SAUVAGE, le livre de Jamey Bradbury

*…c’était la chose la plus jolie que j’ai jamais vue et je
brûlais d’envie de le fourrer dans ma poche, mais
j’avais peur de le prendre, peur de passer la porte
avec le sac et le couteau…peur de ne pas pouvoir
revenir si je le faisais. *
(Extrait : SAUVAGE de Jamey Bradbury, à l’origine,
Galmeister éditeur, 2019, 313 pages. Version audio :
Lizzie éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 17
minutes. Narratrice : Karl-Line Heller)

À dix-sept ans, Tracy Petrikoff possède un don inné pour la chasse et les pièges. Elle vit à l’écart du reste du monde et sillonne avec ses chiens de traîneau les immensités sauvages de l’Alaska. Elle respecte les trois règles que sa mère lui a dictées : «ne jamais perdre la maison de vue », «ne jamais rentrer avec les mains sales » et surtout «ne jamais faire saigner un humain ». Jusqu’au jour où, attaquée en pleine forêt, Tracy reprend connaissance, couverte de sang, persuadée d’avoir tué son agresseur. Ce lourd secret la hante jour et nuit. Une ambiance de doute et d’angoisse s’installe dans la famille, tandis que Tracy prend peu à peu conscience de ses propres facultés hors du commun.

Du rouge et du blanc
* On ne peut pas fuir la sauvagerie qu’on a en soi. *
(Extrait)

C’est un roman étrange mais très fort, développé dans un cadre glacial et pourtant, l’histoire est chaude et imprégnante. Le personnage principal me rappelle Turtle Alveston, l’héroïne de MY ABSOLUTE DARLING. Ceux et celles qui ont pu lire ce chef d’oeuvre de Gabriel Tallent se rappelleront cette jeune fille que son père abuseur appelait Croquette. Une jeune caractérielle de 14 ans, attachante, une battante.

Dans SAUVAGE, nous entrons dans l’intimité d’une jeune fille de 17 ans, Tracy, rebelle, agressive, volontaire et c’est aussi une battante. Les ressemblances s’arrêtent là mais le lien demeure enveloppant et intéressant. Dans SAUVAGE, après avoir été attaquée dans une intense forêt de l’Alaska, Tracy se réveille couverte de sang, certaine d’avoir tué son agresseur. Elle décide de garder le secret, mais il pèsera lourd.

Alors qu’entreront dans sa vie des personnages mystérieux et inquiétants : Tom, agresseur en liberté, Jesse, arrivé de nulle part pour s’installer dans la famille Perikov, le tout assorti d’une passion pour les chiens et les courses, Tracy prend graduellement conscience d’une faculté exceptionnelle qu’elle développe tout au long du récit. Vous dire de quoi il s’agit équivaudrait à tout révéler mais ce don vient donner au récit un caractère fantastique qui cadre bien avec les forêts de l’Alaska, enveloppées de neige et de mystère.

J’ai été captif de cette histoire qui n’est pas sans rappeler certains romans de Stephen King qui prête à des jeunes personnages des pouvoirs surnaturels, CARRIE ou LES ENFANTS DU MAÏS par exemple. SAUVAGE est un thriller psychologique à tension élevé qui regroupe plusieurs éléments du conte initiatique. La pièce maîtresse de l’oeuvre est encore l’imagination de l’auditeur et de l’auditrice, l’auteure y a vu, à cause du non-dit, de l’atmosphère, d’une espèce de vide autour de Tracy qu’il appartient à l’auditeur de combler.

J’ai trouvé le suspense totalement immersif. Le dernier quart du récit m’a particulièrement impressionné jusqu’à une finale que je n’aurais jamais pu prévoir, dure, déroutante mais parfaitement cohérente. Autre élément important, la nature alaskaine tient une place importante et ajoute au caractère attractif de l’histoire et puis, il y a les chiens, l’affection de Tracy pour cet animal qui tient une place si importante dans la vie de l’Alaska à cause des courses mais aussi à cause du fait que dans cette histoire, les chiens symbolisent une irrésistible recherche de liberté et de compréhension dans tout ce qui dépasse Tracy.

C’est un roman fort, troublant et profond qui ne vous laissera pas indifférent. Je le recommande sans hésiter.

Jamey Bradbury est née en 1979 dans le Midwest. Après avoir obtenu une maîtrise en beaux-arts de l’Université de Caroline du Nord, elle est tombée amoureuse de l’Alaska et s’y est installée. Elle partage son temps entre l’écriture et l’engagement auprès des services sociaux qui soutiennent les peuples natifs de l’Alaska. Chaque année, elle fait partie de l’équipe des bénévoles encadrant l’Iditarod, la célèbre course de chiens de traîneau dont elle s’est inspirée pour écrire son œuvre. Sauvage est son premier roman et a reçu le Prix Littérature Monde Étonnants Voyageurs de Télérama.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

LE GARÇON ET L’UNIVERS, livre de Trent Dalton

*La signature. La signature. En bas à droite…
– Nom de Dieu Gus ! J’associerai ce nom au
jour où j’ai appris comment manipuler le temps. *
(Extrait : LE GARÇON ET L’UNIVERS, Trent Dalton,
Harper Collins éditeur. t.f. : 2019 format numérique,
1 496 pages. Varie selon la police utilisée.)

Darra, banlieue de Brisbane, 1985. Eli, bientôt 13 ans, grandit entre une mère toxico, un grand frère mutique et, en guise de baby-sitter, l’un des anciens prisonniers les plus célèbres d’Australie : Arthur « Slim » Halliday. Mais Eli ne connaît rien d’autre et, en l’absence de son père biologique, peut compter sur les « good bad men » qui l’entourent : son beau-père Lyle, qui a plongé sa mère dans la drogue mais tente maintenant de l’en sortir ; Slim, que sa longue expérience en cellule d’isolement a rendu philosophe ; Gus, son frère, qui communique en écrivant dans l’air et semble avoir des talents de devin.

Un jour, Eli découvre dans le pavillon familial une pièce secrète qui contient de la drogue et un mystérieux téléphone rouge : il suit Lyle et comprend que celui-ci travaille pour un gang de trafiquants local. Furieux et fasciné à la fois, Eli demande à travailler pour lui…

De la misère à l’Univers
*Il y a une fille, sur la plage : elle trempe les pieds dans
l’océan de l’univers. Elle tourne la tête et m’aperçoit,
là-haut, perché sur le mur. Elle sourit. – Allez, dit-elle,
Saute. Elle me fait signe de la rejoindre. – Viens Eli. Et
je saute dans le vide.
(Extrait)

Cette belle histoire est celle d’Eli Bell, 12 ans, et de son frère, August, affectueusement appelé Gus, 13 ans. Gus a une particularité, Il ne parle pas. Non pas qu’il en est incapable. Il ne veut pas pour des raisons que vous aurez à découvrir, mais que j’ai gardé à l’esprit tout au long du récit.

Gus préfère s’exprimer autrement : *August écrit dans l’air de la même façon que Mozart jouait du piano, comme si le destin de chaque mot était d’arriver jusqu’à nous tel un colis expédié depuis un lieu imaginé par son esprit en ébullition. * (Extrait) Gus a aussi le don de pressentir certains évènements.

Ces deux enfants sont élevés en milieux criminels : une mère toxicomane, un beau-père trafiquant de drogues et un baby-sitter de type *gentil bandit* spécialiste des évasions de prison le plus célèbre d’Australie. Il n’y a pas plus dysfonctionnel comme famille et pourtant je me suis attaché à tous ces personnages que j’ai trouvé fouillés, bien campés à la psychologie mise à nue.

Je les ai même trouvés parfois drôles avec leur philosophie de supermarché. Mais j’ai surtout adoré les enfants à cause de leur bonne nature et c’est là que l’auteur a vraiment relevé un beau défi : à partir d’un milieu aussi perturbé, faire évoluer des enfants desquels émanent douceur, émotion, amour et respect de la vie.

Il y a plus énigmatique encore de voir comment deux enfants s’en tirent dans un milieu aussi hostile et désorganisé. Il y a, dans leur maison, une pièce secrète qu’Eli découvre par hasard. Au centre de cette pièce trône un téléphone rouge. On peut le considérer comme le fil conducteur de ce roman qui prend un peu l’allure d’un conte philosophique ou initiatique.

Avec candeur et naïveté, des enfants élevés dans un milieu hostile et désorganisé nous livrent leur vision des adultes avec justesse mais sans haine. Quant au téléphone rouge, il est omniprésent dans le récit et place le lecteur et la lectrice dans un contexte évolutif pouvant même prendre le caractère de la petite bête noire. Quelle est cette voix qui interpelle Eli? Existe-t-elle vraiment? Imagination? Illusion. Pourquoi le téléphone sonne-t-il précisément quand Eli entre dans la pièce.

Eli y entendrait-il la voix de sa propre conscience. La réponse est livrée au lecteur dans une finale éblouissante où toutes les pièces du puzzle finissent par s’imbriquer parfaitement. L’expression qui m’est venue à l’esprit à la fin du livre est : *Comme c’est bien pensé, bien imaginé*, et comme le titre est bien trouvé.

Il y a quelque chose dans ce récit qui m’a enveloppé, une chaleur, une poésie et un train d’émotions : *Il a juste décidé de faire ce que lui dictait son cœur. C’est peut-être tout ce qui compte pour devenir un héros* (Extrait) L’ensemble n’est pas sans nous faire réfléchir sur le sort des enfants élevés en milieux dysfonctionnels, les enfants de parents criminels. Ici les frères Bell sont spéciaux car l’auteur fusionne dans son récit la magie de l’enfance avec la complexité du monde des adultes.

J’ai trouvé l’écriture belle et délicate, la plume très inspirée et d’une grande profondeur. Avec Eli et August, j’ai été très heureux de faire une première incursion dans la littérature australienne.

Suggestion de lecture : TRAQUÉ, roman initiatique de Ludovic Esmes

Trent Dalton écrit pour le magazine australien primé The Weekend. Ancien rédacteur en chef adjoint du Courier-Mail, il a remporté un prix Walkley, a été quatre fois lauréat du prix National News Awards Feature Journalist of the Year et a été nommé journaliste du Queensland de l’année aux Clarion Awards 2011 pour l’excellence Médias du Queensland.

Son écriture comprend plusieurs scénarios de courts et longs métrages. Son dernier scénario de long métrage, Home, est une histoire d’amour inspirée de sa collection non-fiction Detours: Stories from the Street (2011), le point culminant de trois mois plongés dans la communauté des sans-abris de Brisbane, dont le produit est revenu à 20 personnes.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 9 septembre 2023

 

 

LA LISTE, livre de Siobhan Vivian

*Ainsi, à chaque nouvelle édition, les étiquettes qui répartissent les filles du Lycée de Mount Washington en une multitude de catégories, -les frimeuses, les populaires, les exploiteuses, les ringardes, les ambitieuses, les sportives, les cruches, les sympas, les rebelles, les coquettes, les garçons manqués, les allumeuses, les saintes-nitouches, celles qui se refont une virginité, les coincées, les douées qui cachent bien leur jeu, les glandeuses, les fumeuses de pétards, les parias, les marginales, les intellos et les barges, à titre d’exemples- s’évanouissent. *
(Extrait : LA LISTE, Siobhan Vivian, Nathan éditeur, 2013, format numérique, 415 pages)

LA LISTE nomme 8 filles chaque année, 
Les 4 plus belles et les 4 plus laides du lycée.
Et si votre nom s’y trouvait ? Une tradition odieuse sévit au lycée de Mount Washington : tous les ans, une semaine avant le bal de début d’année, une liste est placardée dans les couloirs. Personne ne sait qui établit cette liste. Et personne n’a jamais réussi à empêcher qu’elle soit publiée. Invariablement, chaque année, la plus belle et la plus laide sont désignées. 8 filles en tout. 8 filles qui se retrouvent sous les projecteurs impitoyables du lycée. 8 filles qui vont voir leur vie brusquement changer… pour le meilleur ou pour le pire ?

L’étiquette de la honte
*-J’ai décidé de ne pas me laver de toute la semaine. -Sérieux ?
-Yep…Pas de douche, pas de brossage de dents, pas de
déodorant, rien. Je garde les mêmes fringues, même les
chaussettes et les sous-vêtements…Je fais l’impasse totale
sur l’hygiène jusqu’à samedi soir…à cause du bal de la rentrée
…l’objectif étant d’être la plus cradingue et la plus puante
possible. *
(Extrait)

C’est un livre assez intéressant mais comportant beaucoup d’errance… un mélange de banalité et d’originalité mais il est très introspectif et nous allons voir pourquoi. Dans un lycée américain, une tradition insipide et cruelle sévit. Une liste est affichée partout dans l’établissement et définit les quatre plus belles filles et les quatre plus moches…une fille par catégorie par année de secondaire. Personne ne sait qui a écrit cette liste et personne n’a jamais pu empêcher sa publication.

L’histoire développe le portrait de ces huit filles et décrit la torture psychologique engendrée par cette liste pouvant être motivée par la jalousie, l’envie, la haine, la vengeance et autres tares exacerbées par les passions adolescentes. Nous avons le portrait de huit filles blessées, jalousées, confuses dans leurs sentiments, avec leurs réactions. On peut sentir tout le cheminement intérieur du mal que peut faire une telle liste. Mais qui fait cette liste ? Quelles sont les motivations ?

À première vue, c’est un livre pour les jeunes filles mais il concerne tout le monde en fait, y compris les adultes qui se rappelleront sans doute leur propre adolescence. Le livre met en perspective les besoins de l’adolescence souvent mal exprimés : le besoin d’être aimés, reconnus, désirés, entourés sans compter la définition souvent surfaite du *canon de beauté*. C’est le principal intérêt du livre : son pouvoir introspectif mais ça s’arrête là.

Dans l’ensemble, j’ai été déçu…déçu par la traduction plutôt douteuse sans doute à cause des accords de verbe surtout, déçu par la finale, erratique et bâclée, déçu par l’omniprésence de clichés et de stéréotypes. J’ai été surpris du sort réservé à un de mes personnages préférés, la jeune fille la plus extravertie et la plus attachantes de l’histoire : Sarah. Elle décide de démontrer à tout le monde ce qu’elle ressent.

Une semaine avant le bal de la rentrée, Sarah décide de ne plus se laver, ne plus changer de vêtements, ne plus se brosser les dents et négliger ses cheveux. Son ami Milot tente de la dissuader, persuadé que ce que les autres pensent n’a pas d’importance. Cette approche me plaisait car il y a autant de définitions de la mocheté qu’il y a de personnes dans le monde. Même chose pour la beauté d’ailleurs

Je vous laisse découvrir si Milot a persuadé Sarah mais ce qui m’a déçu c’est que je n’ai plus entendu parler de Sarah encore moins de sa présence au bal de la rentrée et de son état d’esprit. Cette mise au rancart m’a même choqué. Entendons-nous, le livre n’est pas dénué d’intérêt mais ce qui est dommage c’est que Siobhan Vivian avait tous les éléments pour faire un grand roman.

elle aurait pu nous faire réfléchir sur une question que beaucoup de jeunes se posent, ceux d’avant, ceux d’aujourd’hui et ceux de demain, pourquoi il n’y a que la beauté qui est attractive? Pourquoi pas l’intelligence, ou le charme à la rigueur, la gentillesse, l’empathie. Ce livre ne passera pas à l’histoire mais l’idée de départ est très bonne et laisse à penser que s’accepter soi-même nous place pile sur le chemin du bonheur…

Suggestion de lecture : LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX GRAVEL-CÔTÉ, de Catherine Girard Audet

Siobhan Vivian est née en 1979, à New York. C’est là qu’elle a grandi, puis fait ses études. Elle a obtenu un diplôme de scénariste (pour le cinéma et la télévision) à l’Université des Arts, puis un Master d’écriture à la New School University. Après avoir été éditrice pour la maison d’édition Alloy Entertainment et scénariste pour Disney Channel, Siobhan Vivian partage aujourd’hui son temps entre écriture et enseignement de l’écriture à l’Université de Pittsburgh.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 8 septembre 2023

LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES D’ARSÈNE LUPIN

COMMENTAIRE SUR LE RECUEIL
L’AIGUILLE CREUSE et autres histoires

De Maurice Leblanc

*Est-ce qu’il ne s’agit pas d’Arsène Lupin ? Est-ce que nous ne devons pas, avec lui, nous attendre justement à ce qui est invraisemblable et stupéfiant. Ne devons-nous pas nous orienter vers l’hypothèse la plus folle ? Et quand je dis la plus folle, le mot n’est pas exact. * (Extrait :  Les aventures extraordinaires d’Arsène Lupin, tome II, Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2012, édition de papier, 370 p.)

Arsène Lupin évoque des énigmes, des secrets enfouis et des cachettes mystérieuses, des machinations, des courses-poursuites et des coups de théâtre. Un héros désinvolte et raffiné, cambrioleur mais gentleman, hors-la-loi autant que justicier, Arsène Lupin, en passionnant des générations de lecteurs par sa verve et ses exploits, figure en bonne place au panthéon de la littérature populaire. »

Le voleur honnête

Je me suis finalement décidé à lire LES AVENTURES EXTRAORDINAIRES d’Arsène Lupin dans leur version originale. Sur le personnage lui-même, je suis un peu mitigé en ce sens que j’ai eu de la difficulté à m’y attacher. Lupin est une légende plus grande que nature, presque trop parfait, arrogant, mufle à ses heures, prétentieux, manipulateur et imbu mais tellement brillant, subtil, intelligent et malin.

Ce sont les histoires qui m’on subjugué, la plume incroyablement maîtrisée de Maurice Leblanc qui a créé un *gentil bandit* tellement magnétique, travaillé en profondeur et si génial qu’il est devenu un monstre sacré, un immortel incontournable de la littérature et de l’écran. Le tome 2 des aventures de Lupin est particulièrement important car on y retrouve un chef d’œuvre de la littérature policière : L’AIGUILLE CREUSE, un roman phare qu’il faut absolument lire si on veut pénétrer en profondeur l’âme de Lupin et saisir l’esprit de l’auteur.

J’ai beaucoup aimé L’AIGUILLE CREUSE pour plusieurs raisons. Il est question, dans ce récit, d’un épais mystère comportant un secret que les rois de France se transmettaient et dont Arsène Lupin s’est approprié. La fameuse « aiguille » contient le plus fabuleux trésor jamais imaginé. Voilà qui explique, en partie seulement, la puissance du personnage et ses moyens d’agir.

J’ai trouvé le récit aussi particulièrement captivant parce qu’il introduit un personnage à la fin de son adolescence : Isidore Beautrelet, élève de rhétorique surdoué, ce qui est incongru au départ. Il se trouve qu’Isidore est devenu mon héros dans cette aventure parce qu’il a tenu tête à Lupin et a fait la barbe à un policier obsédé par la capture du célèbre voleur : le détective Ganimard.

L’ouvrage comporte plusieurs petites curiosités. J’en citerai une dernière, qui donne une saveur particulière à L’AIGUILLE CREUSE : Leblanc parodie Sherlock Holmes. L’antihéros devient Herlock Sholmès, un détective particulièrement antipathique et imbu. J’ai adoré.

L’œuvre, parue entre 1908 et 1909 n’a pas vieilli. Ça se lit sans prendre conscience du temps qui passe et j’ai compris très vite pourquoi, à travers les mystères, revirements et rebondissements, par sa manière d’être et sa psychologie, Arsène Lupin est devenu le GENTLEMAN CAMBRIOLEUR, terme qui sera consacré d’ailleurs par la célèbre chanson de Jacques Dutronc et qui deviendra le thème de la célèbre télésérie.

Je vous souhaite sincèrement de lire ces aventures avec le même enchantement que je celui que j’ai ressenti et les émotions qui l’accompagnent évidemment.

C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanEt chaque femme à son heureRêve de voir son visage
De l’actrice à la danseuseÀ l’épouse la meilleureGentleman cambrioleurA gagné le cœur
C’est le plus grand des voleursOui, mais c’est un gentlemanIl s’empare de vos valeursSans vous menacer d’une arme
Quand il détrousse une femmeIl lui fait porter des fleursGentleman cambrioleurEst un vrai seigneur
Extrait de la chanson GENTLEMAN CAMBRIOLEUR : Yves Dessca/Jean-Pierre Bourtayre/Frank Harvel
 
Suggestion de lecture : LE CHIEN DES BASKERVILLE, d’Arthur Conan-Doyle
 

Explorez la biographie de Maurice Leblanc ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 27 août 2023

ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD, de Francine Ruel

<C’est la deuxième fois que je vais à l’hôpital depuis
que je t’ai parlé. L’autre fois c’était… Un long silence
entre eux, un gouffre. -J’ai fait une tentative de suicide.>
Extrait : ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD, Francine Ruel,
Les Éditions Libre Expression, 2019, format numérique pour
la présente, 2 271kb, à l’origine : 140 pages.

« Plus que tout au monde, ce soir, elle aimerait se redresser pour atteindre l’amour de son fils, rejoindre son épaule, y déposer sa tête une seconde. Se hisser vers lui pour avoir quelques miettes d’amour. De l’amour sur la pointe des pieds. » Anna cherche à faire le deuil d’un enfant vivant. Elle ne sait plus quoi inventer pour sortir son fils de ce brouillard dans lequel il plane en permanence. Elle a l’impression d’errer dans un cimetière, sans corps à déposer en terre. Pourtant, tout était possible jusqu’à l’Accident. Un roman coup-de-poing, l’histoire d’une mère et de son enfant-vieillard.


Coup de poing, coup de cœur
<Lui qui doit combattre toutes ses peurs, lui qui lutte en permanence
contre un ennemi terrible logé en lui, celui qui l’a fait basculer du
côté obscur, alors qu’il n’a même pas d’amis ni d’épée pour se
défendre…Tout comme Mowgli, il cohabite maintenant dans la
jungle avec les loups, mais contrairement à E.T., il n’appelle pas
souvent à la maison.>
Extrait

Basé sur un fait vécu, ANNA ET L’ENFANT-VIEILLARD est un roman court mais très intense dans lequel, une mère, Anna, s’exprime sur le deuil qu’elle porte de son enfant, Arnaud, pourtant encore vivant. En fait, Francine Ruel exprime, à travers Anna, sa détresse face au choix de son fils de devenir itinérant, puis drogué et dépressif et tout cela malgré une enfance normale, et un père austère. Les raisons de ce choix d’Arnaud, le fils, se perdent dans une sorte de brouillard.

<Anna pense souvent que de grands pans dans le parcours de son fils s’écrivent entre parenthèses. Tout n’est pas dit, ni expliqué ni vraiment démontré. Les banalités du quotidien digressent dans les zones d’ombre.> Extrait   Le résultat est le même et il darde au cœur : <Le fils d’Anna n’est plus là. Elle le sait. Il est quelque part…engourdi, endormi, gelé… > Extrait    Tout le livre est centré sur les questionnements d’Anna et sa dure confrontation avec la réalité. Pourquoi ? Arnaud n’a-t-il pas été bien élevé, gâté, aimé ?

La résilience se prête peut-être à la reconstruction mais elle est loin d’être suffisante pour remettre le cœur à l’endroit. Ce récit met en perspective l’introspection d’une mère sur l’incompréhensible revirement de son fils et puis l’acceptation qui ne sera jamais totale finalement. Comme lecteur, j’ai voué une forte empathie pour Anna :

<À partir de quand baisse-t-on définitivement les bras ? Le combat est perdu d’avance ? Quand est-ce qu’on se résout à abdiquer irrémédiablement ? Anna, malgré la meilleure volonté du monde, est incapable de répondre à ces questions et de calmer son sentiment d’impuissance… Elle se sait responsable, du moins en partie et elle cherche encore et toujours le moyen de sauver son fils. > Extrait

Je me suis beaucoup attaché à Anna et aussi à Arnaud, ce fils que j’ai moi aussi essayé de comprendre en projetant, le temps d’une réflexion, le sort de ce garçon vulnérable sur moi qui est aussi père d’un fils. Comment aurais-je réagi au revirement aussi drastique d’une bonne nature ? La plume de Francine Ruel m’a happé et remué. Le roman n’est pas long mais il est en équilibre.

L’auteure a évité le misérabilisme en évitant d’en faire trop. Mais la dureté du questionnement est inévitable et ça met à l’épreuve la sensibilité du lecteur et de la lectrice. J’aurais souhaité en savoir plus sur les relations d’Arnaud avec son père et les sentiments de celui-ci vis-à-vis de son fils. Il m’a semblé que ce sujet a été passablement occulté mais aurais-je mieux compris le choix d’Arnaud ? Pas nécessairement.

J’ai aimé ce roman. Il est sensible, désarmant, écrit avec le cœur et chargé d’émotions transmissibles. Il pousse à une profonde réflexion sur les imprévisibles épreuves de la vie et le courage qu’il faut pour les affronter. Une lecture que je ne suis pas prêt d’oublier.

<Depuis qu’il vit dans la rue, Arnaud a demandé à plusieurs reprises à sa mère si elle avait honte de lui. Une fois, Anna a eu le courage de répondre:   Honte? Non. C’est la vie que tu as choisie. J’ai plutôt hâte d’être fière de toi.> Extrait

Suggestion de lecture : LA CHAMBRE DES MERVEILLES, de Julien Sandrel

 

Francine Ruel « promène » son talent et son imaginaire depuis quarante ans entre le jeu, l’animation et l’écriture. Figure connue du petit et du grand écran, elle a interprété divers rôles dans des films et des séries télévisées, dont Scoop, qui lui a valu en 1993 un prix Gémeaux pour la meilleure interprétation dans un rôle de soutien.

En plus de sa carrière de comédienne, Francine Ruel a touché à tous les types d’écriture : pour la télévision, dans des émissions pour les enfants comme POP CITROUILLE et dans des dramatiques comme De l’autre côté du miroir, pour le théâtre, y compris une participation à la pièce Broue, pour le cinéma (La dernière y restera), pour la chanson (textes pour Louise Forestier, Marie-Claire Séguin et Marie Carmen).

En littérature, Francine Ruel a d’abord signé deux romans. Elle a également publié deux recueils de chroniques parus dans le quotidien Le Soleil (Plaisirs partagés et D’autres plaisirs partagés) et plusieurs romans, dont sa fameuse saga du bonheur, qui s’est vendue à près de 150 000 exemplaires.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 19 août 2023

 

LES PENDULES, le livre d’Agatha Christie

*Si. Il y a toujours quelqu’un qui a vu quelque chose, c’est ma théorie. – Mais aberrante dans cette affaire. D’ailleurs, j’ai des nouvelles à vous donner : un autre meurtre. – Vraiment ? Si vite ? C’est passionnant. *

(Extrait : LES PENDULES, Agatha Christie, librairie des Champs-Élysées éditeur, 1964, format numérique. 163 p.)

Miss Pebmarsh a bien failli mettre le pied dessus. Même ; elle l’aurait piétiné, ce cadavre, si Sheila n’avait crié. Que voulez-vous : Miss Pebmarsh est aveugle et elle a été bien surprise d’apprendre qu’il y avait le corps d’un inconnu derrière son canapé. Et d’abord, que fait Sheila chez elle : jamais, au grand jamais, elle n’a demandé à l’agence où travaille la jeune fille qu’on lui envoie une dactylo. Et d’où viennent toutes ces pendules – toutes en avance d’une heure – qui encombrent les meubles de son salon : Avec Hercule Poirot comme conseiller technique, un jeune et beau garçon, mystérieusement attaché à quelque service secret, saura tirer de cet inextricable imbroglio le fil qui mène au meurtrier.

L’art du roman policier
*Je me suis senti un tel besoin de poursuivre une enquête
dernièrement, que j’ai eu recours aux romans. <Tenez,
continua-t-il en s’emparant d’un volume : LE MYSTÈRE
DE LA CHAMBRE JAUNE*… avec quelle logique c’est
mené. *
(Extrait)

Un livre intéressant qui fait un peu bande à part dans la bibliographie d’Agatha Christie comme si le style était dépoussiéré. Et de plus, Hercule Poirot ne fait que de rares apparitions et encore à titre de consultant. Voyons le contenu : Une jeune dactylo, Sheila Webb, est envoyée par son agence chez Mlle Pebmarsh pour y travailler. Personne n’est là pour l’accueillir mais suivant les instructions reçues, elle entre dans la maison. Bizarre, 6 pendules se trouvent dans le salon où Sheila Webb découvre le cadavre d’un homme.

Elle sort dans la rue pour demander du secours et tombe sur Colin Lamb. Le jeune homme qui est un agent secret court jusqu’à une cabine téléphonique pour appeler la police qui envoie sur place l’inspecteur Dick Hardcastle, un ami de Colin. Mlle Pebmarsh, qui est aveugle, nie avoir demander qu’une dactylo vienne chez elle et affirme que 4 des pendules du salon ne lui appartiennent pas.

Pour couronner le tout, personne ne connaît l’identité du cadavre et une des pendules inconnues disparaît. Colin Lamb, décide d’aider son ami inspecteur dans son enquête. Mais devant la complexité de l’affaire, devinez qui Colin Lamb va consulter ?

Première chose, ça m’a fait tout drôle qu’Hercule Poirot, ce parangon d’orgueil un peu snobinard décroche un rôle secondaire dans une enquête où il tient habituellement le rôle principal. Mais même au second plan, saura-t-il faire la différence ? Je vous laisse le découvrir. Je vais répéter ici ce que j’ai déjà écrit en mars 2020 sur ce site (voir commentaire sur DIX PETITS NÈGRES) :

La technique d’écriture d’Agatha Christie me surprendra toujours. Car, comme toujours, le coupable est le dernier personnage qu’on pourrait soupçonner… Effectivement, dès le départ, Agatha Christie réunit rapidement tous les ingrédients d’une intrigue solide avec un nouvel enquêteur, Dick Hardcastle qui est loin d’avoir l’habileté d’Hercule Poirot.

Rares sont ceux qui ont l’habileté d’Hercule Poirot, mais je connais un certain Sherlock Holmes qui se débrouille pas mal. Donc, grâce au savoir-faire habituel d’Agatha Christie, les lecteurs et lectrices sont captifs de l’intrigue.

Toutefois, j’ai déchanté un peu dans le dernier quart du récit que j’ai trouvé un peu glissant. Par exemple, le rapport de Colin Lamb ne m’a pas semblé tout à fait conforme à celui d’Hercule Poirot. Quelque chose n’est pas clair ou ça m’a simplement échappé. Mais alors que tout est présenté simplement et en bonne évolution dans le récit, tout se complique à la fin.

Il m’a semblé aussi que Poirot errait un peu dans ses conclusions compte tenu de ce qu’il savait de l’affaire. Le fait aussi que Colin Lamb soit agent secret et confie ses petites anecdotes qui s’insèrent plutôt mal dans le récit. Ça n’ajoute rien à l’histoire à part un peu d’encre.

Pour terminer, je précise qu’encore une fois, Agatha Christie manie habilement et subtilement le suspense et l’intrigue mais j’ai trouvé que l’enquête s’enlisait, que le tout manquait de cohésion et que Poirot dans cette histoire a été imaginé plus grand que nature. On est loin je pense des meilleurs d’Agatha Christie, mais ça se laisse lire.

Suggestion de lecture, de la même autrice :
LE CHAT ET LES PIGEONS, DIX PETITS NÈGRES, À L’HÔTEL BERTRAM

Agatha Mary Clarissa Miller (son nom de jeune de fille) est née le 15 septembre 1890 à Torquay en Angleterre. Sa mère est anglaise et son père américain. Elle se marie en 1914 à un colonel Archibald Christie. Séparée de lui par la Première Guerre mondiale, elle travaille comme infirmière dans un hôpital. En même temps, elle s’inspire de ce travail pour écrire son premier roman policier, La Mystérieuse Affaire de styles.

Sa fille Rosalind Christie nait en 1919. Ce n’est pourtant qu’en 1926 qu’elle connaît le succès avec le livre Le Meurtre de Roger Ackroyd. Par la suite, elle prend l’habitude d’écrire deux livres par an. Ses voyages lui apportent l’inspiration pour plusieurs romans devenus célèbres. Elle continue d’écrire toute sa vie jusqu’à sa mort, en 1976… 79 romans et vingt pièces de théâtre.

À droite, portrait d’Hercule Poirot par Brainfree sur Stars Portraits

 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 13 août 2023

L’ÉGARÉE, le livre de Donato Carrisi

*Au moment où son visage enfantin s’évanouissait devant elle,
Samantha ne décela aucune peur dans ses yeux. Juste un éclair
de surprise. Tandis que le lapin l’entraînait dans son terrier,
Sam n’imagina pas que ce serait la dernière fois qu’elle verrait
son image…avant très longtemps…*
(Extrait : L’ÉGARÉE, Donato
Carrisi, livre 3 de la série LE CHUCHOTEUR, version audio, Audiolib
éditeur, 2019.Durée d’écoute : 8 heures 49 minutes, narrateur :
Antoine Tomé. À l’origine, Calmann-Lévy éditeur, 2018, papier, 28 p.)


Un labyrinthe secret plongé dans l’obscurité. Un bourreau qui y enferme ses proies. Une victime qui parvient à s’en échapper, mais sans le moindre souvenir. Un effroyable combat pour retrouver la mémoire, et une enquête à hauts risques pour traquer celui qui continue à agir dans l’ombre… Le dernier  volet tant attendu du Chuchoteur.

 

Le tueur à tête de lapin
*De l’autre côté de la vitre, dans l’ombre, se tenait un
lapin géant. Qui l’observait, immobile. Samantha   
aurait pu prendre la fuite – une partie d’elle-même
le lui ordonnait, et au pas de course –, mais elle n’en
fit rien. Elle était fascinée, hypnotisée par ce regard qui
émergeait de l’abîme.*
(Extrait)

L’ÉGARÉE est un thriller psychologique de forte intensité, noir et complexe. Quoiqu’audible indépendamment, je considère préférable d’avoir lu ou écouté les deux premiers tomes pour saisir toute la portée de l’histoire et sa mécanique littéraire…une façon de dire que je me suis senti manipulé par l’auteur pour ne pas dire en bon québécois qu’il a joué sur mes nerfs. Dès le départ, il ne faudra pas mettre en doute l’habileté de l’auteur à nous faire frissonner et nous faire égarer dans nos sentiments. Il faut donc rester attentif.

Quinze ans après sa disparition alors qu’elle n’avait que treize ans, une jeune fille, Samantha Andretti est retrouvée sur le bord d’une route, une jambe brisée. Elle venait apparemment de s’échapper du labyrinthe, un endroit sinistre où elle était séquestrée par un psychopathe. La police enquête mais parallèlement, les parents de Samantha engagent un détective privé, Bruno Genko, chargé d’aller au bout de ses affaires, un homme opiniâtre que la médecine a déjà condamné à mort par arrêt spontané du cœur pouvant se produire à tout moment. Genko est un personnage fascinant qui marche vers la mort d’une façon ou d’une autre.

C’est un roman très fort qui garde sous tension pendant toute la durée de la narration. En fait, c’est une des intrigues les plus tordues qu’il m’a été donné de lire ou d’entendre. Suivez spécialement les dialogues entre Samantha et le psychiatre qui la suit, le docteur Green. Vous pourriez réaliser comme moi que tout peut n’être qu’apparence dans ce thriller dont le poids psychologique nous saisit comme un long choc électrique.

*Quand je parle de danger, je veux dire qu’il est capable d’une méchanceté que ni toi ni moi ne pouvons imaginer… Green l’a qualifié de « sadique virtuose ». * (extrait) Les personnages sont particulièrement bien travaillés et le profil psychologique du psychopathe secoue l’auditeur/lecteur tellement il est dérangeant. La corde est sensible en effet parce que les victimes visées sont des enfants et pour ce psychopathe sans âme il est moins important de tuer que de transformer.

Vous pouvez faire tous les pronostics que vous voulez pour trouver qui est le tueur, l’auteur les détournera un par un jusqu’à la grande finale qui m’a laissé pantois et qui démontre que l’auteur du chuchoteur, qui a créé Mila Vasquez est un maître, rien de moins.

C’est une audition ou une lecture qui ébranle à plusieurs égards. Les détournements de situation et les nombreux rebondissements obligent l’auditeur à rester alerte. Il y a aussi de nombreux passages rien de moins qu’hallucinants. Je veux aussi noter au passage, que dans la version audio, Antoine Tomé s’est laissé aller à un chef d’œuvre de narration. Il a fortement contribué à mon addiction avec une maîtrise vocale traductrice de sentiments et d’émotions.

Une performance impeccable. Je crois que ce livre vous fera passer un bon moment. Le fil conducteur est un peu instable. On a l’impression que parfois l’intrigue prend plusieurs directions. Cela se produit souvent dans les thrillers de ce calibre. Mais au risque de vous laisser mener par le bout du nez par un auteur doué, laissez-vous aller…vous aimerez je crois.

Suggestion de lecture : LES LUCIOLES, de David Menon

Né en 1973, Donato Carrisi est l’auteur d’une thèse sur Luigi Chiatti, le « Monstre de Foligno », un tueur en série italien. Juriste de formation, spécialisé en criminologie et sciences du comportement, il délaisse la pratique du droit pour se tourner vers l’écriture de scénarios. Le Chuchoteur, son premier roman, est un best-seller international et a remporté de nombreux prix littéraires, dont le Prix SNCF du polar européen et le Prix des lecteurs du Livre de Poche en 2011. La Fille dans le Brouillard a fait l’objet d’une adaptation cinématographique réalisée par l’auteur lui-même avec, entre autres, Jean Reno. Donato Carrisi est l’auteur de thrillers italiens le plus lu au monde. 

Les premiers livres

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 6 mai 2023

CRIME ET CHÂTIMENT, de Fedor Dostoïevsky

*En regardant par une fente dans une remise voisine
de l’étable, elle aperçoit le pauvre diable en train de se
pendre : il avait fait un nœud coulant à sa ceinture,
avait attaché celle-ci à une solive du plafond et, monté
sur un bloc de bois, essayait de passer son cou dans
le nœud coulant…*
(Extrait : CRIME ET CHÂTIMENT, Féodor Dostoievsky,
paru à l’origine en 1884, rééd. : Éditions Caractère 2013,
papier.  Poche, 770 pages)

Raskolnikov, un jeune homme désargenté, a dû abandonner ses études et survit dans un galetas de Saint-Petersbourg. Sans un sou en poche, le voilà réduit à confier la montre de son père à une odieuse prêteuse sur gages. Convaincu de sa supériorité morale, un fol orgueil le pousse à préméditer l’assassinat de la vieille. Il en débarrasserait ainsi les misérables, quitte à racheter son crime avec l’argent volé. Mais le diable s’en mêle, et le révolté se retrouve l’auteur d’un double meurtre… Ses rêves de grandeur s’effondrent, Le voici poursuivi par un juge et hanté par la culpabilité… La rédemption lui viendra-t-elle de la prostituée Sonia, dévouée jusqu’au sacrifice, ou de l’aveu de son crime ?

UN INTENSE COMBAT INTÉRIEUR
*Le corridor était sombre ; ils se trouvaient près d’une lampe.
Pendant une minute, tous deux se regardèrent en silence.
Razoumikhine se rappela toute sa vie cette minute. Le regard
fixe et enflammé de Raskolnikoff semblait vouloir pénétrer
jusqu’au fond de son âme. Tout à coup, Razoumikhine
frissonna et devin pâle comme un cadavre : L’horrible vérité
venait de lui apparaître.*
(Extrait)

C’est un roman très fort et très riche d’une profonde connaissance de la nature humaine. La psychologie complexe du personnage principal m’aura fasciné jusqu’à la fin. Voici l’histoire de Rodion Romanovitch Raskolnikov, un étudiant rongé par la pauvreté, forcé d’abandonner ses études universitaires, reçoit un peu d’argent de sa mère, Pulchérie Alexandrovna avec laquelle il entretient une relation difficile. Malgré tout, Rodion a une très haute opinion de lui-même, se croyant au-dessus de la condition humaine, d’un point de vue russe en tout cas.

Pour survivre, Rodion vend quelques babioles à une usurière, Aliona Ivanovna qu’il décide d’assassiner et de s’emparer de sa fortune afin de se refaire une vie. Aliona est tuée à coup de hache. Quelques minutes après le meurtre, Élizabeth, la sœur de l’usurière arrive. Tuée aussi. Très peu de temps après ce double-meurtre, le remord s’empare de Rodion. Débute alors pour l’ancien étudiant un terrible combat intérieur qui aura de graves conséquences psychosomatiques d’abord puis psychologiques.

Ce combat intérieur s’étalera sur l’ensemble du récit et sera exacerbé par plusieurs facteurs : Porphyre Petrovitch, le juge d’instruction qui talonnera Rodion à la manière de Colombo, peut-être encore plus agaçante et énigmatique. Il aura aussi l’influence de son meilleur ami, Razoumikhine et de Sonia Semionovna, une prostituée dont Rodion est tombé amoureux.

Un élément très important brassera aussi les idées contradictoires de Raskolnikov, le fait que l’usurière assassinée était une femme cruelle et sans cœur, détestée par tout le monde. Cela poussait Rodion à des conclusions moralement satisfaisantes :

*-Sans doute, elle est indigne de vivre…-Qu’on la tue et qu’on fasse ensuite servir sa fortune au bien de l’humanité, crois-tu que le crime, si crime il y a, ne sera pas largement compensé par des milliers de bonnes actions ? * (Extrait) Le fait de prendre graduellement conscience de son crime rendra Rodion presque fou. Il n’y a pour lui qu’une possibilité de rédemption.

De cette œuvre remarquable transpire toute la tragédie de la Société Russe torturée par le socialisme, la pauvreté, l’alcoolisme. CRIME ET CHATIMENT est empreint de l’aspect social de la Russie du XIXe siècle et témoigne aussi de l’esprit agité de l’auteur qui a d’ailleurs jeté les premières bases de ce roman qui le rendra célèbre, alors qu’il était en prison. La démarche progressiste de l’auteur imprègne le personnage principal du roman, Rodion Roskalnikov, profondément travaillé et modelé avec un sensible stigmate autobiographique.

J’ai été fasciné par la force de l’écriture, la puissance de la plume, un développement lent, détaillé avec plusieurs passages particulièrement prenants et une errance dans la folie qui pousse à la réflexion entre autres sur les fondements de la Société et les contradictions de la morale. CRIME ET CHATIMENT est un appel de Dostoievski à l’exploration de l’âme humaine.

Le récit met habilement l’emphase sur les fondements mêmes de la psychologie : *Dostoïevsky est la seule personne qui m’ait appris quelque chose en psychologie. * (Nietzsche, célèbre philosophe et poète, 1844-1900). La finale, superbement imaginée est prenante et chargée d’émotion. Le parcours de Rodion promet de forts battements de cœur au lecteur.

Il est pratiquement impossible de critiquer un livre depuis longtemps classé chef-d’œuvre littéraire historique. C’est le genre de livre qu’il faut lire au moins une fois dans sa vie. Il était depuis longtemps dans mes projets de lecture. La seule question qui se pose : pourquoi m’en être privé si longtemps…?

Suggestion de lecture : CRIME ACADEMY, de Christian Jacq

Fédor Mikhaïlovitch Dostoievsky, fis de médecin, naît à Moscou en 1821. C’est un adolescent abreuvé de littérature qui entre en 1938 à l’école militaire de Saint-Pétersbourg. Son premier roman LES PAUVRES GENS (1844), son aspect bohême, son caractère taciturne lui taille la renommée d’un nouveau Gogol. Lié aux milieux progressistes, il est déporté en Sibérie en 1849, séjour relaté dans SOUVENIR DE LA MAISON DES MORTS (1860). Retiré de l’armée, il se consacre alors à son œuvre.

Couvert de dettes, il mène d’abord une vie d’errance en Europe (LE JOUEUR), où s’affermissent ses convictions nationalistes. CRIME ET CHÂTIMENT (1866) lui apportent la célébrité. Suivront L’IDIOT (1868) LES DÉMONS (1871) et LES FRÈRES KARAMAZOF (1879), dont le retentissement est immense. Torturés par leurs passions et leurs aspirations, écrasés par le matérialisme et l’égoïsme, ses héros posent crûment la question de Dieu et du libre arbitre. Ses obsèques, en 1881, seront suivies par trente mille personnes.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 12 mars 2023

LA FIN DU MONDE A DU RETARD, de J.M. Erre

*Julius…regarda par l’œilleton, et ne vit personne. Il plaqua
son oreille sur la serrure, mais n’entendit rien. Dans l’état
présent de ses possibilités techniques, il enrageait de ne
pouvoir faire plus. Mais au fond, tout cela n’avait pas
d’importance, car dans quelques heures, Julius serait loin.
Tout était prêt pour le début de l’aventure. À commencer
par son évasion de la clinique Saint-Charles.*
(Extrait : LA FIN DU MONDE A DU RETARD. J.M. Erre, éditeur :
Buchet-Chastel, 2015, édition numérique, 330 pages)

Julius est interné dans un hôpital psychiatrique. Son amnésie partielle ne lui a laissé que peu de souvenirs, mais l’un d’eux est plus vif que les autres : l’organisation Tirésias a planifié la fin du monde pour dans quatre jours ! Mais Julius compte bien révéler leurs manigances au vu et au su de tous. Et pour cela il aura besoin d’alliés. Tout d’abord Alice, qui vit dans la chambre d’en face, amnésique (comme lui) après l’incident qui a interrompu son mariage… en tuant tous les autres convives ! Ensuite Ours, symbole du geek. Le trio va devoir se défaire des policiers qui tenteront de se mettre sur leur route.

*DÉCRET DE CHARLES : *
<Plus on est de fous, moins on rit>
*C’est quoi le plan ? Demanda Alice. -Je vais me fier à mon
instinct. L’instinct ne trompe pas les cœurs purs.
-C’est tiré du Seigneur des Anneaux ? Non, du Club des
Cinq aux sports d’hiver. Un petit blanc dans le dialogue
suivit cette référence culturelle ultrapointue*
(Extrait)

LA FIN DU MONDE A DU RETARD est un petit livre qui ne se prend pas au sérieux. Il suit la cavale de deux personnages très singuliers : Alice, jeune femme seule et malchanceuse dont la vie à basculé le jour de son mariage. *L’heureux* évènement a fait 262 morts, une seule survivante, Alice. Et Julius, un écrivain, doux paranoïaque convaincu de l’imminence de la fin du monde et décidé à prévenir et protéger l’humanité d’un sombre complot :

*Nous serons de la fête chère Alice et nous frapperons un grand coup. Dans cinq jours, le monde tel que vous le connaissez prendra fin. Et un monde nouveau naîtra ! * (Extrait) Ce complot international serait ourdi par une organisation appelée Tirésias qui non seulement mentirait sur la véritable nature de l’humanité mais traquerait certaines personnes pour les faire disparaître.

Étrangement, Tirésias est aussi le nom de l’éditeur de Julius. L’histoire raconte la quête de ce couple très spécial, une contre poursuite qui ira de rebondissements en revirements jusqu’à une surprenante conclusion qui *rappelle une certaine introduction*.

Imaginez maintenant que Julius est un écrivain qui n’a fait que mélanger la fiction et la réalité, que dans cette histoire, Julius joue son propre personnage, son histoire dans son histoire, le tout sur fond de complot international. C’est ce qu’on appelle en littérature une mise en abyme, généralement considérée comme un défi de taille car elle se prête à l’errance et au cafouillage.

Le commissaire Gaboriau, doit enquêter sur la disparition de deux patients qui s’évadent de l’institut psychiatrique et des évènements entourant l’Évènement. LA FIN DU MONDE A DU RETARD, c’est de l’humour en continu. Le burlesque s’échappe des personnages principaux eux-mêmes : Julius, éternel sniffeur de dosettes Nespresso et Alice la dulciné aimante privée d’émotions mais débordante de vitalité. Des personnages loufoques viendront s’ajouter dans la cavale nourrissant d’emblée le caractère burlesque du récit.

Il y a des formes d’humour qui viennent me chercher très rapidement. C’est le cas de l’humour spontané, généralement dépourvu de subtilité et qui me fait réagir au-delà du sourire : *Qu’est-ce que tu attends de moi ? Demanda le maître, agacé. -Je suis en lutte contre le mal ! Sur quelle console ? Playstation ou Xbox ? * (Extrait) C’est drôle, on rit. C’est aussi simple : *Comment on efface une mémoire ? Je vous le dis dès que je la retrouve. * (Extrait)

Jeux de mots, humour déjanté, des gags dignes du stand-up comique, l’auteur ne s’encombre pas de détours contraignants, créant de vigoureuses répliques à ses belligérants mais y va de ses petits clins d’œil personnels d’auteur : *La route était déserte, la forêt impénétrable. On ne voyait rien d’anormal puisqu’on ne voyait rien du tout : il faisait nuit noire. * (Extrait)

Est-ce que ce livre n’est QUE drôle ? Non je ne crois pas. L’humour est une excellente filière pour pousser à la réflexion et ce petit opus de J.M. Erre a quelque chose de philosophique. *À nous trois…nous allons détrôner nos oppresseurs, et surtout, nous allons réenchanter le monde…* (Extrait)

En fait LA FIN DU MONDE A DU RETARD évoque à la fois ce qui fait le malheur et la grandeur de l’être humain : sa capacité de se raconter des histoires, avec comme toile de fond la crainte la plus ancienne de l’histoire du monde : la fin du monde. J.M. Erre en a profité pour faire une petite exploration de l’esprit humain…il est tordu…parfois   dangereusement, souvent gentiment. C’est un livre loufoque qui ne peut que faire du bien.

Je ne le qualifierai pas de sérieux mais je dirai qu’il ne manque pas de profondeur car dès qu’il est question de l’être humain, la comédie fait souvent jonction avec la tragédie. Comme dirait un certain Obélix, ils sont fous ces humains.

Suggestion de lecture : LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE, de Douglas Adams

J.M. Erre est né en 1971 à Perpignan. Il a publié quatre romans aux éditions Buchet-Chastel : Prenez soin du chien (2006), Made in China (2008) Série Z (2010) et Le Mystère Sherlock (2012). Ses ouvrages sont une curiosité dans le paysage littéraire français : une narration au rythme soutenu et l’usage d’un humour frisant l’absurde en font toute la saveur. Le comique de langage y côtoie le comique de situation et provoque une avalanche de surprises et de rebondissements. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 5 février 2023

LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE…

…D’ALEX GRAVEL-CÔTÉ

Commentaire sur le livre de
CATHERINE GIRARD-AUDET

*Cher journal, sache tout d’abord que je trouve ça complètement
débile de t’écrire mais comme ma sœur est plantée à trois
centimètres de moi, je n’ai pas le choix de le faire. Madame s’est
en effet mis dans la tête de m’utiliser comme cobaye dans son
cours de psychologie au CEGEP. *
(Extrait : LA VIE QUAND MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX
GRAVEL-CÔTÉ, de Catherine Girard-Audet., édition Les Malins 2017,
440 pages. Version audio : Audible studios, 2017, narrateur : Jean-
Philippe Robin, durée d’écoute : 5 heures 31 minutes)

Ma sœur croit m’aider à « ouvrir mon autoroute émotive », à me défaire du « traumatisme causé par le divorce de nos parents alors que je n’étais qu’un enfant » et à tomber follement amoureux d’une fille. Ce qu’elle ne comprend pas, c’est que je n’ai pas envie d’être en couple. C’est trop compliqué. Mais, comme je suis un gars de parole, j’embarque dans son jeu (d’autant plus que c’est ma seule option pour qu’elle me laisse tranquille). Heureusement que j’ai le hockey, le tourbillon familial et l’apparition dans ma vie d’une mystérieuse Julianne et d’une charmante Léa Olivier pour agrémenter mon journal intime et le rendre un peu plus palpitant. 

Les réalités de l’adolescence masculine
*Elle a pris ma main et m’a attiré vers elle pour m’embrasser.
Elle, en se reculant doucement : <Est-ce que j’ai ton attention
maintenant? > Moi, en toussotant un peu : <heee, crum…je…
oui, hehe…excellente tactique.>*
(Extrait)

*Ma sœur est conne…ma sœur est conne…ma sœur est conne…* (introduction) Ainsi débute ce petit livre pétillant…par cette petite phrase toute mignonne répétée 12 fois avec conviction par le petit frère Alex Gravel-Côté. Voyons d’abord ces deux personnages qui sont au centre du centre…je dis ça parce que dans l’histoire, il y a beaucoup de monde…du jeune monde surtout…14 à 17 ans, chatouillé en permanence par les turbulences hormonales.

Alex a 14 ans. Il est beau comme un cœur, charmant, empathique et de nature généreuse. Il raconte au journal intime que sa sœur l’oblige à écrire, sa vie scolaire, sa vie familiale, sa vie sportive et surtout sa vie sentimentale qui elle, n’a pas tout à fait la note de passage. Pourquoi Alex n’a jamais de blonde? Et pourtant des blondes potentielles, il en gravite autour d’Alex.

Emmanuelle est la sœur aînée d’Alex. Elle se passionne pour la psychologie et a pris Alex comme cobaye pour ses tests et observations. Moyennant certaines concessions, Alex accepte d’écrire quotidiennement son ressenti dans un journal personnel pour un temps indéfini. Ce journal devient ainsi le fil conducteur du récit et promet de très intéressants revirements.

Ce livre se détache d’une série consacrée aux aventures de Léa-Olivier et à une flopée de jeunes à la recherche de reconnaissance et d’amour.  Alex se démarque par son intelligence, son empathie et surtout, son cœur d’Artichaut. Il est beau et drôle de voir ses pairs l’encourager, le pousser à enfin se *matcher* avec une belle fille… : *Arrête de niaiser pis fais un moove. Ce n’est pas dans tes habitudes de tourner autour de la puck …j’ai donc décidé d’être moins subtil en abordant Léa après l’école…* (Extrait)

Eh oui…dans le langage subtil du hockey, une belle fille qui se démarque a l’aspect d’une puck. L’auteure ne s’est d’ailleurs pas gênée pour mettre en évidence le langage des jeunes, un genre de codification truffée d’anglicismes et d’allusions : *men*, *dude*, *bro*, *babe*, *shit*, *cool*, *genre*, *cruiser*, *moove*, *come on*, *rocher*, *nunuches* et j’en passe.

Bien sûr ce langage ne constitue pas un bouquet de fleurs pour la langue française mais il constitue un mode de reconnaissance entre les jeunes. je partage avec ravissement le portrait que l’auteur fait des jeunes, en perpétuel questionnement sur leur attirance pour le sexe opposé. L’histoire n’est pas compliquée, on ne peut pas dire non plus qu’elle soit originale. L’auteur nous présente toute simplement des ados d’aujourd’hui avec leurs réalités qui se résument à quatre mots : Amitié, amour, famille, école.

Je crois que les jeunes vont aimer ce livre parce qu’ils vont se reconnaître, parce qu’Alex est terriblement attachant, c’est l’ami universel qu’on aimerait avoir à nos côtés. L’histoire évoque les cœurs d’amadou (1) et les cœurs d’artichaut.(2) Aussi simple soit-elle, il est impossible de ne pas être happé par l’histoire truffée de petites intrigues sentimentales ouvrant la voie à des dialogues savoureux et surtout un humour désopilant.

Par exemple, je vous laisse découvrir entre autres la théorie du triangle amoureux équilatéral, par rapport à la théorie du triangle amoureux isocèle. Ça m’a fait rire et ça m’a plu. Le langage des jeunes habituellement direct caractérise la plupart des dialogues. Ça arrache des sourires, c’est forcé : *Jeanne organise justement un party chez elle pour lui vendredi prochain. Ce serait trop nice que tu te pointes avec un gars du Cégep pour lui faire avaler sa morve. * (extrait)

Ce livre a été pour moi une magnifique évasion. L’écriture est limpide, fluide. Il n’y a pas de longueurs. On ne s’ennuie pas. J’ai été de plus, satisfait de la performance narrative de Jean-Philippe Robin. Je recommande donc LA VIE QUAND-MÊME UN PEU COMPLIQUÉE D’ALEX GRAVEL CÔTÉ…pétillant…rafraîchissant…divertissant.

Suggestion de lecture : LE LIVRE QU’IL NE FAUT SURTOUT, SURTOUT, SURTOUT PAS LIRE, de Sylvie Laroche

C’est à la plume passionnée de Catherine Girard-Audet, accro de magasinage, d’histoires de filles et de confidences, que l’écriture de L’ABC des filles a été confiée. À la barre de plusieurs traductions de romans ou d’albums à succès tels que, Lizzy McGuire, Dora l’exploratrice et même Bob l’éponge, Catherine Girard-Audet était la fille toute désignée pour entreprendre ce projet. Auteure de la série La vie compliquée de Léa Olivier, l’ABC des filles, Effet secondaire et Le journal de Coralie.

 

(1) Cœur qui s’enflamme et s’amourache rapidement
(2) Susceptible à l’amour. Qui donne son cœur facilement et à tout bout de champs.

 

Ne manquez pas de suivre Léa-Olivier

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 29 janvier 2023