L’archipel du Goulag, 1

COMMENTAIRE partie 1
Sur le livre d’ALEXANDRE SOLJÉNITSYNE

*Au camp, ce n’est pas comme dans la vie ordinaire. Dans la vie ordinaire, chacun s’efforce imprudemment de s’exprimer et de se mettre en valeur extérieurement. On voit plus facilement à quoi prétend celui-ci ou celui-là. En détention, contraire, tous sont dépersonnalisés, mêmes cheveux tondus, mêmes visages non rasés, mêmes bonnets, mêmes cabans. L’expression spirituelle est défigurée par les vents, le hâle, la saleté, le dur travail. Pour arriver, sous l’apparence humiliée, dépersonnalisée, à discerner la lumière de l’âme, il faut un entraînement. *

Extrait : L’ARCHIPEL DU GOULAG, d’Alexandre Soljenisyne. Publication originale : 1973 chez Seuil éditeur. Réédité plusieurs fois dont 2014 chez Points éditeur, 912 pages, poche. Format Numérique chez David Lion éditeur.

Immense fresque de l’univers concentrationnaire soviétique, dont Soljenitsyne fut l’une des nombreuses victimes, L’Archipel du Goulag est un livre de témoignage et de combat. À texte exceptionnel, destin d’exception : rédigé entre 1958 et 1967 dans la clandestinité, il fut publié pour la première fois en France en 1974 et censuré en U.R.S.S. jusqu’en 1989. Puissance d’évocation, éloquence tumultueuse : l’ouvrage, qui a ébranlé les fondements du totalitarisme communiste, continue de brûler les mains.

Introduction

L’ARCHIPEL DU GOULAG n’est pas une oeuvre autobiographique. Elle ne développe pas non plus l’histoire du Goulag. Elle se contente de décrire le quotidien des victimes du régime totalitaire et cruel dans le système carcéral soviétique, appelé goulag, un réseau de camps de travail forcé. Ce réseau, composé de nombreuses unités est évoqué dans le titre sous le nom d’ARCHIPEL.

Ce livre, entamé dès la sortie (1) de son auteur du goulag et dans le plus grand secret, réunit plus de 225 témoignages de prisonniers politiques astreints aux travaux les plus bas d’une organisation concentrationnaire, génocidaire et exterminatrice, parfaitement intégrée à l’économie soviétique car elle fournissait une main d’œuvre gratuite, jetable et remplaçable, selon le bon plaisir de ce parfait paranoïaque qu’était Staline.

Wikipédia décrit L’ARCHIPEL DU GOULAG comme une œuvre en sept parties. La première partie décrit la construction et le développement de l’industrie pénitentiaire russe. La deuxième partie traite de la colonisation de ce qui est maintenant convenu d’appeler l’archipel créé par les flux de prisonniers.

La troisième partie traite du travail et de l’extermination des *travailleurs-prisonniers* par la malnutrition, l’épuisement, la maladie, des gardes sadiques, un irrespect total de la vie comprenant toutes sortes de privations des nécessités de base dont l’hygiène.

Dans les cinquième et sixième parties, l’auteur décrit la psychologie des habitants du goulag. Enfin, la septième partie jette un regard critique sur l’*après-Staline*

1- Une rare exception. En général, les prisonniers qui entraient au goulag y mouraient.


Le quotidien d’un goulag dans le froid sibérien

Le vampirisme stalinien


Alexandre Soljenitsyne…itinéraire
la rançon de l’expression

Si ce livre n’est pas une autobiographie, ce n’est pas un roman non plus. En fait, il est classé *essai d’investigation littéraire*. Moi je le décris comme une fresque, recueil de témoignages et d’histoires écris par Soljenitsyne qui a aussi goûté au Goulag alors qu’il croulait sous la correspondance des *goulagiens* qui attendaient de lui LE livre qui deviendrait devant l’histoire, témoin de la déchéance soviétique : *…sur la planète entière et dans toute l’histoire, il n’y avait pas eu de régime plus mauvais et plus sanglant…* (extrait)

Tous ces témoignages ont été colligés alors que l’union Soviétique était dirigée Par Staline, un tyran secondé par un petit cheptel de moutons. Staline était paranoïaque au point d’avoir divisé la société Soviétique en deux grandes familles distinctes : les traîtres et les trahis : 

*pendant les années qui ont précédé, et pendant l’emprisonnement, j’ai aussi longtemps été d’avis que Staline avait donné à l’état soviétique une orientation fatale… Le cachet que sa personnalité a imprimé sur les évènements était une brutalisation déconcertante, un despotisme rigide … * (extrait)

Staline fut une malédiction de plus pour la Russie : *Toute l’histoire de la Russie est une succession de tyrannies. * (extrait)

Le goulag a commencé à s’intensifier sur les îles Solovetski. Un camp à la fois, lentement mais sûrement. Soljenitsyne appelait ces camps *métastase* : *Ainsi les îles de l’archipel se sont pétrifiées, sans cesser de continuer à faire des métastases. * (Extrait) Ainsi, cette malédiction a grossi jusqu’à plus de 15 millions de prisonniers détenus simultanément. Et ce n’est pas le pire… :

 


*…tous sont emprisonnés pour des absurdités. Surtout, cela semble ridicule à l’accusé lui-même. * (extrait)

*…car seuls les médecins nous diront comment, quelques mois dans une telle prison, transforment un homme en infirme à vie. * (extrait)

Je poursuivrai ce dossier sur L’ARCHIPEL DU GOULAG lors de la prochaine publication sur biblio.com

Bonne lecture

Claude Lambert
le vendredi 9 mai 2025

 

Tout comme les tortues

Commentaire sur le livre de
MARIE-CHRISTINE CHARTIER

Les choses seraient restées simples si nous n’avions pas grandi ; si, dans l’année de notre cinquième secondaire, Sam et moi ne nous étions pas rendus compte que le lien qui nous unissait était différent. Qu’il y avait plus entre nous. Le genre de sentiment aussi envoûtant que l’étaient les feux de camp dans ma cour ces étés-là. Aussi dangereux, quand on ne fait pas attention. Extrait : TOUT COMME LES TORTUES, Marie-Christine Chartier, Hurtubise éditeur, 2019, 232 pages. Version audio : Audible studio éditeur, 2020, durée d’écoute : 5 heures 2 minutes. Narratrices : Ève Lemieux et Rachel Gratton

Samuel et Ariane sont amis depuis leur enfance, amoureux depuis presque aussi longtemps. Cependant, certaines décisions déchirantes peuvent ébranler la fondation d’un couple, même le plus solide. Malgré toute leur volonté, leur amour n’a pu faire oublier des blessures trop profondes. Bouleversée, Ariane a fui en Amérique du Sud, où elle a tenté tant bien que mal d’oublier Samuel.  

Un an plus tard, Samuel s’est refait une vie du mieux qu’il a pu avec Anaïs, une fille douce, aimante et, surtout, à l’opposé de son ancienne blonde. Il sait bien qu’elle ne remplacera jamais Ariane, mais il essaie tout de même de se convaincre que ça lui suffit.  Anaïs aime Samuel. Sûrement trop, en fait. Au fond d’elle, elle sent que leur relation a une date de péremption, mais elle choisit de vivre sur ce temps emprunté.  

Comme chaque cours d’eau finit par rejoindre l’océan, Ariane revient de son périple. Et son retour chamboulera leur vie à tous les trois.  

Patience du cœur
et
Force du temps

 

TOUT COMME LES TORTUES est une histoire d’amour qui suit trois personnages avec des amours torturés puis recomposés un peu comme un triangle amoureux mais qui se joue à deux…une forme de huis-clos dans lequel l’amour et l’amitié s’imbriquent. L’histoire est simple au fond même si les relations sont complexes.

Arianne fuit son amour déçu en Amérique du sud, puis un an plus tard, revient dans son nid. Si je me réfère au titre et sans vouloir trop en dévoiler le mystère, disons qu’Arianne est la tortue. J’ai trouvé le lien intéressant et l’idée bonne. J’ai utilisé la version audio du livre, une narration à trois voix en alternance, une pour chacun des principaux personnages.

Je n’ai jamais été un grand amateur de littérature sentimentale mais de cette tendance <histoires d’amour> extrêmement répandue en littérature, je sais tout de même apprécier une histoire bien construite avec des personnages attachants et un bel équilibre entre les sentiments et le quotidien de la vie. Pour être honnête, je n’ai pas très bien compris pourquoi ce livre a été autant encensé par la critique.

C’est une histoire assez intense mais sans chaleur. Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages. De plus, les personnages expriment leur pensée après les évènements. Ce choix ne vient pas vraiment me chercher même si je le préfère aux sauts temporels.

Le développement est intéressant parce que le sujet est complexe et j’ai senti de la part de l’auteure une belle sensibilité mais les personnages ne m’ont pas fait vibrer. Je n’ai pas pu m’identifier aux acteurs, même à Samuel dont les motivations sont sous-exploitées.

Même s’il n’est pas porteur de beaucoup d’émotions, le roman reste intéressant à suivre car il est très actuel parce qu’il développe certains facteurs qui rendent parfois les histoires de couple difficiles, voire éprouvantes : communications embrouillées, amour mal entamé ou interrompu avant d’être terminé, indécision, fuite, et surtout le pardon qui est abordé quand même avec une grande délicatesse.

Bref, c’est une écoute, une lecture légère, loin d’être désagréable mais qui ne m’a pas vraiment atteint.

Suggestion de lecture : UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR, de COLLEEN McCULLOUGH


L’auteure Marie-Christine Chartier

À LIRE AUSSI, DE LA MÊME AUTEURE :

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 4 mai 2025

Anne… la maison aux pignons verts

Commentaire sur le livre de
LUCY
MAUD MONTGOMMERY

*De sémillants châteaux en Espagne surgissaient des brumes et des arcs-en-ciel de son imagination fertile ; des aventures nouvelles et exaltantes l’entraînaient dans leur sillage merveilleux, aventures dont elle demeurait jusqu’à la fin l’héroïne triomphale et qui ne la voyaient surtout jamais sombrer dans ces misérables pétrins qui marquaient sa vie réelle. *

(Extrait : Anne la maison aux pignons verts, livre 1, Lucy-Maud Montgomery, version papier, Québec Amérique 2001, 374 pages. Version audio : Voolume éditeur, version intégrale, 2021, durée d’écoute : 10 heures 46 minutes. Narratrice : Émilie Moget.

Anne, une petite orpheline rousse à l’imagination débordante, est envoyée par erreur chez les Cuthbert, qui attendaient plutôt un garçon pour les aider aux travaux de leur ferme. Mathew ne se résigne pas à la renvoyer et l’emmène à sa maison aux pignons verts. Impulsive, volubile et gaffeuse, mais surtout brillante, optimiste et généreuse, Anne réussira-t-elle à gagner leur cœur?

 Du terroir littéraire canadien

Un bon matin, dans la gare ferroviaire d’une campagne de la majestueuse Île-du-Prince-Édouard, Mathew Cuthbert, homme d’âge mûr, attend avec impatience l’arrivée d’un solide garçon orphelin que lui et sa sœur, Maryla, ont décidé d’adopter pour les aider dans l’exploitation de leur ferme aux Pignons Verts.

À leur grande surprise, c’est une fille qui leur est envoyée. Elle s’appelle Anne, 10 ans. La première idée des fermiers est de la retourner à l’orphelinat et de clamer leur mécontentement. Mais il se produit un rapide revirement.

Au départ, Anne est un inépuisable et étourdissant moulin à parole, attribut qui m’a énervé pendant une bonne partie du récit. Comme j’ai écouté la version audio, livrée sans chaleur ni émotion, j’ai vite constaté que le qualificatif *moulin à parole* est un euphémisme.

Comme je tenais à voir où voulait me conduire l’autrice Lucy-Maud Montgomery j’ai patienté et enduré plusieurs autres irritants. En effet, en plus d’être volubile à l’excès, Anne a un caractère bien trempé. Elle est un peu hautaine, s’exprime à la *british*, elle est très intelligente, imaginative mais elle est un peu gauche et l’humilité n’est pas sa tasse de thé.

Comme Mathew et Maryla Cuthbert, moi aussi j’ai connu un revirement dans mes sentiments. Je me suis surpris à développer de l’empathie pour cette jeune fille qui avait les cheveux roux en passant. C’était loin d’être un avantage au tournant du XXe siècle. Je suis tombé sous le charme, mais beaucoup plus tard dans le récit.

Ce livre est le premier d’une saga évolutive qui conduit doucement Anne vers la sagesse, l’empathie, la connaissance dont elle est avide et l’amour qui la fera marcher sur le fil fragile qui sépare le rêve de la réalité. Elle conservera toujours dans cette grande chronique une espèce de langage d’un autre temps (ce qui fut pour moi un irritant exacerbé par la version audio).

Vous avez compris que pour moi, ça a été long avant d’embarquer dans l’histoire mais le texte s’enrichit au fur et à mesure de son développement avec finesse et intelligence. Anne devient moins fébrile, plus ouverte aux autres et demeure résolument attachée aux Pignons verts. C’est une jeune fille graffignée dans son enfance que l’autrice fait cheminer lentement vers l’âge adulte. Une très belle évolution.

L’émotion et la chaleur s’installent au fil du récit et tout au long de l’histoire j’ai été intrigué par l’évolution de ce qui semblait au départ, la naissance d’une petite amourette entre Anne et Gilbert Blythe.

ANNE LA MAISON AUX PIGNONS VERTS est le dévoilement en douceur d’une personnalité riche et attachante. Au final, j’ai aimé ce roman porteur d’ondes positives, de sourires et d’émotion, le tout dans un contexte historique réaliste. C’est un roman coloré et riche en leçons de vie.

Je vous recommande ce roman, spécialement le format papier.

Suggestion de lecture : CHARLES LE TÉMÉRAIRE d’Yves Beauchemin


L’autrice Lucy-Maud Montgommery

 

Bonne écoute
Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 3 mai 2025