Jonathan Livingston LE GOÉLAND

Commentaire sur le livre de
RICHARD BACH

*- Pauvre Fletcher, ne te fie pas à tes yeux, mon vieux. Tout ce qu’ils te montrent, ce sont des limites, les tiennes. Regarde avec ton esprit, découvre ce dont d’ores et déjà, tu as la conviction et tu trouveras la voie de l’envol… L’éblouissement s’éteignit. Jonathan le Goéland s’était évanoui dans l’espace. *

Extrait: JONATHAN LIVINGSTONE LE GOÉLAND, de Richard Bach. Format livre de poche, J’ai lu éditeur, 2000, 128 pages. Version audio : Coffragants éditeur, Alexandre Stanké, publié chez Audible en 2005. Narrateurs : Patrice Laffont, Dorothée Berryman, Cédric Noël, Vincent Davy Durée d’écoute : 58 minutes.

Décidément, Jonathan Livingston n’est pas un goéland comme les autres. Sa passion : voler toujours plus haut et plus vite pour être libre. Mais ce marginal qui ne se contente pas de voler pour se nourrir ne plaît guère à la communauté de goélands.

Condamné par les siens à vivre le reste de ses jours au-delà des falaises en solitaire, Jonathan Livingston le Goéland découvre non seulement la bonté et l’amour des amis, mais aussi comment dominer ses peurs et connaître ses limites.

 Un beau parcours initiatique

Lorsque j’ai terminé l’audition de JONATHAN LIVINGSTON LE GOÉLAND, je me suis posé deux questions : D’abord, comment un aussi petit livre peut avoir une aussi grande portée. Ensuite, comment ai-je pu passer aussi longtemps à côté d’un tel chef-d’œuvre.

Le livre comme tel fait une quarantaine de pages si j’exclus les photos et la version audio fait moins d’une heure et raconte l’histoire de Jonathan Livingston, un goéland qui a décidé un jour que l’existence ne se limitait pas à croquer des poissons. Il fallait aspirer à plus, repousser ses limites, voler plus haut, plus fort, plus vite, plus loin. Tendre vers la liberté, le bonheur, donner un sens à la vie en commençant par aimer et aider ses semblables.

Cet anti conformisme a fait de Jonathan Livingston, un paria dans sa communauté dont il est maintenant exclu, tombé en disgrâce. Son nouvel objectif : voler de ses propres ailes, tendre vers la sagesse et transmettre son savoir de guide.

Vous l’avez sans doute compris, JONATHAN LIVINGSTON LE GOÉLAND est un récit initiatique sur le développement personnel, un thème que je n’apprécie pas beaucoup lorsqu’il tend vers un exercice de vente. Mais dans ce cas-ci, il s’agit d’un voyage introspectif à la découverte de nos forces intérieures.

L’essence du récit me rappelle un peu l’idée développée par Paulo Coelho dans son livre L’ALCHIMISTE quand Santiago apprend à aller au bout de son rêve. Pas besoin de gourou ou de vendeur de cours pour faire vibrer les cordons du cœur. On ne peut qu’y arriver seul à partir de notre propre volonté, tout comme l’a fait Jonathan.

Bach n’a pas travaillé pour me convaincre. C’est venu seul et Jonathan a fait le reste.

C’est un récit initiatique mais aussi parabolique et critique de notre société. Il met surtout en lumière notre capacité de se réaliser et de se dépasser. L’écriture est très belle, enveloppante. Oui, JONATHAN LIVINGSTON est un récit évidemment, un parcours, un conte, une fable. On peut lui donner l’appellation qu’on veut.

L’oeuvre est un panégyrique de la vie, un éloge de la liberté, une invitation à mieux se connaître, mieux se comprendre, aimer et aider son prochain. Il est extraordinaire que Bach ait exprimé autant d’émotions en si peu de pages et tout autant remarquable est l’idée de donner la parole à des goélands. L’écriture est sensible, poétique, bienveillante.

Je recommande JONATHAN LIVINGSTON LE GOÉLAND à tout le monde, même les jeunes de 10 ans et plus. Ça peut aussi être une belle activité enrichissante et apaisante parents-enfants.

Je vous recommande chaleureusement JONATHAN LIVINGSTON LE GOÉLAND. C’est plein de poésie et d’amour…

Suggestion de lecture : LE GARÇON ET L’UNIVERS, de Trent Dalton


Du même auteur


L’auteur Richard Bach

Jonathan Livingston au cinéma

L’adaptation cinématographique a été réalisée en 2006 par Hall Barlett, avec James Franciscus, Juliet Mills, Hal Holbrook  Détails ici.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

RÉCITS DE NOIREPIERRE

Commentaire sur le livre de
TRISTAN MORLAËS

<Ils avaient donné forme à leur cupidité, leurs désirs et leurs vices ; et en retour, cette bête noire se délecta de leurs âmes. Il se terra en ce pays maudit, et l’on ne tarda guère à parler des Terres du mal ; il prit possession de cette forteresse, et partout le nom de Noirepierre devint une peur que l’on agite pour calmer les enfants capricieux.

Mais en ses murs, l’expression même du mal se mit à mûrir, et un jour, il débordera de ses remparts pour se déverser à travers les paysages, embrasser les hommes fautifs et dévorer les pouvoirs secrets des véritables Éternels. >

Extrait : RÉCITS DE NOIREPIERRE, Tristan Morlaës, Les éditions du 38, 2021, Collection du Fou, format numérique, 625 pages.

La Citadelle de Noirepierre. Une vieille forteresse en ruine, habitée par Dieu sait quel esprit maléfique. Du village misérable qui gît à sa frontière, jusqu’à ses marécages hantés, il faudrait être fou pour s’aventurer en pareille contrée. Pourtant, des héros venus de royaumes lointains y ont traîné leurs basques, en quête de richesse et de gloire : ceux qui en sont revenus se comptent sur les doigts d’une main. Que viennent-ils donc chercher en ces lieux désolés ? La rédemption, pour ce chevalier déchu ? Une vie de solitude, pour cette enfant que l’on nomme sorcière ? Quelques âmes à importuner, pour ce farfadet facétieux ?

Le noir, le mal et la peur

J’ai été accro à ce livre parce que, c’est le moins que je puisse dire, l’imaginaire de son auteur, Tristan Morlaës est tout à fait fascinant. De cet imaginaire est issue NOIREPIERRE, une citadelle macabre avec, en son centre une sombre et vieille forteresse en ruine. Le tout, perdu au milieu de marais puants et gluants et d’une forêt dense, inquiétante, lugubre, et bourrée de créatures étranges, bref, perdue au milieu de nulle part. Le mal, le diable ont rendu l’endroit imprenable et peu en reviennent vivants.

*Les terres du mal sont un environnement profondément dépressif. Les humains qui s’y aventurent ne peuvent espérer en sortir indemnes, comme contaminés par la négativité du lieu et de la créature qui y réside. Dans ce marécage mental, il n’y a aucun espoir… * Extrait

(Tristan Morlaës, dans la postface de son livre précise qu’on peut prêter plusieurs sens à son histoire, qu’on a le choix des clés de lecture. Dans l’extrait, il fait référence à la santé mentale. Une cause qui lui tient à cœur. Un personnage bien précis de l’histoire pourrait être au cœur de cette clé de compréhension : Maleaume, le guerrier chef des Corbeaux.)

À proximité de Noirepierre, se trouve une petite bourgade miteuse et délabrée appelée CENDRESPOIR, l’étape ultime pour les chevaliers, aventuriers, braves, héros, exorcistes, justiciers et redresseurs de torts venus affronter la périlleuse obscurité de Noirepierre.

RÉCITS DE NOIRPIERRE est exactement ce que son titre suppose : un recueil de courtes histoires, récits et contes qui tous, convergent vers l’affrontement final avec des personnages récurrents. L’auteur a déployé beaucoup d’imagination dans la description du malin allant jusqu’à lui opposer l’armée du pape.

La grande force de cette histoire est son atmosphère, le non-dit, une ambiance génératrice d’angoisse et d’inconfort, moteur d’émotions, d’intensité voire d’exaltation et c’est exactement ce que cherchent les amateurs de *dark fantasy*.

Ceux et celles qui ont vu les films PROJET BLAIR vont peut-être comprendre plus facilement ce que je veux dire. Ça joue exactement de la même façon sur la pression psychologique du lecteur et de la lectrice. C’est un livre qui brasse les émotions et pourrait ébranler même les plus endurcis.

C’est un livre fort, très noir et j’ai trouvé l’écriture très belle et descriptive sans exagération, plaisant à lire pour les lecteurs et lectrices qui aiment être confronté au surnaturel et à l’invraisemblable même si le thème développé est vieux comme le monde. Il y a quand même d’intéressantes touches d’originalité.

La seule faiblesse notable de l’œuvre pour moi est sa finale que j’ai trouvée sensiblement nonchalante, pas trop facile à suivre car tous les personnages des contes s’y retrouvent. Manque un peu de détails, de fini, d’abouti. C’est tout. Dans l’ensemble, c’est un excellent livre, ajusté au ressenti et à l’interprétation personnelle de chaque lecteur et lectrice.

Né en 1992, Tristan Morlaës mène une première vie de bibliothécaire à Paris et Strasbourg, durant laquelle il écrit des articles sur le jeu vidéo pour La revue des livres pour enfants et participe au podcast culturel Le PostCast. En août 2019, il délaisse son quotidien bien rangé pour partir sur les routes d’Europe et d’Asie. Depuis, le goût du voyage s’est mêlé à celui de l’écriture, et il continue de noircir le papier au fil des kilomètres.

Les secrets d’écriture de MORLAËS

L’auteur Tristan Morlaës dévoile ses secrets d’écriture de RÉCITS DE NOIREPIERRE dans une très intéressante entrevue accordée actusf.com.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 février 2025

Une rose au paradis

Commentaire sur le livre de
RENÉ BARJAVEL

Une gigantesque manifestation réunit des milliers de femmes enceintes venues dénoncer les effets de la bombe U. Mais il est trop tard… Le cataclysme se déclenche. La planète Terre est réduite à néant. Cependant, Lucie, l’une des manifestantes, échappe mystérieusement à la déflagration.

Seize ans plus tard… elle vit avec son mari et ses enfants dans un univers étrange où le temps n’existe plus, où il suffit d’appuyer sur un bouton pour obtenir vêtements et nourriture. Au centre de ce mystère… l’énigmatique monsieur Gé. Serait-il un dieu ?

 

L’important c’est la rose

Contexte : La course aux armements est effrénée. Le génie destructeur de l’homme a fini par inventer l’utopique bombe universelle, commodément appelée la bombe U : très accessible, pas chère, petite dimension et surtout effroyablement puissante. La bombe atomique est un pétard à mèche à côté de la bombe U.

Tous les pays du monde ont la bombe U. Ce que le monde ne sait pas, c’est que l’explosion d’une seule bombe provoquera, par résonnance, l’explosion de toutes les bombes du monde. Le jour où la terre s’embrasa, Henri et Lucie Jonas, sur le pont d’accoucher de jumeaux, s’enfouirent profondément à trois kilomètres sous terre en compagnie de l’énigmatique monsieur Gé qui a conçu et financé une arche capable de garder en vie 5 personnes et de répondre à tous leurs besoins pendant 20 ans.

L’histoire commence dans l’arche puis, rapidement, fait un bond en arrière pour bien comprendre l’origine, les espoirs et les motivations des personnages puis, retour dans l’arche où la question est de savoir si la petite communauté tiendra 20 ans dans ce vase clos, avec plantes et animaux endormis et s’ils en sortent, ce sera dans quelles conditions.

C’est du grand Barjavel. Visionnaire, tragédien, philosophe, poète, tendance à la dystopie. Son écriture est simple, très directe et ses personnages très recherchés. J’ai eu en particulier beaucoup de plaisir à sonder l’obscur monsieur Gé qui donne au récit pourtant très simple un caractère mystérieux. L’histoire comme telle véhicule du déjà vu. Encore du post-apocalyptique. Ce n’est pas ce que Barjavel a écrit de plus original et pourtant, j’ai été fasciné par les trouvailles qu’il a imaginées dans la création de l’arche, de son environnement et de l’interaction des personnages, pouvant sembler par moments immorales mais nécessaires dans un contexte d’avenir.

J’ai du bon tabac…dans ma tabatière

L’auteur n’a pas manqué d’imagination en créant par exemple un synthétiseur pour fabriquer les repas, essentiellement du poulet. Essayez ça pendant 20 ans. Quand c’est l’heure du repas, la cloche est remplacée par une voix qui scande J’AI DU BON TABAC. Je pense aussi aux enfants qui ont grandi et ont appris à lire dans les fables de Jean de La Fontaine, sans compter le problème majeur que posera une relation incestueuse entre les jumeaux.

J’ai été surtout fasciné par la rose, omniprésente dans l’histoire et que je défini comme le fil conducteur du récit, un trésor symbolisant l’espoir et la continuité un peu comme dans LA TOUR SOMBRE de Stephen King ou le ka-tet doit protéger la rose, réceptacle de tout ce que le monde compte encore de magie et de pureté. <Voir MAGIE ET CRISTAL, le dossier de Lou Van Hille>

Peu importe les évènements, l’action, les égarements, certaines longueurs, la rose m’a toujours gardé sur le sentier d’une histoire attractive et liée à des mythes vieux comme le monde comme l’Arche de Noé sans oublier ADAM ET ÈVE puisqu’il est question de repeuplement dans cette histoire.

Ce n’est pas le meilleur de Barjavel. Je préfère, de loin, LA NUIT DES TEMPS ou mieux encore, RAVAGE. Mais j’ai quand même apprécié UNE ROSE AU PARADIS… avant-gardiste, prophétique, idéologique. C’est bien écrit, les personnages sont attachants et il y a toujours cette touche d’espoir qui caractérise les œuvres de Barjavel. Et puis…je suis très sensible aux roses…

Suggestion de lecture : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE, d’Annie Bacon


L’auteur René Barjavel

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 15 février 2025

L’ANGE DE MUNICH

Commentaire sur le livre de
FABIO MASSIMI

*Elle meurt.

Dans la pièce fermée, la jeune fille gît à terre. Les yeux écarquillés, la bouche entrouverte, la peau froide, de plus en plus froide. Une tache de sang s’élargit doucement sur sa robe.

À quelques centimètres d’elle, le pistolet repose sur le tapis bleu, orienté vers la fenêtre. Il y a quelques minutes encore, ce n’était qu’un objet sans importance pour la jeune fille. À présent, c’est l’élément le plus important de sa vie, le terme vers lequel elle se dirigeait depuis le début sans le savoir. *

(Extrait : L’ANGE DE MUNICH, de Fabiano Massimi, Albin Michel éditeur pour la version française, 2021, format numérique, équivalence : 1009 pages. Version audio : Audiolib éditeur, 2021, durée d’écoute :14 heures 4 minutes, narrateur : Nicolas Matthys)

Munich, 1931. Angela Raubal, 23 ans, est retrouvée morte dans la chambre d’un appartement de Prinzregentenplatz. À côté de son corps inerte, un pistolet Walther. Tout indique un suicide et pousse à classer l’affaire. Sauf qu’Angela n’est pas n’importe qui. Son oncle et tuteur légal, avec lequel elle vivait, est le leader du Parti national-socialiste des travailleurs, Adolf Hitler. Les liens troubles entre lui et sa nièce font d’ailleurs l’objet de rumeurs dans les rangs des opposants comme des partisans de cet homme politique en pleine ascension.

Détail troublant : l’arme qui a tué Angela appartient à Hitler. Entre pressions politiques, peur du scandale et secrets sulfureux, cet événement, s’il éclatait au grand jour, pourrait mettre un terme à la carrière d’Hitler. Dans une république de Weimar moribonde, secouée par les présages de la tragédie nazie, Fabiano Massimi déploie un roman, fondé sur une histoire vraie et méconnue, mêlant documents d’archives et fiction.

 De la crasse dans les coulisses allemandes

C’est un livre très singulier…peut-être un des plus denses et énigmatiques que j’ai lus. L’histoire développée dans le livre est vraie. L’auteur en a fait un roman et y a ajouté un peu de fiction. Nous sommes au début des années 1930 à Munich. Le récit commence avec la mort d’Angela Raubal, 23 ans dans l’appartement d’Hitler, et à côté de son corps, un pistolet Walter, appartenant à son oncle…Adolph Hitler. Ce drame coïncide avec une montée en flèche du nazisme et de l’antisémitisme en Allemagne.

Le commissaire Sauer et son adjoint Forster <ils ont vraiment existé. Seuls les prénoms ont été inventés> enquêtent sur ce qui, au départ a l’apparence d’un suicide mais quelque chose cloche. Les autorités s’aperçoivent de l’embarras des policiers et s’emballent. Mauvaise publicité pour Hitler ? Sûrement. Les grands pontes de la justice arrêtent l’enquête, puis la reprennent et l’arrête à nouveau, puis elle passe d’enquête officielle à officieuse et c’est là que les ténors du nazisme entrent en jeu : Himmler, Goering, Goebbels, Heydrich, Hess et j’en passe.

Peut-être trop proches de la vérité, les officiers de police sont en danger. L’enquête, complexe, tentaculaire, bourrée de revirements et de surprenantes révélations connaîtra sa conclusion dans une finale étonnante et totalement inattendue. Il faut se rappeler que l’affaire Geli Raubal est une réalité historique sur laquelle on n’a jamais vraiment fait la lumière. Le roman de Massimi est conforme à l’histoire et en évoque tous les mystères et sur ce plan, j’ai été servi.

Mise à part l’enquête extrêmement délicate des commissaires, le roman se centre aussi sur la personnalité d’Hitler, à quelques mois de son arrivée au pouvoir comme chancelier et évoque déjà un esprit tordu et des obsessions de pouvoir totalitaire. Il était dominateur et possessif et l’idée de conflits circulait déjà sept ans avant le déclenchement de la deuxième guerre mondiale.

Le roman livre aussi certains détails, historiquement avérés sur le comportement sexuel déviant et dépravé d’Hitler qui allait même jusqu’à la pratique de l’ondinisme. Mais, comme l’histoire l’a démontré, Hitler avait tout pour lui, en particulier son incroyable magnétisme, sans oublier un cheptel de moutons prêts à tout pour le défendre.

Angela Raubal <1908-1931> sa mort n’a jamais été      clairement expliquée.

Bien que cette histoire soit monstrueuse, le livre de Fabiano Massimi est pour moi un <cinq étoiles>. Bien écrit, historiquement crédible particulièrement sur le plan politique, modérément rythmé, malgré la complexité de l’enquête, il est fluide, facile à lire. Il n’est pas spécialement spectaculaire mais il fait froid dans le dos et sa finale n’est rien de moins qu’extraordinaire quoiqu’un peu brève. L’ouvrage est très bien documenté. Enfin, la présentation éditoriale est impeccable.

Petit bémol. Je déplore la faiblesse descriptive sur le plan contextuel. J’aurais apprécié en effet connaître les sentiments de l’allemand moyen sur cette affaire et sur la destinée de l’Allemagne au moment où le nazisme enfle à vue d’œil. L’ambiance est quelque peu déficiente.

Bref, un roman addictif…j’ai adoré.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème


L’auteur Fabiano Massimi

Pour en savoir plus sur Geii Raubal, cliquez ici
article de
presse suggéré

Bonne lecture,
Bonne écoute,
Claude Lambert
le vendredi 14 février 2025

La vérité sur l’affaire Harry Qubert

Commentaire sur le livre de
JOËL DICKER

« Mon livre avançait. Les heures passées à écrire se matérialisaient peu à peu, et je sentais revenir en moi ce sentiment indescriptible que je croyais perdu à jamais. C’était comme si je recouvrais enfin un sens vital qui, pour m’avoir fait défaut, m’avait fait dysfonctionner ; comme si quelqu’un avait appuyé sur un bouton dans mon cerveau et l’avait soudain rallumé. Comme si j’étais de nouveau en vie. C’était la sensation des écrivains. »

Extrait : LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE HARRY QUEBERT, de Joël Dicker. Support papier : BFallois éditeur, 2014, 864 pages. Version numérique : Rosie et Wolfe éditeur, 2022, 611 pages. Support audio : Audiolib éditeur, 2013, durée d’écoute, 21 heures 26 minutes, narrateur : Thibault de Montalembert.

Marcus Goldman, auteur d’un premier best-seller, est en panne d’inspiration. Quand il apprend que son mentor, le célèbre écrivain Harry Quebert, est le suspect numéro un d’un crime, il se précipite à son secours. Dans le jardin de Quebert, on a retrouvé le corps de Nola – 15 ans – serrant contre elle le manuscrit du roman d’amour que Quebert lui avait dédié. Devenu un best-seller, il avait fait la gloire de son auteur. L’histoire de Quebert devient alors le sujet romanesque que Marcus avait tant cherché.

Un roman en abyme

C’est une longue histoire développée de façon plutôt leste. Aussi, faut-il être très attentif et patient. Nous suivons dans un premier temps un jeune auteur : Marcus Goldman à partir du moment où celui-ci est en manque d’inspiration et doit affronter la hantise de la page blanche ainsi qu’un délai fixé par son éditeur qui s’amenuise rapidement.

Parallèlement, à Aurora, New Hampshire, un écrivain de grande réputation, Harry Quebert, ancien professeur de Marcus à l’université, aussi devenu son ami et mentor est accusé du meurtre de Nola Kellergan assassinée 33 ans plus tôt alors qu’elle n’avait que 15 ans, Quebert aurait eu une liaison avec Nola.

Malgré les pressions exercées par son éditeur et convaincu de l’innocence d’Harry, Marcus décide de se rendre à Aurora et d’enquêter sur cette sombre affaire. Qui sait si elle ne résoudrait pas son problème d’inspiration.

Pour sauver l’honneur et la carrière de son ami Harry, Marcus doit rapidement découvrir ce qui s’est réellement passé au New-Hampshire en 1975 et qui a assassiné Nola Kellergan. Fait troublant, le corps de Nola, qui était mineure je le rappelle, a été retrouvé dans le jardin de Quebert serrant contre elle le manuscrit du roman d’amour qu’il lui avait dédié.

L’histoire est très centrée sur un amour impossible entre Nola et Harry. C’est une faiblesse majeure du livre parce qu’elle est puérile et d’une naïveté navrante. J’ai trouvé cela trop artificiel pour ressentir une empathie quelconque pour des personnages plus ou moins travaillés.

De plus, l’histoire rebondit tellement qu’elle en donne le vertige : beaucoup de longueurs, de lourdeur, des palabres qui ne finissent pas de finir. L’intrigue est noyée dans des dialogues souvent insipides et plusieurs revirements sont tirés par les cheveux. Par exemple, le syndrome de la double personnalité (Je vous laisse découvrir ce que ça vient faire dans l’histoire) apparait comme un diable sorti d’une boîte.

Il est difficile de lire une histoire dont le fil conducteur est aléatoire. Pourtant, si on enlève les trop nombreux passages qui ne servent à rien, on découvre une intrigue originale, serrée et bien ficelée.

Je dois admettre que le développement pousse à la curiosité d’aller plus loin à cause, en particulier des thèmes qui sont développé dont certains donnent un caractère sociologique à l’ensemble. Par exemple, le détournement de mineurs qui demeure aujourd’hui moralement indéfendable. On pourrait parler aussi de maladies mentales.

L’aspect littéraire m’a aussi beaucoup intéressé : la démarche d’auteur et le processus de création, les recherches requises pour écrire un livre, le redouté syndrome de la page blanche, la fonction de l’éditeur et la pression qu’il exerce sur les auteurs et même le plagia qui s’insère subitement dans le récit.

Autre fait intéressant dans ce livre de Dicker, c’est la mise en abyme. On a l’impression que tous les mystères se résolvent par livres interposés. Ça ne plaira peut-être pas à tous les lecteurs/lectrices, mais j’ai trouvé le procédé de développement intéressant.

L’ensemble est plutôt commercial et manque de profondeur. Les personnages sont artificiels et je ne parlerai pas des dialogues vides et infantiles entre Quebert et Nola, évoquant une histoire d’amour qui n’a pas de sens.

Le roman est complexe et lourd mais malgré tout, je l’ai trouvé fonceur, ambitieux, intrigant et révélateur de la nature humaine. Ce n’est pas de la haute littérature mais je ne regrette pas ma lecture.

Suggestion de lecture : ZERO, de Marc Elsberg


L’auteur Joël Dicker

Des livres de Dicker

Pour parcourir la bibliographie de Joël Dicker, cliquez ici

La série télé

La mini-série télé éponyme a été créée en 2018 par Joël Dicker

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

Le dimanche 9 février 2025

MARY, auteure de FRANKENSTEIN

Commentaire sur le livre illustré de
LINDA BAILEY et JULIA SARDÀ

*Parfois le déclic se produit en rêve*

(Extrait : MARY auteure de FRANKENSTEIN, Linda Bailey et Julia Sardà, v.f. Les éditions de la Pastèque 2019, 29 par 19 cm, illustré, 54 pages. Littérature jeunesse…dès 6 ans.)

Voici l’histoire de Mary Shelley et de la manière dont une écrivaine vient au monde et une légende est forgée. Une histoire à vous glacer le sang, un château, une créature morte. Une découverte scientifique. Une nuit d’orage. Cette histoire raconte comment une jeune fille de dix-huit ans a tout réuni pour créer un des plus grands romans de tous les temps…

Frankenstein dévoilé aux jeunes


Illustration extraite de
MARY auteure de FRANKENSTEIN
(incluant un petit clin d’œil à Boris Karloff)

 

Voici un adorable petit album magnifiquement illustré pour les enfants prêts à explorer le monde de l’étrange et du fantastique et vous savez comme moi qu’ils y viendront tôt ou tard, autant le faire avec un livre à la fois audacieux et respectueux de la sensibilité des enfants.

Un jour ou l’autre tous les jeunes recherchent le frisson. Le livre MARY est écrit simplement avec des illustrations qui parlent parfois plus fort que le texte. Le livre se prête particulièrement bien à la lecture animée ou racontée par un parent par exemple.

Moi j’ai trouvé ça plutôt génial. Comment en effet, expliquer à un enfant, l’origine d’un des personnages les plus adulés de la littérature, Frankenstein, dans le cadre d’une activité divertissante et instructive. Pour expliquer Frankenstein aux enfants, il faut d’abord expliquer qui est Mary Shelly. Le reste est un enchantement.

Expliquer Frankenstein aux enfants, c’est leur dire comment est née la science-fiction et le fantastique, c’est aussi d’une certaine façon, un moyen de les introduire à la mythologie en leur expliquant la légende de Prométhée, le Titan qui a osé voler le feu sacré aux dieux.

MARY, c’et la genèse de Frankenstein, un monstre devenu sacré par la littérature et le cinéma et qui est issu d’un défi lancé par le célèbre Lord Byron vers l’an 1815 lors d’une soirée qui réunissait cinq personnes. Parmi ces personnes se trouvait Mary Shelly.

Le défi consistait à écrire une histoire de fantôme. Avant que les amis se séparent, Mary eut l’idée lumineuse. *La vision d’un scientifique contemplant la créature qu’il a assemblée avec des chairs mortes et à qui il lui a insufflé la vie. * (Extrait)

Si MARY AUTEURE DE FRANKENSTEIN explique l’origine du monstre, elle raconte surtout l’histoire de Mary Shelly dont le petit côté tumultueux a été occulté. Les parents trouveront à la fin de l’album des pages qui leurs sont destinées, permettant d’enrichir une transmission orale éventuelle aux enfants.

Je recommande chaleureusement cet album aux enfants à partir de 8 ans. Ça pourrait être aussi une belle expérience pour les parents de parcourir ce livre avec eux. Un trésor d’imagination à l’esthétique impeccable.

Suggestion de lecture : DRACULA, de Bram Stocker


À gauche l’auteure Linda Bailey, à droite l’illustratrice Julia Sardà


Boris Karloff, le célèbre interprète de Frankenstein au cinéma


Mary Shelley, créatrice de Frankenstein

 

Bonne lecture
Claude Lambert


le samedi 8 février 2025

 

À TRAIN PERDU

Commentaire sur le livre de
JOCELYNE SAUCIER

Le 24 septembre 2012, Gladys Comeau est montée à bord du Northlander et on ne l’a plus revue à Swastika, qui n’est pas une ville, même pas un village, tout juste une bourgade le long du chemin de fer.

Commence alors l’errance, celle de Gladys et la mienne, car ceci est le récit du voyage de Gladys Comeau sur les rails du nord de l’Ontario et du Québec qui l’amèneront au sud, puis à l’ouest, ensuite à l’est, puis de nouveau vers le nord. Voyage erratique auquel personne n’a rien compris et qui a été suivi par nombre de personnes à partir du moment où la disparition de la vieille dame a été signalée.

Les témoignages sont nombreux, les opinions également, plusieurs l’ont blâmée, condamnée, certains l’ont qualifiée de monstrueuse. Il ne s’agit pas ici de faire son procès mais de suivre la fuite éperdue de Gladys sur les trains du Nord pour en cueillir les morceaux épars et y trouver ce qui peut en être la motivation. Car l’errance de celle qu’on a appelée « la femme de Swastika », si on en connaît maintenant les détours et revirements, a fait l’objet de maintes interprétations.

Extrait : À TRAIN PERDU, XYZ éditeur, 2020, édition de papier, 198 pages. Version audio : XYZ éditeur, 2020, durée d’écoute : 5 heures 50 minutes. Narrateur : Patrick Labbé

C’est sur un train qui sillonnait les régions reculées du nord de l’Ontario qu’est née Gladys. Avec sa fratrie et les enfants de la forêt côtoyés au fil des haltes, elle a vécu sur les rails des années de pur ravissement. A rencontré l’amour. Qu’est-ce qui a poussé cette optimiste forcenée, devenue une femme âgée, à se jeter sur un train puis un autre, échappant à toutes les tentatives pour la ramener à la maison ? La question obsédera ses amis proches et lointains, de même qu’un certain activiste des chemins de fer qui n’en démordra pas : quelqu’un, quelque part, doit savoir ce qui a conduit Gladys si loin de Swastika.

Le monde sur rails de Gladys

C’est un roman touchant, profond. À la fois chronique et drame psychologique. Il n’y a ni action, ni suspense, ni rebondissements. Un environnement enveloppant d’introspection que j’ai bien connu dans le livre précédent de Jocelyne Saucier : IL PLEUVAIT DES OISEAUX : un rythme très lent maintenu par le constant questionnement du narrateur sur le personnage principal que nous suivons. 

Gladys est née sur un train, mais officiellement elle vient de Swastika, même pas un village, un simple hameau des terres lointaines du nord-est québécois, reliées entre elles par la voie ferrée. Galdys est la mère de Lisanna. Une fille suicidaire qui est restée pour moi une énigme. Gladys a passé sa vie sur les rails, d’un train à l’autre. Elle y a fait beaucoup d’expériences, elle y a connu l’amour.

Je vous laisse découvrir le pourquoi de ce choix étrange et d’où vient cette appellation dérangeante de <Swastika>. Vous découvrirez également les <school trains>, des wagons aménagés en salle de classe qui amenaient l’instruction aux enfants de toutes races venus des forêts et des terres lointaines. Je sais qu’ils ont déjà existé, mais leurs présences viennent enrichir le récit de magnifique façon.

C’est un roman qui m’a ému et réchauffé. Il s’en dégage de l’amour et de la résilience. Pour entrer rapidement dans la trame du roman, il faut faire la différence entre la vie qui coule et la vie qui s’écoule. Gladys est rongée de l’intérieur par le cancer. Voilà…c’est une femme dont la vie s’écoule et voit venir rapidement sa fin, qu’elle anticipe d’ailleurs et prépare mentalement…sur les rails au rythme du <touk-e-touk> mentionné souvent par le narrateur.

C’est un roman d’une infinie tristesse. L’histoire d’une errance dont il m’a été difficile de saisir le sens profond. D’ailleurs, tous les personnages du roman sont confondus sur les motivations de Gladys. C’est un roman à lire ou à ou à écouter sans attente. C’est un livre qui porte à réfléchir sur la fragilité de la vie et sur les choix souvent complexes que nous sommes appelés à faire.

J’ai aimé ce roman. Je l’ai trouvé bouleversant dans son originalité et émouvant dans la finesse de la plume. J’ai profondément ressenti l’errance de Gladys au point de m’imaginer moi-même dans une urgence de vivre au rythme du <touk-e-touk> et de partager son destin dramatique

Je précise enfin que j’ai écouté la version audio et je me suis laissé aller hors du temps sur la signature vocale excellente de Patrick Labbé dont la voix chaude et vibrante force l’attention.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGER, d’Albert Camus


L’auteure Jocelyne Saucier

DE LA MÊME AUTEURE

Pour lire mon commentaire sur IL PLEUVAIT DES OISEAUX, cliquez ici

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le dimanche 2 février 2025

LE PETIT PRINCE

Commentaire sur la version audio du livre
D’ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY

*-Aaahh…Petit Prince, j’ai compris peu à peu ainsi, ta petite vie mélancolique. Tu n’avais eu longtemps pour distraction que la douceur des couchers de soleil. J’ai appris ce détail nouveau le quatrième jour au matin quand tu m’as dit : -J’aime bien les couchers de soleil ! Allons voir un coucher de soleil ! *

Extrait : LE PETIT PRINCE, édition anniversaire, livre audio par ADA, Vues et Voix éditeur, 2019. Durée d’écoute : 1 heure 58 minutes, narrateur principal : René Gagnon. Comédiens : Élizabeth Gautier-Pelletier, Catherine Renaud et Tristan Harey.

Suite à une panne de moteur, un aviateur doit poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara. Cet aviateur, qui tente de réparer son avion est nul autre que Antoine de Saint-Exupéry qui se met lui-même en scène dans cette histoire. Tôt le matin, il est réveillé par une petite voix qui lui demande : « S’il vous plaît… dessine-moi un mouton ! »

 Indémodable

Magnifique adaptation sonore du conte universellement connu : LE PETIT PRINCE. Il a été publié en plus de 500 langues et dialectes à travers le monde. Je ne connais pas d’ouvrages autant traduits à part peut-être la bible. Il y a de bonnes raisons à cela. C’est un conte d’une douceur et d’une fraîcheur infinies.

L’histoire est très simple. Celui qui se raconte est nul autre que l’auteur lui-même, Antoine de Saint-Exupéry, un aviateur qui a dû poser son appareil en catastrophe dans le désert du Sahara.

Le lendemain de ce drame, Antoine est réveillé par une petite voix qui lui demande candidement *S’il-vous-plait…Dessine-moi un mouton*  (Extrait) Jour après jour, alors que l’aviateur tente de réparer son appareil, le Petit Prince lui raconte son histoire à partir du moment où il a décidé de quitter sa minuscule planète mère, l’astéroïde B612 pour explorer les étoiles et se faire des amis.

Je ne peux pas critiquer un chef d’œuvre pareil. On ne peut que se laisser pénétrer par sa chaleur et sa force d’attraction. Le petit Prince nous pousse en effet à retrouver l’enfant en nous, dont la pureté et l’innocence sont demeurés intactes.

Avec une simplicité et une tendresse désarmantes, LE PETIT PRINCE nous amène à redécouvrir le bambin toujours en couvaison dans notre cœur et qui détient une vérité à redécouvrir car elle est le sens de la vie.

Mon passage préféré est le dialogue avec le renard qui tient tant à être apprivoisé. Il met en lumière l’amitié, l’attachement, l’amour, la valeur de la vie.

LE PETIT PRINCE est avant tout une œuvre poétique et philosophique. Très accessible à tous, elle m’a atteint quand j’étais petit, elle m’atteint encore en tant qu’adulte.

Ce n’est pas une œuvre moralisatrice. Elle rassemble, avec l’extraordinaire sincérité du Petit Prince, tout un lot de valeur positives comme l’amitié, l’empathie et particulièrement l’ouverture d’esprit sans oublier le sens de l’émerveillement. LE PETIT PRINCE est aussi porteur d’une réflexion sur la solitude.

La version audio de cette œuvre est un véritable enchantement. La narration est superbe, les comédiens merveilleux. C’est une autre belle occasion d’introduire les enfants à la littérature, tout en douceur. Les parents passeront aussi un bon moment à faire la lecture du conte aux enfants, redécouvrant ainsi une des œuvres les plus marquantes de l’histoire littéraire.

Suggestion de lecture : LE PETIT PRINCE, LE ROMAN DU  FILM, novellisation, adaptation de Vanessa Rubbio-Barreau

Suggestion de lecture : LES CONTES DE NOËL, de Charles Dickens


L’auteur Antoine de Saint-Exupéry

Bonne écoute
Claude Lambert

Le samedi 1er février 2025

NATIVE, livre 1

Commentaire sur
LE BERCEAU DES ÉLUS
de LAURENCE CHEVALIER

*ISABELLE CASTELLANE !
cria l’inquisiteur dont la voix forte fit taire l’assemblée.
-Reconnais-tu devant le peuple les accusations de sorcellerie dont tu fais l’objet ? La femme fixa son bourreau franciscain d’un regard acéré puis toisa la foule massée autour d’elle. Ces gens qui souhaitaient sa mort et dont les yeux fiévreux révélaient le désir impatient d’assister à une exécution…* (prologue)

Extrait : NATIVE, tome 1 : LE BERCEAU DES ÉLUS, de Laurence Chevallier. Format relié : Independantly published éditeur, 2021, 430 pages. Format numérique : Black Queen édition, 2013, 432 pages. Support audio : Audible studio éditeur, 2021, durée d’écoute 9 heures 18 minutes. Narratrice : Ana Piévic.

Gabrielle est une lycéenne de 18 ans, dont une sale rumeur, lancée par son ex, a détruit toute vie sociale. Seule son amie, Olivia, reste fidèle à ses côtés, lorsque deux frères, aussi mystérieux qu’ensorcelants, débarquent au lycée. Gaby découvre alors l’existence des natifs, une élite d’êtres doués d’étonnants pouvoirs dont elle semble faire partie. Destructrice et tentatrice, Gabrielle n’est pas qu’une élue, c’est la seule en son genre…

La maîtrise du pouvoir

Ce livre est le premier opus d’une saga de sept tomes. Je n’ai lu que le livre 1. L’histoire ne m’a pas emballé. Elle est superficielle, manque de profondeur et est beaucoup trop axée sur le sexe à un point que l’histoire est diluée et le fil conducteur est tordu.

Toutefois, si vous passez à travers le premier quart du live, vous pourriez trouvez des éléments intéressants qui pourraient être prometteurs pour les autres tomes. Disons qu’une bonne partie du livre est constituée d’un vigoureux brassage d’hormones qui pourrait plaire au lectorat adolescent quoique j’hésite un peu à classer ce livre *littérature jeunesse* .

Ceci dit, l’autrice tente tant bien que mal, de mettre en place les éléments de la série. Avec l’arrivée des mystérieux frères Valériens dans son lycée, beaux, ombrageux et sexuellement attirants, Gabrielle découvre l’existence des natifs. Ce sont des êtres humains dotés de pouvoirs extraordinaires : télépathie, télékinésie, lévitation et j’en passe.

Gabrielle découvre qu’elle est elle-même une native et apprendra très vite que les natifs se reconnaissent et s’attirent sexuellement entre eux seulement. Prétexte évident de descriptions de nombreuses scènes torrides.

À travers les tribulations des lapins en chaleur, j’ai fini par mieux comprendre la légende des natifs, guerres de clans, lutte de pouvoirs, combats de coqs et au milieu de tout ça, une jeune fille qui se découvre native et dont les pouvoirs pourraient dépasser tout ce qui existe dans l’élite des natifs dont je vous laisse découvrir le but ultime.

Rien de neuf. Variation sur un thème connu. Je n’ai pas trop compris le choix du titre de la série : NATIF, quelle réalité ça représente exactement ?

En ce qui concerne les points positifs, avec les éléments mis en place dans LE BERCEAU DE L’ÉLUE, les prochains tomes s’annoncent meilleurs. Dans le premier quart, l’héroïne est d’une insignifiance navrante mais elle prend par la suite une place beaucoup plus marquante selon une intrigue à évolution en dents de scie. L’écriture est fluide, le style est intéressant.

Le mystère va s’épaississant. Quant à la finale…décevante sur le plan contextuel mais intrigante sur le plan de la continuité. Le fil conducteur est très instable du fait de l’omniprésence de scènes et d’allusions sexuelles.

Enfin, l’idée de base est bonne, il y a quelques trouvailles intéressantes. Je ne regrette pas ma lecture mais je n’irai pas plus loin dans la série.

Suggestion de lecture : LES AILES D’ALEXANNE d’Anne Robillard


L’autrice Laurence Chevallier


La série

Pour parcourir la série NATIVE, cliquez ici

 

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le vendredi 31 janvier 2025

CROC FENDU, de Tanya Tagaq

Une adolescente grandit au Nunavut dans les années 1970. Elle connaît la joie, l’amitié, l’amour des parents, l’art du camouflage et de la survie. Elle connaît l’ennui et l’intimidation. Elle connaît les ravages de l’alcool, la violence sourde, le courage d’aimer les petites peurs. Elle connaît le pouvoir des esprits.

Elle scande en silence le pouvoir brut, amoral, de la glace et du ciel. Dans ce récit venu de loin, d’un espace intime et profond où les frontières s’effacent, Tanya Tagaq chronique les jours terribles d’un village écrasé sous le soleil de minuit, laissant dans la blancheur de la page l’empreinte sauvage d’une mythologie enchanteresse. La réalité se révèle aussi étrange que la fiction, à moins qu’il n’y ait jamais eu de différence entre les deux.

*La dépendance, ça peut être tout ce qui te fait du bien sur le coup, mais qui finit par te mettre dans un état encore pire, une flétrissure de la psyché qui se manifeste physiquement. Toutes nos faiblesses se réunissent pour devenir nos adversaires les plus redoutables. Elles apportent de l’eau au moulin de l’insécurité, de la haine de soi, et nous, pauvres martyrs, on s’apitoie sur notre sort. *

Extrait : CROC FENDU, Tanya Tagaq, version audio Alto/Audible, 2020, durée d’écoute : 4 heures 1 minutes, narratrice : Natasha Kanapé Fontaine)

Cri du cœur sur fond blanc

C’est une histoire prenante et même dérangeante. La narratrice, dont je n’aurai jamais connu le nom finalement, raconte sa vie et plus particulièrement ses premiers temps d’adolescence au Nunavut des années 70 dans son village envahi par la nuit six mois par année. Dans ce récit magnifiquement narré, il m’a semblé entendre une longue déclamation de *la fureur de vivre*, pour emprunter le titre de l’oeuvre cinématographique immortelle de Nicholas Ray qui devait consacrer James Dean comme symbole de la jeunesse en crise.

Car c’est bien d’une crise dont il s’agit ici. Pas seulement une crise d’adolescence, consécutive entre autres, au réveil hormonal, mais une crise existentielle…cri du cœur d’être une femme dans un monde régi par des hommes, d’être autochtone issue pas seulement d’un peuple mais de toute une race violée par les blancs envahisseurs. Le récit est difficile à suivre parce qu’il n’a pas vraiment de fil conducteur mais je me suis laissé submergé par les mots, les nuances d’une plume subtile, chaude et enveloppante.

La description de son accouchement et de ses bébés est particulièrement belle et c’est là que le récit bascule dans toute la force du drame. Déjà que le livre est dépaysant, il est devenu troublant, et sensiblement mystifiant. Son pouvoir descriptif, couplé à la beauté de la plume, le choix des mots et la magnifique prestation de Natasha Kanapé Fontaine m’ont rendu captif comme auditeur.

Mais le récit n’est pas sans faiblesses. Outre la fragilité du fil conducteur, l’histoire est insolite, teintée de philosophie et de mysticisme et son caractère intimiste ouvre la voie à plusieurs passages qui m’ont paru hallucinants et peu crédibles. La plupart des personnages sont peu ou pas identifiés en commençant par la narratrice, et son meilleur ami appelé tout simplement le beau gars. Ce sont davantage des entités que des personnages et je n’ai pu m’y attacher.

Mais je n’ai aucun doute sur la beauté du récit. Croc fendu est un long poème, donc matière à être interprété. Il est dramatique et porteur d’émotions d’autant que Madame Kanapé-Fontaine campe très bien son personnage.

Suggestion de lecture : CHEVAL INDIEN, de Richard Wagamese

Tanya Tagak est originaire de Iqaluktuuttiaq, au Nunavut. Tanya est d’abord et avant tout une chanteuse de gorge, une jeune femme très engagée auprès de son peuple. Sans délaisser la scène, elle nous propose un tout premier roman, et quel roman…  best-seller canadien et finaliste au prix Scotiabank Giller

Pour en savoir plus sur Tanya, je vous invite à lire un article passionnant signé Anne-Frédérique Hébert-Dolbec dans LE DEVOIR en octobre 2019.  Si vous voulez en savoir plus sur le chant diphonique, cliquez ici. Vous pourrez également faire de belles découvertes ici, sur la culture et les traditions du Nunavut.

Bonne écoute
Claude Lambert

le dimanche 26 janvier 2025