DÉLIVRANCE

Commentaire sur le livre de
JUSSI ADLER-OLSON

 

*Personne ne prit le temps de lire la série de lettres à
demi-effacées en tête du message, et personne ne
se demanda pourquoi quelqu’un avait écrit un jour :
AU SECOURS. *
(Extrait : DÉLIVRANCE de Jussi Adler-Olson. Origine :
Albin Michel littérature éditeur, 2013. 672 pages,
édition de papier, aussi disponible en format numé-
risque, 807 KB)

Au fin fond de l’Ecosse, une bouteille ancienne en verre poli est longtemps restée sur le rebord d’une fenêtre. Personne ne l’avait remarquée, pas plus que le message qu’elle contenait. Un message qui commence par le mot Hjlp, « au secours », en danois, écrits en lettres de sang… Envoyée par la police anglaise à Copenhague, la mystérieuse missive révèle qu’elle provient de deux garçons qui auraient été kidnappés dix ans plus tôt. Chose étrange : leur disparition n’a jamais été signalée… La chasse haletante lancée par les inspecteurs Mørck et Assad derrière un tueur que rien ne semble pouvoir arrêter ne les dispense pas de jeter au passage un regard acerbe et troublant sur la société danoise.

Les mots de la mer
*Que ferons-nous s’il décide de découper mes enfants
en morceaux ? *
(Extrait)

C’est avec un plaisir renouvelé que je plonge dans la littérature scandinave, plus précisément danoise cette fois. C’est un thriller prenant qui provoque autant de frissons qu’il suscite de curiosité car enfin, l’intrigue démarre dans une bouteille jetée à la mer, puis repêchée et qui s’est retrouvée momentanément, et même quelques années aux oubliettes dans un commissariat de police jusqu’à ce que le département V de la police de Copenhague se penche sur l’énigmatique SOS qui se trouve dans cette bouteille et qui suscite rapidement beaucoup de questionnements.

Ce sera un défi de taille pour les policiers Carl et Assad. Le temps presse pour les limiers car le mystérieux message, dénaturé par le temps et l’humidité, laisse supposer, après une étude sérieuse et un examen approfondi que des enfants pourraient être en danger de mort. C’est ça, où ils sont déjà morts. L’enquête qui devient particulièrement poussée lance les policiers sur les traces d’un tueur en série particulièrement singulier par son modus operandi, sa cruauté, et sa façon de se jouer des policiers.

Je cherchais quelque chose qui dressait les cheveux sur la tête, de l’angoisse, de l’intrigue et pour couronner le tout, de l’originalité. Je n’ai pas été déçu surtout si je tiens compte de la façon d’opérer du tueur :

*Le kidnappeur choisit deux des enfants qui, pour une raison ou une autre, ont un statut particulier dans la fratrie. Il les enlève tous les deux, et une fois qu’il a touché la rançon, il en libère un. La famille sait désormais qu’il est prêt à tout. Le meurtrier devient donc crédible quand il les menace d’enlever un autre de leurs enfants, à n’importe quel moment, sans préavis…* (Extrait)

Je m’abstiendrai ici de donner des exemples de ce dont ce tordu est capable mais ça m’ouvre une porte pour vous dire que plusieurs passages sont à soulever le cœur. Rien de gratuit mais c’est gore par moment évoquant le raffinement dans le sadisme.

C’est un roman d’une grande intensité qui mise en particulier sur la psychologie du meurtrier, l’auteur, sans doute fort bien documenté va jusqu’à démontrer comment les mécanismes de l’esprit peuvent s’enrayer au point de devenir psychopathe, voire, fou à tuer. Je note aussi que les personnages ont un caractère bien trempé, ce à quoi nous a habitué la série sur le fameux département V, spécialisé dans les affaires non élucidées. Je pense à l’opiniâtreté de Carl et Assad mais aussi aux excentricités de Rose qui vient alléger un contenu stressant à souhait.

Ce thriller m’a essoufflé et a brassé en moi beaucoup d’émotions et ça risque de vous arriver amis lecteurs, amies lectrices car la corde est sensible puisqu’il est question d’enfants et vous pouvez me croire quand je vous dis que les enfants de cette histoire ne sont pas ménagés. L’ouvrage porte bien son titre, mais il faut voir à quel prix. Les faiblesses de ce livre sont peu signifiantes mais avant d’entreprendre la lecture, rappelez-vous qu’il s’agit d’une histoire sordide développée avec un réalisme ahurissant. Je dirai que j’ai passé un *sale quart d’heure* … fort satisfaisant.

Auteur Danois né le 2 août 1950 à Copenhague au Danemark,  Jussi ADLER-OLSEN a étudié la médecine, la sociologie, le cinéma et la politique. Il a été éditeur, guitariste. Il aime la scène et transmettre. Il a dans un premier temps écrit des grands thrillers internationaux. Puis il a tourné son regard et ses écrits vers le Danemark. Il connaît en Europe un succès sans précédent avec sa série d’enquêtes de l’inspecteur Mork, couronnée par les prix scandinaves.

Il va créer les enquêtes du département V qui gère les affaires non résolues. La série comportera normalement 10 tomes. Cette grande saga s’inscrit dans le temps. Jussi Alder-Olsen a adoré lire Zola, cela l’a inspiré pour écrire une grande fresque. Le premier tome « Miséricorde » est paru en France aux éditions Albin Michel en 2011. Les quatre premiers tomes ont été adaptés en film. (Extrait du site nordique.zone livre.fr On peut y lire une entrevue passionnante avec l’auteur, par Sophie Peugnez. Intéressé ? Cliquez ici.

 Suggestion de lecture : ENLÈVEMENT, de Tara Taylor-Quinn

DÉLIVRANCE au cinéma

Un film de Christoffer BOE
Ecrit par Nikolaj ARCEL, Christoffer BOE & Mikkel NØRGAARD

D’après le roman de Jussi ADLER-OLSEN (publié aux Editions ALBIN MICHEL et LIVRE DE POCHE et AUDIOLIB)

  • Avec Nikolaj LIE KAAS, FARES FARES, Johanne Louise SCHMIDT
  • Danemark – Durée : 1h58
    Date de sortie : 3 mars 2016 au Danemark

Bonne lecture 
Claude Lambert
le dimanche 3 novembre 2024

LES AVIDES

LES DOSSIERS BLACKWOOD, livre 1 de
GUILLERMO DEL TORO et CHUCK HOGAN

Alors qu’il appréhende un meurtrier déchaîné, l’agent Walt Leppo devient inexplicablement violent. Odessa Hardwicke, sa partenaire, n’a alors d’autre choix que de retourner son arme contre lui. La fusillade secoue profondément la jeune femme, mais la présence ténébreuse qu’elle pense avoir vue fuir le corps de son collègue décédé la trouble encore plus. Doutant de sa santé mentale et de son avenir au sein du FBI, Hardwicke accepte une mission apparemment sans envergure : trier les affaires d’Earl Solomon, un retraité du bureau de New York.

Parmi les premiers Noirs engagés par l’organisation dans les années 1960, ce dernier a dû intervenir au Mississippi lors de crimes raciaux dont le caractère maléfique résonne étrangement avec ce qu’Hardwicke vient de vivre. Il la met sur la piste d’un mystérieux personnage nommé Hugo Blackwood, un homme aux moyens énormes qui prétend être en vie depuis des siècles et qui est soit un fou furieux, soit le dernier rempart de l’humanité contre un mal indicible.

*Solomon enfouit son nez et sa bouche dans son coude. Blackwood, lui, n’avait pas l’air incommodé. La chair de l’homme, au niveau du cou, était presque noire de décomposition. Ses yeux étaient fermés, son visage allongé par l’agonie de ses derniers instants. La peau, sur ses poignets et sur sa gorge, avait été abîmée par le frottement des cordes. Mais Blackwood n’avait pas l’air intéressé par ses blessures. -Voudriez-vous m’aider à le retourner s’il-vous-plaît ? *

(Extrait : LES DOSSIERS BLACKWOOD, livre 1 : AVIDES, de Guillermo Del Toro et Chuck Hogan. Flammarion Québec éditeur, 2021, ISBN 978-2-89077-967-9, édition de papier, 385 pages, photo : Flammarion Québec, quatrième de couverture)

Du policier glauque au fantastique

Comme vu plus haut dans le quatrième de couverture, l’histoire suit Odessa Hardwick, une jeune agente du FBI mise à pied après une enquête ayant mal tourné et qui se retrouve confrontée à des phénomènes paranormaux. Les romans policiers qui font intervenir le paranormal ou la possibilité de paranormal sont courants en littérature et la roue n’a pas vraiment été réinventée ici.

Mais comme Del Toro et Hogan forment un duo d’auteurs que j’aime beaucoup, j’étais vraiment curieux de voir comment les deux plumes allaient se débrouiller avec le mélange de deux genres différents mais qui ont le mystère comme prise commune. Au début, j’étais vraiment plongé dans un thriller puis ça devenait de plus en plus étrange avec le développement de plusieurs temporalités. Donc, on est en présence de plusieurs trames narratives. Ça peut paraître mêlant et ça l’est pour certains passages. Mais c’est tellement agréable à lire.

Del Toro et Hogan sont vraiment deux auteurs talentueux et la conjugaison de leurs talents nous propulsent comme lecteurs dans une dynamique extraordinaire, spécialement quand on connait les goûts occultes de Guillermo Del Toro qui nous a offert entre autres chefs d’oeuvre, à titre de réalisateur LE LABYRINTHE DE PAN et HELLBOY.

LES AVIDES nous font donc plonger dans un univers glauque, sombre, angoissant. L’enquête est tissée serrée. J’ai développé beaucoup d’empathie pour l’agente Hardwick qui doit composer avec des phénomènes qui vont bien au-delà de sa compréhension : une entité qui trimballe sa malignité d’un corps à l’autre, mystères en série, avec une apparence de malédiction anxiogène qui positionne le lecteur aux frontières du paranormal. Mon attention ne s’est à peu près jamais relâchée.

C’est un livre prenant qui va au-delà du thriller, son atmosphère oppressante est une de ses grandes forces et témoignent de cette chimie particulière qui lie les auteurs et les lecteurs. La plume est fortement descriptive je crois bien que Del Toro, homme de cinéma y a mis tout son influence. Mais ici, la force a sa faiblesse, Tout ce qui touche au fantastique est parfois difficile à suivre dans cette histoire.

Autre petit reproche, l’histoire met un temps fou à démarrer. C’est irritant mais soyez patients. Persévérez même si la plume peut paraître parfois lourde. Le meilleur est à venir, Les personnages principaux sont bien approfondis mais les personnages secondaires ont été un peu négligés.

Qu’à cela ne tienne. Avec les Avides, j’ai affronté l’impossible…le genre de lecture qu’on n’oublie pas.

Suggestion  de lecture : LA MÉMOIRE DU LAC, de Joël Champetier


Les auteurs : Guillermo Del Toro (à gauche et Chuck Hogan)

À lire :

La biographie de Guillermo Del Toro
La biographie de Chuck Hogan 
article de presse

Du même tandem

Pour lire mon commentaire sur LA LIGNÉE, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 21 septembre 2024

 

LA FILLE DU TRAIN

Commentaire sur le livre de
PAULA HAWKINS

*Nous sommes tous des voyeurs. Les gens qui prennent le train tous les jours pour se rendre au travail sont les mêmes partout dans le monde : chaque matin et chaque soir, nous sommes installés sur notre siège, à lire le journal ou écouter de la musique ; nous observons d’un œil absent les mêmes rues, les mêmes maisons et, de temps à autre, nous apercevons un éclair de la vie d’un inconnu. Alors, on se tord le cou pour mieux voir. *

(Extrait : LA FILLE DU TRAIN, de Paula Hawkins, Pocket, Sonatine éditeur, 2015, papier, 455 pages)

Entre la banlieue où elle habite et Londres, Rachel prend le train deux fois par jour : le 8 h 04 le matin, le 17 h 56 le soir. Chaque jour elle est assise à la même place et observe, lors d’un arrêt, une jolie maison en contrebas de la voie ferrée. Cette maison, elle la connaît par coeur, elle a même donné un nom à ses occupants, qu’elle voit derrière la vitre. Pour elle, ils sont Jason et Jess. Un couple qu’elle imagine heureux, comme Rachel et son mari ont pu l’être par le passé, avant qu’il la trompe, avant qu’il la quitte. Rien d’exceptionnel, non, juste un couple qui s’aime. Jusqu’à ce matin où Rachel voit Jess dans son jardin avec un autre homme que Jason.

Que se passe-t-il ? Jess tromperait-elle son mari ? Rachel, bouleversée de voir ainsi son couple modèle risquer de se désintégrer comme le sien, décide d’en savoir plus sur Jess et Jason. Quelques jours plus tard, c’est avec stupeur qu’elle découvre la photo de Jess à la une des journaux. La jeune femme, de son vrai nom Megan Hipwell, a mystérieusement disparu…

Un long fleuve agité
*temps normal, je simulerais la politesse, mais ce
matin, je me sens authentique, je me sens moi-
même, je suis exaltée, comme si j’étais défoncée,
et, même, si j’en avais envie, je serais incapable de
feindre la gentillesse. *
(Extrait)

C’est un polar psychologique glauque, triste et obsessif. La fille du train, c’est Rachel, une femme déchirée, alcoolique et dépressive. Elle prend le train quotidiennement. Pratique pour faire croire à sa colocataire qu’elle travaille et qu’elle paiera le loyer. Elle prend aussi le train pour faire déraper ses pensées et suivre un couple qu’elle s’est inventé, Jess et Jason, qu’elle croit voir par les fenêtres du train.

Elle imagine bientôt le couple s’enliser dans un cercle d’infidélité jusqu’à ce que Jess disparaisse de la circulation. Le mystère s’intensifie avec la disparition, réelle celle-là d’une jeune femme nommée Mégan.

Les trois femmes au cœur de cette histoire plutôt noire prennent la parole à tour de rôle. Une triple narration qui permet d’explorer en alternance le point de vue de chacune et la façon dont elles sont entraînées dans un cercle de violence et de mal-être. Il y a aussi des hommes dans cette histoire. Deux principalement : Scott et Tom, ce dernier est dépeint d’une façon peu engageante : <La vie entière de Tom était bâtie sur des mensonges, des malhonnêtetés et des semi-vérités censées le faire passer pour quelqu’un de supérieur, de plus fort et de plus intéressant qu’il ne l’était…>

Ce dernier extrait vient préciser l’atmosphère du récit, le non-dit caché entre les lignes qui prend le lecteur au cœur. C’est un récit très riche, un peu lourd, pas toujours facile à suivre mais qui se dévoile sur des chapeaux de roues dans le dernier quart du livre. Il faut être attentif pour bien saisir la vraie nature des personnages et l’enchaînement des rebondissements, exacerbé par la triple narration.

C’est un bon thriller, mais il est complexe et accuse des longueurs. C’est un récit noir dans lequel la seule réalité des personnages est la folie qui les guette. La plume est bien maîtrisée malgré une certaine dérive. On sait que Paula Hawkins veut nous entraîner quelque part, mais impossible d’imaginer la finale.

La nature convergente de la triple narration en alternance m’a plu et je me suis laissé entraîné par l’intensité du récit. Attendez-vous à explorer l’attitude de personnages complexes face à leurs démons. On est loin du genre <C’est beau la vie> . C’est une lecture qui laisse des marques.

Suggestion de lecture : DANS LA TOILE, de Vincent Hauuy

Paula Hawkins a vécu au Zimbabwe, en France et en Belgique et réside maintenant à Londres. Elle a été journaliste pendant quinze ans avant de se consacrer à la fiction. LA FILLE DU TRAIN, son premier roman a été vendu à 18 millions d’exemplaires dans le monde. Dreamworks en a acquis les droits d’adaptation cinématographique, et le film est sorti en 2016. Son deuxième roman, AU FOND DE L’EAU a paru en 2017 chez Sonatine.

De la même auteure

Bonne lecture
Claude Lambert

NE LA QUITTE PAS DES YEUX

Commentaire sur le livre de
LINWOOD BARCLAY

en version audio

*Il n’avait pas du tout l’air d’un monstre. Mais le problème des monstres, justement, c’est qu’ils n’ont pas la tête de l’emploi. * (NE LA QUITTE PAS DES YEUX, Linwood Barclay, version audio, Audible studios éditeur, 2016, durée d’écoute : 11 heures 52, narrateur : François Hatt.)

Multi pistes

Vous êtes marié, père d’un petit garçon. Un boulot intéressant. Un couple plutôt heureux. Et si le pire était à venir? Une belle journée, une sortie en famille, votre épouse qui s’éloigne quelques instants. Et qui ne revient pas. Fugue? Enlèvement? Suicide?

Voici l’histoire de David Harwood, un journaliste qui emmène sa femme, Jane et son fils de quatre ans, Étha au Parc d’Attractions. Premier apéritif : Éthan disparait. D’interminables minutes plus tard, David retrouve Éthan. Soulagement très provisoire… David et le petit se mettent en route pour retrouver Jane…plus de Jane. Où est-elle passée exactement et est-ce qu’on la retrouvera ? C’est un roman très sombre qui m’a procuré anxiété et frissons, spécialement dans le dernier quart du récit alors que les nombreux éléments du puzzle se mettent en place et nous mènent à la conclusion d’une incroyable série de machinations.

C’est un thriller assez efficace quoiqu’un peu surfait ou grossi si vous voulez, certains passages me semblant plutôt invraisemblables. C’est un roman fort mais avec une crédibilité moyenne, des personnages un peu artificiels, pas très aboutis et dont, dans certains cas, j’ai plus ou moins compris les motivations. J’ai toutefois quelque peu réussi à m’attacher à David à cause de son entêtement, de son opiniâtreté, de son attachement pour Éthan et qui est soupçonné par un policier qui a justement le soupçon un peu trop facile.

Le roman manque de profondeur et son sujet n’est pas vraiment nouveau mais il est intrigant et comporte beaucoup de rebondissements, de revirements, de la tension occasionnelle et une finale efficace quoique sensiblement prévisible mais ça, ça dépend toujours du lecteur et de la lectrice.

Je dois vous dire que j’ai écouté la version audio de ce livre et que j’ai été carrément emporté par la performance du narrateur François Hatt qui a su exploiter au maximum de son talent, sa voix multipiste harmonieuse et énergique. Pas le choix. Monsieur le narrateur a forcé mon attention et m’a figé sur mon fauteuil. Ce détail surmonte beaucoup les faiblesses de ce roman qui reste malgré tout accrocheur et captivant. L’histoire est complexe, un peu tentaculaire.

Mais le fil conducteur est solide et rend l’histoire relativement agréable à suivre. Donc Pour résumer : principales faiblesses : à une ou deux exceptions près, des personnages mal aboutis, peu travaillés, scénario peu original et comportant beaucoup de clichés. Et j’ajoute à cela une traduction un peu douteuse. Principales forces : intrigant, belle intensité dans le suspense, enchaînements rapides, excellente finale. L’ensemble est bien imaginé et Le personnage principal est intéressant à voir évoluer.

Bref, ce roman ne réinvente rien mais il constitue un bon divertissement.

Suggestion de lecture : ENLÈVEMENT, de Tara Taylor-Quinn

À gauche, Linwood Barclay. Voir sa biographie. À droite, le narrateur François Hatt. Il a un parcours pour le moins impressionnant.

À écouter, du même auteur

Bonne lecture/écoute
Claude Lambert
Le dimanche 12 mai 2024

LE VOLCRYN, le livre de Gorge R.R. Martin

*Maintenant, je suis vieux, de plus en plus vieux. Bientôt,
la mystérieuse nébulosité du volcryn percera le voile du
tentateur et, à travers les abîmes sans vie, à travers le vide,
à travers l’éternel silence, nous le suivons, mon Armageddon
et moi, nous lui donnons la chasse. *
(Extrait : LE VOLCRYN,
Actusf éditeur, 2015, format numérique, coll. Hélios, 170 pages)

Depuis des temps immémoriaux, les volcryns traversent la galaxie. Personne ne sait d’où ils viennent, où ils se rendent ni même ce qu’ils sont vraiment. Karoly d’Branin est bien décidé à être celui qui percera ce mystère. Entouré de scientifiques de talent, il embarque sur l’Armageddon. Mais bien vite les tensions s’accumulent. Quelle est cette menace sourde qui effraie tant leur télépathe ? Et pourquoi le commandant du vaisseau refuse d’apparaître autrement que par hologramme ? Karoly est certain d’une chose : ses volcryns sont tout proches. Pas question de faire demi-tour. Quel qu’en soit le prix.

Le peu rassurant ARMAGEDDON
*Le commandant Royd est parfait, dit-elle en secouant
la tête. Un homme étrange pour une étrange mission.
Qu’avez-vous à redire à ça? Vous n’aimez pas le mystère?*
(Extrait)

Le VOLCRYN est un roman pas très long. Il sent un peu le réchauffé, le déjà vu…disons une variation sur un thème connu. Sans dire que le sujet brille par son originalité le récit reste intriguant et très axé sur la psychologie des personnages. Voyons comment ça se présente.

Neuf scientifiques, xénotechnicienne , xénobiologiste, télépathe, psi et techniciens s’embarquent à bord d’un vaisseau ultrasophistiqué pour aller à la rencontre du VOLCRYN un peuple légendaire qui, selon cette légende, ère dans un vaisseau colossal, vers les limites de la galaxie depuis des temps très anciens. Le véritable problème tient au fait que le capitaine du vaisseau, Royd Erris est confiné dans des quartiers scellés et n’a aucun contact avec les passagers, sauf par hologramme.

Ainsi s’installent la crainte, la méfiance, le doute, les soupçons et au final, la mort car il devient incertain que le capitaine Erris ait vraiment le contrôle du vaisseau. Beaucoup de choses pourraient empêcher les scientifiques de s’approcher des Volcryn, en supposant que cette énorme entité ne soit pas un prétexte. Le vaisseau porte bien son nom : ARMAGUEDDON.

LE VOLCRYN est une sorte de space opera, une novella de type huis-clos très dense et à forte connotation paranoïaque. J’ai reconnu plusieurs éléments qui auraient pu être empruntés à des grands classiques : ODYSSÉE DE L’ESPACE 2001 à cause du dérèglement de Hal l’ordinateur. Celui de l’Armageddon perd les pédales mais pour des raisons quelque peu nuancées. ALIEN, LE 8e PASSAGER à cause de l’étouffante paranoïa liée à la présence probable d’une entité à bord. LES DIX PETITS NÈGRES à cause de la tension qui monte proportionnellement aux disparitions.

Aussi, le mystérieux commandant qui vit à l’écart dans un quartier qui le maintiendrait possiblement en vie grâce à une atmosphère particulière et l’absence de gravitation, n’est pas sans rappeler les navigateurs de la guilde du film DUNE (1984) qui ne peuvent sortir de leur atmosphère chargée de gaz d’épice.

C’est un récit qui, bien qu’en léger déficit de développement, garde le lecteur tendu et alerte. Il ne tranche pas par son originalité mais il est très bien écrit, sans longueur, sans errance. Personnellement j’ai aimé ça et j’ai tout lu d’un trait. Et puis ça nous change un peu de l’interminable saga TRÔNE DE FER. La forme va au-delà du thriller. C’est un roman bien construit. Il est court, comme toutes les novellas ce qui ne l’empêche pas d’être crédible.

Un récit abrégé, et crédible quant aux aspects environnementaux et psychologiques a permis au livre de décrocher le prix LOCUS du meilleur roman court en 1981. Et il est évident qu’avec un tel texte, générateur de haute tension et d’oppression, on n’allait pas tarder à adapter ce mélange de science-fiction et d’horreur au cinéma, puis à la télévision.

Quant à la finale, je l’ai trouvé satisfaisante, mes questions sur le Volcryn ayant trouvé certaines réponses, mais pas toutes. Le Volcryn n’est pas forcément ce qu’on pense en cours de lecture. Je crois que ça reste et ça restera une énigme. Ceci est un autre aspect du déficit de développement dont j’ai parlé plus haut. C’est le risque à courir quand on écrit une novella.

Donc c’est un bon petit livre qui fait travailler l’imagination. Un peu gore, très dense…mélange de science-fiction, de mystère, de thriller auquel on a ajouté une touche de fantastique et une petite matière à réflexion sur le pouvoir de l’esprit. Pas mal intéressant…

Suggestion de lecture : DUNE, livre premier et second, de Frank Herbert (commentaire sur biblioclo)

Mondialement connu pour sa série du Trône de Fer, George R. R. Martin a eu avant elle une riche carrière d’écrivain, récompensée par de prestigieux prix (Hugo, Nebula, Locus…). Touchant à tous les genres avec le même brio, à l’aise aussi bien sur la forme longue que plus courte, il signe avec Le Volcryn un huis clos spatial angoissant qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Le Volcryn au cinéma


Affiche du film NIGHTFLLYERS, adaptation du livre de Gorge R.R. Martin LE VOLCRYN. Film réalisé par Robert Collector et sorti en 1987, Dans la distribution on retrouve Catherine Mary Stewart, John Standing, et Lisa Blunt, entre autres. Le film a été scénarisé par Robert Jaffe qui assume aussi le rôle de producteur.

 

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 19 avril 2024

 

EN PLEIN COEUR, de Louise Penny

*S’il avait laissé l’image telle quelle, il ne se serait jamais
fait prendre. Il a été passif pendant toute sa vie. La seule
 fois qu’il a vraiment agi, il s’est condamné. *
(Extrait : EN PLEIN CŒUR, Louise Penny, Flammarion
éditeur, 2013, 416 pages pour le format de poche. Version
audio : Audible studio éditeur, 2020, durée d’écoute : onze
heures. Narrateur : Raymond Cloutier.)

Three Pines dans les Cantons de l’est. Pendant la fin de semaine de l’Action de Grâce, Jane Neal est trouvée morte dans la forêt, le cœur transpercé. Le réveil est plutôt brutal pour cette tranquille communauté, d’autant que l’inspecteur-chef de la Sûreté du Québec, est perplexe. Est-ce que ça pourrait être autre chose qu’un bête accident de chasse. Mais qui pourrait souhaiter la mort de Jane Neal, une enseignante à la retraite qui a vu grandir tous les enfants du village. Le détective Armand Gamache se doute qu’un serpent se cache au cœur de l’Éden, un être dont les zones d’ombre sont si troubles qu’il doit se résoudre au meurtre. Mais qui ?

La grande première d’Armand
*Son petit secret c’était que…à la mi-cinquantaine, passé le
sommet d’une longue carrière qui paraissait en perte de
vitesse, il s’étonnait toujours devant la mort violente, C’était
une étrange réaction de la part du chef de l’escouade des
homicides… *
(Extrait)

C’est un livre intéressant mais qui ne fut malheureusement pas à la hauteur de mes attentes. Voyons voir le résumé : une vieille dame, enseignante à la retraite, Jane Neil est assassinée dans la forêt près du petit village de Three Pines, le cœur traversé par une flèche de chasse. Pourquoi une vieille dame aussi gentille? À qui le crime profite ? Ce sera un véritable casse-tête pour le plus singulier des policiers, l’inspecteur-chef Armand Gamache, qui ne se doute pas encore que d’autres cadavres vont se rajouter.

Ce qui m’a plu dans ce livre est le développement de plusieurs volets qui s’imbriquent parfaitement les uns dans les autres. Par exemple, Jane Neil ayant été tuée par une flèche, Gamache va commencer son enquête chez les tireurs à l’arc. Il y a justement un club de tir à l’arc à Three Pines et là vous devez vous attendre à un cours d’archer 101 que j’ai trouvé un peu long et redondant.

Il y a de bonnes idées dans ce récit. Des trouvailles. Je ne peux pas trop en dire évidemment, mais il faut voir ce que Jane Neil a fait des murs de sa maison et là encore, il faut s’attendre à un long palabre sur l’art et les couleurs. Je pense que l’intrigue est assez bien réussie mais elle est un peu diluée dans un étalage de détails et de connaissances. Mais je l’admets, c’est intriguant. 

J’ai été déçu par les personnages car il n’y a pas vraiment de distanciation entre eux. On dirait des clones. Pas de personnalité, aucun élément qui les rattache au lecteur. Ils sont plutôt froids, peu attachants. Les personnages plus intéressants sont ceux qui sont morts. J’ai trouvé très fort par exemple le profil de Jane Neil et effectivement, les auditeurs se poseront forcément la question : À qui le crime profite ? Et ce n’est pas simple.

Quant au héros de l’histoire, Armand Gamache, Je m’y suis très peu fait : plus grand que nature, surfait, surévalué, très cultivé, habillé bizarrement, un peu déjanté, excentrique mais politiquement correct. Il régule à lui seul le rythme de l’histoire, souvent lent, parfois accélérant. J’ai de la difficulté avec ce genre de personnage plastique. Je recommande tout de même ce livre parce qu’il développe avec finesse les cachotteries typiques de petits villages ou de petites communautés. Des petits bourgs où tout le monde connait tout le monde et où, automatiquement, tout le monde en sait trop…

Suggestion de lecture : LES PENDULES, d’Agatha Christie

Louise Penny, née le 1er juillet 1958 à Toronto, est une
femme de lettres canadienne surtout connue pour ses
romans policiers. En 2011, elle demeure à Sutton au
Québec où se situe le décor des enquêtes de l’inspecteur
 québécois Armand Gamache de la Sûreté du Québec.
Les livres de cette série lui ont valu quatre fois de suite
(2007–2010) le prix Agatha pour le roman policier de
l’année qui se conforme au genre du whodunit dans le
style d’Agatha Christie. (Wikipédia)

Bonne lecture
Claude Lambert

le vendredi 15 décembre 2023

DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, de Romain Sardou

 

*Tu vas bientôt assister à la plus étonnante surprise
de l’ère chrétienne depuis… depuis que des soldats
romains sont revenus un matin pour trouver vide le
tombeau du Christ ! *
 
(Extrait, DÉLIVREZ-NOUS DU MAL, prologue, Romain
Sardou, XO éditions, 2008, format numérique, 335
pages)

Quercy, XIIIe siècle.

Dans un village perdu, une troupe d’hommes en noir enlève un enfant. Le prêtre du village décide de se lancer à la poursuite de ses ravisseurs. Les indices qu’il glane à mesure de sa quête lui font craindre d’être mêlé à une terrible affaire de sorcellerie… Mais il n’est pas le seul à s’intéresser à l’enfant. Pendant ce temps, à Rome, Bénédict Gui se voit confier une mission spéciale : retrouver le frère de la belle Zapetta, qui travaille pour la mystérieuse Sacrée Congrégation.
Dans un Moyen Age hanté par les querelles religieuses, où le pouvoir de l’Église est plus fort que jamais, se noue une intrigue dont les fils remontent jusqu’au Vatican

Les petites victimes
des jeux de pouvoir
*Cette vision d’horreur pétrifia Aba et les enfants.
– Si tu fais encore un geste, le curé, j’en épingle
d’autres comme cela sur tous tes murs, mugit
l’assassin en direction du prêtre.
(Extrait)

Au cœur du Moyen-âge en Europe, des enfants disparaissent, enlevés par de mystérieux hommes en noir, des cardinaux sont assassinés ou portés disparus. Le Père Aba recherche activement le jeune Perot et parallèlement, un enquêteur de Rome recherche un jeune homme disparu, Rainerio qui était au service d’un puissant Cardinal de la Sacré Congrégation appelée dérisoirement la machine à faire des Saints. C’est elle qui décide qui sera canonisé en analysant les miracles faits par les candidats.

Il appert d’une part, que les miracles, les saints et les candidatures à la canonisation font l’objet d’un trafic très lucratif et pour protéger l’organisation, on n’hésite pas à tuer, à éliminer les gêneurs ou ceux qui en savent trop. Et d’autre part, les enfants disparus ont un point en commun. Ils ont chacun un don surnaturel. Toutes ces capacités miraculeuses réunies pourraient décupler la puissance des cardinaux. Pas étonnant que le meurtre et la cruauté soient florissants.

Voici un thriller médiéval très addictif ayant comme toile de fond la crasse qui a incrusté l’Église pendant des siècles, sa puissance et sa cruauté. C’est un récit violent. Évidemment, l’auteur ne réinvente pas la roue avec un récit ayant comme thème l’Église sauf qu’ici, il est question d’un trafic très particulier : le trafic des saints et des miracles dans le but de renforcer la dévotion et augmenter considérablement les dons des fidèles.

La motivation de cardinaux corrompus jusqu’à la moelle est renforcée par l’exploitation de quelques enfants ayant des pouvoirs extraordinaires. L’auteur maîtrise fort bien son sujet et propose au passage une analyse de certains miracles et précise même qu’une agence catholique s’est donné comme but d’expliquer chaque miracle des saintes écritures pendant que d’autres organisent des simulacres de miracles.

Cette histoire m’a tenu en haleine. Le rythme est rapide et les personnages sont travaillés. Le jeune Perot, l’enfant sûrement le plus prodigieux du groupe a été pour moi un important générateur d’émotions. L’auteur met aussi talentueusement en perspective une époque très vaste où il n’y a rien de plus fort que l’Église, un big brother aussi puissant que corrompu.

La plume de Sardou est forte mais pas toujours facile à suivre. Il faut porter attention mais ça vaut la peine ne serait-ce que pour savoir où il veut en venir avec la petite touche de fantastique qu’il a imprégné à son roman. Malgré une très sensible impression de déjà vu, équilibrée finalement par la qualité de l’intrigue et la sensibilité du sujet, la manipulation des enfants étant une corde sensible et très délicate, j’ai passé un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : LE NOM DE LA ROSE, d’Umberto Eco

Issu d’une longue lignée d’artistes, Romain Sardou, né en 1974, se passionne très jeune pour l’opéra, le théâtre et la littérature. Après quelques années à Los Angeles, où il écrit des scénarios pour enfants, c’est en France qu’il publie chez XO son premier roman, un thriller médiéval, Pardonnez nos offenses (2002), qui connaît aussitôt un immense succès, ainsi que les suivants L’Éclat de Dieu (2004) et Délivrez-nous du mal (2008).

Exploitant d’autres rivages romanesques, Romain Sardou a également publié trois contes d’inspiration dickensienne, ainsi qu’un thriller contemporain, et un roman philosophique, Quitte Rome ou meurs (2009). Il explore maintenant l’histoire de la naissance de l’Amérique dans le premier volume de sa nouvelle trilogie, America, La treizième colonie (2010).

 

Du même auteur…
le livre précédant DÉLIVREZ-NOUS DU MAL

Romain Sardou est le fils du célèbre chanteur Michel Sardou

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 10 décembre 2023

SAUVAGE, le livre de Jamey Bradbury

*…c’était la chose la plus jolie que j’ai jamais vue et je
brûlais d’envie de le fourrer dans ma poche, mais
j’avais peur de le prendre, peur de passer la porte
avec le sac et le couteau…peur de ne pas pouvoir
revenir si je le faisais. *
(Extrait : SAUVAGE de Jamey Bradbury, à l’origine,
Galmeister éditeur, 2019, 313 pages. Version audio :
Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 17
minutes. Narratrice : Karl-Line Heller)

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Elle respecte les trois règles que sa mère lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue », «ne jamais rentrer avec les mains sales » et surtout «ne jamais faire saigner un humain ». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.

Du rouge et du blanc
* On ne peut pas fuir la sauvagerie qu’on a en soi. *
(Extrait)

C’est un roman étrange mais très fort, développé dans un cadre glacial et pourtant, l’histoire est chaude et imprégnante. Le personnage principal me rappelle Turtle Alveston, l’héroïne de MY ABSOLUTE DARLING. Ceux et celles qui ont pu lire ce chef d’oeuvre de Gabriel Tallent se rappelleront cette jeune fille que son père abuseur appelait Croquette. Une jeune caractérielle de 14 ans, attachante, une battante.

Dans SAUVAGE, nous entrons dans l’intimité d’une jeune fille de 17 ans, Tracy, rebelle, agressive, volontaire et c’est aussi une battante. Les ressemblances s’arrêtent là mais le lien demeure enveloppant et intéressant. Dans SAUVAGE, après avoir été attaquée dans une intense forêt de l’Alaska, Tracy se réveille couverte de sang, certaine d’avoir tué son agresseur. Elle décide de garder le secret, mais il pèsera lourd.

Alors qu’entreront dans sa vie des personnages mystérieux et inquiétants : Tom, agresseur en liberté, Jesse, arrivé de nulle part pour s’installer dans la famille Perikov, le tout assorti d’une passion pour les chiens et les courses, Tracy prend graduellement conscience d’une faculté exceptionnelle qu’elle développe tout au long du récit. Vous dire de quoi il s’agit équivaudrait à tout révéler mais ce don vient donner au récit un caractère fantastique qui cadre bien avec les forêts de l’Alaska, enveloppées de neige et de mystère.

J’ai été captif de cette histoire qui n’est pas sans rappeler certains romans de Stephen King qui prête à des jeunes personnages des pouvoirs surnaturels, CARRIE ou LES ENFANTS DU MAÏS par exemple. SAUVAGE est un thriller psychologique à tension élevé qui regroupe plusieurs éléments du conte initiatique. La pièce maîtresse de l’oeuvre est encore l’imagination de l’auditeur et de l’auditrice, l’auteure y a vu, à cause du non-dit, de l’atmosphère, d’une espèce de vide autour de Tracy qu’il appartient à l’auditeur de combler.

J’ai trouvé le suspense totalement immersif. Le dernier quart du récit m’a particulièrement impressionné jusqu’à une finale que je n’aurais jamais pu prévoir, dure, déroutante mais parfaitement cohérente. Autre élément important, la nature alaskaine tient une place importante et ajoute au caractère attractif de l’histoire et puis, il y a les chiens, l’affection de Tracy pour cet animal qui tient une place si importante dans la vie de l’Alaska à cause des courses mais aussi à cause du fait que dans cette histoire, les chiens symbolisent une irrésistible recherche de liberté et de compréhension dans tout ce qui dépasse Tracy.

C’est un roman fort, troublant et profond qui ne vous laissera pas indifférent. Je le recommande sans hésiter.

Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest. Après avoir obtenu une maîtrise en beaux-arts de l’Université de Caroline du Nord, elle est tombée amoureuse de l’Alaska et s’y est installée. Elle partage son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Chaque année, elle fait partie de l’équipe des bénévoles encadrant l’Iditarod, la célèbre course de chiens de traîneau dont elle s’est inspirée pour écrire son œuvre. Sauvage est son premier roman et a reçu le Prix Littérature Monde Étonnants Voyageurs de Télérama.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE NOUVEAU MAÎTRE DU THRILLER, de Paul Colize

LIVRE AUDIO

*À mon tour je me suis levé, il m’a tendu la main,
au moment où il l’a refermée sur la mienne, un
imperceptible mouvement de recul m’a parcouru.
Mon instinct de survie m’envoyait un message de
détresse. Je n’en ai pas tenu compte.*
(Extrait : le nouveau maître du thriller, Paul Colize, 2019
Audible éditeur. Durée d’écoute : 6 heures 21 minutes,
narrateur : Pierre Rochefort.)

Laurent Volter, célibataire, 31 ans, mène une vie bien tranquille en travaillant comme chef de ventes de canapés chez Séduction de cuir. Ardu à la tâche, il ne ménage ni sa salive ni sa sueur pour satisfaire Tony, son supérieur hiérarchique, dont la vie en entreprise est régie par une seule loi, celle des trois F :

Find the customer
Fuck the customer
Forget the customer

Lorsqu’il ne se démène pas pour appliquer ce bon principe, Laurent pratique le jogging, collectionne les conquêtes sans lendemain et écrit des thrillers haletants. Malgré le succès confidentiel et les ventes rachitiques de ses opus, il est persuadé de posséder un immense talent et s’attend à être reconnu comme le nouveau maître du thriller.
Sa vie va prendre un tour nouveau lorsqu’un célèbre avocat lui propose une affaire délicate : rédiger la biographie d’un de ses clients, mais pas n’importe lequel – Max Tonnet, l’homme d’affaire le plus puissant de Belgique… jusqu’au jour où le Tribunal criminel de Monaco l’a condamné à vingt ans de réclusion pour homicide volontaire.

Volter trouve l’offre trop alléchante pour être refusée bien qu’il sente qu’il y a anguille sous roche. Le voici alors parti sur les traces d’un meurtre bien inhabituel entre Monaco et Bruxelles, bien plus enfoncé dans cette affaire qu’il ne l’a jamais été dans ses canapés de cuir…

Une affaire inconfortable
*-À quoi ressemblait le jeune homme qui vous a importuné
ce matin? Je lui ai décrit Ratish dans les grandes lignes.
– C’est noté. Ce garçon ne devrait plus vous tourmenter !…*
(Extrait)

L’histoire est intéressante. Elle est un peu abracadabrante, quelque peu prévisible mais elle est brillamment racontée. Voici donc l’histoire de Laurent Volter, humble vendeur de canapés dans un magasin de meubles dirigé par un mufle. C’est un homme simple, pas très adroit en amour, aime et pratique le jogging et il a une passion: il écrit des thrillers. Lui considère que ses histoires sont géniales et haletantes mais disons que le succès est plutôt discret.  Un jour, un avocat très huppé offre à Volter d’écrire la biographie d’un de ses plus prestigieux clients: Max Tonnet, condamné à 20 ans de prison pour meurtre. L’écrivain vendeur de canapés accepte l’offre.

En débutant ses démarches, Laurent s’aperçoit que quelque chose cloche. Ce qui, au départ, devait se limiter à des recherches pour la rédaction d’une biographie devient une véritable enquête qui fera vivre à Laurent Volter les huit semaines les plus folles et les plus improbables de sa vie, suffisamment en tout cas pour donner une toute nouvelle impulsion à ses thrillers. Ici, Laurent joue sa vie pour faire triompher sa conviction. Il vit un thriller…rien de moins.

Il y a beaucoup de garniture dans cette histoire et un peu de confusion. Le début est sensiblement chaotique. C’est un peu long pour embarquer dans l’histoire mais une fois accroché au fil conducteur qui est assez solide, les auditeurs et auditrices peuvent suivre une histoire peut-être un peu tirée par les cheveux mais avec un rythme relativement élevé et un développement constant.

L’histoire est simple. Il est facile de la suivre. J’ai trouvé aussi l’idée d’imbriquer la notion de thriller dans l’histoire originale car elle laisse à penser que le vécu d’un auteur vient compléter l’imagination et à la rigueur, l’intuition. Les personnages dans l’ensemble sont assez superficiels. Celui de l’avocat frôle un peu la caricature. Par contre, Laurent Volter est un personnage bien travaillé et je me suis surpris, comme auditeur, à le trouver attachant et amical.

Comme cela se produit occasionnellement dans l’univers du livre audio, la narration est la principale force de cette œuvre de Colize. Pierre Rochefort a réussi à mettre en valeur ce livre en mettant de côté ses petits travers. Un bon narrateur est le plus précieux allié qu’un auteur puisse trouver. Dans ce cas-ci. Pierre Rochefort déploie une véritable <voix-orchestre>.

Si certains personnages sont plus grands que nature comme Max Tonnet par exemple, ou mieux encore, l’avocat qui est particulièrement haut-perché, Rochefort a un registre vocal précis et spécifique pour chacun des principaux personnages. Sa prestation est parfaite. Ce livre n’est pas une trouvaille littéraire que je qualifierais de géniale mais mes sentiments penchent en sa faveur.

Suggestion de lecture : MORT À CRÉDIT, de Louis-Ferdinand Céline

Paul Colize est un romancier belge né à Bruxelle en 1953.
Grand passionné de romans policiers depuis son plus jeune âge, ses romans se caractérisent par une documentation fouillée, une intrigue sophistiquée et un grand sens de l’humour. Sa carrière comprend une succession de prix prestigieux. Entre autres,  Le prix polars Pourpres pour *un long moment de silence*, le prix Saint-Maur pour Back up et le Prix des lecteurs Sang d’Encre pour « Concerto pour 4 mains ». Pour consulter la liste complète, visitez Wikipédia.

Le narrateur, Pierre Rochefort est acteur, tout comme son célèbre père : Jean Rochefort. Il a participé à une dizaine de film et jouer au théâtre. La voxographie est une nouvelle corde à son arc.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 30 septembre 2023

 

L’IMMORTEL, de FRANZ-OLIVIER GIESBERT

*Écoute-moi bien, petit. Si tu ne règles pas ce
problème d’ici la fin de semaine, c’est toi qui
va devenir un problème et tu sais ce que je
fais avec les problèmes, moi, hé, tu le sais ? *
(Extrait : L’IMMORTEL, Franz-Olivier Giesbert,
J’ai lu éditeur, 2008. Pour la présente, Flammarion
2007 au format numérique. 255 pages. Coll. Policier)

Un homme est laissé pour mort dans un parking avec 22 balles dans le corps. Contre toute attente, il ressuscitera avant de se venger de ses ennemis. C’est l’histoire d’un Monte-Cristo des temps modernes, un suspense inspiré de faits réels mais où tout est inventé, au cœur du milieu marseillais. Dans ce roman dont Marseille est le héros, toute ressemblance avec des personnages ayant existé n’est pas toujours fortuite. L’auteur a fait du vrai avec du faux et du faux avec du vrai. C’est pourquoi, ici, tout est vrai et tout est faux, comme dans les livres, comme dans la vie, comme en Provence.

 

Un Monte-Cristo des temps modernes
*Recouverte d’un mélange de sang et de cervelle,
Lorraine resta un long moment interdite, avec un
rictus de stupéfaction, la bouche ouverte. On aurait
dit une petite fille qui vient de renverser sur elle un
pot de confiture de groseilles. *
(Extrait)

L’IMMORTEL est un drame policier très violent ayant comme thème central la mafia marseillaise et développe comme ça se produit souvent dans les histoires de mafia un règlement de compte entre le parrain des parrains, Gaby Caraccella, appelé le Rascous et un parrain nommé Charly Garlaban. Ce dernier, disgracié est devenue victime de la loi de la pègre et fut transformé en gruyère par 22 balles :

*En quelques secondes, Charly Garlaban était devenu un grand lambeau de chairs pantelantes, de gruyère de viande, une estrasse sanglante. Il avait reçu vingt-deux balles dans le corps quand un homme encagoulé s’approcha et, après avoir constaté l’étendue des dégâts, laissa tomber : <Il est cuit>* (Extrait)

Garlaban était effectivement mal en point mais pas cuit. En effet, il a miraculeusement survécu et s’en est même remis exception faite de quelques petites faiblesses. C’est ainsi que Charly est devenu L’IMMORTEL dont le premier souci fut d’éliminer chaque membre de l’escouade de bandits qui lui a tiré dessus. Mais un mystérieux personnage que le lecteur aura à découvrir devance l’IMMORTEL dans ses intentions.

D’abord pour suivre ce roman, à toutes fins pratiques il faut avoir en main un dictionnaire de l’argot marseillais :*Il faut en finir avec tous ces minus à la gâchette facile, les exterminer, les escagasser, les espoutir. Ces roudoudous tuent le métier…on va lui montrer qu’on est pas tchoutchous…il exécrait les bougnettes sur les chemises ou les racadures qui jonchent les rues et les rompe-culs de Marseille. * (Extrait) Difficile à comprendre.

J’ai l’impression que c’est une tendance chez les auteurs, éditeurs et traducteurs de croire que les livres français sont boudés par la francophonie internationale. Cette tendance se transforme en faiblesse. Une petite liste de définitions aurait été la bienvenue à la fin du volume ou quelques renvois en bas de page. Autre fait à noter, cette histoire ne réinvente pas la roue et tranche par son extrême violence. Il y est aussi banal de tuer que de boire un verre d’eau. Rien de neuf ni d’original. L’auteur a misé sur ses personnages auxquels il est malheureusement difficile de s’attacher.

En bref, on a ici quelques centaines de pages de tueries. C’est très gros jusqu’à en être un peu caricatural. Parmi les forces, je dirais que c’est bien écrit et que c’est fluide pour ce qui est du développement plus que du langage. On y trouve un peu d’humour, noir surtout. Les lecteurs et lectrices découvriront Marseille, la plus ancienne ville de France, aujourd’hui avec 1,000,000 d’habitants, devenue un centre portuaire de premier plan.

On sent bien que l’auteur est tombé follement amoureux de cette ville. Ça transpire dans chaque page de L’IMMORTEL. Malheureusement, ça rend le tout un peu lourd. Côté action, c’est efficace. Le récit est écrit à la façon d’un scénario.

Ça se lit quand même assez bien et assez vite…un dernier mot…pas fort fort la tentative de l’auteur d’humaniser les truands. Ça décrédibilise l’ensemble. Malgré tout, c’est un bon livre…bon. Pas plus !

Suggestion de lecture : MALAVITA, de Tony Benacquista

Franz-Olivier Giesbert est né en 1949 dans le Delaware aux États-Unis. C’est un auteur, biographe, journaliste et présentateur de télévision exerçant en France. Sa carrière est impressionnante et parfois controversée. Pour en savoir plus sur Franz-Olivier Giesbert, consultez le dossier complet publié sur Wikipédia.

 

L’IMMORTEL AU CINÉMA

L’adaptation cinématographique porte aussi le titre de L’IMMORTEL, réalisée et coscénarisée par Richard Berry d’après le roman de Franz-Olivier Giesbert, sortie en France en 2010. Richard Berry est également dans la distribution aux côtés de Jean Reno (sur la photo) et Kad Merad.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 septembre 2023