VIOLENCE À L’ORIGINE, de MARTIN MICHAUD

*Valeri poussa une plainte horrible. Un cri
bestial, à glacer le sang. Le cri d’un animal
blessé qui sait d’instinct que la mort gagne
du terrain et que, cette fois, il n’y aura pas
de dérobade.*
(Extrait : VIOLENCE À L’ORIGINE, Martin Michaud,
Les Éditions Coup d’œil, 2016, papier, 475 pages.)

La tête d’un haut-gradé de la Police de Montréal est retrouvée dans un conteneur à déchet. L’assassin laisse un message clair : d’autres têtes pourraient rouler. L’enquête est confiée au détective Victor Lessard, tourmenté par son passé, personnage récurrent de l’œuvre de Michaud, (voir LA CHORALE DU DIABLE) Victor forme une équipe dans laquelle on retrouve entre autres, la redoutable Jacinthe Taillon. Victor devra résoudre le mystère d’une horrible toile qui semble inextricable et qui pourrait bien capturer son corps et son âme…

Un tueur hors-norme
*On dit que l’humain est la seule créature
du règne animal qui prend plaisir à tuer
ses congénères. On voudrait nous faire croire
le contraire, mais il s’agit précisément là de la
nature humaine*
(Extrait : VIOLENCE À L’ORIGINE)

C’est la troisième fois que je parle de Martin Michaud. Certains se rappelleront peut-être le commentaire assez favorable que j’ai publié le 30 aout 2015 sur son livre LA CHORALE DU DIABLE, et un autre commentaire que j’ai publié le 24 janvier 2016 sur le recueil de nouvelles CRIMES À LA LIBRAIRIE, dans lequel Michaud publie un texte très intéressant : UNE LONGUE VIE TRANQUILLE.

Il semble que Martin Michaud soit devenu un incontournable, ce que confirme les milieux littéraires québécois et même la francophonie canadienne.

De Martin Michaud, j’ai lu cette fois VIOLENCE À L’ORIGINE, un thriller puissant dans lequel j’ai pu retrouver deux personnages familiers que j’appelle les gentils mufles : Victor Lessard qui semble près de faire la paix avec son passé et Jacinthe Taillon, une caractérielle mal embouchée mais très efficace. Encore une fois, Martin Michaud nous offre quelque chose de solide, original, intriguant et haletant. Voyons voir…

La tête de Maurice Tanguay, un haut gradé du Service de Police de la Ville de Montréal est retrouvée dans un conteneur à déchet. Dans sa bouche, on retrouve un petit sachet avec un message à l’intérieur : «Le commandant Maurice Tanguay a été jugé et exécuté le 13 juillet à 3h25. Tanguay était le premier…le dernier sera le Père Noël». (Extrait)

Sur un mur à proximité, on retrouve un graffiti qui explique comment sera commis le prochain meurtre. Voilà donc le modus operandi du meurtrier qui annonce ainsi une série d’exécutions et de gros maux de tête pour les enquêteurs du SPVM, de la GRC et de la SQ qui iront de surprise en surprise.

Voilà, il m’est difficile d’en dire plus sans atteindre le cœur de l’histoire. Je peux toutefois vous dire que Maurice Tanguay était loin d’être un enfant de Chœur : «Fallait-il attribuer un sens au fait que la tête de la victime avait été retrouvée dans un conteneur à déchets?» (Extrait)

Les policiers seront carrément propulsés dans une histoire d’horreur qui évoque un fait malheureusement très réel et dont j’ai déjà parlé dans mon commentaire sur l’autobiographie d’Arielle Desabysses 14 ANS ET PORTÉE DISPARUE. Il s’agit du trafic humain ou esclavage sexuel, une plaie que la Société a tendance à occulter et qui est répandue partout, y compris au Québec, à Montréal en particulier.

Le récit est complexe car trois affaires s’imbriquent parfois dans la même enquête, ce qui éclaire beaucoup certains éléments laissés obscurs dans les livres précédents, mais grâce à une extraordinaire maîtrise de l’écriture et de l’intrigue et à un fil conducteur solide, VIOLENCE À L’ORIGINE est un régal à lire.

C’est un polar très sombre, voire noir mais riche et malgré tout teinté d’humour avec entre autres Jacinthe Taillon qui n’a pas peur des mots et un langage très québécois avec jurons appropriés. Le tout vient alléger une atmosphère parfois inévitablement lourde.

Michaud a développé sans excès la psychologie de ses personnages. Son roman est original parce qu’il a créé un tueur en série plutôt hors-normes avec des motivations complexes dont celle de faire justice soi-même, un problème de société vieux comme le monde.

Un petit fait à noter : dans le récit, Victor Lessard se rend régulièrement chez sa psychologue pour des problèmes évoqués dans les livres précédents. Je voyais ça comme le vieux cliché, répandu en littérature policière, du policier qui tente de combattre et vaincre ses démons du passé. Je trouvais ça un peu agaçant. Mais à la fin de l’histoire, j’ai compris pourquoi ce choix de l’auteur et j’ai trouvé ça brillant.

C’est toute la structure du récit qui est impeccable, ainsi que le développement du schéma de pensée. Les rebondissements s’enchaînent dans des chapitres courts. Ça se lit vite, le temps passe vite et lever le nez du livre est aussi difficile que de trouver le coupable car l’issue est imprévisible.

En terminant, ceux et celles qui lisent régulièrement mes textes savent que je suis sensible aux messages, petites morales et matières à réflexion issus des livres. Dans VIOLENCE À L’ORIGINE, les thèmes à réflexion ne manquent pas : la loi du Talion ou le principe du œil-pour-œil-dent-pour-dent et la tentation de se faire justice soi-même.

C’est inconcevable dans toutes sociétés civilisées mais ce problème encore fréquent de nos jours a toujours suscité réflexion et questionnements.

Il y a aussi matière à réflexion sur la violence faite aux femmes ainsi que sur les incroyables bassesses et perversités issues du trafic humain. N’ayons pas peur des mots, il s’agit de commerce sexuel et plus souvent qu’autrement avec des mineures. Ce trafic existe, même au Québec. Il n’y a rien de plus certain.

Enfin, une réflexion sur la manipulation et la violence, autant psychologique que physique, phénomène que l’auteur semble définir comme atavique, donc très tenace. Cette réflexion est distinctement exprimée dans le récit :

*On porte tous en nous la capacité de détruire et de tuer. On a tous un potentiel de violence à l’origine…ce qu’on appelle le mal est en chacun de nous. Et le seul rempart entre le chaos et la paix sociale, c’est la société qui, avec ses lois et ses règles nous permet de vivre dans une relative harmonie. Mais, parfois, des individus déviants se glissent dans les mailles du filet* (Extrait) on comprend mieux le titre maintenant.

Excellent bouquin. Beaucoup d’action et de rebondissements, une intrigue solide, le développement est impressionnant et la finale est superbe, bien imaginée, peu prévisible et elle laisse croire à une suite possible même si le livre dans son ensemble donne l’impression de la fin d’un cycle. Enfin, bien que plutôt noir, le roman ne manque pas de sensibilité. Du grand Michaud je dois dire.

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité.

Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard qui récidive dans VIOLENCE À L’ORIGINE. Son œuvre lui vaut de prestigieux prix littéraires.

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez le site internet michaudmartin.com Je vous invite également à lire mon commentaire sur LA CHORALE DU DIABLE, de Martin Michaud, publié sur ce site en août 2015.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 12 août 2018

LE CYCLE DU GRAAL, l’octalogie de JEAN MARKALE

1)    La naissance du roi Arthur
2)    Les chevaliers de la Table Ronde
3)    Lancelot du Lac
4)    La fée Morgane
5)    Gauvain et les chemins d’Avalon
6)    Perceval le Gallois
7)    Galaad et le roi Pêcheur
8)    La mort du roi Arthur

*…et tous deux s’affrontèrent de toute la force de leurs
chevaux. Bientôt, Gauvain fit vider les étriers à son
adversaire, et sautant à bas de sa monture, il le
poursuivit l’épée à la  main. Il y mit toute sa rage, car
le tort et l’insulte qu’il venait de recevoir excitaient sa
haine…*

————————————————

*…et Lancelot se mit à genoux et, tout heureux de
savoir qu’il verrait bientôt Galaad, conjura
ardemment Dieu de le conduire, et de lui
permettre…d’approcher les grands mystères du
Saint Graal.*
(Premier extrait : LE CYCLE DU GRAAL, tome 2, LES
CHEVALIERS DE LA TABLE RONDE, deuxième extrait :
LE CYCLE DU GRAAL, tome 7, GALAAD ET LE ROI
PÊCHEUR.
LE CYCLE DU GRAAL, Jean Markale, Éditions Pygmalion,
Gérard Watelet à Paris.
1992 à 1996, 2230 pages, édition numérique)

Mettant de côté les traductions et adaptations des textes médiévaux, Jean Markale s’est octroyé une mission à la fois difficile et fantastique : réécrire dans un style moderne les grandes légendes arthuriennes apparaissant dans les manuscrits du XIe au XVe siècle, autant les textes les plus connus que ceux demeurés dans l’ombre pour des raisons qui se perdent dans la nuit des temps.

Markale s’est fait fort de garder l’esprit de la légende pour rapporter dans un langage contemporain toute la beauté des récits de la Table Ronde. Ce travail colossal a donné LE CYCLE DU GRAAL en huit tomes…une œuvre gigantesque dont le but est simple : *redire avec le langage d’aujourd’hui ce qui constitue le plus merveilleux et le plus essentiel de la tradition européenne dans ses sources vives* (Extrait : introduction au CYCLE DU GRAAL, Poul Fétan, 1992)

Les légendes arthuriennes
au goût du jour
*Ah! Dit Arthur, Excalibur, ma bonne, ma précieuse
épée…tu vas perdre ton maître! …Puis il dit à
Girflet –Monte sur cette colline qui est derrière
nous. D’en haut, tu apercevras un lac. Va
jusque-là et jettes-y mon épée, car je ne veux
pas qu’elle demeure en ce royaume*
(Extrait : LE CYCLE DU GRAAL, Tome 8
LA MORT DU ROI ARTHUR)

Au milieu des années 70, je me rappelle avoir entrepris la lecture des LÉGENDES ARTHURIENNES…toute une série de vieux textes écrits en prose française du 13e siècle à partir de récits médiévaux traduits de l’anglais, du gallois, de l’islandais et de l’allemand entre autres.

La plume étant d’une lourdeur pénible, essentiellement compréhensible et accessible pour des spécialistes, j’ai abandonné la lecture (pour une des rares fois de ma vie). Je me suis promis d’y revenir plus tard sans grande sincérité.

Ce *plus tard* est venu au début des années 90 alors que Jean Markale, un spécialiste de l’histoire celtique entreprit la publication de son octalogie LE CYCLE DU GRAAL sur laquelle il a travaillé pendant presque toute sa vie active d’écrivain, soit près de 40 ans. Je me demandais si la vieille expression consacrée *plus ça change plus c’est pareil* s’appliquait. Aussi, j’entrepris une petite recherche.

J’ai vite compris l’objectif de Markale. Il ne s’agissait pas de livrer une nouvelle traduction des textes, mais plutôt de faire une réécriture de ces textes dans un français contemporain fluide, accessible et rassemblés dans une suite logique de récits qui se lisent un peu comme un roman, tout en respectant l’esprit des Légendes Arthuriennes.

Il y a plus. Les récits mettent en perspective les aspects romanesques du Moyen Âge en général et de l’histoire celtique en particulier. C’est ainsi que dans les années 90, je fis la lecture complète de l’octalogie et plus récemment, en 2016, je fis une relecture de l’œuvre afin de vous en parler ici. Je me suis tout simplement régalé.

Tout y est : chevalerie, enchantement, mystère, magie, érotisme, violence, religion et bien sûr les personnages qui ont, tôt ou tard marqué notre adolescence et ou notre enfance, ne serait-ce que par les multiples adaptations télévisuelles et cinématographiques réalisées à ce jour : Le roi Arthur, Lancelot-du-Lac, Merlin, la Fée Morgane, la Dame du Lac, Perceval, Galaad…

Il faut prendre chaque tome de l’octalogie pour ce qu’il est : une suite de récits…mais une suite cohérente, logique, écrite dans un français d’une remarquable limpidité. La tâche de Markale a été colossale : rien de moins que livrer aux amateurs de légendes et de récits fantastiques une des plus belles fresques de la littérature.

Est-ce que Jean Markale a été d’une rigueur parfaite dans l’écriture du CYCLE DU GRAAL eu égard aux textes originaux? Je ne peux pas vraiment l’affirmer car je n’ai pas de comparatifs. Je sais que les critiques sont assez mitigées. Mais, moi, j’ai vu dans la progression de l’œuvre une logique sans faille et éclairante sur la quête du graal, quête sur laquelle l’humanité s’interroge toujours d’ailleurs…

En ce qui me concerne, LE CYCLE DU GRAAL, c’est plus de 2200 pages de pur régal…une grande épopée racontée simplement dans un style littéraire accessible, confinant parfois à la poésie. C’est avec enthousiasme que je recommande LE CYCLE DU GRAAL de Jean Markale.

Quelques symboles clés du Cycle :

LA TABLE RONDE fut dressée à Camelot, la cour du roi Arthur, après que Merlin l’enchanteur eut révélé son souhait, voire la nécessité de réunir les Chevaliers les plus courageux pour entreprendre la quête du graal. Cette quête ne prendrait fin que lorsque le Graal, la coupe sacrée sera définitivement installée sur la Table Ronde. Ainsi, les Chevaliers de la légendaire Table Ronde devaient jurer fidélité et à leur roi, et au Graal. C’est le fils de Lancelot, Galaad qui remportera cette quête sacrée.

EXCALIBUR est l’épée magique légendaire du roi Arthur. Plusieurs versions des légendes arthuriennes disent que l’épée du rocher et Excalibur sont deux épées distinctes. Mais ce qui est sûr, c’est qu’Arthur fut le seul à pouvoir retirer l’épée du roc, prouvant ainsi son lignage. Il fut  ainsi sacré Roi et présida ensuite à l’édification de la Table Ronde.

LE GRAAL est le but ultime de la quête des Chevaliers de la Table Ronde. Il s’agit de la Coupe utilisée par Jésus-Christ et ses apôtres lors de la dernière Cène. La Coupe Sacrée revient aussi dans de nombreuses autres époques. Selon la légende, c’est Joseph d’Arimathie qui aurait introduit la précieuse Coupe en Grande Bretagne. Dans les légendes arthuriennes, la recherche du Graal donnera lieu à de nombreuses prouesses jusqu’au triomphe de Galaad qui clôturera les temps aventureux.
Peinture de William Morris réalisée en 1890 représentant Bohort, Perceval et Galaad découvrant le Graal.
(Source : Wikipédia)

Jean Markale (1928-2008) était un écrivain, conteur, poète et conférencier français. Dès son enfance, il a développé une véritable passion pour la culture celtique. Il commence sa carrière comme professeur et parallèlement, il entreprend d’étudier le cycle arthurien et de le raconter. Il a fini par quitter l’enseignement pour se vouer entièrement à son œuvre, se spécialisant ainsi dans l’histoire celtique et la culture bretonne.

Ses premiers ouvrages étaient destinés aux érudits, mais il a vite compris que pour élargir l’auditoire, il fallait vulgariser la mythologie, ce qu’il a fait entre autres avec les légendes arthuriennes devenues LE CYCLE DU GRAAL.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 5 août 2018

LA BRIGADE DES LOUPS, de Lilian Peschet

*Y a comme une bête en nous. Chez les hommes normaux, elle existe aussi, suffit de voir combien de meurtres sont commis chaque jour. Mais chez nous, cette bête, elle est différente : elle est plus sauvage, plus…sanguinaire. C’est comme un monstre. Les médecins disent que nous sommes des malades, que nous sommes atteints d’une altération génétique qui fait de nous ce que nous sommes.* (Extrait : LA BRIGADE DES LOUPS, Lilian Peschet, Éditions Voy’el 2013, Collection E-court, numérique, 278 pages)

Dans un futur pas si lointain, une épidémie de lycanthropie sévit en Europe. L’action de ce récit se déroule à Bucarest en Roumanie, un des rares pays où les Lupins ont le droit de vivre en société à certaines conditions et non sans souffrir d’une cruelle discrimination. Pour enquêter sur les crimes lupins, des unités de police spéciales ont été créées, essentiellement composées de lupins. Ces unités ont pour nom LA BRIGADE DES LOUPS. Dans ce tome, qui est le premier de la série, des jeunes lupins commettent des crimes sordides qui enflamment l’opinion publique. 

LE BOULOT DES LIMIERS LUPINS
*Naresin me séquestrait depuis quinze ans. Il m’a
forcée…il m’a torturée…il voulait une meute, sa
meute…Mais la meute, c’est la mienne. Ils sont à
moi, tous…Alors quand il leur a demandé de tuer
le médecin, ils y sont allés…après ils l’ont retrouvé,
et ils l’ont tué.
(Extrait : LA BRIGADE DES LOUPS)

LYCANTHROPIE : Métamorphose d’un homme en loup-garou

AUX FINS DU RÉCIT
LUPUS : Virus qui déclenche la lycanthropie
LUPIN : Porteur du lupus

LA BRIGADE DES LOUPS est une nouvelle. C’est avant tout une histoire policière mais elle a un caractère fantastique. Les évènements se déroulent en Roumanie, un état d’Europe Centrale qui a décidé de reconnaître la lycanthropie comme une maladie officielle, à déclaration obligatoire.

Les porteurs sont tolérés quoique mis au ban de la société et faisant l’objet d’une forte discrimination. Pour enquêter sur des crimes qu’on soupçonne être commis par des lupins, on fait intervenir une brigade composée essentiellement de lupins. On l’appelle LA BRIGADE DES LOUPS.

J’ai trouvé ce récit assez percutant, voire instructif dans une certaine mesure. En effet, il pousse un peu à l’introspection car il n’est pas sans nous rappeler le traitement réservé aux personnes atteintes du sida dans les premières années suivant l’identification du virus ainsi que la discrimination raciale qui entache depuis toujours l’histoire de l’humanité.

Il y a aussi beaucoup d’autres tares en cause comme les menaces d’éradication, les manipulations génétiques douteuses, la vieillesse pour ne nommer que celles-là. Donc la petite leçon qu’on peut tirer de ce récit en est une de tolérance.

Une autre force du récit est son caractère descriptif entourant la lycanthropie comme telle. *Ce mec, quand il est sous sa forme monstrueuse, il est différent. Il vibre. Il vit vraiment. C’est bizarre, parce que nous, c’est l’inverse, on est éteints.* (Extrait : LA BRIGADE DES LOUPS)

La métamorphose et la psychologie des lupins sont détaillées avec recherche et efficacité. Donc, le thème central est très bien développé. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant des thèmes collatéraux. Ce qui m’amène à parler de la principale faiblesse du récit.

L’histoire est développée beaucoup trop vite. C’est narré à toute vitesse avec comme conséquence que plusieurs grands thèmes ont été escamotés. J’aurais en effet beaucoup apprécié en savoir davantage sur la politique du gouvernement relative aux lupins, les tentatives d’encadrement social, l’environnement, l’historique du virus.

Il aurait aussi été intéressant d’en savoir plus sur la Roumanie, pays qui abrite entre autres la Transylvanie, connue pour sa mythologie entourant Dracula. S’en tenir au strict minimum a un petit côté frustrant et donne souvent une narration superficielle. En fait, il y avait matière à roman.

Je sais bien. LA BRIGADE DES LOUPS est une nouvelle et qu’une nouvelle se bâtit sur l’idée de départ de couper court. Mais ici, je crois qu’une meilleure recherche de l’équilibre aurait grandement enrichi le récit. Mai pour ceux qui aiment passer directement au vif du sujet, l’histoire est concise, on s’y accroche assez rapidement car elle comporte beaucoup d’action et la finale prépare adéquatement à la suite. À vous de découvrir si ça vaut la peine de continuer.

Lilian Peschet est un écrivain français. Il est passionné d’internet et de technologie. Il adore aussi les jeux de rôle et les jeux de figurines. Son thème privilégié est l’adolescence. Il s’intéresse aussi beaucoup aux fondements de la violence. L’auteur, que plusieurs perçoivent comme un peu excentrique déclare, dans la présentation qu’il fait de lui-même : *Si tous ces thèmes ne te parlent pas, inutile de t’attarder. Passe ton chemin. Sinon, prend tes aises. On va passer un sale bon moment.*

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 29 juillet 2018

L’HEURE DE L’ANGE, livre d’ANNE RICE

*De douces mélodies se mêlaient, mais une sombre urgence pulsait au-dessous. De nouveau, la musique enfla. Les cuivres s’élevèrent, dessinant une forme effrayante.
Soudain, toute la composition sembla remplie de menace, figurant le prélude et l’expression de la vie qu’il avait menée.*
(Extrait : L’HEURE DE L’ANGE, Anne Rice, t.f. Éditions Michel Lafon, 2010, édition de papier, 275 pages)

Après un contrat particulièrement éprouvant, Lucky, un tueur professionnel, est abordé par un mystérieux inconnu appelé Malchia qui prétend être l’Ange gardien de Lucky. C’est d’autant plus étrange que Malchia dit tout savoir de Lucky et il dispose de toute évidence d’un stupéfiant pouvoir. Or Malchia fait à Lucky une offre étonnante : il lui propose de racheter ses crimes en sauvant des vies plutôt que de les prendre. Poussé par la curiosité, Lucky accepte et se retrouve au Moyen-Âge où il doit aider une famille juive accusée de meurtres rituels. est-ce une chance de rédemption pour lui ou un innommable cauchemar ??

Le messager de Dieu et le tueur
*Une voix en moi me soufflait qu’un sain désir
de surmonter l’épreuve qui nous attendait
l’aurait mieux servi que la candeur avec
laquelle il se précipitait vers le sort que le
destin nous réservait.*
(Extrait)

J’ai trouvé ce livre intéressant à certains égards mais il ne m’a pas particulièrement emballé. C’est ma première incursion dans l’univers d’Anne Rice et le fait que je n’aie pas commencé par son best-seller ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE était voulu. Je voulais lire un *Anne Rice* qui n’était pas submergé par la critique et la publicité.

Ici, le fil conducteur est simple : un tueur à gage se voit offrir par un ange de racheter ses crimes en acceptant d’être plongé au Moyen-Âge afin d’aider une famille juive accusée de meurtres rituels et de les sauver d’une mort certaine et injuste.

Bien que le livre n’est pas divisé en parties, j’en ai tout de même distingué quatre : 1) après son dernier meurtre, Lucky est approché par Malchiah, un ange qui lui propose un étrange marché.

Cet ange est ce que l’on appelle un Séraphin, classé par la tradition chrétienne dans la première hiérarchie des anges. 2) Malchiah fait revivre à Lucky le fil de sa vie. 3) Lucky remonte le temps jusqu’au Moyen-Âge pour remplir une mission qu’il accepte. 4) Après sa mission, Lucky revient dans le temps présent avec un avenir bien défini.

C’est une histoire un peu étrange à forte connotation religieuse et développée autour du thème de l’existence des anges. C’est une histoire de rédemption bâtie à la va-vite. Par exemple, j’ai trouvé plutôt simple la façon avec laquelle un tueur froid, dépourvu d’empathie et de sentiments décide de suivre comme ça un ange, dans l’espérance d’une rédemption.

J’ai eu de la difficulté à m’accrocher au récit, l’introduction étant longue et le nœud de l’histoire tardif. Dans ce livre, peu stimulant sur le plan littéraire, il n’y a pas vraiment d’action, pas d’intrigue.

Toutefois, je dirais que l’ensemble est sauvé par le passage de Lucky, devenu Frère Toby au Moyen Âge, plus précisément en l’an 1257 pour aider et sauver une famille juive accusée injustement du meurtre d’une petite fille qui en réalité est morte d’une maladie fulgurante.

Dans ce passage de 125 pages, plus dense et dramatique, l’auteure fait évoluer son personnage principal dans le contexte de relations extrêmement difficiles entre les Chrétiens et les Juifs. La haine dont les Juifs font les frais y est très bien décrite mais l’auteure a eu la sagesse de ne prendre aucun parti, décrivant aussi bien les travers de la juiverie que ceux de la chrétienté.

Ce passage m’a fait passer par une certaine gamme d’émotions, même si j’ai eu un peu de difficulté avec la crédibilité du personnage principal. Une fois la mission accomplie, suit le retour de Toby à son époque. Je dois dire que la finale est plutôt prévisible et très ordinaire.

À savoir maintenant si vous allez aimer ce livre. C’est bien possible que oui, si vous n’avez pas d’attentes particulières d’Anne Rice. On sait que cette auteure aime mêler les époques et conserve un style résolument baroque. Ici, elle nous entraîne dans l’Univers des anges gardiens, de leurs pouvoirs et des relations étranges et particulières qu’ils entretiennent avec les humains.

Le sujet est assez original parce que peu développé en littérature, du moins sous la forme de roman et actuel si on tient compte du fait que beaucoup de personnes croient à l’existence des anges et plus spécifiquement de l’ange gardien.

Il est intéressant de suivre la transformation de Toby et le rôle que joue Malchiah. L’ensemble manque de profondeur mais la plume est fluide et le tout se lit assez bien.

Anne Rice est une auteure américaine née en Louisiane le 4 octobre 1941, spécialisée dans la littérature fantastique. Plongée dans un profond désespoir suite à la mort de sa fille qui n’avait alors que 6 ans, Anne Rice s’est mise à l’écriture. Son tout premier livre ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE est considéré par plusieurs critiques comme un des plus grands succès de la littérature américaine contemporaine. Forte de son succès, elle s’est installée dans la maison de ses rêves en Nouvelle-Orléans, qu’elle décrit parfaitement dans le premier tome de chroniques de sorcières LA MAISON DES MAYFAIR.  

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 28 juillet 2018

IL ÉTAIT CAPITAINE, livre de BERTRAND SOLET,

*Dites à la France que je suis
innocent! Je le jure! Sur la
tête de ma femme et de mes
enfants!
(Extrait : IL ÉTAIT UN CAPITAINE,
Bertrand Solet, Pierre-Marie Valat,
Hachette livre, 1993, 2002, num.
305 pages, livre de poche jeunesse)

IL ÉTAIT UN CAPITAINE raconte l’histoire de Maxime Dumas, un jeune journaliste issu d’une famille juive et follement épris de sa cousine. Les parents de la belle refusant obstinément l’entrée d’un demi-juif dans la famille, s’organisent avec la direction du journal de Maxime pour envoyer ce dernier le plus loin possible. C’est ainsi que le jeune homme se retrouvera à Madagascar pour couvrir entre autres les activités de l’armée française.

C’est là que le jeune Maxime, journaliste fortement engagé et politisé, s’intéressera de près à l’affaire Dreyfus qui a accablé la France à la fin du XIXe siècle, le jeune capitaine ayant été reconnu coupable d’espionnage sur des preuves totalement falsifiées. Ce livre est devenu un classique de la littérature-jeunesse.

Avant-propos
L’affaire Dreyfus :

En septembre 1894, les services de renseignements interceptent un bordereau destiné à l’ambassade d’Allemagne, preuve de trahison certaine d’un officier français. Un vague ressemblance d’écriture conduit à désigner comme coupable le Capitaine Alfred Dreyfus qui est juif. Après un procès fabriqué de toute pièce, Dreyfus est dégradé et condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Au cours de l’année 1895, le vrai coupable, le Commandant Esterhazy est démasqué. Il est jugé et, malgré les preuves accablantes de sa culpabilité, il est acquitté.

L’affaire soulève les passions et éclate au grand jour après que l’écrivain Émile Zola ait publié dans le journal l’Aurore une lettre ouverte au Président de la République, le fameux J’ACCUSE. Des journalistes comme Georges Clemenceau, des écrivains comme Charles Péguy, Anatole France et surtout Émile Zola prennent la défense de Dreyfus.

D’autres mènent une campagne extrêmement violente contre Dreyfus qui, compte tenu du contexte antisémite et nationaliste, fournit un coupable idéal, puisque juif et alsacien (l’Alsace appartient à l’Allemagne depuis la fin de la guerre de 1870).

L’affaire passionne et déchire les milieux intellectuels surtout. Cependant de nouvelles révélations et le suicide de l’un des officiers les plus acharnés à la perte de Dreyfus (le Lieutenant-colonel Henry) conduisent à l’annulation du procès.

Dreyfus est renvoyé devant le Conseil de Guerre de Rennes qui le déclare coupable et le condamne à dix ans de détention. Afin de calmer les esprits, dix jours après cette seconde condamnation, le Président de la République, Émile Loubet, accorde sa grâce pour « raison de santé ».

Ce n’est pas la reconnaissance de l’innocence de Dreyfus, mais c’est la possibilité qui lui est donnée de continuer à se battre pour sa réhabilitation.

Le 5 mars 1904, la cour de cassation, à la suite de la découverte de faux introduits dans le dossier, déclare recevable la nouvelle demande de révision du procès. Le 12 juillet 1906, cassation du verdict du Conseil de Guerre de Rennes, et le lendemain, vote par le Parlement d’une loi réintégrant Dreyfus dans l’armée.

Le 21 juillet 1906, soit douze ans après sa condamnation, Dreyfus reçoit la Légion d’Honneur avec le grade de Commandant. (Résumé d’après crdp-montpellier.fr)

Le choc de la honte
*Et puis, le commandant Henry vint déposer,
lourd et grave. De toute son autorité, il
désigna Dreyfus d’un doigt accusateur.
-Je sais de source sûre qu’il y a un traître
dans les bureaux du ministère de la guerre.
Et le voici. Dreyfus bondit de son banc.
-Si quelqu’un m’accuse, dites son nom et
qu’il comparaisse!… Henry se redressa et
eut un mot historique : -Il y a, dans la tête
d’un officier, des secrets que même son
képi doit ignorer.*
(Extrait : IL ÉTAIT UN CAPITAINE)

Ce livre m’a ébranlé car dans ma grande naïveté, je n’étais pas certain qu’on pouvait pousser la bêtise aussi loin. Si le récit m’a fait passer par toute une gamme d’émotions, dont celle d’être choqué, j’en déduis que l’auteur a trouvé le ton juste. Sa plume est claire, directe et efficace.

Mais entendons-nous! Solet a résumé l’Affaire Dreyfus dans un roman destiné à la jeunesse. Par la voie du journaliste Maxime, il explique cette affaire de la façon la plus simple en ne s’étendant pas trop sur le contexte social de l’époque, l’instabilité politique et les épreuves que la turbulente troisième république française est appelée à subir.

Plusieurs volumes ont été écrits sur l’affaire Dreyfus, cette tache indélébile dans l’histoire de la France, mais pour les ados et les jeunes adultes, il y a tout ce qu’il faut dans IL ÉTAIT UN CAPITAINE pour comprendre non seulement l’Affaire Dreyfus, mais aussi toute la portée sociale et politique d’un tel scandale.

*Mesdames, messieurs…, s’interposa un rédacteur du Figaro. Il est temps de comprendre que Dreyfus n’est qu’un prétexte. La bataille engagée sur son nom dépasse depuis longtemps sa modeste personne. En vérité, il s’agit d’un problème politique.*(Extrait)

Ce ne sont pas les problèmes politiques qui manquent dans l’histoire de la France, mais celui-ci concerne l’antisémitisme qui prend racine dans une France qui s’achemine allègrement vers la première guerre mondiale pendant que le jeune Adolph Hitler commence à prendre de l’assurance, ce qui, comme on le sait, ne contribuera en rien à alléger le fardeau des juifs…peu importe le problème ou le crime dans ce contexte, les juifs font des coupables idéaux…

Dreyfus, placé dans l’histoire au mauvais moment et au mauvais endroit fut donc la victime de ce contexte, de la crasse politique et militaire, de l’incroyable incompétence d’officiers militaires supérieurs qui ne songent qu’au pouvoir

*Des officiers supérieurs se préparaient ouvertement pour le *grand jour*, celui où ils renverseraient la *gueuse*, autrement dit : la République. L’affaire Dreyfus n’était plus qu’un prétexte, un alibi pour prendre le pouvoir.*(extrait)

Dans l’ensemble, c’est un bon livre. Il résume assez bien l’Affaire Dreyfus, donc il est accessible particulièrement pour les jeunes qui aiment s’en tenir à l’essentiel et qui apprécient peu, en général, les longueurs. Le seul reproche que je pourrais faire ici est que l’auteur n’a pas suffisamment tenu compte de la présence et du rôle du célèbre écrivain Émile Zola dans cette affaire.

En effet, Zola a tout compris dès le début et a pris la défense de Dreyfus. On aura vu là, écrivait Zola, le plus extraordinaire ensemble d’attentats contre la vérité et contre la justice…*(extrait)

Son intervention lui a valu un procès. Dommage que son intervention et son influence d’écrivain n’ait pas été mieux développées dans IL ÉTAIT UNE FOIS UN CAPITAINE. Je recommande tout de même ce livre. Il n’est pas d’une grande profondeur, n’entre pas trop dans les détails mais il touche à l’essentiel.

Bertrand Solet est un écrivain français né en 1933 à Paris. Il s’est spécialisé en littérature jeunesse. Son vrai nom est Bertrand Soletchnik. Il a commencé à dévorer les livres pendant un long et douloureux épisode de poliomyélite. couvant lentement une carrière d’auteur. L’écriture est vite devenue une passion, en particulier les livres historiques et les romans d’actualité écrits spécialement pour les jeunes. Son œuvre (réunissant plus d’une centaine de titres) a été couronnée de nombreux prix prestigieux dont le prix Amerigo-Vespucci.

Comme on le sait, l’Affaire Dreyfus a été abondamment évoquée dans la littérature. Au cinéma, l’Affaire Dreyfus a fait l’objet d’un premier film en 1899, muet bien sûr. Puis, il y a eu le film L’AFFAIRE DREYFUS du réalisateur José Ferrer dont est extraite la photo ci-haut. Je citerai enfin le téléfilm réalisé par Yves Boisset en 1995.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
JANVIER 2016

LE MOINE, livre de MATHEW GREGORY-LEWIS

*Ses crimes ont été grands; et quand vous saurez la
cause de sa mort, don Lorenzo, vous vous féliciterez
que cette malheureuse n’existe plus. Elle est tombée
malade jeudi dernier après avoir été à confesse dans
la chapelle des Capucins : sa maladie était
accompagnée d’étranges symptômes…*
(Extrait : LE MOINE, Mathew Gregory Lewis, Creatives
Commons BY-SA, édition originale : 1796, LIBRE DE DROIT
édition numérique, bibebook, 550 pages)

Ambrosio, un moine prieur apparemment irréprochable, bénéficie d’une grande crédibilité dans sa région. Tout ce qu’il fait est dicté par la foi. Il semble campé sur le chemin de la sainteté jusqu’à ce qu’un mystérieux personnage s’installe au monastère : Rosario. Dès le moment où Ambrosio se lie d’amitié avec Rosario, sa vie bascule,  tiraillé entre son idéal vertueux et une forte attirance pour la chair, car une femme est dans le décor. Le Moine qui pourfendait le mal l’attire maintenant à lui. Il tombe dans la luxure et devient un monstre qui tue, viole et sombre dans la déchéance, se montre sous son vrai jour… pervers…

AVANT-PROPOS :
LA LITTÉRATURE GOTHIQUE
La littérature gothique est un genre littéraire d’origine anglaise qui a fait son apparition en 1764 avec l’œuvre d’Horace Walpole LE CHÂTEAU D’OTTRANTE. Les romans gothiques sont généralement noirs, terrifiants, et se distinguent par des éléments surnaturels et moraux. Ils mettent en perspective la force du mal à l’état brut, la cruauté et la misère. Dans la logique d’un roman gothique, il y a un engouement pour le sentimental, le macabre et l’irrationnel. L’influence du genre gothique sera non-négligeable dans l’évolution de la littérature et donnera naissance au genre fantastique au milieu du XIXe siècle.

LE PRÉFÉRÉ DE SADE
*Il se laissa aller et plaqua ses lèvres sur celles
qui les cherchaient. Ses baisers rivalisèrent
d’ardeur et de fougue avec ceux de son amante;
il l’étreignit de toute son âme et laissa sourdre
vers elle le flux montant de ses désirs. Il n’y eut
ni vœux, ni sacrements, ni honneur, il n’y eut
plus que la volupté de l’heure.
(Extrait : LE MOINE)

C’est en parcourant LES 1001 LIVRES QU’IL FAUT AVOIR LUS DANS SA VIE publié chez Trécarré sous la direction de Peter Boxall et dont j’ai déjà parlé sur ce site que m’est venue l’idée de faire l’essai de la littérature gothique. J’ai donc opté pour un roman-phare dans le genre gothique : LE MOINE De Matthew Gregory Lewis.

C’est un roman très noir à l’allure subversive, un récit glaçant qui prend son origine d’un monastère dans lequel s’infiltre un envoyé du diable. À partir du moment où le diable, incarné dans une femme se dévoile, le récit sombre dans une alternance de surnaturel et de dépravation.

LE MOINE, c’est Ambrosio, un homme adulé, vertueux jusqu’au puritanisme qui cache un profil de frustré refoulé et sous l’influence de Mathilde sombrera très vite dans les pires excès de cruauté et de perversion. Le rigoriste vêtu du voile de la vertu et de la pureté devient rien de moins qu’un monstre de décadence et de déchéance.

Lors de sa première parution en 1796, ce livre a longtemps été considéré comme immoral et interdit dans plusieurs milieux. Mais c’était compter sans les mœurs de l’époque et sans compter sur la redoutable influence de l’Église en général et de l’inquisition en particulier d’autant que l’Église était pointée du doigt comme cachant dans son voile le vice et l’hypocrisie.

Si Lewis était peu regardant des mœurs de son époque, il était par contre très conforme au style contemporain, avec la complicité des traducteurs bien sûr : un français haut perché, déclamé, presque théâtral qui transpire l’extravagance mais qui donne à l’ensemble un caractère extrêmement visuel qui englouti le lecteur.

Plusieurs lecteurs ne pourront s’empêcher de comparer Lewis au marquis de Sade. Moi je l’ai fait et pour LE MOINE tout au moins, j’ai trouvé Lewis beaucoup plus raffiné. Il y a dans son texte plus de profondeur, plus de recherche et une meilleure gradation, plus d’intensité aussi car l’atmosphère glauque et le non-dit m’ont peut-être davantage ébranlé que l’innommable perversité du Moine.

J’ai trouvé le récit dur, très noir mais passionnant. Il est complexe aussi car il raconte deux histoires parallèles. Elles finissent par converger mais ça demande un minimum de concentration. Je crois que c’est la grande fluidité de la plume de Lewis qui m’a gardé captif. Le livre développe au-delà de toutes mes espérances la corruption la plus outrancière induite par le pouvoir.

Enfin, je peux comprendre pourquoi ce livre est devenu le préféré du Marquis de Sade. Ce que je comprends moins, c’est que Lewis a écrit LE MOINE essentiellement pour divertir sa mère. Là-dessus, je dois admettre que je m’interroge toujours…

LE MOINE est un véritable cocktail explosif, rien de moins…et il garde toute son actualité

Mathew G. Lewis (1775-1818) était un romancier dramaturge anglais. Il a fait ses études en vue d’une carrière diplomatique et devient attaché à l’ambassade britannique de La Haye en 1794. Il n’y restera que quelques mois et c’est dans cette période qu’il écrira, en dix semaines, son roman LE MOINE, publié l’année suivante. Le succès est immédiat mais a une aura de scandale au point que Lewis publiera une 2eédition épurée des passages les plus décadents, ce qui ne changera pas grand-chose.  Pendant un voyage en Jamaïque, il contracte une fièvre et en mourra.

LE MOINE AU CINÉMA

Dominik Moll a adapté le livre de Lewis LE MOINE au cinéma dans un film sorti en 2011 et réunissant à l’écran Vincent Cassel, Déborah François et Joséphine Japy. Plusieurs critiques ont considéré que la perdition sexuelle l’a emporté sur la qualité du scénario mais tous s’entendent sur l’excellente prestation de Vincent Cassel.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 24 juin 2018

LE LIVRE QUI REND DINGUE, de FRÉDÉRIC MARS

*Elle a souri, rougi un peu, ouvert son exemplaire
comme si elle allait lire des trucs cochons. Je ne
sais pas si ça l’était, mais ça a dû être lumineux,
car elle a souri plus largement encore.*
(Extrait : LE LIVRE QUI REND DINGUE, Frédéric Mars,
Storylab éditions, 2012, numérique)

Le livre très attendu d’un auteur émergent connaît un succès foudroyant qui dépasse la compréhension des milieux littéraires. Dès sa sortie, les librairies sont envahies. Tout le monde s’arrache le précieux volume déjà nominé pour l’obtention de nombreuses citations, récompenses et prix littéraires. C’est le plus grand best-seller de tous les temps. Le livre raz-de-marée. En quelques semaines, il se vend à des centaines de millions d’exemplaires, le monde entier est subjugué. Mais bientôt d’étranges phénomènes frappent les lecteurs…

La théorie du bon lecteur
*Je suis l’auteur d’un texte dangereux. Vous qui
me lisez, vous qui, dans le monde entier, avez
pris plaisir à la lecture de mon livre, je vous en
remercie. Très sincèrement. Mais je vous demande
aujourd’hui, solennellement, de le détruire sans
plus attendre.*
(Extrait : LE LIVRE QUI REND DINGUE)

C’est un livre un peu étrange, au sujet intriguant et très original. C’est aussi un roman très court, tout à fait en accord avec la mission que s’est donné Story Lab de ne publier que des livres qui se lisent en moins de 90 minutes, en format numérique. En quelques mots LE LIVRE QUI REND DINGUE est l’histoire d’un auteur qui gère mal le succès phénoménal de son livre.

Il m’a fallu un peu de temps pour m’accrocher au sujet. Je ne savais pas trop où voulait en venir Mars jusqu’à ce que je comprenne en fait que l’auteur voulait idéaliser le lien qui doit exister entre un auteur et les lecteurs comme si, d’une part chaque lecteur apporte ce qu’il a pour se retrouver dans ce qu’il lit et d’autre part l’auteur trouve la perfection absolue du ton juste pour s’adresser personnellement et directement à chaque lecteur.

*Il me semblait impossible d’adapter mon discours à de parfaits inconnus. Le paradoxe, c’est que mon livre le faisait pour moi, et que cela justement, compliquait tout. Auberge espagnole, il permettait la projection de tous les sentiments, toutes les croyances, tous les savoirs que le lecteur apportait avec lui*(extrait)

Mars se demande en fait si un roman peut créer ses lecteurs. J’aborde la question comme une utopie évidemment, d’ailleurs à la fin du récit, l’auteur déchante un peu et le lecteur peut alors comprendre un peu mieux la démarche de l’auteur. Mais il faut admettre qu’il y a de quoi réfléchir :

*Je ne m’étais encore jamais demandé ce qui pouvait bien se passer si mes lecteurs…comment dire…s’ils n’avaient rien à apporter? Ce que j’avais encore moins anticipé, c’est qu’ils seraient nombreux dans ce cas.* (extrait)

Tout au long de ma lecture, j’ai senti que Frédéric Mars tourne en dérision les différents intervenants dans la production d’un livre, les éditeurs en particulier et aussi, tout ce qui vient après la publication. On y trouve des remarques parfois acides sur, les libraires, les médias et même sur les critiques littéraires qui sont loin d’être encensés.

Mars établit même une distinction entre le bon et le mauvais lecteur : Il y a une thèse à écrire sur la méchanceté du lecteur attentif… (Extrait) Bref…dans ma longue carrière de lecteur, je ne me suis jamais demandé ce que je pouvais apporter à un livre.

Malgré toute son originalité, je ne peux pas dire que ce livre m’a emballé. Peut-être parce que je n’ai pas été accroché dès le départ et aussi parce que j’ai trouvé la finale un peu décevante. Le livre a tout de même des forces : il est bref, se lit bien, il interpelle.

Beaucoup trouveront l’histoire amusante et surtout son sujet est terriblement sorti des sentiers battus. Je pourrais coller au récit une petite étiquette philosophique mais l’auteur ne se prend pas au sérieux et pourrait même vous surprendre par son humour parfois décapant.

Dernière petite curiosité mais non la moindre, le livre dont il est question dans le récit de Frédéric Mars porte un titre imprononçable, il s’agit d’un point d’interrogation à l’envers et mieux encore…on ne saura jamais de quoi parle ce livre…Mars aura vraiment été original jusqu’au bout…

Frédéric Mars est un auteur et scénariste français né à Paris en 1968. Il a aussi été journaliste et photographe. Un de ses plus grands succès littéraires fut sans doute NON STOP publié en 2011. En plus de ses romans, Mars a publié une quarantaine d’essais et livres illustrés. Les différentes facettes de la personnalité et les limites de la conscience comptent parmi ses thèmes préférés, tendance qu’on retrouve dans LE LIVRE QUI REND DINGUE. Il a aussi écrit un roman -jeunesse : LES ÉCRIVEURS  en 2011.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 17 juin 2018

LE FACTEUR 119, le livre de LYDIE BAIZOT

*-Mon cerveau est humain, on peut donc dire que
je pense comme un humain. Est-ce leur cas? –C’est
difficile à dire…»…Ils possèdent 118 facteurs qui leur
inculquent un caractère, des envies, des goûts, des
devoirs…mais j’aime à croire qu’ils sont capables
de bien plus.*
(Extrait : LE FACTEUR 119, Lydie Baizot, Éditions Voy’(el)
2015, numérique, 425 pages)

Le professeur Ellyard McComb, un cybernéticien de génie met au point des intelligences artificielles humanoïdes. Un jour, tout à fait par hasard, le professeur découvre que ses I.A. ont été détournées de leur objectif initial grâce à l’ajout dans leur programmation d’un 119facteur. McComb ne tarde pas à comprendre que cette duperie, qui risque de mener tout un peuple à sa perte, est l’œuvre de son patron, Henri Havensborn, fourbe et sans scrupule. Le professeur devra prendre des risques périlleux pour contrer les sombres projets d’Havensborn à commencer par réveiller précocement des I.A.

DÉTOURNEMENT TECHNO
*Ellyard écoutait avec une émotion et une fierté indéniables
ses enfants parler entre eux. Une personnalité avait émergé
en chacun, bien au-delà des paramètres de base qu’il avait
lui-même choisis. Finalement, un réveil prématuré avait
peut-être été salutaire pour eux, dans le sens où l’ingénieur
avait l’impression que leur évolution était plus naturelle.
(Extrait : LE FACTEUR 119)

J’ai lu plusieurs livres et vu beaucoup de films avec comme sujet les Intelligences Artificielles y compris celles auxquelles on a fini par attribué certains sentiments et même certaines capacités essentiellement humaines comme pleurer par exemple. Donc le sujet n’est pas nouveau et bien que LE FACTEUR 119 n’échappe pas à un manque d’originalité, ce livre m’a envoûté.

Pourquoi? Difficile à expliquer parfois l’attachement à un livre…peut-être à cause de l’intensité de l’écriture, des I.A. qui sont terriblement attachantes dans le récit, à cause de la puissance des mots…pour moi, chaque livre a son aura et celle qui nous intéresse aujourd’hui est très forte. Voyons pourquoi :

L’histoire se déroule dans le futur et dans une galaxie lointaine dont les planètes sont politiquement réunies en confédération. Dans cet univers, deux civilisations en particulier s’opposent dans une guerre qui ne finit pas de finir : Les Loraniens et les Médroviens.

Sur Loranys, le professeur McComb a créé 10 intelligences artificielles, type humanoïde et comportant chacune 118 facteurs d’attitudes et de comportements. Or 6 d’entre elles sont sabotées par l’ajout d’un 119facteur qui les amène à prêter assistance à l’ennemi. Elles sont envoyées sur Médrovia.

Pour injecter les nanites susceptibles de neutraliser le facteur 119, le professeurs McComb réveille les quatre I.A. qui restent et qui deviendront les héros de cette histoire : Tyler, 16 ans d’apparence, le plus attachant de la petite compagnie, doté d’une vraie personnalité d’ado ayant de l’humour et de la réplique, bricoleur génial.

Puis, viennent William, 60 ans d’apparence, informaticien de première ligne, Ethan, 30 ans d’apparence, spécialiste en médecine et sciences associées et Gabrielle, 30 ans d’apparence, militaire et conceptrice d’armes.

Dans ce récit, il y a beaucoup d’action et de rebondissements, beaucoup d’imagination aussi dans la résolution d’intrigues et de problèmes générés par un conflit complexe et destructeur. Il y a aussi une belle place pour l’humour, grâce à Tyler en particulier.

Mais le véritable intérêt du livre vient de la nature même de ses héros : quatre I.A. tellement unies qu’on dirait qu’elles forment une famille. L’auteure les fait évoluer d’une façon subtile et c’est ainsi que le lecteur assiste pour chaque I.A. à l’émergence d’une personnalité forte et attachante, complètement étrangère aux paramètres habituels des I.A.

Ce livre n’est pas sans faire réfléchir sur les nouvelles technologies souvent détournées au profit du pouvoir alors qu’on sait très bien que ce n’est pas pour cela qu’elles ont été créées. Le livre évoque aussi le pouvoir de l’esprit de corps et d’équipe et d’une certaine façon l’éveil à la vie qui appelle à un combat pour l’équité et la justice.

La fluidité de la plume conjuguée à son intensité, une remarquable imagination, des personnages énergiques et attachants qu’on aimerait compter parmi nos amis et une action presqu’incessante font toute la richesse de ce livre de science-fiction que je classe à part car il a été le premier du genre à me faire vibrer depuis de nombreuses années.

Lydie Blaizot est une écrivaine française née à Cherbourg le 12 juillet 1973. Dès son plus jeune âge, elle développe une véritable passion pour la science-fiction, le fantasy, la littérature fantastique en général. À  30 ans, elle en deviendra une spécialiste alors qu’elle prend la plume et offre son premier roman : LA MAISON DE LONDRES, publiée en 2010. LE FACTEUR 119 sera publié l’année suivante.

 BONNE LECTURE
JAILU
Le dimanche 10 juin 2018

L’ÉCUME DES JOURS, le livre de BORIS VIAN

*Prenant son élan, sauvagement, il lui décocha
un formidable coup de patin sous le menton et
la tête du garçon alla se ficher sur une des
cheminées d’aération de la machinerie tandis
que Colin s’emparait de la clé, que le cadavre,
l’air absent, tenait encore à la main. Colin ouvrit
une cabine, y poussa le corps, cracha dessus et
bondit vers la 309.*

(Extrait : L’ÉCUME DES JOURS, Boris Vian, Société
nouvelle des Éditions Pauvert, 1979, 1996, 1998,
Livre de poche, édition de papier, 320 pages)

Deux histoires d’amour s’entrecroisent faisant se côtoyer le rêve et la réalité. Colin est un jeune rentier élégant qui épouse Chloé. Son ami Chick entretient une relation avec Alise. Tout irait pour le mieux si ce n’était de l’état de Chloé qui souffre d’une maladie qui lui dévore les poumons et de l’obsession qu’entretient Chick pour un philosophe. Le drame contamine graduellement la pureté et la légèreté qui s’annonce avec tant de fierté au début du récit. C’est une histoire farfelue qui rappelle un peu les liaisons passionnées entre éternels adolescent mais qui évoquent aussi les liaisons caricaturées par les structures sociales et les mentalités de l’époque.

LA CULTURE DE L’INCOHÉRENCE
*-Je ne tiens pas à travailler. Je n’aime pas ça.
-Personne n’a le droit de dire ça, dit le chef de
la production. Vous êtes renvoyé, ajouta-t-il.
-Je n’y pouvais rien, dit Chick. Qu’est-ce que
C’est que la justice? –Jamais entendu parler,
dit le chef de la production.*
(Extrait : L’ÉCUME DES JOURS)

Je n’ai jamais lu d’histoire d’amour. Ça ne m’a jamais vraiment attiré jusqu’à ce que, tout récemment, je décide d’en faire l’essai. Pour cette première, j’ai décidé de me tourner vers la littérature classique et pour ma plus grande satisfaction, je suis tombé sur un livre qui va au-delà de la simple histoire d’amour.

Personnellement, L’ÉCUME DES JOURS est une de mes plus belles découvertes. L’amour conditionnel (Alise et Chick) y côtoie l’amour inconditionnel (Colin et Chloé). Dans les deux cas, le destin est tragique. Boris Vian a imprégné cette œuvre magistrale d’une dualité qui confine à la tension dramatique, spécialement à la fin qui est tragique et inspire la colère..

Sur fond de poésie, l’ambiance glauque alterne de façon imprévisible avec une atmosphère de sensibilité et de légèreté. Comme je l’ai déjà dit, je ne suis pas un lecteur de roman d’amour mais j’ai tout de même compris qu’il n’y a rien de conventionnel dans le récit de Vian.

Ce qui m’a le plus fasciné dans ce roman, c’est l’incroyable variété des niveaux de langage qu’impose Boris Vian qui passe avec une facilité déconcertante du grossier au familier, jusqu’au langage haut perché.

Je mentionne aussi que le livre est truffé de jeux de mots et de signifiants, de fantaisies grammaticales et de néologisme à la Vian…c’est ainsi qu’un réfrigérateur devient un frigiploque, un peintre devient un peintureur, un pompier devient un pompeur, une sacristie devient une sacristoche.

On pourrait avoir l’impression que Vian cultive l’absurde sur les plans physiques et contextuels (des murs qui rétrécissent, une souris qui parle, Colin qui trouve un travail consistant à annoncer les malheurs 24 heures à l’avance…)

Ajoutons à cela l’omniprésence dans le récit du jazz, en particulier de Duke Ellington, de la gastronomie et de Jean-Sol Partre, qui vous l’avez compris, est un anagramme de Jean-Paul Sartre, le célèbre philosophe (1905-1980) que Vian a déjà rencontré d’ailleurs. Il faut voir aussi comment Jean-Sol Partre fait le malheur de Chick dans L’ÉCUME DES JOURS. C’est du grand art.

L’incroyable quantité d’invraisemblances qu’on trouve dans le texte donne à l’œuvre un puissant caractère surréaliste. Trop surréaliste…si je peux faire un tout petit reproche à Vian. On s’y perd un peu. Toutefois, l’onirisme qui imprègne le récit vient apporter un bel équilibre.

Donc, en entreprenant la lecture de L’ÉCUME DES JOURS, attendez-vous à pénétrer dans un monde surréaliste, voir surnaturel, teinté d’humour et où l’amour est malmené et pas seulement l’amour… j’ai senti que Vian prenait plaisir à tourner en dérision les structures sociales, la finance, la police et même la religion.

Il y a entre autres, vers la fin du récit, un dialogue entre Colin et un prêtre que vous risquez de trouver assez décapant. Ce petit côté moqueur m’a beaucoup plu, ainsi qu’un petit côté extravagant qui permet un peut tout, y compris amalgamer sinon mêler le réalisme et l’onirisme, l’amour impossible et l’amour vrai, la vie et la mort, le possible et l’impossible.

J’ai savouré L’ÉCUME DES JOURS. L’écriture est d’une beauté envoûtante, le style de Vian est puissant car il a ce pouvoir de faire rire et pleurer…bref de nous faire passer par toute une gamme d’émotions.

L’ÉCUME DES JOURS…à lire absolument et éventuellement à relire…

L’ÉCUME DES JOURS AU CINÉMA
La plus récente adaptation cinématographique a été réalisée par Michel Gondry d’après la scénarisation de Luc Bossi. On retrouve entre autres dans la distribution Audrey Tautou, Romain Duris, Gad Elmaleh et Omar Sy. Le film est sorti en avril 2013.

Homme aux multiples talents, véritable homme-orchestre, Boris Vian (1920-1959) a été écrivain, poète, parolier, chanteur, musicien, critique, conférencier, ingénieur, traducteur, acteur et peintre. Il a aussi produit des pièces de théâtre. Même en matière littéraire, Vian a été un vrai touche-à-tout, exploitant la poésie, la chronique, la nouvelle, le roman et même le documentaire.

C’est surtout sous le pseudonyme de VERNON SULLIVAN que Vian s’est fait connaître, publiant de nombreux romans dont J’IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES qui a fait scandale, qui a été censuré et qui lui a presque valu la prison. C’est d’ailleurs Lors de la projection privée du film tiré de son roman J’irai cracher sur vos tombes, que Boris Vian s’éteint brutalement. 

Il a aussi publié de nombreux autres ouvrages sous différents pseudonymes. L’oeuvre de Boris Vian n’a été vraiment reconnu qu’après sa mort, dans les années 60. L’ÉCUME DES JOURS en particulier est un chef d’œuvre devenu incontournable dans l’univers littéraire.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 3 juin 2018

HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, recueil d’EDGAR ALLAN POE

*Arrivés à une vaste pièce située sur le derrière, au quatrième étage, et dont on força la porte qui était fermée, avec la clef en dedans, ils se trouvèrent en face d’un spectacle qui frappa tous les assistants d’une terreur non moins grande que leur étonnement* (Extrait : HISTOIRES EXTRAORDINAIRES, Edgar Allan Poe, Elit éditions, 2014, première publication en France en 1856, Traduction par Charles Beaudelaire, édition
numérique, 250 pages.)

HISTOIRES EXTRAORDINAIRES est un des grands classiques de la littérature. Ce recueil réunit les nouvelles d’Edgar Allan Poe : DOUBLE ASSASSINAT DANS LA RUE MORGUE, LA LETTRE VOLÉE, LE SCARABÉE D’OR, LE CANARD AU BALLON, AVENTURE SANS PAREILLE D’UN CERTAIN HANS PFAAL, MANUSCRIT TROUVÉ DANS UNE BOUTEILLE, UNE DESCENTE DANS LE MAELSTROM, LA VÉRITÉ SUR LE CAS DE M. VALDEMAR, RÉVÉLATION MAGNÉTIQUE, SOUVENIRS DE M. AUGUSTE BEDLOE, MORELLA, LIGEIA, METZENGERSTEIN. On y trouve tous les genres qui ont fait la notoriété d’Edgar Allan Poe : étrange, fantastique, intrigue policière, horreur, paranormal, mystère, peur…terreur, suspense. Un incontournable de l’univers littéraire traduit par un admirateur inconditionnel de Poe : Charles Baudelaire.

POE LE PRÉCURSEUR
*Ces neuf dernières heures ont été
incontestablement les plus enflammées
de ma vie. Je ne peux rien concevoir de
plus enthousiasmant que l’étrange
péril et la nouveauté d’une pareille
aventure. Dieu veuille nous donner le
succès*
(Extrait : HISTOIRES EXTRAORDINAIRES,
LE CANARD AU BALLON)

C’est vrai. HISTOIRES EXTRAORDINAIRES est un incontournable de la littérature, un petit chef d’œuvre dans le genre, mais pas nécessairement à cause de la qualité ou la valeur des textes mais parce que Poe, sans être nécessairement le Père de la littérature policière, de science-fiction ou de fantastique, a donné une direction à ces genres littéraires. Il a jeté les bases. Je n’ai pas vraiment été emballé par LES HISTOIRES EXTRAORDINAIRES mais je dois dire que j’ai été subjugué par l’acuité intellectuelle de l’auteur.

Le problème avec Poe est qu’il s’étend très longtemps sur des détails techniques, des postulats scientifiques, de savantes démonstrations de logique et de déductions. Ça s’étend sur de nombreuses pages. Les intrigues sont noyées…les mystères dilués. Je ne suis pas surpris que ces histoires aient marqué leur temps mais elles sont aujourd’hui dépassées.

Malgré tout, j’ai apprécié les HISTOIRES EXTRAORDINAIRES car la lecture m’a permis de comprendre le rôle important qu’a joué Edgar Allan Poe dans l’évolution de la littérature. Je ne crois pas exagérer en disant que dans les genres POLARS, SCIENCE-FICTION, FANTASTIQUE et LITTÉRATURE POLICIÈRE, Poe a été un précurseur. Il a influencé des auteurs devenus des maîtres de la littérature…des incontournables comme Jules Verne dont la richesse descriptive des récits est tout à fait remarquable.

Poe a aussi influencé Conan Doyle dans la création de Sherlock Holmes devenu l’archétype du détective privé et qui n’a pas tardé à éclipser le chevalier Auguste Dupin, le fin limier créé par Poe. Avec son génial détective qui n’hésite pas lui non plus à s’étendre sur les détails de sa logique, Conan Doyle a complètement rénové la littérature policière et Edgar Allan Poe n’y est pas du tout étranger.

J’ai aussi senti l’influence sur plusieurs autres auteurs comme Agatha Christie dont le fameux détective Hercule Poirot est un puits de science et de raisonnement et même sur Fenimore Cooper qui a donné à son personnage NATTY BUMPER appelé œil de faucon un incroyable pouvoir descriptif…un langage du cœur qui confine parfois à la poésie. Et que dire de l’influence de Poe sur le cinéma…

Voilà pourquoi j’ai passé un bon moment avec les HISTOIRES EXTRAORDINAIRES. C’est vrai. Ses histoires ont vieilli mais j’ai pu me mettre dans la peau d’un pionnier aux extraordinaires talents et à l’insatiable soif de connaissances sans compter le regard critique qu’il jette sur la nature humaine. Poe demeure un maître…respect.

Quelques histoires extraordinaires

           

LA SUITE

 Edgar Allan Poe (1809-1849) est un romancier, dramaturge, poète, nouvelliste et critique littéraire américain natif de Boston. Il compose ses premiers poèmes. Malgré son alcoolisme chronique, il connaîtra beaucoup de succès jusqu’en 1845 où il publie LE CORBEAU dont le succès est particulièrement fulgurant. C’est après que Poe connaîtra une déchéance irréversible, sombrant dans une misère extrême jusqu’à sa mort consécutive à une crise de delirium tremens vers la fin de 1947.

La Critique contemporaine situe Poe parmi les plus remarquables écrivains de la littérature américaine. Il a été reconnu et défendu par des auteurs célèbres dont Charles Baudelaire qui est devenu son traducteur officiel.

QUELQUES FILMS ADAPTÉS DES LIVRES D’EDGAR ALLAN POE

    

C’est le cycle Edgar Allan Poe qui a valu au cinéaste américain Roger Corman une réputation internationale. Il s’est entouré pour ses projets d’une équipe *d’inconditionnels* : l’écrivain Richard Matheson, les scénaristes Charles Beaumont et Charles Griffith.

Plusieurs acteurs sont sollicités dont Boris Karloff, Peter Lorre et bien sûr Vincent Price qu’on retrouve dans tous les films du cycle, des productions cinématographiques à la mise en scène particulièrement soignée donnant un remarquable résultat artistique.

LA CHUTE DE LA MAISON USHER inaugurera le cycle en 1960 et suivront : LA CHAMBRE DES TORTURES en 1961, L’ENTERRÉ VIVANT et L’EMPIRE DE LA TERREUR en 1962, LE CORBEAU, considéré comme un chef d’œuvre, sorti en 1963 avant LA MALÉDICTION D’ARKHAM, LE MASQUE DE LA MORT ROUGE et LA TOMBE DE LIGEIA en 1964.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 27 mai 2018