LES PENDULES, le livre d’Agatha Christie

*Si. Il y a toujours quelqu’un qui a vu quelque chose, c’est ma théorie. – Mais aberrante dans cette affaire. D’ailleurs, j’ai des nouvelles à vous donner : un autre meurtre. – Vraiment ? Si vite ? C’est passionnant. *

(Extrait : LES PENDULES, Agatha Christie, librairie des Champs-Élysées éditeur, 1964, format numérique. 163 p.)

Miss Pebmarsh a bien failli mettre le pied dessus. Même ; elle l’aurait piétiné, ce cadavre, si Sheila n’avait crié. Que voulez-vous : Miss Pebmarsh est aveugle et elle a été bien surprise d’apprendre qu’il y avait le corps d’un inconnu derrière son canapé. Et d’abord, que fait Sheila chez elle : jamais, au grand jamais, elle n’a demandé à l’agence où travaille la jeune fille qu’on lui envoie une dactylo. Et d’où viennent toutes ces pendules – toutes en avance d’une heure – qui encombrent les meubles de son salon : Avec Hercule Poirot comme conseiller technique, un jeune et beau garçon, mystérieusement attaché à quelque service secret, saura tirer de cet inextricable imbroglio le fil qui mène au meurtrier.

L’art du roman policier
*Je me suis senti un tel besoin de poursuivre une enquête
dernièrement, que j’ai eu recours aux romans. <Tenez,
continua-t-il en s’emparant d’un volume : LE MYSTÈRE
DE LA CHAMBRE JAUNE*… avec quelle logique c’est
mené. *
(Extrait)

Un livre intéressant qui fait un peu bande à part dans la bibliographie d’Agatha Christie comme si le style était dépoussiéré. Et de plus, Hercule Poirot ne fait que de rares apparitions et encore à titre de consultant. Voyons le contenu : Une jeune dactylo, Sheila Webb, est envoyée par son agence chez Mlle Pebmarsh pour y travailler. Personne n’est là pour l’accueillir mais suivant les instructions reçues, elle entre dans la maison. Bizarre, 6 pendules se trouvent dans le salon où Sheila Webb découvre le cadavre d’un homme.

Elle sort dans la rue pour demander du secours et tombe sur Colin Lamb. Le jeune homme qui est un agent secret court jusqu’à une cabine téléphonique pour appeler la police qui envoie sur place l’inspecteur Dick Hardcastle, un ami de Colin. Mlle Pebmarsh, qui est aveugle, nie avoir demander qu’une dactylo vienne chez elle et affirme que 4 des pendules du salon ne lui appartiennent pas.

Pour couronner le tout, personne ne connaît l’identité du cadavre et une des pendules inconnues disparaît. Colin Lamb, décide d’aider son ami inspecteur dans son enquête. Mais devant la complexité de l’affaire, devinez qui Colin Lamb va consulter ?

Première chose, ça m’a fait tout drôle qu’Hercule Poirot, ce parangon d’orgueil un peu snobinard décroche un rôle secondaire dans une enquête où il tient habituellement le rôle principal. Mais même au second plan, saura-t-il faire la différence ? Je vous laisse le découvrir. Je vais répéter ici ce que j’ai déjà écrit en mars 2020 sur ce site (voir commentaire sur DIX PETITS NÈGRES) :

La technique d’écriture d’Agatha Christie me surprendra toujours. Car, comme toujours, le coupable est le dernier personnage qu’on pourrait soupçonner… Effectivement, dès le départ, Agatha Christie réunit rapidement tous les ingrédients d’une intrigue solide avec un nouvel enquêteur, Dick Hardcastle qui est loin d’avoir l’habileté d’Hercule Poirot.

Rares sont ceux qui ont l’habileté d’Hercule Poirot, mais je connais un certain Sherlock Holmes qui se débrouille pas mal. Donc, grâce au savoir-faire habituel d’Agatha Christie, les lecteurs et lectrices sont captifs de l’intrigue.

Toutefois, j’ai déchanté un peu dans le dernier quart du récit que j’ai trouvé un peu glissant. Par exemple, le rapport de Colin Lamb ne m’a pas semblé tout à fait conforme à celui d’Hercule Poirot. Quelque chose n’est pas clair ou ça m’a simplement échappé. Mais alors que tout est présenté simplement et en bonne évolution dans le récit, tout se complique à la fin.

Il m’a semblé aussi que Poirot errait un peu dans ses conclusions compte tenu de ce qu’il savait de l’affaire. Le fait aussi que Colin Lamb soit agent secret et confie ses petites anecdotes qui s’insèrent plutôt mal dans le récit. Ça n’ajoute rien à l’histoire à part un peu d’encre.

Pour terminer, je précise qu’encore une fois, Agatha Christie manie habilement et subtilement le suspense et l’intrigue mais j’ai trouvé que l’enquête s’enlisait, que le tout manquait de cohésion et que Poirot dans cette histoire a été imaginé plus grand que nature. On est loin je pense des meilleurs d’Agatha Christie, mais ça se laisse lire.

Suggestion de lecture, de la même autrice :
LE CHAT ET LES PIGEONS, DIX PETITS NÈGRES, À L’HÔTEL BERTRAM

Agatha Mary Clarissa Miller (son nom de jeune de fille) est née le 15 septembre 1890 à Torquay en Angleterre. Sa mère est anglaise et son père américain. Elle se marie en 1914 à un colonel Archibald Christie. Séparée de lui par la Première Guerre mondiale, elle travaille comme infirmière dans un hôpital. En même temps, elle s’inspire de ce travail pour écrire son premier roman policier, La Mystérieuse Affaire de styles.

Sa fille Rosalind Christie nait en 1919. Ce n’est pourtant qu’en 1926 qu’elle connaît le succès avec le livre Le Meurtre de Roger Ackroyd. Par la suite, elle prend l’habitude d’écrire deux livres par an. Ses voyages lui apportent l’inspiration pour plusieurs romans devenus célèbres. Elle continue d’écrire toute sa vie jusqu’à sa mort, en 1976… 79 romans et vingt pièces de théâtre.

À droite, portrait d’Hercule Poirot par Brainfree sur Stars Portraits

 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 13 août 2023

ET DIEU SE LEVA DU PIED GAUCHE, d’Oren Miller

*Quand Ambroise Perrin passa le porche menant à l’entrée
du castel Béranger, rue Lafontaine dans le seizième
arrondissement de Paris, il fut convaincu de deux choses :
il haïssait le thé, et il allait mettre fin à ses jours. *
(Extrait :
ET DIEU SE LEVA DU PIED GAUCHE, Oren Miller, HSN
éditeur, 2018, 443 pages en format numérique)

Après avoir avoué à sa femme qu’il avait toujours détesté le thé, Ambroise Perrin se défenestre sous les yeux médusés des personnes présentes. Entre temps, Louise Duval se réveille d’une soirée de gala et découvre que sept de ses collègues sont morts au même moment dans leur lit, de causes inexpliquées. Rien ne lie ces deux affaires. Si ce n’est leur mystère. C’est assez pour intéresser Évariste Fauconnier, enquêteur émérite spécialisé dans les affaires que personne ne peut résoudre. Entre crimes en série, esprits diaboliques et complots politiques, le fin limier va devoir dénouer les fils d’une gigantesque toile qui risque bien d’avaler son âme autant que sa raison. 

Un récit criant
*À mesure qu’Évariste lui parlait, Armand avait cessé
de bouger. Le calme semblait avoir réussi à pénétrer
sa démence, et ainsi, presque tranquille, il donnait
l’impression d’être en capacité d’avoir une conversation.*
(Extrait)

C’est un roman qui frappe très fort dès le départ avec des évènements extrêmement intrigants qui figent le lecteur dans une toile d’araignée et force son attention jusqu’à la toute fin et heureusement car malgré des personnages un peu réchauffés, l’ensemble est génial et l’écriture est redoutablement efficace.

L’histoire met en scène deux personnages récurrents de l’œuvre d’Oren Miller : Évariste Fauconnier, détective brillant, et il le sait, spécialisé dans les affaires impossibles à résoudre, et Isabeau LeDu, bras droit de Fauconnier. Encore un duo du style Sherlock Holmes/Watson, avec un détective brillant, d’une intelligence supérieure, snobinard et prétentieux et l’autre, également très intelligent mais avec une personnalité moins forte et qui évolue dans l’ombre du premier.

La littérature policière nous a habitué à ce style surfait avec des personnages plus grands que nature. Je n’ai jamais pu m’attacher à Évariste mais c’est du déjà-vu. Je m’y suis habitué. Cela mis de côté, c’est ici que s’installe l’originalité.

Maintenant, imaginez que sept personnes meurent exactement au même moment, sans violence, paisiblement. Sept personnes meurent comme on s’endort. Elles cessent simplement d’exister. Évariste et Isabeau ont du pain sur la planche et ne seront pas au bout de leur peine, comme les lecteurs d’ailleurs.

L’histoire tourne autour de la Fondation Sorel, une organisation de haut niveau, vouée à l’avancement de la médecine et qui réunit la crème des scientifiques à l’échelle mondiale. Et fait étonnant, l’État du Vatican est associé à cette démarche et nous verrons que ce n’est pas sans raison.  Nos limiers découvrent que quelques-uns de ces scientifiques décident de reprendre à leur compte des expériences entamées par les Nazis dans les camps de concentration.

Les lecteurs doivent s’attendre à ce que les coulisses de la Fondation Sorel cachent des secrets de nature à faire dresser les cheveux sur la tête. La corde est sensible car des enfants sont visés. Certains passages sont très durs.

L’auteure établit un lien entre les camps nazis de concentrations et les personnes atteintes de troubles psychiatriques. Les lecteurs/lectrices ne sont pas ménagés. Le développement de l’histoire est rapide, redoutable, efficace. La plume est directe, voire acérée. Miller garde le mystère entier et le lecteur sur le qui-vive jusqu’à la grande finale, plutôt surprenante.

J’ai beaucoup aimé la plume d’Oren Miller, au style adapté à toutes les situations et pouvant être aussi élégante que cynique. J’ai aussi aimé l’atmosphère du récit. Aussi lourde qu’énigmatique et ne me donnant aucune possibilité de découvrir moi-même qui est le meurtrier. Une atmosphère chargée qui justifie pleinement le titre :

<Odette se laissa choir sur la première chaise à portée de son corps. Elle plaqua une main devant sa bouche. L’effroi et la sidération se disputaient le règne sur son visage. -Oh mon…dieu -Croyez-moi, dans cette histoire, Dieu s’est levé dès le départ du pied gauche. -Mais…que…> Extrait.

Dans son roman, l’autrice explore l’âme dans ce qu’elle a de plus noire ainsi qu’un rêve vieux comme le monde : la manipulation mentale,  et si ce n’était du caractère guilleret un peu stéréotypé des enquêteurs, il serait d’une lourdeur insupportable. ET DIEU SE LEVA DU PIED GAUCHE est un livre-phénomène. Je le recommande.

Suggestion de lecture : SHUTTER ISLAND, de Dennis Lehane

Juriste de formation, Oren Miller (un pseudonyme) s’est très tôt échappée dans des mondes imaginaires qu’elle décide de mettre par écrit en 2009 avec ses premiers romans. Son terrain de jeu favori reste l’adaptation des grands thèmes de fiction et l’exploration des émotions humaines à l’aide d’une plume colorée et bien taillée en pointe. Elle écrit des romances sous le pseudonyme de Lucie Castel (Harper Collins). En parallèle de ses activités littéraires, elle enseigne certaines matières juridiques dans une prestigieuse école à Lyon.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 août 2023

DIEU PARDONNE, MOI PAS, de Claude-Michel Rome

*Le corps tomba du filet dans un bruit de masse
sourde parmi les flots gluants de merlus et de
sardines bondissant en apnée, gueules béantes
luttant contre la mort. Le corps lui, ne luttait plus. *
(Extrait : DIEU PARDONNE, MOI PAS, Claude-Michel
Rome, Albin Michel éditeur, 2020, 530 pages, papier)

À la veille d’un procès contre une dictature pétrolière, le cadavre du grand avocat parisien Pascal Metzger est retrouvé en mer. Bien qu’ébranlés par son décès, ses trois jeunes associés décident de poursuivre le procès. Or, les preuves amassées par Me Metzger ont disparu. En reprenant le dossier, Carla, Malik et Pierre-Emmanuel pénètrent peu à peu une affaire aux ramifications aussi gigantesques qu’insoupçonnées : armes, pétrole, alliances des mafias et des cartels, corruption, évasion fiscale…. De la « France-à-fric » en passant par la Suisse, Monaco et la banque du Vatican, c’est le sommet des États et le cœur même de l’économie planétaire qui sont en cause.

La corruption banalisée
*Le garde arracha son arme et tira deux fois dans le verrou.
Il explosa. Et la trappe de la cale s’ouvrit sur une vision
d’enfer. Plus de deux cent cinquante morts vivants surgirent
du néant comme une nuée, libérant une immense clameur de
panique dans une bousculade déchirante. Carla en resta
médusée. Une foule de corps décharnés, fantômes faméliques,
une vision de cauchemar… *
(Extrait)

C’est un récit très dur avec comme toile de fond le blanchiment d’argent, les règlements de compte, corruption, alliances obscures, cartel de drogues, mafias. Et comme il est beaucoup question d’argent sale, l’auteur se connecte à une actualité récente et implique la banque du Vatican. *-C’est mon combat…il touche aussi à son terme, professore. Au nom de sa Sainteté, je vais laver le Vatican du crottin du diable ! et par chance, je sais désormais qui est ce diable déguisé en cardinal ! * (Extrait)

En cours de lecture. il ne faut jamais perdre de vue que ce livre est une fiction mais vous devrez admettre qu’il est terriblement branché sur l’actualité, pointant du doigt une maladie planétaire chronique qui pourrit l’économie mondiale : le blanchiment d’argent, un art du crime organisé. Comme roman, j’ai trouvé l’histoire addictive, glaciale. Écriture très directe, efficace et qui entre très profondément dans les coulisses de la corruption.

Voyons un peu le contenu. L’auteur frappe fort dès le départ. À quelques jours du procès majeur du président Obamyane, dictateur d’un pays pétrolier d’Afrique de l’ouest, corrompu jusqu’à la moelle, l’avocat principal Metzer disparait en mer, avec toutes ses preuves. Les trois jeunes associés de Pascal Metzer reprennent le dossier qui est une véritable poudrière. Les trois jeunes loups se rendent compte très vite de l’ampleur colossale de cette affaire, voyant bien que le mal gruge jusqu’au cœur de l’économie planétaire :

*…-Personne ne sait, mais nous on sait. -À condition que le contenu de la clé vaille de l’or. -J’imagine que c’est le cas, sinon il n’y aurait pas une épidémie de morts subites dans les milieux bancaires. Ils sont aux abois. Et plus le procès Obamyane approche, plus ça flippe grave sur les places financières…* (Extrait) Ne vous fiez pas trop au caractère euphémique du dernier extrait. Je dois dire qu’en général, le langage tranche par sa crudité.

C’est un des meilleurs thrillers que j’ai lus. À certains égards, il m’a rappelé le film Z de Costa Gavras qui fait remonter beaucoup de crasse sociale à la surface ou encore les magouilles politiques et militaires de pays truands qui font l’objet de pratiquement tous les épisodes de la série originale MISSION IMPOSSIBLE. D’ailleurs, le livre est développé un peu à la manière d’un scénario de film. Le rythme est rapide, parfois haletant.

Dans l’ensemble, le récit est structuré de façon à garder le lecteur en apnée. Et dire que c’est une première expérience pour l’auteur, Claude-Michel Rome. Chapeau. Je vais le surveiller celui-là. Une petite faiblesse que je voudrais signaler ici. J’ai trouvé la finale un peu bizarre. Le sort de Francisco Obamyane m’a semblé tirée par les cheveux, orchestrée par un ange appelé Angel. Ça manque de fini, de détails.

La conclusion laisse beaucoup de choses en plan comme si on faisait le grand ménage en balayant tout simplement la poussière sous le tapis. Mais l’ensemble est ajusté à une triste réalité. Élimine un corrupteur, un autre prend sa place. C’est le classique d’Hercule contre l’hydre. C’est aussi dans la finale du récit que le titre prend tout son sens DIEU PARDONNE, MOI PAS…la vengeance est le dessert de ce thriller politique incisif et glacial. Ce livre est un excellent divertissement.

Suggestion de lecture : LES GESTIONNAIRES DE L’APOCALYPSE, de Jean-Jacques Pelletier

Claude-Michel Rome est réalisateur et scénariste. Il a une trentaine de films à son actif, la plupart pour la télévision, dont les plus connus sont L’emprise, diffusé sur TF1 en 2014, et un long métrage, Les insoumis (2007). Dieu pardonne, moi pas est son premier roman et c’est très prometteur.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 11 juin 2023

L’AFFAIRE DES CORPS SANS TÊTE, de Jean-Christophe Portes

*…il comprit brusquement qu’il allait finir pendu
et égorgé comme le gouverneur de la Bastille,
et sa tête brandie au sommet d’une pique…
pourtant, il résistait encore…*
(Extrait : L’AFFAIRE
DES CORPS SANS TËTE, Jean-Christophe Portes,
or. : City éditions, 2015, 400 pages. Version audio :
Audible studios éditeur, 2018, durée d’écoute : 11
heures 23 minutes. Narrateur : Florent Cheippe. 1er
volet des enquêtes de Victor Dauterive. Thriller)

1771 : On découvre des cadavres dans la Seine, nus et la tête coupée. Malgré l’émoi populaire, Victor Dauterive, jeune officier de la nouvelle Gendarmerie n’a guère le temps de s’en préoccuper : Lafayette, son mentor, l’a chargé d’arrêter Marat, ce dangereux agitateur qui appelle au meurtre des aristocrates. Mais la mission tourne vite au cauchemar.  Peu à peu, Victor Dauterive lève le voile sur un effrayant complot, une conspiration qui pourrait changer le cours de la Révolution…

VARIATION SUR RÉVOLUTION
*Marat s’interrompit brusquement pour dévisager le sous-lieutenant.
Dans son regard brûlait une passion inconnue qui fit frissonner Victor,
et il sentit que, derrière cet homme, tout un peuple réclamait justice. *
(Extrait)

C’est un roman historique très fort. Je dirais même un *policier historique* car on y suit une enquête complexe d’un sous-officier de la nouvelle gendarmerie nationale qui remplace l’ancienne organisation policière qu’on appelait la maréchaussée. Le policier s’appelle Victor Dauterive qui deviendra un personnage récurrent de l’oeuvre de Jean-Christophe Portes.

Nous sommes dans la dernière décennie du XVIIIe siècle. Louis XVI tente l’impossible pour sauver son trône en s’appuyant en particulier sur son plus précieux général : Le marquis de Lafayette, appelé le héros des deux mondes, fait général par George Washington dans la guerre d’indépendance contre le pouvoir colonial britannique, puis revenu en France pour gérer la sécurité du roi.

L’histoire se déroule alors que les figures émergeantes de la révolution française lèvent la voix: Danton, Robespierre, Jean-Paul Marrat. Dans une société instable et chaotique, alors que le roi doit fuir son propre peuple, Dauterive enquête sur la découverte de cadavres dans la Seine, nus, la tête coupée avec une précision chirurgicale. Son enquête l’amène dans les coulisses de la révolution, mettant au jour un complot qui risque de mettre la France à feu et à sang.

J’ai beaucoup lu sur la révolution française, suffisamment pour observer un profond respect de l’auteur pour le contexte historique. C’est très bien documenté. C’est un roman très attractif. J’ai eu l’impression d’avoir été installé à Paris au XVIIIe siècle. C’est vivant et aussi très explosif. Je constate toutefois deux petites faiblesses à cet ouvrage : le début est lent et le lien entre la révolution et les cadavres sans tête n’est pas évident ou tout au moins non-prioritaire tout au long du récit. Deuxièmement, il y a dans le récit, apparence de complots qui, tantôt s’opposent, tantôt s’imbriquent. On s’y perd un peu parce que le fil conducteur du récit devient chancelant par moment.

C’est bien peu de choses devant le caractère de la plume, le réalisme historique, l’intensité des personnages et, si je me réfère à la version audio, les extraordinaires capacités vocales du narrateur Florent Cheippe. J’ai eu du plaisir à suivre Victor Dauterive. J’ai même hâte de le retrouver dans sa prochaine enquête en espérant qu’il continuera à me tenir en haleine et m’entraînera dans les nombreux rebondissements qui ont si bien caractérisé sa première enquête. À suivre et j’ai hâte.

Suggestion de lecture : LA TABLE DE ROBESPIERRE, de Charles Richebourg

Après des études à l’École nationale des arts décoratifs, Jean-Christophe Portes est devenu journaliste et réalisateur pour la télévision. Les précédentes enquêtes de Victor Dauterive, L’AFFAIRE DES CORPS SANS TÊTE, L’AFFAIRE DE L’HOMME À L’ESCARPIN, LA DISPARUE DE SAINT-MAUR et L’ESPION DES TUILERIES ont rencontré un beau succès. Portes a remporté le prix du Polar du Festival de Saint-Maur en 2018. Toutes les enquêtes de Victor Dauterive se déroulent dans le cadre de la France révolutionnaire, alors que le pays est au bord du chaos et que la monarchie tire à sa fin.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 10 juin 2023

LE NOM DE LA ROSE, le livre d’Umberto Eco

*Puisse ma main ne point trembler au moment
où je m’apprête à dire tout ce qui ensuite arriva. *
(Extrait : LE NOM DE LA ROSE, Umberto Eco,
origine : Grasset éditeur, 1990, 550 pages. Version
audio : Audiolib éditeur, 2012, durée d’écoute :
22 heures 4 minutes, narrateur : François d’aubigny)

Au début du XIVe siècle, une abbaye située aux confins de la Provence et de la Ligurie. Un lieu voué à la prière et à l’étude avec sa bibliothèque qui fait l’admiration de tout l’Occident chrétien, à l’écart des violences et des luttes de pouvoir qui déchirent les royaumes voisins. Jusqu’au jour où un moine est trouvé mort au bas des murailles. C’est le début d’une sanglante série que devra élucider Guillaume de Baskerville Alors qu’une délégation papale est sur le point de faire son entrée au monastère, dirigée par un farouche adversaire de Guillaume, le grand inquisiteur envoyé par le pape Jean XXII, le dominicain Bernardo Gui.

Les envoyés du pape sont venus débattre de la pauvreté du Christ mais son dirigeant ne tarde pas à instruire un procès bâclé condamnant le meurtrier présumé, pour sorcellerie.

La terrifiante bibliothèque
*Jusqu’alors j’avais pensé que chaque livre parlait des choses,
humaines ou divines, qui se trouvent hors des livres. Or je m’apercevais
 qu’il n’est pas rare que les livres parlent de livres, autrement dit,
 qu’ils parlent entre eux. À la lumière de cette réflexion, la bibliothèque
 m’apparut encore plus inquiétante. *
(Extrait)

LE NOM DE LA ROSE est, pour moi, une œuvre monumentale de Umberto Eco. Ma façon de le présenter peut sembler grandiose mais c’est un roman psycho-philosophico-mystico-théologique développé dans un contexte médiéval, le tout sur fond d’intrigue qui prend, du moins au départ, l’allure d’un polar. C’est mon impression. Ce n’est jamais allé plus loin.

Je dois vous dire d’entrée de jeu que, si j’ai été subjugué par ce fleuron de la littérature, je n’ai jamais pu m’enlever de l’esprit l’adaptation cinématographique du livre signée en 1986 par Jean-Jacques Annaud avec Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville et Christian Slater dans le rôle d’Adso de Melk. Ce film, que je considère comme un chef d’œuvre du septième art a le grand mérite de vulgariser et rendre accessibles les nombreuses exégèses, théories et explications philologiques contenues dans le livre.

Notez toutefois que l’adaptation est relativement libre car le livre et le film ne finissent pas vraiment de la même façon. Quant à l’Église, elle est comme elle a toujours été…dans le champ. Le film m’a permis de rendre très recevable le livre d’Eco que j’ai trouvé très savant, érudit, pas toujours facile à suivre avec entre autres une impressionnante quantité de citations latines… irritantes mais probablement nécessaires.

Maintenant, un petit rappel du contexte : Nous somme en 1327. L’autorité du pape Jean XXII et celle de l’empereur Louis IV déchirent la chrétienté qui est secouée par un débat émotif, houleux et profond, suscité par les franciscains et visant la pauvreté de l’Église.

Dans ce contexte, le franciscain Guillaume de Baskerville et son pupille Adso de Melk, qui est le narrateur du récit, se rendent dans une lointaine abbaye aux confins de la Provence, se joindre à une légation papale dirigé par un inquisiteur agressif : Bernardo Gui, pour débattre de la pauvreté du Christ, un débat de torts et de raison qui ne sert finalement qu’à occulter le conflit politique entre le pape et l’empereur.

Dès son arrivée à l’abbaye, Guillaume se voit demandé par l’Abbé de la communauté d’enquêter sur une mort très suspecte. C’est finalement une série de meurtres que le bon Guillaume devra résoudre.

Je crois qu’Umberto Eco a relevé un défi colossal en nous plongeant dans le cœur de l’obscurantisme alors qu’on voyait l’hérésie partout, en suivant un cœur pur quoiqu’orgueilleux sur le plan intellectuel et duquel jaillit la lumière qui manquait tant à cette époque. Considérons Guillaume comme un précurseur de la période des lumières.

Dans cette histoire, l’intrigue est noyée dans les palabres théologiques et philosophiques. Toutefois, cette intrigue est intéressante car elle est en lien avec les livres contenus dans la plus grande bibliothèque de la chrétienté, riche, mais cauchemardesque.

Toute la richesse de l’œuvre repose sur les échanges et les débats entre autres sur une question qui a conservé toute son actualité : la pauvreté du Christ et les richesses de son Église. Il y a aussi de longues et intéressantes discussions sur le rire, objet de sciences sociale, objet de déchirement sur le plan théologique. Le rire est-il générateur de mal ou porteur de vérité. Est-ce que Jésus riait? Personne n’a prouvé le contraire.

J’ai trouvé l’histoire un peu complexe. Elle m’a imposé des recherches, de la réflexion, de la concentration. J’ai fait de magnifiques trouvailles. Et au final, ce livre est un délice, une fresque remarquable de l’époque médiévale…un vibrant plaidoyer en faveur de la tolérance et de l’éducation à la façon de Guillaume de Baskerville, par opposition au fanatisme et à l’obscurantisme personnifiés par Bernardo Gui.

L’ensemble est très dense, l’intrigue est originale et même passionnante même si elle semble souvent secondaire. Le contenu est savant, tentaculaire et farci de latin. On est loin du roman de gare. Considérez ce livre comme un défi, une grande aventure, un passionnant exercice intellectuel. Un livre incontournable qui m’a subjugué par sa richesse et son atmosphère.

Suggestion de lecture : LE SICARIER, de Danny-Philippe Desgagné

Né dans le Piémont en 1932, titulaire de la chaire de sémiotique de l’université de Bologne, Umberto Eco a enseigné à Paris au Collège de France ainsi qu’à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Il est l’auteur de sept romans, parmi lesquels le célèbre Nom de la rose, et de nombreux essais, dont Comment voyager avec un saumon et À reculons comme une écrevisse. Umberto Eco est décédé le l9 février 2016 à Milan. 

Le nom de la rose au cinéma

L’adaptation cinématographique du roman LE NOM DE LA ROSE sortie en 1980 est signée Jean-Jacques Annaud. Le film met en scène l’acteur Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville, aux côtés notamment de son pupille, incarné par Christian Slater, on retrouve également F. Murray Abraham, Michael Lonsdale, Valentina Vargas et William Hickey dans les rôles principaux.

Le film est sorti aux États-Unis le 24 septembre 1986 puis sur les écrans français le 17 décembre 1986. Il a remporté de nombreuses récompenses, dont le César du meilleur film étranger à la 12e cérémonie des César en 1987.

Bonne lecture
Bonne écoute
le dimanche 4 juin 2023

PROJET ANASTASIS, le livre de Jacques Vandroux

*Alpha tira trois objets métalliques de son sac. Sans hésiter,
il les lança dans la foule compacte. Il se mit rapidement à
l’abri derrière la colonne. Quand la première grenade explosa,
la stupéfaction gagna la foule. Les deux explosions suivantes
espacées de quelques secondes, transformèrent l’église en un
temple de souffrance.
(Extrait : PROJET ANASTASIS, Jacques
Vandroux, Robert Laffont éditeur, 2017, format numérique, 530
pages en version brochée)

Jean Legarec, responsable d’une agence privée de renseignements, est un expert en affaires sensibles. Mais il est loin d’imaginer ce qui l’attend lorsqu’il accepte d’enquêter sur la disparition d’un enfant, enlevé lors du chaos qui a suivi un attentat perpétré à Notre-Dame de Paris. Très vite, Legarec découvre qu’il ne s’agit pas d’un « simple » kidnapping, mais d’un large complot dont les racines remontent au Troisième Reich. Aidé de Béatrice, la tante du garçon, il va devoir plonger au cœur des heures les plus sombres de l’histoire européenne. Et ce, alors même que son attirance grandissante pour Béatrice menace d’obscurcir son jugement… Parviendra-t-il à  sauver un enfant innocent de cette toile infernale ?

Une brique de chaos
*…Pourtant qui sait ce que ces médecins ont découvert ?
Qui sait à quelles atrocités ils se sont livrés pour
satisfaire leurs fantasmes de toute-puissance ?
Comment pouvons-nous enquêter dans cette
direction?
(Extrait)

Peu de choses à dire sur cette histoire un peu réchauffée et sans grande originalité. Le roman est classé thriller historique parce que l’auteur le fait évoluer dans les heures sombres de l’humanité. Jusque là ça va mais le développement est plutôt abracadabrant et n’offre pas grand-chose de neuf : d’un côté, un ennemi sans états d’âme, le nazisme ressuscité grâce à la génétique et de l’autre, un héros sans peur et sans reproche style James Bond.

Là où ça devient un peu plus intéressant, c’est que, à enquêter sur la disparition d’un enfant, l’auteur va nous faire plonger dans une des périodes les plus dramatiques de l’histoire européenne donnant au récit une dimension historique captivante.

Les personnages sont aussi intéressants car l’enquêteur Jean Legarec va s’entourer d’une équipe de collaborateurs qui donneront de la couleur au récit : un survivant des camps de la mort, encore vigoureux (comme trop beau pour être vrai), un militaire, quelques diplomates, une historienne allemande…disons très ouverte, et une énigmatique alsacienne.

Donc, dans ce thriller, il y a des valeurs sûres malgré une forte impression de déjà vu qui ne ma jamais vraiment laissé en cours de lecture. Le thème central de l’œuvre garde toutefois toute son actualité : Le terrorisme et une batterie de sous-thèmes dont la domination, le pouvoir, l’argent…

Le style de l’auteur favorise une lecture rapide et agréable. Le rythme est rapide et même haletant par moment. On est cependant très loin du chef d’œuvre littéraire. C’est bourré de clichés, naïf et de nombreux passages sont tirés par les cheveux.

Je dois dire cependant que la plume de l’auteur favorise une bonne mise en image dans l’esprit du lecteur. L’écriture me rappelle un peu un scénario de film. Ce roman a donc des forces intéressantes mais il ne bousculera pas la littérature. C’est pour moi le genre de livre qu’on oublie plutôt facilement en attendant un livre qui renouvellera vraiment le genre.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Ingénieur de formation, Jacques Vandroux a commencé à écrire dans le train et dans l’avion, au cours de ses nombreux déplacements professionnels. Il y a vite pris goût et a décidé de s’autopublier afin de partager ses histoires au grand public. Et le succès a été au rendez-vous puisqu’il est devenu, en moins de cinq ans, un véritable phénomène de l’autoédition, avec plus de 370 000 exemplaires vendus dans le monde.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 28 mai 2023

L’ÉGARÉE, le livre de Donato Carrisi

*Au moment où son visage enfantin s’évanouissait devant elle,
Samantha ne décela aucune peur dans ses yeux. Juste un éclair
de surprise. Tandis que le lapin l’entraînait dans son terrier,
Sam n’imagina pas que ce serait la dernière fois qu’elle verrait
son image…avant très longtemps…*
(Extrait : L’ÉGARÉE, Donato
Carrisi, livre 3 de la série LE CHUCHOTEUR, version audio, Audiolib
éditeur, 2019.Durée d’écoute : 8 heures 49 minutes, narrateur :
Antoine Tomé. À l’origine, Calmann-Lévy éditeur, 2018, papier, 28 p.)


Un labyrinthe secret plongé dans l’obscurité. Un bourreau qui y enferme ses proies. Une victime qui parvient à s’en échapper, mais sans le moindre souvenir. Un effroyable combat pour retrouver la mémoire, et une enquête à hauts risques pour traquer celui qui continue à agir dans l’ombre… Le dernier  volet tant attendu du Chuchoteur.

 

Le tueur à tête de lapin
*De l’autre côté de la vitre, dans l’ombre, se tenait un
lapin géant. Qui l’observait, immobile. Samantha   
aurait pu prendre la fuite – une partie d’elle-même
le lui ordonnait, et au pas de course –, mais elle n’en
fit rien. Elle était fascinée, hypnotisée par ce regard qui
émergeait de l’abîme.*
(Extrait)

L’ÉGARÉE est un thriller psychologique de forte intensité, noir et complexe. Quoiqu’audible indépendamment, je considère préférable d’avoir lu ou écouté les deux premiers tomes pour saisir toute la portée de l’histoire et sa mécanique littéraire…une façon de dire que je me suis senti manipulé par l’auteur pour ne pas dire en bon québécois qu’il a joué sur mes nerfs. Dès le départ, il ne faudra pas mettre en doute l’habileté de l’auteur à nous faire frissonner et nous faire égarer dans nos sentiments. Il faut donc rester attentif.

Quinze ans après sa disparition alors qu’elle n’avait que treize ans, une jeune fille, Samantha Andretti est retrouvée sur le bord d’une route, une jambe brisée. Elle venait apparemment de s’échapper du labyrinthe, un endroit sinistre où elle était séquestrée par un psychopathe. La police enquête mais parallèlement, les parents de Samantha engagent un détective privé, Bruno Genko, chargé d’aller au bout de ses affaires, un homme opiniâtre que la médecine a déjà condamné à mort par arrêt spontané du cœur pouvant se produire à tout moment. Genko est un personnage fascinant qui marche vers la mort d’une façon ou d’une autre.

C’est un roman très fort qui garde sous tension pendant toute la durée de la narration. En fait, c’est une des intrigues les plus tordues qu’il m’a été donné de lire ou d’entendre. Suivez spécialement les dialogues entre Samantha et le psychiatre qui la suit, le docteur Green. Vous pourriez réaliser comme moi que tout peut n’être qu’apparence dans ce thriller dont le poids psychologique nous saisit comme un long choc électrique.

*Quand je parle de danger, je veux dire qu’il est capable d’une méchanceté que ni toi ni moi ne pouvons imaginer… Green l’a qualifié de « sadique virtuose ». * (extrait) Les personnages sont particulièrement bien travaillés et le profil psychologique du psychopathe secoue l’auditeur/lecteur tellement il est dérangeant. La corde est sensible en effet parce que les victimes visées sont des enfants et pour ce psychopathe sans âme il est moins important de tuer que de transformer.

Vous pouvez faire tous les pronostics que vous voulez pour trouver qui est le tueur, l’auteur les détournera un par un jusqu’à la grande finale qui m’a laissé pantois et qui démontre que l’auteur du chuchoteur, qui a créé Mila Vasquez est un maître, rien de moins.

C’est une audition ou une lecture qui ébranle à plusieurs égards. Les détournements de situation et les nombreux rebondissements obligent l’auditeur à rester alerte. Il y a aussi de nombreux passages rien de moins qu’hallucinants. Je veux aussi noter au passage, que dans la version audio, Antoine Tomé s’est laissé aller à un chef d’œuvre de narration. Il a fortement contribué à mon addiction avec une maîtrise vocale traductrice de sentiments et d’émotions.

Une performance impeccable. Je crois que ce livre vous fera passer un bon moment. Le fil conducteur est un peu instable. On a l’impression que parfois l’intrigue prend plusieurs directions. Cela se produit souvent dans les thrillers de ce calibre. Mais au risque de vous laisser mener par le bout du nez par un auteur doué, laissez-vous aller…vous aimerez je crois.

Suggestion de lecture : LES LUCIOLES, de David Menon

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le « Monstre de Foligno », un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Le Chuchoteur, son premier roman, est un best-seller international et a remporté de nombreux prix littéraires, dont le Prix SNCF du polar européen et le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2011. La Fille dans le Brouillard a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par l’auteur lui-même avec, entre autres, Jean Reno. Donato Carrisi est l’auteur de thrillers italiens le plus lu au monde. 

Les premiers livres

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 6 mai 2023

COMME UNE TOMBE, de Peter James

*On lui colla un magasine entre les mains. Dans le faisceau de la torche, il entr’aperçut une rousse nue avec des seins énormes. Une bouteille de whisky, une petite lampe de poche allumée et un walkie-talkie atterrirent sur son ventre…un tube en caoutchouc au bout écœurant fut enfoncé dans sa bouche.* (Extrait : COMME UNE TOMBE, Peter James, version audio, Lizzie éditeur, durée d’écoute 11 heures 54, narrateur :Arnaud Romain, édition de papier aussi disponible )


Mauvaise blague : Michael se retrouve dans un cercueil six pieds sous terre avec du whisky et une revue érotique pour son enterrement de vie de garçon. Les heures passent, personne ne vient le chercher, la fiancée s’inquiète et fait appel à Roy Grace. Pour le localiser, l’inspecteur n’a qu’une seule piste : les témoins du mariage, tous morts dans un accident de voiture…

 

Au pied de la lettre
*Michael regarda en l’air. Son nez touchait presque
le couvercle. Dans le faisceau de la lampe, rien
d’autre qu’une tenture enveloppante de satin
ivoire. Il essaya de bouger les jambes, impossible.
D’écarter les bras, idem. Dégrisé, l’espace d’un
instant, il comprit soudain dans quoi il était
allongé. *
(Extrait)

Roman noir, très fort avec une intrigue tissée serrée. L’auteur semble avoir trouvé le ton juste au point que j’avais l’impression de manquer d’air spécialement dans les passages évoquant Michael Harrison couché dans un cercueil six pieds sous terre.

*les mauvais amis sont ceux qui vous enterrent vivant, ivre et endormi, pour vous faire une blague. Les mauvais amis sont ceux qui trouvent le moyen de mourir dans L’heure qui suit. L’inspecteur Roy Grace, luttant contre le temps et la raréfaction de l’oxygène est, dans la circonstance, votre seul ami. *  (Extrait)  En plus, on a pris soin de sceller le cercueil solidement avec un petit trou pour faire passer de l’air. Une blague d’enterrement de vie de garçon…douteuse, basse, macabre voire cruelle.

Évoquer ici cette cruauté me donne des frissons dans le dos. j’ai compris très vite qu’il y avait machination. Je crois que l’auteur l’a voulu ainsi. Mais croyez-moi quand je vous dis que le lecteur n’est pas au bout de ses surprises et ira de rebondissement en revirement. Comme machination imprégnée d’autant de méchanceté, Machiavel n’aurait pas fait mieux. Ce récit m’a gratifié de tout ce que j’attends d’un livre : une gamme d’émotions dont certaines violentes, dérangeantes et ce petit frisson qui secoue les muscles du dos. 

L’idée de départ donne le vertige et on entre vite dans l’histoire : Michaël Harrison doit se marier dans trois jours avec sa belle Ashley qu’il adore. Or, quatre de ses copains décident de lui offrir un enterrement de vie de garçon digne du titre. Il est soulé et installé dans un cercueil scellé et enterré six pieds sous terre. Pour tout équipement, Michaël dispose d’une bouteille de whisky, une revue érotique, une petite lampe de poche et un walkie-talkie.

Une heure après avoir complété cette sinistre mise en scène, les quatre copains, passablement éméchés, meurent dans un accident d’auto. Michael est piégé. Je vous laisse deviner l’état d’esprit de Michael alors que les heures passent, que personne ne vient le chercher et que de l’eau s’infiltre dans le cercueil. La disparition est signalée à la police par la fiancée de Michaël et intriguera au plus haut point le commissaire Roy Grace.

Lors de l’accident d’auto impliquant les quatre copains de Michael, le walkie-talkie est éjecté du véhicule et sera récupéré par un jeune garçon, Davey, lent d’esprit et qui ne comprend pas trop bien ce qui se passe.

Ce livre est un cauchemar d’un peu plus de 500 pages. Moi j’ai choisi la version audio qui dure une douzaine d’heure. Elle m’a pris à la gorge, m’a rendu addictif. Tout au long du récit, je ne pouvais m’empêcher de penser à Michael, stigmatisé par une empathie incontrôlable. C’est une histoire violente, imprégnée d’immoralité, de sournoiserie, de méchanceté et une absence presque complète de scrupule. C’est un thriller réussi, ne serait-ce que parce que l’auteur force le lecteur à se mettre à la place de Michael. malgré une certaine redondance et quelques longueurs, l’auteur m’a surpris avec des virages improbables et des rebondissements.

C’est une histoire originale. La plume est impitoyable. Et si elle doit donner une petite leçon, c’est bien celle de ne pas se fier aux apparences car on ne sait pas qui se cache vraiment derrière les apparences d’enfants de chœur. Le récit est oppressant et je me suis même surpris à être inquiet, quand, dans la seconde moitié de l’histoire, j’ai été un long moment sans nouvelle de Michael.

J’ai trouvé ce livre d’autant plus intéressant qu’il introduit un personnage devenu récurent dans l’œuvre de Peter James : le commissaire Roy Grace, policier un peu rebelle aux méthodes pas très orthodoxes qui est allé jusqu’à introduire la radiesthésie dans son enquête, ce qui lui a attiré la désapprobation. Directif, infatigable, opiniâtre et surtout doté d’un instinct hors du commun, Grace est aussi humain et sensible.

Le personnage a été bien travaillé sur le plan personnel, psychologique. Je m’y suis attaché rapidement ainsi qu’à Michael Harrison, enterré vivant, torturé, victime d’une chaîne d’évènements macabres et prémédités et qui ne comprend absolument rien à ce qui lui arrive. Je suis sûr que beaucoup de lecteurs/lectrices souffriront pour lui. Claustrophobes s’abstenir. Excellente narration d’Arnaud Romain qui traduit parfaitement l’esprit de l’auteur. 

Une réussite qui se dévore.

Suggestion de lecture : TOMBENT LES ANGES, de Marlène Charine

Peter James est né en 1948, à Brighton. Il compte parmi les auteurs de romans policiers les plus lus du Royaume-Uni, notamment grâce à son personnage récurrent du commissaire Roy Grace. Comme une tombe (Éditions du Panama, 2006), son premier ouvrage le mettant en scène, a reçu le prix Polar international 2006 du Salon de Cognac et le prix Cœur noir 2007. Si son personnage fétiche se retrouve dans la grande majorité de ses ouvrages, il signe avec Des enfants trop parfaits (2014) un roman sur les dérives de la science et de la génétique. En 2016, il a reçu le prestigieux Diamond Dagger Award pour l’ensemble de son œuvre. 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 22 avril 2023

LA TRILOGIE DU MAL, de MAXIME CHATTAM

<Sans faire l’apologie de l’horreur, j’ai tenté d’écrire
ce roman en étant le plus près possible de la
réalité. C’est sans doute cela le plus effrayant. >
Extrait : LA TRILOGIE DU MAL, avant-propos de
Maxime Chattam, Michel Lafon éditeur, 2004. Édition
de papier par Pocket, 1 435 pages.

Le mal est partout. De Portland, Oregon, aux rues enneigées de Manhattan… Le mal est immortel. Quand l’un de ses serviteurs s’éteint, un autre s’éveille déjà… Le mal est insatiable, aveugle et protéiforme. Voilà l’unique certitude de Joshua Brolin, profileur au FBI. Il en porte la marque, les blessures, les stigmates. Il en connaît l’odeur de soufre. Brolin enquête sur une série de meurtres causés par un criminel monstrueux ayant pris la relève du bourreau de Portland. De bibliothèque ésotérique en course-poursuite mortelle, il n’y a pas de répit.

L’Héritage du bourreau
<Par moi l’on va dans la cité dolente,
Par moi l’on va dans le deuil éternel,
Par moi l’on va parmi la gent perdue,
Il n’a été créé avant moi que les choses,
Éternelles, et moi, éternelle je dure.
Vous qui entrez, laissez toute espérance.>
Extrait livre 1

Dans cette œuvre incroyablement noire et violente, le mal est développé dans toutes ces facettes, même les plus effroyables, voire les plus inimaginables. 1 440 pages de mal. Ça fait cliché c’est vrai mais je crois que les lecteurs et lectrices doivent être avertis : l’omniprésence du mal pourrait pousser les âmes sensibles à l’indigestion.

Le mal est présenté comme étant partout, immortel, insatiable, cauchemardesque. Chattam est passé bien au-delà de l’audace des romanciers d’horreur…Pas de place pour les sentiments, la sensiblerie, la pitié, l’empathie. Les tueurs en série sont une des pires malédictions de l’humanité par suite de l’emprisonnement d’un esprit dans un cerveau tordu, pour plusieurs, lié au diable. Avant d’aller plus loin, il convient d’abord de décortiquer la trilogie.

Livre 1 : L’ÂME DU MAL/LE BOURREAU DE PORTLAND : Le bourreau de Portland, qui étouffait et vitriolait ses victimes avant de les découper, est mort. Et pourtant, le carnage continue selon le même modus operandi. L’inspecteur Joshua Brolin, qui avait mis ce monstre hors d’état de nuire, doit aujourd’hui poursuivre son double. Il n’y a pas d’espoir. Le Mal a une grande famille et ses frères sont légion…


Livre 2 : IN TENEBRIS : Près de 70 personnes ont disparu de façon étrange dans les rues de New York, et seule la moitié a été retrouvée, dont Julia qu’on a trouvé scalpée. Annabel O’Donnel, détective à Brooklyn, et Joshua Brolin, spécialiste des tueurs en série devenu détective privé, mènent l’enquête et trouvent un faisceau d’indices les conduisant à croire à une confrérie ou une association de tueurs en série…


Livre 3 : MALÉFICES : Un homme est retrouvé mort le visage horrifié. Des femmes disparaissent la nuit. Des foyers de Portland sont envahis par des araignées aux morsures mortelles. Et s’il y avait un seul être derrière tout ça ? Et pire : S’il n’était pas humain.  Joshua Brolin et Annabel mènent l’enquête et font face à l’impensable : une nouvelle génération de tueur.

ATTENTION ! Cet ouvrage est gore, attractif, immersif et addictif, même si vous avez la peur facile, Il est difficile d’en laisser la lecture. La trilogie ayant près de 1 500 pages, vous n’avez guère le choix. La plume de Chattam est directe et froide. Il n’envoie pas dire ce qu’il a à dire. C’est cru et ça met en scène des meurtres d’une inimaginable sauvagerie. Le mal et la morbidité suintent dans chaque page. C’est bien imaginé, bien écrit avec l’idée d’une épouvante pratiquement continue, maintenant une pression constante sur le lecteur et la lectrice.

 

Les trois histoires détaillent sans détour la psychologie des tueurs en série, la mécanique de leur cerveau, leur schéma de pensée, le tout par le biais d’un policier à l’imagination sans borne, Joshua Brolin, spécialiste du profilage, formé au FBI. Le mal, ça le connait et il amènera le lecteur et la lectrice à découvrir qu’il n’y a pas de limite dans l’exercice du mal par un esprit détraqué.

Prenons l’exemple du troisième livre. C’est lui qui m’a le plus ébranlé pour la simple raison que j’ai horreur des araignées et que c’est elles qui sont en grande partie exécutantes. Comme si j’étais hypnotisé, j’ai tout lu…il fallait que je sache le fin mot de l’histoire. Maintenant, supposons qu’après des meurtres d’une inimaginable sordidité, une personne que l’auteur appelle la chose et dont le plan est d’élever en quantité industrielle les araignées les plus mortelles avec comme objectif ultime de les lâcher dans Portland pour y semer le chaos et tuer le plus de monde possible.

Imaginez ces bêtes à huit pattes s’immiscer dans votre voiture, vos chaussures, votre sac d’épicerie, votre casquette, une fenêtre ouverte et j’en passe…Veuves noires, mygales, attrax australiennes et autres gentilles créatures…j’en ai eu froid dans le dos et j’en ai presqu’oublié un capharnaüm de fausses pistes qui a compliqué et affaibli quelque peu la finale de l’histoire. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Chattam m’a forcé à affronter ma peur.

Pour résumer, ces trois histoires sont impressionnantes et l’auteur ne se gêne pas pour jouer avec vos nerfs. Le rythme est rapide. La plume est crue et descriptive avec des passages à soulever le cœur.

L’ensemble recèle un certain aspect scientifique à cause de l’étude des araignées par exemple, la pratique du profilage, la psychiatrie criminelle mais surtout, point commun aux trois livres, à cause des mystères et secrets entourant la médecine légale…là non plus pas très appétissant. C’est surtout le réalisme de ces histoires qui étreint le lecteur. D’une façon ou d’une autre, personne ne sort indemne d’une telle lecture. C’est sadique et cruel, mais c’est efficace.

Suggestion de lecture : ÇA, de Stephen King

Né en 1976 en région parisienne, Maxime Chattam s’est très jeune passionné pour les histoires fantastiques, les mystères policiers et l’écriture. En 2001, son premier roman L’Âme du mal est publié. Après s’être imposé comme l’un des maîtres du thriller français, Maxime Chattam s’illustre dans la fantasy avec le même succès. Vendue à près de 600 000 exemplaires, la série Autre-Monde (déjà traduite dans une dizaine de langues) a conquis le public des jeunes adultes.

Deux autres livres de Maxime Chattam ont fait l’objet de commentaires sur ce site. Pour lire mon commentaire sur LE 5e RÈGNE, cliquez ici.
Pour lire mon commentaire sur LA THÉORIE GAÏA, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 16 avril 2023

HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE, de Marc Thil

*Ce chien a l’air tout jeune. Il n’est peut-être pas étonnant qu’il soit perdu. Il aura eu du mal à retrouver sa maison. Ça expliquerait tout…Mais comment faire pour retrouver son maître? *
(extrait : HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE, auteur, éditeur et narrateur : Marc Thil. Durée d’écoute 55 minutes. Pour les 8-12 ans. Aussi disponible en papier et au numérique.)


Arthur, Fred et Lisa trouvent un chien abandonné devant leur maison. À qui appartient ce beau chien ? Impossible de le savoir. À partir d’un seul indice, le collier avec un nom : Gribouille, les enfants vont enquêter. Mais qui est le mystérieux propriétaire du chien ? Pourquoi ne veut-il pas révéler son identité ? Et la petite Julie qu’ils rencontrent, pourquoi a-t-elle tant besoin de leur aide ?

Un mystère résolu par des enfants
*…l’inconnu n’en dit pas plus et raccroche. –C’est notre
voleur assure Fred. Je l’ai reconnu à sa voix. Encore
une fois, il était pressé et peu sympathique. C’est bien
lui…
(Extrait)

Voici un brillant petit opus imaginé par un écrivain passionné, Marc Thil, véritable homme-orchestre qui a écrit l’histoire, en a fait la narration et a même fait l’accompagnement musical. Marc Thil adore écrire pour les enfants, ça m’a paru très évident dans cette mignonne petite histoire dont les héros sont des enfants.

Arthur, Fred et Lisa croisent un chien qui semble perdu. Ils décident d’amener le chien avec eux et d’entreprendre une recherche pour trouver son propriétaire. En principe, ça devait être facile en publiant une simple annonce mais les enfants ont eu une petite surprise. Pendant leur enquête, ils ont rencontré une petite fille appelée Julie, affligée par un handicap qui lui déforme le dos. Julie aurait un lien avec ce chien appelé Gribouille. Ce petit mystère sera résolu par des enfants décidés à se mettre en mode solution.

Pour des observateurs littéraires, le défi dans ce genre de lecture est d’essayer le plus possible de se mettre dans la peau des enfants à partir de 7 ans afin de comprendre leur logique d’enfant et leur perception des difficultés qu’ils peuvent vivre. Ce n’est pas toujours facile quand cette espèce de pureté est loin en arrière de nous.

Mais j’ai aimé ce que j’ai lu et entendu et j’ai apprécié la qualité d’approche des enfants par l’auteur ainsi que les petites matières à réflexion amenées tout en douceur: une vertu qui manque cruellement à notre Société, la tolérance, l’acceptation des différences, sans oublier les bienfaits de la zoothérapie et un des plus belles valeurs apportées par la vie : l’amitié :

<Tu viendras chez nous et nous continuerons de nous voir pendant les vacances et même après, à la rentrée puisque ta nouvelle école sera juste à côté de la nôtre. À ce moment Julie sourit et son visage s’éclaire. Elle dit simplement : -j’ai perdu Gribouille mais j’ai trouvé des amis > extrait Ce n’est pas moralisant. L’auteur ouvre une porte que les enfants n’ont qu’à franchir pour faire un pas de plus dans leur apprentissage.

La seule chose qui m’a agacé dans l’ensemble est la narration de la version audio. Je l’ai trouvé très déclamée. Je ne suis pas sûr toutefois que ce soit un obstacle significatif pour les enfants. L’audition de cette histoire me conforte dans l’idée que le livre audio est un moyen très intéressant d’introduire les enfants dans le monde de la lecture car à 7, 8, 9 ans et plus même, les jeunes sont encore liés à la communication orale.

La bibliothèque audio n’a de cesse de s’enrichir afin de desservir une nouvelle génération de lecteurs dans laquelle pourraient se trouver aussi de futurs auteurs. Je n’hésite donc pas à recommander HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE.

Suggestion de lecture : LA MYSTÉRIEUSE BIBLIOTHÉCAIRE, de Dominique Demers

Marc Thil adore écrire pour les enfants. L’idée lui est venue d’écrire en travaillant jour après jour auprès des enfants à titre de professeur. Il aime leur lire des histoires et leur en faire écrire. C’est comme ça que tout a commencé. Tous les livres de Marc Thil sont destinés aux enfants mais les plus grands pourraient apprécier, en particulier ceux qui étudient la langue française. La collection Marc Thil comprend 12 livres sur support papier et numérique et 5 livres audios.

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Claude Lambert

Le samedi 15 avril 2023