ABSCONCITÉS, par le dessinateur Klub

Tordant

ABSCONCITÉS

Le noir et l’absurdité sur planches

Extrait du tome 4 des absconcités crées par le dessinateur KLUB. Bande dessinée publiée chez Rouquemoute éditeur. 85 pages. Format numérique pour la présente.

La série ABSCONCITÉS compile des dessins du dessinateur KLUB, à l’humour absurde et publiés dans PSIKOPAT, périodique libre et indépendant de bandes dessinées fondé par Carali au début des années 1980. Dans LES PETITS MIQUETS (blog BD du  Monde), Yves Frémiont définit les ABSCONCITÉS ainsi : *Humour noir, rosserie ravageuse et décomplexée.

Sens du titre choc : l’originalité de KLUB consiste à ne pas viser un évènement précis, un individu précis, un fait précis, mais à rester dans les problématiques générales, universelles, durables. Ses dessins tiennent dans le temps. Graphiquement, il reste dans un style tout public et revisite les lieux désormais communs à tous. Il joue sur les mots, prend les expressions au pied de la lettre et pratique le décalage à tous les degrés. Mais pour autant, il ne manque pas de moquer une société en effervescence pour ne pas dire en perdition.

Dans cette série, moi j’ai lu le livre deuxième : LA MORT. Il n’y a pas deux avis pareils sur un sujet aussi grave, sur une corde aussi sensible de la société. Ça fait peur parce que c’est de l’inconnu, la mort est inéluctable et souvent, les êtres chers nous précèdent. Personnellement, la mort ne m’empêche pas de vivre. Je sais qu’un jour, elle viendra me chercher. Je ne la provoque pas et je préfère me joindre à KLUB pour en rire.

Si je reviens à la bande dessinée, il faut l’aborder avec ouverture d’esprit et pourquoi pas, avec humour. Ça peut sembler noir mais les planches de KLUB ont provoqué chez moi de nombreuses séquences de fou rire. Humour jubilatoire, spontané, instantané, décalé, insolent. Il m’est arrivé d’avoir envie de rire dans un salon funéraire. Je me suis toujours retenu bien sûr mais ici, je vous suggère simplement de vous laisser aller. Je crois qu’il est impossible de parcourir les dessins et de ne pas rire.

Le rire sera aussi au rendez-vous je crois bien pour les autres livres de la série parcourue d’un bout à l’autre d’un humour insolent, magnétique voire surprenant. À essayer. Moi j’ai passé un moment très spécial avec les ABSCONCITÉS.

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 Visitez le blog de KLUB. Je crois que vous ne serez pas déçu. Cliquez ici.

Suggestion de lecture : CAPITAINE STATIC, d’Alain Bergeron et Sampar

Amusez-vous bien
Claude Lambert
le dimanche 18 juin 2023

 

LES AVENTURES OCCULTES DE LADY BRADSLEY

Commentaire sur le livre de
OLIVIER SARAJA

*…Lady Bradsley soupira de soulagement. Le bandage autour de sa main témoignait du sang qu’elle avait scarifié pour sceller l’âme errante dans un bijou, désormais sous la protection des eaux calmes de la mer de chine. *
(Extrait : LES AVENTURES OCCULTES DE LADY BRADSLEY, 1904-1916, Olivier Saraja, Les Éditions du 38, 2019. 343 pages. Format numérique pour la présente.)

Lady Bradsley est une jeune veuve douée de talents particuliers : elle parle aux morts et décrypte les souvenirs qui imprègnent les lieux qu’elle visite. Elle sillonne le monde du début du XXe siècle, en proie aux rivalités coloniales pour résoudre les mystères occultes qui s’offrent à elle. Mais tandis que le spectre de la première guerre mondiale se profile, comment gèrera-t-elle sa malédiction personnelle ? En effet, Lady Bradsley est elle-même hantée par Henry, le fantôme de son mari, dont l’amour est si fort qu’il transcende les frontières entre les mondes. cette intégrale rassemble cinq aventures. Le monde et ses mystères occultes ne sont pas assez grands pour les talents médiumniques de Lady Bradsley !

Le paranormal de par le monde
*L’activité surnaturelle se montrait telle
que lady Bradsley ne pouvait plus ignorer
cette autre réalité qui se superposait à son
regard. *
(Extrait)

Ce livre est un recueil d’aventures occultes. C’est la première fois que je lis ce genre de livre et j’y ai pris goût dès la première nouvelle. J’ai trouvé le tout intéressant voire original. L’héroïne de ces aventures est Lady Bradsley, une jeune aristocrate, veuve. Lady Bradsley est une spirite, une occultiste. On peut dire aussi voyante même si ça va un peu plus loin.

Elle a un don particulier : elle voit les âmes, ce qui est courant chez une voyante mais surtout, elle perçoit leur détresse, alors que, n’ayant pas repérer ou suivi la lumière, ces âmes errent entre ciel et terre. Parmi ces âmes, il y a celles de son mari, Lord Henry Bradley qui intervient dans chaque aventure, la plupart du temps pour protéger sa femme. Autre élément intéressant qui revient au fil des nouvelles, Lady Bradsley est enceinte d’Henry…une grossesse qui ne finit pas de finir et qui connaîtra un terme spécial…à découvrir.

Enfin, ce qui amène Lady Bradsley à se frotter au monde ectoplasmique à chaque nouvelle, tient au fait qu’elle dirige une petite entreprise d’investigation en occultisme qui lui fait faire presque le tour du monde pour résoudre des mystères occultes, envoyée par les grands de ce côté-ci de l’univers, dont la Couronne Britannique.

Passionnant à suivre d’une nouvelle à l’autre, ce livre n’est pas sans créer dans l’esprit du lecteur des images classiques mais toujours impressionnantes auxquelles nous ont habitué des séries comme POLTERGEIST ou SOS FANTÔMES : apparition d’ectoplasmes, baisses spectaculaires de température, télékinésie, lévitation, apparition d’horribles créatures visqueuses et dégoûtantes, satanisme et j’en passe. Tout ça c’est du déjà vu évidemment mais l’originalité de ces aventures tient dans les interactions entre Lady Bradsley, le monde des esprits et les interventions de l’esprit de son mari, l’infatigable Henry.

J’ai trouvé aussi très intéressant de passer d’un pays à l’autre et à cet égard, le livre est très bien documenté, en particulier sur les traditions, le folklore et les différentes approches du domaine paranormal, superstitions, cultes obscurs et j’en passe. J’ai particulièrement apprécié ce moment passé dans la capitale des Mille et une nuits.

C’est en effet à Bagdad que j’ai vraiment appris à connaître Lady Bradsley qui a elle aussi ses petits secrets et mystères mais qui demeure toujours attachante. Tout comme Henry d’ailleurs, une espèce de grand garçon hyper-protecteur qui continue d’être amoureux fou, même dans son univers occulte.

C’est un bon petit bouquin. L’écriture est fluide mais efficace. C’est-à-dire qu’elle fournit les émotions auxquelles on s’attend lorsqu’il est question de paranormal et de surnaturel, la peur en particulier et ce, que vous croyiez aux fantômes ou pas.

* Surpris par le contact spirituel, l’animal spectral interrompit son geste, mimé par son simulacre sur le plan matériel, leurs deux formes désormais superposées à la vision mystique de la Britannique. La jeune femme supposait que le revenant auquel elle faisait face était le responsable de la triste réputation de la région. * (Extrait) Suivre Lady Bradsley est je crois, s’offrir un agréable voyage.

Suggestion de lecture : NOUVELLES FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE, collectif

Passionné de science-fiction, de fantastique et de fantaisie, Olivier Sajara a toujours été attiré par les univers imaginaires. Après avoir contribué à l’âge d’or du jeu de rôle en France, il s’est consacré à la découverte de logiciels libres au travers du système d’exploitation GNU/Linux.

Son enthousiasme pour les images numériques (Point à point, vectoriel, synthèse) l’a conduit à écrire de nombreux articles de presse sur ces sujets ainsi qu’un ouvrage de référence sur le principal logiciel libre d’animation et de création d’images de synthèse. Aujourd’hui, à travers ses écrits plus fictionnels, il essaie d’explorer la face sombre de l’humanité pour susciter réflexion, espoir, mais surtout divertissement.

Contenu dans l’intégral

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 17 juin 2023

DIEU PARDONNE, MOI PAS, de Claude-Michel Rome

*Le corps tomba du filet dans un bruit de masse
sourde parmi les flots gluants de merlus et de
sardines bondissant en apnée, gueules béantes
luttant contre la mort. Le corps lui, ne luttait plus. *
(Extrait : DIEU PARDONNE, MOI PAS, Claude-Michel
Rome, Albin Michel éditeur, 2020, 530 pages, papier)

À la veille d’un procès contre une dictature pétrolière, le cadavre du grand avocat parisien Pascal Metzger est retrouvé en mer. Bien qu’ébranlés par son décès, ses trois jeunes associés décident de poursuivre le procès. Or, les preuves amassées par Me Metzger ont disparu. En reprenant le dossier, Carla, Malik et Pierre-Emmanuel pénètrent peu à peu une affaire aux ramifications aussi gigantesques qu’insoupçonnées : armes, pétrole, alliances des mafias et des cartels, corruption, évasion fiscale…. De la « France-à-fric » en passant par la Suisse, Monaco et la banque du Vatican, c’est le sommet des États et le cœur même de l’économie planétaire qui sont en cause.

La corruption banalisée
*Le garde arracha son arme et tira deux fois dans le verrou.
Il explosa. Et la trappe de la cale s’ouvrit sur une vision
d’enfer. Plus de deux cent cinquante morts vivants surgirent
du néant comme une nuée, libérant une immense clameur de
panique dans une bousculade déchirante. Carla en resta
médusée. Une foule de corps décharnés, fantômes faméliques,
une vision de cauchemar… *
(Extrait)

C’est un récit très dur avec comme toile de fond le blanchiment d’argent, les règlements de compte, corruption, alliances obscures, cartel de drogues, mafias. Et comme il est beaucoup question d’argent sale, l’auteur se connecte à une actualité récente et implique la banque du Vatican. *-C’est mon combat…il touche aussi à son terme, professore. Au nom de sa Sainteté, je vais laver le Vatican du crottin du diable ! et par chance, je sais désormais qui est ce diable déguisé en cardinal ! * (Extrait)

En cours de lecture. il ne faut jamais perdre de vue que ce livre est une fiction mais vous devrez admettre qu’il est terriblement branché sur l’actualité, pointant du doigt une maladie planétaire chronique qui pourrit l’économie mondiale : le blanchiment d’argent, un art du crime organisé. Comme roman, j’ai trouvé l’histoire addictive, glaciale. Écriture très directe, efficace et qui entre très profondément dans les coulisses de la corruption.

Voyons un peu le contenu. L’auteur frappe fort dès le départ. À quelques jours du procès majeur du président Obamyane, dictateur d’un pays pétrolier d’Afrique de l’ouest, corrompu jusqu’à la moelle, l’avocat principal Metzer disparait en mer, avec toutes ses preuves. Les trois jeunes associés de Pascal Metzer reprennent le dossier qui est une véritable poudrière. Les trois jeunes loups se rendent compte très vite de l’ampleur colossale de cette affaire, voyant bien que le mal gruge jusqu’au cœur de l’économie planétaire :

*…-Personne ne sait, mais nous on sait. -À condition que le contenu de la clé vaille de l’or. -J’imagine que c’est le cas, sinon il n’y aurait pas une épidémie de morts subites dans les milieux bancaires. Ils sont aux abois. Et plus le procès Obamyane approche, plus ça flippe grave sur les places financières…* (Extrait) Ne vous fiez pas trop au caractère euphémique du dernier extrait. Je dois dire qu’en général, le langage tranche par sa crudité.

C’est un des meilleurs thrillers que j’ai lus. À certains égards, il m’a rappelé le film Z de Costa Gavras qui fait remonter beaucoup de crasse sociale à la surface ou encore les magouilles politiques et militaires de pays truands qui font l’objet de pratiquement tous les épisodes de la série originale MISSION IMPOSSIBLE. D’ailleurs, le livre est développé un peu à la manière d’un scénario de film. Le rythme est rapide, parfois haletant.

Dans l’ensemble, le récit est structuré de façon à garder le lecteur en apnée. Et dire que c’est une première expérience pour l’auteur, Claude-Michel Rome. Chapeau. Je vais le surveiller celui-là. Une petite faiblesse que je voudrais signaler ici. J’ai trouvé la finale un peu bizarre. Le sort de Francisco Obamyane m’a semblé tirée par les cheveux, orchestrée par un ange appelé Angel. Ça manque de fini, de détails.

La conclusion laisse beaucoup de choses en plan comme si on faisait le grand ménage en balayant tout simplement la poussière sous le tapis. Mais l’ensemble est ajusté à une triste réalité. Élimine un corrupteur, un autre prend sa place. C’est le classique d’Hercule contre l’hydre. C’est aussi dans la finale du récit que le titre prend tout son sens DIEU PARDONNE, MOI PAS…la vengeance est le dessert de ce thriller politique incisif et glacial. Ce livre est un excellent divertissement.

Suggestion de lecture : LES GESTIONNAIRES DE L’APOCALYPSE, de Jean-Jacques Pelletier

Claude-Michel Rome est réalisateur et scénariste. Il a une trentaine de films à son actif, la plupart pour la télévision, dont les plus connus sont L’emprise, diffusé sur TF1 en 2014, et un long métrage, Les insoumis (2007). Dieu pardonne, moi pas est son premier roman et c’est très prometteur.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 11 juin 2023

L’AFFAIRE DES CORPS SANS TÊTE, de Jean-Christophe Portes

*…il comprit brusquement qu’il allait finir pendu
et égorgé comme le gouverneur de la Bastille,
et sa tête brandie au sommet d’une pique…
pourtant, il résistait encore…*
(Extrait : L’AFFAIRE
DES CORPS SANS TËTE, Jean-Christophe Portes,
or. : City éditions, 2015, 400 pages. Version audio :
Audible studios éditeur, 2018, durée d’écoute : 11
heures 23 minutes. Narrateur : Florent Cheippe. 1er
volet des enquêtes de Victor Dauterive. Thriller)

1771 : On découvre des cadavres dans la Seine, nus et la tête coupée. Malgré l’émoi populaire, Victor Dauterive, jeune officier de la nouvelle Gendarmerie n’a guère le temps de s’en préoccuper : Lafayette, son mentor, l’a chargé d’arrêter Marat, ce dangereux agitateur qui appelle au meurtre des aristocrates. Mais la mission tourne vite au cauchemar.  Peu à peu, Victor Dauterive lève le voile sur un effrayant complot, une conspiration qui pourrait changer le cours de la Révolution…

VARIATION SUR RÉVOLUTION
*Marat s’interrompit brusquement pour dévisager le sous-lieutenant.
Dans son regard brûlait une passion inconnue qui fit frissonner Victor,
et il sentit que, derrière cet homme, tout un peuple réclamait justice. *
(Extrait)

C’est un roman historique très fort. Je dirais même un *policier historique* car on y suit une enquête complexe d’un sous-officier de la nouvelle gendarmerie nationale qui remplace l’ancienne organisation policière qu’on appelait la maréchaussée. Le policier s’appelle Victor Dauterive qui deviendra un personnage récurrent de l’oeuvre de Jean-Christophe Portes.

Nous sommes dans la dernière décennie du XVIIIe siècle. Louis XVI tente l’impossible pour sauver son trône en s’appuyant en particulier sur son plus précieux général : Le marquis de Lafayette, appelé le héros des deux mondes, fait général par George Washington dans la guerre d’indépendance contre le pouvoir colonial britannique, puis revenu en France pour gérer la sécurité du roi.

L’histoire se déroule alors que les figures émergeantes de la révolution française lèvent la voix: Danton, Robespierre, Jean-Paul Marrat. Dans une société instable et chaotique, alors que le roi doit fuir son propre peuple, Dauterive enquête sur la découverte de cadavres dans la Seine, nus, la tête coupée avec une précision chirurgicale. Son enquête l’amène dans les coulisses de la révolution, mettant au jour un complot qui risque de mettre la France à feu et à sang.

J’ai beaucoup lu sur la révolution française, suffisamment pour observer un profond respect de l’auteur pour le contexte historique. C’est très bien documenté. C’est un roman très attractif. J’ai eu l’impression d’avoir été installé à Paris au XVIIIe siècle. C’est vivant et aussi très explosif. Je constate toutefois deux petites faiblesses à cet ouvrage : le début est lent et le lien entre la révolution et les cadavres sans tête n’est pas évident ou tout au moins non-prioritaire tout au long du récit. Deuxièmement, il y a dans le récit, apparence de complots qui, tantôt s’opposent, tantôt s’imbriquent. On s’y perd un peu parce que le fil conducteur du récit devient chancelant par moment.

C’est bien peu de choses devant le caractère de la plume, le réalisme historique, l’intensité des personnages et, si je me réfère à la version audio, les extraordinaires capacités vocales du narrateur Florent Cheippe. J’ai eu du plaisir à suivre Victor Dauterive. J’ai même hâte de le retrouver dans sa prochaine enquête en espérant qu’il continuera à me tenir en haleine et m’entraînera dans les nombreux rebondissements qui ont si bien caractérisé sa première enquête. À suivre et j’ai hâte.

Suggestion de lecture : LA TABLE DE ROBESPIERRE, de Charles Richebourg

Après des études à l’École nationale des arts décoratifs, Jean-Christophe Portes est devenu journaliste et réalisateur pour la télévision. Les précédentes enquêtes de Victor Dauterive, L’AFFAIRE DES CORPS SANS TÊTE, L’AFFAIRE DE L’HOMME À L’ESCARPIN, LA DISPARUE DE SAINT-MAUR et L’ESPION DES TUILERIES ont rencontré un beau succès. Portes a remporté le prix du Polar du Festival de Saint-Maur en 2018. Toutes les enquêtes de Victor Dauterive se déroulent dans le cadre de la France révolutionnaire, alors que le pays est au bord du chaos et que la monarchie tire à sa fin.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 10 juin 2023

LE NOM DE LA ROSE, le livre d’Umberto Eco

*Puisse ma main ne point trembler au moment
où je m’apprête à dire tout ce qui ensuite arriva. *
(Extrait : LE NOM DE LA ROSE, Umberto Eco,
origine : Grasset éditeur, 1990, 550 pages. Version
audio : Audiolib éditeur, 2012, durée d’écoute :
22 heures 4 minutes, narrateur : François d’aubigny)

Au début du XIVe siècle, une abbaye située aux confins de la Provence et de la Ligurie. Un lieu voué à la prière et à l’étude avec sa bibliothèque qui fait l’admiration de tout l’Occident chrétien, à l’écart des violences et des luttes de pouvoir qui déchirent les royaumes voisins. Jusqu’au jour où un moine est trouvé mort au bas des murailles. C’est le début d’une sanglante série que devra élucider Guillaume de Baskerville Alors qu’une délégation papale est sur le point de faire son entrée au monastère, dirigée par un farouche adversaire de Guillaume, le grand inquisiteur envoyé par le pape Jean XXII, le dominicain Bernardo Gui.

Les envoyés du pape sont venus débattre de la pauvreté du Christ mais son dirigeant ne tarde pas à instruire un procès bâclé condamnant le meurtrier présumé, pour sorcellerie.

La terrifiante bibliothèque
*Jusqu’alors j’avais pensé que chaque livre parlait des choses,
humaines ou divines, qui se trouvent hors des livres. Or je m’apercevais
 qu’il n’est pas rare que les livres parlent de livres, autrement dit,
 qu’ils parlent entre eux. À la lumière de cette réflexion, la bibliothèque
 m’apparut encore plus inquiétante. *
(Extrait)

LE NOM DE LA ROSE est, pour moi, une œuvre monumentale de Umberto Eco. Ma façon de le présenter peut sembler grandiose mais c’est un roman psycho-philosophico-mystico-théologique développé dans un contexte médiéval, le tout sur fond d’intrigue qui prend, du moins au départ, l’allure d’un polar. C’est mon impression. Ce n’est jamais allé plus loin.

Je dois vous dire d’entrée de jeu que, si j’ai été subjugué par ce fleuron de la littérature, je n’ai jamais pu m’enlever de l’esprit l’adaptation cinématographique du livre signée en 1986 par Jean-Jacques Annaud avec Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville et Christian Slater dans le rôle d’Adso de Melk. Ce film, que je considère comme un chef d’œuvre du septième art a le grand mérite de vulgariser et rendre accessibles les nombreuses exégèses, théories et explications philologiques contenues dans le livre.

Notez toutefois que l’adaptation est relativement libre car le livre et le film ne finissent pas vraiment de la même façon. Quant à l’Église, elle est comme elle a toujours été…dans le champ. Le film m’a permis de rendre très recevable le livre d’Eco que j’ai trouvé très savant, érudit, pas toujours facile à suivre avec entre autres une impressionnante quantité de citations latines… irritantes mais probablement nécessaires.

Maintenant, un petit rappel du contexte : Nous somme en 1327. L’autorité du pape Jean XXII et celle de l’empereur Louis IV déchirent la chrétienté qui est secouée par un débat émotif, houleux et profond, suscité par les franciscains et visant la pauvreté de l’Église.

Dans ce contexte, le franciscain Guillaume de Baskerville et son pupille Adso de Melk, qui est le narrateur du récit, se rendent dans une lointaine abbaye aux confins de la Provence, se joindre à une légation papale dirigé par un inquisiteur agressif : Bernardo Gui, pour débattre de la pauvreté du Christ, un débat de torts et de raison qui ne sert finalement qu’à occulter le conflit politique entre le pape et l’empereur.

Dès son arrivée à l’abbaye, Guillaume se voit demandé par l’Abbé de la communauté d’enquêter sur une mort très suspecte. C’est finalement une série de meurtres que le bon Guillaume devra résoudre.

Je crois qu’Umberto Eco a relevé un défi colossal en nous plongeant dans le cœur de l’obscurantisme alors qu’on voyait l’hérésie partout, en suivant un cœur pur quoiqu’orgueilleux sur le plan intellectuel et duquel jaillit la lumière qui manquait tant à cette époque. Considérons Guillaume comme un précurseur de la période des lumières.

Dans cette histoire, l’intrigue est noyée dans les palabres théologiques et philosophiques. Toutefois, cette intrigue est intéressante car elle est en lien avec les livres contenus dans la plus grande bibliothèque de la chrétienté, riche, mais cauchemardesque.

Toute la richesse de l’œuvre repose sur les échanges et les débats entre autres sur une question qui a conservé toute son actualité : la pauvreté du Christ et les richesses de son Église. Il y a aussi de longues et intéressantes discussions sur le rire, objet de sciences sociale, objet de déchirement sur le plan théologique. Le rire est-il générateur de mal ou porteur de vérité. Est-ce que Jésus riait? Personne n’a prouvé le contraire.

J’ai trouvé l’histoire un peu complexe. Elle m’a imposé des recherches, de la réflexion, de la concentration. J’ai fait de magnifiques trouvailles. Et au final, ce livre est un délice, une fresque remarquable de l’époque médiévale…un vibrant plaidoyer en faveur de la tolérance et de l’éducation à la façon de Guillaume de Baskerville, par opposition au fanatisme et à l’obscurantisme personnifiés par Bernardo Gui.

L’ensemble est très dense, l’intrigue est originale et même passionnante même si elle semble souvent secondaire. Le contenu est savant, tentaculaire et farci de latin. On est loin du roman de gare. Considérez ce livre comme un défi, une grande aventure, un passionnant exercice intellectuel. Un livre incontournable qui m’a subjugué par sa richesse et son atmosphère.

Suggestion de lecture : LE SICARIER, de Danny-Philippe Desgagné

Né dans le Piémont en 1932, titulaire de la chaire de sémiotique de l’université de Bologne, Umberto Eco a enseigné à Paris au Collège de France ainsi qu’à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm. Il est l’auteur de sept romans, parmi lesquels le célèbre Nom de la rose, et de nombreux essais, dont Comment voyager avec un saumon et À reculons comme une écrevisse. Umberto Eco est décédé le l9 février 2016 à Milan. 

Le nom de la rose au cinéma

L’adaptation cinématographique du roman LE NOM DE LA ROSE sortie en 1980 est signée Jean-Jacques Annaud. Le film met en scène l’acteur Sean Connery dans le rôle de Guillaume de Baskerville, aux côtés notamment de son pupille, incarné par Christian Slater, on retrouve également F. Murray Abraham, Michael Lonsdale, Valentina Vargas et William Hickey dans les rôles principaux.

Le film est sorti aux États-Unis le 24 septembre 1986 puis sur les écrans français le 17 décembre 1986. Il a remporté de nombreuses récompenses, dont le César du meilleur film étranger à la 12e cérémonie des César en 1987.

Bonne lecture
Bonne écoute
le dimanche 4 juin 2023

LE BLEU DES GARÇONS, d’Éric Leblanc

*Il maintiendrait Frahm contre le mur, Frahm se débattrait. Ils renverseraient une lampe. Le corps à corps, peut-être qu’ils tombent et que la table basse se fracasse. Frahm tente avec ses doigts de crever les yeux bleus-mais d’un bleu- de l’homme. *

(Extrait de la nouvelle KOPFKINO du recueil LE BLEU DES GARÇONS d’Éric LeBlanc. Hamac éditeur, 2020, édition de papier, 160 pages, 14 nouvelles)


Ces histoires sont autant d’instantanés d’une crise, où l’incompréhension ne peut pas se régler avec des mots. Quelque part entre la nouvelle, le poème et le théâtre, ces quatorze fictions mettent en lumière les tabous du désir au masculin, tels que la vulnérabilité, la langueur, le polyamour, la cruauté et l’absence de transmission. Cherchant à s’extirper de tant d’impasses, ces hommes convoquent la violence pour ne pas se noyer, puisque c’est tout ce qu’ils connaissent. On veut alors mettre le feu, abandonner, violer, tuer. Parce que sinon quoi ?

 

MASCULIN SINGULIER
les tabous du désir

C’est un livre étrange qui explore les désirs entre hommes, les tabous masculins : amours impossibles ou qui n’aboutissent pas ou encore qui donnent sur la violence et la méchanceté. Le livre réunit 14 nouvelles, 14 fictions d’une plume variée qui va de la poésie au théâtre et qui développent autant de thèmes comme la sexualité chez les jeunes, le nombrilisme masculin, le désir et bien sûr, les tabous, notion parfois difficile à définir mais qui touche ici des réalités non seulement masculines, mais universelles.

Malheureusement, et c’est la difficulté que j’éprouve habituellement avec la poésie, la langue est occultée par l’image que suggère généralement la poésie à l’esprit. Il y a de nombreux passages où l’auteur m’a carrément perdu : *faque je travaille à ce qu’y ait partout des chasseurs qui veuillent accrocher ma tête au d’ssus d’leur foyer pis à ce qu’y ait des proies à sacrifier à la magie si proche d’exister qu’ça parait pus qu’on la trouve pas*. <extrait>

Ce qui précède est un extrait de la nouvelle JE TRAVAILLE, texte étrange, complètement dépourvu de ponctuation et qui évoque la désorganisation, la colère et le mal de vivre.

Je dois admettre qu’il y a de la beauté dans l’écriture, mais il faut savoir la dénicher, la déterrée, la faire éclater. Ce n’est pas évident. Beaucoup vont décrocher avant d’y arriver. Les mots ne servent qu’à créer une image dans l’esprit du lecteur et de la lectrice. Pas étonnant que l’auteur soit photographe. Éric LeBlanc pense en image. Il livre l’image de la sensibilité, de la fragilité et de l’intimité d’hommes pour qui il est trop souvent plus facile de se rejeter que de s’aimer.

C’est selon moi, cette réalité qui imprègne au récit un caractère méchant, agressif, voire belliqueux sur fond de désir et de tabous : *À nos côtés, inatteignable, l’instant inerte de mon père et moi et de ses larmes et du poids absolu de nos sexes effondrés l’un sur l’autre. Nous ne nous réconcilierons pas. * (Extrait)

Ce n’est pas facile à lire. J’ai été heureux de pouvoir entrer à fond dans certains récits mais pour la plupart je devais me creuser la tête. Morale de l’histoire il faut lire LE BLEU DES GARÇONS avec un maximum d’ouverture d’esprit et exploiter le côté visuel de la plume. Sentir et ressentir devient plus important que lire. Sinon on se retrouve dans un français dénaturé, codifié et truffé de phrases en anglais et en allemand…de quoi perdre son latin.

On dit dans les synopsis que ces histoires sont autant d’instantanés. Je suis d’accord partiellement seulement. C’est encore un langage de photographe et pour utiliser le même langage, rien dans ces récits n’est croqué sur le vif. Tout est à décortiquer lentement. Les récits sont ceux d’hommes qui aiment et *désaiment* avec tout ce que ça implique… malveillance et noirceur. Je ne crois pas que ce livre fasse un malheur mais c’est un défi intéressant pour l’esprit.

Suggestion de lecture : Derrière les portes bleues, de Michel Giliberti


Éric LeBlanc. Photo : Guy Bernot

Éric LeBlanc est auteur, photographe, artiste numérique et performeur. On le remarque en 2016 alors qu’il est finaliste pour les Prix de la création poésie de Radio-Canada, puis semi-­finaliste catégorie nouvelle en 2017. En solo, Éric LeBlanc récite poèmes et nouvelles sur les scènes du Festival Québec en toutes lettres, du Off-Festival de poésie de Trois-Rivières et du Festival de Poésie de Montréal. On peut le lire notamment dans la revue Zinc et sur la trousse poétique en ligne Tout à coup – la poésie. Plus de 5 600 personnes découvrent son exposition photo IGAnne au Théâtre de la Bordée à l’hiver 2019. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 3 juin 2023

 

PROJET ANASTASIS, le livre de Jacques Vandroux

*Alpha tira trois objets métalliques de son sac. Sans hésiter,
il les lança dans la foule compacte. Il se mit rapidement à
l’abri derrière la colonne. Quand la première grenade explosa,
la stupéfaction gagna la foule. Les deux explosions suivantes
espacées de quelques secondes, transformèrent l’église en un
temple de souffrance.
(Extrait : PROJET ANASTASIS, Jacques
Vandroux, Robert Laffont éditeur, 2017, format numérique, 530
pages en version brochée)

Jean Legarec, responsable d’une agence privée de renseignements, est un expert en affaires sensibles. Mais il est loin d’imaginer ce qui l’attend lorsqu’il accepte d’enquêter sur la disparition d’un enfant, enlevé lors du chaos qui a suivi un attentat perpétré à Notre-Dame de Paris. Très vite, Legarec découvre qu’il ne s’agit pas d’un « simple » kidnapping, mais d’un large complot dont les racines remontent au Troisième Reich. Aidé de Béatrice, la tante du garçon, il va devoir plonger au cœur des heures les plus sombres de l’histoire européenne. Et ce, alors même que son attirance grandissante pour Béatrice menace d’obscurcir son jugement… Parviendra-t-il à  sauver un enfant innocent de cette toile infernale ?

Une brique de chaos
*…Pourtant qui sait ce que ces médecins ont découvert ?
Qui sait à quelles atrocités ils se sont livrés pour
satisfaire leurs fantasmes de toute-puissance ?
Comment pouvons-nous enquêter dans cette
direction?
(Extrait)

Peu de choses à dire sur cette histoire un peu réchauffée et sans grande originalité. Le roman est classé thriller historique parce que l’auteur le fait évoluer dans les heures sombres de l’humanité. Jusque là ça va mais le développement est plutôt abracadabrant et n’offre pas grand-chose de neuf : d’un côté, un ennemi sans états d’âme, le nazisme ressuscité grâce à la génétique et de l’autre, un héros sans peur et sans reproche style James Bond.

Là où ça devient un peu plus intéressant, c’est que, à enquêter sur la disparition d’un enfant, l’auteur va nous faire plonger dans une des périodes les plus dramatiques de l’histoire européenne donnant au récit une dimension historique captivante.

Les personnages sont aussi intéressants car l’enquêteur Jean Legarec va s’entourer d’une équipe de collaborateurs qui donneront de la couleur au récit : un survivant des camps de la mort, encore vigoureux (comme trop beau pour être vrai), un militaire, quelques diplomates, une historienne allemande…disons très ouverte, et une énigmatique alsacienne.

Donc, dans ce thriller, il y a des valeurs sûres malgré une forte impression de déjà vu qui ne ma jamais vraiment laissé en cours de lecture. Le thème central de l’œuvre garde toutefois toute son actualité : Le terrorisme et une batterie de sous-thèmes dont la domination, le pouvoir, l’argent…

Le style de l’auteur favorise une lecture rapide et agréable. Le rythme est rapide et même haletant par moment. On est cependant très loin du chef d’œuvre littéraire. C’est bourré de clichés, naïf et de nombreux passages sont tirés par les cheveux.

Je dois dire cependant que la plume de l’auteur favorise une bonne mise en image dans l’esprit du lecteur. L’écriture me rappelle un peu un scénario de film. Ce roman a donc des forces intéressantes mais il ne bousculera pas la littérature. C’est pour moi le genre de livre qu’on oublie plutôt facilement en attendant un livre qui renouvellera vraiment le genre.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Ingénieur de formation, Jacques Vandroux a commencé à écrire dans le train et dans l’avion, au cours de ses nombreux déplacements professionnels. Il y a vite pris goût et a décidé de s’autopublier afin de partager ses histoires au grand public. Et le succès a été au rendez-vous puisqu’il est devenu, en moins de cinq ans, un véritable phénomène de l’autoédition, avec plus de 370 000 exemplaires vendus dans le monde.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 28 mai 2023

MALAVITA, le livre de Tony Benacquista

*Dans les films, si on aime que la force soit mise au service du juste, c’est parce qu’on aime la force, pas le juste. Pourquoi préfère-t-on les histoires de vengeance aux histoires de pardon ? Parce que les hommes ont une passion pour le châtiment. *
(Extrait du livre de Fred, MALAVISTA de Tonino Benacquista, Gallimard éditeur, 2004, édition de papier, 318 pages.)

Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit. Une autre famille y aurait vu un commencement. Une nouvelle vie dans une nouvelle ville. Une famille d’Américains s’installe à Cholong-sur-Avre, en Normandie. Fred, le père, se prétend écrivain et prépare un livre sur le Débarquement. Maggie, la mère, est bénévole dans une association caritative. Belle, la fille, fait honneur à son prénom. Warren enfin a su se rendre indispensable pour tout et auprès de tous. Une famille apparemment comme les autres en somme. Une chose est sûre, s’ils emménagent dans votre quartier, fuyez sans vous retourner…

Quand la mafia délire
Fred s’interrogeait sur les mystères du point-virgule. Le point, il savait,
la virgule, il savait, mais le point-virgule ? Comment une phrase pouvait-elle
à la fois se terminer et se poursuivre ? Quelque chose bloquait mentalement,
la représentation d’une fin continue, ou d’une continuité qui s’interrompt, ou
  l’inverse, ou quelque chose entre les deux, allez savoir.
(Extrait)

Techniquement, MALAVITA est un terme italien dont la traduction directe est *mauvaise vie*. C’est un des noms que les siciliens donnent à la mafia. COSA NOSTRA en est une extension. Accessoirement, MALAVITA est aussi le nom d’une chienne sans signe vraiment distinctif sinon qu’elle connaîtra aussi un genre de règlement de compte à la sauce Malavita. Il faut voir dans quelles circonstances.

Le tout donne un livre original ayant comme toile de fond le programme américain de protection des témoins (WITSEC) créé pour protéger les témoins menacés avant, pendant, et après un procès. En échange de leurs témoignages contre le crime organisé, on leur offre la protection, une nouvelle identité, un changement de pays, bref : un anonymat. C’est ainsi que la famille Manzionni devient la famille Blake, nouvellement débarquée (sans jeu de mot) à Cholong-sur-Avre en Normandie.

Le Père, Fred qui devient écrivain, La mère, Maggie, une philanthrope et les enfants, Belle, une suicidaire potentielle et Warren, une mauvaise graine potentielle. Tout ce beau monde est surveillé de près les les chiens de garde du programme, en particulier Quintiliani, qui ne l’aura pas facile…

Malgré la violence, inévitable quand il est question de mafia, ce livre m’a fait sourire surtout quand un ignorant tordu passe de la gestion du crime au statu d’écrivain et encore, son style littéraire pousse plutôt au burlesque. L’aspect le plus intéressant dans ce récit est la relation entre Fred et son ange gardien Quint. Monsieur Blake est ce qu’on pourrait appeler un ingérable qui donnera beaucoup de fil à retordre aux G-men. Ça donne lie à des situations cocasses et de belles migraines pour Quintiliani.

Tout ça pour démontrer qu’il y en a pour qui changer est impossible, que quand on porte la graine de malfaisance, il y a de fortes chances qu’on la fasse fructifier. Ça nous amène à une finale que j’ai trouvé fort spectaculaire, quoique peu crédible.

Benacquista a bien ficelé son récit et a beaucoup travaillé sur ses personnages, Fred en particulier. Il a un côté humain et attachant qui se cherche dans une vie nouvelle qu’on lui impose et qui s’improvise écrivain, ce qui n’est au fond qu’une simple contenance. Autre personnage fort bien approfondi : Tom Quintiliani, le G-Men qui s’assure que les Blake respectent le *contrat*, Fred le décrit très bien dans sa tentative de livre : *Tom est le pire des flics parce qu’il est le meilleur, quatre ans, il avait mis, pas un jour de moins, avant de m’enchrister…* (Extrait)

C’est un roman qui fait diversion. Un récit déjanté, un peu surfait, divertissant et qui met davantage l’accent sur les personnages que sur l’histoire comme telle. J’ai trouvé la plume légère, fluide. Attention, il y a beaucoup de personnages. C’est parfois mêlant et ça fragilise le fil conducteur. Il y a évidemment des passages violents. C’est inévitable quand la pègre est dans le décor.

Mais l’auteur vient nous rappeler qu’il y a moyen d’en rire comme Billy Wilder l’a fait avec son film CERTAINS L’AIMENT CHAUD avec Tony Curtis et Jack Lemmon. Je ne serai jamais attiré par les romans qui traitent de la mafia mais MALAVITA m’a procuré un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LE BIEN DES AUTRES, de Jean-Jacques Pelletier


Tonino Benacquista est né en 1961 dans une famille d’émigrés italiens. Il publie son premier roman en 1985 au Fleuve Noir, les suivants à la Série Noire et aux éditions Rivages. Il écrit des nouvelles, des scénarios pour le cinéma. Parmi ses principaux ouvrages, Malavita encore (Gallimard, 2008), Malavita (Gallimard, 2005), Saga (Gallimard, 1997), La machine à broyer les petites filles (Rivages, 1993), La commedia des ratés (Série Noire, 1990) ou La maldonne des sleepings (Série Noire, 1989).

Le livre MALAVITA de Tonino Benacquista a été adapté au cinéma en 2013 par Luc Besson, produit par Martin Scorsese. Ce thriller policier réunit sur grand écran une prestigieuse distribution : Robert de Niro, Michelle Pfeiffer, Tommy Lee Jones et Diana Agron.

 

Bonne lecture
Claude Lambert

 

L’ÉCOLE DES GARS, de Maryse Peyskens

Commentaire sur la quadralogie de Maryse Peyskens. À l’origine, Dominique et Compagnie éditeur, 2018. Mon commentaire est basé sur la version audio, chez le même éditeur, sorti aussi en 2018. Durée d’écoute : 11 heures 3 minutes. Narrateur : Jacques Lussier. Version intégrale d’origine

Il nous fait plaisir de vous informer que vous êtes admis à l’École des Gars et nous vous en félicitons… Chez nous, tout est permis… enfin… presque! Des activités EXTRAORDINAIRES et des rencontres INOUBLIABLES vous attendent….

(Extrait du tome 1)

Les titres :

Tome 1 : C’est la rentrée des classes. Pour la première fois de sa vie, Rémi a hâte de partir pour l’école. En effet, il a été accepté dans un endroit pas comme les autres. Notre héros ne sera pas déçu…

Tome 2: Une fille à l’école des gars : Léonie est une jeune fille qui a bien des difficultés à l’école. Son comportement de tannante lui vaut même d’être renvoyée… Dans quelle école pourra-t-elle faire sa prochaine rentrée scolaire? Pourquoi pas à l’école des gars?

Tome 3: Ça se complique à l’école des gars : L’École des Gars accueille un nouvel élève: Fabien : hypersensible, renfermé et timide. Afin de l’aider à s’intégrer, Foinfoin propose un programme 100% zen. Mais les élèves se démotivent vite. Et qui dit ennui, dit conflit. Pour tenter de résoudre ce nouveau problème Foinfoin propose un périple dans un village amérindien  

Tome 4: Disparition à l’école des gars : Samedi 1er décembre. Il neige… la disparition de Léonie et Guillaume obligera Foinfoin et ses amis à plonger dans les sous-sols lugubres de l’École. Un voyage au coeur de l’école qui leur permettra de redécouvrir leurs forces. Peut-être même aussi l’amour… et l’origine de Foinfoin. Qui sait?

*lors de leur première conversation, Guillaume confia à Rémi que ses mouvements de fessier incontrôlables lui avaient attiré les reproches de ses enseignants durant les années précédentes. -J’passais la moitié de mes heures de cours dans le corridor… Rémi comprit qu’il ne serait plus le seul hyperactif de sa classe. *  (Extrait)

DES TANNANTS AVEC DU TALENT

L’ÉCOLE DES GARS est une petite série originale, légère, rafraîchissante et motivante pour les préados. L’histoire se déroule dans un institut d’enseignement appelée L’ÉCOLE DES GARS. N’allez pas croire que le livre ne s’adresse qu’aux garçons car une jeune fille se glisse dans l’histoire dès le deuxième tome. Les enfants ont abouti dans cette école parce qu’ils ont un problème difficile à gérer dans une école régulière. On y voit un peu de tout : hyperactivité, déficit d’attention, troubles du développement, bégaiements et difficultés langagières et j’en passe. Cette école est très spéciale.

Elle n’impose pas de règles strictes et les défis ainsi que les projets créatifs sont amalgamés à une pédagogie innovante. Le succès de l’école repose surtout sur un personnage énigmatique, un nain appelé Foinfoin, un véritable puits de connaissances et de savoir à la fois philosophe, psychologue, pédagogue, intervenant social et motivateur. Pour des raisons plutôt mal définies dans l’histoire, les enfants doivent s’engager à ne jamais parler de Foinfoin…aucune allusion à ce sujet. L’histoire est ainsi faite que dans les trois premiers tomes, les jeunes ont besoin de Foinfoin et dans le quatrième tome, c’est Foinfoin qui a besoin des jeunes.

C’est bien écrit, c’est positif, porteur d’espoir et de motivation pour les hyperactifs. Le récit vient nous rappeler que le système éducatif est un énorme moule. Si les enfants ne rentrent pas dans le moule…ben…on leur colle une étiquette, un numéro et un code d’intervention. Un système sans ventilation dont les résultats sont discutables. Dans la série L’ÉCOLE DES GARS qui est très est attractive, on parle d’une école qui met complètement de côté la fameuse étiquette souvent collée au front des jeunes qui éprouvent des difficultés. Si les méthodes utilisées sont pour le moins surprenantes, l’empathie qui s’en dégage est remarquable.

Une petite faiblesse : quant au personnage de Foinfoin, qui est-il ? D’où vient-il ? D’où vient tout son savoir ? Pourquoi est-il le seul à résider à l’école ? Les jeunes auditeurs-auditrices risquent d’être laissés en plan. J’aurais souhaité que l’auteur donne un peu plus de matière pour satisfaire, même partiellement la curiosité des jeunes. Il en dévoile un peu mais je suis resté sur ma faim. J’ai trouvé ça un peu frustrant mais bon, il y a tellement de forces dans cet ouvrage que je n’insisterai pas trop.

Le texte est enrichi de belles valeurs qui sont chères aux jeunes : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe. Mon tome préféré est le troisième alors que les jeunes font un séjour chez des amérindiens et s’imprègnent des traditions et du savoir-faire des Premières Nations. Je crois que les jeunes seront séduits par cette série, originale et amusante qui suit le quotidien de *p’tits tannants bourrés d’talent*.

 

Suggestion de lecture : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Pour en savoir plus sur l’auteure Maryse Peyskens, visitez le site de Dominique et compagnie. Pour connaître le parcours du narrateur Jacques Lussier, cliquez ici. Il existe beaucoup de sites et d’articles sur l’hyperactivité et le déficit d’attention, terme générique : TDHA. Si vous êtes intéressé par ce problème, je vous suggère ici une visite du site aidersonenfant.

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
Le dimanche 21 mai 2023

3001 L’ODYSSÉE FINALE, d’Arthur C. Clarke

<Ici GOLIATH, dit Chandler à l’intention de la terre,
avec dans la voix un mélange de fierté et de solennité.
Nous ramenons à bord un astronaute vieux de mille
ans. Et je crois savoir qui c’est. >
Extrait : 3001 L’ODYSSÉE FINALE, Arthur C. Clarke, 1997,
Albin Michel éditeur. Édition de papier, 285 pages.

Après une longue hibernation, le corps de Frank Pool, l’un des deux pilotes de l’astronef Discovery, est restitué à la vie. Persuadé que Dave Bowman, son compagnon d’odyssée, se trouve sur la lune Europe, il brave l’interdiction qui est faite d’y atterrir. Cet héroïsme mettra en perspective le grave danger que les monolithes font peser sur Europe et sur la terre. Peut-on changer le cours du destin ?

Les deux soleils
<Soudain, il avait trouvé une raison de
vivre. Il était temps ! Il lui restait un
travail à accomplir dans ce monde
qu’on appelait autrefois Jupiter.>
Extrait

Gary Lockwood à gauche et Keir Dullea incarnent respectivement les docteurs Frank Pool et David Bowman, les deux personnages principaux du film culte 2001 L’ODYSSÉE DE L’ESPACE réalisé en 1968 par Stanley Kubrick. Ces deux héros se retrouvent au cœur de la grande finale de l’Odyssée : 3001.

3001: L’ODYSSÉE FINALE est le dernier opus de la célèbre tétralogie d’Arthur C. Clarke qui a commencé par 2001 : L’ODYSSÉE DE L’ESPACE immortalisé par le septième art,

Dans ce chapitre final, Après 1000 années de dérive dans l’espace, le corps de Frank Poole est récupéré puis ramené à la vie. Ce dernier peut désormais contempler la planète Terre du haut de la tour Afrique, une des quatre tours construites par les humains. Poole, persuadé que David Bowman se trouve sur la mystérieuse Europe, le satellite interdit, va transgresser l’interdiction et s’y poser.

C’est une bonne histoire malgré mon ressenti d’un certain essoufflement et d’une surexploitation du thème. En fait, j’ai ressenti sensiblement la même chose qu’après la lecture de 2010 qui a été aussi adapté au cinéma. Dans ce deuxième volet,  le Dr Heywood Floyd accompagne un équipage russo-américain vers Jupiter à bord du Leonov dans le but d’étudier l’étrange objet satellisé, le fameux monolithe *stationné* entre Io et Jupiter.

Je sais. Mon commentaire peux ressembler étrangement à ce que j’ai écrit en mars 2023 sur ce site à propos du livre 2010 : ODYSSÉE 2 à savoir Une grande crédibilité sur les plans littéraire et scientifique même si ce dernier aspect m’a paru parfois très lourd, une représentation chaude et bucolique de l’environnement de la majestueuse Jupiter, mystère tenace et intrigue maintenus sur le monolithe, une plume riche malgré une certaine redondance par rapport aux tomes précédents et le fait, un peu navrant, que le film a laissé dans mon esprit une impression plus forte que le livre.

Quant aux personnages, j’ai eu de la difficulté à m’y attacher. Bowman en particulier. La série se tient et son caractère environnemental est criant : nous sommes les locataires de la terre. Quand le bail sera échu, on aura des comptes à rendre.

J’ai aimé ce livre mais je crois qu’il était temps que la série se termine. J’ai l’impression que, comme dans beaucoup de séries et de collections, le premier opus n’a jamais été battu.

Suggestion de lecture : HISTOIRE DE LA SCIENCE FICTION, de James Cameron

Arthur C. Clarke (de son nom complet Arthur Charles Clarke) est un auteur et un inventeur britannique. Il se consacre pleinement à l’écriture’à partir de 1951.C’est avec <2001, l’odyssée de l’espace> que vient la célébrité pour Sir Arthur C. Clarke. Son oeuvre comporte de nombreux autres titres, notamment des suites à 2001 et des essais.

L’écrivain vivait sur un fauteuil roulant depuis 30 ans, suite à une poliomyélite contractée pendant son enfance. Il s’était retiré au Sri Lanka, où il est mort le 19 mars 2008. Une académie y porte son nom. La plupart de ses essais (entre 1934 à 1998) sont rassemblés dans le livre Greetings, Carbon-Based Bipeds! (2000). La plupart de ses nouvelles sont réunies dans le livre The Collected Stories of Arthur C. Clarke (2001). Ces deux ouvrages forment une bonne sélection du travail de l’écrivain.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 20 mai 2023