LA DISPARUE DE LA CABINE No 10, Ruth Ware

*<T’as bonne mine Blacklock> a fait Ben en se
tournant vers moi. Il m’a jeté un coup d’œil qui
m’a donné envie de lui flanquer un coup de
genou dans les couilles mais cette saleté de
robe était trop étroite. *
(Extrait : LA DISPARUE DE LA CABINE N0 10, Ruth
Ware, édition originale : 12-21, 2018. 407 pages
 Version audio : Lizzie éditeur, 2018, narratrice :
Alice Taurand. Durée d’écoute : 10 heures 42 min.)

Une semaine à bord d’un yacht luxueux, à sillonner les eaux de Grand Nord avec seulement une poignée de passagers. Pour Laura Blacklock, journaliste pour un magazine de voyage, difficile de rêver d’une meilleure occasion de s’éloigner au plus vite de la capitale anglaise. D’ailleurs, le départ tient toutes ses promesses : le ciel est clair, la mer est calme et les invités très sélects de l’Aurora rivalisent de jovialité.  Mais dès le premier soir, le vent tourne.

Laura, réveillée en pleine nuit, voit la passagère de la cabine adjacente être passée par-dessus bord. Le problème ? Aucun voyageur, aucun membre de l’équipage ne manque à l’appel. L’Aurora poursuit sa route comme si de rien n’était. Le drame ? Laura est témoin d’un meurtre dont l’auteur se trouve toujours à bord…

MORT PAR-DESSUS BORD
*Prenant mon courage à deux mains, j’ai ouvert brusquement
la porte. Le bruit de l’eau emplissait L’espace confiné. J’ai
cherché l’interrupteur à tâtons… la lumière a inondé la pièce.
Et c’est là que je l’ai vu. En travers du miroir couvert de buée.
En lettres d’une vingtaine de centimètres de haut, on avait
écrit les mots ARRÊTE DE FOUINER. *
(Extrait)


LA DISPARUE DE LA CABINE no 10 raconte l’histoire de Laura Blacklock, journaliste spécialisée dans le tourisme et les voyages. Une jeune femme est sensiblement perturbée par son passé, trouble d’anxiété et de panique, un peu portée vers l’alcool et consomme des antidépresseurs. Au début, comble de malchance, elle est cambriolée.

La peur l’étreint, elle se rend chez son ami Judah Lewis. Elle entre, il n’est pas là. Elle se prépare à se calmer quand quelqu’un entre. Accès de panique, elle l’agresse et le blesse : C’est Judah.

Après ces évènements, elle saute sur un évènement qui lui changera peut-être les idées : couvrir le voyage inaugural d’un luxueux paquebot : L’aurora Boréalis, un paquebot de croisière grand luxe dans les fjords norvégiens… j’avais eu la chance de récupérer l’une des rares invitations de presse pour son voyage inaugural…* (Extrait) Laura, appelée affectueusement Lau s’embarque donc mais verra basculer sa vie complètement.

Une nuit, même si Lau est imbibée d’alcool, elle se réveille brusquement, tente te comprendre ce qui l’a réveillé. Serait-ce un hurlement? *C’était la porte de la véranda de la cabine voisine qui s’ouvrait doucement. J’ai retenu mon souffle, tendu l’oreille et il y a eu un <plouf>…pas un petit <plouf> non ! Un énorme plouf. *

(Extrait) Si Lo en était resté là, elle aurait fait le voyage le plus agréable qui soit. Mais elle était journaliste quoi…irrésistiblement poussée par la curiosité d’autant que le <plouf> qu’elle a entendu est le genre de <plouf> d’un corps quand il tombe à l’eau…

Convaincue qu’il y a eu meurtre, Lau devient obnubilée par la cabine no 10. Son enquête commence plutôt mal quand on lui apprend le lendemain que personne ne manque à bord. Elle n’en croit rien surtout après la découverte d’un graffiti sur le miroir de sa salle de bain : *ARRÊTE DE FOUINER* . Ainsi commence pour Laura, une descente aux enfers.

J’ai été intéressé mais loin d’être passionné par ce huis-clos qui repose sur une idée qui m’a semblé sous exploitée.  D’abord dans un huis-clos, il n’y a jamais beaucoup d’acteurs.

L’auteur peut en profiter à loisir pour développer la psychologie des personnages, travailler leur rôle et créer l’interaction, un peu comme Agatha Christie l’a fait pour LES DIX PETITS NÈGRES. C’est une des faiblesses majeures de LA DISPARUE DE LA CABINE NO 10. Il y a très peu d’interaction et par extension, pas d’action.

J’avais l’impression qu’il ne se passait rien sur ce bateau à part les mondanités qui deviennent vite lassantes. J’aurais cru que les efforts désespérés pour aller au bout de la vérité m’auraient gardé en haleine, mais non, le rythme était trop lent. C’est un thriller assez bien ficelé basé sur la crédibilité questionnable du principal personnage. Il y a une certaine originalité. Mails il y a beaucoup d’irritants.

L’histoire commence par le cambriolage chez Lau. Pas grand-chose avec l’histoire qui est, je dois dire, longue à démarrer. L’intrigue est classique et un peu prévisible. L’auteure accuse un peu d’errance dans son récit la plume est redondante.

Les pauses dans l’histoire, pour permettre l’échange de e mails est une bonne idée je crois, qui humanise un peu le tout et insuffle un caractère dramatique qui manque au texte. J’ai trouvé la finale longue et alambiquée.

J’ai été satisfait de la performance narrative d’Alice Taurant pour le registre vocal précis attribué à Laura Bradlock et qui transmet avec habileté au lecteur tout le brassage d’émotions intérieures qui caractérise la jeune journaliste.

Pour conclure je dirai que ce n’est pas un roman qui soulève les montagnes mais c’est quand même une bonne lecture. En ce qui me concerne, j’ai trouvé la version audio assez immersive.

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, de Gaston Leroux

Ruth Ware est née en 1977 à Sussex et vit aujourd’hui à Londres. Après des études d’anglais à l’université de Manchester, elle a enseigné cette matière à Paris. Elle a notamment travaillé en tant que libraire et attachée de presse d’un grand éditeur anglais, avant de passer à l’écriture. Après son premier thriller PROMENEZ-VOUS DANS LES BOIS PENDANT … QUE VOUS ÊTES ENCORE EN VIE (Fleuve Editions, 2016 ; Pocket, 2017) – traduit dans plus de quarante langues – elle revient en force avec LA DISPARUE DE LA CABINE No 10.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le dimanche 7 novembre 2021

 

L’OUTSIDER, le livre de STEPHEN KING

*Il y avait un banc en pierre au milieu. Couvert de
sang, partout, même dessous. Le corps était
allongé à coté, dans l’herbe. Le pauvre garçon. Il
avait la tête tournée vers moi, les yeux ouverts.
Mais il n’avait plus de gorge…*
(Extrait : L’OUTSIDER, Stephen King, Albin Michel
éditeur, 2019, édition de papier, 570 pages)

Le corps martyrisé d’un garçon de onze ans est retrouvé dans le parc de Flint City. Témoins et empreintes digitales désignent aussitôt le coupable : Terry Maitland, l’un des habitants les plus respectés de la ville, entraîneur de l’équipe locale de baseball, professeur d’anglais, marié et père de deux fillettes.

Et les résultats des analyses ADN ne laissent aucune place au doute. Pourtant, malgré l’évidence, Terry Maitland affirme qu’il est innocent.

Et si c’était vrai ?

Pas trop de *Ça*
*<Terry>, dit Ralph. Il voyait la sueur de son front
goutter sur le visage du coach et se mêler au
sang qui coulait de sa plaie au crâne. <Vous
allez mourir Terry. Vous m’entendez ? Il ne vous
a pas loupé. Vous allez mourir.>*
(Extrait)

On dirait que le Maître de l’épouvante et du suspense n’a pas livré sa marchandise habituelle. L’Outsider est loin d’être le meilleur livre de King à mon avis. Il relève plus du roman policier que de l’histoire d’épouvante. Je ne partage pas l’avis de certaines critiques qui comparent l’Outsider à *ÇA* l’œuvre la plus aboutie de King dans laquelle on n’entend jamais parler des policiers. C’est le surnaturel qui nous enveloppe dans l’histoire.

Si l’outsider n’est pas le meilleur de King, il n’en demeure pas moins un thriller intéressant qui a capté mon attention. Je mentionne au passage qu’OUTSIDER est un terme anglais utilisé pour désigner <celui qui est en dehors.> Par extension, celui qui est en dehors de la normalité. Le terme peut désigner par exemple celui qui a perdu son humanité. Le titre de l’histoire est ce qui crée le lien entre l’enquête et son petit côté surnaturel inavoué par les policiers évidemment. Voyons voir l’histoire car King frappe fort dès le départ.

Terry Maidland, citoyen modèle, bon père de famille et entraîneur bénévole de l’équipe locale de baseball, est arrêté par la police de façon spectaculaire devant la foule réunie au stade. Terry est formellement accusé d’avoir violé, mutilé et assassiné le petit Frank Peterson, 11 ans. Pour des raisons qui déstabilisent sensiblement les policiers, Terry Maidland sera assassiné quelques minutes avant sa comparution devant le juge au Palais de justice.

En cours d’enquête, l’inspecteur Ralph Anderson s’aperçoit très vite que quelque chose cloche. En effet les empreintes ADN confirment que le tueur aurait été à deux places en même temps séparées par une distance trop importante pour se déplacer. L’ubiquité étant une chose impossible…il y a quelque chose de pas naturel et c’est là qu’intervient Holy Gibney une enquêteuse spéciale qui a l’esprit très ouvert et qui émet l’hypothèse de l’outsider, une entité mystérieuse capable de prendre le contrôle d’un corps et le transformer.

L’objectif et le fil conducteur de l’histoire tiennent sur l’enquête policière et la capacité des enquêteurs à composer avec un phénomène qu’ils ne comprennent pas d’une part et d’autre part la question qui est de savoir si on pourra réhabiliter la mémoire de Terry Maidland…

L’aspect surnaturel du récit est développé avec beaucoup de retenue. Malgré les passages où je reconnais moins le style de King, je dois admettre que l’enquête policière a quelque chose d’addictif, que l’intrigue est habilement menée. Le fait que les enquêteurs admettent avec une évidente difficulté, l’hypothèse du paranormal, une possibilité dérangeante, un mur sur lequel généralement, les enquêteurs se cassent le nez.

Mais qu’est-ce qu’on doit faire quand toutes les explications plausibles et les hypothèses raisonnables ont été épuisées. C’est une bonne histoire mais ce n’est pas ce à quoi m’a habitué King : je n’ai pas senti l’épouvante, les rebondissements s’enchaînent parfois mais l’auteur garde le cap sur l’enquête même si le dernier quart du récit sombre beaucoup plus dans l’obscur et l’étrange.

On avance dans le paranormal avec des armes à feu…ça fait bizarre et c’est inhabituel chez Stephen King. Malgré tout, je trouve sain que l’auteur essaie quelque chose de différent. Je n’ai pas pu m’accrocher à ses personnages sauf à Holly, audacieuse et perspicace.

On ne peut pas vraiment comparer l’OUTSIDER avec ÇA, sauf peut-être à la fin alors que Holy cherche un troglodyte, mais c’est sans commune mesure avec l’oppressante intensité de *ÇA*. Pour résumer, je m’attendais à un drame d’épouvante mais j’ai eu plutôt droit à un simple roman policier où l’irrationnel prend péniblement la relève du pragmatisme.

J’ai été juste un peu surpris du changement de style. C’est pas un chef d’œuvre mais ça se lit bien et j’ai aimé. Je note autour de 75%.

SUGGESTION DE LECTURE : pour ceux et celles qui veulent s’ajuster à la critique et fare la comparaison, je vous invite à lire mon commentaire sur ÇA, de Stephen King

Stephen King a écrit plus de 50 romans, autant de best-sellers, et plus de 200 nouvelles. Couronné de nombreux prix littéraires, il est devenu un mythe vivant de la littérature américaine (médaille de la National Book Foundation en 2003 pour sa contribution aux lettres américaines, Grand Master Award en 2007 pour l’ensemble de son oeuvre). En février 2018, il a reçu un PEN award d’honneur pour service rendu à la littérature et pour son engagement pour la liberté d’expression. Pour tout savoir sur Stephen King, cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 24 octobre 2021

 

UNE FORÊT OBSCURE, le livre de FABIO M. MITCHELLI

<Louise Beaulieu, tome 1>

*…le poids qui s’écrase sur le métal souple de la carrosserie… un froissement de tôle Emma fut projetée à quelques dizaines de mètres…son corps s’immobilisa…stoppée par le tronc d’un cèdre… La forêt de Tongas, immuable, venait une fois encore d’engloutir la vie d’un enfant de Juneau. * (Extrait : UNE FORËT OBSCURE, Fabio M. Mitchelli, à l’origine : Pocket éditeur 2017, 408 pages, version audio : Audible studios éditeur, 2017, durée d’écoute : 10 heures 34 minutes. Narratrice : Christine Bellier)

À Montréal, Luka diffuse sur le Web les images des animaux qu’il torture, puis celles de son amant qu’il assassine à coups de pic à glace. Pour enquêter sur une telle affaire, il faut un flic borderline comme Louise Beaulieu.

En Alaska, dans la petite ville de Juneau, deux jeunes filles sont découvertes en état de choc. Pour comprendre, il faut un flic comme Carrie Callan, qui va exhumer les vieux secrets et regarder le passé en face.

Le point commun à ces deux affaires : Daniel Singleton, un tueur en série. Du fond de sa cellule, il élabore le piège qui va pousser Louise à aller plus loin, toujours plus loin… Jusqu’à la forêt de Tongass, là où le mensonge corrode tout, là où les pistes que suivent les deux enquêtrices vont se rejoindre.

LA NOIRCEUR QUI TIENT EN HALEINE
*A présent il ne pouvait plus contenir le poison qui lui infectait le sang,
 ce venin qui incendiait et ravageait ses chairs, ses entrailles. Il lui fallait
s’ouvrir en deux et se dégorger de ce pus immonde qui coulait en lui,
vomir de trop-plein de rage et de honte qu’il aurait tant aimé cracher à la
gueule du monde avant de sombrer. *
 
  (Extrait)

Bien que cette histoire soit une fiction, elle est amplement et librement inspirée par l’actualité judiciaire. Ici, un petit rappel des faits s’impose. L’auteur débute d’ailleurs son livre par une petite synthèse des évènements.

Le roman s’appuie sur des faits divers qui se sont réellement déroulés à Montréal et à Anchorage en Alaska. Certaines scènes évoquent aussi des évènements liés à la catastrophe écologique causée par l’Exon Valdez en 1989.

L’ouvrage s’inspire également de l’escalade criminelle de Luka Rocco Magnotta et du meurtre prémédité qu’il a commis en 2012 sur la personne de Lin Jun, un jeune étudiant chinois installé au Canada ainsi que des crimes de Robert Christian Hansen qui a violé et assassiné entre 17 et 21 femmes dans les environs d’Anchorage entre 1971 et 1983.

Donc les auditeurs et auditrices devront jongler entre la réalité et la fiction. Peut-être même cette histoire leur imposera une certaine recherche pour faire la différence. Personnellement, j’ai trouvé le défi plutôt emballant.

C’est un roman très noir et très librement inspiré de l’œuvre de deux grands criminels. Tous les acteurs du récit un subi un ou plusieurs traumatismes dont quelques-uns liés au naufrage de l’EXXON VALDEZ, le célèbre pétrolier américain qui s’est échoué en 1989 sur la Côte de l’Alaska, provoquant une colossale marée noire.

Une chaîne d’évènements amènera deux enquêtrices : Carrie Callan, une américaine en poste à Juneau, Alaska et Louise Beaulieu du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) à collaborer sur deux affaires qui n’ont rien d’évident en commun au début en tout cas : la découverte de deux jeunes filles en état de panique à Juneau et un homme assassiné à coup de pic à glace par son amant à Montréal.

Le reste est une affaire de police qui va de découverte en découverte à un rythme très élevé et qui paralyse en quelque sorte les auditeurs/auditrices : torture, meurtres, pédophilie, séquestration, prostitution. Il n’y a pas de limites pour les esprits tordus et comme l’auteur a puisé sans retenue dans les faits divers, il n’a pu éviter une certaine crudité dans le langage.

Les auditeurs/auditrices vont peut-être s’attacher, comme moi aux enquêtrices, en particulier Louise Beaulieu du SPVM, une caractérielle accro au poker et qui jure comme une charretière mais qui est dotée d’un remarquable instinct et qui traîne elle aussi de dures épreuves de la vie. Ici, j’en profite pour dire que j’ai beaucoup apprécié la narration de Christine Bellier.

J’ai trouvé remarquable sa façon de passer au français dit standard à l’accent québécois pure laine incluant une façon très crue de descendre les saints du ciel. Pour ce qui est de raconter, madame Bellier a un registre vocal qui force l’attention. Elle m’a donné l’impression de s’adresser à moi.

Pour écouter ou lire cette histoire, il faut être ajusté à l’actualité jusqu’à un certain point parce qu’on sait ce qui va arriver. Ce qui est beaucoup moins évident, ce sont les motivations des tueurs.

Le récit est empreint d’une analyse des mobiles qui nous tient prisonnier de la trame et ça pousse au questionnement : est-ce suffisant d’évoquer la maladie mentale ou les traumatismes subis dans l’enfance. Y a-t-il autre chose? Personne ne peut rester indifférent à un tel récit d’autant qu’il a été plus vécu que fantasmé.

Donc pour résumer, c’est un roman fort, très noir, très violent, certains passages sont difficiles. La finale est un peu obscure. Excellente narration. Beaucoup de québécois trouveront la couleur locale divertissante dans un contexte aussi sombre. Ensemble détaillé, rythme élevé…pas de temps morts et pas tellement conçu pour les âmes sensibles. Seule petite faiblesse, le lien de l’histoire avec l’Exon Valdez est un peu mince, sous-développé. Sinon, c’est un ouvrage fascinant.

Suggestion de lecture : INTIMIDATION, de Harlan Coben

Fabio M.Mitchelli, est un musicien et écrivain né à Vienne (Isère) en 1973, auteur de thrillers psychologiques inspirés de faits réels. Il a signé « La trilogie des verticales » parue aux éditions Ex-aequo entre 2010 et 2012, dont La verticale du fou, le premier opus de ce singulier triptyque, a été classé dans le top 3 des romans les plus téléchargés sur le territoire français en 2011 aux côtés de David Foenkinos. Mitchelli se consacre désormais à l’écriture de true crime et thrillers psychologiques. « La compassion du diable », paru aux éditions Fleur Sauvage en octobre 2014 a reçu le Prix du polar Dora-Suarez 2015.

Christine Bellier est une actrice canadienne. Notamment active dans le doublage, elle a été entre autres la voix québécoise de Drew Barrymore, Tara Reid, Reese Witherspoon, Charlize Theron, Piper Perabo, Shannon Elizabeth et Kate Winslet lors de son activité au Québec. Elle aime aussi à l’occasion, jouer le rôle de narratrice.

Aussi à écouter :
le 2e tome de la série Louise Beaulieu

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 23 octobre 2021

A COMME APOCALYPSE de PRESTON et CHILD

VERSION AUDIO

*L’explosion qui avait suivi avait coupé le tanker
en deux et provoqué son naufrage. Les raisons
même de l’explosion n’avaient jamais pu être
établies clairement. Les ingénieurs d’EES
pensaient toutefois que la déflagration était le
résultat d’une réaction entre la météorite et l’eau
de mer.*

(Extrait : A COMME APOCALYPSE, Preston & Child,
version audio : Audible studio éditeur, 2018, durée
d’écoute : 10 heures 37 minutes. Narrateur : Alexandre
Donders.)

Il y a cinq ans, Eli Glinn avait participé à une expédition pour convoyer une météorite géante tombée sur un îlot du Cap Horn. Mais le navire qui la transportait avait sombré en mer, et la météorite avec. Seulement, Glinn avait eu le temps de découvrir que la météorite d’origine extraterrestre était en fait une sorte de graine, qui depuis a germé pour donner naissance à un arbre gigantesque. Et sa croissance est loin d’être terminée : elle constitue une vraie menace pour la planète. Aussi Glinn confie à Gideon Crew la mission de détruire coute que coute ce baobab géant. 

Une mission de Gideon Crew
*Vous avez raison de parler de mutinerie. Nous n’avons
pas le choix. Il ne s’agit pas de nous mutiner pour sauver
nos peaux mais de sauver la peau de tous ceux qui
n’ont pas encore été infectés. *
(Extrait)

Cinq ans avant les évènements décrits dans A COMME APOCALYPSE, une expédition tente de convoyer une météorite géante de 25 000 tonnes, tombée dans la périphérie du Cap Horn. L’entreprise colossale est vouée à l’échec. Le navire sombre et la météorite avec. On devait en rester là mais Preston et Child ont reçu un fort volumineux courrier pour leur demander de conclure cette histoire qui manquait effectivement d’aboutissement.

C’est ainsi qu’est né A COMME APOCALYPSE et dans ce volet final, la tension sera forte par moment car on a découvert que la météorite couvait une graine qui a fini par produire dans les profondeurs de la mer un arbre qui rappelle le baobab à cause de l’épaisseur de son tronc et l’aspect tentaculaire de ses branches.

Les politiques et les scientifiques décident que cette créature qui est intelligente et vorace est un danger pour l’humanité et qu’il faut la détruire. Pour se faire, on fait appel à Gideon Crew, personnage récurrent dans l’œuvre de Preston et Child, toujours aussi attachant et brillant d’autant qu’on ne lui demandera rien de moins qu’un miracle.

C’est bien écrit et c’est plein de bonnes idées qui nous font un peu oublier que le sujet en général est réchauffé : des extraterrestres qui s’emparent de l’esprit des humains dans un but de domination ou d’anéantissement c’est monnaie courante en littérature, amplifié au cinéma par des films comme INDEPENDANCE DAY. La procédure est toutefois différente dans A COMME APOCALYPSE. Il y a des trouvailles intéressantes.

La pression fait plonger l’auditeur et l’auditrice avec les sauveteurs de l’humanit. Les auteurs frappent fort dès le départ et le suspense monte rapidement jusqu’à une descente aux enfers alors qu’on s’aperçoit qu’aucun contrôle n’est possible sur cette créature.

Des vers se sont échappés de quelques branches du baobab et ont été ramenés à bord pour analyse. Je ne parlerai pas des ravages engendrés par ces créatures diaboliques. Toutefois, on sent ici le *déjà vu*. Ceux qui ont vu le film PROJET CLOVERFIELD savent ce que je veux dire.

En résumé, le sujet est élimé mais bien travaillé. La trempe des personnages fait la différence. Le livre n’échappe pas à une tendance agaçante : des longueurs générées par de nombreuses explications scientifiques, heureusement pas trop longues dans ce cas-ci mais qui nuisent parfois à l’intrigue.

À partir de l’épisode de la mutinerie, le récit accuse de l’errance et quelques incohérences. Tout est expliqué dans l’épilogue mais c’est rapide et pas très fouillé. J’ai été un peu déçu par la finale. Mais en général, le suspense est bien entretenu, les personnages sont bien travaillés et remplissent bien leur espace. Les habitués de Preston et Child ne seront pas déçus de la performance de Gideon Crew.

L’écriture est habile quoiqu’elle rappelle davantage un scénario de film. Enfin, hommage au narrateur de la version audio qui, malgré les petites faiblesses de l’histoire m’a fait sentir acteur du drame. A COMME APOCALYPSE est finalement un très bon divertissement.

Comme vous l’avez vu, cette œuvre peut s’écouter indépendamment, mais pour le plaisir de participer à l’œuvre entière et de cheminer avec Gideon Crew et d’autres personnages comme Eli Glinn, toujours aussi suffisant, je vous recommande d’écouter ou de lire d’abord ICE LIMITE de Preston et Child <voir critique> et de voir comment tout a commencé.

Suggestion de lecture : L’APOCALYPSE N’EST PAS POUR DEMAIN, de Bruno Tertrais

Douglas Preston (À gauche) est né en 1957, Il est l’auteur de plusieurs romans dans les genres de l’horreur et du techno-thriller. Il a travaillé plusieurs années au « Museum d’Histoire Naturelle » américain avant de se consacrer à l’écriture en équipe avec son meilleur ami, Lincoln Child, déjà auteur de plusieurs anthologies d’horreur.

Lincoln Child est né le13 octobre 1957 à Westport, dans le Connecticut. En 1987, il devient analyste chez MetLife. C’est là qu’il fera une rencontre décisive avec Douglas Preston, commence peu après une fructueuse collaboration dans l’écriture de techno-thrillers. Ensemble, ils créeront les séries Pendergast et Gideon Crew.

À lire ou écouter aussi

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
Le samedi 16 octobre 2021

CETTE NUIT-LÀ, le livre de LINWOOD BARCLAY

VERSION AUDIO

*Trois types débattant des mérites d’un groupe de rock des années soixante-dix pouvaient-il réellement envisager de m’emmener quelque part pour me tuer ? L’ambiance dans la voiture n’aurait-elle pas été un peu plus sinistre ? *

(Extrait : CETTE NUIT-LÀ. Linwood Barclay, J’ai lu éditeur pour l’édition originale, traduction française. 474 pages. Version audio : Audiolib studios éditeur, 2016. Narrateur : Éric Aubrahn, durée d’écoute : 11h26)

 

Imaginez… Vous êtes une ado de quatorze ans. Vous avez fait le mur pour la première fois. Vous rentrez en cachette la nuit. Au matin, la maison est vide. Toute votre famille a disparu sans laisser de traces. Apparitions suspectes, coups de fils anonymes, messages accusateurs : vingt-cinq ans plus tard, le passé ressurgit… CETTE NUIT-LÀ suit le destin de Cynthia dont les proches disparaissent sans laisser aucun indice…


CRUEL MAL-ÊTRE
<Écoute-moi ducon. Tu sais seulement
à qui tu parles ? Ces types qui t’ont emmené ici.
t’as une idée de ce qu’ils sont capables de faire ?
Tu pourrais finir dans un broyeur à bois. Tu pourrais
être balancé d’un bateau au milieu du détroit…*
(Extrait)

Ce récit de forte intensité raconte l’histoire de Cynthia Bigge et de son mari Terry. L’histoire commence vingt-cinq ans après la disparition de la famille de Cynthia. En effet. Il y a déjà un quart de siècle, au retour d’une petite fugue nocturne bien alcoolisée, alors qu’elle avait quatorze ans, Cynthia constate avec horreur la disparition de sa famille.

Elle n’en aura plus jamais de nouvelles avant au moins 25 ans. La détresse de Cynthia est inimaginable.

Après vingt-cinq ans, Cynthia est obsédée par la disparition de sa famille. Sont-ils morts ? Et pourquoi Cynthia est encore là ? Vingt-cinq ans après, non seulement rien ne s’est arrangé mais Cynthia a développé une véritable obsession :

*Par moment, je les entends. Je les entends parler, maman, mon frère, Papa, je les entends aussi clairement que s’ils étaient dans la pièce. Avec moi. Ils me parlent…* (Extrait)

Décidée à tout essayer pour retrouver son frère et ses parents, Cynthia participe à une émission de télévision appelée DEADLINE qui se spécialise dans l’appel des personnes disparues.

Cette initiative de l’appel télévisé a le don d’entretenir le feu. En effet, Cynthia décèle plusieurs indices qui laissent supposer que sa famille est vivante. Pourquoi ne se montre-t-elle pas. Toute cette histoire ne serait qu’une sordide machination. Même son mari Terry croit que Cynthia pourrait développer une paranoïa.

Terry qui va prendre la relève, décidé à aller au bout de cette histoire grâce à certains jeux d’alliance dont une avec un truand qui était avec Cynthia il y a vingt-cinq ans. Une chose est sûre, quelqu’un sait quelque chose et Linwood Barclay a réussi à jouer avec mes nerfs, curieux de voir un petit prof d’anglais, Terry, aller de découverte en découverte.

Les trois premiers quarts du récit mettent l’accent sur l’obsession et l’opiniâtreté de Cynthia. Le dernier quart enchaînera les revirements et les rebondissements. Il suit Terry dans son enquête qui devient de plus en plus agressive. Ce genre de récit est courant en littérature. Barclay ne réinvente pas le genre et est tombé dans certains pièges : les longueurs et la redondance.

Les trois premiers quarts sont riches en indices, en petites observations intrigantes. L’intrigue est coriace…c’est la qualité de son défaut. Ça tient en haleine, d’autant que Terry prendra conscience de la folie d’une femme qui n’est rien de moins qu’un monstre. Toutefois, la motivation de cette femme est au cœur de milliers d’histoires comme celle-ci.

Je n’ai pas pu vraiment m’attacher aux personnages. Difficile de dire pourquoi mais une étincelle manquait. Certains même me tapaient sur le système comme Vince, ce petit dur qui me donnait l’impression de caricaturer un cowboy sortant d’un saloon avec l’envie de tuer.

Toutefois, je crois que le poids des forces excède celui des faiblesses. CETTE NUIT-LÀ est un suspense efficace doublé d’un thriller psychologique.

Le rythme est élevé, l’écriture efficace, le fil conducteur est solide et le tout maintient le lecteur ou l’auditeur dans une espèce de zone grise qui l’oblige à jongler avec des indices dont plusieurs sont très intéressants.

J’ajoute à cela que j’ai été enchanté par la performance narrative d’Eric Aubrahn qui a trouvé globalement le ton juste avec une signature vocale très distincte pour chacun des principaux personnages. CETTE NUIT-LÀ ne réinvente pas le genre, mais le thriller est fort bien ficelé et il m’a fait l’effet que j’attendais de lui : il m’a gardé captif.

Un thriller qui tient en haleine…à lire.

Suggestion de lecture : NE TE RÉVEILLE PAS, de Liz Lawler

Star aux États-Unis et en Angleterre, Linwood Barclay s’est fait un nom dans le club très fermé des grands maîtres du thriller. Belfond a déjà publié treize de ses romans, dont Cette nuit-là (2009), Fenêtre sur crime (2014), La Fille dans le rétroviseur (2016), ou encore la série des aventures de Zack Walker. Tous sont repris chez J’ai lu. Après Fausses promesses (2018 ; J’ai lu, 2019) et Faux Amis (2018), Vraie folie clôt la trilogie consacrée à la petite ville fictive de Promise Falls.

Bonne écoute
Claude Lambert

APOCALYPSE SUR COMMANDE, de KEN FOLLETT

*Dans le vignoble, l’eau monte jusqu’aux genoux des Travailleurs, jusqu’à leur taille, jusqu’à leur cou. Il essaie de crier pour prévenir ceux qu’il aime, leur dire de bouger maintenant, vite, dans les secondes à venir ! Mais il a beau ouvrir la bouche et faire des efforts désespérés, aucun son ne sort. La terreur le submerge. L’eau vient clapoter dans sa bouche ouverte. À ce moment-là, il se réveille.*

(Extrait : APOCALYPSE SUR COMMANDE, Ken Follett, le livre de poche,  1998, édition numérique. 432 pages, best-seller, éd. originale : Robert Lafont)

Des terroristes d’un nouveau genre provoquent des catastrophes naturelles. Allons-nous être menacés par des tremblements de terre, des éruptions volcaniques ou des raz de marée ? Sur l’écran du célèbre sismologue Michael Quercus, tout indique que le dernier tremblement de terre californien a été provoqué artificiellement. Les Soldats du Paradis, terroristes jusqu’alors inconnus, auraient-ils raison lorsqu’ils affirment être les auteurs du cataclysme ? Un deuxième séisme ébranle une petite ville, tuant les habitants et semant une panique meurtrière. Mais que veulent les Soldats du Paradis ? Comment s’y prennent-ils, jusqu’où iront-ils ? Et qui peut les arrêter ? 

Les soldats du paradis
C’est un lieu saint. Protégé par le secret
et les prières. Il est resté pur. Ceux qui Y
vivent sont libres tandis qu’au-delà de la
vallée, le monde a sombré dans la
corruption, l’hypocrisie, la déchéance et
la cupidité.
(Extrait)

C’est un thriller intéressant mais en-deçà du talent de Ken Follett, surtout spécialisé dans les thrillers politiques et historiques. Voyons le contenu : Une communauté hippie qui se fait appelée LES SOLDATS DU PARADIS squatte une vallée isolée de la Californie. Or cette vallée est choisie pour un projet de construction de barrage menaçant ainsi le petit paradis de la communauté dirigée par un psychopathe : Richard Priest.

Pour sauver sa vallée, Priest eut l’idée de voler un vibrateur sismique lui donnant le pouvoir de provoquer des tremblements de terre afin de forcer le gouverneur de l’État à négocier. L’idée est de déclencher des tremblements de terre de plus en plus puissants en utilisant un camion de sismologie abritant le puissant vibrateur, volé à une entreprise pétrolière.

Je crois que c’est l’originalité de l’histoire qui sauve l’ensemble. Provoquer des tremblements de terre sur commande est une trouvaille même si c’est peu crédible sur le plan scientifique. Le roman traîne en longueur dans sa première partie malgré l’action  soutenue.

Le récit comporte des irritants et des failles (sans jeu de mot) des sous-thèmes usés : une agente du FBI qui se bat à la fois contre un écoterroriste et ses chefs, cette même agente qui tombe en amour avec un expert en sismographie…banal et prévisible. La façon dont Priest échappe continuellement à ses poursuivants est toutefois bien travaillée.

Si les sous-thèmes sont surexploités, on ne peut pas en dire autant du thème principal. Le mot APOCALYPSE est nettement exagéré. Je n’ai pas senti d’intensité dramatique…pas d’éléments anxiogène. L’action n’est issue que de la course-poursuite.

L’histoire de la communauté qui vit à l’écart de la Société dans un espèce de jardin d’Eden est aussi un thème usé mais la façon dont Follet le développe est intéressant. Malheureusement, le tout se banalise avec le caractère psychopathe du gourou qui mène la barque. Retour à la case de départ. J’aurais souhaité que l’ensemble soit mieux travaillé, mieux abouti avec une intensité dramatique digne du thème.

Un tremblement de terre qui peut provoquer des milliers de mort, ce n’est pas rien. La menace écoterroriste fait de plus en plus partie de la triste réalité des capacités humaines à verser dans le mal. Donc je crois qu’une touche de réalisme n’aurait pas fait tort à l’histoire. Quelques rebondissements, des revirements, mais peu d’émotions. 

Enfin, Une petite communauté, vivant dans un petit lopin de terre bordé par une rivière, prête à tuer des milliers d’êtres humains pour sauver un paradis remplaçable…ça parait très gros. Évidemment ça met en évidence la folie du gourou. Les gourous cinglés pullulent dans l’histoire et dans la littérature. Le jeu n’en vaut tout simplement pas la chandelle.

Je continue d’apprécier Ken Follett car il nous a donné entre autres deux séries extraordinaires : LES PILLIERS DE LA TERRE une des meilleures trilogies historiques de la littérature et la trilogie LE SIÈCLE. Plusieurs autres livres ont fait époque dont LE RÉSEAU CORNEILLE et CODE ZÉRO. Pour ce qui est de APOCALYPSE SUR COMMANDE, j’ai pas aimé, tout simplement.

Suggestion de lecture : A COMME APOCALYPSE, de Preston & Child

Ken Follett est un écrivain gallois spécialisé dans les thrillers politiques. Il est né le 5 juin 1949. Alors qu’il était étudiant pendant la guerre du Vietnam, il s’est pris peu à peu de passion pour  la politique et le journalisme. L’écriture suit rapidement. Si le succès tarde un peu à venir, déjà en 1978, son livre L’ARME À L’ŒIL connait un succès foudroyant et devient le premier d’une longue série de best-seller.

Le point culminant de sa carrière est atteint avec LES PILIERS DE LA TERRE qui devient rien de moins qu’un succès planétaire. Fort de ce succès, il entreprend dès 2009 l’écriture de la trilogie LE SIÈCLE. Parallèlement, Follett dirige un institut de dyslexie et soutient une association de lutte contre l’analphabétisme.

SUGGESTIONS DE LECTURE’, DU MÊME AUTEUR :

Pour lire mon commentaire sur la trilogie LE SIÈCLE, cliquez ici
Pour lire mon commentaire sur CODE ZÉRO, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 15 août 2021

HIVER ROUGE, par l’auteur du VILLAGE : DAN SMITH

*Serrant les dents, je baissai la tête. J’avais besoin de ma famille. Elle seule pourrait dissiper les ténèbres qui, chaque jour un peu plus, engloutissaient mon âme. Elle était forcément là, quelque part. Il fallait que je la trouve.* (Extrait : HIVER ROUGE, Dan Smith, t.f. : Éditions du Cherche-Midi,  collection thrillers, 2015, édition numérique et de papier, 470 pages)

1920, Russie centrale. La terreur s’est abattue sur le pays. À la mort de son frère, Nikolaï Levitski a déserté l’Armée rouge pour aller l’enterrer dans son village. Mais lorsqu’il arrive dans la petite communauté, perdue en pleine nature, c’est la stupéfaction. Les rues sont vides et silencieuses. Les hommes ont été massacrés dans la forêt alentour, les femmes et les enfants ont disparu. Nikolaï se met alors sur la piste des siens. C’est le début d’une quête aussi désespérée que périlleuse dans une nature hostile, au cœur d’un pays ravagé par la guerre civile.

 

La sombre réalité du totalitarisme
*on les tuera tous. Je nous imaginai, nous barricadant
dans cette isba minuscule au toit crevé pour attendre
Larrivée de Kroukov et de son unité de soldats bien
entraînés, mais ce scénario ne pouvait sachever que dans
Un bain de sang. Le nôtre.*
(Extrait : HIVER ROUGE)


Nikolaï Levitsky, soldat déserteur, ancien membre de la Tcheka s’est réveillé à peu près à temps pour se rendre compte que la Tcheka n’était qu’un vaste crime contre l’humanité allant au-delà de toutes les horreurs imaginables. La Tchéka n’est qu’une des idées tordues et idiotes de Lenine pour mettre le peuple russe au pas en utilisant la terreur et la violence.

Donc nous sommes en 1920, à la mort de son frère Alek, Nilolaï déserte l’armée pour regagner son village afin d’enterrer son frère. À son retour au village, stupéfaction et consternation.

Nikolaï constate avec horreur que tout le monde a été massacré ou enlevé. La vision d’horreur qui s’offrait à lui prouvait la visite des exécuteurs les plus cruels de la doctrine bolchévique : les tchékistes. Alors, le déserteur entreprend une quête qui sera très dure : retrouver sa famille disparue, sa femme Marianna et ses fils Pavel et Micha. 

Tout en avançant et en se faisant quelques rares alliés, Nikolaï développe la certitude que le redoutable Kochtchei, personnage horrible et cruel des contes russes se serait incarné pour faire souffrir davantage le peuple russe.

Cette histoire, très bien ficelée développe donc une quête très rude au cœur de l’immensité glaciale de la Russie et qui met en perspective les abus du totalitarisme qui n’a jamais eu de respect pour la vie humaine :

*Rien de ce que j’avais pu voir au cours de la guerre n’était plus perturbant que le tableau macabre qui s’offrait à mon regard. Après toutes ces années, je ne savais que trop bien de quelles horreurs les hommes étaient capables les uns envers les autres, mais je n’avais jamais vu une telle variété d’atrocités… * (Extrait) 

La plume est très directe, très dure. Je n’ai pas eu l’impression de *poudre aux yeux*. Une petite recherche rapide confirme les bassesses sans noms imposées par des dégénérés comme Lenine au nom de la révolution.

L’ouvrage est donc crédible et son caractère réaliste est de nature à secouer le lecteur : *Et merci à vous. –Pourquoi ? –Pour ne pas m’avoir tué. » Et ces mots confirmèrent pour moi quel terrible pays notre patrie était devenue, pour qu’un homme arrive à en remercier un autre de l’avoir laissé vivre. * (Extrait) 

Le livre aurait pu s’intituler HIVER ROUGE dans un enfer blanc, tellement l’auteur met en évidence la rudesse du climat de l’hiver russe : froid mordant, neige, glace, vents, bourrasques. Survivre dans ces conditions est un pari.

La justesse du ton et la sensibilité de la plume m’ont atteint. On y trouve des éléments de réflexion sur la valeur de la vie et les difficultés pour des sociétés de s’organiser dans le respect des droits et libertés face à la soif de pouvoir et d’ambition de bouchers despotes comme Lénine et Hitler qui ont répandu leur crasse sur l’histoire. 

Je n’ai pas réussi à m’attacher totalement au personnage principal entre autre à cause de son stoïcisme et parce qu’il avait beaucoup de choses à cacher jusqu’à la fin. Mais son enquête est très intrigante. Et cette intrigue, elle est bien bâtie. Elle mystifie le lecteur autant que le caractère enveloppant de la forêt russe.

C’est un roman de tension et de violence qui donne une place, petite mais douce, à l’amour et à l’amitié. C’est une lecture qui secoue et qui ne laisse pas indifférent…un coup de cœur.

Suggestion de lecture : GRAVÉ SUR CHROME, de William Gibson

Dan Smith a grandi en suivant ses parents de par le monde. Il a vécu en de nombreux endroits, notamment en Sierra Leone, à Sumatra, dans le nord et le centre du Brésil, en Espagne et en Union Soviétique.

Son premier roman, DRY SEASON, a fait partie des œuvres sélectionnées pour le BEST FIRST NOVEL AWARD de l’Authors’club et a été nominé pour le prix littéraire international IMPAC d Dublin. Juste avant la publication de HIVER ROUGE, son livre LE VILLAGE a connu un grand succès.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 18 juin 2021

PROJET ELEONOR 1, CONTACT, Yohan Maltais

*Le visage de la terre était en train de changer et
ce n’était qu’une question de temps avant que ce
château de cartes social ne s’écroule.*
(Extrait : PROJET ÉLÉONOR CONTACT, Yohan
Maltais, AdA éditions 2018, édition de papier, 500 p.)

2125. L’OMS annonça la venue d’une nouvelle pandémie qui allait s’étendre à la planète entière. À ce rythme, vingt années auraient suffi à mener la race humaine à une extinction totale. West corporation arriva tel un sauveur en annonçant la création d’un vaccin qu’ils nommèrent HOPE. La pandémie frappa durement.

Une migration naturelle vers les grandes villes s’amorça, rayant de la carte des milliers de petites bourgades ce qui redessina les frontières de monde. Londres 2149. Dylan Thomas, est assailli par de violentes migraines qui déclenchent des visions de son futur. Il devra braver le froid, la peur et la mort pour connaître la vérité.

DES BRIDES DU FUTUR
*Étranglé par une douleur profonde, aucun
son ne sortit de sa gorge serrée.  Elle ne
savait plus si elle voulait en connaître
davantage. Et ce qu’elle avait vu n’était
que la pointe de l’iceberg ?*
(Extrait)

PROJET ÉLÉONOR nous plonge dans un monde futuriste où les nouvelles technologies biogénétiques et cybernétiques sont poussées au-delà de l’entendement au profit d’un scientifique psychopathe tordu et givré. Un monstre sans conscience appelé George Weller.

Ce cinglé dirige dans l’ombre un projet ultra secret protégé par une façade, une puissante compagnie dirigée par Allan West qui a créé le vaccin HOPE. Le projet ultra secret appelé Éléonor travaille à régénérer les tissus humains et à augmenter leurs capacités.

Je ne peux pas en dévoiler plus sans spolier mais rappelons-nous que la nanorobotique peut altérer un être humain au point d’en faire une machine biologique meurtrière qui obéit aux ordres programmés. Le lecteur pourrait être surpris d’apprendre la véritable nature du vaccin HOPE.

L’histoire est celle de trois personnes intimement liées : Peter, un agent des forces spéciales, Sophie, une scientifique en recherche pour la Société West et Dylan, un oncologue qui joue un rôle-clé dans le récit.

Les trois personnages subissent l’attraction d’un système pourri et inhumain à la tête duquel, agissant dans l’ombre se trouve George Weller, un être immoral aussi puissant que monstrueux. La deuxième moitié du livre se concentre sur Dylan Thomas, activement recherché par Weller. Dylan cherche à connaître la vérité et surtout à la comprendre.

La technique d’écriture de ce livre rappelle les scénarios de film d’action, forte et très visuelle. J’ai dû persévérer pour lire le livre au complet. Je ne l’ai pas regretté mais j’ai trouvé ça un peu ardu. Le fil conducteur est fragile. Il y a beaucoup de personnages, de forces mystérieuses et d’éléments qui s’entrecoupent.

Il faut vraiment se concentrer sinon, on perd le fil rapidement. En contrepartie, le récit décrit avec habileté une ambition démesurée dans une société dépassée par sa technologie :

*Chacun essayait de trouver sa place dans cette orgie technologique et en apparence, ils y arrivaient, mais en réalité, cette société façonnée, mécaniquement viable selon les modèles simulés, agonisait. * (Extrait)

Certains passages risquent d’ébranler le lecteur car Yohan Maltais a une écriture aussi directe que descriptive et ne fait pas dans la dentelle. Faites vos propres découvertes mais notez bien cet extrait : C’est de la putain de science-fiction ! pesta Sandy en attrapant le verre sèchement. Votre compagnie est le diable incarné.* (Extrait) Science-fiction ? oui.

Mais j’ai trouvé ce récit réaliste à bien des égards. Il fait peur. Détail intéressant. J’ai trouvé une petite coquille que seuls les amateurs d’Harry Potter pourront comprendre :

*Ces sphères détenaient tous les secrets du monde et par leur allure rappelaient vaguement les «vifs d’or» d’une ancienne histoire de magicien, sans les ailes évidemment.*

Donc pour résumer, j’ai eu de la difficulté à entrer dans l’histoire, mais une fois qu’on a saisi la motivation des principaux personnages, on se laisse emporter par un récit au rythme élevé devenant effréné dans le dernier quart. C’est bourré de trouvailles technologiques. Beaucoup d’action, de rebondissements mais on peut perdre le fil facilement.

Au début de cet article, j’ai dit que PROJET ÉLÉONOR nous plonge dans un monde futuriste. Ça va plus loin que ça en fait, c’est une chute dans la démesure. Je crois que j’attaquerai avec plaisir le tome 2.

Suggestion de lecture : LE CYCLE DE FONDATION, d’Isaac Asimov

NOTE SUR L’AUTEUR

Je n’ai malheureusement trouvé aucune information utile sur l’auteur Yohan Maltais à ce jour. En fait,  en matière d’édition, je n’ai jamais trouvé une mise en marché aussi peu intéressée, aussi peu soignée.

J’ai quand même lu ce livre et j’ai décidé de le commenter pour la simple raison qu’au moment de publier cet article, notre planète est aux prises avec la pandémie du COVID 19 et que la distribution d’un vaccin à l’échelle du monde est plus que douteuse.

L’auteur n’a probablement pas prévu cette pandémie mais l’a imaginée en y ajoutant un projet diabolique à glacer le sang. J’ai donc choisi d’en parler à cause d’un évident lien entre cette histoire et l’actualité.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 20 février 2021

La jeune fille et la nuit, de GUILLAUME MUSSO

*…C’était un corps. Le cadavre d’une femme, abandonné
sur les rochers. Plus elle s’approchait, plus elle était
saisie d’horreur. Ce n’était pas un accident. Le visage
de la femme avait été fracassé pour n’être plus qu’une
bouillie sanguinolente. <Mon Dieu>.*
(Extrait : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, Guillaume Musso,
Calmann-Lévy éditeur,  2018, édition de papier, 435 p. )

Un campus prestigieux figé sous la neige
Trois amis liés par un secret tragique
Une jeune fille emportée par la nuit
Côte d’Azur – Hiver 1992

Une nuit glaciale, alors que le campus de son lycée est paralysé par une tempête de neige, Vinca Rockwell, 19 ans, l’une des plus brillantes élèves de classes prépas, s’enfuit avec son professeur de philo avec qui elle entretenait une relation secrète. Pour la jeune fille, « l’amour est tout ou il n’est rien ». Personne ne la reverra jamais.

Côte d’Azur – Printemps 2017
Autrefois inséparables, Fanny, Thomas et Maxime – les meilleurs amis de Vinca – ne se sont plus parlés depuis la fin de leurs études. Ils se retrouvent lors d’une réunion d’anciens élèves.

Vingt-cinq ans plus tôt, dans des circonstances terribles, ils ont tous les trois commis un meurtre et emmuré le cadavre dans le gymnase du lycée. Celui que l’on doit entièrement détruire aujourd’hui pour construire un autre bâtiment. Dès lors, plus rien ne s’oppose à ce qu’éclate la vérité…

Dérangeante
Douloureuse
Démoniaque

FRANÇAIS À OUTRANCE
<C’est ce que je n’ai jamais aimé
chez les types comme toi
Stéphane : cette intransigeance,
ce côté procureur et donneur de
leçons. Le Comité de salut public
version Robespierre. >
(Extrait: LA JEUNE FILLE ET LA NUIT)

LA JEUNE FILLE ET LA NUIT attire le lecteur dans une toile complexe, machiavélique. C’est un thriller que je peux qualifier de psychologique car il met plusieurs personnages en position d’introspection.

L’histoire est celle de Thomas Degalais, un écrivain qui traîne avec lui depuis 25 ans un secret très lourd. En effet, avec la complicité de ses inséparables amis, Fanny et Maxime, ils commettent un meurtre et emmurent le cadavre dans le gymnase de leur lycée.

Vingt-cinq ans plus tard, Maxime apprend à Thomas que le gymnase sera détruit pour faire place à la construction d’un nouveau bâtiment. Le secret enfoui risque d’être révélé et il y a pire. Quelqu’un est au courant du drame…quelqu’un qui veut se venger. Thomas se rend sur place, secoué par une insidieuse angoisse.

Si l’histoire est celle de Thomas, le pivot, le personnage central de ce récit est une jeune fille très spéciale : Vinca Rockwell, le genre de fille qui fait pâmer tous les garçons, entière, authentique, belle comme le jour et sensuelle. On connaîtra aussi son côté volage et passionné et plus encore…une sirène capable d’intrigues et de manipulation.

Or après le meurtre d’Alexis Clément, Vinca disparaît mystérieusement et on ne la reverra jamais. Après 25 ans, le mystère n’est pas résolu. On sait toutefois qu’Alexis Clément, tué et emmuré au lycée était le professeur de philosophie de Vinca et les deux étaient passionnément amoureux mais où est-elle. Ce n’est qu’une toute partie de l’engrenage.

L’intrigue est intense, prenante et complexe. Elle promène le lecteur et la lectrice d’un rebondissement à l’autre. Il (elle) doit composer avec de nombreux revirements, beaucoup d’imprévus, d’erreurs sur la personne. Impossible pour le lecteur d’établir un pronostic, il ne sera jamais bon.

C’est la force du livre : l’intrigue est prenante jusqu’à la fin parce que farcie de retournements et de révélations improbables qui débouchent sur une finale toute aussi imprévisible même si je la trouve un peu tirée par les cheveux. C’est un récit fort, mis en relief par une écriture fluide et audacieuse. Ne vous fiez pas trop au quatrième de couverture. Je l’ai trouvé un peu simpliste.

On a voulu être original peut-être mais le synopsis ne témoigne pas vraiment de l’intensité du récit. Comme il y a de nombreux retours en arrière, 25 ans, ce qui nous amène dans les années 1990, j’ai apprécié les nombreuses références sociales et culturelles qui caractérisent cette époque et qui *tapissent* le récit.

En matière de faiblesses, je viserai d’abord le fil conducteur du récit. Il est difficile de s’y accrocher car il prend de nombreuses directions donnant ainsi l’impression que Musso a voulu un peu trop en mettre. Le texte comporte beaucoup de clichés et est un peu trop politisé à la française. Quant aux personnages, je les ai trouvé peu convaincants.

Certains frôlent la caricature si je me réfère en particulier à Vinca dont le magnétisme est exacerbé ou Thomas, un parfait mollasson. Il m’a été impossible de m’attacher aux acteurs de ce drame. J’ai toutefois apprécié Stéphane Pianelli, un journaliste redoutable qui joue un rôle important allant même jusqu’à donner quelque sueur.

Il faut aussi se concentrer quelque peu car des personnages, il y en a beaucoup et plusieurs sont tordus. Ici, c’est donc l’intrigue qui fait pencher la balance. Sa construction est solide et bien sûr, je dois tenir compte de l’effet qu’elle a eu sur moi : À partir du milieu du récit, le livre est devenu *tourne-page* et j’ai développé une addiction.

Un dernier petit point intéressant : ce livre sent la Côte d’Azur à plein nez. Guillaume Musso étant né à Antibes, il n’est pas étonnant de trouver de nombreuses références géographiques un peu comme Stephen King se réfère souvent au Maine dont il est natif. Ça donne au récit un côté rafraîchissant. À lire donc : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT

Suggestion de lecture : IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

De roman en roman, Guillaume Musso a noué des liens particuliers avec les lecteurs. Il a pris goût à la lecture à l’âge de 10 ans et s’est mis à rêver d’écrire un roman…un jour. Né en 1974 à Antibes, il a commencé à écrire pendant ses études et n’a plus jamais cessé. En 2004, la parution de ET APRÈS… consacre sa rencontre avec le public. Suivront notamment LA FILLE DE PAPIER, DEMAIN, CENTRAL PARK, UN APPARTEMENT À PARIS…traduits en quarante et une langues, plusieurs fois adaptés au cinéma, tous ses livres ont connu un immense succès en France et dans le monde.

Bonne lecture

Claude Lambert
Le samedi 6 février 2021

TOMBENT LES ANGES de MARLÈNE CHARINE

*Tu nous a fait quoi, là, Choupette ? Dit Boris, un
pli d’inquiétude sur le front. –Je ne sais pas vraiment.
Je suis entrée et j’ai été frappée par une vague de
détresse. Quelque chose de démesuré. De trop costaud
pour moi…C’était une émotion pure…Et puis le froid. Comme
les autres fois.*
(Extrait : TOMBENT LES ANGES, Marlène Charine, éditions
NL.com, 2017, éditions numérique, 1066kb, 274 pages)

Lors d’une perquisition de routine, Cécile, jeune policière désabusée vit une expérience hors du commun qui va faire basculer son existence. Audrey, jolie infirmière de 25 ans met fin à ses jours dans la salle de bain de son luxueux appartement du XVe arrondissement. Elle ne s’y trouve pas seule. Contactée par le lieutenant Kermarec, Cécile n’a pas d’autres choix que d’écourter ses vacances forcées. Et après tout, il est bien le seul à ne pas la prendre pour une cinglée. Ainsi Cécile se lance dans une enquête qui chevauche le surnaturel…une enquête troublante…

ÉMOTIONS À CHAUD
*Un frisson la traversa de part en part.
Elle entoura la tasse de ses paumes,
but une nouvelle gorgée. Les cinq
paires d’yeux fixés sur elle
commençaient à la mettre mal à
l’aise. Surtout avec ce qu’elle était en
train de raconter.*
(Extrait: TOMBENT LES ANGES)

TOMBENT LES ANGES est un thriller policier avec du paranormal en toile de fond. Ça ne réinvente pas le genre mais je l’ai trouvé bien ficelé.  La trame est simple et facile à suivre : une policière à la limite dépressive reprend du service à la demande du lieutenant Merlin Kermarec. Une mort qui a toutes les apparences d’un suicide, mais quelque chose cloche.

L’affaire s’annonce complexe. La policière, Cécile Rivère, a un don. Elle peut voir des entités et ressentir des choses. C’est un don très rare. Mais peut-on faire avancer une enquête sur des preuves surnaturelles ? Le défi de l’auteure était d’insérer le surnaturel à l’enquête tout en demeurant crédible. C’est là l’originalité de l’œuvre. Le point fort.

Autre élément intéressant qui contribue à la crédibilité du récit est le fait que Cécile a peur de son don, elle le craint. Elle l’utilise une fois forcée ou avec parcimonie. Mais dans l’enquête sur la mort d’Audrey, l’infirmière, des entités appellent à la vengeance et leur force est telle que Cécile ne peut la contourner.

Il lui reste à utiliser cette force pour déterminer comment exactement Audrey est morte. Car il est clair pour les policiers qu’il ne s’agit pas d’un suicide. L’enquête est bien travaillée, l’intrigue va crescendo et la finale réserve une surprise. J’en ai eu un petit frisson dans le dos. Mission accomplie pour Marlène Charine, elle m’a tenu en haleine.

Je signalerais peut-être un dernier élément qui m’a plu. Le ou les coupables est ou sont particulièrement monstrueux (Je ne veux pas être trop précis pour ne pas vous enlever le plaisir de la découverte).

L’auteure aurait pu gaver son récit de passages croustillants et d’épisodes de charcutage sanglants, un peu comme l’a fait Sénécal avec LES 7 JOURS DU TALION, mais ce n’est pas le cas. Ça reste très violent mais j’ai senti une retenue de l’auteure et elle a bien servi la trame, particulièrement dans le dernier quart du récit que je peux qualifier de haletant.

Il y a deux irritants principalement. Je les signale même s’ils ne nuisent pas trop à l’œuvre. L’auteure s’étend beaucoup sur l’état d’âme des policiers Rivère et Karmerec, des êtres *bardassés* par la vie, qui ont passé de sales quarts d’heures, qui maudissent leurs supérieurs mais qui sont définitivement policiers jusque dans l’âme.

Et puis, il y a l’inévitable petite romance entre les deux…un petit sentiment, un peu de sexe, quelque chose qui ressemble d’abord à l’amour d’un grand frère et qui devient par la suite plus ou moins mal défini.

Les états d’âme et la romance sont deux clichés extrêmement courants en littérature policière. Il m’arrive toutefois de lire des romans policiers qui sont exempts de ces clichés ennuyeux et bouche-trous. Je ne l’ai pas fait souvent jusqu’à maintenant. Petit point positif, dans le livre de Charine, le sexisme est combattu…jusqu’à un certain point.

Donc en conclusion et pour résumer, TOMBENT LES ANGES développe une enquête extrêmement intrigante. En passant le titre est très bien choisi, vous découvrirez pourquoi. Tout est brillamment lié, tension constante et atteignant un paroxysme à la fin.

Bien que certains passages soient tirés par les cheveux, l’appel au surnaturel demeure crédible. L’auteure a évité la caricature et provoque l’empathie. Bref, un très bon livre qui mérite d’être lu.

Suggestion de lecture : LE SANCTUAIRE DU MAL, de Terry Goodkind

Marlène Charine est une auteure scientifique et nouvelliste suisse née en 1976. Le nez en permanence plongé dans un livre depuis l’enfance, Marlène Charine a sauté le pas de l’écriture il y a un quelques années. Sans doute pour compenser la rigueur de son métier scientifique, ses récits, romans ou nouvelles, ont tous une saveur d’imaginaire. Le Projet Alice, un thriller teinté d’anticipation, est son premier roman.

Intéressé à lire mon commentaire sur le tout premier roman de Marlène Charine ? Cliquez ici.

BONNE LECTURE
Claude Lambert

Le dimanche 31 janvier 2021