L’espoir est une terre lointaine

Commentaire sur le livre de
COLLEEN McCULLOUGH

*…Me voici en route pour une île minuscule, perdue au milieu de l’océan, si loin de tout que les hommes ne s’y sont jamais établi

s jusqu’à ce que nous arrivions, nous autres anglais…
Une chose est sûre, cet endroit ne sera jamais mon chez-moi. Je m’y retrouve seul après avoir navigué sur des eaux solitaires et je le quitterai seul…Un lieu aussi éloigné ne peut avoir de substance… *

Extrait : L’ESPOIR EST UNE TERRE LOINTAINE, de Colleen McCullough, Format papier, Les Presses de la Cité éditeur, 2002, 770 pages

À travers le destin de Richard Morgan, (qui, selon l’auteure, a réellement existé) Colleen McCullough brosse une gigantesque fresque historique retraçant la formation de l’Australie. Mais avant tout, ce livre raconte l’histoire d’un homme ordinaire qui connut l’amour, la haine et les pires épreuves, un homme qui a su transcender l’injustice et les souffrances les plus terribles pour fonder une nouvelle génération de conquérants.

Australie en devenir

 

Avec L’ESPOIR EST UNE TERRE LOINTAINE, Colleen McCullough nous offre cette fois un roman historique ou s’entremêlent la fiction et les faits historiques avérés, solidement documentés. Elle nous décrit les évènements qui ont présidé à la création de l’Australie : *Sur la carte, elle figure sous le nom de <Terra incognita> ou encore <Terra Australia> * (Extrait) Elle raconte cette histoire à travers le destin de Richard Morgan, ancêtre de quatrième génération du conjoint de Colleen McCullough. Le destin de Morgan croisera celui de Fletcher Christian, le célèbre mutiné du Bounty.

Tout débute en 1765 à Bristol, Angleterre, à une époque où une justice peu éclairée et désorganisée, condamnait pour tout et pour rien. Richard Morgan, veuf, deux enfants morts, armurier, aubergiste, homme à tout faire, est injustement condamné à être déporté sur une terre lointaine dans un endroit sinistre appelé Botany bay, découvert plus tôt par l’explorateur James Cook et qui deviendra plus tard Sydney.

Avec plusieurs autres condamnés, Morgan allait inaugurer le rêve de l’Angleterre : se débarrasser des bandits, criminels, indésirables et bons à rien de tout le pays en les envoyant aux confins du monde: *J’ai atteint ce point du globe où ma destinée prend fin et où le cercle de ma vie se referme sur lui-même. * Extrait

Ici, la vie de Morgan, quoique très romancée, est reconstituée avec une remarquable précision historique. Vous pouvez me croire quand je vous dis que Morgan ne l’aura pas facile car, n’ayant pas vu plus loin que le bout de leur nez, les autorités anglaises ont imposé ces déportations sans préparation, peu ou pas d’équipement de survie, alimentation pauvre, inadéquate, pas de directives d’installation. Souffrance et misère attendent les déportés et même leurs gardiens :

*Mais cette conviction si bien ancrée ne l’empêchait nullement de tout faire pour résoudre des problèmes que ces imbéciles de Londres n’avaient même pas envisagés. Comme il était facile de déplacer des pions humains sur un échiquier quand on restait assis dans un fauteuil confortable, le ventre plein, à côté d’un bon feu et d’une carafe de porto toujours bien remplie ! * Extrait

Ces sur des cœurs vaillants comme Richard Morgan qu’une colonie pénitentiaire donnera naissance à l’Australie. Une histoire de bâtisseur, mais aussi une histoire d’amour dont les acteurs sont résolument tournés vers l’avenir.

J’ai beaucoup aimé cette histoire malgré certains irritants que je dois signaler au passage : beaucoup de longueurs, une trop forte quantité de détails techniques assommants, certains dialogues peu utiles ou trop longuement élaborés, une galerie de personnages qui donne le vertige.

Je dois dire aussi que je me suis beaucoup interrogé sur Richard Morgan. C’est un personnage plus grand que nature. Il excelle dans tout ce qu’il fait et dois-je le rappeler, c’est un touche-à-tout. Santé de fer, philosophe, cultivé, habile, travailleur en plus d’être beau comme Adonis.

Voilà. Je m’interroge sur une telle perfection. C’est comme trop beau pour être vrai. J’ai suivi avec intérêt son évolution mais avec un certain sentiment de détachement. Malgré tout, j’ai été très sensible aux réalités historiques décrites dans ce récit et qui soulève beaucoup de questions sur le fonctionnement de la justice anglaise par exemple et qui décrit avec un réalisme bouleversant la situation des femmes dans une société où elles n’ont aucun droit.

L’autrice y développe aussi certains thèmes comme la cruauté (et elle ne manque pas dans cette histoire) et même l’homosexualité.

J’ai apprécié cette histoire. C’est une belle et grande fresque romanesque qui ravira je crois, les amateurs d’histoire.

Suggestion de lecture de la même autrice: UN AUTRE NOM POUR L’AMOUR

 

La suite

DE LA MÊME AUTRICE


Colleen McCullough

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 20 septembre 2025

 

DANSEUR, Colum McCann

*Alors que nous pensions leur numéro fini, un petit garçon blond est sorti du rang. Il devait avoir cinq ou six ans. Il avança une jambe devant lui et cala ses mains sur ses hanches, les pouces bien dans le dos. Puis il tendit légèrement le cou, leva les coudes et commença. Les soldats se redressèrent sur leurs lits. Le garçon… entama ce que l’on appelle une danse russe. Debout, nous le regardâmes sans un mot. Lui s’amusait, riait. *

Extrait : DANSEUR, de Colum McCann. Format numérique :  Belfond éditeur, 2012, 369 pages, 691 Kb. Pour la présente, édition de papier, Belfond éditeur pour la traduction française, 2003, 371 pages.

En 1944, dans un hôpital soviétique, Rudik, six ans, danse pour son premier public : aucun des soldats mutilés n’oubliera cet instant éblouissant…dès lors, ce fils de paysan sait. Il sait qu’il ne reculera devant rien : mentir à sa mère, braver la colère du père, endurer brimades et humiliations. Pour danser comme il se doit, il ira jusqu’à s’exiler.

Travailleur acharné, obsédé de beauté et de perfection, Rudik fascinera tous ceux qui croiseront sa route, leur offrant le sentiment d’avoir côtoyé un ange ou un démon, un vrai génie, un monstre de sexe et d’excès.

Rudolph Noureïev (1938-1993)

 Une icône du XXe siècle

Ce livre, dans lequel se chevauchent le roman et la biographie, raconte l’histoire d’un russe, Rudolph Noureïev, un des plus grands danseurs classiques et chorégraphes de son temps. Le livre aborde abondamment le contexte familial de celui qu’on appellera familièrement Rudi, les évènements qui ont conduits à son exil de l’Union Soviétique et ses nombreuses frasques comportementales en Amérique.

Ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais car l’aspect professionnel de la vie de Noureïev est superbement sous-développé. Pas facile de séparer le vrai du faux. J’ai dû faire une recherche sur le développement artistique de Noureïev pour apprécier son talent, qui était génial, et son parcours tout à fait extraordinaire.

L’auteur s’attarde beaucoup sur la personnalité souvent caustique du danseur : *Je suis un cul-terreux, moi, dit-il… Il avait un genre de discours saccadé peu ordinaire, un cocktail détonnant d’arrogance campagnarde et de doute raffiné. * Extrait

La fatuité du personnage est rapportée un peu partout dans l’histoire… : *L’arrogance arrachée à l’air et plongée sans ciller dans la soupe au succès. * Extrait.

C’est un fait avéré et rapporté un peu partout dans le livre de McCann que Noureïev était un caractériel qui pouvait être imprévisiblement un parfait mufle, grossier, mal embouché et acide: *Il brillait tout de même derrière le vitriol.  * Extrait.

Malheureusement, j’ai trouvé peu de choses mettant en valeur la démarche artistique de Noureïev et l’empreinte indélébile qu’il a laissé dans le monde des arts. Si l’auteur avait mis à ce titre autant d’énergie qu’il en a investi dans les descriptions des orgies sexuelles de Rudi, sa consommation de drogues et sa dépravation, l’ouvrage aurait fortement gagné en crédibilité et en équilibre.

 

J’ai été surpris et peu emballé par l’âpreté du récit et sa technique narrative. Beaucoup de phrases très longues, énumératives ou sans verbe. L’auteur a choisi un style tamponneur pour définir l’homme. Je crois qu’il a réussi à mettre à jour sa complexité mais je ne peux pas en dire autant sur la puissance de son expression artistique.

Ça reste une bonne histoire, intimiste, celle d’un être singulier et désespérément seul. J’aurais vraiment préféré toutefois que l’auteur mette la danse à l’avant-plan, ou tout au moins la montée professionnelle de l’artiste.

Danseur est donc un bon roman mais faible sur le plan biographique, assez fort sur les plans intimiste, contextuel et émotif.

Suggestion de lecture : S’AIMER MALGRÉ TOUT, de Nicole Bordeleau


L’auteur Colum McCann

 

Du même auteur 

Bonne lecture
Claude Lambert

le dimanche 14 septembre 2025



 

La vérité sur l’affaire Harry Qubert

Commentaire sur le livre de
JOËL DICKER

« Mon livre avançait. Les heures passées à écrire se matérialisaient peu à peu, et je sentais revenir en moi ce sentiment indescriptible que je croyais perdu à jamais. C’était comme si je recouvrais enfin un sens vital qui, pour m’avoir fait défaut, m’avait fait dysfonctionner ; comme si quelqu’un avait appuyé sur un bouton dans mon cerveau et l’avait soudain rallumé. Comme si j’étais de nouveau en vie. C’était la sensation des écrivains. »

Extrait : LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE HARRY QUEBERT, de Joël Dicker. Support papier : BFallois éditeur, 2014, 864 pages. Version numérique : Rosie et Wolfe éditeur, 2022, 611 pages. Support audio : Audiolib éditeur, 2013, durée d’écoute, 21 heures 26 minutes, narrateur : Thibault de Montalembert.

Marcus Goldman, auteur d’un premier best-seller, est en panne d’inspiration. Quand il apprend que son mentor, le célèbre écrivain Harry Quebert, est le suspect numéro un d’un crime, il se précipite à son secours. Dans le jardin de Quebert, on a retrouvé le corps de Nola – 15 ans – serrant contre elle le manuscrit du roman d’amour que Quebert lui avait dédié. Devenu un best-seller, il avait fait la gloire de son auteur. L’histoire de Quebert devient alors le sujet romanesque que Marcus avait tant cherché.

Un roman en abyme

C’est une longue histoire développée de façon plutôt leste. Aussi, faut-il être très attentif et patient. Nous suivons dans un premier temps un jeune auteur : Marcus Goldman à partir du moment où celui-ci est en manque d’inspiration et doit affronter la hantise de la page blanche ainsi qu’un délai fixé par son éditeur qui s’amenuise rapidement.

Parallèlement, à Aurora, New Hampshire, un écrivain de grande réputation, Harry Quebert, ancien professeur de Marcus à l’université, aussi devenu son ami et mentor est accusé du meurtre de Nola Kellergan assassinée 33 ans plus tôt alors qu’elle n’avait que 15 ans, Quebert aurait eu une liaison avec Nola.

Malgré les pressions exercées par son éditeur et convaincu de l’innocence d’Harry, Marcus décide de se rendre à Aurora et d’enquêter sur cette sombre affaire. Qui sait si elle ne résoudrait pas son problème d’inspiration.

Pour sauver l’honneur et la carrière de son ami Harry, Marcus doit rapidement découvrir ce qui s’est réellement passé au New-Hampshire en 1975 et qui a assassiné Nola Kellergan. Fait troublant, le corps de Nola, qui était mineure je le rappelle, a été retrouvé dans le jardin de Quebert serrant contre elle le manuscrit du roman d’amour qu’il lui avait dédié.

L’histoire est très centrée sur un amour impossible entre Nola et Harry. C’est une faiblesse majeure du livre parce qu’elle est puérile et d’une naïveté navrante. J’ai trouvé cela trop artificiel pour ressentir une empathie quelconque pour des personnages plus ou moins travaillés.

De plus, l’histoire rebondit tellement qu’elle en donne le vertige : beaucoup de longueurs, de lourdeur, des palabres qui ne finissent pas de finir. L’intrigue est noyée dans des dialogues souvent insipides et plusieurs revirements sont tirés par les cheveux. Par exemple, le syndrome de la double personnalité (Je vous laisse découvrir ce que ça vient faire dans l’histoire) apparait comme un diable sorti d’une boîte.

Il est difficile de lire une histoire dont le fil conducteur est aléatoire. Pourtant, si on enlève les trop nombreux passages qui ne servent à rien, on découvre une intrigue originale, serrée et bien ficelée.

Je dois admettre que le développement pousse à la curiosité d’aller plus loin à cause, en particulier des thèmes qui sont développé dont certains donnent un caractère sociologique à l’ensemble. Par exemple, le détournement de mineurs qui demeure aujourd’hui moralement indéfendable. On pourrait parler aussi de maladies mentales.

L’aspect littéraire m’a aussi beaucoup intéressé : la démarche d’auteur et le processus de création, les recherches requises pour écrire un livre, le redouté syndrome de la page blanche, la fonction de l’éditeur et la pression qu’il exerce sur les auteurs et même le plagia qui s’insère subitement dans le récit.

Autre fait intéressant dans ce livre de Dicker, c’est la mise en abyme. On a l’impression que tous les mystères se résolvent par livres interposés. Ça ne plaira peut-être pas à tous les lecteurs/lectrices, mais j’ai trouvé le procédé de développement intéressant.

L’ensemble est plutôt commercial et manque de profondeur. Les personnages sont artificiels et je ne parlerai pas des dialogues vides et infantiles entre Quebert et Nola, évoquant une histoire d’amour qui n’a pas de sens.

Le roman est complexe et lourd mais malgré tout, je l’ai trouvé fonceur, ambitieux, intrigant et révélateur de la nature humaine. Ce n’est pas de la haute littérature mais je ne regrette pas ma lecture.

Suggestion de lecture : ZERO, de Marc Elsberg


L’auteur Joël Dicker

Des livres de Dicker

Pour parcourir la bibliographie de Joël Dicker, cliquez ici

La série télé

La mini-série télé éponyme a été créée en 2018 par Joël Dicker

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

Le dimanche 9 février 2025

MINDJACK, tome 1

ESPRITS LIBRES

Commentaire sur le livre de
SUZAN KAYE QUINN

*-Je ne peux te rendre tes souvenirs parce que ce n’est pas moi qui les ai supprimés.
Mais je peux te montrer ce qui est arrivé. Si tu veux.
-Il faudra que tu entres dans ma tête, c’est çà ?
-Oui. Si tu ne veux pas que je le fasse, c’est bon, ne t’en fais pas.
-Non. C’est d’accord. Je veux savoir. *

(Extrait : ESPRITS LIBRES : MINDJACK, t1, Suzan Kaye Quinn, MxM Bookmark éditeur, 2018 format numérique, 380 pages)

Quand on dans l’esprit des autres, il devient dangereux de garder un secret.  A seize ans, Kira Moore n’est qu’une Zéro, quelqu’un qui ne peut lire dans les pensées des autres, et dont les autres ne peuvent pas lire les pensées non plus. Les gens comme elle sont des parias, ce qui ne lui laisse aucune chance d’avenir avec Raf, le meilleur ami télépathe dont elle est amoureuse en secret.  Mais lorsqu’elle prend le contrôle de l’esprit de Raf par accident et manque de le tuer, Kira tente de cacher ce nouveau pouvoir qui l’effraie à sa famille, ainsi qu’à Raf lui-même, dont la méfiance grandit chaque jour un peu plus.

Mais les mensonges ne font que se resserrer autour d’elle, l’entraînant au plus profond du monde caché des mindjackers, où prendre le contrôle des gens qu’elle aime n’est que le début de la longue liste des choix mortels qui l’attendent.

Une bactérie pour l’esprit
*Il avait fallu un évènement inconsidéré de la part de Raf,
comme sa tentative de m’embrasser, pour déclencher
cette catastrophe cérébrale. Une journée normale au
lycée ne devrait pas être si dangereuse que ça. À moins
que…Le tremblement de mes mains n’était pas, mais
alors là pas du tout rassurant. *
(Extrait)

Mindjack a été pour moi une intéressante trouvaille littéraire, originale et rafraîchissante. Essayons d’abord de résumer l’histoire. Suite à la contamination des eaux potables de la terre par des cocktails médicamenteux qui se sont répandus très rapidement, l’évolution des humains est altérée. Ils deviennent télépathes…à un point tel que la télépathie est devenue la norme pour communiquer.

Mais dans le processus, il y a des étapes et bien sûr des exceptions : il y a d’abord les zéros, trop jeunes pour prendre conscience de leur pouvoir. Quand ça arrive, ils deviennent des changelins, donc en voie de devenir télépathe. À cette règle, l’exception est considérée dans cette histoire comme un danger potentiel pour la société : il s’agit du jackeur, c’est-à-dire que sans être télépathe, le jackeur peut lire la pensée d’un autre, l’influencer, la modifier, et lui donner des ordres. Le jackeur peut même percevoir l’odeur de la pensée. C’est le petit côté du récit tiré par les cheveux.

L’histoire est celle d’une ado : Kira Moore, d’abord une zéro puis se découvre un talent particulier pour exercer une influence mentale sur les autres. Un copain de classe, Simon l’aide à développer ce don…don qui deviendra puissant, dérangeant…nuisible. Elle sera traquée, envoyé dans un camp spécial pour jackeurs appelés à faire l’objet d’expériences. Kira aura des choix déchirants à faire.

Ce qui m’a surpris vraiment dans ce livre, c’est que l’auteur a réussi à apparenter de façon crédible l’esprit humain au langage informatique. Les esprits entrent en symbiose pour ne pas dire qu’ils sont réseau. Difficile de garder un secret dans ces conditions. Ce livre est plein de trouvailles et on y trouve aussi beaucoup d’idées saugrenues :

*-Donne-moi ton téléphone…il y a une interface mentale dedans, tu jacques dedans et tu me programmes ton numéro…je levai un sourcil, étonnée ; je pouvais donc jacquer les interfaces psychiques ? * (Extrait)

Avec une interface mentale, un jacqueur pouvait faire n’importe quoi…débrancher un système d’alarme, démarrer une auto à distance. D’après-vous, est-ce qu’un jacqueur peut tuer? J’ai trouvé extraordinaire l’imagination déployée dans cette histoire qui a suscité en moi beaucoup de questionnements. Principalement, qu’est-ce que je ferais avec un pouvoir pareil ? La vie ne doit-elle pas être ennuyante quand on ne communique que par télépathie, sans son, expression faciale.

Les incroyables possibilités engendrées par le don de mindjacking classent le volume au rang du fantastique. Le thème n’a pas dû être facile à développer. L’auteur a travaillé fort pour maintenir une cohérence, une crédibilité, sans nuire à l’intrigue.

Le côté romanesque est un peu sous-développé mais ce n’est que le premier livre de la trilogie. J’ai trouvé Kira attachante et la suivre à la trace m’a procuré toute une gamme d’émotions. J’ai fait plus que lire je pense bien…j’ai englouti.

Suggestion de lecture : L’INSTITUT, de Stephen King

Susan Kaye Quinn est une spécialiste des fusées devenue auteure de fiction spéculative qui utilise maintenant son doctorat pour inventer des trucs sympas dans les livres. Elle écrit de la science-fiction pour jeunes adultes, avec des voyages parallèles dans le futur noir adulte et la douce romance royale. Ses romans et nouvelles à succès ont été sélectionnés pour la réalité virtuelle, traduits en allemand et présentés dans plusieurs anthologies. Maintenant qu’elle écrit des romans, sa carte de visite dit « Auteure et scientifique de fusée », mais elle passe le plus clair de son temps à inventer ses histoires et caresser ses chats. 

La suite

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 30 novembre 2024

LE GRAND MEAULNES

Commentaire sur le livre de
ALAIN-FOURNIER

*Nous étions pourtant depuis dix ans dans ce pays, lorsque Meaulnes arriva. J’avais quinze ans. C’était un froid dimanche de novembre…C’était un grand garçon de dix-sept environ. Je ne vis d’abord de lui, dans la nuit tombante, que son chapeau de feutre paysan coiffé en arrière et sa blouse noire sanglée d’une ceinture comme en portent les écoliers. Je pus distinguer aussi qu’il souriait…*

(CITATION : LE GRAND MEAULNES, Alain Fournier, pour la présente, Gallimard éditeur 2009, édition de papier, 415 pages, format poche)

À la fin du XIXe siècle, par un froid dimanche de novembre, un garçon de quinze ans, François Seurel, qui habite auprès de ses parents instituteurs une longue maison rouge –l’école du village–, attend la venue d’Augustin que sa mère a décidé de mettre ici en pension pour qu’il suive le cours supérieur: l’arrivée du grand Meaulnes à Sainte-Agathe va bouleverser l’enfance finissante de François…

Lorsqu’en 1913 paraît le roman d’Alain-Fournier, bien des thèmes qu’il met en scène –saltimbanques, fêtes enfantines, domaines mystérieux– appartiennent à la littérature passée, et le lecteur songe à Nerval et à Sylvie. Mais en dépassant le réalisme du XIXe siècle pour s’établir, entre aventure et nostalgie, aux frontières du merveilleux, il ouvre à un monde d’une sensibilité toujours frémissante, et qui n’a pas vieilli.

Une lecture de toujours

C’est une histoire étrange, très singulière. Je crois que la beauté de l’écriture tranche sur l’histoire. Voici un personnage énigmatique à la psychologie complexe, Augustin Meaulnes qui arrive de nulle part et s’installe dans sa pension, son école et s’installe surtout dans la vie de ses pairs, en particulier François Seurel, le narrateur qui lui voue une admiration démesurée. Et pourtant, Meaulnes est un aventurier qui va et vient, à la recherche de son amour, à la poursuite de ses rêves. Meaulnes, c’est le domaine mystérieux, un endroit fantastique, onirique qu’il ne retrouvera jamais mais qui imprimera dans son âme un romantisme impénétrable.

Ce romantisme est en opposition avec son goût pour la liberté. Voilà son fardeau…il a toutes les qualités mais il est inatteignable : *Tant de folies dans une si noble tête. Peut-être le goût des aventures plus fort que tout…* (Extrait)

Je crois que pour comprendre LE GRAND MEAULNES, il faut comprendre Alain Fournier, un personnage aussi complexe que son héros qui traduit ses rêves…en rêves, un personnage sensible et empathique, mort prématurément dès son entrée dans l’effroyable guerre 14-18. Pour son ami Jacques Rivières, qui présente un émouvant portrait de Fournier, en annexe du Grand Meaulnes, la disparition de l’auteur laisse un triste vide parce que, et ça, c’est ce que je crois, la construction de son plan littéraire allait bon train. Son départ prématuré y a mis fin. C’est cette discontinuité qui me fait considérer l’oeuvre comme inachevée

Le personnage aurait maturé en même temps que son créateur et il serait revenu d’une façon ou d’une autre, rêveur, détaché, mystérieux, enveloppant toujours à la recherche de son amour et toujours soucieux de son pusillanime ami François.

Le lien autobiographique avec LE GRAND MEAULNES saute aux yeux : *Comment rattraper sur la route terrible où elle nous a fui, au-delà du spécieux tournant de la mort, cette âme qui ne fut jamais toute entière avec nous, qui nous a passé entre les mains comme une ombre rêveuse et téméraire. * (Jacques Rivière, ami d’Alain-Fournier, avec qui il échangea une abondante correspondance avant de devenir son beau-frère.)

L’ouvrage, d’abord destiné à la jeunesse n’a pas résisté aux assauts du temps. J’ai trouvé plutôt difficile de m’attacher à ses personnages surannés, au romantisme torturé d’Augustin, le roman poétique n’a plus tellement la faveur des jeunes adultes lecteurs/lectrices.

Personnellement, la quête d’aventure d’augustin m’a davantage ému que son idéalisme amoureux. C’est une écriture d’un autre temps, mais elle est tellement belle, envoûtante et profonde qu’elle m’a ému.


La plume de monsieur Fournier m’a aussi conforté dans l’idée que LE GRAND MEAULNES demeure un monument littéraire. Son langage et la force tranquille du texte m’ont davantage bouleversé que le cœur d’amadou d’Augustin et son histoire un peu tortueuse au caractère indéniablement onirique. C’était un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus

LE GRAND MEAULNES AU CINÉMA

Photo extraite du film LE GRAND MEAULNES, réalisé en 2007 par Jean-Daniel Verhaeghe avec Nicolas Duvauchelle, Jean-Baptiste Maunier et Clémence Poésy. Le roman a également été adapté au grand écran en 1967 par Jean-Gabriel Albicocco.


L’auteur Alain Fournier (1886-1914)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 septembre 2024



 

MAUDIT KARMA, de David Safier

*Le jour où je suis morte n’a pas vraiment été
une partie de plaisir. Pas seulement à cause
de ma mort. En réalité, celle-ci est péniblement
arrivée bonne sixième dans la série des pires
instants de cette journée.*
(Extrait : MAUDIT
KARMA, Davied Safier, Presses de la cité/Pocket
2008. Édition de papier, 345 pages.)

Animatrice de talk-show, Kim Lange est au sommet de sa gloire quand elle est écrasée par une météorite. Dans l’au-delà, elle apprend qu’elle a accumulé beaucoup trop de mauvais karma au cours de son existence. Non seulement elle a négligé sa fille et trompé son mari, mais elle a rendu la vie impossible à son entourage. Pour sa punition, Kim se réincarne en fourmi. Et le pire reste à venir: de ses minuscules yeux d’insecte, elle voit une autre femme la remplacer auprès de sa famille. Elle doit au plus vite remonter l’échelle des réincarnations. Mais, elle devra revoir au passage la plupart de ses conceptions sur l’existence !

Le karma post-météorite
*La lumière m’enveloppa.
Douce.
Chaude.
Pleine d’amour.
Je la pris dans mes bras et entrai en elle.
Je me sentais si bien.
Tellement en sécurité.
Tellement heureuse.
Mon être commença à se dissoudre.
Tous mes souvenirs s’estompaient… *
(Extrait)

Le ton est donné dès le début du récit alors que le morceau de météorite que Kim Lange reçoit sur la tête et qui la tue sur le champ n’est rien d’autre qu’un lavabo, détaché d’une station spatiale entraînée accidentellement dans l’atmosphère terrestre. Au lieu de se désintégrer, le lavabo est tombé sur la tête de notre héroïne.

L’auteur laisse à penser au départ que le lecteur a en main un livre qu’il ne faut pas trop prendre au sérieux même s’il véhicule des réflexions et des questionnements très intéressants. J’y reviendrai. Voici donc l’histoire de Kim Lange, une présentatrice de télévision au sommet de sa gloire, égocentrique et très centrée sur sa carrière au détriment de sa fille Lilly et de son mari, Alex, qu’elle trompe soit dit en passant avec un beau tombeur appelé Daniel Kohn.

Affaiblie par un mauvais karma, Kim renaît dans le corps d’une fourmi et comparait devant Bouddha…et oui, LE Bouddha qui a atteint le Nirvana. Dans cette histoire, le bienheureux philosophe servira de répartiteur pour envoyer Kim Lange d’une vie à l’autre.

Pour atteindre son objectif : regagner l’estime de Lilly et Daniel, Kim devra accumuler du bon karma en logeant dans le corps de différents animaux et ça pourrait aller plus loin. Elle sera aidée dans sa quête par Bouddha, un peu timidement. Toutefois, un célèbre aventurier aidera Kim beaucoup plus activement. Il s’agit de Casanova…LE Casanova…Giacomo Girolamo Casanova, célèbre écrivain vénitien surtout réputé pour son côté séducteur qui, par le plus pur hasard est aussi à la recherche de bon karma.

Pour nos amis, le chemin sera long, même dans la complicité et sera pavé d’aventures rocambolesques, de moments tendres, d’action, de tension, le tout teinté d’humour et de fraîcheur.

J’ai passé un beau moment de lecture. L’histoire est simple, un tantinet prévisible. Il y a beaucoup d’anecdotes, des trouvailles originales. C’est déjanté. J’ai trouvé la finale un peu simpliste. L’ensemble est un peu moralisant mais drôle. Comme je le dis plus haut, l’histoire pousse à la réflexion entre autres sur le pouvoir de l’amour et propose une petite carricature de la réincarnation.

La plume est un peu superficielle. L’ensemble est léger mais divertissant. Je me suis amusé même si l’humour est passablement revisité. On est loin de la trouvaille littéraire mais il faut prendre ce petit livre pour ce qu’il est : un objet de divertissement.

Je dirai en terminant que j’ai trouvé les citations de Casanova, en bas de page dans tous les cas, particulièrement drôles et stimulantes en lecture : -Qu’est-ce qui se passe ? -C’est cet idiot de Nils qui fait bruler les fourmis avec une loupe. Citation, MÉMOIRES DE CASANOVA : <…si je dois un jour avoir amassé suffisamment de bon karma pour revenir sur cette terre dans une forme humaine, je mettrai un soin tout particulier à botter l’arrière-train de tout garnement pourvu d’une loupe> Extrait.  Ça se laisse bien lire et ça arrache des sourires.

Suggestion de lecture : LE SECRET INTERDIT, de Bernard Simonay

Scénariste renommé, David Safier s’est imposé sur la scène littéraire allemande et internationale avec son premier roman, Maudit Karma, puis avec ses quatre autres romans : Jésus m’aime, Sors de ce corps, William !, Sacrée Famille, et Le Fabuleux Destin d’une vache qui ne voulait pas finir en steak haché. Tous ses ouvrages sont publiés aux Presses de la Cité et repris chez Pocket.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 6 avril 2024

LE SQUELETTE DE RIMBAUD, de Jean-Michel Lecocq

*-Mon souci concerne l’illustration du roman de Franz Bartelt
que vous connaissez tous, je veux parler du fémur de Rimbaud.
Un exemplaire de ce roman doit être exposé dans une vitrine.
J’aimerais qu’à coté soit présenté le fémur de Rimbaud. *
(Extrait : LE SQUELETTE DE RIMBAUD, Jean-Michel Lecocq,
Lajouanie éditeur, 2019, format numérique, 232 pages)

Plus d’un siècle après sa mort, Arthur Rimbaud sème le chaos dans le département qui l’a vu naître, les Ardennes. Le maire de Charleville-Mézières, voulant fêter dignement le poète, décide de redonner un peu d’éclat au musée qui lui est consacré. En préparant la nouvelle exposition, l’édile et son conseil provoquent une découverte inouïe qui va révolutionner la galaxie rimbaldienne, mais pas seulement… Une cellule de crise est mise sur pied. On va y croiser, un officier de police peu porté sur la poésie et un juge d’instruction qui préfère Baudelaire à Rimbaud. Ce duo va croiser des personnages étranges, prêts à tout pour éviter que le terrible secret entourant la mort de Rimbaud soit éventé.

Les os d’Arthur
Les caricaturistes n’étaient pas en reste et l’un d’eux était allé
jusqu’à représenter une ronde avec les autorités en train de
danser et, au milieu, la tête de Rimbaud montée sur un squelette
 unijambiste en train de se déhancher, avec cette légende :
 la danse macabre.
(Extrait)

C’est un ouvrage original que j’ai trouvé bien écrit et qui m’a fait sourire car malgré son cadre sérieux, j’ai trouvé qu’il ne manque pas d’humour. Voyons le tableau. Le maire d’un département des Ardennes, pays natal du célèbre poète Arthur Rimbaud, décide de souligner dignement le centenaire de la mort du prestigieux poète en exposant dans son musée un fémur de Rimbaud. L’annonce fut suivie d’abord de la surprise générale, d’un éclat de rire, puis de la consternation et jusqu’à la levée de bouclier.

L’exhumation fut décidée…les Ardennes allaient perdre pour un temps leur belle tranquillité. *Ce fut donc au terme d’une démarche biaisée, inique, impopulaire et juridiquement bancale que, par une belle journée d’été, il fut procédé à l’ouverture de la tombe d’Arthur Rimbaud* (Extrait) Ho surprise générale, la tombe du génie renfermait un corps ayant ses deux jambes. Impossible. Rimbaud a été amputé vers la fin de sa vie.

Après enquête, on identifie une autre tombe où se trouvait sûrement le poète. Double surprise générale, pas de corps dans la tombe. C’est l’émoi. La population est au bord de la désobéissance civile. Pire…le coupable commet des meurtres pour protéger son identité. Un policier rémois, Vidal mènera une enquête qui va le pousser très loin. Fait à noter : il n’aime pas Rimbaud. On n’est pas sorti de l’auberge.

Et dire que cette aventure un peu burlesque part du caprice d’un politique municipal. J’ai aimé ce petit livre pour plusieurs raisons. Oui, c’est teinté d’humour mais le récit n’a jamais atteint l’absurde.

J’ai apprécié la retenue de l’auteur même si je l’ai senti hardi pour se moquer gentiment des rimbaldiens haut-perchés car faut-il le rappeler, Rimbaud, dont l’auteur jalonne un peu la vie dans son récit, n’a pas toujours été un enfant de chœur, et c’est sans parler de l’homosexualité supposée du poète et de ses aventures avec un autre célèbre poète : Paul Verlaine.

Je suis heureux aussi que l’auteur n’ait pas spécialisé son récit dans la poésie. C’est une tendance qui ne m’attire pas beaucoup. Mais le récit est intrigant. Ça reste un roman policier parcouru de pans de vie de Rimbaud ainsi que des extraits de ses poèmes insérés seulement au début de chaque chapitre. C’est de bon goût et j’ai lu les vers, extraits de poèmes célèbres avec beaucoup de plaisir.

C’est un suspense bien pensé qui m’a éclairé sur la vie d’Arthur Rimbaud sans jamais nuire à l’intrigue. Je n’ai ressenti aucune irritation, bien au contraire. Les personnages sont pétillants. Je confirme ce que je croyais avant d’entamer la lecture : un polar ayant comme toile de fond LE SQUELETTE DE RIMBAUD, ne doit sûrement pas manquer d’originalité.

Suggestion de lecture : LA VENGEANCE DE BAUDELAIRE, de Bob Van Laherhoven

Jean-Michel LECOCQ est un auteur français né à BOGNY-SUR-MEUSE, dans les Ardennes, le 19 avril 1950. Sa première apparition dans le monde de l’édition remonte à 1972, avec la publication, chez Millas-Martin, d’un recueil de poèmes. Il publie, en 2009, son premier roman, « Le secret des Toscans », un polar historique dans lequel il dévoile sa passion pour l’Histoire. Plusieurs livres suivront. En octobre 2016, il publie « Les bavardes », une enquête au cœur de la petite station balnéaire de Sainte-Maxime. Deux ans plus tard, Lecoq nous surprend avec LE SQUELETTE DE RIMBAUD.

Rimbaud est un poète incontournable, auteur de nombreux poèmes comme Sensation, Ma bohème, Le bateau ivre. Lorsque son chemin croise celui de Verlaine, la passion les emporte jusqu’au drame. Arthur Rimbaud est LE poète par excellence. Jean Nicolas Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854 à Charleville-Mézières dans les Ardennes. Sa mère l’ élève seule, suivant des principes stricts.

Le jeune Arthur est un élève brillant, il remporte des prix de littérature dès son adolescence. Il saute la classe de cinquième. Grâce à sa plume talentueuse, il remporte divers prix dont le premier prix du Concours académique en 1869. Jeune homme révolté contre l’ordre des choses, il voit la poésie comme un moyen de les faire évoluer. 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 24 mars 2024

TORNADE SUR LA VILLE, de Steve Thayer

<On aurait pu entendre craquer les petits os de son cou. Son visage devint rouge violacé. La vie s’écoula par sa bouche. Mais son parfum émettait toujours de chaudes senteurs de chèvrefeuille. Un crime ne devrait pas sentir aussi bon. La créature qui ahanait sous son masque ressentit alors l’irrépressible envie de murmurer quelque chose, d’expliquer son geste. Trop tard. Elle était morte. Qui qu’elle fût.> Extrait : TORNADE SUR LA VILLE, Steve Thayer, Libre Expression éditeur, 1. Édition de papier, 445 pages.

Une femme est assassinée au cœur de la ville, en plein jour, sur la terrasse d’un parking. Les indices ? Des plus minces.  Quelques heures après le meurtre, une tornade d’une violence inouïe dévaste la ville, un cataclysme que l’Office national de la météorologie n’avait pas prévu mais que Dixon Bell, le Monsieur Météo de Canal 7, la chaîne de TV locale, avait annoncé parce qu’il l’avait vu dans sa tête.

Quelques jours après le premier crime, une jeune fille est étranglée, elle aussi sur un parking. Puis une troisième. La liste s’allonge, la police demeure impuissante même si elle a constaté un phénomène étrange : le tueur agit à chaque changement de saison, et à chaque événement climatique majeur…

La colère populaire gronde, le gouverneur de l’État est contraint de rétablir la peine de mort, et la police trouve enfin un suspect : Dixon Bell, le Monsieur Météo de Canal 7 !

Météo assassine

Je ne m’attarderai pas beaucoup sur ce livre, non parce qu’il a fait l’objet d’une certaine indifférence dans les milieux littéraires mais plutôt parce que le sujet est gonflé et que l’ensemble ne m’a pas apporté grand-chose.

L’aspect catastrophiste du livre est élimé et largement surexploité surtout au cinéma. Son originalité tient surtout dans le fait qu’un tueur opère au gré des évènements climatiques extrêmes. Ça suppose toutefois un côté prévisible.

Malgré tout, ça peut plaire à un certain lectorat. L’histoire a un rythme rapide, l’écriture est nerveuse malgré les longueurs et les répétitions. Tout n’est pas perdu car le modus operandi du tueur peut parfois surprendre.

Je ferai bref en disant que ce livre est une variation sur un thème connu et qui ne bousculera pas vraiment la littérature. À vous de voir. La publication du livre remonte à 1997 et il n’a pas été réédité. Il se pourrait donc qu’il soit difficile à trouver.

Je précise en terminant que ce livre, même si je l’ai trouvé plutôt ordinaire n’est pas nécessairement à l’image de la bibliographie de Steve Thayer car en général, ses livres ont été bien accueillis par la critique même s’ils sont loin des records de vente.

Suggestion de lecture : LIEUTENANT ÈVE DALLAS, de Nora Roberts

Steve Thayer est né à Saint Paul, Minnesota. Il a travaillé comme scénariste pendant plusieurs années. Il a déménagé à Edina, Minnesota dans les années 1980, où il a commencé à écrire des romans. Il a commencé à écrire des romans à suspense avec Saint Mudd en 1988, et a continué avec une série de six autres romans, pour la plupart bien accueillis par la critique. Les sujets de son travail comprennent les enquêtes criminelles, les complots, les meurtres et les enlèvements. L’écriture de Thayer a été décrite comme granuleuse et rapide.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 1er mars 2024

IL PLEUVAIT DES OISEAUX, Jocelyne Saucier

*…où il sera question de grands disparus, de pacte
de mort qui donne son sel à la vie, du puissant
appel de la forêt et de l’amour qui donne aussi
son prix à la vie…*
(Extrait : IL PLEUVAIT DES
OISEAUX, Jocelyne Saucier, à l’origine, XYZ éditeur,
179 pages, 2011. version audio : Audible studios
éditeur, 2018. Durée d’écoute : 4 heures 57 minutes,
narrateurs : Jacques Clermont et Dominique Petin.)

Une photographe du Herald Tribune part réaliser un reportage sur la région du Témiscamingue, dont les forêts ont été ravagées par de gigantesques incendies au début du XXe siècle. Elle y trouve une communauté de marginaux fantasques et solitaires, dont Tom et Charlie, deux vieillards qui ont survécu à l’incendie et vivent en ermites au fond des bois. D’abord méfiants puis déterminés à aider la photographe dans son enquête, les deux hommes voient leur quotidien chamboulé.

Et, soudain, lorsqu’arrive Marie-Desneiges, octogénaire énigmatique tout juste échappée de sa maison de retraite, la vie, puis contre toute attente l’amour, reprend peu à peu ses droits.

Poétique et vert
*Dans son visage tout ridé, il y avait la peur
et la fascination de la peur. D’un mince doigt
gracile, elle a désigné le monstre empaillé de
fureur blonde. Elle n’avait aucune idée de ce
que c’était…  *
(Extrait)

C’est un roman d’une belle profondeur, bien bâti et fortement imprégné de douceur, de chaleur et d’émotion et avec, comme toile de fond les incendies de forêts les plus meurtriers de l’histoire du Canada au début du XXe siècle, incendies qui ont détruit de gigantesques espaces dans le nord de l’Ontario jusqu’à Cochrane et Matheson, touchant durement une partie de l’Abitibi-Témiscamingue.

Une photographe du Herald est chargée de se rendre à Matheson pour recueillir les témoignages d’hommes et de femmes qui sont devenus aujourd’hui des vieillards. Elle veut particulièrement recueillir les propos de trois vieillards, Tom et Charlie mais le troisième, Boychuck n’est plus là,  Il est mort. Pourtant, ce sera le personnage qui induira le plus d’empathie dans le récit de Jocelyne Saucier…

Boychuk, 14 ans au moment des grands feux et qui, agressé par les flammes et la fumée, aveugle, marche et cherche son amoureuse avec l’énergie du désespoir. Il faut voir et entendre comment la photographe bouleversera la vie des vieillards. Et voilà qu’arrive le personnage le plus énigmatique et le plus original de l’histoire.

Marie-Desneiges a 82 ans. Libérée après 66 ans à l’asile et elle se souvient…elle se souvient qu’il pleuvait des oiseaux. En tant qu’auditeur, une brise chaude est venue m’envelopper. C’est le caractère humain du récit qui est surtout venu me chercher.

C’est ainsi que le récit, assis sur un inimaginable drame humain et environnemental devient une chronique des souvenirs de vieillards, des hommes qui ont choisi la forêt pour y vivre et mourir au moment qu’eux-mêmes auront choisi.

Le récit développe les difficultés et les misères de la vieillesse vivant à l’écart de la Société bien sûr, mais aussi l’amour, continuellement mis en attente et qui est pourtant ardent, spécialement dans le coeur de Boychuck que j’ai trouvé particulièrement attachant. J’irai plus loin en disant que l’auteur jette un regard critique sur notre Société et ses vieux et ses vieilles qui donnent parfois l’impression d’être dans une voix de garage.

À cet effet, j’ai beaucoup apprécié la plume de l’auteur, exempte de jugements, de propos moralisateurs et de philosophie bon marché. Il pleuvait des oiseaux est un hommage à la vie et à la liberté. C’est aussi une réflexion sur les choix qu’imposent une fin de vie. ll y a beaucoup d’émotion dans l’histoire.

Quand j’ai entendu qu’il pleuvait des oiseaux, j’ai eu un long frisson tout le long du dos et jusqu’au coeur. L’auteur m’a figé et elle m’a emmené où elle voulait. À l’audition, vous ne tarderez pas à saisir le sens du titre. Et là, l’addiction vous guette.

C’est une belle histoire, émouvante et sensible. J’y note très peu de faiblesse à part peut-être la question du choix de la mort, le choix du moment, le choix de la façon, le poison en particulier. La fin de vie est abordée avec une légèreté un peu irritante.

Finalement, une introduction un peu longue, teintée d’indécision et une finale qui m’a semblé un peu expédiée. Entre les deux, un récit addictif avec un un fil conducteur solide que symbolise le courageux Boychuck. La beauté de l’écriture est à la limite de la poésie.

<Tout est là, ce pétillement de lumière rose dans les yeux d’une petite vieille qui s’amuse avec son âge et cette image d’une pluie d’oiseaux sous un ciel noir…séduite et intriguée par toutes ces vieilles personnes qui avaient la tête peuplée des mêmes images, la photographe… en était venue à les aimer plus qu’elle n’aurait cru. >  Extrait…

L’écoute n’est pas trop longue et j’ai trouvé la narration de Jacques Clermont et Dominique Petin très agréable même si je me suis questionné sur la nécessité de mettre deux voix là-dessus. Enfin, je crois que je vais me rappeler longtemps de ce livre. J’ai vu le film aussi, je ne ferai pas de commentaire sur l’adaptation à part que je préfère de loin le livre audio.

Suggestion de lecture : LES MONDES CACHÉS, bande dessinée de Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni

IL PLEUVAIT DES OISEAUX au cinéma

IL PLEUVAIT DES OISEAUX a été adapté à l’écran en 2019. Scénarisé et réalisé par Louise Archambault, Le film réunit à l’écran Andrée Lachapelle, Gilbert Sicotte Rémy Girard, Ève Landry, Éric Robidoux et Louise Portal. Prod. : Ginette Petit

Jocelyne Saucier est romancière. Ses trois premiers romans, La vie comme une image (finaliste, Prix du Gouverneur général), Les héritiers de la mine (finaliste, prix France-Québec) et Jeanne sur les routes (finaliste, Prix du Gouverneur général et prix Ringuet) ont été chaleureusement accueillis par la critique.

Il pleuvait des oiseaux, son ode à la liberté parue en 2011, lui a valu de nombreux prix et a conquis le cœur d’un très vaste public en une quinzaine de langues, en plus d’avoir fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Louise Archambault.

 

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 1er octobre 2022

LE POISON SECRET, Francis Leblanc

Tome 1 : LA FAUX FANTÔME

*Écorché de partout, l’homme émergea dans une flaque d’eau sale et plissa les yeux pour mieux distinguer les silhouettes. L’une d’entre elles était celle de sa mère ; l’autre, derrière elle, était celle de Vysper Salaman, l’un des élites les plus efficace dont disposaient les empoisonneurs. Ce dernier appuyait une lame contre la gorge de sa femme. *  

Extrait du prologue LE POISON SECRET, 1 : LA FAUX FANTÔME Francis Leblanc, Éditions ADA 20018, version numérique, 313 pages.

Depuis 600 ans, le monde est aux prises avec la faux fantôme, une épidémie mortelle qui frappe dès que la population du continent excède les 50 millions d’habitants. C’est pour cette raison qu’ont été créés les Marécages, une organisation d’empoisonneurs dont le rôle est de préserver l’équilibre des morts et des naissances afin de limiter les ravages de la pandémie. Chaque saison, des élections ont lieu partout afin de déterminer quels seront les malheureux élus qui devront être sacrifiés pour le bien commun. Skill Venial, 18 ans, vient tout juste de terminer ses études d’empoisonnement et s’apprête à prendre part à son dernier stage.

Il est envoyé à Syrak, la capitale d’Insectia, afin d’éliminer la famille royale, pour qui la majorité des habitants a voté lors des dernières élections. Mais le jeune réussira-t-il à satisfaire les attentes de son sinistre et dangereux mentor, Vysper Salaman? Résoudra-t-il le mystère du poison secret, dont dépend l’avenir du monde entier?  

Trop de monde dans le monde
*Désormais, que dirait leur mère si elle apprenait
qu’ils savaient extraire le venin des araignées ?
Qu’en cours d’animaux venimeux, ils avaient
passé un examen qui consistait à être ensevelis
sous une horde de mygales, de veuves noires et
d’araignées errantes sans paniquer ?
(Extrait)

LE POISON SECRET est un roman de type fantasy pour les 13-18 ans. Toutefois en tant qu’adulte je l’ai trouvé très intéressant car il développe un thème qui hante les populations en général et les scientifiques en particulier : la surpopulation et les risques potentiels de catastrophes naturelles ou artificielles susceptibles de ramener le nombre d’êtres humains à des proportions acceptables pour la planète.

Selon le professeur Will Steffen de l’Université d’Australie, la population que la Terre peut supporter est estimée à 9 milliards de personnes. Si le thème est récurrent en littérature, voire un peu usé, je dois dire qu’il est développé avec beaucoup d’imagination dans LE POISON SECRET, LA FAUX FANTÔME car il repose sur une intrigue qui donne au récit un cachet très actuel.

Sur une petite planète, dans une société du futur, dès que la population dépasse 50 millions de personnes, une épidémie mortelle frappe pour baisser le nombre d’individus à un niveau acceptable. Pour préserver l’équilibre morts/naissances et limiter la pandémie, on a créé LES MARÉCAGES, une organisation d’empoisonneurs surentraînés.

Les victimes sont choisies au hasard et le hasard a délégué entre autres à la mort la famille royale d’Insectia. C’est curieux à dire mais ce choix va provoquer un spectaculaire affrontement entre empoisonneurs professionnels. Tout ça pour limiter les effets de LA FAUX FANTÔMES qui n’est pas là par hasard.

*Notre continent est surpeuplé, Lydia, ne t’en rends-tu pas compte ? Nous souffrons constamment de guerre et de famine, et la seule raison pour laquelle nous y survivons, c’est justement grâce à la faux fantôme. Parce que chaque famille choisit d’avoir près d’une dizaine d’enfants, malgré toutes les potions contraceptives que nous offrent les Marécages !  (Extrait)

Le cœur du récit est un peu dans ce dernier extrait mais il y a plus, LA FAUX FANTÔME est au cœur de l’intrigue et ça fait de l’histoire quelque chose d’un peu plus complexe et plus abouti qu’une simple guerre de sarbacanes. Histoire intéressante mais un peu difficile à suivre car il y a une grande quantité de personnages qui ne sont pas beaucoup travaillés et le fil conducteur est fragile.

En dire plus sur LA FAUX FANTÔME reviendrait à trahir l’auteur mais j’ai été agréablement surpris. Il y a de bonnes idées, de belles trouvailles. Bien sûr, j’avais parfois l’impression d’être plongé dans le manuel du parfait empoisonneur. Le poison est omniprésent. L’histoire même commence par un match amical d’empoisonneurs.

Éviter l’empoisonnement est un exploit qui relève d’une imagination très fertile et ce n’est pas l’imagination qui manque dans cette histoire. Les humains ne sont jamais allés aussi loin dans ce domaine. Mais le poison ça nous connaît. Lisez l’histoire de Rome, vous allez comprendre.

Vous n’aurez peut-être pas besoin de remonter aussi loin car la finale de cette histoire nous réserve une petite surprise qui nous ramène à notre terrible réalité : le terrorisme. Je ne peux pas en dire plus, mais la finale de cette histoire consacre un caractère des plus actuels à l’ensemble du récit. Ma satisfaction a été complète quand j’ai réalisé que la table avait été mise pour une suite.

Donc un livre intéressant. Faiblesses : psychologie des personnages, parfois difficile à suivre. Je suis un peu mitigé quant au développement contextuel. Forces : Trame originale, beaucoup d’imagination, lien intéressant avec l’actualité, bon rythme, excellente finale. J’ai été satisfait de ma lecture.

Pour en savoir plus sur la surpopulation, visitez levif.be

Suggestion de lecture, sur le thème de la surpopulation : TOUS À ZANZIBAR de John Brunner


L’auteur Francis Leblanc

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 28 août 2022