L’HOMME IDÉAL EXISTE. IL EST QUÉBÉCOIS

Commentaire sur le livre de
DIANE DUCRET

*Évidemment, il est canadien. Pire, québécois ! Pour un québécois bien dans ses pompes fourrées au castor, c’est normal de faire traverser l’Atlantique à une jeune femme que l’on connaît à peine pour l’emmener faire des courses au supermarché avec son rejeton.* (Extrait: L’HOMME IDÉAL EXISTE. IL EST QUÉBÉCOIS, Diane Ducret, Éditions Albin Michel, 2015, édition numérique 130 pages num.)

Surmontant sa peur de l’engagement, une jeune femme quitte Paris pour rejoindre son nouveau compagnon qui vit au Canada. Elle se retrouve confrontée à une série d’épreuves : l’arrivée du fils de 5 ans, une sortie en chiens de traîneau qui vire au cauchemar, une ancienne compagne trop présente, etc.

Diane Ducret nous décrit un étonnant choc de cultures : une jeune femme dans la trentaine, française pure laine, parisienne en plus, qui accepte l’invitation d’un spécimen authentique de mâle québécois, artiste-peintre en prime, qu’elle avait rencontré dans un bar parisien… Et voilà que le mythe de l’homme idéal est revisité…

DE CLICHÉ EN CLICHÉ
*Gabriel me regarde comme une dinde qui
danserait de joie à la veille de Noël. –Mais
tu rêves en couleur toi ! Si on repart pas, on
va crever de frette. J’ai pas d’ondes pour
appeler du secours.>
(Extrait : L’HOMME IDÉAL EXISTE . IL EST QUÉBÉCOIS)

Diane traverse donc ‘Atlantique pour rejoindre son nouveau compagnon made in quebec. C’est évidemment sans savoir qu’elle sera confrontée à une série d’épreuves assez loufoques. Quelques mots sur le compagnon : il est beau comme un cœur, divorcé, il a un fils de 5 ans, il est québécois 100% pur laine et a le langage qui va avec.

Est-ce qu’un homme est nécessairement chaud parce qu’il reste dans un pays froid. Faut s’y faire…dans ce livre les jeux de mots sont abondants et vus les nombreux écarts de langages et de définitions des mots, on a l’impression d’assister à la rencontre improvisée de deux solitudes.

On est loin, très loin de la grande littérature, mais ce n’est pas désagréable. C’est une lecture légère. L’humour est omniprésent et spontané. C’est la principale force du livre : *C’est pas possible d’avoir une bouche si belle pour dire autant de conneries* (Extrait)

…réflexions à voix haute ou basse d’une jeune femme qui se connait et qui voit la vie avec philosophie : *Ce gars-là ressemble comme deux gouttes d’eau à la prochaine chose que je vais regretter .* (Extrait)

La jeune femme vient nous rappeler qu’apprendre à se connaître en si peu de temps n’est pas aussi simple que ça en a l’air. Surtout en tenant compte des frontières linguistiques : *Allez expliquer à une jeune française qui ne sait rien des québécois que le mot capoter n’a rien à voir avec les condoms…

J’ai trouvé ce livre rôle et rafraîchissant, expressif, d’un comique naturel, une espèce de petite comédie d’erreurs de langage, humour instantané et je le rappelle, j’ai beaucoup apprécié la spontanéité de Diane Ducret qui sait insérer dans son texte des petites coquilles inattendues : *Marilyn, la serveuse, nous tend deux bières qu’elle décapsule entre ses seins. Une spécialité locale.* (Extrait)

L’idée est originale mais le thème est malheureusement sous-exploité. C’est la principale faiblesse du livre. Le récit étant relativement bref, moins de 150 pages numériques, l’auteur aurait dû développer davantage en accentuant sensiblement les réflexions de la jeune parisienne mais surtout en augmentant les dialogues.

En effet dans ce récit la jeune femme *pense* beaucoup et le québécois parle peu. Il y a très peu de dialogues. Trop peu à mon goût en tout cas. Je pense qu’un québécois avec son jargon et une parisienne avec son argot auraient donné lieu à beaucoup de dialogues hilarants. Le peu d’exemples que j’ai trouvé m’a fait rire…avec plus, je me serais sans doute esclaffé.

Voici un petit exemple de dialogue : *Tu branles dans le manche? Il veut que je fasse quoi?! Et devant son fils?! (Extrait) C’est le genre de petits dialogues éclairs que j’aurais souhaité plus abondants…toujours à double sens ou presque…pas une once de méchanceté. Un mot sur la finale : décevante. Mais au final, ce sera à vous de juger. Ça ne m’a pas empêché d’apprécier le récit dans son ensemble. C’est positif.

Je me suis laissé dire…à travers les branches, que l’auteure, Diane Ducret aurait reçu une proposition d’adaptation cinématographique. J’espère que ce sera positif car on aurait une version beaucoup plus substantielle du livre. C’est ça ou encore une suite du livre pourrait être intéressante.

Entre temps, l’homme idéal existe. Mais est-il québécois ?…?…

Suggestion de lecture : BOUILLON DE POULET POUR L’ÂME DES QUÉBÉCOIS

Diane Ducret est une auteure, historienne et philosophe née en 1982 à Anderlecht, en Belgique. Passionnée d’histoire, après avoir collaboré à l’écriture de films documentaires historiques pour l’émission Des racines & des ailes, elle présente en 2009 Le Forum de l’Histoire, sur la chaîne éponyme. Elle sort son premier livre en janvier 2011, Femme de dictateur, best-seller en France qui sera traduit en 18 langues.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 avril 2020

LES CLOCHES DE L’ENFER, de JOHN CONNOLLY

*Longtemps Mme Abernathy avait partagé
le désir de son maître de voir la terre
transformée en une autre version de
l’enfer, mais quelque chose avait changé.*
(Extrait : LES CLOCHES DE L’ENFER, John Connoly,
T.F. Éditions l’archipel, 2012, papier, 340 pages)

À 11 ans, Samuel Johnson déjoue les plans machiavéliques de l’horrible Ba’al, un démon qui prépare l’invasion de la terre et l’avènement de son maître : le mal Suprême. Deux ans plus tard, Ba’al n’a toujours pas digéré son échec quand arrive enfin l’heure de la revanche. Et c’est ainsi que Samuel et son chien Boswell se retrouvent propulsés en enfer… Ba’al n’en fera qu’une bouchée ! Promis, juré.

Mais il oublie un peu vite les ressources insoupçonnées de Samuel et de ses compagnons d’infortune : quatre nains énervés, deux agents de police tatillons et un marchand de glaces. Et puis Samuel pourra aussi compter sur le soutien d’une vieille connaissance : Nouilh, petit démon aussi gaffeur que poltron. Qui donc, à la fin, se fera sonner les cloches ?

ENFER HORS-SENTIER
*Dans le chaos et le fracas qui avaient suivi l’échec de
l’invasion, personne n’avait remarqué que deux
phacochères nommés Shan et Gath avaient disparu,
et qu’il y avait donc deux paires de bras en moins
pour jeter des pelletées de charbon dans les grands
brasiers de l’enfer.*
(Extrait : LES CLOCHES DE L’ENFER)

LES CLOCHES DE L’ENFER est un livre aussi étrange que fascinant. Le titre ne prend sa véritable signification que vers la fin du récit. Ce livre est la deuxième partie de la saga de Samuel Johnson. N’ayant pas trouvé la première partie (LES PORTES), je me suis rabattu sur la deuxième qui peut se lire indépendamment. Je précise aussi que l’auteur fait un retour sur le premier volet donc le confort avec l’histoire s’installe rapidement.

Voyons rapidement l’histoire. Deux ans après avoir déjoué les plans diaboliques de Ba’al, incarné dans le récit par l’horrible madame Abernathy, Samuel et son chien Boswell sont subitement propulsés en enfer par Abernathy, fort désireuse de finaliser son plan de vengeance afin de se réconcilier avec le Mal Suprême.

Mais Samuel a des ressources et des amis aussi : quatre nains énervés, deux agents de police, un marchand de glace et Nouilh, un petit démon maladroit mais très sympathique. Il est évident que tôt ou tard, quelqu’un quelque part va se faire sonner les cloches.

C’est un livre très original et comme je le précise au début, il est un peu étrange, mettant en scène des personnages disparates dans un univers peuplé de créatures bizarres et où règne le mal évidemment avec le grande Maître du Mal et ses lieutenants dont Abigor et Abernathy.

Ce sont des noms qui évoquent la trahison, la soif de pouvoir et un ardent désir d’envahir la terre pour en faire une prolongation de l’enfer. Cet univers a été bien imaginé. Il y a un petit quelque chose de folklorique dans le récit. L’auteur étant Irlandais, il ne faut peut-être pas trop s’en surprendre,

Ce n’est pas un livre qui va vous donner des cauchemars bien au contraire. Le sens de l’humour de Connolly est particulièrement aiguisé partout : le titrage, le texte et les renvois en bas de pages qui à eux seuls consacrent le caractère rafraîchissant de l’ouvrage :

*Pas même le travail des démons les plus nuls comme Dhïnhg-Dhônhg, le démon des gens qui sonnent à la porte quand on est sur le point de passer à table; Woüa, le démon des choses mortes qui flottent dans la soupe (et du proverbial cheveu dans la soupe)…Plouf, le démon des choses qui coulent quand il vaudrait mieux qu’elles remontent à la surface et grrrin’s’Äbl, le démon qui bloque les engrenages.* (Extrait)

Donc l’humour est omniprésent. À cela s’ajoute une plume fluide et très descriptive, beaucoup d’imagination, un fil conducteur efficace et le concept de l’enfer imaginé par l’auteur m’a agréablement surpris. L’enfer est au cœur de l’aventure mais Connolly y a laissé un petit message à l’effet qu’il y a toujours de l’espoir et même lorsqu’elle devient des plus improbable, la rédemption est toujours possible :

*…Il arrive même que le Bien naisse du Mal…Et le Mal, comme l’épisode du forgeron l’a démontré, contient toujours en lui-même la possibilité de sa propre rédemption.* (Extrait)

Côté faiblesse : le récit est bien structuré mais l’émotion manque à l’appel. La finale m’a semblé expédiée. Le récit accuse aussi quelques longueurs et le début est un peu lent. À part, peut-être Samuel, j’ai eu de la difficulté à m’attacher aux personnages. Mais en général l’originalité a le dernier mot avec l’humour omniprésent et souvent subtil de l’auteur.

Quant aux Cloches de l’enfer, je vous laisse découvrir ce qu’elles annoncent. Ce n’est vraiment pas un livre méchant bien au contraire. LES CLOCHES DE L’ENFER est un livre jeunesse mais les adultes y trouveront aussi de quoi se divertir.

Suggestion de lecture : LES NEUF CERCLES, de R.J. Ellory

John Connolly est un écrivain irlandais. Il est surtout connu pour sa série de romans mettant en vedette le détective privé Charlie Parker. Avant de devenir un romancier à temps plein, John Connolly travaille comme journaliste, barman, fonctionnaire du gouvernement local, serveur et coursier au grand magasin Harrods à Londres.

Il devient rapidement frustré par la profession, et commence à écrire « Every Dead Thing » (Tout ce qui meurt) pendant son temps libre qui obtient un Shamus Award. Le site officiel de John Connelly est en anglais mais j’ai beaucoup apprécié ma visite, en particulier l’imposante bibliographie du créateur de Charlie Parker. Allez voir.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 2 février 2020

LE PASSE-MONDES, livre de THIBAULT ROLLET

L’histoire de Mr.N
(Tome 1)

*Mais c’est qu’il serait sourd le monsieur ! Youhou,
par là,  non,  plus bas, et aveugle avec ça ! Sur la
table enfin ! Je restai coi. C’était le livre qui me
parlait. Deux yeux et une bouche étaient sortis de
la couverture. J’étais certain qu’ils n’y étaient pas
auparavant.*
(Extrait : LE PASSE-MONDES L’HISTOIRE DE Mr N. tome 1,
Thibault Rollet, Éditions du Petit Caveau, collection Sang
noir, 2014, papier et numérique, 200 pages pour le num.)

Neeyers est journaliste de son état. C’est un homme droit et intègre. Sa vie va basculer le jour où un étrange personnage lui rendra visite pour lui apprendre que le journalisme, c’est fini pour lui. À la place, il s’occuperait de guider les morts et de veiller sur eux. Passe-Mondes. C’est ainsi que je me nomme et ce sera votre patronyme désormais. Monsieur N. entreprendra ainsi une étrange formation et découvrira en même temps que le lecteur, un univers parsemé de légendes fantomatiques et vampiriques ainsi qu’une vision de la mort plutôt décalée et assez drôle…

DES MONDES QUI SE FRÔLENT
*Dan passa un coup de fil pour qu’un groupe
passe détruire les corps. On m’expliqua
qu’effectivement, chez les vampires,
l’enterrement n’était pas pratiqué.*
(Extrait LE PASSE-MONDES, L’HISTOIRE DE Mr N)

Un livre très intéressant. Une histoire originale : *Monsieur Neeyers, je vous nomme Passe-Mondes. Puissiez-vous accomplir votre travail avec perfection…* (extrait) N pour Neeyers.

Un journaliste qui fait son travail, qui a une vie ordinaire comme les autres mais qui va basculer complètement quand il reçoit la visite d’un étrange personnage qui dit s’appeler Passe-Mondes et dont le but est de guider les morts et d’exécuter les commandes des grands Maîtres : le Très-Haut et le Très-Bas.

Par la décision des Grands-Maîtres, Passe-Mondes dirige les morts vers les portes qui leurs sont destinées et qui se trouvent dans le Middleway…le chemin du milieu où habite Passe-Mondes. Il voit aussi à l’équilibre des destins, attribuant récompenses et punitions. Neeyers a été désigné pour remplacer Passe-Mondes. Pas le choix…très peu d’explications.

Une formation lui est imposée… : *Ainsi commença le récit le plus fou que l’on puisse raconter, à la fois le plus invraisemblable…et le plus plausible. Celui d’un être aux frontières de la vie et de la mort. L’histoire du Passe-Mondes…* (Extrait)

L’originalité du récit réside en partie dans les pouvoirs extraordinaires dont Neeyers hérite, et la façon dont il reçoit la commande des grands Maîtres : un parchemin qui apparaît dans la poche de son manteau tout simplement.

Un jour, Neeyers reçoit une commande très particulière qui le propulse dans le monde des vampires pour régler un conflit entre les différentes castes vampiriques dont une en particulier dirigée par l’incarnation de la cruauté : Prâal, un monstre qui à lui seul met en danger l’humanité entière.

Plusieurs éléments m’ont accroché dans ce récit m’entraînant graduellement vers l’addiction. Je ne citerai que les principaux : la vision de Thibault Rollet d’une vie après la mort et cette nonchalance avec laquelle les décisions sont rendues et appliquées, manque d’allure et d’ardeur. Notez que c’est plus drôle que dramatique parce que ça rappelle assez bien la bureaucratie du monde des vivants.

Autre élément original : les pouvoirs de Mr N., celui par exemple de faire apparaître un whisky dans ses mains…une boisson venue de nulle part et haut de gamme encore… l’humour qui se dégage de l’ensemble est un autre élément original : il est noir, mais il fait ressortir de l’œuvre, un petit quelque chose de réaliste, de plausible.

La principale faiblesse que je relève du récit tient dans le fait qu’on sait peu de choses sur Passe-Mondes avant son implication dans le conflit entre vampires et même avant de passer officiellement dans le middleway. J’aurais aimé suivre plus longtemps Mr N. dans son quotidien et savourer des anecdotes qui s’en dégagent.

Pas encore une histoire de vampire… Peut-être Thibault Rollet a-t-il prévu le coup car sa plume habile m’a aspiré dès les premiers moments dans une intrigue solide qui va crescendo jusqu’à une finale surprenante et forte…très forte.

Si vous vous considérez lassé des histoires de vampires, essayez PASSE-MONDES. Je pense que c’est une histoire qui sort de l’ordinaire et qui laisse à penser que tout n’a pas été dit sur les vampires. Je vous ai dit que la finale est forte.

Elle vous oblige presque à ne pas échapper à la suite : L’HISTOIRE DE Mr N. tome 2 LES TROIS GRANDS alors que le *Service après-Mort* impose à N. une surprenante mission… (eh oui, l’humour est toujours présent surtout si on considère le traitement d’une âme en peine comme un service après-vente)

Le livre a presque tout pour plaire. Il y a un peu d’émotion mais surtout de la magie, du surnaturel et une intrigue puissante. Un dernier mot, pas besoin d’être amateur de fantastique pour lire ce livre car il contient plusieurs avenues intéressantes.

Suggestion de lecture : PASSAGE, de Yanick St-Yves

Thibeault Rollet (1991-   ) est un musicien, professeur de guitare et écrivain français. C’est un passionné de fantastique. Ces univers extraordinaires ont marqué son adolescence : Edgar Allan Poe, Tim Burton et plusieurs autres. Aujourd’hui, cette influence transpire dans l’œuvre musicale de son groupe rock qui a pour nom Mr N. qui fait aussi l’objet de son roman. Rollet a créé tout un univers autour de ce personnage fétiche.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
Le samedi 1er février 2020

LA PETITE ET LE VIEUX, de MARIE-RENÉE LAVOIE

*-Pis Mathusalem ? Lui j’peux pas ! Pourquoi ?
Parce que c’est triste en chien ! Nan…y u dis toutl’temps ça !
Ben lui c’est vrai ! Pourquoi ?
Parce que t’est fatigante en maudit ! Pourquoi ?
Parce qu’à ton âge on est supposé croire que
l’monde est toute ben beau pis ben fin-*
(Extrait LA PETITE ET LE VIEUX, Audible studios,
2018, édition originale, 2010, rééd. Gallimard 2015
Durée d’écoute : 5h55. Littérature jeunesse)

Hélène se fait appeler Joe parce qu’elle veut vivre en garçon comme lady Oscar, son héroïne de dessins animés préférée qui est la capitaine de la garde rapprochée de Marie-Antoinette. Comme elle, elle aimerait vivre à l’époque de la Révolution française. Mais elle doit se contenter de passer les journaux, puis de travailler comme serveuse dans une salle de bingo. Après tout, au début du roman, elle n’a que huit ans, même si elle prétend en avoir dix.

LADY OSCAR ET L’OURS MAL LÉCHÉ
*- Y est ben de bonne heure pour boire une grosse bière de même !
– Sacrament, qu’est-ce tu veux, j’haïs le café. Ça me donne des
brûlements d’estomac. – Prends du Pepto-Bismol. – Ha ! ha ! ha !
C’é quoi ton nom, p’tite vermine ? – J’ai pas de nom, gros soûlon. *
(Extrait)

C’est le livre le plus drôle qu’il m’ait été donné de lire et d’écouter car j’ai utilisé deux supports. J’ai beaucoup ri et quelques larmes se sont manifestées même. Drôle, émoustillant, rafraîchissant…mais commençons par le commencement. Voici l’histoire d’Hélène 8 ans, qui se fait appeler Jos car au départ, Hélène n’aime pas sa condition de fille, au départ du moins.

Elle préfère vivre en garçon et s’identifie à Lady Oscar, héroïne d’un dessin animé, elle aussi masculinisée. Oscar est la capitaine de la garde de Marie-Antoinette. Eh oui, Jos aurait aimé vivre à l’époque de la révolution pour remettre la justice à sa place à une époque où couve la France de Robespierre.

C’est beau le canal Famille mais Jos doit aussi vivre au présent avec sa famille, papa, maman, Jeanne, Catherine. Elle est camelot et serveuse dans une salle de bingo., le tout dans un quartier de Limoilou, près du Centre Hospitalier Giffard qui, depuis la désinstitutionalisation, a libéré une grande quantité de patients qui demeurent autour et qui, sans ressembler à des extra-terrestres, rendent le quartier plutôt…pittoresque.

Jos vit aussi en bon voisinage avec le vieux Roger, lui aussi issu de Giffard mais comme préposé. Le père Roger est un sympathique gueulard, grincheux, mal embouché, chialeur et désillusionné. Malheureusement, notre deuxième héros, Roger, ne parle que de mourir, de disparaître.

Graduellement Jos et Roger s’apprivoisent et laissent s’installer *pouce par pouce* une connivence qui ne se démentira plus : *«C’est quoi ton nom p’tite vermine? –J’ai pas de nom gros soûlon ! – Ha ! Ha ! Ha ! Une p’tite comique.  J’sens que jvas aimer ça icitte. » (Extrait) C’est un bonheur de les entendre converser, lui avec son langage de charretier et elle avec son langage de petite fille de 8 ans qui déclare en avoir 10.

LE PETITE ET LE VIEUX n’a pas d’intrigue comme telle. C’est la chronique du quotidien d’un quartier de Québec, d’un voisinage, d’un papa qui se contente de tout, d’une maman qui se contente de rien, de deux sœurs, d’un vieux solitaire qui jure en calant des bières tout en étant le puits de connaissances du bon grand-père, toujours disponible pour soulager les bobos avec ses ptits trucs du terroir.

Et il y a bien sûr Hélène, Jos la narratrice, intelligente, attachante, généreuse, une petite fille à son affaire qui cumule deux jobs éreintants pour aider sa famille. Ce livre est un trésor d’humour et d’émotions, de sentiments et de tendresse entremêlés. Un des plus beaux moments de ce livre est celui où le papa de Jos tente de se rapprocher de sa fille en se levant en même temps qu’elle pour l’aider à livrer ses journaux.

Le dialogue est lent mais chargé de sens et vient nous rappeler, avec le secours d’Ernest Hemingway qu’il n’est pas donné à tout le monde de manifester son amour. Mais si on sait lire entre les lignes…si on sait interpréter les gestes, le non-dit, on découvre des trésors fantastiques.

LA PETITE ET LE VIEUX est à l’image de son héroïne. C’est tout le livre qui ouvre son cœur, les dialogues sont pétillants et les personnages tellement attachants qu’on aimerait les avoir près de soi. C’est un authentique et vivant portrait de société avec ses personnages pittoresques et ses dépanneurs :  *Jvas rien slaquer pantoute maudit saint-ciboire,  jsus déménagé icitte pour être plus proche du dépanneur* (Extrait)

Je vous recommande chaleureusement ce livre et même la version audio qui est un enchantement. La jeune Juliette Gosselin nous livre une performance remarquable. J’irais jusqu’à dire que ce petit bijou serait tout indiqué pour une personne qui veut s’adonner à la lecture, qui veut essayer quelque chose qui l’amènerait à continuer.

C’est un livre savoureux. Profondément québécois et pas seulement pour son langage mais pour l’authenticité…profondément humain…un enchantement.

Suggestion de lecture : IL PLEUVAIT DES OISEAUX, de Jocelyne Saucier

Née en 1974, à Québec, Marie-Renée Lavoie détient une maîtrise en littérature québécoise de l’Université Laval. Lauréate du Grand Prix de la relève littéraire Archambault, en 2011, elle a remporté un vif succès, autant critique que populaire avec son premier roman, LA PETITE ET LE VIEUX, finaliste, en 2011, au Grand Prix du public Archambault, au Prix France-Québec et au Prix des cinq continents de la Francophonie. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 21 décembre 2019

René Goscinny raconte les secrets d’Astérix

*Ma légende selon le cas, m’amuse, m’indiffère ou m’agace.
Elle m’agace quand on me fait dire des choses que je n’ai pas dites.
Elle m’amuse quand un petit garçon me regarde, avec des yeux
écarquillés parce que, pour lui, je suis Astérix réincarné.*

(René Goscinny en citation, extrait de RENÉ GOSCINNY raconte les
secrets d’Astérix, Éditions le Cherche-Midi, 2014, disponible en
papier et en numérique. Pour cet article : édition de papier, 220 pages)

(Le Figaro)
Voici l’histoire d’Astérix racontée par son co-créateur, René Goscinny disparu prématurément en 1977. Rassemblées sous forme d’abécédaire, des centaines de citations composent ce «récit» inédit émanant directement de celui qui, un jour, écrivit pour la première fois sur une feuille de papier le nom «ASTÉRIX».

Avec son ami dessinateur Albert Uderzo, le génial scénariste ignorait alors qu’il venait de créer un héros planétaire :  350 millions d’albums vendus et plus de 150 traductions. On en sait maintenant un peu plus sur Astérix, Obélix, Panoramix et le secret de la potion magique, sur les sources d’inspiration de René Goscinny, sa méthode d’écriture et l’extraordinaire complicité développée avec Uderzo. On en sait maintenant un peu plus sur l’univers d’Astérix, protégé de très haut par Toutatis…

UN AMI POUR LA VIE !
*Notre seule ambition, c’est de
faire rigoler…les autres
Interprétations sont démesurées.*
(René Goscinny, extrait)

RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX est un recueil de récits, d’extraits d’entrevue, de citations et de calembours de René Goscinny, créateur d’Astérix. Ce n’est pas une autobiographie. Goscinny n’aurait jamais eu le temps de la faire. Il est mort en pleine gloire, très jeune, 51 ans…très prématurément, le 5 novembre 1977 d’une crise cardiaque. Heureusement, Astérix a survécu grâce à un ami de toujours : Albert Uderzo.

Ce faisant, René Goscinny nous a laissé un héritage extraordinaire, voir unique au monde : *L’œuvre de René Goscinny est si abondante et multiple que la notoriété de l’auteur se perd dans celle de ses héros* (Extrait) Tous les propos de Goscinny sous quelques formes qu’ils soient sont réunis dans cet opuscule sous forme d’abécédaire affectueusement préfacé par la fille de monsieur René : Anne Goscinny : *Désormais, pour entendre la voix de mon père, j’ouvrirai aussi ce livre-là.* (Extrait)

Lire le CV de Goscinny a été pour moi, étourdissant. Déjà en 1977, je regrettais sa disparition car il a donné à la BD, ce genre littéraire capricieux à l’époque, un souffle qu’il n’a jamais perdu. Si je reviens à ce livre sur les secrets d’Astérix, sa forme d’abécédaire était pratiquement obligée. Le concepteur n’avait pas le choix…trop de citations sur des sujets extrêmement variés…

Dans un contexte purement autobiographique, je suis sûr que Goscinny aurait présenté les choses d’une façon différente. Mais sous sa forme actuelle, le livre a un petit quelque chose de…je sais pas…nombriliste peut-être, un peu sensationnaliste. Vu l’extraordinaire productivité de Goscinnny, rien ne pouvait m’empêcher de dévorer ce livre.

L’ensemble des citations, les définitions de l’auteur, les bulles, les interventions d’Uderzo, tous ces éléments rassemblés dans une certaine anarchie qui fait sympathique perpétuent avec une évidente émotion l’intelligence supérieure et l’extraordinaire imagination de René Goscinny.

Il se raconte avec une passion débordante et le livre est effectivement bourré de petits secrets, des petites choses toutes simples que j’ignorais, des petites indiscrétions, des notes historiques et surtout comment insérer des personnages ou objets qui n’étaient pas du tout voués à la pérennité comme la potion magique par exemple, ou le Idéfix.

Enfin, c’est non sans émotion que j’ai compris la nature du contact entre Hergé, le père de Tintin, mon ami d’enfance et Goscinny, le père d’Astérix, mon ami d’adolescence, et la profonde interaction entre René Goscinny et Albert Uderzo : *Moi c’est l’autre* (extrait)

Je pense que ce livre vient chercher toutes les générations. Il comprend beaucoup d’humour, la marque distinctive de Goscinny, de l’émotion, de la tendresse, des révélations surprenantes et des allusions aussi fines que drôles comme celle-ci par exemple qui évoque l’installation de Goscinny aux États-Unis : *J’étais parti aux États-Unis pour travailler avec Walt Disney, mais Walt Disney n’en savait rien* (Extrait)

Je ne veux pas me lancer dans ce qui pourrait vous paraître une dithyrambe, mais il faut prendre ce livre pour ce qu’il est : un petit coffre au trésor dans lequel humour rime avec amour, sensible rime avec susceptible, talent rime avec enfant. Le livre rassemble les propos d’un homme qui aimait être aimé. Ce livre m’a touché, m’a fait rire et m’a appris beaucoup de choses. Je vous le recommande chaleureusement.

Le mot de la fin, je le laisse au Cherche midi, car il est l’expression d’une heureuse finalité eu égard au patrimoine culturel mondial. Il dit tout… :*En redonnant aujourd’hui la parole à celui qui l’a donnée à Astérix, nous faisons œuvre de mémoire. Sociologues, essayistes, universitaires, spécialistes, journalistes se sont emparés du mythe. Mais la véritable histoire d’Astérix, c’est celle que raconte René Goscinny.*. (Extrait : introduction «Ils sont fous, ces romains!» René Goscinny raconte les secrets d’Astérix).

Suggestion de lecture : ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, de Tristan Demers

Né le 14 août 1926 à Paris, René Goscinny passe son enfance en Argentine, entre Buenos Aires et la pampa. Après des débuts prometteurs de sous-aide-comptable d’un aide-comptable dans une usine de récupération de vieux pneus, il entre comme apprenti dessinateur dans une agence de publicité. 

BRÈVE BIOGRAPHIE…GRANDES ÉTAPES POUR GOSCINNY

À 19 ans, il part à la conquête de l’Amérique et, plus précisément, des studios Walt Disney. Il rencontre Morris à New York, Jean-Michel Charlier à Bruxelles et Albert Uderzo à Paris. Goscinny, qui a compris que son talent s’épanouissait plus efficacement dans le scénario que dans le dessin, met en chantier une multitude de bandes dessinées (parmi lesquelles « Oumpah-Pah », « Strapontin » et « Luc Junior »).  

En 1955, il reprend le scénario de « Lucky Luke » et anime, avec Sempé, une version en bande dessinée du « Petit Nicolas »… En 1959, Goscinny, Charlier et Uderzo prennent une part active dans le lancement de l’hebdomadaire ‘Pilote’. Avec Uderzo, Goscinny y signe le premier épisode des aventures d’Astérix ; En 1962, il crée « Iznogoud », une série mise en images par Jean Tabary.

Puis, le petit Gaulois connaît une irrésistible ascension : en 1965, le premier satellite français est baptisé « Astérix » et, quelques années plus tard, les albums sont traduits dans une trentaine de langues…Pendant que le boom « Astérix » secoue la bande dessinée, Goscinny fait de ‘Pilote’ un laboratoire de création où s’épanouit la nouvelle bande dessinée, avec Gotlib entre autres.

En 1973, Goscinny crée, avec Uderzo et Georges Dargaud, les studios Idéfix. En 1976, alors que les studios donnent naissance aux « Douze Travaux d’Astérix », le 23e album du petit Gaulois sort, tiré à 1 300 000 exemplaires. L’histoire de Goscinny s’arrête le 5 novembre 1977, tandis que l’équipe des studios Idéfix travaille sur « La Ballade des Dalton », perpétuant son rêve le plus ancien …

Vous le voyez, il est impossible de faire le tour de cette illustre carrière en quelques lignes. Je vous invite à visiter, pour en savoir plus, le site officiel d’Astérix. Vous ne serez pas déçu.
Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
Le dimanche 15 décembre 2019

Le jour où les lions mangeront de la salade verte

Commentaire sur le livre audio de
RAPHAËLLE GIORDANO

Lu par Léovanie Raud

*…Au  milieu de ce tableau vivant, un taureau,
écrasante masse noire opaque, se détache
impitoyablement sur le sable. La tauromachie
élève sa discipline au rang d’art et la foule
agglutinée, le regard avide boit jusqu’à la lie
la coupe de sa fascination morbide.*
(Extrait : LE JOUR OÙ LES LIONS MANGERONT
DE LA SALADE VERTE, Raphaëlle Giordano,
narration : Léovanie Raud, Audiolib éditeur, 2017,
édition de papier aussi disponible, Eyrolles éditeur,
2017)

Selon l’héroïne de Giordano, la burnerie pourrait se définir comme un trouble comportemental qui se caractérise par un égo démesuré, de la mauvaise foi, un sentiment de domination plus ou moins exacerbé et une promptitude à juger.

L’homme est un lion pour l’homme. Et les lions ne s’embarrassent pas de délicatesse. Sûrs de leur bon droit, ils imposent leur vue sans conscience de leur égocentrisme et de leur appétit excessif pour les rapports de force. Ces lions, nous les croisons tous les jours : automobilistes enragés, conjoints gentiment dénigrants, chefs imbus de pouvoir, mère intransigeante qui sait mieux que nous ce qui est bon pour nous…c’est ce que Romane appelle la burnerie. 

LA ROUILLE DU MOI
*Ils jurent agir dans votre intérêt, persuadés
d’être dans le vrai, et font alors tout pour que
vous vous conformiez à leurs attentes. Quitte
à faire rentrer des carrés dans des ronds sans
se rendre compte que finalement, vouloir à tout
prix le bien de quelqu’un finit par faire plus de
mal.
(Extrait)
Le terme *burnerie* est, je dirais, un néologisme générique qui réunit toutes les mauvaises habitudes, manies, tics, tendances machistes, automatismes routiniers et autres débordements qui nuisent à nos relations avec autrui.

C’est le prétexte du livre de Giordano, le fil conducteur. Constatant que la burnerie est passée au rayon de l’art, Romane Gardner a créé, avec son père, une entreprise appelée *supdeburne*. La jeune femme crée, monte et anime des ateliers *anti-burnerie*.

L’histoire est centrée sur un groupe bien précis dans lequel se trouve, évidemment, un personnage hors-norme, ce que je pourrais appeler un récalcitrant, un rebelle, un *burné* encrassé solide qui donne de la misère à la belle Romane. Il s’agit de Maximilien Vogue, riche et prospère homme d’affaires qui compte essentiellement sur sa secrétaire pour faire du café, une *burnerie* parmi tant d’autres chez ce monsieur au caractère bétonné.

Romane décide de s’attaquer à ce problème particulier. Ça débouche sur une relation particulière qui va ébranler à la fois Romane et Maximilien.

Ma perception de ce roman se limite à un cours de développement de la personnalité. Je n’ai jamais tellement adhéré à ce principe de partage de techniques d’amélioration du comportement envers autrui. Je trouve ça typé, moralisateur et cousu de fil blanc. En lecture, je crois que j’aurais trouvé le temps long.

Bien qu’empreinte de sagesse et d’humour, l’histoire est prévisible. Il y a des redondances, des longueurs et c’est sans compter les techniques de coaching développées dans ce livre qui sont à mon avis surréalistes et un peu insipides, comme le terme *burnerie* et autres termes dérivés comme *burnés* sans étymologie et utilisé sans explication quant au choix. J’aurais apprécié une mise en contexte sur le choix du mot.

Quant à l’histoire comme telle, elle est prévisible et très axée sur une conviction personnelle de l’auteure. J’ai senti de l’insistance. Il ne faut donc pas s’étonner de trouver, à la fin du livre, une annexe qui n’est rien d’autre que le manuel anti-burnerie qui me rappelle un peu un résumé de cours.

Beaucoup de lecteurs trouveront des forces dans ce livre en partant du principe que, remettre en question nos comportements et attitudes dans nos relations avec les autres est loin d’être mauvais, bien au contraire. On sent la conviction dans le livre et la sincérité.

Moi je ne me suis pas ennuyé parce que j’ai écouté la version audio du livre et j’ai pu constater et apprécié l’extraordinaire talent de narratrice de Léovanie Raud qui a su ajuster sa voix au profil de chaque personnage, les rendant ainsi attachants, sympathiques et profondément humains. Elle m’a fait rire plus d’une fois. Quant à moi, pour la présentation, c’est une note parfaite.

Pour ce qui est du livre, il se lit vite. Le sujet est élimé mais les personnages ont été particulièrement bien travaillés, mieux que l’histoire comme telle. La version audio, dynamique et entraînante, rend le tout beaucoup plus vivant. Il est aussi très possible que le lecteur et la lectrice trouvent des idées intéressantes applicables à leur propre personnalité. La version audio a su mettre l’histoire en valeur et m’a fait passer un bon moment d’écoute.

Suggestion de lecture : LE JOUR OÙ MAMAN M’A PRÉSENTÉ SHAKESPEARE de Julien Aranda

Raphaëlle Giordano est une écrivaine française née en 1979. Elle est aussi spécialiste en créativité et développement personnel, artiste peintre…. Diplômée de l’École supérieure Estienne en Arts appliqués, elle cultive sa passion des mots et des concepts en agences de communication à Paris, avant de créer sa propre structure dans l’événementiel artistique.

Quant à la psychologie, tombée dedans quand elle était petite, formée et certifiée à de nombreux outils, elle en a fait son autre grande spécialité. Avec son premier roman, Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une, (qui a dépassé le million d’exemplaires vendus) elle s’est consacrée à un thème qui lui est cher : l’art de transformer sa vie pour trouver le chemin du bien-être et du bonheur.

Léovanie Raud est la narratrice. Originaire de Charente-Maritime, véritable femme orchestre, comédienne, chanteuse, danseuse, elle s’est vue offrir de nombreux rôles dans les opérettes, au théâtre. Elle a tourné dans plusieurs courts-métrages. Elle a également évolué dans le doublage de films, séries et dessins animés. Elle a prêté sa voix à Ariel, Maléfique, Javotte, Mama Odie pour les shows DISNEY ON ICE et DISNEY LIVE au Grand Rex. Léovanie Raud avait déjà une voxographie impressionnante quand elle a prêté sa voix au best-seller de Raphaëlle Giordano.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 3 novembre 2019

 

ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, Tristan Demers

*Ce livre propose avant tout un regard affectueux sur ce grand classique de la BD à travers les yeux des gens d’ici. Il témoigne de l’impact qu’Astérix a eu, ou du moins semble avoir eu, sur notre société distincte, une collectivité affublée d’une spécificité culturelle tout aussi singulière que l’ADN qui constitue la sève de nos héros gaulois. Qui sait si les combats des irréductibles gaulois, comme par un effet miroir, n’ont pas influencé les nôtres… *
(Extrait, ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, Tristan Demers, Hurtubise éditeur, Les Éditions Albert René/Goscinny-Uderzo, 2018, papier illustré, grand format, 180 pages)

Depuis sa création en 1959 et fort de ses 375 millions d’exemplaires vendus, Astérix n’a cessé de fasciner les lecteurs de tous âges. Accueillant chacun des albums de la série avec enthousiasme, les québécois se sont identifiés à ce petit village gaulois qui poursuit, seul, sa lutte contre l’envahisseur romain.

Ce livre documentaire explique le pourquoi et le comment de cette histoire d’amour franco-québécoise unique. Tous les aspects des rapports établis au fil des ans entre les québécois et l’œuvre de Goscinny et Uderzo sont passés au crible : historique, politique, culturel, publicitaire, muséal, etc… une invitation à la relecture d’une des plus grandes séries de l’histoire mondiale de la bande dessinée : ASTÉRIX.

UN GAULOIS PAR CHEZ NOUS
*Puisque le village d’Astérix résistant à l’envahisseur est
ce qui nous unit, les gaulois et nous, cela fait des québécois
des lecteurs différents, probablement plus sensibles aux
motivations d’Abraracourcix et de ses villageois. C’est en
tout cas ma conviction profonde, peu importe ce que peuvent
en dire les sceptiques. *
(Commentaire de Tristan Demers dans
l’épilogue de ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

J’avais six ans quand Astérix est né de l’imagination d’Uderzo et Goscinny. Je ne me suis pas tout de suite intéressé au personnage. J’étais en train d’apprendre à lire et je venais tout juste de faire connaissance avec un autre personnage célèbre : Tintin. Tintin, Milou et le capitaine Haddock que j’affectionnais particulièrement allaient m’accompagner toute mon enfance et une partie de l’adolescence jusqu’à mon premier album d’Astérix.

Ce fut le coup de foudre à l’époque, et c’est encore le coup de foudre aujourd’hui. Soixante ans plus tard, un québécois, mordu de la bande dessinée, Tristan Demers, vient rappeler les débuts d’une grande histoire d’amour entre Astérix et l’ensemble d’un peuple : Le Québec.

Dans un livre à la présentation extrêmement bien soignée et bourré d’illustrations et de photos, Tristan Demers explique cette relation privilégiée en établissant des liens d’identification, des ressemblances, des rapports développés au fil du temps, entre autres sur les plans historique, culturel et spécialement sur le plan socio-politique :

*Nous pouvons, tout comme vous, évoquer sans rire nos ancêtres les gaulois. Même s’il nous advient de nous sentir cernés comme Astérix dans son village (…) et de songer aussi que l’Amérique du nord toute entière aurait fort bien pu être gauloise plutôt que néo-romaine.* (Extrait du discours du premier Ministre du Québec, René Lévesque devant l’Assemblée Nationale française en novembre 1977, publié dans ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

Je pense que Tristan Demers, que j’ai eu le plaisir de rencontrer une fois, s’est dépassé en présentant la genèse d’une série qui allait rapidement constituer le fleuron mondial du neuvième art et surtout en expliquant de façon simple et claire ce qui fait qu’on se ressemble et qu’elle a été l’influence des célèbres irréductibles sur les québécois et les québécoises.

Le livre est destiné aux québécois mais il peut bien être lu par l’ensemble de la francophonie mondiale tellement la plume est excellente bien qu’il n’y a que des québécois pour saisir toute la portée des passages les plus intimistes que j’ai personnellement savourés :

*Au fond, le village d’Astérix n’est pas très éloigné du modèle type de la FAMILLE PLOUFFE ou de celle des PAYS D’EN HAUT : on y mange, on s’y dispute et on s’y comporte parfois comme des enfants. * Heureusement, les québécois n’ont jamais craint l’auto-dérision * (extrait)

Dans son livre, je crois que Tristan Demers n’a rien oublié. Il consacre même un petit chapitre à CINÉ-CADEAU, cette trouvaille géniale de Télé-Québec qui a introduit les aventures d’Astérix et Obélix à toute une génération de jeunes. Mes propres enfants ont connu ces gentils gaulois par le biais de ciné-cadeau.

Je n’exagère donc pas en disant que ce livre m’a fait vibrer et il en est ressorti de belles émotions. ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS fera autant le délice des néophytes que des connaisseurs, jeunes et moins jeunes. L’édition est très soignée avec papier semi-glacé. Le livre est bien ventilé et la plume fluide, le tout est une mine d’or en informations.

Je ne suis pas amateur de livres-documentaires mais dans ce cas-ci, pour utiliser un vieux cliché…je crois bien que je suis tombé dans la marmite étant petit…

Suggestion de lecture : RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX

  

Tristan Demers est né le 19 septembre 1972, à Montréal. Son intérêt marqué pour la bande dessinée l’incitera à créer sa propre série, Gargouille, à l’âge de 10 ans ! En 1988, les éditions Levain/Mille-Îles publient un premier album de Gargouille : Chasse aux mystères !

Sept autres albums paraissent dans les années qui suivent. Depuis, Tristan compte à son actif plus de 70 000 albums vendus et 250 participations dans les salons du livre et autres festivals de la francophonie. Gargouille est un des personnages les plus populaire de la bande dessinée québécoise. 

Récipiendaire de plusieurs prix, Tristan a lancé, en collaboration avec Jocelyn Jalette et Raymond Parent, au printemps 2006, un guide pédagogique sur la bande dessinée destiné aux enseignants. Enfin, une biographie de l’auteur, publiée en 2003, soulignait les vingt ans de son personnage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 25 octobre 2019

DEUX NUANCES DE BROCOLI, de Marie Laurent

*Oui, que peut-il me trouver, cet homme riche, jeune
et beau comme un acteur de séries pour ados ? Un
coup d’œil à la glace au-dessus du buffet me renvoie
à mon insignifiance : front, yeux, nez et bouche
moyens, cheveux réfractaires au brushing; voilà pour
le haut. Le bas n’est pas plus inspirant : des seins
banalement en pore, une taille grassouillette et un
derrière qui a une fâcheuse tendance à frôler le
gazon.*

(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI, Marie Laurent,
éditions NL, 2017, édition numériques,  140 pages num.)

Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard  Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amalia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés. Mais à la longue, les positions inconciliables des deux héros risquent de rendre leur relation difficile. Il s’agit d’une parodie légumineuse de 50 NUANCES DE GREY. En plus d’être dominée par la couleur verte, la relation entre les deux protagonistes deviendra très singulière.

DEUX NUANCES DE BROCOLI est une parodie de CINQUANTE NUANCES DE GREY qui  est une romance érotique. L’histoire d’Anastasia Steel, étudiante en littérature qui accepte d’interviewer Christian Grey, un homme d’affaires de Seattle. Dès le premier regard, Anastasia est à la fois séduite et intimidée. Jugeant cette rencontre désastreuse, elle tente de l’oublier jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille pour lui proposer un rendez-vous. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, elle découvre son pouvoir érotique ainsi que le côté obscur qu’il tient à dissimuler.

Nouvelle tendance en littérature
LE SEXE LÉGUMIER
*Le cuni nature, je connaissais pour l’avoir expérimenté
une fois avec Gérard…le cuni avec Nutella, confiture
ou miel, je connaissais aussi, par ouïe dire. Par contre
je ne soupçonnais pas l’existence d’un cuni bio jusqu’à
ce moment.*
(Extrait : DEUX NUANCES DE BROCOLI)

Le seul intérêt de ce livre est qu’il est magnifiquement ajusté avec CINQUANTE NUANCES DE GREY qui est probablement le livre le plus insipide que j’ai lu…près de 550 pages de platitudes. Le livre n’a pour moi à peu près aucune valeur littéraire. Je suis très étonné que la trilogie se soit vendu à 125 millions d’exemplaire dans le monde.

Comme dans CINQUANTE NUANCES DE GREY, DEUX NUANCES DE BROCOLI raconte la petite aventure de deux personnages caricaturés : d’une part, un cruchon sexuellement tordu et végétarien jusque dans la couchette : Édouard Green, un nom très recherché puisque tout est vert dans sa vie d’autant qu’il a un faible pour…le brocoli.

D’autre part, une nounoune de première classe : *Le chemin d’Amalia Faust, brave fille complexée et un peu nunuche, caissière chez Brico, croise par hasard celui d’Edouard Green, le séduisant patron d’une boîte de sex toys. Green propose bientôt à Amélia un étrange pacte. Elle découvre un univers insoupçonné où sexe, légumes et soumission sont étroitement associés .* (Extrait)

Et voilà, nous assistons à l’entrée triomphale du sexe brocolien en littérature. Le poireau a même été invité…ça doit être la deuxième nuance : *Je crains que vous n’ayez pas très bien compris, Amalia. Pour moi, le sexe est inséparable des légumes. Sans leur intervention, je le trouve d’un ennui mortel .* (Extrait)

 Évidemment, vous vous doutez sans doute qu’Amalia finit par déchanter : *Pointilleux me paraît faible pour qualifier Green. Tyrannique serait plus adapté, ou chiant, pour un vocabulaire moins soutenu .* (Extrait)

Et bien sûr, l’humour s’en mêle…*Je jette un regard de biais à son zizi, si impérial tout à l’heure et à présent, réduit à un macaroni Barilla…À défaut de faire l’amour, Green fait la moue, tel un enfant boudeur. Il est irrésistible ainsi : tout nu avec son brocoli dans la main et sa zigounette taille XXS.* (Extrait)

En entreprenant la lecture de ce livre, j’ai pris un risque craignant de tomber sur un désastre comme CINQUANTE NUANCES DE GREY. Mais non, DEUX NUANCES DE BROCOLI m’a fait rire, comblant d’une certaine façon le vide qui caractérise (selon moi) le livre de EL James.

Les ressemblances avec l’œuvre parodiée sont poussées à la limite de la caricature. J’ai trouvé les scènes sexuelles très drôles d’autant qu’elles sont commentées d’une façon légèrement vitrioliques par Amalia qui tient le rôle de narratrice.

Côté faiblesse, le live accuse des rebondissements sous-exploités et une finale expédiée. Dans le dernier quart du livre, subitement, je me retrouve avec un récit d’Amélia qui vient de laisser *Brocoli man* sans avertissement. C’est l’histoire du cheveu dans la soupe qui laisse à penser que l’auteure commençait à manquer d’inspiration ou en avait marre.

Quant à la finale, comme ça se produit souvent dans les parodies, elle est rapide, sous forme de lettres ou de réflexion écrite et se termine par une narration. Cette façon de faire contraste avec la trame de l’histoire et surtout les répliques parfois hilarantes d’Amalia. Malgré tout, ce livre m’a déridé. Il m’a fait rire et j’ai apprécié sa fraîcheur et sa spontanéité. J’ai aussi trouvé Amalia particulièrement attachante et drôle avec ses remarques et ses observations vigoureuses et truculentes.

Ce livre n’aura peut-être pas 125 millions de lecteur, mais je lui en souhaite un maximum. Ce n’est pas l’idée du siècle mais elle est originale, son développement est sarcastique. Il a des petits côtés coquins mais pas à outrance. L’histoire a le mérite d’être moins ridicule que CINQUANTE NUANCES DE GREY. Et surtout, le livre est drôle. À essayer avec ou sans légumes.

Suggestion de lecture : LES PETITES CULOTTES de Géraldine Collet

Marie Laurent est une auteure française qui se spécialise dans les romans historiques comme L’AVENTURIÈRE EN DENTELLES, une romance napoléonienne. Sa période préférée est le 19e siècle. Mais il lui arrive aussi d’écrire des nouvelles et des poèmes.  DEUX NUANCES DE BROCOLI ne fait pas bande à part dans l’œuvre de l’auteure. J’ai découvert que sa production est d’une très grande variété. Pour en savoir plus, l’idéal est encore de consulter sa pages FACEBOOK. Cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 octobre 21

CTRL + Q, le livre de KATHY DORL

*Clémentine a le feu aux fesses, mais, cette fois-ci,
en mode fusée Ariane ou navette spatiale américaine.
Le trouillomètre frôlant le zéro absolu. Elle commence
à avoir sérieusement peur pour sa vie. «On ne reste
pas une minute de plus chez ces apprentis sorciers.
Sont fêlés du bocal ! Bande de tarés !»*
(Extrait : CTRL + Q, Kathy Dorl, Éditions Hélène Jacob,
collection LITTÉRATURE SENTIMENTALE, 2015, numérique,
200 pages)

Entre son job de secrétaire dans un magasin de matelas et Roue de la Fortune, son hamster, Clémentine mène une vie solitaire et ennuyeuse. Maladroite, pas très futée, superficielle et égoïste, Clémentine est une paresseuse avec une seule ambition : devenir riche. Des petites initiatives aux grandes résolutions, la vie n’est qu’une succession de décisions à prendre. Clémentine, sans amis ni famille, sans conseils prudents et avisés, va faire les mauvais choix. Au rythme syncopé de ce monde où la science va parfois trop loin et prend de court notre morale, Clémentine devra faire face à l’exceptionnel et l’incroyable. Clémentine est l’héroïne de CTRL + Q.

UN REFLET HILARANT DE LA SOCIÉTÉ
*…la simulation sert deux bonnes causes. D’une, le mec
a l’impression d’être un demi-dieu au lit. De deux, mes
« Vas-y doudou, déchaîne ton corps » ayant tendance
à accélérer le processus, ça permet de reprendre au
plus vite le cours de mes activités, mater le replay des
anges de la téléréalité par exemple, le tout en évitant
l’irritation des muqueuses.*
(Extrait : CTRL + Q)

Voici le livre le plus anti morosité que j’ai lu depuis plusieurs années. Ce livre est comme un vent frais qui fait rire…un magnifique moment d’évasion. C’est l’histoire de Clémentine, une jeune femme paresseuse et égocentrique qui n’a qu’une ambition : devenir riche avec un minimum d’effort. Elle décide de devenir mère porteuse. Après quelques naissances, Clémentine accepte l’offre juteuse d’un mystérieux centre de recherche.

Elle devra porter un bébé dont les gènes et l’ADN ont été modifiés pour des raisons manifestement eugéniques. La vie de Clémentine bascule complètement quand elle apprend que son bébé-génie peut communiquer avec elle par télépathie. Lorsque son bébé lui explique que ce centre est illégal et que les responsables veulent se débarrasser d’elle après la naissance, Clémentine décide de s’enfuir.

Elle trouvera sur son chemin des alliés précieux mais qu’est ce qui arrivera au plus génial des bébés surdoués. Si Clémentine n’est pas au bout de ses tribulations, le lecteur non plus. Comme moi, vous serez obligé de tourner les pages.

L’humour est omniprésent dans ce livre. Humour dans le dialogue : *En parlant de relations sentimentale, l’histoire du pompier qui a fondé un foyer, après avoir déclaré sa flamme à une sirène, tu la connais ? –Tu fais chier, Clem !*. (Extrait)

L’humour est aussi omniprésent dans le récit, le genre d’humour spontané qui prend par surprise un peu comme le font nos humoristes lors de leurs stand-up : Par exemple, comment croyez-vous que Clémentine s’y prend pour virer un mec ?

*Connais-tu l’association de groupements d’ensembles de communautés d’union de rassemblements d’agglomérations de sociétés d’alliances d’attroupements des personnes qui aiment vivre seules ? Non ? Comme c’est dommage.* (Extrait)

L’humour est même présent dans le titrage. L’auteure, Kathy Dorl ne s’est pas contentée de numéroter les chapitres, elle leur a trouvé chacun un titre, la plupart du temps non-pertinent mais témoignant toujours d’un esprit vif décidé à dérider.

Par exemple : *Toi + moi – toi = perfection* (Extrait, chapitre 4) *Quand je conduis, même le GPS met sa ceinture.* (Extrait, chapitre 7) *Cette phrase est volontairement ennuyeuse, afin que la suivante paraisse vraiment drôle.* (Extrait, chapitre 10)

Quant à l’histoire comme telle, elle est déjantée, elle a un petit caractère rebelle qui me plait. La plume est à la fois légère et loufoque quand on pense que l’héroïne au départ est moins qu’ordinaire. L’auteure lui a même attribué un défaut langagier quand elle est fatiguée ou stressée avec le résultat qu’une fois sur deux, le lecteur pouffe de rire. L’humour est parfois un peu acide mais atteint rarement le mauvais goût.

Notez que la légèreté du récit ne m’a pas empêché de réfléchir un peu sur l’eugénisme qui a poussé des tarés comme les nazis au nettoyage ethnique. Dans la plupart des pays, l’eugénisme est illégal.

Certains pensent que cette philosophie est mourante. Moi je n’en suis pas si sûr. Est-ce que la manipulation peut amener un fétus à communiquer avec sa mère par télépathie ? J’en doute, mais on ne sait jamais…jusqu’où peut aller le génie humain, surtout pour mal faire.

Donc CTRL+Q est un roman énergique, rafraîchissant avec une héroïne tordante. L’ensemble est original. Ça se lit vite. C’est même un peu trop court à mon goût, mais j’admets qu’il faut savoir s’arrêter. Enfin, pourquoi CTRL+Q comme titre ? Je vous laisse le découvrir mais vous allez vite comprendre que, même dans le titre, l’auteure n’a pas manqué d’humour.

À lire absolument, spécialement pendant les jours gris et les humeurs sombres.

Suggestion de lecture : CURE FATALE, de Robin Cook

Kathy Dorl a publié son premier roman « Ce que femme veut… » en 2013 aux Éditions Hélène Jacob. Il a eu un vif succès. Entre légèreté et humour le ton est donné : sans prétention, les sujets sont d’actualité et les personnages attachants. Un roman pétillant et drôle.

L’écriture de Kathy Dorl se situe dans ce qu’on appelle aux Etats-Unis les « feel-good books », ou romance moderne en français. En janvier 2015, « Déconfitures et pas de pot » se positionne directement dans le top 20 en littérature humoristique ainsi que « Ctrl + Q » . Prix littéraires : Finaliste du prix Jean-Jacques Robert de la nouvelle 2014 (Salon du livre d’Ile-de-France) Second prix roman concours littéraire Maestro 2015 avec « Déconfitures et pas de pot », entre autres.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 5 octobre 2019

 

LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1

LE BALLET DES OMBRES

Commentaire sur le livre de
MARIKA GALLMAN

*Je m’avançai jusqu’à la table du salon, les
genoux tremblants. Là, je m’arrêtai, retournai
l’enveloppe dans tous les sens, pris une
profonde respiration et l’ouvris. Mes pires
cauchemars devinrent réalité lorsque je sortis
une série de photos.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1, LE
BALLET DES OMBRES, Marika Gallman, Éditions
Bragelonne,  2015, édition de papier, 475 pages)

Cette première chronique d’Hallow nous raconte l’histoire d’Aby, une jeune fille qui a le don extraordinaire d’absorber l’énergie des gens qui l’entourent. Toutefois, c’est un don qu’elle connait assez mal. Elle ne s’en sert que pour dévaliser des œuvres d’art. Mais sa vie va basculer le jour où elle se rendra compte que son dernier cambriolage était un piège, que son maître-chanteur n’a rien d’humain et qu’en plus, le policier qui la traque est immunisé contre son don. Si Aby veut survivre à cet épisode infernal, elle doit savoir qui sont ces hommes.  Cette rencontre avec le policier va la propulser dans un monde étrange : Hallow, où même les ombres peuvent tuer.

L’HÉRITIÈRE DE L’OMBRE
*Une fraction des enfants D’Ordre et Chaos, énergie pure
habitant des créatures vivantes, a créé vos ancêtres, une
«anti-énergie»…avec lesquels ils se sont reproduits pour
mettre au point votre race, une espèce capable de

suspendre l’énergie, ainsi que de l’absorber. De la
maîtriser. Lorsque la paix s’est instaurée entre les deux
factions qu’étaient devenues les enfants d’Ordre et
Chaos, vos ancêtres ont pris le rôle de garde du corps

des êtres supérieurs afin d’éviter qu’un côté n’essaie
de prendre le dessus sur l’autre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1, LE BALLET DES OMBRES)

C’est un bon livre et je crois qu’il ouvre la voie à une série prometteuse. L’histoire est celle d’Abby, jeune femme de trente ans, voleuse professionnelle, experte en particulier dans le vol des œuvres d’art. Abby a un autre don encore plus extraordinaire : elle peut absorber l’énergie des gens qui l’entourent. Il suffit qu’elle se concentre un peu et hop, tout le monde tombe dans les pommes quelques minutes.

Très pratique pour braquer une galerie d’art. Mais son dernier vol a les apparences d’un piège. En effet, en toute ignorance, Abby tente de voler le portefeuille d’un policier…immunisé contre le don d’Abby. À partir de ce moment, un lien particulier unit maintenant le policier Wally et Abby dont les pouvoirs se détraquent. Les deux empruntent maintenant un chemin qui les mènera du côté obscur de Hallow où ils seront en présence de deux forces obscures qui s’opposent.

J’ai beaucoup aimé cette histoire. L’héroïne, Abby est une jeune femme courageuse, sympathique, très humaine, en plus d’être dotée d’un beau sens de la famille. Et surtout, elle connait son pouvoir et le craint parce que d’une certaine façon elle a la capacité de commander à l’énergie, mystère universel dont elle a une notion bien précise :

*Nous absorbions l’énergie, parfois de manière drastique, mais comme on dit : «Rien ne se perd rien ne se crée, tout se transforme.» Le surplus ne reste pas dans nos corps. Il s’évacue lentement, s’échange entre humains, animaux, plantes et même avec certains objets…Quand quelqu’un meurt par exemple, son énergie ne disparaît pas. Elle se diffuse progressivement.

Elle imprègne parfois les murs de la pièce où la personne se trouvait, ou quelque chose qu’elle touchait. L’énergie a une inclination naturelle à retourner dans un hôte vivant, mais, en cas de décès violent, elle peut se retrouvée traumatisée…et se fixer dans un objet inanimé. C’est souvent pour ça que les gens parlent de maison hantée…* (Extrait)

Dans LE BALLET DES OMBRES, il y a de la place pour tout ce qui fait la beauté de la littérature de type *urban fantasy* : une héroïne attachante et empathique au point qu’on aimerait l’avoir comme amie, il y a aussi de l’humour, du mystère, de la magie. Dans le troisième tiers du livre, l’atmosphère, le non-dit, l’aura redoutable de deux sombres personnages : Smith et McCucheon.

Tout ça me rappelle un peu le fameux comic strip policier américain DICK TRACY créé par Chester Gould en 1931. Bien sûr dans le Ballet des ombres, les visages ne sont pas déformés. La comparaison touche surtout l’atmosphère qui est glauque, obscure, mystérieuse et surtout surnaturelle.

La série ne fait que débuter. Il sera intéressant de voir quelle voie empruntera le prochain tome…par exemple que deviennent Smith et McCucheon, jusqu’où ira cet amusant petit jeu de séduction entre Wally et Abby et qui me rappelle la tague de mon enfance, quel sera le destin d’Abby? Quelles forces obscures pourraient encore se trouver sur son chemin? Je pense que la série promet.

En terminant je veux mentionner que j’ai été séduit par la beauté de l’écriture. J’y ai vu beaucoup d’inspiration, d’imagination, une recherche sérieuse de vocabulaire dans des constructions de phrases soignées et qui ont parfois une connotation sensuelle :

*L’énergie est en constant développement. Elle ne reste pas à un endroit donné, elle coule. Comme un torrent de montagne qui rejoint une rivière, puis l’océan, et sera ensuite charrié sous forme de nuage pour pleuvoir sur de nouveaux horizons. *  (Extrait)

Je suis sûr que vous apprécierez ce roman au rythme élevé et aux personnages attachants. Avec LE BALLET DES OMBRES, je crois que l’auteure Marika Gallman s’est donné un très bel élan pour sa série LES CHRONIQUES DE HALLOW. À suivre…

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Marika Gallman est une auteure suisse née en 1983. Collectionneuse acharnée de post-it et de personnalités multiples, elle rate de peu une carrière de scénariste à Hollywood en écrivant, alors qu’elle n’avait que douze ans, le scénario d’un Indiana Jones 4 qui ne sera finalement pas retenu.

Elle se console devant ses séries préférées dont elle rejoue les scènes culte chaque nuit à voix haute dans son sommeil, quand elle ne se relève pas en douce pour regarder des films d’horreur. Attirée par les ambiances sombres et les hommes aux dents pointues, elle se lance dans l’écriture de son premier roman, RAGE DE DENTS en 2009, donnant naissance à série MAEVE REGAN.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 14 avril 2019