LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz

Tome 1 : L’ÉPOPÉE COSMIQUE

*Si cet ouvrage a été conçu comme un roman d’anticipation
et de science-fiction à la fois, il n’est pas que cela. Ce qui
relève du passé de la terre et de ses habitants sous des
rapports divers, y compris ceux d’ordre scientifique, y est
également concerné, car constituant une base de réalités
à partir de laquelle s’est construite la fiction. *

(Extrait : LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, tome 1
Chérif Arbouz, PUblisher éditeur, 2016, papier et
numérique, 156 pages, 692 kb)

Entre 2037 et 2056, la Terre connaît la plus grande crise de son histoire. La surpopulation démentielle et le réchauffement climatique désastreux constituent la pire menace pesant sur l’humanité. Dans ce contexte, les USA et la Confédération Russe fusionnent en 2056 pour devenir les USNAR (United States of North America and Russia). Ce méga état déclenche une guerre éclair massive et destructrice qui lui permet d´imposer un nouvel ordre mondial. Des extraterrestres sont les témoins directs de ce qui s’y passe et décident d’aider les Terriens à s’engager dans une voie salvatrice. Ils ont aussi une autre bonne raison d´intervenir…

Une aide inattendue pour
affronter l’apocalypse
*En un temps record, près de trente mille bombes à neutrons
véhiculées par des nuées de missiles intercontinentaux
s’abattirent simultanément sur leurs objectifs dans les
pays jugés susceptibles d’utiliser les armes de destruction
massive qu’ils possédaient. *
(Extrait)

Ce premier volume de la saga ÉPOPÉES COSMIQUES, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, se divise en trois parties. D’abord, la situation de la terre en 2056. Elle se meurt et le redressement de sa situation est devenue une priorité. Aussi, les USNAR sont créés.  Un nouvel ordre mondial est né. Des extra-terrestres qui visitent les humains depuis des siècles à leur insu, décident d’intervenir.

Dans la deuxième partie, l’auteur développe l’histoire de ces extra-terrestres, les stargils et les Iskogéens, issus des humains de la terre. Dans la troisième partie, Arbouz raconte comment les stargils sont intervenus en amenant les humains à sauver la terre, présidant à la création d’un gouvernement mondial.

Les nouveaux législateurs entre autres une dépopulation mondiale qui s’étendra sur 400 ans, le peuplement de la planète passant de 9 milliards d’individus à 600 millions. L’auteur explique comment les humains et les stargils sont devenus intimement liés.

Ici, deux mondes s’attirent : Les Stargils, supérieurs aux humains à tous points de vue et les humains qui se retrouvent devant un choix difficile : mourir ou désapprendre. Ça signifie que les humains devaient définitivement mettre dans l’ombre et vaincre toutes ses tares ataviques qui en faisaient des créatures poussées à l’autodestruction.

L’auteur met en perspective les difficultés énormes que ça implique : *La Société des humains vivant sur terre est profondément marquée dans sa nature même par ce qui l’avait prédisposé à tourner le dos à tout ce qui aurait pu lui être bénéfique. * (Extrait)

Ce livre n’est pas sans rappeler le grand classique de la littérature de science-fiction LE MEILLEUR DES MONDES, un roman d’anticipation dystopique écrit par Aldous Huxley (1894-1963). Dans cette société décrite par Huxley, les êtres humains sont tous créés en laboratoire. Les enfants y sont conditionnés, créant une morale commune.

Il y a des similitudes avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE et qui plus est, l’auteur Chérif Arbouz ne se gêne pas pour faire des rapprochements dans son récit. La Société décrite par Huxley est aussi un état mondial.

Huxley percevait notre monde comme allant dangereusement vers le monde décrit dans son livre. La démarche des Stargils visent à éviter aux humains la catastrophe…sans rien en retour.

Dans LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, l’auteur vulgarise la notion de gouvernement mondial. Il en décrit les étapes, le mode de fonctionnement et les avantages. Le côté *B* de cette médaille est qu’il ne fait aucune mention des désavantages.

À peine est-il question de quelques dommages collatéraux. J’ai eu l’impression qu’Arbouz faisait la promotion d’un gouvernement mondial, limitant son raisonnement à ses avantages.

Mais c’est  le premier livre qui me parle explicitement de la notion de gouvernement mondial et il est de nature à me demander si un jour, l’humanité n’aura plus le choix. Autre petite faiblesse : les raisons pour lesquelles les Stargils interviennent ne sont pas claires.

J’ai de la difficulté à comprendre et à croire que les extra-terrestres ne demandaient rien en retour de leur intervention salvatrice et de l’extraordinaire transfert de connaissance qui en découla. Que les stargils aient sauvé les humains de l’éradication par simple altruisme me semble surréaliste. Le roman prend parfois l’allure d’un documentaire.

Malgré des longueurs, spécialement dans la partie qui développe l’histoire des Stargils, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE comporte de très bonnes idées et constitue un bon départ pour la saga ÉPOPÉES COSMIQUES. L’ouvrage porte aussi à réfléchir sur le surpeuplement mondial et à la capacité limitée de la terre à nourrir ses enfants et à supporter le gaspillage.

Ici, le livre d’Arbouz crie une certaine urgence. On sent que l’auteur s’est documenté et sait où il va. Un meilleur équilibre aurait été souhaitable tout simplement.

Suggestion de lecture : LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson

Chérif Arbouz, né le 8 février 1930, est un écrivain algérien. Esprit curieux, il partage dans ses écrits ses passions, qui vont des légendes ancestrales de son pays aux recherches les plus avancées sur la cybernétique et le cerveau. Épopées médiévales, voyages cosmiques, aliens et robots sont autant de prétextes pour réfléchir à la nature de notre humanité, l’évolution des sciences. Avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz dresse le portrait d’une civilisation humaine à bout de souffle, incapable de trouver la voie d’une coopération mondiale, seule capable d’assurer sa survie à long terme.

LA SÉRIE

Bonne lecture
Claude Lambert

LE CYCLE DE FONDATION, livre 1 Isaac Asimov

version audio

*Siège du gouvernement impérial depuis des centaines de générations sans interruption…parmi les mondes les plus peuplés et les plus développés industriellement de tout le système, Trentor pouvait difficilement ne pas devenir l’agglomération la plus dense…que l’espèce humaine n’eût jamais connue.*

(Extrait : LE CYCLE DE FONDATION, tome 1, Isaac Asimov,  rééd. Gallimard 2018, 416 pages. Version audio : Audiolib éditeur, durée d’écoute, 11 heures 7 minutes, narrateur : Stéphane Ronchewsky)


En ce début de treizième millénaire, l’Empire n’a jamais été aussi puissant, aussi étendu à travers toute la galaxie. C’est dans sa capitale, Trantor, que l’éminent savant Hari Seldon invente la psychohistoire, une science nouvelle permettant de prédire l’avenir. Grâce à elle, Seldon prévoit l’effondrement de l’Empire d’ici cinq siècles, suivi d’une ère de ténèbres de trente mille ans. Réduire cette période à mille ans est peut-être possible, à condition de mener à terme son projet : la Fondation, chargée de rassembler toutes les connaissances humaines. Une entreprise visionnaire qui rencontre de nombreux et puissants détracteurs… C’est avec ce livre que débute un cycle imposant et prestigieux basé sur la connaissance.

UN ROMAN HISTORIQUE DU FUTUR
*Conformément aux prévisions inéluctables de la psycho-histoire,
le contrôle économique exercé par la fondation ne fit que s’étendre.
Les marchands s’enrichirent et avec la richesse vint la puissance.*
(Extrait)

C’est avec ce livre que débute le Cycle de Fondation, une œuvre monumentale qui a occupé Isaac Asimov une bonne partie de sa vie d’auteur. Tout le récit de ce premier livre repose sur la psychohistoire, une science inventée à Trantor, au cœur de l’empire par un grand savant appelé Harry Seldon.

Le savant utilise sa science pour prévoir l’effondrement de l’empire dans moins de 500 ans suivi de trente mille ans d’anarchie. L’effondrement est inévitable mais on pourrait réduire la période de ténèbres à mille ans à certaines conditions. Les autorités autorisent Seldon à s’installer avec 100,000 collaborateurs sur une planète  aux confins de l’empire.

L’organisation portera le nom de FONDATION. Son but premier est de rassembler la totalité des connaissances de la civilisation dans une gigantesque encyclopédie. Mais au fil du temps, la Fondation, qui aura de nombreux détracteurs, deviendra une autorité morale, un symbole disciplinaire et même une référence religieuse.

Le problème est que l’action visionnaire de la Fondation met en perspective les tendances immuables de l’histoire, influençant ainsi l’action des hommes. Par son action, la Fondation pourrait-elle accélérer le processus d’implosion de la Société de tout un empire ?

Tous les livres d’Asimov portent au questionnement sur le futur de la Société en particulier. Le Cycle de Fondation est une longue réflexion à cet effet. Encore une fois, Asimov, cet icône de la science-fiction ne m’a pas déçu par l’originalité de son sujet enchâssé dans un *roman du futur*.

Sa façon de raconter est tout à fait unique et sa plume est porteuse de messages et d’observations critiques sur la nature humaine et le gâchis qui caractérise la préparation de son futur. J’ai été un peu surpris par le processus de développement adopté par l’auteur.

Ce premier cycle évoque un recueil de nouvelles basés sur l’action de personnages qui viennent et qui s’en vont mais qui laissent leur marque dans l’ensemble du cycle.

Il m’a semblé étonnant qu’Asimov accorde si peu de places aux variantes et aux fluctuations historiques. L’auteur semble vouloir nous dire que ce qui doit arriver arrivera. C’est tout. Voyons comment.

*On pourrait croire que l’Empire est éternel. Et pourtant, monsieur le Procureur, jusqu’au jour où la tempête le fend en deux, un tronc d’arbre pourri de l’intérieur semblera plus solide que jamais. L’ouragan souffle déjà sur l’Empire. Prêtez-lui l’oreille d’un psychohistorien… et vous entendrez craquer les branches de l’arbre. *

Le récit est très axé sur la politique au détriment de l’action. C’est, je dirais, le défaut de sa qualité. Je suis un peu mitigé sur ce choix mais je peux comprendre les raisons d’Asimov de mettre l’accent sur la politique, la diplomatie, la représentation et bien évidemment l’acquisition de connaissances.

C’est un excellent récit, fort bien mis en valeur par la narration de Stéphane Ronchewski, vivante, expressive, enveloppante. Sa conviction vocale m’a donné l’impression qu’il s’est mis lui-même dans la peau d’Asimov. Une parfaite réussite. Enfin, je veux signaler un irritant. Tout au long du récit, occasionnellement, le son baisse et laisse en plan plusieurs phrases de l’encyclopedia galactica.

Je peux comprendre que ce procédé, qui serait l’équivalent de points de suspension dans un texte écrit, empêche de longs palabres qui dilueraient l’intérêt des auditeurs\auditrices. J’ai tout de même trouvé ça énervant d’autant que plusieurs de ces phrases introduisaient des sujets intéressants.

Mais dans l’ensemble, ce livre m’a parlé. Il m’a rejoint ainsi que nos savants contemporains qui crient sur les toits l’urgence de la situation planétaire. Asimov est, sur le plan sociétal ce que Jules Verne fut sur le plan scientifique : précurseur, visionnaire. Ce livre audio m’a enchanté et comme tout est en place pour la suite, je ne manquerai pas d’y revenir.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE CLUB DES VEUFS NOIRS

Écrivain américain d’origine russe, Isaac Asimov est né le 2 janvier 1920 à Petrovitchi. Il est mort le 6 avril 1992 à New York. Docteur en biochimie, il a écrit des livres de vulgarisation scientifique et enseigne à l’université, mais c’est surtout ses récits de science-fiction qui feront sa célébrité.

Il écrit ses premières nouvelles pendant ses études puis devint rapidement un grand auteur de science-fiction. En 1958, il décide de se consacrer entièrement à l’écriture et publiera des centaines d’ouvrages scientifiques et de fiction jusqu’à sa mort, en 1992. Parmi ses œuvres les plus célèbres, on peut citer le cycle Fondation (1951, 1953, 1982) et Les Robots (1950).

Le cycle fondation

À ÉCOUTER AUSSI

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 7 août 2022

MENVATTS, IMMORTEL, de Dominic Bellavance

*…elle avait appris à se défendre, et bien sûr, à tuer de manière rapide et efficace, selon les méthodes des Clowns Vengeurs. Inspirée par les textes sacrés, elle avait appris à agir par empathie, pour servir les gens qui voulaient obtenir une vengeance salutaire, contrairement à Tristo qui, lui, tuait pour les plaisirs de la domination… *

(Extrait du Collectif MENVATTS, IMMORTEL par Dominic Bellavance,
AdA éditeur, collection Corbeau, 2019. Édition de papier, 310 pages)

Olivia Jills au laboratoire Anima  mène un projet de recherche illégal. Le produit qu’elle développe : l’Afamort, une pastille qui permettrait aux personnes fraîchement décédées de revenir à la vie. Les arcurides mettront tout en oeuvre pour s’approprier cette promesse d’immortalité. Mais encore doivent-ils s’assurer que l’Afamort fonctionne vraiment. Pour en avoir le coeur net, ils mèneront leur propre expérience.

Le retour des Clowns Vengeurs
*La mâchoire s’ouvrit. Un nouveau hurlement en jaillit dans un
tourbillon de flammes. C’était une fournaise, un portail vers
l’enfer. Sardomax, au bord du gouffre, en proie à la plus abjecte
terreur et mû par l’énergie du désespoir, se débattait comme un
forcené devant lui s’incarnait la mort dans toute son horreur. *
(Extrait)

Voici un petit livre fascinant issu du cœur d’une série de dix tomes écrits par huit auteurs différents. Dans MENVATTS IMMORTELS, Dominic Bellavance décrit un monde qui pourrait bien être le nôtre, dans un avenir indéterminable. Nous plongeons dans une société complexe, glauque, froide et violente. Malheureusement, le gouvernement légitime se soucie très peu du bien-être de sa population.

En matière d’évolution, la société fait du sur-place. Toutefois la drogue de manque pas ainsi que les armes. Pour l’un et pour l’autre, l’auteure  donne au lecteur et à la lectrice une idée plutôt terrifiante de l’avenir. Dans cette société hégémonique, un ordre d’assassins, les Odi-Menvatts aussi appelés les Clowns-vengeurs se dressent contre le gouvernement légitime : attentats, meurtre, intimidation…

Le gouvernement oppose aux Clowns-vengeurs ses arcurides, des agents policiers-militaires surentraînés, suréquipés et surarmés. Au cœur de cet affrontement une scientifique développe l’AFAMORT, une pastille de cauchemar qui permet à une personne fraîchement décédée de revenir à la vie avec une remontée dans le temps de trois minutes.  Les Arcurides veulent l’Afamort à tout prix.

La grande force de cette histoire, c’est les trouvailles qu’on y fait. À cet effet, J’ai compris que l’auteur, a carburé au super : des armes qui imposent la peur comme des démembreurs, qui portent très bien leur nom, des ligoteurs magnétiques, des vaisseaux qui rappellent les heures de gloire d’AVATAR, des armements de masse dévastateurs.

Mais le plus grand défi de ce récit est de comprendre la nature et les effets de l’Afamort, un composé chimique étrange qui chevauche la science et la théologie. Ses effets sont très particuliers : si on expose la substance à des flammes nues, elle explose et gèle tout dans un rayon d’un kilomètre avec la force d’une bombe à hydrogène. Dans l’environnement buccal par contre, elle se désintégrait sans dommage en quelques secondes.

Cet effet est impossible à reproduire sur un animal, ce qui laisse supposer que l’âme a un rôle à jouer dans la réaction. Aussi incroyable, quiconque mourrait dans l’heure suivant la consommation de l’Afamort, remontait le temps de quelques minutes, en emportant avec lui tous ses souvenirs…un phénomène qui ouvrait la porte aux paradoxes spatio-temporels . L’Afamort est au cœur de l’histoire et lui en attribue une certaine originalité.

Dans Menvatts, il y a une séquence intrigante qui me rappelle le film du réalisateur Harold Ramis : UN JOUR SANS FIN (1993) Essayez de vous imaginer le cercle infernal du héros condamné à revivre sans cesse des journées identiques mais différentes et dont il se souvient. Cette première journée est exploitée jusqu’à ce que l’univers adéquat soit atteint et permette au héros de poursuivre.

Nous avons quelque chose de très semblable dans le livre qui nous intéresse aujourd’hui sauf que les scénarios liés à l’Afamord sont d’une innommable violence. D’ailleurs, tout dans le livre est violence, traîtrise, vengeance avec toujours cette insatiable recherche de pouvoir.

Malgré un fil conducteur instable, ce livre se lit vite et bien. Les chapitres sont courts, l’ouvrage est bien ventilé, La principale faiblesse réside dans les personnages peu travaillés En fait, ils sont plutôt froids, quoique compatibles avec cette histoire où la vie a peu de valeur. Je ne crois pas que ce soit une histoire dont je vais me rappeler mais son côté accessoire m’a impressionné. 

Suggestion de lecture : LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ de Catherine Dufour

Après avoir écrit des romans contemporains à saveur humoristique chez Coups de tête, Dominic a contribué à la collection « Les clowns vengeurs » en publiant LES LIMBES DES IMMORTELS et LA PATIENCE DES IMMORTELS, deux romans de science-fiction dystopiques, aux éditions Porte-Bonheur. Il a fait paraître LES DERNIERS JOURS, la première de la série LE SILENCE DES SEPT NUITS, aux Éditions ADA en 2018.Dominic a obtenu un baccalauréat multidisciplinaire en création littéraire, en littérature québécoise et en rédaction professionnelle à l’Université Laval. 

Quelques livres de la collection LE CLOWN VENGEUR

Livres de la collection MENVATTS


(À gauche) Deux regards sur l’éternité (Au centre) Héritage maudit (À droite) Allégeances

 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 23 juillet 2022

 

A COMME APOCALYPSE de PRESTON et CHILD

VERSION AUDIO

*L’explosion qui avait suivi avait coupé le tanker
en deux et provoqué son naufrage. Les raisons
même de l’explosion n’avaient jamais pu être
établies clairement. Les ingénieurs d’EES
pensaient toutefois que la déflagration était le
résultat d’une réaction entre la météorite et l’eau
de mer.*

(Extrait : A COMME APOCALYPSE, Preston & Child,
version audio : Audible studio éditeur, 2018, durée
d’écoute : 10 heures 37 minutes. Narrateur : Alexandre
Donders.)

Il y a cinq ans, Eli Glinn avait participé à une expédition pour convoyer une météorite géante tombée sur un îlot du Cap Horn. Mais le navire qui la transportait avait sombré en mer, et la météorite avec. Seulement, Glinn avait eu le temps de découvrir que la météorite d’origine extraterrestre était en fait une sorte de graine, qui depuis a germé pour donner naissance à un arbre gigantesque. Et sa croissance est loin d’être terminée : elle constitue une vraie menace pour la planète. Aussi Glinn confie à Gideon Crew la mission de détruire coute que coute ce baobab géant. 

Une mission de Gideon Crew
*Vous avez raison de parler de mutinerie. Nous n’avons
pas le choix. Il ne s’agit pas de nous mutiner pour sauver
nos peaux mais de sauver la peau de tous ceux qui
n’ont pas encore été infectés. *
(Extrait)

Cinq ans avant les évènements décrits dans A COMME APOCALYPSE, une expédition tente de convoyer une météorite géante de 25 000 tonnes, tombée dans la périphérie du Cap Horn. L’entreprise colossale est vouée à l’échec. Le navire sombre et la météorite avec. On devait en rester là mais Preston et Child ont reçu un fort volumineux courrier pour leur demander de conclure cette histoire qui manquait effectivement d’aboutissement.

C’est ainsi qu’est né A COMME APOCALYPSE et dans ce volet final, la tension sera forte par moment car on a découvert que la météorite couvait une graine qui a fini par produire dans les profondeurs de la mer un arbre qui rappelle le baobab à cause de l’épaisseur de son tronc et l’aspect tentaculaire de ses branches.

Les politiques et les scientifiques décident que cette créature qui est intelligente et vorace est un danger pour l’humanité et qu’il faut la détruire. Pour se faire, on fait appel à Gideon Crew, personnage récurrent dans l’œuvre de Preston et Child, toujours aussi attachant et brillant d’autant qu’on ne lui demandera rien de moins qu’un miracle.

C’est bien écrit et c’est plein de bonnes idées qui nous font un peu oublier que le sujet en général est réchauffé : des extraterrestres qui s’emparent de l’esprit des humains dans un but de domination ou d’anéantissement c’est monnaie courante en littérature, amplifié au cinéma par des films comme INDEPENDANCE DAY. La procédure est toutefois différente dans A COMME APOCALYPSE. Il y a des trouvailles intéressantes.

La pression fait plonger l’auditeur et l’auditrice avec les sauveteurs de l’humanit. Les auteurs frappent fort dès le départ et le suspense monte rapidement jusqu’à une descente aux enfers alors qu’on s’aperçoit qu’aucun contrôle n’est possible sur cette créature.

Des vers se sont échappés de quelques branches du baobab et ont été ramenés à bord pour analyse. Je ne parlerai pas des ravages engendrés par ces créatures diaboliques. Toutefois, on sent ici le *déjà vu*. Ceux qui ont vu le film PROJET CLOVERFIELD savent ce que je veux dire.

En résumé, le sujet est élimé mais bien travaillé. La trempe des personnages fait la différence. Le livre n’échappe pas à une tendance agaçante : des longueurs générées par de nombreuses explications scientifiques, heureusement pas trop longues dans ce cas-ci mais qui nuisent parfois à l’intrigue.

À partir de l’épisode de la mutinerie, le récit accuse de l’errance et quelques incohérences. Tout est expliqué dans l’épilogue mais c’est rapide et pas très fouillé. J’ai été un peu déçu par la finale. Mais en général, le suspense est bien entretenu, les personnages sont bien travaillés et remplissent bien leur espace. Les habitués de Preston et Child ne seront pas déçus de la performance de Gideon Crew.

L’écriture est habile quoiqu’elle rappelle davantage un scénario de film. Enfin, hommage au narrateur de la version audio qui, malgré les petites faiblesses de l’histoire m’a fait sentir acteur du drame. A COMME APOCALYPSE est finalement un très bon divertissement.

Comme vous l’avez vu, cette œuvre peut s’écouter indépendamment, mais pour le plaisir de participer à l’œuvre entière et de cheminer avec Gideon Crew et d’autres personnages comme Eli Glinn, toujours aussi suffisant, je vous recommande d’écouter ou de lire d’abord ICE LIMITE de Preston et Child <voir critique> et de voir comment tout a commencé.

Suggestion de lecture : L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN, de Bruno Tertrais

Douglas Preston (À gauche) est né en 1957, Il est l’auteur de plusieurs romans dans les genres de l’horreur et du techno-thriller. Il a travaillé plusieurs années au « Museum d’Histoire Naturelle » américain avant de se consacrer à l’écriture en équipe avec son meilleur ami, Lincoln Child, déjà auteur de plusieurs anthologies d’horreur.

Lincoln Child est né le13 octobre 1957 à Westport, dans le Connecticut. En 1987, il devient analyste chez MetLife. C’est là qu’il fera une rencontre décisive avec Douglas Preston, commence peu après une fructueuse collaboration dans l’écriture de techno-thrillers. Ensemble, ils créeront les séries Pendergast et Gideon Crew.

À lire ou écouter aussi

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le samedi 16 octobre 2021

LE SINGE NU, le livre de DESMOND MORRIS

*Il existe cent quatre-vingt-treize espèces vivantes de singes et de gorilles.
Cent quatre-vingt-douze d’entre elles sont couvertes de poils. La seule
exception est un singe nu qui s’est donné le nom d’<homo-sapiens>.

Cette espèce à part, qui a brillamment réussi, passe une grande partie de son
temps à étudier les plus nobles mobiles de son comportement et non moins
de temps à en négliger…les mobiles fondamentaux. *

(Extrait : LE SINGE NU, Desmond Morris, Éditions Bernard Grasset, 1968, Le
livre de poche. Édition de papier, 320 pages avec bibliographie)

Familiarisés comme nous le sommes maintenant avec l’idée que l’homme descend du singe, noud avons coutume de considérer ce parent comme un ancêtre très lointain distancé depuis belle lurette sur la route de l’évolution des espèces par la variété dite *homo sapiens*. Dans cet ouvrage, Desmond Morris va à contre-courant en déclarant que   nous ne sommes pas une espèce nouvelle née du processus de l’évolution, nous sommes toujours des singes.

Et il le démontre. Éliminant les sociétés primitives encore existantes comme étant  » des ratés de l’évolution « , il observe le singe nu moderne, arboricole, sorti des forêts et devenu carnivore, sous l’angle de la sexualité, de l’éducation, de la combativité et de la recherche du confort Pour élaborer cette thèse originale, il lui a suffi d’étudier le comportement humain dans la même optique que celui des animaux…

ON EST TOUJOURS DES SINGES
*Le fardeau que représente les soins prodigués par
les parents est plus lourd pour le singe nu que pour
toute autre espèce vivante. Les devoirs des parents
sont peut-être aussi ardus ailleurs mais ils ne sont
jamais aussi étendus*
(Extrait)

C’est un livre intéressant qui repose sur une théorie devenue obsolète mais à laquelle certains scientifiques croient encore, à savoir que l’homme est toujours un singe. Ce qui le différencie des autres primates est son absence de pilosité. Raison pour laquelle l’homme est, dans le livre de Morris, rien d’autre que le SINGE NU. 

Desmond Morris bouscule notre égo en soutenant que nous ne sommes pas une espèce nouvelle née du processus de l’évolution. Nous sommes toujours des singes, mais sans poils. Le but du petit livre de Morris est de le démontrer. Il le fait en abordant les grands thèmes liés surtout au cousinage entre fonctions animales et humaines : Les origines, le sexe, l’éducation, l’exploration, la violence, l’alimentation, le confort, relations et symbioses. 

Il est beaucoup question de sexualité dans ce livre comme si tout reposait là-dessus. Elle est omniprésente, presque crue. Cette question m’a arraché bien des sourires mais en fin de compte, les théories qui en découlent comptent parmi les moins crédibles du volume.

Même si le livre a été publié en 1968, Morris semble convaincu que sa théorie est éternelle. L’homme est un animal et c’est tout. Il tente de le démontrer avec une conviction qui ne m’a pas atteint tout à fait.

J’ai compris aussi que Morris ne s’attendait pas à ce que sa théorie soit accueillie à bras ouverts : Malheureusement, notre puissance et notre réussite extraordinaires, en comparaison des autres animaux nous inclinent à considérer nos humbles origines avec un certain mépris; je ne m’attends donc pas à des remerciements. * (Extrait) Je trouve l’argument plutôt simpliste.

Je pense que Morris avait tort de croire à la pérennité de sa théorie car si j’applique le contexte à notre époque actuelle, le livre est d’une désolante désuétude : la femme y serait une dépendance de l’homme, l’homosexualité serait un accident de parcours de l’évolution. Est-ce la fonction qu’on attribuerait alors aux prêtres? Il m’a semblé aussi que les blancs étaient plutôt privilégiés.

Si plus de vingt millions de lecteurs se sont penchés sur l’enthousiaste théorie de Desmond Morris dans les années 1960, je me demande ce qu’ils en penseraient aujourd’hui. En ce qui me concerne, le livre est dépassé, désuet et je n’ai pas trouvé de fondement scientifique sérieux qui dépasse le stade de l’observation. L’auteur nous considère comme des animaux.

Donc la vision d’ensemble se limite à celle du biologiste ou du zoologiste. J’ai eu un peu de difficulté à garder mon intérêt pour cette lecture. L’auteur m’a quand même appris des choses intéressantes, sur l’origine des phobies. Je comprends mieux maintenant ma peur des araignées, notre amour pour les chevaux et à ce sujet, Morris n’a pas manqué de développer une théorie sur l’aspect sexuel de cette affection pour les chevaux.

C’est un peu tiré par les cheveux, mais la théorie est intéressante. L’auteur penche constamment vers l’environnement. C’est sa principale force. Il ne manque pas de préciser que le singe nu surpeuple actuellement la planète bleue et que tôt ou tard, les choses devront se rééquilibrer, parce que c’est le propre des animaux.

C’est un livre passablement intéressant mais dont l’intérêt s’est limité pour moi à une certaine exploration de la mentalité d’une l’époque.

Suggestion de lecture : DARWIN ET L’ÉVOLUTION EXPLIQUÉS À NOS PETITS-ENFANTS, de Pascal Pick

Né en 1928 à Wiltshire, Desmond John Morris est un zoologiste, écrivain et peintre anglais. Au début des années 1950, Desmond Morris intègre le département de zoologie de l’Université d’Oxford pour y réaliser sa thèse sur le comportement animal. 

Il se penche alors sur l’étude des oiseaux, puis des grands singes. Avec ses derniers, il réalise un projet autour d’œuvres réalisées par son chimpanzé Congo. L’Institute of Contemporary Arts de Londres exposera ces toiles.  Desmond Morris devient un précurseur en matière d’éthologie humaine avec son ouvrage « Le Singe nu » vendu à plus de 10 millions d’exemplaires. (Artsper)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 29 août 2021

NOIRE PROVIDENCE, le livre de JAMES ROLLINS

*La jeune femme leva le bras vers lui, comme pour lui faire signe d’approcher. L’américain vit alors qu’elle brandissait un pistolet. Elle braqua l’arme sur le torse de Pierce et fit feu.*
(Extrait : NOIRE PROVIDENCE, James Rollins, Fleuve Editions, Univers Poche pour la traduction française, Fleuve Noir 2017, édition numérique, 470 pages.)

Alors qu’une étrange comète s’approche de la terre, au Vatican, un mystérieux colis est livré au préfet des Archives secrètes. À l’intérieur se trouvent un crâne humain gravé de phrases en araméen ancien et un livre relié en peau humaine. Un test ADN révèle qu’il s’agit de la peau de Gengis Khan, le grand conquérant mongol dont la tombe disparue contiendrait une croix au pouvoir surnaturel. Au même moment, un satellite d’observation américain s’écrase en Mongolie après avoir envoyé une ultime photo montrant la Côte est des États-Unis détruite.

La Sigma Force se mobilise dans une course contre la montre pour retrouver le satellite et la croix sacrée afin d’empêcher le déclenchement de l’apocalypse annoncée. Alors que la comète se fait de plus en plus menaçante, un ennemi aussi invisible qu’implacable semble bien décidé à ce que le pire se déchaîne.

Le passé participe au présent
*En tournant la page, vous découvrirez que nous
avons frôlé notre propre destruction et verrez
ressurgir un moment oublié où la civilisation
occidentale a failli se briser sur la pointe d’une
épée, une lame appelé L’Épée de Dieu*
(Extrait : NOIRE PROVIDENCE)

NOIRE PROVIDENCE est un récit complexe dans lequel le suspense d’espionnage chevauche le drame scientifique. En effet, une comète menaçante s’approche de la terre et il semble que sa trajectoire de géocroiseurs défient la logique. Entre temps, un géologue met la main sur une mystérieuse relique : un crâne humain et un livre relié avec de la peau humaine qui serait celle, d’après des tests ADN, de Gengis Khan.

Une analyse de l’interprétation révèle que la fin du monde est imminente mais la relique dévoile la façon de l’éviter. Au même moment, le satellite qui observe la comète est détruit et sa dernière observation dévoile les images horrible d’une destruction totale de la Côte est américaine. Ce n’est qu’une image qui devance de quelques jours ce qui va arriver mais qui laisse supposer une déformation spatio-temporelle autour de la terre. 

Une chasse à l’homme s’annonce pour retrouver les débris du satellite nécessaire pour activer la relique et sauver le monde. Tout le monde cherche le satellite pour assoir un certain pouvoir : la pègre, les militaires, les scientifiques, les politiques. Le récit met surtout l’accent sur la recherche du satellite et les morts qui s’accumulent autour de l’enjeu.

C’est dommage parce que l’aspect scientifique de l’histoire est extrêmement intéressant. Beaucoup de faits et de théories scientifiques sont avérés d’ailleurs dans le récit. J’ai trouvé un peu difficile de faire la part des choses mais l’auteur fait une mise au point à la fin du livre. 

Le rythme du récit est haletant car le lecteur cherche à savoir qui finalement mettra la main sur le satellite. Il y a des passages qui sont complètement tirés par les cheveux : *La croix antique que nous recherchons aurait pu être sculptée dans un morceau de comète tombé lors de son dernier passage…* (extrait) autrement dit, l’énergie contenue dans la petite croix attirerait la comète vers la terre. C’est un peu gros.

Quant à l’énergie sombre, elle existe en théorie et fait l’objet de beaucoup de recherches. Le phénomène de l’intrication est aussi intéressant mais son rôle dans le récit est plutôt sous-développé. NOIRE PROVIDENCE est une fiction mais repose sur des théories dont certaines m’ont semblé fantaisistes, enlevant un peu de crédibilité à l’ensemble. 

Il y a aussi dans l’histoire beaucoup de bonnes idées ayant une saveur scientifique mais surtout ésotérique : *…notre conscience est intriquée avec tous les multivers. Ce qui veut dire que lorsqu’on meurt, notre conscience achève son parcours dans cette vie pour en entamer une autre dans un univers parallèle* (Extrait)

L’idée est très intéressante et ouvre la porte à beaucoup de débats et de recherches. En tout cas, c’est une possibilité qui a un petit quelque chose de rassurant. 

Pour résumer, l’histoire est très documentée mais l’auteur a mis l’accent sur une chasse à l’homme…poursuites, disparitions, meurtres. l’aspect scientifique est sous-développé et l’intrigue est développée à la façon d’un film. C’est un livre intéressant mais qui ne fait que s’ajouter sans trop d’éclat à une surchauffe dans le domaine des thrillers apocalyptiques.

Ici, l’auteur avait une chance d’innover mais il est passé à côté à mon avis. Donc pour moi, c’est mi-figue mi-raisin. Je m’accrochais aux passages scientifiques quand ils se présentaient. L’auteur émet ses propres hypothèses, qui font que finalement, NOIRE PROVIDENCE est un livre qui constitue un bon divertissement. 

Le rythme essoufflant qui caractérise le récit pourrait plaire à beaucoup de lecteurs. En ce qui me concerne, je n’ai pas vraiment trouvé ce que je cherchais

Suggestion de lecture : LA 5e VAGUE, de Rock Yancey

James Rollins, de son vrai nom Jim Czajkowski, est né en 1961 à Chicago. Il est considéré comme l’un des auteurs majeurs de thrillers aux États-Unis. Il a notamment écrit Amazonia (2010), et La Civilisation des abysses (2012). L’Ordre du Dragon (2007) met en scène les aventures de l’équipe Sigma Force, 

En 2015 paraît Le Sang de l’Alliance, premier tome de la trilogie L’Ordre des Sanguinistes. Il est suivi du deuxième tome La Dernière Tentation (2015) et du troisième tome Le Faux Prophète (2016). Tous ses romans sont publiés chez Fleuve Éditions et repris chez Pocket. James Rollins vit à Sacramento en Californie.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

le dimanche 30 mai 2021




 

PHOBIE, drame psychologique de SARAH COHEN-SCALI

*La porte du placard. Elle bouge. Tout doucement. Centimètre
par centimètre. Me boucher les oreilles pour ne pas entendre
le crissement des gonds. Ça fait comme un grincement de
dents. Après, il y aura des gloussements, des ricanements,
un cri… J’ai envie de vomir. Ça fait mal.*

(Extrait : PHOBIE, Sarah Cohen-Scali, Gulf stream éditeur,
collection Electrogene, 2017. Papier et numérique, 408 pages,
littérature-jeunesse.)

Une odeur de moisi. Une cave. L’obscurité totale. Et la peur. Cauchemar… ou réalité ? Anna ouvre les yeux et prend peu à peu conscience qu’elle n’est pas en train de faire le cauchemar récurrent qui la tourmente depuis son enfance, mais qu’elle est bel et bien séquestrée. Qui l’a enlevée ? Chargé d’enquêter sur l’enlèvement de la jeune fille, le commandant Ferreira doit collaborer avec un psychiatre. Son enquête est vite reliée à une autre, celle de la disparition du père d’Anna, onze ans auparavant. Onze années de silence et d’oubli à parcourir. 

 

L’ombre du croque-mitaine
*D’après le psychiatre qui la suit, Anna fait un cauchemar
récurrent dans lequel le croque-mitaine, qui, pense-t-elle,
a dévoré son père, revient la chercher pour la tuer à son
tour. Elle souffre de cette peur phobique depuis la
disparition de son père. D’où la mise en scène du ravisseur*
(Extrait)

PHOBIE est un drame psychologique puissant et intense. Nous suivons Anna Lefaure une adolescente qui, même à 16 ans, a encore peur du croque-mitaine, ce personnage maléfique qu’on utilisait jadis pour faire peur aux enfants, croyant les rendre plus sages. Onze ans plus tôt, le père d’Anna disparaissait dans des circonstances non élucidées.

Anna a développé la conviction que son père a été dévoré par le croque-mitaine. Un jour, elle se réveille, séquestrée dans une cave, vêtue d’une robe de soirée. La peur et les questionnements s’entremêlent. Est-ce que ce serait un coup du croque-mitaine?

*Le croque-mitaine n’aurait pas eu besoin de me droguer et de me ligoter. Le croque-mitaine m’aurait dévoré sur place.  Je n’ai pas affaire au monstre de mon imaginaire, non… Mais à une autre sorte de monstre. Un psychopathe, un détraqué, un fou. *  (Extrait)

L’enquête sur la disparition d’Anna est confiée au commandant Matteo Ferreira. Ce dernier aura besoin de la collaboration de la mère d’Anna, Audrey, et du psychiatre d’Anna, le docteur Fournier qui, apparemment, utilise une technique très audacieuse pour traiter la jeune fille. Il semble que tout ce beau monde a des choses à cacher. 

Il devra comprendre et suivre les méandres d’un esprit torturé et utiliser des méthodes pas très orthodoxes pour trouver des réponses. Par exemple, le père d’Anna, Mathias est-il mort? Officiellement, il n’est que disparu. Pourquoi la mère d’Anna semble si peu inquiète du sort de sa fille enlevée? Et puis face aux talents particuliers du docteur Fournier, comment établir la frontière entre le fantasme et la réalité?

INTERACTION DE GENRES

J’ai été rapidement accroché par la technique narrative développée dans PHOBIE, attractive, cohérente et convaincante. J’ai été aussi séduit par l’originalité du sujet. En effet, PHOBIE est un mélange de genres qui interagissent : policier, psychologique, science, réalité virtuelle, et des références aux contes de fée qu’on nous racontait quand on était petit et qui semble avoir un lien direct avec l’état psychologique d’Anna .

*Anna…avait apporté les livres que lui avait offert son père et qu’elle avait l’habitude de lire avec lui. Des contes. Cendrillon, Barbe bleue, la Belle au bois dormant, la Belle et la Bête. C’était eux, les coupables. Leurs pages enfermaient les monstres de ses cauchemars. * (Extrait)

Le lecteur découvrira comme moi qu’Anna est beaucoup plus solide qu’il n’y parait. J’ai été agréablement surpris d’une métamorphose à laquelle je ne m’attendais pas du tout.

Dans ce roman bien pensé et travaillé avec une logique qui rend crédible son caractère psycho-scientifique, le caractère psychologique cède le pas à l’intrigue policière qui s’imbrique dans les manipulations du docteur Fournier. C’est dans cette partie qu’on appréciera davantage la qualité des personnages entre autres.

Il faut toutefois faire attention car le thème de la réalité virtuelle est omniprésent dans le récit. Il faut donc faire la part des choses. Il ne sera pas toujours facile de séparer le virtuel de la réalité. C’est une des beautés intrigantes de l’œuvre. L’auteure n’était pas pour laisser le lecteur, la lectrice sans un petit défi à relever.

Rebondissements, personnages forts, en particulier Anna et Ferreira, une technique d’enquête qui ouvre la voie à des possibilités fort intéressantes. PHOBIE est un huis-clos efficace. Une trouvaille.

Suggestion de lecture : LA COUPURE de Fiona Barton

Sarah Cohen-Scali est née en 1958 et vit à Paris. Elle a suivi des études de lettres, d’art dramatique et de philosophie. De son apprentissage de comédienne, il lui reste un appétit insatiable pour le cinéma, essentiel pour nourrir l’écriture à laquelle elle se consacre à plein temps depuis 1989.

Elle a écrit une quarantaine de romans et nouvelles, pour tous les âges, depuis l’album illustré destiné aux tout jeunes lecteurs, jusqu’au roman policier pour adultes. Son dernier roman, Max, publié aux éditions Gallimard, a remporté le prix Sorcières 2013. Quant à PHOBIE, il a décroché le prix du meilleur polar jeunesse, Cognac, 2017.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le vendredi 23 avril 2021

LE DIABLE L’EMPORTE, le livre de RENÉ BARJAVEL

*- … tous vos compagnons sont morts… Oh ! dit
Charles. Et il se rassit. – Par bonheur pour
l’avenir de l’humanité, vous avez été épargné…
Il y eut un court silence. « … et les femmes
aussi… » Les femmes ? Charles n’avait pas pensé
à elles…>
(Extrait : LE DIABLE L’EMPORTE, René Barjavel,
édition originale 1947, présente édition électro-
nique : 2014 par les éditions Gallimard, 240 pages)

Pendant que la Mort Blanche étend sur la terre son linceul glacé, rançon de la dernière guerre mondiale, un ultime combat fait rage au sein de l’Arche souterraine où se sont réfugiés quelques survivants : les femmes se battent pour le dernier homme. Mais voici qu’entre en jeu l’amour, douce et terrifiante nécessité de l’espèce. Sera-t-il assez fort pour sauver le dernier couple, pour laisser une chance à l’humanité ? Et qui l’emportera dans cet ultime face-à-face ? Le Diable, qui ne se résout pas à voir disparaître son divertissement préféré, ou Dieu, jamais las de sa créature, prêt à rejouer le premier acte de l’Éden ? L’atmosphère est intense dans l’arche…et même…lourde de menaces…

LE BÊTISIER DU FUTUR
*C’était les plus pauvres…qui sentaient la mort leur
courir aux chausses, qui auraient voulu…pouvoir
s’éloigner vraiment…de cet enfer qui risquait à
tout instant de surgir derrière eux et de les cuire…
(Extrait : LE DIABLE L’EMPORTE)

C’est un livre dur, noir, à caractère scientifique avec un fond philosophique d’anticipation s’appuyant sur la logique des faits, le principal étant que l’homme ne sera jamais rien d’autre que l’homme : un prédateur manipulateur, dominateur et autodestructeur.

C’est tout à fait dans la lignée de l’œuvre de Barjavel qui voit le destin de l’homme tel un avenir bouché dans lequel il tombe dans le piège qu’il a lui-même tendu.

En prévision d’une extinction inévitable, un milliardaire fait construire une arche qui sera logée dans les profondeurs de la terre et qui abritera une fusée avec à son bord un homme et une femme sélectionnés pour perpétuer la race humaine après un sommeil cryogénique de 10 ans à bord du vaisseau en rotation autour de la terre.

L’homme étant ce qu’il est et Barjavel étant plutôt borné sur la noirceur de l’avenir, rien ne se passe comme prévu à bord de l’arche. La fusée partira mais pas avec les personnes prévues et le retour est peu probable à cause de l’objet même de la destruction de tout ce qui est vivant sur terre.

Ce cauchemar a pour nom l’eau drue, un monstre apocalyptique craché en héritage par la troisième guerre mondiale, la GM3, une saloperie qui annihile l’eau…toute l’eau sur terre, toute l’eau dans les airs et…toute l’eau dans les chairs.

État permanent…planète finie… Comme dans tous les romans de Barjavel, il n’y a pas d’issue possible, pas de suite, pas d’espoir. Partout dans le texte se ressent la finalité de toutes choses, de toutes vies, conséquence de la folie des hommes. Ce n’est pas tout à fait ce que voulait monsieur GÉ dans sa richesse et dans sa sagesse.

Il y en a qui disent –Quand tu as lu un Barjavel, tu les a tous lus- Pas tout à fait et peu m’importe. Ce livre m’a impressionné tout comme RAVAGE dont j’ai déjà parlé et qui décrit une société étouffée par ses propres progrès et qui revient à l’ère préindustrielle…un cri du cœur pour sauver l’environnement. C’est facile de dire que l’homme s’en va vers sa fin.

Barjavel bourre son récit d’éléments qui sont là pour nous aider à mieux nous connaître, à mieux connaître la terre-mère. Le défi est de trouver dans le récit les petits éléments positifs qui évoquent un peu les blocs légos parce qu’il y a quelque chose à construire. Ce sont des éléments capitaux comme l’amour, l’empathie, l’altruisme, la philanthropie.

Si les romans de Barjavel étaient d’une opacité irréversible, je ne m’y intéresserais pas. Il y a quelque chose à en tirer : une leçon, une expérience, Autre élément que j’ai trouvé très intéressant : Dans l’Arche construite par Monsieur Gé, abri sensé être indestructible, ce dernier a réuni des gens différents, jeunes hommes et jeunes femmes, sans leur consentement.

Les hommes étaient isolés des femmes et suite à une explosion, ceux-ci sont tous morts sauf un. Il sera intéressant d’observer le déploiement d’une véritable folie féminine qui n’est pas sans rappeler la possession satanique.

Barjavel va vraiment au bout de son raisonnement et dans le dernier quart de l’ouvrage, on comprend aisément le titre que Barjavel a choisi pour son récit LE DIABLE L’EMPORTE. Je dirais que dans la deuxième moitié de l’histoire, le lecteur devient pris en étau dans ses propres sentiments, il y a de l’émotion. L’atmosphère a quelque chose d’angoissant.

Ce roman est une plateforme de réflexion sur la destruction du monde et l’annihilation de l’espèce humaine. C’est un thème récurrent dans l’œuvre de Barjavel tout comme d’ailleurs le doute qu’elle laisse planer. C’est glauque, noir, prévisible et pourtant j’ai accroché à l’ensemble du récit à cause d’élément précis : la science déployée.

Autre élément, l’humour. Il n’y en a pas beaucoup mais il compte. Par exemple, cet oiseau gavé au C147 qui devient gros comme une montagne et qui pond un œuf qui pourrait faire des millions d’omelettes. Barjavel me brasse, il me met le nez dans la crasse.

Bref, LE DIABLE L’EMPORTE est un livre qui mobilise. Je le recommande vivement pour la philosophie qu’il sous-tend.

Suggestion de lecture, du même auteur : LE GRAND SECRET

René Barjavel (1911-1985) a exercé les métiers de journaliste, puis de chef de fabrication aux Éditions Denoël avant de publier son premier roman, RAVAGE, en 1943. Revendiquant son statut d’auteur de science-fiction, il est de ceux qui ont permis à cette littérature d’acquérir ses lettres de noblesse.

Maintenant une certaine méfiance vis-à-vis de la science et de ses potentialités mortifères, il s’est employé à positionner toute son œuvre du côté de l’homme, prônant une position de tolérance et de compassion, teintée de moralité.

Pour lire mon commentaire sur le livre RAVAGE de René Barjavel, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 7 mars 2021

EXOMONDE, livre 1, de EMMA CORNELLIS

Perle, le piège du temps

*dix-sept ans…toujours aucun signal de la terre. Ils sont les premiers. La toute première mission spatiale habitée, envoyée hors du système solaire ! Les premiers dans toute l’histoire de l’humanité, à avoir posé les pieds sur un monde nouveau ! Se
pourrait-il vraiment qu’on les ait abandonnés ? *

(Extrait : EXOMONDE-LIVRE 1, PERLE, LE PIÈGE DU TEMPS Emma Cornellis, Éditions Hélène Jacob, 2018, 338p.)

Nous sommes en 2323. Lola est à un mois de son 17e anniversaire. Elle est l’unique enfant à avoir vu le jour sur Perle, exoplanète identique à la Terre. Sa mère était membre du tout premier vaisseau habité à s’aventurer hors du système solaire afin d’explorer et étudier ce nouveau monde. Mais à l’approche de leur destination, les astronautes ont été confrontés à une mystérieuse planète dont l’orbite a frôlé celle de Perle. Leur « aplanétage » d’urgence a coûté la vie à la mère de Lola.

Élevée par les survivants, la jeune fille est quand même heureuse et épanouie mais les adultes sont inquiets car la catastrophe à l’origine du naufrage est sur le point de se reproduire. La Terre, qui aurait dû répondre depuis longtemps à leurs messages de détresse, semble les avoir oubliés !

Fait plus troublant encore, Lola recommence à parler avec l’ami imaginaire qu’elle s’est inventé durant son enfance. Mais cette fois, elle prétend qu’il est bien réel et est déterminée à le trouver !

UN ENFER PARADISIAQUE
*Le jugement du Chaos éternel nous a été
enseigné par nos ancêtres créateurs : C’est
le dernier recours pour savoir si un être
appartient à l’Obscur ou au limpide ; ce
n’est pas un combat… (Extrait)

Dans l’ensemble, c’est un assez bon roman mais je suis mitigé. La première partie m’a passionné, la deuxième partie m’a énervé. C’est une histoire d’amour singulière dans laquelle s’entremêle la science-fiction, le fantastique, le suspense et un soupçon de mysticisme.

Voyons la première partie. Le récit développe un sujet qui intéresse de plus en plus la Société : la découverte d’une exoplanète qui permettrait à nos futures générations de s’installer dans un monde neuf et repartir à zéro.

L’équipage de l’explorer 1 arrive sur PERLE à la suite d’un accident provoqué en partie par le passage orbital d’une petite planète qui n’orbite pas sur le même plan que les autres planètes gravitant autour de PERLE. Lorsque cette planète passe très proche de PERLE, une fois à tous les 17 ans, un enchaînement de catastrophes frappe la planète.

Lors de cet accident, contrevenant à toutes les règles, une des membres de l’équipage est enceinte. Suivra la naissance de Lola, première humaine extra-terrestre. Le récit débute 17 ans après la naissance de Lola et se concentre sur la jeune fille.

Lola entend une voix, celle de ZVEN. Elle est certaine que ce n’est pas son imagination et décide de partir à la recherche du vrai ZVEN incarné. Ce qui amène Lola à fuguer, à peu près au milieu du récit.

Ce sera un virage très sec qui laissera complètement de côté les *Perléens* et qui concentrera l’histoire sur Lola et sur ZVEN qu’elle finira par trouver C’est un personnage énigmatique, issu lui aussi du dernier chaos, comme par hasard, 17 ans, beau comme le jour, fort comme un ours et doté de pouvoirs surnaturels…un moyen coup de dés.

Vous vous doutez sans doute que l’amour apparait et que les hormones se réveillent. De plus, ZVEN aura à lutter contre une croyance absurde qui exige le sacrifice d’un élu pour calmer ZRA, C’est ainsi qu’il appelle la petite planète, lorsqu’elle sera au plus près de PERLE. Une croyance ridicule qui s’explique facilement sur le plan scientifique.

C’est la beauté de l’écriture qui m’a le plus frappé. Malheureusement, j’ai trouvé beaucoup d’irritants. Dans la première partie, l’auteure en dit très peu sur PERLE, son environnement. J’aurais apprécié un descriptif plus riche. Je déplore aussi que l’auteure se soit complètement désintéressée de l’équipage dans la deuxième partie du récit.

L’aspect scientifique du récit est assez fluide et clair, mais j’ai trouvé l’aspect religieux compliqué pour rien et indigeste. Je me suis perdu dans les longues explications sur la nature religieuse du récit. J’aurais souhaité aussi en savoir plus sur les personnages. Ils ne sont pas vraiment creusés à part les deux héros.

Enfin, la finale est très abrupte. Elle annonce évidemment une suite sauf que la coupure est sèche. J’aurais souhaité que l’auteure donne un peu plus d’indépendance à son récit. Ça n’aurait pas empêché le lecteur d’avoir le goût de continuer.

Donc dans l’ensemble, le récit accuse un faible pouvoir descriptif, les personnages sont peu définis, ajoutons à cela un aspect mystique complexe à se perdre. Quelques points forts, car il y en a : L’écriture est belle et fluide. Sauf quand il est question de croyances et de folklore, il n’y a pas de longueurs.

Les sentiments d’adolescents de ZVEN et Lola ainsi que le besoin d’amour et de reconnaissance qui caractérisent leur âge sont traités avec subtilité et une remarquable délicatesse. Comme ça tient la moitié du récit, c’est donc un aspect intéressant. Ça donne le goût de voir la suite.

Suggestion de lecture : OMS EN SÉRIE , de Stefan Wul

Emma Cornellis est née à Lyon. Diplômée d’une maîtrise de langues étrangères appliquées, elle s’installe aux Pays-Bas pour l’amour d’un étudiant hollandais rencontré à Barcelone lors d’un programme ERASMUS. Elle se consacre désormais à l’écriture, ses trois enfants et la vie associative et culturelle de son village.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 21 février 2021

CHIMAERIS, le livre d’Éric Tourville

*D’abord, il y a eu l’odeur, puissante, répugnante : un mélange de viande carbonisée, de merde et de produits chimiques, l’impression d’avoir forcé l’arrière-cuisine du diable. (Extrait : CHIMAERIS, Éric Tourville, Slatkine et cie, éditeur. 2018, 500 pages. Version audio éditée par Audible en 2018. Narration : Thierry Debrune. Durée d’écoute : 14 heures 10 minutes)

La vérité est ailleurs.

Dans l’hiver glacial du Vermont, pas très loin de Salem, une maison abandonnée, quatre cadavres de petites filles carbonisés, la cinquième a disparu… l’enquête commence. La presse joue la piste pédophile, la police, celle de la sorcellerie. La première chose qu’il vit, ce fut le symbole rouge au-dessus de la porte d’entrée. Une étoile à cinq branches dans un cercle dont le lieutenant ignorait la signification. L’impression angoissante d’être devant les portes de l’Enfer. »

À L’OMBRE DE SALEM
*La porte de derrière battait. Un volet
claquait. Tous les voyants d’une
situation anormale s’allumaient
un par un. *
(Extrait)

Chimaeris est une extension du mot latin chimaera qui veut dire chimère dont la définition donne froid dans le dos : être bizarre, organique, constitué d’au moins deux variétés de cellules ayant des origines génétiques différentes. Plusieurs utiliseraient sans hésiter le mot MONSTRE. Il se trouve que le titre CHIMAERIS est tout à fait approprié pour ce récit, sans doute le plus intense qu’il m’a été donné de lire.

Le lecteur entrera brutalement dans l’histoire avec la découverte de six petits tombeaux dans une ferme isolée du Vermont, une ferme maudite dont la lugubre réputation remonte à la colonisation du Vermont à la fin du XVIIe siècle, ce qui correspond à peu près avec le procès historique des sorcières de Salem en 1692. Dans les tombeaux se trouvaient cinq corps calcinés de fillettes. Il manquait donc un corps.

Un homme appelé Gus se retrouve inopinément sur les lieux de cette innommable tragédie. Plus tard, Gus recueillera une jeune fille muette, malade, extrêmement faible et effrayée. Gus lui donne un nom : Dawn…elle deviendra le pivot de cette incroyable histoire, d’autant que Gus et Dawn seront impitoyablement traqués.

L’enquête fut confiée à l’inspecteur Fremont et au médecin légiste Edward Todd dont le travail allait être extrêmement complexe du fait que les corps ont été brûlés au phosphore. La première hypothèse, qui fut la plus coriace, voulait que ce carnage fut l’œuvre d’un réseau de pédophiles. Ça aurait fait l’affaire de tout le monde. Dossier classé et on en parle plus. Mais on était très, très loin de la réalité.

Au fur et à mesure que le médecin légiste faisait part de ses hypothèses et ses découvertes, l’inspecteur Fremont devait se tourner vers des filières de recherche peu courantes en investigation policière : exobiologie, génétique, sorcellerie, ufologie, paranormal et j’en passe, ce qui a amené Fremont jusque dans les hautes sphères militaires qui ont beaucoup à cacher dont la légendaire zone 51 pour ne nommer que celle-là.

J’ai adoré ce livre qui est un *page-turner* captivant jusqu’à l’addiction dans la tradition des X-Files en plus poussé et cette façon qu’a l’auteur de frayer avec le surnaturel en mettant en évidence dès le début de l’histoire un pentagramme peint sur la façade de la ferme maudite mettant dans le doute le lecteur et le poussant vers une insatiable curiosité.

*Certains lieux seraient des portes vers…autre chose. Appelez ça comme vous voulez, univers parallèles, passé ou futur. Toujours est-il que quand ses verrous s’ouvrent, les choses se passent généralement mal. * (Extrait)

Je me suis attaché très rapidement à Fremont mais j’ai surtout apprécié le légiste Edward Todd, brillant, humain et audacieux. Sûrement le personnage le plus fouillé et abouti créé par Tourville. Je n’oublie pas Dawn, le personnage central de l’histoire, qui n’a pas cessé de me mystifier.

Ici, tout y est : départ fulgurant, intrigue à forte densité, beaucoup de rebondissements, de l’inattendu, un caractère multi-facette poussant au questionnement sur les valeurs de notre société et sur un rêve récurrent et tenace de l’homme : la création d’un sur-être humain tout-puissant physiquement et intellectuellement.

C’est aussi un thème récurrent en littérature mais il est développé ici avec intelligence et une grande originalité. Tourville est français, mais il a écrit son roman à l’américaine. Il se démarque de Stephen King mais je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement à cause en particulier de l’opacité de l’atmosphère et de la psychologie des personnages, Fremont en particulier dont la philosophie ne manque pas de saveur.

Un petit irritant, que je qualifierais d’insignifiant : la longueur de plusieurs dialogues qui s’étendent sur les caractères scientifiques de l’enquête. Rien de bien méchant.

Je recommande fortement CHIMAERIS, premier livre d’un auteur à surveiller, Éric Tourville. La version audio est aussi recommandée avec la très bonne prestation de Thierry Debrune

Suggestion de lecture : CHIMÈRE de Tess Gerritsen.

au sujet d’Éric Tourville

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 30 août 2020