*-Depuis le temps que tu la fourres, va ben falloir que tu la
marisses ! Ça avait été l’anarchie. La réplique désormais
proverbiale avait scié carré les jambes du candidat député. *
(Extrait : LA BÊTE CREUSE, Christophe Bernard, le Quartanbier
éditeur, collection Polygraphe, 2017, édition de papier, 720 pages)
Gaspésie, 1911. Le village de La Frayère a un nouveau facteur, Victor Bradley, de Paspébiac, rouquin vantard aux yeux vairons. Son arrivée rappelle à un joueur de tours du nom de Monti Bouge la promesse de vengeance qu’il s’était faite enfant, couché en étoile sur la glace, une rondelle coincée dans la gueule. Entre eux se déclare alors une guerre de ruses et de mauvais coups, qui se poursuivra leur vie durant et par-delà la mort.
Mais auparavant elle entraîne Monti loin de chez lui, dans un Klondike égaré d’où il revient cousu d’or et transformé. Et avec plus d’ennemis. Il aura plumé des Américains lors d’une partie de poker défiant les lois de la probabilité comme celles de la nature elle-même : une bête chatoyante a jailli des cartes et le précède désormais où qu’il aille. Sous son influence Monti s’attelle au développement de son village et laisse libre cours à ses excès – ambition, excentricités, alcool –, dont sa descendance essuiera les contrecoups.
Près d’un siècle plus tard, son petit-fils François, historien obsessionnel et traqué, déjà au bout du rouleau à trente ans, est convaincu que l’alcoolisme héréditaire qui pèse sur les Bouge a pour origine une malédiction.
Il entend le prouver et s’en affranchir du même coup. Une nuit il s’arrache à son exil montréalais et retourne, sous une tempête homérique, dans sa Gaspésie natale, restée pour lui fabuleuse. Mais une réalité plus sombre l’attend à La Frayère : une chasse fantastique s’est mise en branle – à croire que s’accomplira l’ultime fantasme de Monti de capturer sa bête.

Truculente Gaspésie
*Les chasseurs ont pressé le pas quand Steeve
s’est mis à hurler sans plus aucun contrôle. Il
avait voulu lancer le plus loin possible qu’il
pouvait la tête à celui qu’il avait tyrannisé toute
son adolescence, mais un bout de face venait
de lui rester dans les mains. * (Extrait)

J’ai trouvé ce livre vraiment bizarre. On peut en tirer une certaine satisfaction dans la mesure où on peut comprendre où l’auteur veut nous amener. À la base, on se retrouve en Gaspésie en 1911. Une guerre de tours pendables et de couteaux bas est déclarée entre Victor Bradley et Monti Bouge pour des raisons qui vous appartient de découvrir dans le développement du récit, si on peut appeler ça un développement.
Le reste est une suite sans logique évidente de récits qui s’imbriquent et qui prennent toutes sortes de directions. Pas de fil conducteur, rien sur quoi s’accrocher à part peut-être une malédiction qui s’étend sur tout le récit et qui est en lien avec le titre du livre qui, lui, symbolise une maladie sociale bien connue.
C’est un aspect qui aurait pu être intéressant si j’étais arrivé à comprendre les motivations des personnages qui sont, je dois dire, pas tellement travaillés sur le plan psychologique. Si vous cherchez une histoire ficelée, vous risquez de trouver ce long pavé de 717 pages très déprimant.
Pourtant, j’ai lu ce bouquin jusqu’au bout et il m’a amusé. Je l’ai trouvé drôle. J’ai compris que cette histoire constituait pour l’auteur un prétexte pour déployer la langue chaude et expressive de la Gaspésie du XXe siècle : vieilles expressions, archaïsmes, régionalisme, jargon québécois en général et gaspésien en particulier et surtout pour exprimer sur le plan littéraire la mentalité gaspésienne.
C’est bizarre à dire. Les personnages ne me disent rien mais j’ai été stimulé par leur langage, leurs expressions et des tournures de phrases qui m’ont arraché sourires et rires…*Les quatre pattes du lapin avaient continué de courir par la prairie et les gués, sauf qu’il y avait plus de lapin dessus. * (Extrait) Il faut donner à l’auteur ce qui lui revient, sa plume est détaillée et très descriptive. C’est le moins qu’on puisse dire :
*L’accouchement de François avait été, comment on dirait ça, plutôt salissant…Liette avait eu, à travers ses cris de mort, l’impression de donner naissance à quelque chose comme une table à pique-nique. * (Extrait) Ces tournures de phrases, expressions et dialogues gommés pullulent dans le récit : *-Ami secourable promettre indien bouteille de fort et toutoune chaude si toé rien que dire une tite phrase…* (Extrait)
Voilà ce qui m’a plu dans ce livre, le caractère chaud et vivant de la langue, expressive même au-delà de toute expression. En fait, si vous voulez tirer quelque chose de satisfaisant dans ce livre, il faut le prendre pour ce qu’il est : ce n’est pas une histoire, c’est une chronique. Hors-norme, c’est vrai, mais bourrée d’humour. C’est fou c’est délirant. Dans ce livre, il ne se passe rien mais tout peut arriver. Je me suis senti balloté.
C’était pas désagréable. C’est un livre sans langage. Il n’y a que de la parlure. Je pense que c’est un ajout très intéressant dans la littérature québécoise. Je n’ai pas vu dans l’œuvre de Bernard, matière à prix littéraire. Elle a tout de même décroché le prix des libraires en 1918. Je vous recommande LA BÊTE CREUSE mais ne cherchez pas à vous dépêtrer dans l’histoire qu’elle raconte. Faites comme moi. Savourez la langue.
Suggestion de lecture : LES CHRONIQUES DE HALLOW, t1, LE BALLET DES OMBRES, de Marika Gallman

Christophe Bernard est né en 1982 au Québec, en Gaspésie, et vit à Burlington, dans le Vermont. Il est traducteur de l’anglais (Yann Martel, Jacob Wren, bp Nichol, Sheila Watson, Tony Burgess…). La bête creuse, son premier roman, paru au Quartanier en 2017, a remporté le Prix des libraires du Québec 2018.
Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 12 août 2023
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Sophie Moulay a découvert les livres de la Bibliothèque verte au milieu des années 80. À ce moment-là, il était trop tard pour espérer la guérir du virus de la lecture ; elle s’y est donc adonnée avec bonheur. Plus tard, elle découvre les équations et les racines carrées et va même jusqu’à les enseigner au collège.

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