DERNIÈRE TERRE, la série audio de Clément Rivière

*…Ici, tout est clean…pas de zombie, pas de cadavres
à tous les coins de rue, juste des gens…des vrais…*
(Extrait : DERNIÈRE TERRE, LE PILOTE, Clément Rivière,
production celestory studio, captation Audible éditeur.
Narration multiple, durée d’écoute : 4 heures 10 minutes).

Au cœur d’une France envahie par les zombies, Dernière Terre raconte le voyage insolite de quatre jeunes prêts à tout pour rejoindre l’Angleterre. Thomas, David, Laura et la petite Sophie vont côtoyer une série d’univers aussi bien mystique, surnaturel que médiéval. Pour traverser la Manche, notre quatuor de bras cassés va ainsi croiser une galerie de survivants aussi terrifiants qu’excentriques.

Chaque étape de l’aventure permet de comprendre les origines de l’infection et le rôle primordial que les quatre personnages vont devoir tenir. Auront-ils assez de courage, de culot et d’inconscience pour parvenir à sauver l’Europe ? DERNIÈRE TERRE est un road movie burlesque et… particulièrement sanglant ! Avec, dans les rôles principaux : Donald Reignoux, Pierre Lacombe, Audrey Pirault & Mathilde Cerf.

Aventure incongrue
D’un quatuor déjanté
*Si on déterre quelques corps, et ben on peut
les attirer par l’odeur. Une fois massés à
L’intérieur, y’a plus qu’à tout faire péter…*
(Extrait)

Au-delà d’un possible cafouillage scientifique, au départ, il ne faut pas chercher à comprendre. Nous sommes dans une époque du futur où la France est entièrement parasitée par des morts vivants: des zombies. Au cœur de cet enfer, quatre jeunes personnes tentent de gagner l’Angleterre qui, apparemment, n’est pas touchée par cette tragédie.

Il y a Thomas, David et Laura et une petite fille qu’ils amènent in-extrémis : Sophie, 10 ans. Cette petite a un don particulier, elle ne se fait pas mordre, n’a pas peur des zombies et peut communiquer avec eux. Elle leur est tellement sympathique qu’elle est enlevée et enfermée dans le château de Vincennes avec des zombies à qui elle raconte des tas d’histoires. Reste à savoir qui est vraiment Sophie, d’où vient-elle ? Pourquoi et comment résiste-t-elle aux zombies. Pourrait-elle être la source d’un précieux vaccin?

C’est une série époustouflante qui, même avec un côté gore, parodie les histoires de zombies. Les passages humoristiques ne manquent pas. Les dialogues sont pétillants. Et la petite Sophie jouée par Mathilde Serre est particulièrement brillante même si sa petite voix aigüe peut parfois devenir énervante. La distribution est excellente.

Pour ce qui est de l’histoire, elle n’a pas ce que j’appellerais le prix de l’originalité…du réchauffé auquel on a ajouté de la fraîcheur: des bruitages et des effets spéciaux parfois saisissants, des dialogues parfois dynamiques et souvent burlesques.

Le scénario qui a un petit quelque chose de médiéval, serait digne d’un film et ce qui m’a particulièrement plu, ce sont des trouvailles intéressantes dont plusieurs sont rattachées à l’actualité européenne, des passages qui évoquent cette vieille rivalité entre la France et l’Angleterre.

Autre exemple : lorsqu’ils recherchent un zombie géant caché sous les combles de la bibliothèque nationale de Paris, Lara, David et Thomas tombent sur des *gilets jaunes* perdus depuis des mois dans ces sous-sols, pas du tout au courant de la *zombisation* de la France.

[Laura] : ………..Qui êtes-vous ?
[Inconnu] :. ……Euh… Vous pouvez baisser votre arme ? Euh… Moi, c’est Marc et voilà ma femme, Diane.
[Sir William] :…. Vous cherchez le Némésis ?
[Marc] : …………Euh… non. Nous on cherche la sortie.
[Diane] : ………..On sait pas ce que c’est votre truc de psoriasis
[Bérenice] : ……NE ME SIS
[Marc] : …………Eh ben nous on s’est perdu paumer dans les catacombes.
[Laura] : ………..Depuis quand ?
[Diane] : ………..Ah… euh… quelques mois…
[Laura] : ………..Quelques mois ?!!!
[Marc] : …………Peut-être plus… c’est mal indiqué aussi…
[Thomas] : ……..Pourquoi vous porter un gilet jaune ? Vous avez peur de vous faire renverser ?
[Diane] : ………..Mais non. Le gilet jaune c’est pour la manif.
[Marc] : …………Ben ouais voilà. On était venu manifester et quand les CRS ont chargés…
[Diane] : …………..Et pourtant on leur avait rien fait…
[Marc] : …………C’est vrai ça ! On avançait les bras en l’air…
[Diane] : … ……..et ils ont quand même tirés…
[Marc] : .. ……….comme quoi les Droits de l’Homme, ça ne leur créé pas des insomnies…

Voilà qui nous rapproche d’une actualité pas si ancienne et qui vient rafraîchir et stimuler un sujet élimé. J’ai adoré ça.

Parmi les petites faiblesses, appelons ça des irritants mineurs qui pourraient bien être voulus par les auteurs, car c’est évident que tout le monde a pris un plaisir fou à créer cette production, sans trop se prendre au sérieux et pourtant désireux de faire quelque chose de professionnel. Les dialogues sont déclamés et rappellent un peu le ton utilisé sur les planches d’un théâtre. Le tout est sensiblement caricatural, grossi, expressions souvent gonflées.

Le réalisme est dans l’ombre d’un jeu parfois exagéré. Par exemple, les sons produits par les zombies me rappellent ceux des cartoons. Ça m’a fait sourire mais au final, certains dialogues sont tellement tordus que j’ai carrément éclaté de rire. Dans cette création, l’horreur chevauche la comédie et l’humour souvent spontané n’est pas sans me rappeler FRANKESTEIN JUNIOR, célèbre comédie hilarante réalisée par Mel Brooks en 1974.

DERNIÈRE TERRE est en fin de compte un bon divertissement, très proche de la littérature jeunesse, une production de qualité, multisonore, essentiellement audio.

Suggestion de lecture : PASSEPEUR TRIO, de Richard Petit

Clement Rivière est scénariste et directeur artistique français. Il travaille sur des fictions interactives en format jeu vidéo, spectacle vivant et audio. Il est auteur, formateur en sciences de l’information et des bibliothèques, narrative designer.
En parallèle, il enseigne l’écriture et le théâtre dans plusieurs écoles en Europe.

À lire aussi, du même auteur

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 février 2023

LA FIN DU MONDE A DU RETARD, de J.M. Erre

*Julius…regarda par l’œilleton, et ne vit personne. Il plaqua
son oreille sur la serrure, mais n’entendit rien. Dans l’état
présent de ses possibilités techniques, il enrageait de ne
pouvoir faire plus. Mais au fond, tout cela n’avait pas
d’importance, car dans quelques heures, Julius serait loin.
Tout était prêt pour le début de l’aventure. À commencer
par son évasion de la clinique Saint-Charles.*
(Extrait : LA FIN DU MONDE A DU RETARD. J.M. Erre, éditeur :
Buchet-Chastel, 2015, édition numérique, 330 pages)

Julius est interné dans un hôpital psychiatrique. Son amnésie partielle ne lui a laissé que peu de souvenirs, mais l’un d’eux est plus vif que les autres : l’organisation Tirésias a planifié la fin du monde pour dans quatre jours ! Mais Julius compte bien révéler leurs manigances au vu et au su de tous. Et pour cela il aura besoin d’alliés. Tout d’abord Alice, qui vit dans la chambre d’en face, amnésique (comme lui) après l’incident qui a interrompu son mariage… en tuant tous les autres convives ! Ensuite Ours, symbole du geek. Le trio va devoir se défaire des policiers qui tenteront de se mettre sur leur route.

*DÉCRET DE CHARLES : *
<Plus on est de fous, moins on rit>
*C’est quoi le plan ? Demanda Alice. -Je vais me fier à mon
instinct. L’instinct ne trompe pas les cœurs purs.
-C’est tiré du Seigneur des Anneaux ? Non, du Club des
Cinq aux sports d’hiver. Un petit blanc dans le dialogue
suivit cette référence culturelle ultrapointue*
(Extrait)

LA FIN DU MONDE A DU RETARD est un petit livre qui ne se prend pas au sérieux. Il suit la cavale de deux personnages très singuliers : Alice, jeune femme seule et malchanceuse dont la vie à basculé le jour de son mariage. *L’heureux* évènement a fait 262 morts, une seule survivante, Alice. Et Julius, un écrivain, doux paranoïaque convaincu de l’imminence de la fin du monde et décidé à prévenir et protéger l’humanité d’un sombre complot :

*Nous serons de la fête chère Alice et nous frapperons un grand coup. Dans cinq jours, le monde tel que vous le connaissez prendra fin. Et un monde nouveau naîtra ! * (Extrait) Ce complot international serait ourdi par une organisation appelée Tirésias qui non seulement mentirait sur la véritable nature de l’humanité mais traquerait certaines personnes pour les faire disparaître.

Étrangement, Tirésias est aussi le nom de l’éditeur de Julius. L’histoire raconte la quête de ce couple très spécial, une contre poursuite qui ira de rebondissements en revirements jusqu’à une surprenante conclusion qui *rappelle une certaine introduction*.

Imaginez maintenant que Julius est un écrivain qui n’a fait que mélanger la fiction et la réalité, que dans cette histoire, Julius joue son propre personnage, son histoire dans son histoire, le tout sur fond de complot international. C’est ce qu’on appelle en littérature une mise en abyme, généralement considérée comme un défi de taille car elle se prête à l’errance et au cafouillage.

Le commissaire Gaboriau, doit enquêter sur la disparition de deux patients qui s’évadent de l’institut psychiatrique et des évènements entourant l’Évènement. LA FIN DU MONDE A DU RETARD, c’est de l’humour en continu. Le burlesque s’échappe des personnages principaux eux-mêmes : Julius, éternel sniffeur de dosettes Nespresso et Alice la dulciné aimante privée d’émotions mais débordante de vitalité. Des personnages loufoques viendront s’ajouter dans la cavale nourrissant d’emblée le caractère burlesque du récit.

Il y a des formes d’humour qui viennent me chercher très rapidement. C’est le cas de l’humour spontané, généralement dépourvu de subtilité et qui me fait réagir au-delà du sourire : *Qu’est-ce que tu attends de moi ? Demanda le maître, agacé. -Je suis en lutte contre le mal ! Sur quelle console ? Playstation ou Xbox ? * (Extrait) C’est drôle, on rit. C’est aussi simple : *Comment on efface une mémoire ? Je vous le dis dès que je la retrouve. * (Extrait)

Jeux de mots, humour déjanté, des gags dignes du stand-up comique, l’auteur ne s’encombre pas de détours contraignants, créant de vigoureuses répliques à ses belligérants mais y va de ses petits clins d’œil personnels d’auteur : *La route était déserte, la forêt impénétrable. On ne voyait rien d’anormal puisqu’on ne voyait rien du tout : il faisait nuit noire. * (Extrait)

Est-ce que ce livre n’est QUE drôle ? Non je ne crois pas. L’humour est une excellente filière pour pousser à la réflexion et ce petit opus de J.M. Erre a quelque chose de philosophique. *À nous trois…nous allons détrôner nos oppresseurs, et surtout, nous allons réenchanter le monde…* (Extrait)

En fait LA FIN DU MONDE A DU RETARD évoque à la fois ce qui fait le malheur et la grandeur de l’être humain : sa capacité de se raconter des histoires, avec comme toile de fond la crainte la plus ancienne de l’histoire du monde : la fin du monde. J.M. Erre en a profité pour faire une petite exploration de l’esprit humain…il est tordu…parfois   dangereusement, souvent gentiment. C’est un livre loufoque qui ne peut que faire du bien.

Je ne le qualifierai pas de sérieux mais je dirai qu’il ne manque pas de profondeur car dès qu’il est question de l’être humain, la comédie fait souvent jonction avec la tragédie. Comme dirait un certain Obélix, ils sont fous ces humains.

Suggestion de lecture : LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE, de Douglas Adams

J.M. Erre est né en 1971 à Perpignan. Il a publié quatre romans aux éditions Buchet-Chastel : Prenez soin du chien (2006), Made in China (2008) Série Z (2010) et Le Mystère Sherlock (2012). Ses ouvrages sont une curiosité dans le paysage littéraire français : une narration au rythme soutenu et l’usage d’un humour frisant l’absurde en font toute la saveur. Le comique de langage y côtoie le comique de situation et provoque une avalanche de surprises et de rebondissements. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 5 février 2023

LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE…

…D’ALEX GRAVEL-CÔTÉ

Commentaire sur le livre de
CATHERINE GIRARD-AUDET

*Cher journal, sache tout d’abord que je trouve ça complètement
débile de t’écrire mais comme ma sœur est plantée à trois
centimètres de moi, je n’ai pas le choix de le faire. Madame s’est
en effet mis dans la tête de m’utiliser comme cobaye dans son
cours de psychologie au CEGEP. *
(Extrait : LA VIE QUAND MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX
GRAVEL-CÔTÉ, de Catherine Girard-Audet., édition Les Malins 2017,
440 pages. Version audio : Audible studios, 2017, narrateur : Jean-
Philippe Robin, durée d’écoute : 5 heures 31 minutes)

Ma sœur croit m’aider à « ouvrir mon autoroute émotive », à me défaire du « traumatisme causé par le divorce de nos parents alors que je n’étais qu’un enfant » et à tomber follement amoureux d’une fille. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est que je n’ai pas envie d’être en couple. C’est trop compliqué. Mais, comme je suis un gars de parole, j’embarque dans son jeu (d’autant plus que c’est ma seule option pour qu’elle me laisse tranquille). Heureusement que j’ai le hockey, le tourbillon familial et l’apparition dans ma vie d’une mystérieuse Julianne et d’une charmante Léa Olivier pour agrémenter mon journal intime et le rendre un peu plus palpitant. 

Les réalités de l’adolescence masculine
*Elle a pris ma main et m’a attiré vers elle pour m’embrasser.
Elle, en se reculant doucement : <Est-ce que j’ai ton attention
maintenant? > Moi, en toussotant un peu : <heee, crum…je…
oui, hehe…excellente tactique.>*
(Extrait)

*Ma sœur est conne…ma sœur est conne…ma sœur est conne…* (introduction) Ainsi débute ce petit livre pétillant…par cette petite phrase toute mignonne répétée 12 fois avec conviction par le petit frère Alex Gravel-Côté. Voyons d’abord ces deux personnages qui sont au centre du centre…je dis ça parce que dans l’histoire, il y a beaucoup de monde…du jeune monde surtout…14 à 17 ans, chatouillé en permanence par les turbulences hormonales.

Alex a 14 ans. Il est beau comme un cœur, charmant, empathique et de nature généreuse. Il raconte au journal intime que sa sœur l’oblige à écrire, sa vie scolaire, sa vie familiale, sa vie sportive et surtout sa vie sentimentale qui elle, n’a pas tout à fait la note de passage. Pourquoi Alex n’a jamais de blonde? Et pourtant des blondes potentielles, il en gravite autour d’Alex.

Emmanuelle est la sœur aînée d’Alex. Elle se passionne pour la psychologie et a pris Alex comme cobaye pour ses tests et observations. Moyennant certaines concessions, Alex accepte d’écrire quotidiennement son ressenti dans un journal personnel pour un temps indéfini. Ce journal devient ainsi le fil conducteur du récit et promet de très intéressants revirements.

Ce livre se détache d’une série consacrée aux aventures de Léa-Olivier et à une flopée de jeunes à la recherche de reconnaissance et d’amour.  Alex se démarque par son intelligence, son empathie et surtout, son cœur d’Artichaut. Il est beau et drôle de voir ses pairs l’encourager, le pousser à enfin se *matcher* avec une belle fille… : *Arrête de niaiser pis fais un moove. Ce n’est pas dans tes habitudes de tourner autour de la puck …j’ai donc décidé d’être moins subtil en abordant Léa après l’école…* (Extrait)

Eh oui…dans le langage subtil du hockey, une belle fille qui se démarque a l’aspect d’une puck. L’auteure ne s’est d’ailleurs pas gênée pour mettre en évidence le langage des jeunes, un genre de codification truffée d’anglicismes et d’allusions : *men*, *dude*, *bro*, *babe*, *shit*, *cool*, *genre*, *cruiser*, *moove*, *come on*, *rocher*, *nunuches* et j’en passe.

Bien sûr ce langage ne constitue pas un bouquet de fleurs pour la langue française mais il constitue un mode de reconnaissance entre les jeunes. je partage avec ravissement le portrait que l’auteur fait des jeunes, en perpétuel questionnement sur leur attirance pour le sexe opposé. L’histoire n’est pas compliquée, on ne peut pas dire non plus qu’elle soit originale. L’auteur nous présente toute simplement des ados d’aujourd’hui avec leurs réalités qui se résument à quatre mots : Amitié, amour, famille, école.

Je crois que les jeunes vont aimer ce livre parce qu’ils vont se reconnaître, parce qu’Alex est terriblement attachant, c’est l’ami universel qu’on aimerait avoir à nos côtés. L’histoire évoque les cœurs d’amadou (1) et les cœurs d’artichaut.(2) Aussi simple soit-elle, il est impossible de ne pas être happé par l’histoire truffée de petites intrigues sentimentales ouvrant la voie à des dialogues savoureux et surtout un humour désopilant.

Par exemple, je vous laisse découvrir entre autres la théorie du triangle amoureux équilatéral, par rapport à la théorie du triangle amoureux isocèle. Ça m’a fait rire et ça m’a plu. Le langage des jeunes habituellement direct caractérise la plupart des dialogues. Ça arrache des sourires, c’est forcé : *Jeanne organise justement un party chez elle pour lui vendredi prochain. Ce serait trop nice que tu te pointes avec un gars du Cégep pour lui faire avaler sa morve. * (extrait)

Ce livre a été pour moi une magnifique évasion. L’écriture est limpide, fluide. Il n’y a pas de longueurs. On ne s’ennuie pas. J’ai été de plus, satisfait de la performance narrative de Jean-Philippe Robin. Je recommande donc LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX GRAVEL CÔTÉ…pétillant…rafraîchissant…divertissant.

Suggestion de lecture : LE LIVRE QU’IL NE FAUT SURTOUT, SURTOUT, SURTOUT PAS LIRE, de Sylvie Laroche

C’est à la plume passionnée de Catherine Girard-Audet, accro de magasinage, d’histoires de filles et de confidences, que l’écriture de L’ABC des filles a été confiée. À la barre de plusieurs traductions de romans ou d’albums à succès tels que, Lizzy McGuire, Dora l’exploratrice et même Bob l’éponge, Catherine Girard-Audet était la fille toute désignée pour entreprendre ce projet. Auteure de la série La vie compliquée de Léa Olivier, l’ABC des filles, Effet secondaire et Le journal de Coralie.

 

(1) Cœur qui s’enflamme et s’amourache rapidement
(2) Susceptible à l’amour. Qui donne son cœur facilement et à tout bout de champs.

 

Ne manquez pas de suivre Léa-Olivier

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 29 janvier 2023

LE FABULEUX MAURICE et ses rongeurs savants

Commentaire sur le livre de
TERRY PRATCHETT

*Les rats ! Ils pourchassaient les chiens et mordaient les chats, ils… Mais il n’y avait pas que ça. Comme le disait le fabuleux Maurice, ce n’était qu’une histoire de rats et d’hommes. Et le plus difficile, c’était de définir qui étaient les hommes et les rats. *
(Extrait : LE FABULEUX MAURICE ET SES RONGEURS SAVANTS, Terry Pratchet, 2001. T.F. : 2004 par Librairie L’Atalante. Format numérique, 188 pages.)

Les déchets magiques de l’Université de l’Invisible ont transformé le chat Maurice et les rats des environs en créatures super intelligentes, dotées de parole et d’une conscience du monde très aiguë. Maurice est devenu le roi de l’arnaque. Avec sa bande de rats (Pur-Porc, le dominant, Pistou, le rat albinos, ou encore Sardines, pro des claquettes), il parcourt les cités qu’il pille joyeusement en simulant des invasions, grâce à un complice benêt, le joueur de flûte. Mais arrivés à Bad Igoince, la petite bande tombe sur un os. Un village sans rats où vivent pourtant des chasseurs de rats, voilà qui est étrange. Voire carrément malsain…

 

Les couleurs de l’imaginaire
*<N’importe qui peut attacher ensemble des queues de rats
s’il en a envie…je suis sûre que je pourrais, moi. –Avec des
rats vivants ? Tu dois d’abord les prendre au piège, ensuite,
tu de débats avec des espèces de bouts de ficelle glissants
qui gigotent sans arrêt pendant que l’autre extrémité des
bestioles continue de te mordre ! Huit rats ? Vingt ? Trente-
deux ? Trente-deux rats enragés ? > *
(Extrait)

J’ai été attiré par le titre bien sûr mais spécialement pas l’image de couverture. Attention toutefois car vous pourriez avoir la même impression que moi. En effet, l’image laisse à penser que Maurice est un chat savant qui fait des tours extraordinaires avec des rats dans un cirque. On est très loin du compte. Je dirais même que Terry Pratchett a tranché par son originalité.

Il a imaginé Maurice, un chat plutôt égocentrique et impudent, d’apparence en tout cas, et une bande de rats, tout ce beau monde ayant séjourné trop longtemps et trop proches d’une haute école de mage. Le résultat est extraordinaire car nos amis parlent maintenant. Ils peuvent penser.

Avec ce magnifique nouveau don d’intelligence, Maurice et les rats décident de parcourir les campagnes environnantes et d’arnaquer les habitants en simulant des invasions de rats et chargeant un complice humain, Keith de faire semblant de dératiser avec une flute. Mais, dans un village au bout de la route, la petite troupe trouvera chaussure pour chaque petit pied.

Cette façon qu’a Pratchett de faire fondre la nature des humains dans celle des rats est très spéciale et donnera lieu à des moments très drôles spécialement en mettant à la jonction des deux dimensions un chat : qui n’a jamais voulu être fabuleux et qui n’aime pas spécialement les rats. Il est aussi spécial que tout ce petit monde mette à profit ce don soudain d’intelligence en volant et en trompant.

Enfin On est humain ou on l’est pas et puis, tant qu’à penser…*-Ho, tu penses aussi hein ? fit Pur-Porc. Tout le monde pense ces temps-ci. Je pense que ça pense beaucoup trop, voilà ce que moi je pense. On ne pensait pas à penser. Quand j’étais jeune…* (Extrait) Ça donnera lieu à des moments parfois très émouvants, mais aussi cocasses voir drôles.

J’ai trouvé les dialogues avec les humains savoureux d’autant que ce sont des rats qui ont reçu l’intelligence et comme on le sait, le rat n’est pas spécialement le meilleur ami de l’homme. Le récit n’est pas seulement drôle, il est sensible, coloré, léger. C’est un livre-jeunesse mais j’ai eu beaucoup de plaisir à le lire.

La dimension humoristique du récit a été bien pensée en commençant par les noms donnés aux rats, suffisamment drôles pour changer un simple rictus en fou rire : Pure-porc, Pistou, Nutritionnelle, sardines, grosseremise, datlimite, saumure, pêches, offrespéciale, noir-mat et j’en passe.

Tout ce beau monde est dirigé, c’est une façon de parler, par celui qui a un nom bien humain, MAURICE, le fabuleux Maurice, le gentleman arnaqueur qui va entraîner le lecteur et la lectrice d’une péripétie à l’autre avec, au programme rater, dératiser, et encaisser.

*« On va leur en mettre plein la vue, conclut Maurice. Des rats ? Ils s’imaginent avoir connu des rats dans leur ville ? Après notre passage à nous, ils en feront des romans ! » (Extrait) Il y a dans ce livre un peu les caractéristiques d’un conte ce qui n’est pas sans rappeler les frères Grimm.

Il y a aussi un aspect légende, entre autres les rois des rats, attachés par la queue et à qui on prête des pouvoirs surnaturels. Je veux noter au passage les belles illustrations de David Whyatt. Elles sont trop discrètes à mon goût mais elles rehaussent le récit avec l’omniprésence de monsieur Lapinou qui rappelle Wish et les mangas des années 90.

Tout ceci donne à l’ensemble une richesse extraordinaire même si ça s’est déjà vu. Rappelez-vous LE JOUEUR DE FLUTE DE HAMELIN. Le livre de Pratchett en est la parodie.

Enfin, vous avez en présence un chat, des rats et des hommes. La violence est inévitable et il y a en a. Même Maurice meure dans cette histoire mais heureusement, il lui reste des vies dans son lot de 9. Il y a aussi dans le récit des longueurs. Quelques dialogues qui se ressemblent sensiblement.

Il faut surtout ne pas perdre de vue que la parole ne suffit pas nécessairement à prouver l’intelligence d’une part et que si les rats ont reçu le don de parole et de pensées, ils demeurent des rats avec des mœurs de rat. C’est un aspect du récit qui ne plaira pas à tout le monde. C’est un livre-jeunesse oui, mais avec certaines limites.

Dans l’ensemble, c’est un livre bien écrit, bien imaginé et surtout bien documenté. Pratchett n’a pas lésiné sur la recherche. Le tout est crédible.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE POST-APOCALYPTIQUE D’UNE ENFANT SAGE, d’Annie Bacon

AVANT-PROPOS
Le Disque-monde est un univers imaginaire de fantasy burlesque développé à partir de 1983 par l’écrivain britannique Terry Pratchett dans la suite de romans Les Annales du Disque-monde et adapté depuis sur divers supports. La série de romans du Disque-monde comporte quarante-et-un volumes (trente-cinq annales et six romans dédiés à un public jeune), tous traduits en français. Il existe également un certain nombre d’ouvrages « hors-série ». La série a été adaptée en téléfilms, film d’animation, jeux vidéos et même en jeux de société.

 

Terry Pratchett est né en 1948 dans le Buckinghamshire. Voilà un écrivain dont l’humour donnera du fil à retordre à ses biographes ! Sa vocation fut précoce : il publia sa première nouvelle en 1963 et son premier roman en 1971. D’emblée, il s’affirma comme un grand parodiste : La Face obscure du soleil (1976) tourne en dérision L’Univers connu de Larry Niven ; Strata (1981) ridiculise une fois de plus la hard S.-F. en partant de l’idée que la Terre est effectivement plate.

Mais le grand tournant est pris en 1983. Pratchett publia alors le premier roman de la série du Disque-Monde, brillant pastiche héroï-comique de Tolkien et de ses imitateurs.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 12 novembre 2022

LA GRIFFE DU CHAT, de Sophie Chabanel

Version audio

*Je ne le reverrai plus jamais, hoquetait la femme
effondrée sur la banquette à trois mètres du corps
étendu par terre. Elle tenait sa tête dans sa main
gauche tandis que son bras droit en attelle restait
stoïque à côté d’elle curieusement désolidarisé de
son corps en émoi.*

(Extrait : LA GRIFFE DU CHAT,
Sophie Chabanel, Le Seuil éditeur, 272 pages, papier.
Version audio : Sixtrid éditeur, 2019, durée d’écoute :
7heures 40 minutes, narratrice : Marie-Cristine Letort.)

Le propriétaire d’un bar à chats lillois est retrouvé gisant dans une mare de sang au milieu de ses matous. Comble de l’infamie, le chat star du commerce, Ruru, manque à l’appel. La commissaire Romano est mise sur le coup, assistée de son adjoint Tellier – aussi terre à terre qu’elle est spirituelle et borderline. Étrangement, ce duo fait des étincelles sur le terrain, et l’assassin voleur de chat (si tant est que ce soit une seule et même personne) va devoir user de mille ruses s’il compte échapper à ces deux enquêteurs de choc…

Une histoire de chats qui a du chien !
*Sur la porte du café des chats, une feuille A4 avait été scotchée:
< Fermé pour convenance personnelle, réouverture jeudi 12 mars.>
Une expression inattendue pour évoquer un mari décédé, la veuve
était décidément une personnalité créative.* 

LA GRIFFE DU CHAT est une comédie policière, atypique, très sortie des sentiers battus à cause du profil de ses principaux personnages qui ont pris, au final, plus d’importance que l’histoire elle-même. Mais voyons le décor: Le propriétaire d’un bar à chat, Nicolas Peyrard est trouvé au beau milieu de son bar, gisant dans son sang, le ventre troué par une balle.

Ici, je veux préciser que le bar à chat, est un concept japonais qui consiste à accueillir plusieurs chats dans un bar pour détendre et apaiser les clients qui peuvent aussi faire preuve d’affection. Mais il y a pire que Peyrard tué au beau milieu de ses chats indifférents, la plus belle pièce féline de la famille, RURU a disparu…un persan gras comme un voleur et con comme un balai. Le verdict des clients : suicide et enlèvement.

Mais pour le département de police, il y a anguille sous roche et il est temps de faire intervenir ses meilleurs limiers en la matière, la commissaire Romano et son adjoint, l’inspecteur Tellier. Le reste du récit est une suite d’argumentaires qui ballotent le lecteur-auditeur : suicide ou pas suicide…on se perd un peu en conjecture jusqu’à la finale ou on donne enfin un peu plus de place à l’émotion.

Ce n’est pas tant l’histoire qui m’a intéressé que l’originalité des principaux personnages: d’abord, la commissaire Romano, féministe déjantée, séductrice et sexuellement très libre.

*Romano avait une préférence pour les hommes mariés, statistiquement moins collants. Elle n’était pas chargée de la moralisation de la vie conjugale du pays. * (Extrait) Sa technique d’enquête est particulière et donne parfois l’impression de s’enfarger dans les fleurs du tapis. Sa muflerie cache un profil très humain.

Et puis, il y a l’adjoint : l’inspecteur Tellier, le mal attifé de l’histoire, vêtements désassortis, un minois juvénile dans un corps d’homme, particulier sur ses méthodes, redoutable dans sa façon d’interroger…une sympathique bouille d’ado, maintenue hors de l’eau grâce à Romano.

*Tellier était un pur, et les purs étaient dangereux, Romano en était convaincue. En même temps, elle… observait son mélange de colère et de droiture névrotique avec la curiosité d’un expert psychiatrique, et parfois une forme d’envie. * (Extrait)

Voilà ce qui m’a subjugué: l’évolution de deux sympathiques énergumènes qui m’ont fait passer un vrai beau moment. Ne vous attendez pas toutefois à un chef d’œuvre de littérature policière.

Outre une enquête parfois décapante rendue nécessaire par une gaucherie sentimentale, ne vous attendez à rien. Laissez-vous porter par l’agréable légèreté du récit, rendu par la voix bien modulée de Marie-Christine Letort et dans lequel l’humour confine parfois à la loufoquerie. Ce sont des petits formats comme je les aime parfois.

Ça ne révolutionne rien, mais il n’y a pas de longueurs, pas de lourdeur, quelques passages décapants, beaucoup d’humour et des chats partout. Si vous aimez les félins, c’est donc un plus. S’ils vous énervent…passez votre chemin.

Mais voyez…je ne suis pas fou des chats et j’ai écouté l’ensemble du récit avec un sourire bien accroché aux lèvres… *Le scotch jaune de scène de crime avait disparu, les chats dormaient, la déco décorait, la patronne trônait : bref, le bar avait repris son apparence ordinaire. * (Extrait)

Suggestion de lecture : HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU CHAT QUI LUI APPRIT À VOLER, de  Luis Sepulveda

Après sa formation à HEC, Sophie Chabanel travaille quelques années en entreprise avant de bifurquer vers le monde associatif. Le Principe de réalité (Plein Jour, 2015) est un récit fondé sur son expérience avec les personnes sans logement. Désireuse de contribuer à un monde du travail plus humain. La Griffe du chat le troisième roman et premier policier de Sophie Chabanel

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 8 octobre 2022

LE PETIT MOZART, la BD de William Augel

*-Bimperl, ne touche pas à cette trompette.
Ce n’est pas parce qu’elle fait un bruit de pet
que tu as le droit de renifler ses fesses.*
(Extrait : LE PETIT MOZART, William Augel,
La Boîte à bulles éditeur, 2019, BD en format
numérique, 50 pages)

Pour l’instant connu sous le sobriquet de Wolferl, le petit Wolgang Amadeus Mozart ne vit que pour la musique. Et il sait déjà l’apprécier sous toutes ses formes, même les plus inattendues ! Le jeune virtuose cherche — et trouve ! — l’inspiration partout où elle se cache, jusque dans les cris de Nannerl, sa soeur… Qu’elles proviennent des oiseaux ou des grillons, toute note est bonne à prendre, car pour ce génie en herbe, tout n’est que musique ! De l’Autriche à l’Angleterre, en passant par la France, notre petit Wolgang, bien que promis à la postérité, n’est pas encore mûr pour garder ses réflexions pour lui et ce, pour notre plus grand plaisir !

Génie en devenir
*…-‘LE BAVON DE LA QUEUE DE COCHON’ ? –C’est
quoi cette nouvelle signature sur ta partition?
C’est mon nouveau pseudonyme. Génial hein?
Amadeus, c’est un peu prétentieux.*
(Extrait)

LE PETIT MOZART est un adorable petit livre proposant un récit humoristique sur l’enfance du célèbre compositeur Wolfgang Amadeus Mozart. Dans le récit, on l’appelle Wolferl. C’est un enfant. Ce n’est pas encore un génie mais on sent que la graine va germer et produire un des fruits les plus appréciés du monde.

Entre temps, le petit Wolferl développe une passion pour la musique qu’il sait déjà écrire. Il joue du clavecin. Il a même terminé son premier menuet. Il est très intelligent, a une répartie spontanée. Et surtout, il est drôle. Dans cette trop courte mais savoureuse BD, William augel, auteur-concepteur-dessinateur, nous raconte ce qu’il imagine comme le quotidien du petit Mozart : sa famille, son clavecin et son violon.

Il ne faut pas oublier non plus ses petits concerts et une incroyable quantité de situations drôles, rigolotes qui s’enchaînent à la queue leu leu comme sur une feuille de musique. Wolferl n’a pas vraiment de vie sociale dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Sa société, c’est la musique dont l’enrichissement à l’échelle universelle n’est plus qu’une question de temps.

En lisant cette petite bande dessinée, j’ai beaucoup ri et je me suis senti aussi attendri à cause de l’amour qui se dégage du récit et de la pétillante personnalité de Wolferl. Ma lecture ma aussi rappelé des souvenirs de mon enfance  car la bande dessinée est présentée un peu comme ce que j’appelais les *Comics* qui étaient publiés en planches simples dans les quotidiens de l’époque.

Tous les jours, j’allais dans les dernières pages du Nouvelliste pour voir Henri, Philomène, Mandrake, etc  évoluer quotidiennement dans un bref strips. On appelle une série de quatre ou cinq cases dessinées et disposées horizontalement un strip. Certains de ces strips racontent une histoire à suivre, mais plusieurs, comme dans le petit Mozart, se concluent dans une seule et même série.

C’est ce que la presse bédéiste appelle un *gag indépendant*. C’est sûrement la forme la plus exigeante pour un auteur-dessinateur car sa petite série de cases doit être conclue intelligemment et avec humour à la quatrième ou cinquième case. À ce titre, je considère William Augel comme un virtuose.

Ce petit opus est plein de bonne idées, des situations très cocasses, inattendues et surprenantes. Au-delà du génie, de l’intelligence supérieure et de la virtuosité, le petit garçon est attachant et fort sympathique. Ce livret est une magnifique façon non seulement d’introduire les enfants à la lecture mais aussi les introduire au panthéon des personnages célèbres.

Toutefois, si vous proposez cette BD à un enfant, je vous suggère de faire une petite recherche afin d’expliquer à l’enfant qui était Mozart et comme il serait intéressant de voir de quoi il avait l’air quand il était enfant.

Ça aurait été une bonne idée d’inclure en introduction un petit texte en ce sens, destinés aux parents parce que beaucoup d’entre eux aime raconter des histoires. Mais je ne considère pas cette absence comme une faiblesse. Le petit Mozart m’a diverti au-delà de toute attente.

Donc offrir LE PETIT MOZART à un enfant est une bonne idée. Pour l’adulte que je suis, c’est définitivement trop court. Mais pour les jeunes lecteurs, 48 pages, c’est juste parfait, insuffisant pour se décourager et le thème développé plait généralement aux enfants, C’est comme une introduction toute en douceur et en humour dans le monde de la musique. J’ai trouvé ça génial.

Suggestion de lecture : LE VILLAGE, de Karl Olsberg

 

William Augel est né au Mans, en 1973. Dessinateur et illustrateur indépendant, il signe plusieurs ouvrages à destination de la jeunesse et travaille régulièrement pour des magazines tels que, par exemple, « La Salamandre ». Il publie en 2011 Atomes Crochus puis, en 2012, Monstrueuse Cathy dans la collection BN des éditions Jarjille, qui sera suivi d’un second album, en grand format cette fois, mettant en scène le même personnage. En 2016, paraissent Zoostrip et Pinard mon nectar puis, l’année suivante,  Le Petit Mozart.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 2 octobre 2022

JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Version audio

*Oui ! Des fous, mon petit Arnaud. Des fous drôles,
mais aussi des fous méchants, des fous tristes, des
fous malheureux. Je les vois. Là ! comme piégés
dans le temps…attends que je te raconte encore…)
(Extrait : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien,
Dominique et compagnie Éditeur, 2016, papier, 200
pages. Version audio : Dominique. Audible 2018, durée
d’écoute :2 heures 58 minutes. Narrateur : Pierre Corriveau)

À la mort de son père, au début des années 60, Jérôme, 12 ans, est hébergé avec sa famille chez ses grands-parents. Il découvre avec surprise que le village qu’ils habitent est peuplé de personnages tous plus étranges les uns que les autres. Cela n’empêchera toutefois pas le jeune garçon de se faire de nouveaux amis, dont un « jeune » fantôme qui lui fera vivre d’incroyables aventures… soit dit en passant, le tome 2 est prometteur…

Les idées folles de Jules
*Moi qui croyait qu’un fantôme, c’était transparent,
vaporeux et effrayant. J’avais eu toute une surprise.
À vrai dire, à le voir, j’aurais jamais pensé que
Jules puisse être un revenant en chair et en os.
<Pourquoi es-tu venu ici> demandais-je au
spectre…*
(Extrait)

Le vieux Jérôme raconte un épisode très important de sa vie à son petit fils Arnaud. Jérôme remonte le temps de plus de cinquante ans, jusqu’en 1962 alors qu’il a 12 ans. Après la mort de son père, Jérôme s’installe chez ses grands-parents et c’est alors qu’il est témoin d’évènements bizarres, disons plus intrigants que méchants : une bicyclette qui prend sa place toute seule par exemple ou des poubelles qui lévitent jusque dans la rue.

Jérôme est amené à comprendre qu’il s’agit là de l’œuvre d’un fantôme qui ne veut pas se montrer. Jérôme surmonte sa peur et finira par convaincre le spectre de se montrer et d’expliquer pourquoi il lui rend des services. Et finalement le fantôme finit par se montrer.

Surprise, il s’agit d’un jeune garçon de 12 ans, le même âge que Jérôme. Il s’appelle Jules. Il semble ne pas comprendre qu’il est mort. Jérôme lui explique la triste réalité et Jules demande à Jérôme de découvrir comment il est mort, pourquoi, et où est son corps.

C’est alors que Jérôme se lance dans une quête extraordinaire et certaines alliances l’aideront beaucoup dans sa démarche, Avec le curé par exemple, le ptit dur de l’école Gaston et même le fossoyeur qui en sait pas mal long et il y a bien sûr Jules dont l’aide sera précieuse. Jérôme mettra au jour une vérité aussi incroyable que l’aventure qu’il est en train de vivre.

La question est de savoir si Jules pourra enfin reposer en paix. Aux jeunes lecteurs d’en faire la découverte. J’ai beaucoup aimé cette petite histoire que Sylvie Brien a développé avec une belle retenue : pas d’artifice, pas de violence, un peu de frissons et de mystère. Elle laisse les jeunes lecteurs avec l’idée qu’il est possible que les fantômes existent, qu’on peut y croire ou non.

Il ne faut pas non plus avoir peur des fantômes. Un mystère n’est pas forcément aussi épais qu’il en a l’air. L’histoire réunit donc des éléments qui plaisent aux jeunes lecteurs de 10 à 14 ans : de l’intrigue, du mystère et de l’humour. L’histoire s’appuie aussi sur de belles valeurs : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe et la tolérance qui manque tant à la Société.

J’ai été captif de cette histoire pour deux raisons en particulier : d’abord la galerie de personnages. J’ai accueilli chaleureusement Jérôme dès le départ, un petit débrouillard astucieux et persévérant et puis Jules que j’ai accueilli presque comme un petit fils et pour lequel j’ai développé une empathie qui m’a gardé dans l’histoire jusqu’à la fin. Eh oui, je dirais que Jules m’a forcé à lire l’histoire d’une traite…Aucun regret.

Je ne ferai pas le tour de tous les personnages mais plusieurs m’ont fasciné, en particulier Gaston, le ptit dur que tout le monde craint. J’ai redécouvert que ce genre de personnage cache du bon qui finit par ressortir. La deuxième raison de mon engouement est ce retour aux années 60 dont l’atmosphère est magnifiquement recréée.

Mes petits bémols maintenant… les filles n’ont aucun rôle dans cette histoire à part peut-être celui de chipies, l’enseignante acariâtre et les cadorette par exemple. J’ai rapidement développé l’impression qu’il manquait quelque chose. Les parents aussi n’ont pratiquement aucun rôle.

Ça nous éloigne d’une réalité quand même importante si on tient compte du fait que l’histoire se déroule dans les années 60, une époque où les familles prévalent plus qu’aujourd’hui.

Enfin j’ai écouté la version audio et j’ai été un peu déçu par la narration de Pierre Corriveau qui a eu de la difficulté à trouver le ton juste. J’aurais préféré qu’il se laisse aller un peu plus en utilisant l’accent que laisse supposer l’écrit. Heureusement, Pierre a une voix magnifique et c’est pour moi une belle compensation.

C’est un récit idéal pour pousser les préados à la lecture à cause de l’émotion qui se dégage de l’histoire et d’un amalgame de fantastique et des réalités de l’adolescence. À la fin du récit, tout est en place pour une suite prometteuse. Moi j’ai aimé, ce qui laisse à penser qu’il n’y a pas d’âge pour lire un livre-jeunesse.

Suggestion de lecture : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES de Sophie Marvaud

Juriste et notaire de formation, Sylvie Brien se consacre entièrement à l’écriture dans les années 2000. Publiée au Canada et en France par plusieurs éditeurs, elle est Membre de l’Union des Écrivaines et Écrivains du Québec et anime des rencontres littéraires pour le programme Culture à l’école. En 2005, son roman La Fenêtre maléfique est choisi pour l’événement Montréal capitale mondiale du livre (UNESCO). Elle remporte en 2018 le prix littéraire de l’AQPF avec son roman 16 ans et Patriote.

La suite 

Bonne écoute
Claude Lambert

LA MALÉDICTION DE LA MAISON FOSKETT

Commentaire sur le livre de
M.R.C. KASASIAN

*…Poussant l’ignominie encore plus loin, le baron Gilles, qui,
par hasard, découvrit une jeune nonne qui se cachait dans la
chapelle consacrée à la Sainte Vierge, la prit et la tua sur l’autel
latéral. En rendant son dernier souffle, la nonne prononça une
malédiction qui frapperait le baron et ses descendants. *

(Extrait : LA MALÉDICTION DE LA MAISON FOSKETT, M.R.C.
Kasasian, City Edition 2018, 399 pages. Version audio : Audible
studios 2018, durée d’écoute : 14 heures 41 minutes, narratrice :
Sophie Loubière.

Boudé par ses clients, le « plus grand détective de l’empire britannique » dépérit. March Middelton, son acolyte, commence à s’inquiéter. Jusqu’à ce qu’un individu, membre du « Club du dernier survivant », fasse appel aux services de Sydney… et ait l’impudence de passer de vie à trépas dans son salon ! Une mort  pour le moins suspecte. Quel est donc ce club de gentlemen où le jeu est de réussir à rester en vie tout en éliminant les autres ? Les indices pointent  la maison maudite de la baronne Foskett…

Des morts pour un mauvais sort
*À ce rythme-là, les meurtriers seront bientôt
plus nombreux que leurs victimes…
*


L’intrigue n’a rien  d’original et repose surtout sur la nature des principaux personnages : un inspecteur en voie de déchéance et sa pupille Marge Middleton. Un jour, celui qui se prétend le plus grand détective de l’empire, personnel et non privé, comme il le rappelle souvent dans le récit, reçoit un mystérieux personnage venu demander à Sydney de protéger les membres de sa petite société appelée le CLUB DU DERNIER SURVIVANT.

Ce club est une société de legs mutualisés. Donc chaque membre, à son décès, laisse sa fortune au dernier survivant des biens à l’intérieur du cercle fermé, le CLUB DU DERNIER SURVIVANT. Dès le départ, l’idée est peu crédible car la société développe le goût du meurtre et même sa nécessité.

Ainsi le CLUB DU DERNIER SURVIVANT est un CLUB DE LA MORT. Et effectivement, les membres tombent comme des mouches en commençant par l’émissaire qui meure dans le salon de Sydney après lui avoir demandé de l’aide. Pour Sydney et Marge, c’est une course contre la montre qui leur fera remonter une sordide filière, celle de la maison Foskett.

Le livre aurait pu avoir pour moi un certain intérêt n’eût été du personnage principal, Sydney Grice. L’auteur aurait souhaité sans doute réaliser une espèce de cousinage entre son héros et Sherlock Holmes. Au contraire, il en a fait une caricature grotesque.

En effet, Sydney Grice est un homme prétentieux, imbu, arrogant, insolent, grossier, mufle, sans cœur et dont l’indifférence lui donne l’impression qu’il est au-dessus de tout. Il sait tout, il a tout vu et il a réponse à tout. De plus sa misogynie risque d’indisposer le lectorat féminin. Les québécois qualifieraient je crois, Sydney Grice de parfait baveux.

Que le personnage principal d’un livre en soit aussi le principal irritant est assez singulier. Je me suis rendu au bout de ma lecture juste pour savoir jusqu’où irait cet arrogant personnage. En fait c’est pratiquement tout ce qui me restait. L’histoire est truffée de longueurs, l’écriture accuse de l’errance, l’humour *so british* devient lassant.

L’histoire n’évolue pas et on passe simplement d’un personnage maniéré à un autre encore plus haut perché. La finale est longue et apporte peu de surprises sinon une suite probable.

Enfin, je conviens que Sophie Loubière a fait des efforts louables pour rendre le récit intéressant. Le rythme est lent, ça manque de conviction, au pire, elle a contribué à rendre Sydney Grice insupportable . C’est la principale faiblesse dans le contexte du récit, Sydney Grice n’écoute que lui, ce qui n’aide pas du tout à s’attacher d’une quelconque façon aux personnages et ça imprègne à la narration un défi difficile à relever.

Mais je parierais que la version audio est malgré tout nettement supérieure au livre écrit qui aurait eu sur moi l’effet d’un somnifère. Enfin, la principale force que je pourrais attribuer à ce livre est l’intrigue entourant la maison Foskett comme telle. Elle est intéressante et soutenue et fait l’objet d’un petit historique au début. Un avant-propos dans lequel une malédiction est effectivement jetée. Au départ, ça donne au lecteur de quoi s’accrocher.

Suggestion de lecture: LE CLUB DES VEUFS NOIRS, Isaac Asimov

M-R-C Kasasian Martin a été élevé dans le Lancashire. Il a eu des carrières aussi variées que comme ouvrier d’usine, sommelier, assistant vétérinaire, ouvrier forain et dentiste. Il vit avec sa femme dans le Suffolk en été et dans un village de Malte.

Ce fier sujet de Sa Majesté connaît un immense succès avec ses romans mettant en scène un duo de détectives originaux et attachants. Il a déjà publié en France Petits meurtres à Mangle Street (City).

Journaliste et romancière, Sophie Loubière publie son premier polar dans la collection « Le Poulpe ». Son univers : la maltraitance des sentiments, les secrets coupables de l’enfance. Femmes au bord du précipice ou vieilles dames indignes, de Paris à San Francisco (Dans l’œil noir du corbeau), de sa Lorraine natale à la route 66 (Black coffee), elle construit son ouvrage, plonge le lecteur dans un trouble profond, puisant son inspiration dans des faits réels ou dans ce qui la touche intimement. En 2011, le succès de L’Enfant aux cailloux lui vaut une reconnaissance internationale. À la mesure de nos silences (2015), est un hymne à la vie, entre ombre et lumière. La narration est une autre corde à son arc.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 13 août 2022

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE, Mickaël Druart

*…vous avez compris que chaque vie est un musée
qui dort en nous et réunit des pierres précieuses.
Chaque évènement, aussi insignifiant puisse-t-il être
constitue notre vie et en fait une grande œuvre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE,
Mickaël Druart, litl’book éditeur, 2018, format numérique,
et papier, 222 pages)

« Mortelles, Mortels, Peu avenante, la Grande Faucheuse jouit, depuis la nuit des temps, d’une réputation qui ternit, bien injustement, l’énergie d’hommes et de femmes qui s’évertuent, sans relâche, à prodiguer fauchages et agonies de qualité. Aussi, je vous prie de bien vouloir prendre connaissance, au travers du recueil qui suit, de leur quotidien, et des rencontres et péripéties qui le parsèment. Bien à vous, Josiane Smith, Secrétariat de la Grande faucheuse. P.S. : Pardonnez le sentimentalisme de ma secrétaire. Ce livre c’est mon best of, point barre. Vénérez-moi. Sa macabre majesté, La Grande Faucheuse. »

La mort qui narre
*Vous, mortels, qui aurez ce livre entre les amis :
il ne sera à vos yeux que l’invention d’un auteur
dont le nom n’aura été créé que pour couvrir mes
arrières. Peut-être, néanmoins, quelques puissent
être vos croyances, vous reconnaîtrez-vous dans
les pages noircies que je vous offre. *
(Extrait)

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE est un enchaînement de 20 nouvelles pouvant se lire indépendamment mais l’ensemble est présenté sous forme de journal, avec comme thème central la mort, représentée dans l’imaginaire nord-américain par la faucheuse.

Selon wikipédia, Dans le folklore occidental moderne, la Mort est généralement représentée comme un squelette portant une robe, une toge noire avec capuche, et éventuellement avec une grande faux. La Mort est alors connue sous le nom de « la Grande Faucheuse » ou tout simplement « la Faucheuse ». Au thème de la mort s’ajoute un sous-thème non-négligeable : la transition vers l’après-vie qui suit la rencontre avec la faucheuse.

Ici, la mort est présentée comme une nécessité de la vie, un passage et surtout une institution avec son Président-directeur général : La grande Faucheuse, ses employés : les Faucheurs et Faucheuses, son bras droit Josianne, le classique des secrétaires indispensables et femme de l’ombre, un personnage récurrent dans tous les textes du livre.

Ce livre a été pour moi un véritable coup de cœur car il est porteur d’émotion, de tendresse et de délicatesse. Aucune violence ni approche négative. La mort n’y est pas présentée comme une finalité mais un passage qui donne tout son sens à la vie.

Il y a aussi une petite touche d’humour. Elle concerne dans la plus part des cas une dualité cocasse entre la Grande Faucheuse qui connait tout et Josianne qui ne connait rien et que le patron considère un peu comme une fainéante…elle qui est partout. Ce n’est pas méchant. En fait, il n’y a rien de méchant ou de négatif dans ce recueil. J’ai été touché et subjugué par la profondeur des textes. Chaque récit est une découverte.

Le thème est développé de façon décontractée, avec philosophie. Si la mort est démystifiée, la vie elle, est mise en valeur avec finesse subtilité et beaucoup d’imagination.

Une de mes nouvelles préférées raconte l’histoire de Clara White, capitaine d’un navire en perdition qui prend sous son aile un jeune garçon qu’elle appellera Elliot.

Pris dans une terrible tempête et sur le point de sombrer, le navire se met en marge du temps qui semble vouloir se figer pour permettre un dialogue. *-Je sais que notre mort prochaine et le miracle qui nous fait face doivent être mis de côté pour quelque chose de plus important. Alors, au travers du vent, je m’adresse dans un hurlement à la Capitaine médusée par la vague immobile. –Racontez-moi votre histoire ! * (Extrait)

J’ai compris alors que le jeune garçon n’était pas Elliot. Que pour mettre en perspective le meilleur d’une vie, la mort a besoin d’être touchée par elle. Au cours des récits, la mort prend différents aspects. J’ai trouvé intéressante la nouvelle sur le Tribunal des Morts. Chaque texte a un caractère particulier et dans tous les cas, l’auteur m’a accroché. Le livre n’est pas moralisateur mais il pousse doucement à réfléchir sur sa propre vie.

Chaque texte dégage comme une aura. J’ai trouvé tous les personnages attachants. Même la Faucheuse m’a semblé sympathique malgré ses airs de *je sais tout* prétentieux. Avec Josianne, la Faucheuse a donné à l’ensemble du recueil une agréable légèreté. Bien sûr, la mort reste un sujet grave mais la plume de Druart est tellement addictive qu’elle nous pousse à prendre cette nécessité avec philosophie.

Je trouverais même séduisante l’idée de rencontrer la Faucheuse à mon dernier moment pour jaser un peu et philosopher avec elle comme l’ont fait Clara White et Elliot dans la nouvelle intitulée LA FABULEUSE HISTOIRE DU PHÉNIX.

Il est rare que de dis ça d’un livre qui traitre de la mort, mais LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE m’ont fait du bien.

Suggestion de lecture : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE d’Annie Bacon

PROPOS AUTOBIOGRAPHIQUES DE L’AUTEUR
Professionnel de la petite histoire sur le coin d’une feuille, de la bonne idée nocturne oubliée au réveil, et des punchlines qui ne font rire que moi, je publie (malgré tout) mon premier livre aux Editions Boz’dodor en 2017. Aidé d’influences littéraires, cinématographiques et musicales, je crée depuis l’âge de sept ans des petites histoires qui ont conduit, à partir de seize ans, à la création de mes premiers romans.

Adepte des forums d’écriture, je finis néanmoins par m’essayer au format, plus adapté, de la nouvelle. Ainsi naissent les histoires d’une Grande Faucheuse cynique, de sa secrétaire, et du monde où se côtoient les âmes de défunts hauts en couleurs. Bref, les autobiographies, c’est pas mon truc.
Pardon pour tout. (Amazon)

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 juillet 2022

Les chroniques d’une mère indigne, Caroline Allard

Livres 1 et 2

*Les chroniques rassemblées dans ce livre se divisent en deux catégories. Premièrement, il y a les situations dans lesquelles nous pouvons rire de nos enfants en général. Et, deuxièmement, il y a les situations lors desquelles j’ai moi-même ri de mes enfants en particulier.

Oui, du vécu ! Des trippes ! De la réalité authentique ! Que voulez-vous, ça vend de la copie et l’éditeur m’y a forcée. Ah, j’allais oublier : je ris aussi beaucoup des papas dans ce livre, mais chut ! ne leur en parlez pas. *

(Extrait, LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE, tome 1, Caroline Allard, Les Éditions du Septentrion, 2012, total des deux tomes en édition numérique : 280 pages)

***

Changer des couches quinze fois par jour encouragerait les pensées impures? On pourrait le croire en lisant les aventures et les réflexions d’une mère de famille qui, après sept mois de congé de maternité, s’est soudainement révélée à elle-même et à la communauté virtuelle comme étant irréversiblement une mère indigne.

Depuis mars 2006, elle développe tous les aspects cachés, et parfois tabous, de la maternité: des pièges que recèle la préparation des fêtes d’anniversaire pour enfants au cauchemar d’endormir un bébé qui a la volonté plus arrêtée qu’un dictateur, en passant par les dessous nauséabonds de l’accouchement, rien ne leur est épargné.

Les Chroniques d’une mère indigne souhaitent démontrer aux parents qu’il est parfois bon de rire de la vie familiale et même de leurs enfants.

Un vent d’irrévérence
*Puis prendre un enfant par la main, comme disait
Yves Duteil, c’est tellement émouvant… Remarquez,
on pourrait aussi changer les paroles pour :
Prendre un enfant par le bras pour le sortir du IGA
s’il pète une crise devant le rack à bonbons
et qu’il prend ses parents pour des cons
…mais bon, on y reviendra sûrement… *
(Extrait LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE 2)

Voici un livre assez divertissant dont l’auteure est une maman qui, au sixième mois de son congé de maternité se déclare Mère indigne, titre qui s’étend au papa et à la fille aînée dont les hormones semblent vouloir se réveiller assez tôt. Mère indigne utilise donc un blog afin d’étendre ses observations, expériences, remarques, exemples, annotations et réflexions à connotation souvent sexuelles et exprimées dans un langage à peine ganté :

*Écoute mon petit poussin. Moi j’ai des bébés qui sont passés par là. Deux. La madame, elle sait ce que c’est, avoir du gros trafic sur l’autoroute. C’est pas deux baguettes, aussi magiques soient-elles, qui vont épater une parturiente expérimentée. * (Extrait)

Langage direct mais relativement élégant. Ça donne une suite de deux petits volumes qui jettent un regard fou mais sans méchanceté sur le quotidien d’une maman. Ça n’a rien d’un récit à haute teneur sociologique mais ça pourrait vous faire sourire grâce à une plume légère et fluide empreinte d’une petite philosophie bon marché et beaucoup d’humour :

*Parce que Bébé, quand nous sommes à vélo se fait un malin plaisir de tirer sur l’élastique de mon short ET de ma culotte, de se pencher sur le résultat et de s’écrier : Ooooh, gô caca maman ! * (Extrait)

*Bébé lui, porte en permanence un filet de morve au nez, d’un vert qui n’a jamais été tendance. Il rechigne et produit encore plus de morve. * (Extrait)

Bien sûr le quotidien d’une maman ne se limite pas à la morve, au caca et à la bave. L’expérience s’étend bien au-delà de ces gluantes considérations. Il y a par exemple, les moments où maman a chaud : *Je suis tellement hot aujourd’hui que, si je mange de la soupe, c’est elle qui va se brûler. * (Extrait)

Autre exemple, peut être encore plus significatif…ces petits épisodes du quotidien où le silence parle vraiment très fort :
*Chéri, est-ce que tu fais une bêtise ?
<Oui. >
<Qu’est-ce que tu fais exactement ? >
 <Je ne veux pas te le dire. >

Pour faire court, je dirai que Caroline Allard fait une tournée assez exhaustive des émotions maternelles sous le couvert de l’humour…humour qui confine parfois au burlesque. J’ai trouvé que ça fait réaliste et authentique.

Nous avons donc une petite suite bourrée de moments cocasses et dans laquelle la maternité, loin d’être idéalisée comme on le constate souvent, est présentée comme une expérience de vie qui a ses hauts et ses bas. La marque indélébile le l’auteur : humour, irrévérence, auto-dérision, insolence. Tout le monde s’y retrouve, même le papa que je suis. Ça se lit vite et bien mais ça finit par s’oublier.

Les deux volumes, qui n’auraient plus faire qu’un, souffrent d’un peu de redondance et d’un soupçon de nombrilisme. L’humour y est calculé. Moi je préfère la spontanéité. Même raisonnement pour l’écriture. La plume met l’accent sur la dérision mise en perspective par un langage un peu précieux dans les circonstances. C’est un peu difficile d’y adhérer.

Mais allez savoir pourquoi, les chroniques ont un petit côté attachant et m’on fait l’effet d’un bon divertissement…avec un peu de mordant…

Suggestion de lecture : LES CHRONIQUES DE HALLOW, de Marika Gallman

Caroline Allard est une écrivaine et scénariste québécoise née en 1971 à Saint-Roch-de-l’Achigan dans la région de Lanaudière. Elle est l’auteure de LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE. Ces chroniques ont commencé par un blog puis sont devenues un roman, publié en deux tomes et enfin une série Web sur la maternité et la vie de famille.

Carole Allard a aussi publié UNIVERSEL COIFFURE en 2012, un roman humoristique et LA REINE ET-QUE-ÇA-SAUTE, un roman jeunesse. En 2013, elle signe le scénario de l’album de bande dessinée LES CHRONIQUES D’UNE FILLE INDIGNE.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 25 juin 2022