il a animé les Grands Dossiers historiques à la chaîne télévisée Canal D. Photographe et voyageur, il a publié plusieurs livres dont À la conquête du monde en 1996 et Globetrotter en 2000.


À l’automne 2009, il présente une série qui s’appelle « Mémoire de Proulx » produite par le Canal Vox à Montréal et la série est diffusée sur d’autres stations au Québec.


Reporter pour Le Journal de Montréal et le quotidien 24H, Louis-Philippe Messier a signé de nombreux articles de voyage et dossiers gastronomiques. Il a le flair pour débusquer des faits divers insolites et aime approfondir l’aspect saugrenu de ses sujets. Il a aussi co-écrit avec Gilles Proulx  MONTRÉAL : 60 ÉVÈNEMENTS QUI ONT MARQUÉ L’HISTOIRE DE LA MÉTROPOLE (lecture parallèle suggérée)
L’ouvrage mêle les hauts faits historiques, les grands phénomènes sociaux et les petits faits vrais qui marquent la vie de toute cité


LECTURE PARALLALÈLE SUGGÉRÉE

Bonne Lecture
Claude Lambert
Samedi 6 août 2022