PASSAGE, le livre de YANICK St-YVES

*De douloureux et familiers souvenirs refirent
surface. Plus d’angoisse, plus de cauchemar,
seulement les empreintes du passé. Thomas
retourna huit ans en arrière. À ce jour qui avait
séparé l’avant de l’après.
*
(Extrait : PASSAGE, Yanick St-Yves,  Les Édtions de
Mortagne, 2012, édition de papier,  480 pages)

De retour d’un voyage d’affaires, Thomas retrouve sa femme, Catherine qui, pendant son absence, s’est métamorphosée. Femme aimante, elle devient agressive ; sa douceur devient violence. Thomas n’y comprend plus rien. Aucune piste, aucun indice pour expliquer ce changement. Pour faire la lumière sur cet évènement et se réapproprier sa vie, Thomas devra emprunter un passage qui le mènera au cœur de la pire des tourmentes.

« Nous y voilà, vous et moi. Là où s’enracine le germe. Au commencement d’un long voyage. Laissez-moi vous conduire à travers les méandres chaotiques de l’inconnu…Ouvrez la porte et venez me rejoindre.» Yanick St-Yves. Dans les rêves de Thomas et dans sa réalité maintenant déphasée, il est question d’un certain passage…

LES MÉANDRES CHAOTIQUES DE L’INCONNU
*…alors que le sang lui couvrit une partie de la
figure…L’homme hurlait à présent : «Je suis
aveugle…tu m’as crevé les yeux, bâtard. Tu
m’as crevé les yeux !

Un ingénieur en électricité qui se lance dans la publication d’un premier roman. Ça m’a intrigué. J’ai voulu voir si Yanick St-Yves avait publié quelque chose de vraiment électrisant. Jeu de mot facile me direz-vous? Sans m’électriser, Yanick a réussi à me rendre captif. D’abord, PASSAGE est un livre en deux parties.

Dans la première partie, Thomas constate que sa femme s’est transformée…elle est devenue chipie, violente et invivable. Quelque chose lui échappe. Il découvre finalement que sa femme n’est plus elle-même : une entité s’est emparée d’elle. Ce n’est pas sa femme, c’est son corps.

Sa femme est morte assassinée alors qu’il était sur le chemin du retour. Thomas ne peut accepter cela, lui, déjà affecté par la mort de son meilleur ami Simon. Une petite voix rappelle souvent à Thomas qu’il lui faut *sauter*, ce que Thomas finit par faire. Le seul objectif de son suicide : emprunter le PASSAGE et retrouver Catherine.

Première découverte fantastique : Thomas s’incarne intact dans un autre monde. Oui, il y a de la vie après la mort et ce dans des centaines de mondes. Ainsi se dessine clairement sa nouvelle raison de vivre : retrouver Catherine, prisonnière de l’entité qui a complètement chamboulé la vie de Thomas. Rien ne sera facile. La deuxième partie est donc la quête. Il se fera des amis et alliés en cours de route. Il retrouvera Simon entre autres.

J’ai retrouvé dans ce livre toutes sortes de tendance que j’ai toujours appréciées en littérature, un caractère fantastique, une âme violée. Jamais l’auteur utilise le mot possession ni même de double-personnalité. L’auteur en appelle à son propre pouvoir descriptif afin de créer l’image appropriée dans l’esprit du lecteur.

Le style de l’auteur me rappelle un peu Dean Koontz, Patrick Sénécal et même Stephen King…je pense à SIMETIERRE et un peu aussi à LA TOUR SOMBRE à cause de la complexité de sa quête. St-Yves décrit à sa façon la force d’une profonde amitié, les avantages de l’esprit d’équipe, l’opiniâtreté et la persévérance.

Il décrit aussi de façon inattendue l’éternelle dualité entre le bien et le mal. J’ai vu là le principal trait d’originalité de l’ouvrage. Si en littérature, plus souvent qu’autrement le bien triomphe, la lecture de PASSAGE vous réserve des surprises.

J’ai trouvé la deuxième partie aussi essoufflante qu’accrochante jusqu’à la finale qui n’est pas du tout celle à laquelle je m’attendais. J’ai été surpris mais ça ma plu. J’ai été aussi surpris à la fois de la douceur et de l’étrangeté de nombreux passages :

*Il douta être en mesure de s’assoupir, car le bruit des roues d’acier sur la route sablonneuse était insupportable, pourtant, quelques secondes après que sa tête eut touché l’oreiller, il s’endormit depuis la première fois depuis sa mort* (Extrait)

Dans PASSAGE, l’auteur a une vision très élaborée de la vie après la mort. J’ose espérer que moi personnellement, j’aboutirai dans un monde plus calme. Blague à part, en débutant le livre, je m’attendais à un sujet élimé.

Cette impression de déjà-vu a perduré pendant presque toute la première partie. Par la suite, l’auteur m’a entraîné dans une voie complètement différente qui m’a déstabilisé, ce qui ne l’a pas empêché de me faire verser dans l’addiction avec son écriture parfois allusive, de nombreux rebondissements et une finale qui confirme que St-Yves se démarque des autres auteurs.

Le récit donne parfois l’impression d’être scénarisé, donc plus en fonction du cinéma que pour le lectorat. C’est un élément qui peut déplaire, mais j’ai passé par-dessus. Bravo à l’auteur car à chaque fois que je devais faire une pause dans la lecture de son livre, je ressentais de la frustration et l’envie d’y revenir très vite.

Donc Yanick St-Yves a frappé fort à mon avis, pour sa première publication. C’est un livre que je vous recommande…un long voyage dans l’inconnu, un face à face avec le chaos et je laisse à l’auteur le dernier mot : *Vous trouverez, je le souhaite, un peu de moi et beaucoup de vous*.

Suggestion de lecture : PASSAGE, de Connie Willis

Je n’ai pas trouvé d’informations sr l’auteur mais il y en a sur l’ingénieur. Yanick St-Yves est effectivement titulaire d’un baccalauréat en génie électrique, spécialisation en technologie de l’information, expert en réseau de télécommunication. Il est également scénariste à la Fuica Productions depuis 2012 et bien sûr, auteur d’un premier roman : PASSAGE. Avec le talent qu’il y a mis, on peut considérer que Yanick St-Yves est un auteur à surveiller.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 septembre 2019

CRIME ACADEMY, de CHRISTIAN JACQ

<L’assassin n’en croyait pas ses yeux. Une convocation
en bonne et due forme à la télévision pour devenir la
vedette d’une émission qui fascinerait le grand public,
«CRIME ACADEMY»! De même qu’à six autres candidats,
on lui proposerait, ni plus moins, de raconter son crime
parfait…>

(Extrait : CRIME ACADEMY, Christian Jacq, 2012, J-édition pour
la version numérique, 235 pages, édition de papier)

CRIME ACADEMY est le titre d’une nouvelle émission créée par une chaîne populaire de télévision et qui se rapproche de la téléréalité. Sept assassins impunis, des criminels qui ont échappé à la justice, sont invités à l’émission pour raconter les circonstances de leur crime. Ensuite, le public est appelé à choisir son criminel préféré. Les grands pontes de Scotland Yard sont furieux et délèguent l’inspecteur  à la retraite Higgins et son remplaçant Scott Marlow pour enquêter. Ce dernier commence par rencontrer les *vedettes* . Quelque chose cloche…

CRIMINELS OU FABULATEURS?
*La forteresse qui abrite les
sept candidats de la
CRIME ACADEMY est un
marécage recouvert de
brume*
(Extrait : CRIME ACADEMY)

Je connaissais déjà la plume de Christian Jacq pour ses nombreux récits sur l’Égypte. J’étais très curieux de vérifier comment Jacq se débrouillait dans un contexte d’intrigue policière. J’ai choisi CRIME ACADEMY tout à fait au hasard. On est très loin de la perfection mais le livre présente un intéressant rapport de forces et de faiblesses. Voyons d’abord le synopsis.

L’histoire tourne autour de sept assassins potentiels, c’est-à-dire sept personnes qui avouent avoir commis le crime parfait sans jamais avoir été ennuyé par la justice. Les crimes ont été perpétrés il y a plus de trente ans, en Grande Bretagne, là où la prescription n’existe pas. Mais la justice doit remonter trop loin dans le temps pour être efficace et rendre punissables ces sept personnages.

Cecil Cadeno, animateur et organisateur d’une émission de télé-réalité à scandale réunit ces sept personnes avec une garantie de protection légale pour qu’elles racontent leur crime et concourent ainsi au titre de meilleur assassin, titre accompagné d’une somme d’argent plus que confortable.

Le superintendant Marlow de Scotland Yard se lance dans une enquête qui s’annonce fort complexe, tellement qu’il fait appel à son vieil ami Higgins pour l’aider à découvrir la vérité dans ce panier de crabe. Très vite, Higgins voit qu’il y a anguille sous roche. Et ça se complique très vite car des morts s’ajoutent pendant l’enquête. Le temps presse.

Première observation, le concept est original et rappelle les *huis-clos* de Miss Marple et d’Hercule Poirot, les brillants limiers créés par Agatha Christie. Le Crime de l’Orient-Express me vient à l’esprit aux fins de comparaisons. Même si ça rappelle Agatha Christie et même Conan Doyle, le concept est bien propre à Christian Jack.

La comparaison s’arrête là, les histoires d’Agatha Christie étant beaucoup plus approfondies et mieux finies. L’originalité de l’histoire m’a quand même plu, d’autant qu’elle vient faire un petit croche-pied à l’univers de la téléréalité, que je trouve d’une extraordinaire insipidité. Elle n’est pas rendue aussi bas, mais je ne suis pas sûr qu’elle se gênerait.

La plus belle réussite de Christian Jacq est qu’il a pu maintenir le caractère intriguant de l’histoire jusqu’à la fin. Il m’a forcé à me creuser la tête et j’ai joué le jeu : *La forteresse qui abrite les sept candidats de la CRIME ACADEMY est un marécage recouvert de brumes…* (Extrait).

J’ai trouvé la finale excellente. Elle vous réserve un magnifique bouquet de déductions et de logique policière alors que tous les suspects sont réunis pour le *speech* final et que toutes les pièces du casse-tête prennent leur place.

Le roman est relativement court, il se lit très bien. La plume est fluide et l’ensemble est très bien ventilé, les chapitres en particulier qui sont courts. C’est la principale faiblesse du roman : il est trop court, il manque de fini, de développement, d’enrobage. La psychologie des personnages est très peu développée ce qui est dommage, spécialement dans le contexte d’un roman de type huis-clos comme CRIME ACADEMY.

Il aurait été intéressant, voir nécessaire de développer davantage le schéma de pensée des assassins et surtout, d’en savoir plus sur les motivations de Cecil Cadeno, l’animateur qui a beaucoup à gagner et beaucoup à perdre aussi comme on le verra, car l’auteur nous a réservé quelques surprises.

On est très loin du chef d’œuvre mais j’ai quand même apprécié ma lecture. Je considère que CRIME ACADEMY est un très bon divertissement.

Suggestion de lecture : IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR, De Martin Michaud

Né à Paris en 1947, Christian Jacq est d’abord et avant tout égyptologue et il a partagé sa passion en publiant des livres qui sont devenus autant de références sur l’Égypte. Aujourd’hui, ses ouvrages sont publiés dans une trentaine de langues. Parallèlement, il a publié des romans historiques qui ont pour cadre évidemment l’Égypte antique, ainsi que des romans policiers publiés sous pseudo et réédité par la suite sous son vrai nom.

Comme si Christian Jacq avait une corde de plus à son arc, ses romans policiers ont connu aussi un succès flatteur grâce à son personnage fétiche, l’inspecteur Higgins. Cette série : LES ENQUÊTES DE L’INSPECTEUR HIGGINS comprend 23 titres. C’est une collection à découvrir. Voici quelques titres…juste pour vous mettre l’eau à la bouche…

             
           

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 21 septembre 2019

La guerre des boutons, livre de LOUIS PERGAUD

*Il répliqua par un « À cul les Velrans !» aussi sonore
que le cri de guerre de son rival et les épieux et les
sabres de Longeverne pointèrent encore une fois en
avant leurs estocs durcis.>
(Extrait : LA GUERRE DES BOUTONS, Louis Pergaud, 1912,
libre de droit, réédition : Fleurus, 2011, édition numérique,
150 pages.

Entre les Longeverne menés et les Velrans du village voisin, la guerre est aussi acharnée qu’immémoriale. Mais le jour où les Velrans surprennent Grangibus et Tigibus dans le bois et les apostrophent d’une insulte jusque-là inconnue des Longeverne, la guerre prend un tour nouveau. L’idée de base est d’arracher les boutons et les bretelles des ennemis et d’en faire un trésor de guerre. Armes de guerre : bâtons, cailloux, pieds et poings. Cette épopée truculente de Louis Pergaud devenue un classique évoque l’amitié autant que la cruauté avec une verve très particulière. 

LA GUERRE DES BOUTONS
roman de ma douzième année
(titre complet)

*« Ah Prussiens ! Ah salauds ! –triples cochons !
-andouilles de merde ! –bâtards de curés !
-enfants de putain ! –charognards ! –pourriture !
-civilités ! –crevures ! –calotins ! –sectaires ! –
chats crevés ! –galeux ! –mélinards ! –combisses !
-pouilleux ! telles furent quelques-unes des
expressions qui s’entrecroisèrent avant l’abordage.
Non, on peut le dire, les langues ne chômaient pas.
(Extrait : LA GUERRE DES BOUTONS)

*Un Langeverne a traité un Velrans de couilles molles* 

C’est par une simple insulte que s’est déclenchée la guerre des boutons entre les garçons de deux villages : Longeverne avec les troupes du général Lebrac et Velrans, avec les troupes du général L’Aztèque. On joue du bâton, on lance des cailloux, coups de pied, et comme trophées de guerre…des boutons de culotte, jarretières, bretelles, bas etc. pas de pitié. Les prisonniers sont mis à nus, insultés, frappés et délestés de leurs boutons, ce qui met les parents en furie. Mieux vaut ne pas se faire prendre tout compte fait.

Est-ce la proximité de la première guerre mondiale qui a inspiré Louis Pergaud ou les petites guerres de clan qui isolaient les enfants en bande dans les régions rurales de la France au début du XXe siècle. Peu importe.

LA GUERRE DES BOUTONS est un roman puissant aux effluves d’enfants qui a conservé toute son actualité et qui, je n’en doute pas, traversera les âges. Pergaud a dû partir d’une prémisse très simple : pour connaître la nature humaine, il faut d’abord comprendre la nature des enfants et indirectement, les notions d’hérédité et d’atavisme. J’ai trouvé ce roman génial à plusieurs égards.

D’abord, l’auteur a tout prévu. Je n’ai trouvé aucune faille dans l’ensemble. Des enfants ont décidé de se faire une guerre sans merci, façon de parler, mais ils doivent composer avec un tas de défis comme par exemple, faire comme si de rien n’était à l’école et tout cacher au soupçonneux et sévère Père Simon. Ensuite, les enfants devaient éloigner le plus possible leurs parents du théâtre de la guerre.

C’était facile à dire et peu d’entre eux ont échappé à la raclée parentale. Ensuite, il fallait financer la guerre. Je vous laisse découvrir toute l’ingéniosité des enfants à ce chapitre. Enfin, il fallait s’organiser. C’est ainsi que les enfants se sont nommés un général, un lieutenant…on a fait comme les grands : stratégie, espionnage, ruse, logistique d’approvisionnement, expéditions punitives, quartier général.

Ensuite, j’ai été émerveillé et séduit par la richesse et la saveur de la langue et j’ai découvert, à ma grande joie un heureux cousinage entre l’argot français de la Franche-Comté et le jargon québécois : pus au lieu de plus, soye au lieu de soit, les ceusses au lieu de ceux, queque chose au lieu de quelque chose, deusse au lieu de deux , lastic au lieu d’élastique, guernouilles au lieu de grenouilles… bref, l’auteur a prévu un petit dictionnaire d’argot de plus de 500 mots à la fin du récit.

Ça fait un récit chantant, rythmique, extrêmement vivant. Une histoire pleine de candeur et du langage d’enfants : *Si j’aurais su, j’aurais pas venu* (Extrait) Je me suis même beaucoup amusé de cette capacité que l’auteur a prêté aux enfants de *débouler* des jurons en série…*Montre-toi donc, hé grand fendu, cudot, feignant, pourri ! Si t’es pas un lâche, montre-la ta sale gueule de peigne-cul ! va ! – Hé grand’crevure, approche un peu, toi aussi, pour voir ! répliqua l’ennemi.*(Extrait)

LA GUERRE DES BOUTONS est un roman-jeunesse mais il convient tout à fait à tous les âges de la vie. Au moment d’écrire ces lignes, le roman a 105 ans. Il n’a pas vieilli et demeure un pur moment de plaisir. Deux petites faiblesses si je peux me permettre. La finale est excellente mais un peu rapide.

J’avais l’impression d’avoir manqué quelque chose. Dans LA GUERRE DES BOUTONS, l’auteur suit surtout le camp de Longeverne. J’aurais aimé en savoir plus sur les sentiments des Velrans et leur plan d’action. Ça crée un certain déséquilibre,

En dehors de ces petits détails, LA GUERRE DES BOUTONS est un livre précieux et qui pousse à la réflexion sur la tolérance entre autres et sur le destin des futurs appelés de la première guerre mondiale au cours de laquelle l’auteur Louis Pergaud a perdu la vie.

À lire absolument : LA GUERRE DES BOUTONS

Suggestion  de lecture : MAGICIEN L’APPRENTI, LA GUERRE DES FAILLES, de Raymond E. Feist.

Louis Émile Vincent Pergaud (1882-1915) est un romancier et instituteur français. Ses deux livres les plus mondialement connus sont DE GOUPIL À MARGOT qui décroche le prix Goncourt en 1910 et bien sûr la guerre des boutons, paru en 1912 et réédité par la suite plus de trente fois avant de devenir libre de droit.

Du point de vue stylistique, Pergaud se réclame de Rabelais, notamment pour sa science de l’énumération. Il en est beaucoup question au début de la guerre des boutons. Louis Pergaud meurt au champ d’honneur en 1915 et est déclaré MORT POUR LA France en aout 1921.

LA GUERRE DES BOUTONS SUR L’ÉCRAN

Ma version préférée de la guerre des boutons, celle réalisé par Yves Robert et sortie en avril 1962. On retrouve dans la distribution, Martin Lartigue, André Treton et le grand Michel Galabru.

Autre version intéressante de LA GUERRE DES BOUTONS : celle réalisée par Yan Samuell en 2011 avec, parmi les principaux acteurs : Éric Elmosnino, Mathilde Seigner, Alain Chabat et Vincent Bress.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 20 septembre 2019

VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de JULES VERNE

*Le véritable voyage commençait. Jusqu’alors, les fatigues l’avaient emporté sur les difficultés. Maintenant, celles-ci allaient véritablement naître sous nos pas. Je n’avais point encore plongé mon regard dans ce puits insondable où j’allais m’engouffrer. Le moment état venu…* (Extrait, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE, Jules Verne, livre audio édité en 2013 par LE LIVRE QUI PARLE et lu en version intégrale par Bernard Petit. J’ai aussi écouté une version audio courte publiée en 2005 par les éditions Naïve et lue par Jean-Claude Dreyfus et Michel Aumont.)

Image: publication 2013
Axel Lidenbrock est le neveu d’un éminent géologue et naturaliste allemand, le professeur Otto Lidenbrock. L’histoire commence à Hambourg, dans la maison du Pr. Lidenbrock. Le professeur, amateur de vieux livres, a acheté le manuscrit original d’une saga islandaise, Heimskringla, écrite au XIIe siècle, et dans lequel il découvre un parchemin rédigé en caractères runiques. Axel et son oncle parviennent à déchiffrer ce cryptogramme.

Il s’agit du message d’un certain Arne Saknussemm, un alchimiste du XVIe siècle. Celui-ci affirme avoir découvert un passage vers le centre de la Terre, en passant par le Sneffels, volcan inactif situé en Islande. Le professeur Lidenbrock décide de partir dès le lendemain pour l’Islande, emmenant avec lui son neveu Axel. A Reykjavík, ils engagent un chasseur d’eider nommé Hans, qui sera leur guide.

Les trois hommes voyagent jusqu’au pied du volcan Sneffels, et en font l’ascension. Le cratère éteint renferme trois cheminées. L’une d’elles doit être effleurée par l’ombre d’un haut pic, le Scartaris, à midi, « avant les calendes de juillet », c’est-à-dire dans les derniers jours de juin. D’après la note de Saknussemm, là se trouve le passage vers le centre de la Terre…

LE CLASSIQUE DES CLASSIQUES
*Enchanté mon garçon, je suis enchanté.
Nous sommes arrivés. <au…au terme de
notre expédition?> ? Mais non…au bout
de cette mer qui n’en finissait plus…nous
allons maintenant reprendre la voie de terre
et nous enfoncer enfin dans les entrailles du
globe !
>(Extrait : édition année 2005)

Image : publication 2005

Ça faisait longtemps que VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE de Jules Verne était dans mes projets de lecture. Plusieurs années même. Difficile de dire pourquoi je repoussais tout le temps. On ne peut pas repousser Jules Verne indéfiniment. Puis j’ai eu la chance de mettre la main sur deux versions audios de ce grand classique. La version narrée par Bernard Petit est plus complète.

Première observation et ça m’a sauté aux yeux…plutôt aux oreilles… j’ai compris à quel point les scénaristes et réalisateurs avaient pris des libertés dans l’adaptation du livre. Le livre est définitivement plus sobre et plus intéressant même s’il est sensiblement moins spectaculaire.

L’histoire est simple. C’est celle d’un scientifique : Otto Lindenbrock, un géologue, brillant mais têtu et légèrement caractériel et Axell, son neveu, un orphelin que le professeur a pris sous son aile. Un jour, Axell découvre un mystérieux parchemin. Le manuscrit, signé Arne Saknusemme, contient des indications précises pour atteindre le centre de la terre en passant par le cratère du Sneffel, un volcan islandais éteint et en utilisant une des cavités éclairées par le soleil un jour précis de juin.

Lindenbrock décide de tenter l’aventure avec Axell et s’adjoindre un guide islandais appelé Hans et voici nos amis partis dans une aventure qui va les marquer pour la vie, frôlant la mort plusieurs fois et composant avec les caprices de la planète qui est fort vivante.

Le livre et la première version audio que j’ai écoutée raconte donc l’odyssée de l’expédition Linderbrock. On s’aperçoit très vite que la science est un objet de littérature pour Verne et c’est la source d’une de mes principales difficultés quand je lis Verne : l’étalement de connaissances et d’explications scientifiques, certaines n’étant pas nécessaires au contenu, d’autres compliquées parce qu’insuffisamment vulgarisées. C’est un élément qui complique la lecture ou l’écoute.

Évidemment quand je lis un livre de science-fiction, je m’attends à un livre d’aventure et non à un cours de science. Verne n’est pas le seul à s’étendre, ce fut le cas de beaucoup d’auteurs. Au moment d’écrire ces lignes je pense surtout à Edgar Allan Poe. Mais il y a quand même un élément très important qui vient contrebalancer la parade scientifique : c’est la beauté de l’écriture qui pousse à l’émerveillement de par ses qualités descriptives.

Il est difficile de ne pas aimer Jules Verne, d’autant que la première version audio que j’ai écoutée était narrée par Bernard Petit avec ses remarquables capacités vocales de passer d’un registre à l’autre et de matérialiser par son harmonique vocale une extraordinaire gamme d’émotions.

Il lui arrive parfois d’en faire trop, de verser sensiblement dans la déclamation mais pas suffisamment pour irriter les oreilles si je me réfère à l’ensemble de la narration. Donc en général, l’écoute fut pour moi très agréable.

Si je reviens à l’histoire, j’ai été un peu surpris du peu de consistance attribuée au guide HANS, à qui Verne semble avoir attribué le rôle d’ange gardien. Ne réfléchis pas, parle très peu mais jamais loin pour sauver tout le monde.

J’aurais souhaité qu’il ait un rôle plus actif. Autre faiblesse à mon avis, mais elle pourrait être discutable, j’ai trouvé la finale expédiée et un peu facile. Au moins, j’ai pu savourer une description extraordinaire des paysages, et ce à tous les niveaux de la descente. C’est un récit très actif et généreux dans ses descriptions

Quant à la deuxième version que j’ai écoutée, je serai bref. Elle est plus courte, plus concentrée, elle est présentée par deux narrateurs avec figurants et musique. C’est une version plus ancienne, pas techniquement au point. Toutefois, j’ai trouvé sa présentation sympathique et très agréable.

Lire Verne, c’est un dépaysement garanti. Bien sûr il y a des invraisemblances, mais l’auteur fut un des plus grands visionnaires de la littérature. N’a-t-il pas anticipé l’idée du sous-marin avec 20 000 lieues sous les mers, et le voyage dans l’espace avec DE LA TERRE À LA LUNE et la théorie de la terre creuse de Pauwells avec VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE.

Il faut lire Verne au moins une fois…dépaysant bien sûr, mais aussi rafraîchissant, relaxant…bon pour le moral. La qualité de l’écriture m’a entraîné au centre de la terre…un moment intense et extraordinaire.

Suggestion de lecture, du même auteur : VINGT MILLE LIEUES SOUS LES MERS

Affiche du boitier contenant le DVD du film VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE sorti en juillet 2008 et réalisé par Eric Brevig avec, au cœur de la distribution, Brendan Fraser et Josh Hutcherson. D’après l’œuvre de Jules Verne, scénarisé par Jennifer Flackett, Mark Levin et Michael D. Weiss.

Jules-Gabriel Verne (1828-1905) est un écrivain français dont l’œuvre est surtout constitué de romans d’aventures basés sur les progrès scientifiques de son temps. Rompu d’abord au théâtre, sa rencontre avec Alexandre Dumas va sérieusement influencer la suite.

La rencontre avec l’éditeur Pierre Jules Hetzel, en 1862, et la publication par ce dernier de Cinq semaines en ballon, change le cours de sa vie. Le succès est immédiat et international, si bien que Verne signe un contrat de vingt ans pour produire ses Voyages Extraordinaires, nom attribué à sa série de plus de 70 romans.

 Les plus célèbres (Le tour du monde en quatre-vingts jours, Vingt mille lieues sous les mers, l’Île mystérieuse, Michel Strogoff, Les enfants du Capitaine Grant, Voyage au centre de la Terre, De la Terre à la Lune) sont gravés dans les mémoires et font partie du patrimoine culturel mondial.

L’intérêt particulier de son œuvre, c’est d’y retrouver un amour profond de la science, mêlé avec autant d’art que de sérieux à des idées novatrices et proches de la science-fiction. Beaucoup de ses livres ont été adaptés au cinéma, 20000 lieues sous les mers, produit par Disney, réalisé par Richard Fleischer, et bien sûr, VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. (À consulter)

Pour terminer, AUDIBLE.CA offre deux suggestions supplémentaires des versions audios du célèbre classique de Verne :

      

Le cinéma et la littérature nous propose une quantité impressionnante de versions du grand classique de Verne. Les livres audio n’échappent pas à cette tendance. Audible en propose deux autres ci-haut. À gauche, la première version sonore réalisée en 1955 et publiée en 2015, narrée par Jean Desailly. À droite, une version abrégée publiée en 2010 avec le narrateur Éric Legrand.

BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 15 septembre 2019

LES CONTES D’ANDERSEN, recueil de classiques

*Jamais la grand-mère n’avait été si grande ni si belle.
Elle prit la petite fille sur son bras, et toutes les deux
s’envolèrent joyeuses au milieu de ce rayonnement, si
haut, si haut, qu’il n’y avait plus ni froid, ni faim ni
angoisse; elles étaient chez Dieu.*
(Extrait : LA PETITES FILLES AUX ALLUMETTES, LES CONTES
D’ANDERSEN, Hans Christian Andersen, Des contes
sélectionnés ont été réédités en numérique par Storylab
Éditions en juin 2011)

Les contes d’Andersen figurent parmi les histoires les plus célèbres dans le monde entier destinées aux enfants. Ce recueil regroupe les histoires considérées les meilleures par l’éditeur. La plupart ont été adaptées au cinéma par Disney.«…Les contes d’Andersen n’offrent pas seulement quelques descriptions de tableaux pittoresques, de péripéties saisissantes ou de personnages originaux, ils ouvrent comme une source de vie, de pensées et de réflexions sur la vie et la destinée humaine…» Étienne de Havenard,
traducteur, (1873-1952)

LES ENSEIGNEMENTS DE L’ANTICONTE
*«Me voilà devenu broche! Dit l’aiguille.
Je savais bien que j’arriverais à de
grands honneurs. Lorsqu’on est quelque
chose, on ne peut manquer de devenir
quelque chose. »*
(Extrait : LA GROSSE AIGUILLE, LES CONTES D’ANDERSEN)

Les contes d’Andersen constituent pour moi un véritable relent d’enfance. Je les ai lus bien avant les contes de Perrault ou de Grimm et même avant les fables de La Fontaine. Ma relecture d’une partie de ces contes m’a permis d’en savourer toute la richesse et avec le recul du temps et l’âge aidant, j’ai pu apprécier toute la dimension dramatique de ces contes et leur caractère humain.

En effet, ce qui m’a accroché dans les contes d’Andersen c’est, insérée ici et là, une certaine dose de cynisme, de tragédie. J’y ai vu peu de fantastique comme on en trouve dans les contes classiques comme CENDRILLON, LA BELLE AU BOIS DORMANT,  et autres contes du grand Charles Perreault. J’ai ressenti toutefois du merveilleux, rêves et cauchemars…

Les contes d’Andersen ont quelque chose de bouleversant qui colle peut-être un peu plus avec les dualités de la vie : espoir-désespoir, misère-abondance, pauvreté-richesse, philanthropie-misanthropie, haine-amour. Je me suis senti loin du surréalisme qui caractérise par exemple les contes de Jacob et Wilhelm Grimm comme Blanche-Neige, le Petit Chaperon rouge ou LA BELLE AU BOIS DORMAN.

Parce qu’on appelle ces textes d’Andersen des contes, ça m’a fait tout drôle d’y découvrir la finalité dans le malheur comme DANS LA PETITE FILLE AUX ALLUMETTES dont l’amertume et l’expression de malheur qui s’en dégage m’ont bouleversé. Pour donner un autre exemple, que dire de LA PETITE SIRÈNE qui sombre dans un amour impossible, malheureux et dont le destin passe par une solution de violence qu’elle n’est pas sûre d’adopter :

*…Elle nous a donné un couteau bien affilé que voici. Avant le lever du soleil, il faut que tu l’enfonces dans le cœur du prince et, lorsque son sang encore chaud tombera sur tes pieds, ils se joindront et se changeront en une queue de poisson. Tu redeviendras sirène…avant le lever du soleil, il faut que l’un de vous deux meure. Tue-le et reviens ! * (extrait) Soit dit en passant, ce conte, entre autres, a été superbement dénaturé par le cinéma.

Andersen a soumis tous ses héros à l’épreuve mais ils ne sont pas tous soumis à la morale. Plusieurs destins sont une véritable tragédie. On dit de Christian Hans Andersen, celui qu’Alexandre Dumas appelait * l’aimable poète danois * qu’il avait une personnalité attachante d’une part mais étrange d’autre part. Ses écrits lui ont valu une extraordinaire notoriété.

Peut-être a-t-il voulu mordre dans la vie pour enterrer définitivement sa vie d’enfant pauvre et méprisé. Il a été balloté par les dualités de la vie et ça se ressent dans le texte. Le merveilleux passe par l’épreuve ce qui revient à dire «mérite ton bonheur» Oserais-je prêté à ses écrits des prétentions autobiographiques? Peut-être.

Proches des réalités humaines, les contes d’Andersen conservent une extraordinaire actualité. Plusieurs pensent qu’ils ne sont pas destinés aux enfants. Moi je crois qu’ils sont destinés à tout le monde. Ne vous inquiétez pas pour les enfants. Inquiétez-vous plutôt de leur addiction aux jeux vidéo. Les contes d’Andersen sont un trésor d’imagination, d’inventivité et de beauté. Ils étaient dans le temps, un chef d’œuvre. Ça reste aujourd’hui un chef d’œuvre.

Suggestion de lecture : DOUZE CONTES VAGABONDS, de Gabriel Garcia Marquez

Hans Christian Andersen (1805-1875) est un célèbre écrivain et conteur d’origine danoise, il est d’ailleurs considéré comme le symbole du génie populaire nordique. 1822 marquera un tournant pour Andersen alors qu’il commence la publication de ses premiers textes. Il a son premier succès, notamment en 1830 avec Promenade du canal de Holmen à la pointe orientale d’Amagre. Il écrit ensuite d’autres romans à forte tendance autobiographique ainsi que des poèmes, des pièces de théâtre et des récits de voyage.

Mais, c’est dans la période de 1832 à 1842 qu’il publie ce qui établira définitivement sa notoriété : Des contes…des contes qui n’ont jamais été destinés aux enfants et pourtant ce sont les enfants qui ont été les plus fervents lecteurs de son œuvre. Walt Disney a fait d’ailleurs plusieurs adaptations, libres, pour plusieurs, c’est du moins mon opinion.

Cette période de grande inspiration culminera sur la rencontre d’Andersen avec Charles Dickens qui fit de son personnage « Uriah Heep » le portrait exact de Hans Christian Andersen. Les contes et histoires de Hans Christian Andersen sont traduits dans plus de quatre-vingts langues et pays du monde entier, et inspire encore aujourd’hui les artistes tout en émerveillant petits et grands.

LES CONTES D’ANDERSEN AU CINÉMA


La Petite Sirène est le 36? long-métrage d’animation est le 28? « Classique d’animation » des studios Disney. Sorti en 1989, il s’inspire du conte du même nom de Hans Christian Andersen, publié en 1836.
(d’après Wikipédia)

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
le samedi 14 septembre 2019

TRAQUÉ, le roman initiatique de LUDOVIC ESMES

*Ils sont nombreux ceux qui en veulent à ma peau.
Il y a un avis de recherche contre moi et je ne sais
pas pourquoi…Où vais-je me rendre demain?*
(Extrait : TRAQUÉ, Ludovic Esmes, Les Éditions de
L’Arlésienne, 2016, édition numérique, nouvelle, 15
pages numérique)

TRAQUÉ  raconte l’histoire extraordinaire de Thomas qui, perdu au milieu de nulle part a comme but d’atteindre la montagne, mais pour y trouver quoi? Persécuté dans ses pensées et traqué comme un criminel par une horde de sauvages munis de fourches et de torches enflammées. Thomas devra faire preuve de courage. Jusqu’où portera la folie humaine. Le lecteur, tout comme Thomas, apprendra que la fin n’est pas une solution en soi. L’histoire commence alors que Thomas se trouve près d’un village qui ne représente même pas un lieu sûr pour sa sécurité. Quelle direction prendre s’il en existe une dans ce pays dystopique?

ESSAI SUR LA FOLIE
*Je suis tiraillé entre l’espoir de sauter dans le vide
et peut-être m’en sortir ou alors rester et me faire
capturer  par je ne sais qui. Je suis comme écartelé
à vif sans anesthésie.*

(Extrait : TRAQUÉ)

TRAQUÉ est une nouvelle, donc un roman très bref et pourtant d’une grande profondeur. Le récit raconte l’histoire de Thomas, un homme perturbé en ce sens qu’il semble, à première vue, atteint d’un complexe de persécution. Il se sent traqué par des centaines de personnes munies de fourches et de bâtons.

Thomas n’a qu’un objectif, très précis : atteindre la montagne. Pourquoi ? Je suppose que la montagne est un symbole de sécurité. Je ne fais que supposer car dans les réponses aux questions soulevées dans ce récit, on peut autant avoir tort qu’avoir raison. En effet, il est question dans cette histoire d’un état sans définition vraiment précise : la folie.

Thomas a peur, c’est évident. Est-il fou pour autant, paranoïaque ? Moi par exemple, j’ai une peur presque obsessionnelle des araignées. Suis-je paranoïaque ? C’est facile de dire que quelqu’un est fou ou détraqué. Mais dans ce récit, la question n’est pas de savoir qu’est-ce que la folie mais plutôt qui en est atteint. C’est le petit côté génial de l’histoire et ce qui en fait toute son originalité.

Le récit nous pousse à essayer de comprendre ce qui se passe dans l’esprit de Thomas et à entrer en introspection avec lui :  *Pourquoi suis-je traqué par tout ce qui bouge ? Traqué physiquement mais aussi mentalement. Des images concernant ma sœur défilent continuellement. Ces images m’accusent de ne pas l’avoir aidée et sauvée. Je l’aimais ma sœur. Je n’aimais pas ses choix de vie, mais elle oui. Il y a un lien de sang indélébile. Elle n’est plus là et pourtant elle est bien présente dans mes pensées. * (Extrait)

On sent bien que l’esprit de Thomas est torturé. Mais pourquoi. Qu’est-il arrivé à sa sœur. Ça fait beaucoup de questions sans réponses mais peu importe parce que j’ai senti que le but de  cette histoire est d’alimenter une réflexion sur la folie. Ça ne règle rien et portant ça peut tout changer.

Le sujet est sensible et encore jusqu’à un certain point tabou. Il laisse à penser qu’il y a autant de définitions de la folie que de personnes. Dans ce récit, l’auteur pose beaucoup de questions qui ouvrent différentes voies dans l’esprit du lecteur.

Il ne faudra pas trop se surprendre d’une finale un peu choquante qui m’a ramené à une époque où la psychiatrie balbutiait, une époque où les soi-disant grands spécialistes avait *la folie facile* et une seringue toujours prête pour ne pas parler d’autres traitements et abus que la profession d’aujourd’hui a beaucoup de mal à faire oublier.

Ça met mal à l’aise et ça laisse supposer qu’au fond, on a pas régler grand-chose. Je ne peux pas préciser ce qui attend Thomas. Ce que je peux vous dire, c’est que, quelques phrases à peine dans la conclusion apportent un éclairage très intéressant sur l’ensemble du récit et la situation de Thomas.

Le roman est très bien ventilé, la plume est fluide. Si je ne tiens pas compte de l’aubergiste, il y a un personnage central, Thomas, puis ses poursuivants. Et bien sûr, il y a la blouse blanche, miss seringue en personne. Le but de Thomas est simple : atteindre la montagne. C’est l’objectif, le but ultime et la plume d’Esmes m’a comme poussé à souhaiter que Thomas l’atteigne. Elle est importante la montagne, en fait elle a une grande valeur de symbole.

J’ai trouvé ce petit roman bien écrit et qui est de nature à nourrir une intéressante réflexion. Le message qu’il transmet ou devrais-je dire la question qu’il pose est pour moi très limpide : Qui est fou en réalité. J’ai apprécié cette lecture et je la recommande sans hésiter.

Suggestion de lecture : DREAMWALKERS, d’Alain Lafond

Ludovic Esmes, auteur Belge, est un passionné d’écriture depuis son plus jeune âge, Sa première nouvelle LE PETIT ET LE ROBOT a été publiée sous son vrai nom aux Éditions Novelas (Belgique) le 4 juin 2015 dans le recueil de contes EN MILLE ET UN MURMURES. Ses terrains d’écriture sont la science-fiction, le polar et les nouvelles. Rêver, imaginer et voyager sont des sensations qu’il partage sans détour à travers ses écrits. Il publie en numérique et en papier. Visitez son site ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 septembre 2019

CONVERSATION AVEC UN ENFANT CURIEUX

Commentaire sur le livre de
MICHEL TREMBLAY

-Ma tante Bartine, a’ dit qu’on peut attraper
des maladies avec ces vieux livres là.
A’ veut même pas y toucher. –Ta tante
Bartine, a’l’inventerait n’importe quoi pour
pas lire.

(Extrait : CONVERSATIONS AVEC UN
ENFANT CURIEUX , Leméac/Actes sud
2016, édition de papier, 150 pages)

L’enfance de Michel Tremblay est un coffre aux trésors inépuisables. Après BONBONS ASSORTIS qui nous avait comblé de bonheur avec des récits sur Luis Mariano, le père Noël et les petits Chinois à vendre. Le dramaturge nous offre cette fois un bouquet d’instantanés avec sa mère Nana, son père, son frère, ses tantes, sa grand-maman paternelle… À l’innocence curieuse de jeune garçon se mêle un brin de mauvaise foi quand s’enchaînent les questions cocasses et sans réponse. En découlent de savoureuses conversations au ton résolument drolatique. La prodigalité de Michel Tremblay m’étonnera toujours.

UN PAN  D’ENFANCE
*J’T’ai déjà dit de pas jurer! Tu promets, mais tu jures pas.
Jurer, c’est juste pour les choses sérieuses…-Ben, la lecture
c’est sérieux, pis j’te jure que j’la négligerai jamais, même
si on achète une télévision!*
(Extrait : CONVERSATIONS AVEC UN ENFANT CURIEUX)

L’auteur québécois Michel Tremblay nous présente un aspect bien particulier de son enfance à travers une quarantaine de ses plus savoureux dialogues avec des personnes de son environnement social : père, mère, sœur, ami, professeur… Ces dialogues mettent en perspective une particularité de Michel Tremblay qui peut être à la fois une grande qualité et un grand défaut : la curiosité.

Ces dialogues m’ont rappelé un peu mes enfants alors qu’ils traversaient la phase du *pourquoi* vers 4 ou 5 ans…des puits sans fond de *pourquoi* et de *comment ça se fait* qui finissaient par *taper sur les nerfs*. Avec le recul du temps, je pense à tout ça et j’en ris. Et c’est exactement ce que Michel Tremblay nous propose : en rire.

Ces dialogues touchent toutes sortes de sujets : la religion, des livres qui ont pas d’images, les tandems du cinéma Laurel et Hardy, Abott et Costello, Jésus, le Saint Esprit et même la mortadelle.

Tremblay s’intéressait à tout et plusieurs de ses questions induisaient la notion de justice. *C’est pas juste*…vous vous rappelez ? C’est sain pour les enfants de poser des questions et évidemment d’avoir des réponses mais voilà…une curiosité poussée trop loin a le don d’énerver et à ce titre, les réactions et les réparties sont souvent comiques.

Il n’y a pas une page de ce petit livre qui ne m’ait arraché un large sourire ou un éclat de rire. *-Mais pourquoi y faut que les tartes ça soit des surprises pour le temps des fêtes? J’comprends pas… -Une autre affaire que tu comprends pas. Des fois je me demande si j’ai pas mis au monde un nono qui comprend rien. -En tout cas, chus pas assez nono pour pas comprendre que tu réponds pas à ma question. * (Extrait)

Comment satisfaire la curiosité insatiable d’un enfant. La réponse est simple, c’est impossible. Dans une entrevue accordée à Danielle Laurin, collaboratrice au quotidien LE DEVOIR (http://www.ledevoir.com/culture/livres/485027/rencontre-ecrire-pour-s-expliquer-le-monde) Michel Tremblay disait : *Je posais des questions non pas pour être fatigant, mais pour comprendre.

J’ai toujours voulu comprendre. L’écriture, pour moi, c’est une lettre sans fin que je m’écris à moi-même pour m’expliquer le monde. * Ce qui pourrait être plus drôle encore, si c’est avéré, c’est que Tremblay mettait une mauvaise foi évidente pour en rajouter et en rajouter encore jusqu’à l’exaspération du *puits de sagesse* auquel il s’adressait.

Serait-ce cette curiosité qui a amené Michel Tremblay à devenir un des écrivains les plus importants de sa génération ? Peut-être. Elle n’a certainement pas nuit en tout cas. Quoiqu’il en soit, j’ai trouvé cette lecture savoureuse du début à la fin.

J’ai lu aussi BONBONS ASSORTIS, un petit délice réunissant des souvenirs d’enfance et des anecdotes de jeunesse de Michel Tremblay. Deux merveilleux et trop brefs moments de lecture.

Suggestion de lecture : LES NAUFRAGÉS DE LA SALLE D’ATTENTE, de Tom Noti

(Huffington post quebec)

L’œuvre de Michel Tremblay est colossale. Plusieurs de ses pièces ont été acclamées à l’étranger et presque toutes ont été publiées en anglais. Six fois boursier du Conseil des Arts du Canada, Michel Tremblay a reçu une vingtaine de prix et de distinctions dont l’Ordre des arts et des lettres de France et le prix du Québec (Athanase-David).

Dans la littérature québécoise, son œuvre se caractérise par son originalité et son audace. Premier auteur à utiliser le « joual » dans ses écrits, Michel Tremblay a choqué l’establishment de l’époque. Il traite surtout des difficultés des milieux populaires francophones de Montréal depuis 1940, et ce, avec tendresse et humour. (source : edimage.ca)

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 7 septembre 2019

TREIZE RAISONS, le livre de JAY ASHER

*-Eh, mollo ! C’est moi… qu’est-ce que tu fais là? Je lui demande. Sous mes yeux,
Marcus brandit une grosse pierre de la taille de son poing. -Prends ça, dit-il. Je lève les yeux vers lui. Pour quoi faire? -Tu te sentiras mieux après, Clay. Sérieux.* (Extrait: Treize raisons, Jay Asher 2007, t.f et rééditions 2010, 2014, 2017, Albin Michel, éditions de papier, 290 pages.)

*-J’espère que vous êtes prêts, parce que je vais vous raconter l’histoire de ma vie. Ou plus exactement la raison pour laquelle elle s’est arrêtée. Et si vous êtes en train d’écouter ces cassettes, c’est que vous êtes l’une de ces raisons.*
En entendant ces mots, Clay Jensen croit à une erreur, il n’a rien à voir dans la mort d’Hannah Baker. D’abord choqué, il erre dans la ville endormie, suspendu à la voix de son amie. Et ce qu’il va découvrir va changer sa vie à jamais.

SUICIDE RAISONNÉ
*À la fin du cours, Mrs Bradley a distribué des
tracts intitulés «les signaux indicateurs chez
les personnes à tendances suicidaires».
Devinez ce qui venait en tête du top 5?
«Un brusque changement d’apparence.»
J’ai tiré sur une mèche de mes cheveux courts.
hmm…Si prévisible, moi? Qui l’eût cru?
(Extrait : TREIZE RAISONS)

TREIZE RAISONS est le récit de Clay Jensen, un des treize désignés sur les cassettes enregistrées par une adolescente perturbée, Hannah Baker. Avant de mettre fin à ses jours, Hannah a enregistré des cassettes dans lesquelles elle pointe du doigt chacune des treize personnes qui aurait une responsabilité dans son suicide.

Clay se demande qu’est-ce qu’il fait sur ces cassettes, quel est son rôle. Il décide donc de les écouter, une par une…pour comprendre. C’était capital pour Clay de comprendre, d’autant qu’il avait un sentiment amoureux pour Hannah. La vie de Clay ne sera plus jamais la même à cause de ce qu’il a entendu…et compris.

Il est étrange ce livre. Je l’ai trouvé dur, dérangeant et il touche une corde extrêmement sensible : le suicide. Il pourrait heurter certains lecteurs, certaines lectrices qui, comme moi par exemple, trouvent le suicide très difficilement justifiable. Un livre qui confronte une école de pensée, ce n’est pas nouveau, ce n’est pas malsain non plus.

C’est l’idée de base qui m’a mis mal à l’aise. C’est vrai. Le livre est poignant, émouvant. L’auteur prend le lecteur à témoin d’une incroyable succession de malheurs, trahisons, de coups bas, le tout porté, voire bercé par un nuage d’indifférence.

Ce qui m’a dérangé en particulier, c’est que dans ce livre, l’idée du suicide est développée un peu à la façon d’une téléréalité à rebours. On dirait un scénario. Le suicide est plus que raisonné ici, il est présenté comme la seule solution au problème d’Hannah et ça, c’est singulièrement dérangeant car ça laisse supposer qu’il n’y a plus d’espoir, plus rien à faire. Ça me dépasse et ça livre un message qui va complètement à l’encontre de mes croyances. Dans son histoire, Hannah ne communiquait pas.

Les sentiments ne se sont jamais développés avec Clay parce qu’ils n’ont jamais su communiquer. Hannah avait besoin d’aide. Il y en a un qui a essayé : monsieur Porter, le prof d’anglais. Il s’est joliment planté quand il a évoqué l’ultime possibilité pour Hannah de tourner la page…mauvaise idée.

Au moins, ai-je développé un courant d’accord avec Clay : il n’en revenait pas et moi non plus : *J’aimerais seulement trouver une trace d’elle loin de la laideur de ces cassettes. C’est même une nécessité vitale*  (Extrait)

Je sais, je vais un peu à contre-courant de la critique. TREIZE RAISONS est considéré comme un chef d’œuvre de la littérature américaine. Plus d’un million d’exemplaires vendus. Moi je l’ai trouvé décevant et dévastateur. C’est un livre-spectacle porté à l’écran. J’en reste au livre toutefois : il ne contient pas de volonté évidente de privilégier la prévention, rien ou presque sur les signes annonciateurs de suicide.

Dans un communiqué émis en avril 2017 par l’Association québécoise de prévention du suicide, l’organisme s’inquiète de voir des jeunes déjà fragiles s’identifier à Hannah Baker et à son choix fatal : *La série peut renforcer l’idée que le suicide est un résultat « naturel » de l’intimidation ou d’autres difficultés, ce qui n’est pas le cas* (AQPS/Radio-Canada)

Le succès télévisuel de TREIZE RAISONS a convaincu NETFLIX de poursuivre l’aventure. J’espère que l’accent sera mis davantage sur la prévention, la formation en relation d’aide qui devrait même faire partie du programme scolaire de secondaire.

Je l’ai déjà dit, aucun livre n’est foncièrement mauvais sauf de rares exceptions. TREIZE RAISONS véhicule une espèce de non-dit qui évoque le refus de cette saleté qu’on appelle l’indifférence, l’action devant l’intimidation et qui appelle à une meilleure compréhension de la fragilité psychologique des adolescents, l’importance de développer une capacité d’empathie.

Ça peut paraître étrange mais c’est comme ça, le non-dit parle dans l’écrit et je l’ai ressenti. C’est la qualité du défaut de ce livre.

Je crois qu’il y a toujours de l’espoir. J’aurais préféré que le livre manifeste cette croyance…

Suggestion de lecture : LE MAGASIN DES SUICIDES, de Jean Teulé

Jay Asher est un romancier américain né en Californie dans une famille qui a toujours encouragé ses goûts artistiques. Treize Raisons, son premier roman, a reçu de nombreuses distinctions, dont celle du Teen Book Review, et a figuré sur la liste des best-sellers du New York Times. Treize Raisons est devenu une référence de la littérature jeunesse actuelle. (lecteurs.com)
Il a été adapté à la télévision en 2007. succès immédiat,  fulgurant. forçant la réédition du livre.

TREIZE RAISONS À LA TÉLÉ

Katherine Langford et Dylan Minette sont les acteurs principaux de la série TREIZE RAISON inspiré du livre de Jay Asher et développée en 2017 par Brian Yorkay pour Netflix. 

Bonne lecture

Claude Lambert

le dimanche 25 août 2019

UN VISAGE DANS LA FOULE, STEPHEN KING/STEWART O’NAN

*Soudain, ils entendirent les adultes s’agiter
au bord de l’étang Marsden du côté du
barrage. Ils foncèrent les rejoindre. Plus tard,
en découvrant le cadavre énucléé qui émerge
tout dégoûtant du déversoir, ils eurent
l’occasion de le regretter.*
(Extrait du livre audio contenant la nouvelle
de Stephen King et Stewart O’Nan : UN VISAGE
DANS LA FOULE. Hardigan éditeur, 2015,
narration : Arnauld Le Ridant, durée d’écoute :
75 minutes, Captation : Audible)

Depuis la mort de sa femme, Dean Evers trompe l’ennui devant les matchs de baseball à la télé. Quand soudain, dans les gradins, il découvre un visage surgi du passé. Quelqu’un qui ne devrait pas être là, au stade… ni même parmi les vivants. Le lendemain, un autre homme apparait…un homme dont Dean a assisté aux funérailles…Soir après soir, Dean se laisse hypnotiser par les visages de ceux qu’ils n’espéraient ou ne voulait plus voir. Mais le pire est à venir…

DES FANTÔMES AU MATCH
*Evers gisait pâle et immobile,
les yeux mi-clos, les lèvres
purpurines, la bouche déformée
par un rictus. La bave en
séchant sur son menton, y
avait dessiné une toile d’araignée. *

(Extrait)

D’entrée de jeu, je dois vous dire que je n’aime pas le baseball encore moins l’équipe de Tampa bay qui semble encensée dans la nouvelle de King et O’nan. Pour moi, ce sport, qui ne tient pas compte du chronomètre, est répétitif et ennuyant.

Donc, le baseball est omniprésent dans le récit. Je me suis fait violence en complétant ma lecture, restant positif, et curieux de savoir ce qu’allait donner une association de deux excellents écrivains.

Notre personnage principal est Dean Evers, un vieil homme, veuf, usé par la vie, en perdition qui s’apprête sans le savoir à entrer dans une autre dimension. Un soir, pendant un match retransmis à la télé, au troisième rang du stade, il aperçoit un visage connu. Son dentiste. Mais il est mort son dentiste, depuis longtemps. Le lendemain, il voit un homme dont il a assisté aux funérailles et puis d’autres apparitions.

Question : Dean devient-il sénile. Les conversations téléphoniques avec les morts du genre* tu me vois là…deuxième rangée…je te fais des signes…* ça ne suffit pas. Il veut en avoir le cœur net et décide de se rendre au stade pour la prochaine partie…une démarche qui pourrait sceller son avenir.

Ce n’est pas une nouvelle particulièrement originale. Je m’attendais à plus. Un vivant en sursis sensiblement impliqué dans la mort d’autres personnes qui entrent en contact avec lui…c’est du déjà-vu. Edgar Allan Poe m’a habitué à ce genre littéraire quand il a établi à sa façon, les frontières du fantastique. Il y a du O’nan là-dedans.  Que Dean se rende au stade annonce une introspection, une exploration de la conscience.

J’ai mieux compris la démarche des auteurs à la fin, heureux de lire une finale intéressante. Je n’ai pas trouvé la psychologie des personnages très poussée ni le suspense. Ça ne ressemble pas à King. O’nan est un écrivain plutôt intimiste et qui est souvent percutant. Les personnages ont peu de profondeur. Au moins, les auteurs laissent des ouvertures qui amènent le lecteur à en savoir plus sur les petites incartades d’Evers.

J’étais curieux de savoir quel auteur pouvait prendre le pas sur l’autre. La plume modérée et retenue ainsi que l’aspect fantastique de l’histoire qui m’apparaît comme inachevée me laissent supposer que Stewart O’Nan se serait placé légèrement en avant.

Bien sûr, UN VISAGE DANS LA FOULE est une nouvelle. Il est difficile de dire qu’une nouvelle est sous-développée. Mais en faisant un peu d’extrapolation, je serais porté à penser que King et O’Nan se sont freinés l’un l’autre.

Si chaque auteur avait développé le sujet chacun de son côté, on aurait eu droit à quelque chose de supérieur…un personnage principal moins mollasson entre autres, des personnages secondaires plus caractériels, plus de suspense, plus de revirements, un récit dans l’ensemble moins prévisible. Bien sûr j’aurais encore été pris pour lire des descriptifs de baseball, mais partons du principe qu’on ne peut pas tout avoir…

Je pense que l’amalgame des deux styles d’auteurs a donné un récit un peu timoré. Bien sûr c’est très personnel comme observation. Beaucoup de lecteurs et de lectrices pourraient voir les choses autrement, surtout s’ils sont amateurs de baseball…

En terminant, un mot sur la narration d’Arnauld Le Ridant…un peu ennuyeuse malheureusement, monocorde, pas toujours ajusté avec l’esprit du texte. Maquille assez bien sa voix dans les dialogues mais devient parfois assommant. Heureusement, Le Ridant a une signature vocale agréable. Ça sauve un peu les meubles.

Bref, UN VISAGE DANS LA FOULE est un récit moyen. Suspense moyen qui ne réinvente pas le genre…

Suggestion de lecture : LA THÉORIE DE GAÏA, de Maxime Chattam

Pour faire très court sur Stephen King (à droite), je dirai que c’est un écrivain américain né le 21 septembre 1947 à Portland, dans l’État du Maine. Depuis CARRIE, King a écrit une cinquantaine de romans, sans compter nouvelles et scénarios, vendus au total à plus de cent millions d’exemplaires. Consacré « roi de l’horreur » de la littérature moderne, il s’illustre dans d’autres genres comme le fantasy, la science-fiction ou le roman policier.

Stewart O’Nan est un écrivain, romancier et nouvelliste né en 1961 à Pittsburg. Titulaire d’un B.S. d’ingénierie spatiale de l’Université de Boston en 1983, Il est embauché comme ingénieur chez Grumman Aerospace à Bethpage, New York, en 1984. Il pratique cette activité professionnelle jusqu’en 1988 et, prenant goût à l’écriture, écrit parallèlement à ses activités professionnelles. 

En 1993, paraît son premier recueil de nouvelles, « In the Walled City », puis son premier roman, « Des Anges dans la Neige » (Snow Angels, 1994), adapté au cinéma en 2007. »Speed Queen » (1997), qui est son troisième roman, est dédié à Stephen King. O’Nan a d’ailleurs envisagé un temps de l’intituler « Dear Stephen King ». 

Bonne Lecture
Claude Lambert
Le samedi 24 août 2019

CHASSEURS DE TÊTE, de MICHEL CRESPY

*Ça doit être effrayant le barrage qu’il s’est
construit pour tout refouler. Et ce qui fermente
derrière. Non, ce qui me fait peur, c’est qu’il
n’a pas de limites. Il est tellement sûr de lui…
Les autres n’existent pas, ce ne sont que des
reflets de son égo.*
(Extrait : CHASSEURS DE TËTES, Michel Crespy,
Éditions DenoÏL, 2000, numérique, 200 pages)

Jérôme Carceville est recruté par  une agence ultraspécialisée qui recherche les meilleurs éléments pour des emplois de hauts niveaux dans les grandes entreprises. Carceville réussit la sélection pour participer au test final :  lui et les autres candidats retenus sont séquestrés dans un endroit secret pour des épreuves qui dureront plusieurs jours. Entrevues piégées, mises en situation, résolution d’énigmes et pour la grande finale, un jeu de rôle tout à fait imprévu : la simulation d’une guerre économique … les candidats sont piégés dans une machine infernale. La chasse aux talents devient une chasse à l’homme.

LES LIMITES DE L’AMBITION
*Attends, tu vas pas me tirer dessus…tu es
complètement fou ! Pourquoi ferais-tu ça?
…-Par plaisir? Eh bien ça ne me déplairais
pas.*
(Extrait : CHASSEURS DE TÊTES)

Ne pas confondre avec chasseurs de primes, coupeurs de têtes ou chasseurs de scalps…blague à part, les chasseurs de tête dont il est question dans le livre de Michel Crespin sont des recruteurs ultraspécialisés qui font du head hunting, ce que l’on appelle en français de la chasse de tête. Ils existent réellement. Vous faites une petite recherche internet et vous aurez le choix…on sait que les méthodes d’approche et de sélection varient d’un chasseur à l’autre.

Ces méthodes sont en général très pointues, agressives jusqu’à un certain point et vise à recruter, pour le compte de grandes entreprises des candidats de haut-niveau, avec un profil précis : la denrée rare, le top, la crème de la crème. Dans le récit de Crespin, la firme de chasseurs de tête est fictive et a pour nom De WAVRE.

Le recruteur et examinateur s’appelle Del Rieco et le principal de sa méthode est de réunir ses seize candidats sur une île isolée mais pourvue de tout le confort, et de les lancer dans un jeu de rôle : trois équipes, trois grandes entreprises en concurrence dans un marché difficile. Le temps est limité…l’enjeu est crucial.

Del Rieco voit tout ce qui se passe mais…il voit surtout que tout ne se passe pas du tout comme prévu…la barre est très haute. Les trois entreprises vendent la même chose : des hameçons. On peut comprendre que quelqu’un va tomber. Il ne faut pas perdre de vue que les candidats sont humains et qu’il y a des têtes plus fortes que d’autres, il y a aussi des serpents, des timorés, des flagorneurs.

Ce qui est au départ une mise en situation de management concurrentiel devient un féroce combat économique, et sous l’impulsion de la tête forte : Jérôme Carceville qui ne voit dans ce jeu de rôle que de l’espionnage et du contre-espionnage, tout part à la dérive, tout bascule :

*Ils veulent voir comment ça se passe quand on est ensemble et qui survivra à la jungle effrayante des relations humaines dans un climat de compétition…mais quand on vous plonge par surprise dans un grand tonneau de fumier, les éclaboussures sont inévitables.* (extrait)

Si le lecteur peut survivre aux interminables explications techniques, économiques et boursières, des irritants qui poussent à l’ennui, il verra que l’auteur l’entraîne dans une incroyable dégradation des conditions humaines.

Plus on avance dans le récit, plus la tension est palpable. Ce qui était au départ une concurrence même féroce, devient un combat à mort. Le désir d’être le meilleur vendeur d’hameçons a poussé au carnage. Quelle limite amène les hommes à devenir des bêtes ?

*Ces hommes froids et rationnels s’étaient subitement mués en garnements de cour de récréation se battant dans la boue. En coqs armés de fusils. Moi-même, j’étais en proie aux sentiments les plus primitifs : ceux que j’avais tenu à distance ma vie durant : la peur, la haine, le désir de vengeance, l’envie de tuer…* (Extrait)

Ce livre a des forces, des qualités que j’aime à découvrir en cours de lecture. D’abord son sujet est original. Puis je me suis vite aperçu que Crespin a une très bonne connaissance de la psychologie humaine.

Ses personnages sont bien définis et travaillés. L’auteur s’est montré aussi très habile à changer une situation en poudrière. La plume est fébrile, tendue, prête à nous lancer d’un rebondissement à l’autre et une finale étonnante qui montre jusqu’à quel point l’être humain peut avoir le don du gâchis.

Côté irritant… Les longues explications techniques qui sont dans les faits plus éprouvantes qu’éclaircissantes. La finale a de quoi surprendre. Elle est malheureusement sous-exploitée. Là où le livre aurait pu devenir un petit chef d’œuvre, on s’est laissé aller à une conclusion qui, quoique intéressante, est malheureusement bâclée.

Enfin, le récit est classé littérature policière, mais il n’y a pas l’ombre d’un policier. On a fini par les rejoindre…genre avant dernière page… Le livre vaut tout de même la peine d’être lu car il nourrit une réflexion intéressante sur les côtés crasses du capitalisme et sur la complexité des relations humaines en situation de concurrence.

Quand même un bon moment de lecture

Suggestion de lecture : O.T.A.N EN EMPORTE LE VENT, de Patrick Dard

Michel Crespy est un sociologue, journaliste et romancier français né en 1946. C’est aussi un passionné de la politique. En tant qu’écrivain, il a publié quelques romans psychologiques et études de mœurs, puis en 2000, il choisit la voie du roman policier avec CHASSEURS DE TÊTES et ça lui a réussi car ce titre traduit en près d’une dizaine de langue a remporté le grand prix de la littérature policière en 2001. Le livre, publié chez Denoël a été réédité par la suite chez Gallimard. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 18 août 2019