LES AVENTURES OCCULTES DE LADY BRADSLEY

Commentaire sur le livre de
OLIVIER SARAJA

*…Lady Bradsley soupira de soulagement. Le bandage autour de sa main témoignait du sang qu’elle avait scarifié pour sceller l’âme errante dans un bijou, désormais sous la protection des eaux calmes de la mer de chine. *
(Extrait : LES AVENTURES OCCULTES DE LADY BRADSLEY, 1904-1916, Olivier Saraja, Les Éditions du 38, 2019. 343 pages. Format numérique pour la présente.)

Lady Bradsley est une jeune veuve douée de talents particuliers : elle parle aux morts et décrypte les souvenirs qui imprègnent les lieux qu’elle visite. Elle sillonne le monde du début du XXe siècle, en proie aux rivalités coloniales pour résoudre les mystères occultes qui s’offrent à elle. Mais tandis que le spectre de la première guerre mondiale se profile, comment gèrera-t-elle sa malédiction personnelle ? En effet, Lady Bradsley est elle-même hantée par Henry, le fantôme de son mari, dont l’amour est si fort qu’il transcende les frontières entre les mondes. cette intégrale rassemble cinq aventures. Le monde et ses mystères occultes ne sont pas assez grands pour les talents médiumniques de Lady Bradsley !

Le paranormal de par le monde
*L’activité surnaturelle se montrait telle
que lady Bradsley ne pouvait plus ignorer
cette autre réalité qui se superposait à son
regard. *
(Extrait)

Ce livre est un recueil d’aventures occultes. C’est la première fois que je lis ce genre de livre et j’y ai pris goût dès la première nouvelle. J’ai trouvé le tout intéressant voire original. L’héroïne de ces aventures est Lady Bradsley, une jeune aristocrate, veuve. Lady Bradsley est une spirite, une occultiste. On peut dire aussi voyante même si ça va un peu plus loin.

Elle a un don particulier : elle voit les âmes, ce qui est courant chez une voyante mais surtout, elle perçoit leur détresse, alors que, n’ayant pas repérer ou suivi la lumière, ces âmes errent entre ciel et terre. Parmi ces âmes, il y a celles de son mari, Lord Henry Bradley qui intervient dans chaque aventure, la plupart du temps pour protéger sa femme. Autre élément intéressant qui revient au fil des nouvelles, Lady Bradsley est enceinte d’Henry…une grossesse qui ne finit pas de finir et qui connaîtra un terme spécial…à découvrir.

Enfin, ce qui amène Lady Bradsley à se frotter au monde ectoplasmique à chaque nouvelle, tient au fait qu’elle dirige une petite entreprise d’investigation en occultisme qui lui fait faire presque le tour du monde pour résoudre des mystères occultes, envoyée par les grands de ce côté-ci de l’univers, dont la Couronne Britannique.

Passionnant à suivre d’une nouvelle à l’autre, ce livre n’est pas sans créer dans l’esprit du lecteur des images classiques mais toujours impressionnantes auxquelles nous ont habitué des séries comme POLTERGEIST ou SOS FANTÔMES : apparition d’ectoplasmes, baisses spectaculaires de température, télékinésie, lévitation, apparition d’horribles créatures visqueuses et dégoûtantes, satanisme et j’en passe. Tout ça c’est du déjà vu évidemment mais l’originalité de ces aventures tient dans les interactions entre Lady Bradsley, le monde des esprits et les interventions de l’esprit de son mari, l’infatigable Henry.

J’ai trouvé aussi très intéressant de passer d’un pays à l’autre et à cet égard, le livre est très bien documenté, en particulier sur les traditions, le folklore et les différentes approches du domaine paranormal, superstitions, cultes obscurs et j’en passe. J’ai particulièrement apprécié ce moment passé dans la capitale des Mille et une nuits.

C’est en effet à Bagdad que j’ai vraiment appris à connaître Lady Bradsley qui a elle aussi ses petits secrets et mystères mais qui demeure toujours attachante. Tout comme Henry d’ailleurs, une espèce de grand garçon hyper-protecteur qui continue d’être amoureux fou, même dans son univers occulte.

C’est un bon petit bouquin. L’écriture est fluide mais efficace. C’est-à-dire qu’elle fournit les émotions auxquelles on s’attend lorsqu’il est question de paranormal et de surnaturel, la peur en particulier et ce, que vous croyiez aux fantômes ou pas.

* Surpris par le contact spirituel, l’animal spectral interrompit son geste, mimé par son simulacre sur le plan matériel, leurs deux formes désormais superposées à la vision mystique de la Britannique. La jeune femme supposait que le revenant auquel elle faisait face était le responsable de la triste réputation de la région. * (Extrait) Suivre Lady Bradsley est je crois, s’offrir un agréable voyage.

Suggestion de lecture : NOUVELLES FANTASTIQUES DU XIXe SIÈCLE, collectif

Passionné de science-fiction, de fantastique et de fantaisie, Olivier Sajara a toujours été attiré par les univers imaginaires. Après avoir contribué à l’âge d’or du jeu de rôle en France, il s’est consacré à la découverte de logiciels libres au travers du système d’exploitation GNU/Linux.

Son enthousiasme pour les images numériques (Point à point, vectoriel, synthèse) l’a conduit à écrire de nombreux articles de presse sur ces sujets ainsi qu’un ouvrage de référence sur le principal logiciel libre d’animation et de création d’images de synthèse. Aujourd’hui, à travers ses écrits plus fictionnels, il essaie d’explorer la face sombre de l’humanité pour susciter réflexion, espoir, mais surtout divertissement.

Contenu dans l’intégral

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 17 juin 2023

CORMORAN STRIKE 1, L’APPEL DU COUCOU

Commentaire sur le livre de
ROBERT GALBRAITH

*Pourquoi es-tu née quand tombait la neige ?
Tu aurais dû venir à l’appel du coucou !…
Pourquoi es-tu morte quand paissaient les
agneaux? Tu aurais dû mourir à la chute des
pommes…*
(Extrait : L’APPEL DU COUCOU,
Robert Galbraith, version audio, Audiolib éditeur
2014, durée d’écoute : 18 heures 24 minutes.
Narrateur : Lionnel Bourguet.)

Une nuit à Londres, Lula Landry, célèbre mannequin, est retrouvée défenestrée. Son frère, John Bristow, ne croit pas au suicide et contacte Cormoran Strike, détective privé. Strike est un homme à la dérive : il a perdu une jambe à la guerre et sa vie est un désastre. Chargé par Bristow d’enquêter sur la mort de Lula, il se résout à plonger dans les eaux glauques que dissimulent les paillettes de la vie noctambule. Trahisons, secrets, vengeance émergeront peu à peu jusqu’à l’explication finale. 

Les dessous de la mode
*Ensuite, il donna à sa nouvelle affaire un
numéro de série qu’il écrivit sur le dos du
classeur avec la légende <mort soudaine
de Lula Landry>*
(Extrait)

C’est un roman très fort et toute la force du récit repose sur la personnalité du détective Cormoran Strike, un mufle endetté et blasé, tributaire d’un désastre amoureux et unijambiste, ce dernier détail étant souvent relevé dans le récit et qui pousse sensiblement à l’empathie.

Pour résumer très brièvement, Lula Landry est trouvée morte. Elle se serait jetée par la fenêtre. L’affaire est vite expédiée: suicide. Le frère de Lula, John Bristow n’en croit rien et engage Cormoran Strike pour faire la lumière sur cette affaire. Comme Corcoran doit sa chemise, et comme l’offre monétaire est tentante, il accepte. Tout le reste est un enchaînement de détails, de descriptions et de déductions, assortis de quelques revirements et de fausses pistes jusqu’à la grande finale qui m’a grandement impressionné.

Je suis d’accord avec les commentaires comparant de près ou de loin, Strike à Sherlock Holmes, mais au final, il fait exactement comme le célèbre inspecteur Colombo. Tout doit s’expliquer et Strike prend le temps de le faire. Il en est parfois agaçant et ça crée des longueurs. C’est la principale faiblesse de l’oeuvre, une certaine lourdeur consécutive à l’abondance de détails pas toujours utiles.

Je dois admettre toutefois que l’histoire est bien travaillée, savamment développée et que Cormoran Strike réserve aux auditeurs et auditrices quelques chef d’œuvres de déductions et ça m’a vraiment accroché du début à la fin malgré quelques passages erratiques.

L’auteure s’est bien gardée d’étaler les états d’âme de son héros à part peut-être un moignon qui lui fait mal et dont il est souvent question. Cette manie de faire ressurgir le passé d’un détective ou d’un policier dans le courant d’une enquête m’a toujours énervé. On connait dès le départ les qualités et les défauts du héros et puis on en parle presque plus :

*Le détective était accoutumé à jouer les archéologues parmi des ruines de souvenirs traumatiques. Il avait appris à se montrer autoritaire avec les brutes, rassurant avec les peureux, prudent avec les dangereux et retors avec les fourbes…* (Extrait) La plume est excellente. Elle se caractérise par un surprenant souci du détail. Dans la solution de l’énigme, qui est brillante, ça va vous sauter aux yeux…ou aux oreilles…

Les personnages sont tous bien travaillés et attachants, en particulier Robin, la jeune secrétaire, efficace et débrouillarde qui, sans s’amouracher, s’attache au grincheux détective. Dans la version audio, L’histoire est superbement mise en valeur par la voix orchestrale de Lionel Bourguet qui a développé entre autres une espèce de voix de crécelle qui va comme un gant à Cormoran Strike. Bourguet s’ajuste avec art à chacun des principaux personnages du roman y compris les personnages féminins.

Donc, principale force du roman, le personnage de Cormoran Strike et j’ajouterai en terminant une deuxième force : la qualité des dialogues. Certains sont tout simplement savoureux, spécialement ceux avec les amis du Coucou…vous ne tarderez pas d’ailleurs à comprendre le choix du titre…judicieux.

Dans l’ensemble, c’est bien écrit, bien traduit et la trame est peu prévisible, ce qui rend le tout captivant. Petite remarque : c’est une bonne idée de JK Rawling d’avoir emprunté un pseudo. Elle annonçait ainsi que L’APPEL DU COUCOU allait se démarquer de UNE PLACE À PRENDRE et bien évidemment de HARRY POTTER.

Je crois que ce ne sera pas mon dernier Cormoran Strike. Au moment d’écrire mon article, trois autres romans de la série sont disponibles, papier et audio : LE VER À SOIE, LA CARRIÈRE DU MAL et BLANC MORTEL. J’y reviendrai sûrement.

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

Robert Galbraith, avec la série des enquêtes de Cormoran Strike, s’est imposé comme un des nouveaux maîtres incontestés du polar contemporain. Les deux premiers volets des aventures de Strike, L’Appel du coucou et Le Ver à soie, ont été des best-sellers dans le monde entier. Salués par la critique et adoubés par les lecteurs, ils seront prochainement adaptés sous forme de série par Brontë Film and Television pour la BBC.
Robert Galbraith est le pseudonyme de J.K. Rowling, l’auteur mondialement célèbre de la série Harry Potter et d’Une place à prendre.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 2 avril 2023

DEPUIS L’AU-DELÀ, le livre de Bernard Werber

*…l’âme errante du baron remarque l’âme errante de l’écrivain. < Touriste ? Demande-t-il ? -Heu…oui en quelque sorte. Je suis décédé ce matin. -Vraiment ? Alors préparez-vous à beaucoup de surprises. *
(Extrait : DEPUIS L’AU-DELÀ, Bernard Werber, éditeur original : Albin Michel, 2017, papier, 448 p. Version audio : Audible, décembre 2017, narratrice : Carine Obin, durée d’écoute : 13 heures 16 minutes)

Je me nomme Gabriel Wells.
Je suis écrivain de romans à suspense. Ma nouvelle enquête est un peu particulière car elle concerne le meurtre de quelqu’un que je connais personnellement : Moi-même.
J’ai été tué dans la nuit et je me demande bien par qui. Pour résoudre cette énigme j’ai eu la chance de rencontrer Lucy Filipini. En tant que médium professionnelle, elle parle tous les jours aux âmes des défunts. Et c’est ensemble, elle dans le monde matériel, moi dans le monde invisible, que nous allons tenter de percer le mystère de ma mort.

Un esprit à la rescousse
*…<j’ai une bonne et une mauvaise nouvelle. Vous
préférez que je commence par laquelle ? – La bonne.
répond Gabriel, passablement irrité. – Je vous ai
menti. Vous n’êtes pas malade. -C’est déjà ça. Et la
mauvaise alors ? -La mauvaise, c’est queeee…vous
êtes mort. *

Voici l’histoire de Gabriel Wells, écrivain, petit neveu d’Edmond Wells qui signe l’Encyclopédie du savoir relatif et absolu imaginé par Werber et qui est récurrente dans son œuvre, des extraits de l’encyclopédie faisant office d’introduction de plusieurs chapitres.

Une nuit, Gabriel se couche, s’endort et ne se réveillera jamais, ou plutôt si, mais dans l’autre monde, devenu âme errante. De chez les vivants, une médium qui vient à sa rencontre, Lucie Filippini, apprend à Wells qu’il est mort. Ce dernier finit par comprendre qu’il a été assassiné, empoisonné. C’est dit. Wells n’aura de paix que lorsqu’il découvrira qui l’a tué.

Débute alors une enquête complexe menée par le plus improbable des duos d’enquêteurs : une vivante qui communique avec les morts aussi aisément qu’avec des amis qui boivent un verre dans un bar, et un mort, fantôme, âme errante qui ira de surprise en surprise jusqu’à ce qu’il découvre que son assassin est le personnage le plus improbable qui soit.

Vous reconnaîtrez aisément la signature de Werber. Si vous avez lu LA TRILOGIE DES FOURMIS, vous vous demanderez peut-être dans quel monde vous avez atterri. L’après-vie imaginé par Werber rappelle une énorme machine administrée par des fonctionnaires. Je souhaitais au moins un brin d’originalité comme dans les THANATONAUTES ou une certaine essence dramatique comme dans le PAPILLON DES ÉTOILES mais j’ai été déçu.

Werber a misé sur la spontanéité allant jusqu’à exploiter l’écriture automatique, ce qui a donné un récit sans style, une histoire abracadabrante, tirée par les cheveux, sans direction, sans matière à réflexion avec peu ou pas d’essence philosophique et une finale fabulée et sans saveur. À la rigueur, c’est délirant, au pire, ennuyant.

L’ouvrage a quand même des points forts. Je pense à son humour…parfois lourd, parfois noir… : *Le monde est ironique. Je suis mort au moment même où j’avais décidé de rester en vie le plus longtemps possible…* (Extrait) parfois de nature à alléger un peu le texte… : *Cela fait partie des petits inconvénients d’être mort, on ne peut pas demander d’autographes aux célébrités qu’on rencontre dans l’au-delà. (Extrait)

Autre élément encore plus intéressant, l’histoire est développée dans l’univers des écrivains et de la littérature. Werber ne se gêne pas pour faire la promotion du livre en disant, par la bouche d’un de ses personnages que TOUTES les littératures sont dignes d’être défendues en partant du principe qu’aucun livre n’est foncièrement mauvais surtout si on applique un juste rapport de forces et de faiblesses. Ce n’est pas pour me déplaire.

Pour terminer, j’ai beaucoup aimé le clin d’œil fait par l’auteur à ces critiques littéraires tout droit sortis de la cuisse de Jupiter, pontifiants et imbus et qui oublient que le public a le dernier mot. Par exemple, les critiques en général ont plutôt levé le nez sur l’œuvre de Werber. Pourtant, Werber est un des auteurs français les plus lus dans le monde.

Il y a une petite odeur de règlement de compte mais quand-même, Bernard Werber continue de s’interroger sur les mystères de la mort et le don de médiumnité mais il le fait dans DEPUIS-L’AU-DELÀ avec une telle légèreté que ça frôle la dérision. Il y a quelques trouvailles, une suite dans les idées mais peu de profondeur et des personnages pas très fouillés. Le livre n’est pas sans qualité mais Werber a montré qu’il pouvait faire beaucoup mieux. Quant à la version audio, j’ai trouvé la narration de Karine Obin,  ennuyante et soporifique. Rien pour mettre le récit en valeur.

Suggestion de lecture : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN, de S.E. Harmon

Bernard Werber fait ses premières armes dans un journal de Cambrai aux rubriques en tout genre, avant de gagner le prix de la fondation News du meilleur jeune reporter qui lui permet de financer son premier vrai grand reportage. A son retour, il devient journaliste scientifique au Nouvel Observateur où il reste 7 ans. Son enquête sur les magnans va lui inspirer son premier roman, Les Fourmis, qui connaît dès sa sortie en 1991, un succès immédiat. Succès qui ira croissant au fur et à mesure de la parution de ses livres (près d’une vingtaine : romans, nouvelles, pièce de théâtre…). Les livres de Bernard Werber sont traduits dans une trentaine de langues.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE GRAVEUR, livre de Pierre Bergeron

*L’intrus lève son arme et juste avant de presser
la détente, il voit Soucy lever les yeux vers
l’escalier derrière lui, il presse la détente deux
fois. Deux petits bruits secs résonnent avant que
Soucy tombe à la renverse sur la table à café
dans un grand fracas. *
(Extrait : LE GRAVEUR, Pierre Bergeron, ADA
éditions, collection Corbeau, 2019, 400 pages)

Un avocat opposé au crime organisé, un directeur de la protection de la jeunesse et un pédophile sont abattus dans diverses régions du Québec. Rien ne les relie, mis à part la signature sur leurs cadavres: les lettres T et C ont été gravées dans la chair de leurs fronts. Que signifient ces lettres? Qui peut bien se cacher derrière ces homicides?

La liste de suspects potentiels est tellement longue que les enquêteurs de la Sûreté du Québec et de la police de Longueuil doivent travailler ensemble pour résoudre ces  meurtres sordides.

Un graveur grave
*Méthodiquement et sans s’énerver, il observe les
signes vitaux de sa victime tout en surveillant
cette rue encore déserte. Le décès confirmé, il
sort un couteau tactique Walther P99 d’une poche
avant. Il déplie la lame et se penche sur le corps
avec un frisson de plaisir comme s’il goûtait à
l’avance ce qu’il est sur le point de faire. *
(Extrait)

C’est un roman intéressant, bien développé, avec en général tout ce qu’il faut pour capter l’attention. C’est un thriller fort, malgré certaines faiblesses. Mais voyons d’abord le contenu.

Les policiers de la Sûreté du Québec et du service de police de Longueuil doivent unir leurs forces pour résoudre des meurtres crapuleux qui n’ont en fait qu’un seul point en commun : Les lettres T et C gravées sur le front des victimes. C’est ainsi que le meurtrier devient LE GRAVEUR L’auteur frappe dès le départ avec un meurtre puis un autre, un double…

Entrée en scène des policiers qui seront présent tout le long du récit : de la sq, Marie Loup Berger à la beauté parfois dérangeante. Louis Biron, plus ou moins stable psychologiquement car il se croit l’auteur d’une gaffe policière qui a amené une mort d’homme. De la police de Longueuil, Benoit Lassonde qui a eu dans le passé une vie conjugale pénible.

Beaucoup d’autres personnages vont grossir la galerie en cours de récit. Une enquête aussi minutieuse qu’ardue se développe très lentement.

LE GRAVEUR est un polar minutieux et crédible sur le plan policier. C’est la minutie de l’enquête imaginée par Pierre Bergeron qui amène les policiers à croire qu’il y a peut-être plus qu’un point en commun entre les victimes. Le roman devrait plaire je crois aux amateurs de polars et aussi aux geeks car ce qui a permis au graveur de se rendre si loin est sa maîtrise dans nouvelles technologies et l’utilisation du DARK WEBB, le côté obscur du réseau internet, de plus en plus évoqué en littérature. 

*On y retrouve : des trafiquants d’armes, de drogues ou d’esclaves, ainsi que nombre de pédophiles. Dans cette partie de la toile, tout est accessible par le biais de forums de discussions où vendeurs et acheteurs se rencontrent anonymement à l’abri des organismes qui espionnent l’Internet. Le seul préalable, c’est d’être capable d’y surfer incognito pour assurer sa sécurité en regard des pirates qui y foisonnent. *  (Extrait)

Grâce à cette compétence particulière, LE GRAVEUR se joue des policiers et évolue dans ce qui rappelle le jeu du chat et de la souris. C’est habilement construit et bien imaginé.

La faiblesse du récit est dans sa finale. Pour ce qui est de connaître et comprendre les motivations du tueur, le lecteur et la lectrice sont laissés sur une voie de garage tout le long du récit. Bien sûr, le tueur parle et laisse des indices sur ce qui pourrait être par exemple une vengeance, mais pourquoi exactement ?

La réponse à cette question explose en quelques pages à la fin du récit. Personnellement j’aurais aimé que l’auteur me mette dans le coup plus tôt dans le récit, m’amène à tirer mes conclusions et les comparer à la fin comme si je voulais me donner une note. J’ai eu l’impression que la finale accordait plus d’importance aux États d’âme de Louis Biron qu’aux motivations du tueur.

Il y a dans la finale ce qui ressemble à un déséquilibre. Bien sûr, j’ai fini par savoir ce que signifient les lettres T et C et personnellement, j’ai trouvé ça plutôt simpliste. C’est évidemment une question de perception, sachant à la fin ce qui motive le GRAVEUR et l’entraîne dans un tel déploiement de haine et de violence.

Donc j’ai déchanté un peu à la finale mais je n’irais pas jusqu’à dire qu’elle manque d’intérêt. La force du récit réside dans sa construction. Je pense aux étapes de l’enquête, aux subtilités conduisant aux déductions.

Je me suis senti dans les coulisses d’un vrai service de police, ce qui consacre la crédibilité de l’histoire si je tiens compte des 25 années d’expérience de l’auteur dans les enquêtes criminelles. Pour toutes ces raisons, je recommande sans hésiter LE GRAVEUR de Pierre Bergeron.

Suggestion de lecture : DARK WEBB, de Dean Koontz

Pierre Bergeron est né à Longueuil en 1951. C’est à la suite de l’enlèvement de monsieur Pierre Laporte, alors ministre du travail, qu’il a décidé de devenir enquêteur. Après 32 années d’expérience, dont 25 consacrées aux enquêtes criminelles. Il a écrit son premier livre NÉ POUR ENQUÊTER en 2016. LE GRAVEUR est son deuxième roman.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 5 novembre 2022

JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard

*Lorsque Caroline Rioux reprit ses esprits, deux
heures venaient de s’écouler. Elle était assise
sur une chaise, les pieds et les mains entravés
par des colliers de serrage en plastique au mi-
lieu de sa salle de Bain.*
(Extrait : JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard,
l’auteur et Livresque édition pour la présente. 2019.
Numérique. Aussi en version papier, 202 pages.

Lorsqu’un jogger découvre deux yeux dans un bocal sur un banc au lac Kir, avec une énigme à l’intérieur, Arthur Vaillant, commandant de police à Dijon, sent pertinemment au fond de ses tripes que cette découverte n’est pas un canular. Y aurait-il un tueur en série prêt à terroriser la ville et à jouer avec la police? Arthur et ses collègues vont être une nouvelle fois sur les dents, avec une deuxième découverte énigmatique. Pour les aider à résoudre cette enquête au plus vite, le procureur de la République demande de l’aide. Ainsi, Mathilde DANJOU, une ravissante psychologue comportementaliste franco-américaine, va se joindre à Arthur et son équipe. L’enquête s’annonce éprouvante.

Un don pour chaque organe
*L’horreur atteignit son paroxysme lorsque deux
enfants… tomèrent sur un récipient identique à
celui de la veille contenant une langue humaine à
Talant, dans le parc de la Fontaine aux Fées.
(extrait)

JEU DE MORT est un thriller captivant bien développé avec de bonnes idées et des trouvailles issues d’une imagination fébrile. Plusieurs personnages sont attachants dont le commandant Arthur Vaillant de la direction interrégionale de la police judiciaire.

Le théâtre des évènements est Dijon et ses environs, au cœur de la Bourgogne-Franche-Comté. Un jour, près de la plage du lac Kir, un jogger découvre par hasard un bocal contenant deux yeux humains. L’enquête conclut que les yeux appartenaient à une jeune fille de 22 ans, Amélie Brillant, hôtesse dans un club. Son corps sera finalement découvert à son domicile le lendemain.

Suivra une montée vertigineuse de l’horreur alors que deux enfants de 13 et 10 ans découvrent un bocal identique à celui de la veille. Il contient une langue humaine. Pour chaque bocal, une énigme. Avant d’être qualifié de tueur en série, l’assassin sera surnommé par la presse, entre autres : LE CHIRURGIEN.

Le tueur ne s’arrête pas là, mais moi oui…je vous laisse absorber son modus operandi…aussi original qu’horrible. Mais ne comptez pas trop avoir de détails sur ses motivations. J’y reviens plus loin. L’assassin est un tordu…vous en conviendrez très vite.

Il y a beaucoup de points positifs pour ce livre. Bien que son rythme soit très élevé, l’histoire est facile à suivre. La plume est limpide. Il n’y a pas de longueurs. L’auteur développe ici un impressionnant jeu du chat et de la souris. Car il est évident que le tueur se moque des policiers et se joue d’eux.

Une psychologue comportementaliste se joint à l’équipe du commandant Vaillant. C’est une bonne idée qui va alimenter l’enquête et mystifier un peu plus le lecteur. Le tout sera allégé par une petite amourette prévisible entre la psy, Mathilde et le commandant Vaillant…une amourette péniblement installée dans l’histoire et qui prend difficilement sa place.

J’ai beaucoup apprécié la participation très brève mais capitale du fils d’Arthur Vaillant, Ludovic, 14 ans. Il fera une observation qui pourrait changer beaucoup de chose. Je ne peux en révéler davantage, mais j’ai trouvé l’idée géniale. Dans l’ensemble, l’intrigue est bien menée et garde le lecteur captif.

Je parlais plus haut des motivations du tueur. Elles sont livrées mais à la fin seulement. L’auteur ne laisse rien filtrer. Donc les lecteurs et les lectrices peuvent difficilement s’adonner au jeu des déductions. C’est un peu frustrant. Je comprends que l’auteur n’ait pas voulu s’encombrer de détails inutiles mais peut-être en a-t-il fait une obsession. J’ai trouvé la description des scènes de crime et de certains personnages trop sommaires.

Le tueur tue mais on ne saura pourquoi qu’à la fin seulement, sans indices préalables. Ça fait une finale un peu surprenante car il n’y a absolument rien qui en annonce le contenu. Comme si l’auteur lui-même n’en aurait décidé la trame qu’en cours d’écriture. J’ai été un peu frustré, étant dans une totale impossibilité de deviner de qui il s’agit.

Un mot sur cette finale avant de terminer. Elle dévoile tout, tout d’un coup dans une abondance de détails qui occulte le travail des policiers et donne l’impression d’un travail bâclé. Je le précise encore ici, c’est un très bon thriller mais il manque un peu d’équilibre. La suite et la fin des évènements concernent surtout les sentiments entre Arthur et Mathilde.

Ça fait l’objet d’un épilogue que j’ai trouvé plutôt insipide. Pour beaucoup de lecteurs et lectrices. Ce sont détails plus ou moins significatifs. Au final JEU DE MORT est un très bon roman à l’intrigue prenante avec des personnages pour lesquels on est porté à s’inquiéter. Je pense que l’auteur Jean-Sébastien Pouchart, que je ne connaissais pas, est à surveiller.

Suggestion de lecture : MEURTRES EN SOUTANE, de Phyllis Dorothy James

Jean-Sébastien POUCHARD, marié et père de deux enfants, est devenu auteur en écrivant des poèmes sur son environnement et sur ce qu’il ressent face à l’actualité.

Après son recueil de poésie intitulé « Musique de l’âme » aux éditions du net, dont trois poésies ont été récompensées au concours littéraire des clubs de la Défense millésime 2015 et 2016, il publie son premier roman policier : JEU DE MORTS dont l’action se déroule à Dijon en Bourgogne. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 septembre 2022

Entre les lignes ou le journaliste assassiné

Commentaire sur le livre de
JERÔME BELLAY

*Seule dans ce long tube à bestiaux pour vaches sacrées
du monde des faux-semblants, elle avait la sensation
coupable de se trouver abandonnée, comme une
courtisanne en fuite, dans le silence poisseux d’une nuit
de débauche et d’ennui. Non, cette vie-là n’était
décidément pas faite pour elle. *

(Extrait : ENTRE LES LIGNES OU LE JOURNALISTE ASSASSINÉ,
Jérôme Bellay, Édition Cherche Midi, collection Documents, 2012,
édition numérique, 260 pages)

Vincent Delorme est un grand reporter à la télévision : un baroudeur qui a couvert les grands événements de la planète. Alors qu’il dédicace son dernier livre, il est assassiné d’un coup de revolver. Le tueur s’enfuit en laissant son arme. Pas d’autres indices. L’opinion, les milieux politiques et professionnels sont en émoi, car c’est un journaliste vedette qui vient d’être froidement abattu. L’enquête piétine… jusqu’au moment où l’une de ses consœurs, présentatrice du 20 heures, imagine que c’est dans le livre qu’il dédicaçait que se tient la clef de l’énigme. Ou plutôt entre les lignes de cet ouvrage.

Journalisme en coulisse
Il n’y avait pas pire capharnaüm que la rédaction la nuit.
Elle semblait vitrifiée par une bombe è neutrons qui
aurait détruit les hommes en épargnant les murs. Vidée,
tout restait en l’état, pêle-mêle sur les bureaux, dans un
désordre indigne.

À croire que les journalistes étaient à
ce point hantés par l’inexorable marche de l’actualité
qu’ils cherchaient à reprendre le temps, chaque matin,
là où il s’était suspendu pour eux, la veille au soir.
(Extrait)

Voyons d’abord le tableau. Vincent Delorme est un grand reporter de la télé. C’est aussi un écrivain. Alors qu’il dédicace son dernier livre : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS, il est assassiné d’une balle dans la tête, à bout portant. L’assassin jette le revolver et s’enfuit. C’est tout ce qu’on sait. Pas d’indice, pas de piste, pas d’indication.

Même si les hautes autorités prennent très au sérieux l’assassinat d’un journaliste d’aussi haute notoriété, les policiers sont dépassés. Leur rôle dans cette histoire demeurera d’ailleurs plutôt insignifiant.

Or une journaliste, consœur de Delorme, présentatrice vedette de la télé, Marie-Ange Fournier développe la conviction que la solution de l’énigme se trouve dans le livre de Delorme. Le titre a d’abord attiré son attention : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS. Il faut savoir que les dos-pelés, aux fins de l’intrigue sont ces vautours charognards qui se nourrissent de cadavres ou qui tournent autour d’une personne ou d’un animal sur le point de mourir.

Marie-Ange y voit un indice, songeant que Delorme était un journaliste de terrain spécialisé dans le reportage international et envoyé aux quatre coins du monde. Peut-être Delorme s’est-il frotté à une organisation qui n’a pas l’habitude de pardonner l’indiscrétion ou peut-être était-il impliqué dans une affaire louche. Peut-être en savait-il trop…

Intriguée par certains passages du récit, Marie Ange part en chasse et se lance dans une enquête extrêmement complexe qui dévoilera entre autres un côté obscur et peu flatteur du journalisme. Si je me réfère à la définition des dos-pelés et à cette citation, ce ne sont pas les vautours qui manquent dans le monde.

Ainsi, Marie-Ange Fournier ira de surprise en surprise, tentant de faire éclater une vérité qui pourrait lui coûter très cher.

C’est un livre que j’ai trouvé difficile à lire parce que son développement va dans tous les sens. Le fil conducteur est instable. On sait que Marie-Ange enquête. Lorsque je tombais sur un passage qui avait pour effet de me faire adhérer au récit, subitement, un virage m’amenait dans une autre direction. Pas facile à suivre.

Il y a toutefois un point intéressant qui peut retenir l’attention du lecteur, mais c’est en dents de scie : en effet, on découvre assez vite que Marie-Ange avait plus qu’un petit sentiment pour Vincent Delorme, elle en était carrément amoureuse. On connait donc la véritable motivation de Marie-Ange : faire éclater la vérité en souvenir de l’être aimé.

C’est un peu mince, mais j’ai pu m’accrocher, malgré de nombreux passages confus, à l’instinct de Marie-Ange. Le récit a également un petit fond politique bizarre et agaçant. Malgré une écriture un  peu dérapante, il y a tout de même une intrigue intéressante.

L’idée générale de l’histoire est bonne mais elle est sous-développée et mal exprimée et ça comprend un français parfois douteux et l’utilisation d’anglicisme. La finale est abrupte et dramatique. Je l’ai trouvé un peu décevante. On aurait dit que l’auteur en avait assez et s’est dépêché de finir. Un point positif en terminant : l’auteur dévoile le côté obscur du journalisme international. Ce que j’ai lu à ce sujet m’a semblé crédible.

Si vous vous accrochez fort à l’opiniâtreté de Marie-Ange et aux côtés cachés du journalisme, Il se pourrait que vous appréciiez ce livre. Sinon…

Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso

Figure majeure du journalisme audiovisuel français, Jérôme Bellay débute sa carrière dans la presse écrite en 1961, puis passe à la radio et à la télévision dont Antenne 2 à partir de 1972, où il occupe successivement les postes d’adjoint au chef du service politique et de rédacteur en chef. Il passe par la suite à France Inter et concrétise en 1987 la création de France Info dédiée è l’information.

À travers toutes ces activités professionnelles, Jérôme Bellay publie quatre livres : LE SEIGNEUR DES DOS-PELÉS en 1979, LE CHERCHEUR D’OPALE en 1983, L’ULTIME SACRILÈGE en 2007, et ENTRE LES LIGNES OU LE JOURNALISTE ASSASSINÉ en 2008.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 24 juillet 2021

LE CHIEN DES BASKERVILLE d’Arthur Conan Doyle

*Barrymore fit un bond pour s’écarter de la fenêtre ;
un sifflement s’échappa de sa poitrine ; livide, tremblant,
il resta immobile devant nous. Ses yeux noirs qui, dans
le visage blanc, paraissaient encore plus noirs, allaient
de sir Henry à moi en exprimant autant d’horreur que de
surprise.*
(Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE, Arthur Conan Doyle,
numérique, storylab éditions, 2014, 200 pages)

Une malédiction pèse sur les Baskerville, qui habitent le vieux manoir de leurs ancêtres, perdu au milieu d’une lande sauvage : quand un chien-démon, une bête immonde, gigantesque, surgit, c’est la mort. Le décès subit et tragique de Sir Charles Baskerville et les hurlements lugubres que l’on entend parfois venant du marais, le grand bourbier de Grimpen, accréditent la sinistre légende.

Dès son arrivée à Londres, venant du Canada, Sir Henry Baskerville, seul héritier de Sir Charles, reçoit une lettre anonyme : « Si vous tenez à votre vie et à votre raison, éloignez-vous de la lande. » Malgré ces menaces, Sir Henry décide de se rendre à Baskerville Hall, accompagné de Sherlock Holmes et de son fidèle Watson.

Un célèbre cerbère
*Ce fut d’abord un murmure long, grave ; puis
un hurlement qui prit de l’ampleur avant de
retomber dans le gémissement maussade où
il s’éteignit. À nouveau il retentit, et tout l’air
résonna de ses pulsations : strident, sauvage…*
Extrait : LE CHIEN DES BASKERVILLE

LE CHIEN DE BASKERVILLE est un livre à part dans l’œuvre d’Arthur Conan Doyle…une petite escapade atypique comme ça s’est vu avec 10 PETITS NÈGRES d’Agatha Christie par exemple ou LA TOUR SOMBRE de Stephen King. D’abord le récit est plus long que les nouvelles habituelles de l’auteur, le texte est mieux travaillé et l’intrigue fait l’objet d’enquête d’une minutieuse attention.

Le docteur Watson est plus présent, plus utile. Il fait corps avec Holmes qui lui, fait un peu moins office de maître un peu imbu comme j’ai pu l’observer dans l’ensemble de l’œuvre : *Je dois vous complimenter…pour le zèle et l’intelligence dont vous avez témoigné à propos d’une affaire extrêmement difficile*. (Extrait)

Enfin, l’enquête qui est développée est beaucoup plus complexe, je dirais mystifiante. On a l’impression d’une petite touche de surnaturel. On était habitué à la légendaire réplique *élémentaire mon cher Watson* à quelques variantes près. Pas dans LE CHIEN DE BASKERVILLE où il n’y a rien de simple, encore moins d’élémentaire. 

Je ne m’étonne donc pas que LE CHIEN DE BASKERVILLE soit devenu dès sa parution au début du XXe siècle une des enquêtes les plus palpitantes et intrigantes de l’œuvre du Père Doyle…la mieux travaillée, la plus réussie. Et un détail qui m’a beaucoup plus, c’est qu’on a donné à Sherlock Holmes un peu plus d’humilité qu’à l’ordinaire, et surtout, du fil à retordre :

*On ne peut pas toujours gagner, ni obtenir le succès qu’on espère, fit-il. Un enquêteur a besoin de faits, mais pas de bruits et de légendes. Cette affaire m’a déçu* (Extrait) Watson aussi, à qui on a beaucoup demandé dans cette aventure, était ébranlé par la complexité de l’affaire…un sentiment que l’auteur a le don de transmettre au lecteur… :

*- Ah ! Holmes, je suis heureux du fond de mon cœur que vous soyez ici ! Car vraiment ma responsabilité et le mystère devenaient trop lourds pour mes nerfs. * (Extrait) 

Avec une énigme aussi puissante, je ne suis pas surpris non plus que LE CHIEN DE BASKERVILLE ait été très largement adapté au cinéma, à la télévision et même à la radio. Près d’une trentaine d’adaptations dans différents pays et c’est sans compter les livre-jeux, les jeux vidéos, les bandes dessinées. Il y a même eu trois adaptations au théâtre. Tout ça fait de LE CHIEN DE BASKERVILLE l’œuvre la plus visitée et consultée de Conan-Doyle et probablement la plus adulée.

J’irai un peu plus loin…Rappelez-vous la prestation de Sean Connery dans le célèbre film LE NOM DE LA ROSE, adaptation de l’œuvre d’Umberto Eco. Connery jouait le rôle d’un ancien inquisiteur en visite dans une abbaye bénédictine pour enquêter sur une mort suspecte. Connery incarnait Guillaume de Baskerville. Ce nom est un clin d’œil d’umberto Eco à Sherlock Holmes et au roman d’Arthur Conan Doyle : LE CHIEN DE BASKERVILLE. 

Donc nous avons ici un très beau classique de la littérature policière, doté d’une écriture ferme, une puissante intrigue développée dans l’atmosphère embrumée, voire glauque de la lande anglaise. Pour moi c’est une trouvaille car Sir Charles de Baskerville est mort de peur apparemment à cause d’un chien sorti tout droit d’une malédiction ancestrale.

Comment prouver que cette peur a été provoquée? Autrement dit, que Sir Charles a été assassiné et que Sir Henri court le même risque. Tout ça nous conduit à une finale fort bien imaginée tout à fait imprévisible et dans laquelle les spéculations surnaturelles prennent toutes leur sens. 

C’est un roman assez court, il se lit vite et bien. J’ai apprécié sa profondeur et le non-dit, c’est-à-dire l’atmosphère parfois épaisse qui se dégage de la lande, un endroit définitivement peu recommandable. J’ai aussi apprécié bien sûr l’intelligence de la machination et l’intensité des principaux personnages. Je vous recommande ce livre avec plaisir et je vous invite aussi à essayer au moins une adaptation cinématographique. Voyez ma suggestion ci-bas.

Suggestion de lecture, du même auteur : 17 NOUVELLES ENQUÊTES de SHERLOCK HOLMES

Il y a eu plusieurs adaptations du célèbre roman de Connan-Doyle.

Mon adaptation préférée du livre est de loin la version britannique réalisée en 1950 par Terence Fisher. C’était la première adaptation cinématographique en couleur du roman éponyme de Sir Arhur Conan Doyle publié en 1901. Je l’ai préférée à cause de l’atmosphère particulière du film rendue par Fisher et pour l’excellence de deux des meilleurs acteurs de films d’épouvante : Peter Cushing dans le rôle de Sherlock Holmes et Christopher Lee dans le rôle de Sir Henry Baskerville. André Morell incarne le docteur Watson.

Ce film fut l’une des grandes heures de gloire des studios de la Hammer. En haut, Holmes avec son fidèle Watson. En bas, Sir Henry Baskerville et Sherlock Holmes, incarné par deux icônes du cinéma : Peter Cushing et Christopher Lee.

Pour tout savoir sur l’auteur Arthur Conan Doyle,

cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 25 avril 2021

LE ONZIÈME PION, livre de HEINRICH STEINFEST

*Ne le prenez pas personnellement, fit une voix à côté de lui. –Je le prends on ne peut plus personnellement, répliqua Stransky, estomaqué par sa propre ironie. Il faut préciser que le blond trapu, arrivé sans le moindre bruit par une minuscule ruelle, lui braquait un revolver sur la tempe. «Bonne nuit, dit l’homme.*

(Extrait : LE ONZIÈME PION, Heinrich Steinfest, Carnets nord pour la traduction française. Édition numérique, 2012, 410 pages)

Georg Stransky dîne avec femme et enfant dans sa maison de banlieue lorsqu’un étrange projectile perturbe ce moment de paix : une pomme brise une vitre et finit sa course sous la table. Un incident vite oublié, si ce n’est qu’au matin, Georg a disparu. Pour Lilli Steinbeck, spécialiste des questions d’enlèvement, cette mise en scène n’est pas nouvelle. Sept hommes ont déjà disparu dans des circonstances similaires, avant d’être retrouvés morts aux quatre coins du monde, bien loin de leur Allemagne natale. Rien ne semble les relier, à part un passage à Athènes. C’est là que commence l’étrange enquête de Lilli Steinbeck. 

LES POMMES QUI MYSTIFIENT
*Il ouvrit la bouche et mordit dans un fruit qui
n’existait peut-être que dans son imagination,
mais qui avait pourtant un goût douceâtre. Ni
céleste ni infernal, pas d’âmes réduites en purée
Ni de surdose quelconque. Un goût de pomme.*

(Extrait : LE ONZIÈME PION)

C’est le caractère bizarroïde de ce récit qui a maintenu mon intérêt jusqu’au bout. C’est en effet une histoire très étrange, déjantée, hors-norme, surprenante. Ça reste un polar, mais l’écriture est très singulière et l’ensemble est assez insolite.

L’histoire est d’autant originale qu’elle prend son envol grâce à une pomme… une simple pomme qui est passée par la fenêtre et a atterri sur la table des Stransky : Georg et Viola. Ça ressemble au mauvais coup classique d’un gamin mais, le lendemain matin, Georg n’était plus là. Il avait bel et bien disparu.

L’enquête est confiée à Lili Steinbeck, une policière peinarde qui tranche par un nez spectaculaire et une routine bien précise incluant le coucher à 22 heures. Pour l’aider, Lili achètera les services de Spiridon Kallimachos, un obèse énorme qui fume comme un pompier et se déplace avec la grâce d’un hippopotame. Spiridon a aussi une mystérieuse particularité : la mort le fuie. On ne peut pas le tuer.

Lili apprend que 7 personnes sont déjà disparues suivant le même scénario et qu’elle se trouve au cœur d’un jeu sordide opposant Esha Ness, un monstre d’égocentrisme et qui tue pour s’amuser et le docteur Antigonis.

Le bon docteur tente, avec sa femme de sauver les pions car comme dans un jeu d’échec, les pions sont vite sacrifiables. Ici, il y a dix pions. Sept sont morts, le huitième est celui qu’on suit dans le récit, et deux sont à venir. Il est facile de s’imaginer qui est le onzième pion.

La règle est simple, on enlève un pion, on l’expédie à l’autre bout du monde. On le relâche et on le tue. Une seule chose peut sauver un pion. Qu’il réussisse à retourner sain et sauf dans sa maison. Après il devient intouchable.

Mais quel est le sort du huitième pion ? Qu’est-ce qui attend le onzième ? Et puis quel est ce lien à la fois mystérieux et cocasse qui unit Steinbeck et un bébé braillard appelé Léon ? Est-ce que quelqu’un viendra à bout de Kallimachos ? Quel est le sens de ce jeu tordu ?

Ce roman sort vraiment de tous les sentiers battus. Il y a dans le récit des rebondissements qui semblent défier la logique et une finale très curieuse, inattendue. J’aurais pu être déçu mais j’ai vu les choses différemment. Je crois que Heirich Steinfest fait bande à part en imprégnant ses histoires d’un caractère mystificateur avec une touche d’inexplicable.

Il va à contre-courant des formes classiques ou habituelles du polar avec en plus, une forme d’humour instantané que je décrirais de frisquet. C’est le cas spécialement dans les dialogues impliquant Lili Steinbeck et bien sûr le gros Kallimachos qui fera l’objet, chez le lecteur, de tous les questionnements.

Les personnages sont bien travaillés, approfondis. Plusieurs sont attachants, particulièrement ce cher Spiridon . Il y a enfin Georg Stransky, le huitième pion : attachant à sa façon avec son esprit scientifique dédié à l’ornithologie et qui croise pendant sa tentative de sauvetage une espèce d’oiseau qu’on croyait éteinte.

Donc, nous avons ici une histoire abracadabrante qui met continuellement le lecteur en questionnement sur le développement parfois saugrenu de l’histoire. Je me suis souvent posé la question : Où est-ce que Steinfest veut en venir? Il faut bien s’en tenir au fil conducteur de l’histoire. Il est assez stable, mais il dérape vers la fin du récit.

Moi j’aime bien cette espèce de volonté de faire différent même si ça mène à une certaine *indiscipline littéraire*. C’est original. Enfin je ne jurerais de rien mais j’ai l’impression que l’auteur s’est ménagé une petite sortie pour une suite éventuelle. Pourquoi pas ? Étant donné qu’il y a encore plusieurs pions en suspension…

Donc c’est un livre qui m’a plu. Si vous décidez de l’attaquer, attendez-vous simplement à quelque chose d’audacieux, de différent.

Suggestion de lecture : ÉTRANGES RIVAGES, d’Arnaldur Idridason

Je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations sur cet auteur sorti des sentiers battus, un peu rebelle, pamphlétaire. On sait qu’il est né en Australie mais issu d’une famille autrichienne. Il a grandi à Vienne. Au moment d’écrire ces lignes, il vit à Stuttgart où il est peintre et écrivain.

Steinfest est un des opposants les plus connus au projet STUTTGART 21 contre lequel il a participé à plusieurs manifestations et manifestes. Son premier roman DER ALLESFORSCHER met en scène son propre frère, Michael Steinfest, mort à 23 ans dans un accident de montagne.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 19 février 2021

LE TOUR D’ÉCROU, le livre de HENRY JAMES

*Pour que je m’assurasse de l’identité positive de l’apparition, il aurait fallu que l’heure de l’action eut sonné à la pauvre horloge de mon courage ; en attendant… je transférai mon regard sur la petite Flora…

Un instant, mon cœur cessa de battre, de terreur et d’anxiété, tandis que je me demandais si elle aussi voyait quelque chose ; et je retenais mon souffle, attendant ce qu’un cri, ce qu’un signe naïf et subit, soit de surprise, soit d’alarme, allait me révéler. (Extrait : LE TOUR D’ÉCROU, Henry James, storylab Editions, édition numérique de 2014, 120 pages)

Le huis-clos d’une vieille demeure dans la campagne anglaise. Les lumières et les ombres d’un été basculant vers l’automne. Dans le parc, quatre silhouettes : l’intendante de la maison, deux enfants nimbés de toute la grâce de l’innocence et l’institutrice à qui les a confiés un tuteur désinvolte et lointain. Ils sont quatre. Mais ne seraient-ils pas six si on compte Quint et miss Jessel, les fantômes de serviteurs dépravés qui veulent attirer dans leurs rets les chérubins envoûtés ? Ou les fantasmes d’une jeune fille aux rêveries nourries de romanesque désuet. Le lecteur qui n’y prendra garde, oscillera entre le rationnel et le surnaturel.

TORDU ET DÉRANGEANT
*Je ne pouvais continuer qu’en faisant
confiance à la «nature» en considérant
que ma monstrueuse épreuve était certes
une incursion dans une direction
inhabituelle et déplaisante, mais exigeait
seulement…pour y faire front, de donner
un tour d’écrou supplémentaire aux vertus
humaines*
(Extrait: LE TOUR D’ÉCROU)

C’est un livre étrange, ambigu avec un petit quelque chose de tordu, voire pervers et il y a trop de secrets cachés, de non-dit dans cette histoire pour éclaircir le mystère dans son ensemble. L’auteur laisse le lecteur à lui-même, avec son libre arbitre toutefois…

voyons un peu le tableau : la narratrice, dont on ne sait même pas le nom (l’auteur n’a pas jugé bon de le préciser, comme beaucoup d’autre choses d’ailleurs) s’installe dans le vieux manoir de Bly, à titre de gouvernante, pour prendre soin de deux enfants, en apparence adorables : Miles et sa sœur cadette Flora.

La vie suit son cour pour un temps très court car des évènements bizarres viennent perturber la nouvelle gouvernante : des apparitions…deux spectres : celui de Peter Quint, un ancien Valet de Bly et Miss Jessel, la gouvernante décédée peu avant l’arrivée de la narratrice qui a pris sa place.

À sa grande stupéfaction, la narratrice constate que les fantômes manifestent une attirance pour les enfants, une attirance qui a l’air coupable, morbide, peut-être même sexuelle…à moins que la narratrice devienne obsédée et verse dans le délire. Pour la nouvelle gouvernante, c’est clair : les fantômes cherchent à pervertir l’innocence de ces enfants.

Elle se donne sur le champ la mission de combattre les spectres et sauver les enfants. Folie ou perversion du récit, impossible de le savoir, l’auteur ne laisse pas d’indice et même en s’accrochant à Miss Grose, l’intendante du manoir, la seule personne raisonnable et équilibrée de cette histoire, je ne suis pas plus avancé. Il me manque une clé pour comprendre le sens de cette incroyable histoire.

L’auteur ne me laisse rien sauf LE CHALLENGE qui ouvre au lecteur un champ énorme de possibilités. La lecture de ce livre m’a proprement mystifié simplement parce qu’il est plein de cachotteries dont quelques-unes semblent innommables.

Je me suis senti tellement perdu dans cette histoire que j’ai poussé une recherche pour savoir par exemple si mon esprit a besoin d’une pause. Très vite, je me suis rendu compte que j’étais loin d’être le seul dans l’obscurité. Ce livre a fait l’objet d’une quantité impressionnante d’interprétations.

Il ne faut pas perdre de vue que c’est un conte fantastique, une nouvelle, mais vers le délire psychanalytique, il n’y a qu’un pas : Plusieurs ont vu dans ce récit des manifestations de névrose, perversion sexuelle, psychose, obsession, possession et j’en passe… Même le titre est une énigme mais on peut penser que TOUR D’ÉCROU revient à *serrer la vis*, c’est-à-dire, exercer une pression psychologique.

Le récit exhale un parfum de scandale, énigmatique, ambigu. Le lecteur doit tirer ses propres conclusions avec à peu près rien ni sur les motivations des personnages, ni sur la psychologie des enfants. Pourquoi les actes fantomatiques sont dictés par le mal? Quelle relation Miss Jessel et Quint entretenaient-ils avec les enfants quand ils étaient vivants ?

Ce livre est une énigme, développée dans un français cossu typique du XIXe siècle. L’écriture est huppée et elliptique par moment. Je n’ai pas pu m’attacher aux personnages qui sont plutôt froids et distants. C’est un roman troublant. À la limite dérangeant. Je m’y suis pris comme dans une toile d’araignée.

J’en suis sorti frustré, heureux d’avoir saisi qu’il n’y a pas vraiment grand-chose à saisir. Pourtant, il y a quelque chose de fort dans ce récit : son pouvoir suggestif sans aucun doute. Ce livre est un défi. Malgré mes interrogations, je ne regrette pas de l’avoir lu.

Suggestion de lecture : LES SENTIERS DES ASTRES de Stefan Platteau

LE TOUR D’ÉCROU AU CINÉMA :

Plusieurs adaptations du livre de James ont été réalisées au cinéma. J’en citerai 3 : LES INNOCENTS de Jack Clayton, sorti en 1961 avec Deborah Kerr. C’est mon adaptation préférée.  Il y a aussi LE TOUR D’ÉCROU de Rusty Lamorande sorti en 1994 et LE TOUR D’ÉCROU de Floria Sigisondi en 2020 <photo ci-bas>.

Il y en a beaucoup d’autres, mais je mentionnerai pour terminer cette brève liste une préquelle au livre fantastique : LE CORRUPTEUR de Michael Winner sorti en 1972. Il y a eu aussi de nombreuses adaptation pour la télévision, la plus récente étant LE TOUR D’ÉCROU réalisé par Tim Fywell en 2009.

Henry James est un auteur américain naturalisé britannique, né en 1843 à New-York et décédé en 1916 à Chelsea. Considéré comme une figure majeure du réalisme littéraire du XIXe siècle, Henry James est passé maître dans l’art de la nouvelle :

(DAISY MILLER en 1978, LE MOTIF DANS LE TAPIS en 1896) et du roman (PORTRAIT DE FEMME EN 1881, LES BOSTONIENNES en 1886, LA COUPE D’OR en 1904). Il a également écrit de nombreux autres textes : théâtre, livres de voyage, biographies et critiques littéraires.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 janvier 2021

LA DERNIÈRE DES STANFIELD, Marc Levy

*Une lettre m’apprenait que ma mère aurait eu
un passé dont j’ignorais tout. On m’assurait
qu’en fouillant ses affaires, je mettrais la main
sur des souvenirs qui me livreraient quantité
d’informations sur la femme qu’elle avait été. À
l’en croire, maman avait été coauteure d’un
forfait magistral…*
(Extrait : LA DERNIÈRE DES STANFIELD, Marc
Levy, Éditions Robert Laffont|Versilio, 2017, édition
de papier,, pocket, 450 pages.

Eleanor-Rigby est journaliste, elle vit à Londres. Un matin, elle reçoit une lettre anonyme lui apprenant que sa mère a eu un passé criminel. George-Harrison est ébéniste, il vit au Québec. Un matin, il reçoit une lettre anonyme accusant sa mère des mêmes faits. Eleanor-Rigby et George-Harrison ne se connaissent pas. L’auteur des lettres leur donne à chacun rendez-vous dans un bar de pêcheurs sur le port de Baltimore. Quel est le lien qui les unit ? Quel crime leurs mères ont-elles commis ?  Au cœur d’un mystère qui hante trois générations, La Dernière des Stanfield nous entraîne de la France occupée à l’été 44, à Baltimore dans la liberté des années 80, jusqu’à Londres et Montréal de nos jours.

LES SECRETS D’UNE FAMILLE TORDUE
*Robert était désormais seul et il se demanda
combien de nuits il lui restait à vivre. Dans
quelques heures, le jour se lèverait sur Baltimore…
Et il songea qu’il allait crever à des milliers de
kilomètres de chez lui à cause d’une partie de
poker.*
(Extrait)

LA DERNIÈRE DES STANFIELD raconte l’histoire d’Eleanore Rigby Donovan, journaliste pour un magazine à Londres et George Harrison Collins, un ébéniste qui vit à Québe. Ils ont deux points en commun : d’abord leur prénom évoque les Beatles. Eleanore Rigby est une chanson des Beatles. Et Bien sûr George Harrison était un Beatle.

Les liens expliquant ce choix de prénoms sont plutôt ténus dans le récit. Le deuxième point en commun est le fait que les deux héros qui ne se connaissent pas reçoivent une mystérieuse lettre signée d’un énigmatique personnage qui se fait appeler LE CORBEAU et annonce que leur mère a commis un crime 35 ans plutôt. Le CORBEAU leur donne rendez-vous dans un bar de pêcheur situé dans le port de Baltimore.

Avec méfiance, nos deux héros font connaissance. Le CORBEAU ne s’est pas pointé mais il semble avoir atteint son objectif, la rencontre de deux personnes qui ne se connaissent pas et qui ont pourtant la même mère. Eleanore Rigby et George Harrison décident d’enquêter pour savoir quel crime leur mère aurait commis.

Qui est le CORBEAU et qu’est-ce qu’il cherche exactement? George et Eleanore vont pénétrer un épais mystère, un panier de crabes qui hante trois générations de Stanfield de 1944 à nos jours. Le récit étale la vie de Sally-Anne, la mère de George et Eleanor. Les grands-parents de Sally-Anne, ont fait fortune dans les années 40.

Eleanore Rigby et Georges Harrison tentent ainsi de se dépêtrer dans une suite sans fin de trahisons, de mensonges et de coups bas. Le lecteur tente d’évoluer avec les personnages dans la toile gluante classique des familles dynastiques qui enfouissent des secrets qui sortent au grand jour à la petite cuillère. C’est un peu ce à quoi nous a habitué les séries télévisées comme DALLAS ou comme DYNASTIE.

Moi j’ai trouvé ça compliqué, difficile à suivre à cause des bonds générationnels qui rendent instable le fil conducteur de l’histoire. Je n’ai jamais réussi à adhérer à ces histoires de famille hermétiques et souvent platoniques. Je sais bien que les téléspectateurs en redemandent. Ça n’engage que moi, mais les trois premiers quarts du récit m’ont ennuyé.

J’ai trouvé l’histoire compliquée à cause de son caractère multidirectionnel que l’auteur aurait pu simplifier un peu. La narration est complexe, le style alambiqué. Je m’attendais à mieux, surtout que j’étais au départ très intrigué par les prénoms de nos héros, évoquant les Beatles.

Mais ce n’est qu’un accessoire sous-développé qui n’est d’aucune utilité pour aider à comprendre où l’auteur veut en venir exactement quant à la malédiction qui pèse sur les Stanfield où tout n’est qu’imposture, mensonges et apparences. Non ce n’est pas vraiment le livre capable de me faire renouer avec le style saga familiale et ses idées usées.

Je conviens que le style de Levy est intéressant. Il faut bien dire aussi que le dernier quart du récit nous entraîne de surprise en surprise. Ça devient intéressant si on tient le coup jusque-là. Quand je termine un livre, j’essaie de déterminer deux choses : ce que le livre m’a apporté et à quelle réflexion a-t-il engagé. Je crois que vous en avez déjà une bonne idée.

Marc Levy est un romancier français né en 1961. Il  ne quitte pas le classement des meilleures ventes depuis le début des années 2000. Né dans les Hauts-de-Seine, il quitte la France pour les États-Unis à 23 ans et fonde une société spécialisée dans l’image de synthèse.

Aimant raconter des histoires, Marc Levy se met à l’écriture en amateur. Finalement, il décide d’envoyer un manuscrit à plusieurs éditeurs et ce sont les éditions Robert Laffont qui le contacteront. Depuis, il se consacre à l’écriture. En janvier 2006, les ventes de ses cinq livres ont dépassé les dix millions d’exemplaires et ça continue.

Suggestion de lecture : AFFAIRES ÉTRANGES de Joslan F. Keller

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 décembre 2020