HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION

Commentaire sur le collectif dirigé par
JAMES CAMERON

*La science-fiction a toujours été à l’origine de profonds questionnements :
Qu’est-ce qu’un être humain ? Quel est le sens de notre existence ?… Sommes
nous appelés à périr ou à évoluer encore et encore…le genre n’a pas peur de
contempler les plus insondables abysses philosophiques. *
(Extrait : HISTOIRE
DE LA SCIENCE-FICTION, Collectif dirigé par James Cameron, Mana Books
éditeur, 2019, livre illustré, version papier, 225 pages).

ÉCRIVAINS :
Radall Frakes, Brooks Peck, Sidney Perkowitz, Matt Singer, Gary K. Wolfe et Liss Yaszeck

RÉALISATEURS ET CINÉASTES INTERWIEVÉS :
Guillermo Del Toro, George Lucas, Christopher Nolan, Arnold Schwarzeneger, Ridley Scott et Steven Spielberg, James Cameron

DIRECTION ET INTERVIEWS :
James Cameron

PRÉFACE : Randall Frakes     POSTFACE : Broocks Peck

Pour mettre en perspective l’histoire et l’évolution de la science-fiction, le réalisateur de TITANIC James Cameron conduit personnellement des entretiens avec Guillermo del Toro, George Lucas, Christopher Nolan, Arnold Schwarzenegger, Ridley Scott et Steven Spielberg sur leur vision du genre, sur son impact et son évolution. Ces cinéastes primés nous entraînent dans des discussions fascinantes autour des extraterrestres, des voyages temporels, des intelligences artificielles ou encore des épopées spatiales.

Divertir et pousser au questionnement
*Je pense que nous manquons de fictions
opposant foi et science. Pour moi, la foi
relève de la superstition, et la science
est le seul chemin vers la vérité *
(James Cameron, extrait)


James Cameron avec Guillermo Del Toro (Hell boy, le labyrinthe de Pan…)

C’est un beau livre, grand format, abondamment illustré, composé principalement de six entrevues qui racontent et imagent l’histoire de la science-fiction et tentent d’expliquer les frontières qui sont autant de zones grises entre la science-fiction et la science : *…le plus intéressant, lorsque l’on est dans cette industrie depuis si longtemps, c’est que l’on voit des choses qui relevaient de la science-fiction devenir de la vraie science. * (Arnold Schwarzenegger, interviewé par James Cameron)

Cinq de ces entrevues sont réalisées par James Cameron : Guillermo Del Toro, George Lucas, Christopher Nolan, Arnold Schwarzenegger et Ridley Scott. L’auteur-concepteur est lui-même interviewé par Randall Frakes. Une grande quantité de sous-thèmes sont développés comme l’éthique et les dérapages technologiques, le caractère précurseur de la science-fiction et les questions que la science-fiction suscite dévoilant ainsi un certain aspect philosophique du genre :

*Mais les questions existentielles font partie intégrante de la science-fiction. Qui sommes-nous? Pourquoi existons-nous? Qu’est-ce que la conscience ? Qu’est-ce que l’âme ? Qu’est-ce qui fait de nous des humains? * (Extrait : Guillermo Del Toro, interviewé par James Cameron) À tous ces questionnements, je pourrais ajouter celui-ci, car il est abordée par les six participants : Sommes-nous seuls dans l’univers ? 

Autre observation, importante je crois : les participants tentent d’établir la différence, voir la frontière entre la science-fiction, l’épouvante, le fantastique et l’horreur avec leurs sous-thèmes comme le gore ou le gothique. Avec un tel ouvrage, j’observe que, si le cinéma demeure un divertissement, il véhicule pourtant beaucoup de matière à réflexion.

Voilà ce qu’est cet ouvrage principalement, une bonne analyse du genre qui laisse le libre arbitre aux lecteurs-lectrices. Étant moi-même depuis toujours mordu de science-fiction et de fantastique, ce livre m’a rappelé de beaux souvenirs. Je l’ai dévoré. C’est un livre très bien développé, bien documenté, enrichi d’archives personnelles et des nombreux souvenirs des six intervenants.

L’ouvrage a certains irritants qui pourront être perçus différemment d’un lecteur à l’autre : toutes les entrevues comportent des passages d’auto-flatterie, quelques échanges dithyrambiques et un étalage de connaissances parfois poussées à outrance. Personnellement, ça m’énerve, mais j’ai pu surmonter ce détail car HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION m’est apparu comme un ouvrage hautement iconographique, attractif et dont la mise en page est d’une exceptionnelle qualité.

Les nombreux souvenirs que ce livre a fait remonter en moi me donnent le goût de replonger dans cet univers cinématographique en constante évolution. J’ai beaucoup apprécié enfin les nombreuses références à la rampe de lancement que constitue la littérature au cinéma. Un très bon livre qui enrichira je crois, votre bibliothèque.

Suggestion de lecture : HISTOIRES À LIRE AVANT LA FIN DU MONDE, collectif

James Cameron, diplômé en physique a réalisé entre autres, ALIENS LE RETOUR (1986), ABYSS (1989), TERMINATOR 2 LE JUGEMENT DERNIER (1994) TITANIC (1997, récompensé par 11 Oscars, dont celui du meilleur réalisateur et AVATAR. Notez qu’à ses débuts dans l’industrie cinématographique, Cameron était spécialiste des effets spéciaux. Il avait été engagé par un réputé producteur des années 1980, Roger Corman. Cette expérience exceptionnelle lui a été profitable et utile tout au long de sa carrière de réalisateur. Dans HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION, l’entrevue avec James Cameron a été réalisée par le scénariste Randall Frakes.


AVATAR de James Cameron. Coût de production, plus de 500 millions…un record historique.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 7 mai 2023

CITIZEN SPIELBERG, le livre de John Baxter

*Ses films sont… des machines à ravir, un but qu’ils
atteignent presque toujours, et ce, pour une raison
assez évidente : son fond de commerce est ce que
les auteurs de science-fiction…appellent la
<capacité d’émerveillement>. *
(Extrait : CITIZEN SPIELBERG, John Baxter,  Nouveau
Monde édition, 2004, format numérique, 4512 Kb)

Moins audacieux que ses compatriotes Coppola, De Palma et Scorsese, le cinéaste Steven Spielberg n’en a pas moins dominé le box-office pendant plus d’une génération avec une spectaculaire filmographie: Jaws, E.T., Indiana Jones, Schindler’s List, Jurassic Park, Minority Report… Après avoir signé des biographies de Stanley Kubrick et Woody Allen, John Baxter trace le portrait de cet artisan infatigable, maniaque du détail et de l’organisation, dont les œuvres ont contribué à maintenir la puissance d’attraction du cinéma américain dans le dernier quart du 20e siècle.

Voir.ca janvier 2005

Celui à qui tout semble réussir
*Cette soif du public de savoir comment est Spielberg <en vrai > demeure
insatiable. Sa personnalité et son physique sont si banals et ses
déclarations publiques si neutres que tout le monde soupçonne un
Spielberg secret de se cacher sous cette apparence négligée. *
(extrait)

Voici un survol de cet imposant ouvrage par NOUVEAU MONDE. Je ne pourrais mieux m’exprimer quant au contenu : Des années 1970 à nos jours, Steven Spielberg domine de façon écrasante le cinéma américain. Maître incontesté du divertissement mêlant action, effets spéciaux et bons sentiments, il a accumulé plusieurs dizaines de succès au cinéma et rassemblé des milliards de spectateurs dans le monde entier, plus qu’aucun autre réalisateur avant lui. Devenu l’un des hommes d’affaires les plus riches d’Hollywood, il en est aussi l’un des producteurs les plus influents et respectés.

Les secrets d’une telle réussite ne se laissent pas facilement percer, tant l’homme s’acharne à donner une image d’extrême banalité et exerce un contrôle impitoyable sur tous ses collaborateurs. Pourtant, à l’issue d’une enquête minutieuse, l’auteur a réussi à reconstituer au plus près sa vie professionnelle – et le peu de place qu’elle laisse à sa vie privée.

Se dessine alors le portrait d’un adolescent, meurtri par une blessure familiale, qui s’étourdit dans la passion du cinéma. Un garçon timide qui « sèche » les cours de la fac pour se rendre tous les jours aux studios Universal – où on ne le connaît pas – pour prendre place dans un bureau inoccupé sur lequel il a posé une plaque à son nom !

Après deux ans passés à côtoyer tous les techniciens du cinéma, il en sait plus que quiconque sur les techniques du film et parvient à devenir réalisateur. C’est dans les années 1970 qu’il élabore son système de travail, avec une équipe de collaborateurs triés sur le volet, et devient un homme d’affaires maniaque du contrôle, jusqu’aux plus petits détails.

Si Spielberg, devenu père, reste tout au long de sa carrière attaché à des thèmes proches de l’enfance (E.T., Peter Pan), il tente néanmoins des sujets plus « adultes ». Après quelques semi-échecs, il y parvient pleinement avec La Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan qui marquent une nette maturation psychologique. Depuis le milieu des années 1980, celui à qui tout semble réussir doit à chaque fois prouver qu’il peut encore étonner. Jusqu’où ?

Voilà ce qui vous attend. L’histoire d’un homme exigeant pour lui-même et pour les autres, un perfectionniste devenu génie. Il a beaucoup de points en commun avec Georges Lucas, le concepteur de STAR WARS qu’il a beaucoup côtoyé. Personnellement, avec Hitchcock, Spielberg est le réalisateur qui m’a le plus impressionné par son imagination et son souci du détail et plus encore car de chacun de ses films, sort quelque chose de positif, de moralement satisfaisant et d’émouvant.

L’émotion est la locomotive de Spielberg. Aujourd’hui, je regarde encore avec délectation DUEL, LES GOONIES, LA COULEUR POURPRE, SUPER 8. Jamais je ne m’en lasse. Les films de Spielberg demeurent résolument actuels. Pourquoi ? Le livre de Baxter contient beaucoup de réponses quant aux questions qu’on peut se poser sur un homme qui a réactualisé le sens de l’émerveillement à l’échelle de la planète.

Une œuvre aussi imposante présente au moins un irritant. La présentation est très lourde et davantage dans le format numérique. Les paragraphes sont *ramassés en paquets*. Le texte est très peu ventilé. Il est possible aussi que le souci du détail de Spielberg ait déteint sur John Baxter. L’ouvrage est détaillé sensiblement à outrance. L’auteur imbrique la vie professionnelle de Spielberg avec sa vie privée, si on peut appeler ça une vie privée.

Disons qu’elle est passablement compliquée et que plusieurs passages du livre sont un peu indigestes. Mais Baxter a eu le talent de faire apparaître la naissance du génie de Spielberg et d’en rapporter l’évolution avec une très belle fidélité. Je vous invite donc à faire la connaissance d’un Maître et de remonter le temps avec lui : CITIZEN SPIELBERG.

Suggestion de lecture : GEORGE LUCAS, UNE VIE, de Brian Jay Jones

John Baxter est un écrivain, journaliste et cinéaste d’origine australienne né en 1939 en Nouvelle-Galles du Sud. Il a commencé à écrire la science-fiction dans les années 1960 pour Science Fantasy entre autres. Il a produit plusieurs documentaires et écrit un grand nombre d’ouvrages traitant des films, acteurs et réalisateurs y compris les biographies de personnalités du cinéma, Steven Spielberg, Stanley Kubrick, Woody Allen, George Lucas.

Quelques chefs d’œuvre de Spielberg

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 avril 2023

HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE, de Marc Thil

*Ce chien a l’air tout jeune. Il n’est peut-être pas étonnant qu’il soit perdu. Il aura eu du mal à retrouver sa maison. Ça expliquerait tout…Mais comment faire pour retrouver son maître? *
(extrait : HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE, auteur, éditeur et narrateur : Marc Thil. Durée d’écoute 55 minutes. Pour les 8-12 ans. Aussi disponible en papier et au numérique.)


Arthur, Fred et Lisa trouvent un chien abandonné devant leur maison. À qui appartient ce beau chien ? Impossible de le savoir. À partir d’un seul indice, le collier avec un nom : Gribouille, les enfants vont enquêter. Mais qui est le mystérieux propriétaire du chien ? Pourquoi ne veut-il pas révéler son identité ? Et la petite Julie qu’ils rencontrent, pourquoi a-t-elle tant besoin de leur aide ?

Un mystère résolu par des enfants
*…l’inconnu n’en dit pas plus et raccroche. –C’est notre
voleur assure Fred. Je l’ai reconnu à sa voix. Encore
une fois, il était pressé et peu sympathique. C’est bien
lui…
(Extrait)

Voici un brillant petit opus imaginé par un écrivain passionné, Marc Thil, véritable homme-orchestre qui a écrit l’histoire, en a fait la narration et a même fait l’accompagnement musical. Marc Thil adore écrire pour les enfants, ça m’a paru très évident dans cette mignonne petite histoire dont les héros sont des enfants.

Arthur, Fred et Lisa croisent un chien qui semble perdu. Ils décident d’amener le chien avec eux et d’entreprendre une recherche pour trouver son propriétaire. En principe, ça devait être facile en publiant une simple annonce mais les enfants ont eu une petite surprise. Pendant leur enquête, ils ont rencontré une petite fille appelée Julie, affligée par un handicap qui lui déforme le dos. Julie aurait un lien avec ce chien appelé Gribouille. Ce petit mystère sera résolu par des enfants décidés à se mettre en mode solution.

Pour des observateurs littéraires, le défi dans ce genre de lecture est d’essayer le plus possible de se mettre dans la peau des enfants à partir de 7 ans afin de comprendre leur logique d’enfant et leur perception des difficultés qu’ils peuvent vivre. Ce n’est pas toujours facile quand cette espèce de pureté est loin en arrière de nous.

Mais j’ai aimé ce que j’ai lu et entendu et j’ai apprécié la qualité d’approche des enfants par l’auteur ainsi que les petites matières à réflexion amenées tout en douceur: une vertu qui manque cruellement à notre Société, la tolérance, l’acceptation des différences, sans oublier les bienfaits de la zoothérapie et un des plus belles valeurs apportées par la vie : l’amitié :

<Tu viendras chez nous et nous continuerons de nous voir pendant les vacances et même après, à la rentrée puisque ta nouvelle école sera juste à côté de la nôtre. À ce moment Julie sourit et son visage s’éclaire. Elle dit simplement : -j’ai perdu Gribouille mais j’ai trouvé des amis > extrait Ce n’est pas moralisant. L’auteur ouvre une porte que les enfants n’ont qu’à franchir pour faire un pas de plus dans leur apprentissage.

La seule chose qui m’a agacé dans l’ensemble est la narration de la version audio. Je l’ai trouvé très déclamée. Je ne suis pas sûr toutefois que ce soit un obstacle significatif pour les enfants. L’audition de cette histoire me conforte dans l’idée que le livre audio est un moyen très intéressant d’introduire les enfants dans le monde de la lecture car à 7, 8, 9 ans et plus même, les jeunes sont encore liés à la communication orale.

La bibliothèque audio n’a de cesse de s’enrichir afin de desservir une nouvelle génération de lecteurs dans laquelle pourraient se trouver aussi de futurs auteurs. Je n’hésite donc pas à recommander HISTOIRE DU CHIEN GRIBOUILLE.

Suggestion de lecture : LA MYSTÉRIEUSE BIBLIOTHÉCAIRE, de Dominique Demers

Marc Thil adore écrire pour les enfants. L’idée lui est venue d’écrire en travaillant jour après jour auprès des enfants à titre de professeur. Il aime leur lire des histoires et leur en faire écrire. C’est comme ça que tout a commencé. Tous les livres de Marc Thil sont destinés aux enfants mais les plus grands pourraient apprécier, en particulier ceux qui étudient la langue française. La collection Marc Thil comprend 12 livres sur support papier et numérique et 5 livres audios.

Aussi disponible

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

Le samedi 15 avril 2023

DISTORSION, d’ÉMILE GAUTHIER et SÉBASTIEN LÉVESQUE

*Les affaires roulent à l’abri des regards de la police. Quel élément a donc pu mener les autorités à découvrir AlphaBay et à enquêter sur elle ? Une mort par overdose.

(Extrait : DISTORSION, Émile Gauthier, Sébastien Lévesque, ALEXANDRE CAZES_ L’ascension et la chute d’un québécois au cœur du dark web, 13 histoires étrangers de l’ère numérique Les Éditions de l’homme, 2019, édition de papier, 225 pages)

13 histoires étranges de l’ère numérique True crime, dark Web, conspiration, disparition, creepypasta, cyberintimidation et légendes urbaines à donner froid dans le dos… Distorsion est une baladodiffusion québécoise pour les amateurs d’histoires étranges. C’est maintenant aussi un livre fascinant qui réunit 13 récits ayant enflammé l’imagination des internautes. Les analystes ont extrait des arcanes de la Toile cinq histoires glauques, jamais diffusées sur les ondes, en plus de fournir huit compléments d’enquêtes inédits. Les lecteurs peuvent s’attendre à des frissons et quelques surprises.

LES TITRES :

  • Elisa Lam-La mort mystérieuse d’une canadienne à Los Angeles
  • Alexandre Cazes-L’ascension et la chute d’un québécois au cœur du dark web
  • La disparition de Maura Murray
  • John Lang-L’homme qui a prédit sa propre mort
  • La légende de Polybius
  • Jenelle Potter-Rechercher l’amitié à tout prix
  • Le Slender Man-Une distorsion de la réalité
  • Où se cache Xavier Dupont de Ligonnès ?
  • L’étrange voyage de Lars Mittank
  • Amanda Todd-Une erreur de jeunesse qui ne pardonne pas
  • *_9MOTHER9HORSE9EYES9*-Un récit terrifiant sur des expérimentations secrètes
  • Un téléphone intelligent témoin de meurtres en haute mer
  • Des post-it dans mon appartement

 

Les abysses du web
*Dans notre monde ultra-connecté, qui carbure
aux fausses nouvelles, il arrive souvent qu’un
drame magnifie une légende. *
(Extrait : LE SLEBDER MAN_UNE DISTORSION DE LA
RÉALITÉ du recueil DISTORSION)

Au départ, DISTORSION est un podcast adulé par des dizaines de milliers d’internautes. Le terme *podcast* est un anglicisme informatique qui est en fait un moyen de diffuser des fichiers audios et vidéos par internet. En français, on appelle ça la baladodiffusion. Au moyen d’un abonnement, la baladodiffusion permet aux utilisateurs, soit l’écoute immédiate ou encore le téléchargement de fichiers audios et vidéos à destination de baladeurs numériques.

DISTORSION a gagné rapidement en popularité parce qu’elle alimente en frissons les explorateurs du côté sombre de l’univers virtuel. Les analystes Émile Gauthier et Sébastien Lévesque ont recueilli une grande quantité de ces histoires et en ont sélectionné treize pour en faire un livre avec un titre qui lui va à ravir : DISTORSION, un titre qui laisse aussi à penser, avec raison que son contenu n’est pas recommandé aux âmes sensibles :

*L’internet regorge de légendes urbaines. Depuis la naissance des forums en ligne et des réseaux sociaux, les rumeurs se répandent comme des traînées de poudre, alimentées et amplifiées par les sites de fausses nouvelles à la recherche de clics* (Extrait) Malheureusement beaucoup des évènements rapportés sont vrais et il n’est pas toujours facile de séparer la fiction de la réalité.

DISTORSION regroupe 13 histoires étranges qui sont autant d’évènements propagés entre autres par YouTube : une mort mystérieuse, un québécois en perdition dans le dark web, incompréhensible disparition, un homme qui avait prédit sa propre mort sur sa page Facebook, un jeu vidéo mortellement addictif, une accro piégée dans Facebook, les creepypastas avec la genèse du terme *légende urbaine*, une histoire d’horreur,  un étrange voyage, une histoire de meurtre et d’anonymat, le piège immonde de la sextorsion, les expérimentations du LSD par la CIA sur des non-volontaires, une histoire de perte de mémoire et l’histoire la plus suffocante du recueil : une exécution live.

Deux de ces histoires m’ont touché plus que les autres, le genre d’histoire qui nous fait demander comment peut-on aller aussi bas. Dans la première qui concerne Amanda Todd. La jeune fille fait une grosse erreur en dévoilant sa poitrine sur Internet. Elle devient rapidement victime de sextorsion, une forme de chantage où l’abuseur menace de viraliser le contenu intime si elle ne luit fait pas un show complet. Une vilaine histoire, prenante qui conduit à un suicide.

Dans l’autre texte qui dévoile la genèse de Youtube, un vidéo fait le tour de la planète montrant des êtres humains en pleine mer se faire exécuter à la mitraillette par des assassins qui terminent leur horrible film par un joyeux selfie. C’est le genre d’histoire qui peut vous empêcher de dormir. Je vous en averti.

Les auteurs-analystes Émile Gauthier et Sébastien Lévesque ont colligé les textes et notes pour créer ce recueil et ils ont parsemé ce dernier de commentaires et d’annotations, certains individuels, d’autres co-écrits. C’est une incursion directe et froide dans les bas-fonds d’internet.

Il découle de l’ouvrage une certaine morbidité, une atmosphère malsaine. Il y a des moments où j’étais mal à l’aise et c’est sans doute normal car évoquer le dark web c’est mettre en perspective la noirceur de l’âme. Les auteurs frappent fort et juste, appuyés par les illustrations de Run qui sont également très froides mais qui contribuent à rendre attrayante la présentation globale de l’ouvrage.

Le livre n’est pas sans nous faire réfléchir sur l’utilisation inappropriée ou frauduleuse, extrêmement répandue d’internet, la cyberdépendance ou dépendance numérique ainsi que sur les natures parallèles des réseaux sociaux, créés d’abord pour nous rapprocher mais qui poussent finalement à l’individualisme et dans plusieurs cas à l’aliénation de la vie privée.

Je suis sorti de cette lecture un peu amer. Les auteurs n’y sont pour rien. Ils ont fait leur travail et je dois dire que c’est du bon boulot. Ils ont trouvé le ton juste c’est tout. J’ajoute à cela une belle ventilation des textes, une présentation aussi attrayante qu’intelligente. Malgré tout, je considère ce livre comme s’adressant à des lecteurs avertis.

Suggestion de lecture L RUMEURS ET LÉGENDES URBAINES, d’Albert Jack

Passionnés de technologies, Émile (à gauche) et Sébastien sont deux professionnels en communication et marketing numérique. Dans une autre vie, ils ont coanimé le podcast Haute-Résolution, diffusé pendant plusieurs années sur les ondes de XMSirius.  Émile a aussi été correspondant sur les ondes de Radio-Canada, alors que Sébastien est chroniqueur sur les ondes d’Énergie. Le soir venu, ils scrutent les bas-fonds d’Internet afin de dénicher des histoires obscures qui remettent en question notre rapport avec les technologies de l’information. Les deux animateurs ont visionné des heures de contenu étrange afin de vous présenter les histoires les plus glauques du web.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 11 février 2023

LA FIN DU MONDE A DU RETARD, de J.M. Erre

*Julius…regarda par l’œilleton, et ne vit personne. Il plaqua
son oreille sur la serrure, mais n’entendit rien. Dans l’état
présent de ses possibilités techniques, il enrageait de ne
pouvoir faire plus. Mais au fond, tout cela n’avait pas
d’importance, car dans quelques heures, Julius serait loin.
Tout était prêt pour le début de l’aventure. À commencer
par son évasion de la clinique Saint-Charles.*
(Extrait : LA FIN DU MONDE A DU RETARD. J.M. Erre, éditeur :
Buchet-Chastel, 2015, édition numérique, 330 pages)

Julius est interné dans un hôpital psychiatrique. Son amnésie partielle ne lui a laissé que peu de souvenirs, mais l’un d’eux est plus vif que les autres : l’organisation Tirésias a planifié la fin du monde pour dans quatre jours ! Mais Julius compte bien révéler leurs manigances au vu et au su de tous. Et pour cela il aura besoin d’alliés. Tout d’abord Alice, qui vit dans la chambre d’en face, amnésique (comme lui) après l’incident qui a interrompu son mariage… en tuant tous les autres convives ! Ensuite Ours, symbole du geek. Le trio va devoir se défaire des policiers qui tenteront de se mettre sur leur route.

*DÉCRET DE CHARLES : *
<Plus on est de fous, moins on rit>
*C’est quoi le plan ? Demanda Alice. -Je vais me fier à mon
instinct. L’instinct ne trompe pas les cœurs purs.
-C’est tiré du Seigneur des Anneaux ? Non, du Club des
Cinq aux sports d’hiver. Un petit blanc dans le dialogue
suivit cette référence culturelle ultrapointue*
(Extrait)

LA FIN DU MONDE A DU RETARD est un petit livre qui ne se prend pas au sérieux. Il suit la cavale de deux personnages très singuliers : Alice, jeune femme seule et malchanceuse dont la vie à basculé le jour de son mariage. *L’heureux* évènement a fait 262 morts, une seule survivante, Alice. Et Julius, un écrivain, doux paranoïaque convaincu de l’imminence de la fin du monde et décidé à prévenir et protéger l’humanité d’un sombre complot :

*Nous serons de la fête chère Alice et nous frapperons un grand coup. Dans cinq jours, le monde tel que vous le connaissez prendra fin. Et un monde nouveau naîtra ! * (Extrait) Ce complot international serait ourdi par une organisation appelée Tirésias qui non seulement mentirait sur la véritable nature de l’humanité mais traquerait certaines personnes pour les faire disparaître.

Étrangement, Tirésias est aussi le nom de l’éditeur de Julius. L’histoire raconte la quête de ce couple très spécial, une contre poursuite qui ira de rebondissements en revirements jusqu’à une surprenante conclusion qui *rappelle une certaine introduction*.

Imaginez maintenant que Julius est un écrivain qui n’a fait que mélanger la fiction et la réalité, que dans cette histoire, Julius joue son propre personnage, son histoire dans son histoire, le tout sur fond de complot international. C’est ce qu’on appelle en littérature une mise en abyme, généralement considérée comme un défi de taille car elle se prête à l’errance et au cafouillage.

Le commissaire Gaboriau, doit enquêter sur la disparition de deux patients qui s’évadent de l’institut psychiatrique et des évènements entourant l’Évènement. LA FIN DU MONDE A DU RETARD, c’est de l’humour en continu. Le burlesque s’échappe des personnages principaux eux-mêmes : Julius, éternel sniffeur de dosettes Nespresso et Alice la dulciné aimante privée d’émotions mais débordante de vitalité. Des personnages loufoques viendront s’ajouter dans la cavale nourrissant d’emblée le caractère burlesque du récit.

Il y a des formes d’humour qui viennent me chercher très rapidement. C’est le cas de l’humour spontané, généralement dépourvu de subtilité et qui me fait réagir au-delà du sourire : *Qu’est-ce que tu attends de moi ? Demanda le maître, agacé. -Je suis en lutte contre le mal ! Sur quelle console ? Playstation ou Xbox ? * (Extrait) C’est drôle, on rit. C’est aussi simple : *Comment on efface une mémoire ? Je vous le dis dès que je la retrouve. * (Extrait)

Jeux de mots, humour déjanté, des gags dignes du stand-up comique, l’auteur ne s’encombre pas de détours contraignants, créant de vigoureuses répliques à ses belligérants mais y va de ses petits clins d’œil personnels d’auteur : *La route était déserte, la forêt impénétrable. On ne voyait rien d’anormal puisqu’on ne voyait rien du tout : il faisait nuit noire. * (Extrait)

Est-ce que ce livre n’est QUE drôle ? Non je ne crois pas. L’humour est une excellente filière pour pousser à la réflexion et ce petit opus de J.M. Erre a quelque chose de philosophique. *À nous trois…nous allons détrôner nos oppresseurs, et surtout, nous allons réenchanter le monde…* (Extrait)

En fait LA FIN DU MONDE A DU RETARD évoque à la fois ce qui fait le malheur et la grandeur de l’être humain : sa capacité de se raconter des histoires, avec comme toile de fond la crainte la plus ancienne de l’histoire du monde : la fin du monde. J.M. Erre en a profité pour faire une petite exploration de l’esprit humain…il est tordu…parfois   dangereusement, souvent gentiment. C’est un livre loufoque qui ne peut que faire du bien.

Je ne le qualifierai pas de sérieux mais je dirai qu’il ne manque pas de profondeur car dès qu’il est question de l’être humain, la comédie fait souvent jonction avec la tragédie. Comme dirait un certain Obélix, ils sont fous ces humains.

Suggestion de lecture : LE DERNIER RESTAURANT AVANT LA FIN DU MONDE, de Douglas Adams

J.M. Erre est né en 1971 à Perpignan. Il a publié quatre romans aux éditions Buchet-Chastel : Prenez soin du chien (2006), Made in China (2008) Série Z (2010) et Le Mystère Sherlock (2012). Ses ouvrages sont une curiosité dans le paysage littéraire français : une narration au rythme soutenu et l’usage d’un humour frisant l’absurde en font toute la saveur. Le comique de langage y côtoie le comique de situation et provoque une avalanche de surprises et de rebondissements. 

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 5 février 2023

IL N’EST SI LONGUE NUIT, de Béatrice Nicodème

*Au fond, Sophie et Ingrid ne s’intéressent pas vraiment à ce qui se passe à l’étranger. Elles pensent juste qu’il est plus agréable d’être du côté des vainqueurs, que c’est une preuve indubitable de supériorité. <Le succès est le seul juge ici-bas de ce qui est bon et mauvais>, a écrit le Füreur dans MEIN KAMPF. * (Extrait : IL N’EST SI LONGUE NUIT, Béatrice Nicodème, éditeur à l’origine : Gulf Stream, 2018, 392 pages. Numérique et papier)

Sophie, Hugo, Magda, Jonas, Otto, Franz… Ils sont jeunes, ils aiment la vie, ils ont le cœur plein de rêves. Le rêve d’Adolf Hitler est de créer un empire qui dominera le monde pendant mille ans et dans lequel les hommes seront forts et inflexibles, les femmes soumises et fertiles. Un monde dans lequel il n’y aura ni Juifs, ni communistes, ni homosexuels, ni malades. Ceux qui n’ont pas leur place dans ce Reich millénaire seront éliminés un par un jusqu’au dernier. Dans le Berlin de 1940 ces jeunes doivent eux aussi choisir leur camp, hantés par ces questions que tous se posent :  » Ai-je raison d’agir ainsi ? « ,  » La lumière reviendra-t-elle un jour ? « 

UN OPPRESSANT CROISEMENT DE DESTIN
*Inutile de préciser que je me refuse à rencontrer ce
tordu. Rien que l’idée qu’il va harceler les juifs alors
qu’il y en a parmi ses ancêtres…-Ile le fera même s’il
n’entre pas dans la SS. -Peu importe. Son hypocrisie
me répugne. Je ne sais pas de quoi je serais capable
si je me trouvais en face de lui
(extrait)

IL N’EST SI LONGUE NUIT est une fiction mais on sait très bien qu’elle représente la sombre réalité d’une grande quantité de jeunes allemands qui furent témoins dans les années 30, de la montée d’Adolph Hitler, de sa prise du pouvoir et de la deuxième guerre mondiale avec son train d’horreurs comprenant le harcèlement, la torture et le génocide des juifs.

Béatrice Nicodène fait témoigner six jeunes allemands et débute leur histoire en 1940 : Magda, Jonas, Sophie, Hugo, Franz et Otto. Certains résisteront à la folie d’Hitler comme Jonas et Hugo, Otto lui affiche une totale loyauté. Prise au piège par la Gestapo, Magda commettra l’irréparable. Et Franz lui, a les idées ailleurs, emporté par sa passion pour la musique et son piano.

Donc chaque adolescent doit se positionner face à la situation explosive qui secoue l’Allemagne et finira par faire trembler le monde et chaque option est exprimée en alternance et en crescendo dans des chapitres très courts. C’est ce qu’on appelle un roman-chorale. Les effets diviseurs et dévastateurs du régime Nazi sur la jeunesse allemande ont été peu développés en littérature.

Ainsi le réalisme et la crédibilité consacrent l’originalité de l’œuvre. J’ai compris que l’influence nazie sur la jeunesse allemande fut un véritable gâchis surtout à cause de l’effet diviseur du régime. Comment exiger des jeunes un tel positionnement alors que la vie ne fait que commencer pour eux ?

J’ai été très touché par ce livre. L’ensemble des personnages, attachants et profondément humains fait toute la richesse de la jeunesse et je ne parle même pas de frontières. Bien sûr, certains ont fait le mauvais choix, l’influence sur eux étant peut-être trop forte. Il y en a même un qui ne fera pas de choix du tout. Mais au-delà des motivations, tous ces personnages sont attachants, humains autant que victimes et pantins involontaires.

Cela fait toute la richesse du livre. Mon personnage préféré a été Franz. D’une nature sensible et généreuse, le musicien a pris position pour la musique mais son idée sur Hitler était bien arrêtée : *Pour lui, Hitler n’est qu’un pantin qui vocifère en faisant des gestes d’épileptique. La Hitlerjugen* et la BDM* l’horripilent. Comment peut-on être jeune et marcher au pas en uniforme. Le salut nazi le révulse. En 1936, à l’inauguration des jeux olympiques, il a probablement été le seul de la foule à ne pas lever le bras en hurlant* (Extrait. HITLERJUGEN : les jeunes hitlériennes, BDM : ligue pour les jeunes filles allemandes.)

Tout dans ce livre a capté mon attention, outre la qualité et la psychologie des personnages et poussé en avant par la fluidité et la clarté de la plume, j’ai été happé par les interactions entre les témoins et c’est là que réside le crescendo dont je parlais plus haut, le suspense, l’atmosphère sociale de Berlin en effervescence et tout ce qui peut se dégager du texte et du non-dit. Béatrice Nicodème s’est véritablement appuyée sur le vécu de jeunes. 

Ça donne à l’œuvre un réalisme bouleversant qui illustre toute la tragédie du nazisme. Ce livre m’a ébranlé et m’a fait comprendre les motivations profondes d’une jeunesse déchirée.

J’ai passé par toute une gamme d’émotions. J’ai éprouvé de la peur, de la colère, de l’empathie, de la compassion. Ce livre a conservé son actualité car même en dehors des cadres de la guerre, il est une parfaite illustration des motivations profondes de la jeunesse. C’est une performance d’écriture que je ne suis pas près d’oublier.

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw


Béatrice NICODÈME a décidé il y a vingt ans de consacrer tout son temps à l’écriture. Elle a une prédilection pour les intrigues sombres, pleines de secrets à découvrir. Passionnée par la psychologie, elle tente de saisir la diversité et la complexité de l’être humain à travers ses personnages.

Ses romans laissent aussi une grande place à l’Histoire avec un grand H. Chez Gulf stream éditeur elle a publié la série Futékati, L’Anneau de Claddagh et plusieurs titres de la collection  » Courants noirs « . Elle tourne aujourd’hui son regard vers l’Allemagne, au cœur de la longue nuit nazie.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 17 décembre 2022

 

LE GRAND SECRET, le livre de René Barjavel

version audio

*Pour un indien, la mort n’est pas un évènement
important ni déplorable. Ni celle des autres, ni la
sienne. La mort est seulement la fin d’une des
étapes successives du long voyage des
réincarnations. * 
(Extrait : LE GRAND SECRET, René
Barjavel, Pocket éditeur, 1974, version audio : éditions
Thélème, 2017. Durée d’écoute : 9 heures 42 minutes,
narrateur : Sylvère Santin)

Un couple séparé par un extraordinaire événement, est réuni dans des circonstances extraordinaires. C’est aussi l’histoire d’un mystère qui, depuis 1955, a réuni, par-dessus les oppositions des idéologies et des impérialismes, les chefs des plus grandes nations. C’est ce « grand secret » qui a mis fin à la guerre froide, qui a causé l’assassinat de Kennedy, qui a rendu indispensables les voyages de Nixon à Moscou et à Pékin. C’est le secret de la plus grande peur et du plus grand espoir du monde.

Le virus de Pandore
*Bahamba avait tué et incinéré les souris immunisées et
détruit à l’acide toutes les souches du JL3. Il avait écrit
à ses correspondants leur demandant de détruire par le
feu ou par l’acide le contenu de l’ampoule qu’il leur avait
envoyée ainsi que les animaux sur lesquels son contenu
avait déjà été expérimenté, cette souche virale s’étant
révélée excessivement dangereuse.*
(Extrait)

LE GRAND SECRET est un petit chef d’œuvre d’anticipation, un roman uchronique issu de l’imaginaire de Barjavel. Je ne dévoilerai rien du GRAND SECRET évidemment, mais au risque de surmonter un ou deux irritants, je crois que vous ne serez pas déçu. Le récit commence très simplement.

Jeanne aime Roland d’un amour fou. Un jour Roland disparaît sans laisser de trace. Armée de son courage, Jeanne enquête…une longue investigation qui durera 17 ans et qui l’exposera à des risques énormes et des dangers de mort. Elle finira par apprendre que Roland fait partie d’un grand secret, isolé sur un îlot américain dont rien ne peut s’échapper, au risque d’étouffer la planète…

Ce grand secret pourrait expliquer le sort de John F Kennedy, l’urgence de la conquête spatiale, le rapprochement des États-Unis avec la Chine sous Nixon et j’en passe. Après avoir dépenser l’énergie du désespoir, Jeanne se voit accorder l’accès à l’île, un lieu paradisiaque dont elle ne pourra sortir.

Elle fera partie d’un petit peuple de près de 2000 personnes, victimes ou bénéficiaires du GRAND SECRET selon le point de vue de l’auditeur et de l’auditrice, car ce grand secret est à la fois l’expression du cauchemar et de l’une des plus grandes espérances de l’être humain. Intrigant n’est-ce pas? Moi je penche pour le cauchemar, heureux que le récit ne soit finalement qu’une fiction.

Il fallait Barjavel pour imaginer que les chefs d’état mettent de côté leur idéologie politique afin de s’entendre sur la protection obsessionnelle du grand secret. Donc nous avons ici une histoire en trois volets : premièrement, l’introduction de Jeanne et Roland unis par une passion amoureuse. Deuxièmement, la disparition de Roland et l’enquête de Jeanne, le dévoilement graduel du contenu du grand secret.

Troisièmement, la vie sur la fameuse île et l’incroyable technologie mise au point pour empêcher toutes fuites, humaine, animale ou végétale. Dans cet endroit isolé, il n’y avait pas de règles, pas de lois. On faisait ce qu’on voulait quand on le voulait. La vie coulait…longue…très longue :

Dans la lumière bleue de la nuit, Annoa couchée pieds nus sur l’herbe, gémissait et criait. Et Han, debout près d’elle, appelait au secours, appelait tout le monde. De tous les points de l’ile, les garçons et les filles, nus, accouraient vers le cri. Il s’agenouilla au côté d’Annoa, et lui prit son pied..-C’est notre enfant qui vient ! dit Han. Elle, maintenant, elle savait et elle était prête.  (Extrait)  

L’île deviendra l’objet d’une très forte inquiétude mondiale et d’une réflexion sur la possibilité d’une annihilation totale du grand secret. J’ai trouvé cette histoire brillante, bien imaginée et bien développée. J’ai toutefois été gêné par certains irritants. Par exemple, les personnages ne sont pas vraiment bien travaillés.

La principale héroïne, Jeanne est certes courageuse, mais je n’ai jamais vraiment réussi à m’y attacher. En général, les personnages sont fades. J’ai été déçu aussi par la finale. Sans dire qu’elle est bâclée, disons qu’elle m’a laissé sur mon appétit.

Enfin, il y a la narration de cette histoire que j’ai trouvé un peu froide et dépourvue d’émotion. Mais qu’à cela ne tienne, je terminerai avec ce qui m’a semblé la plus grande réussite de l’auteur, celle d’avoir remanié des faits historiques avérés pour les lier au GRAND SECRET, faisant du roman une uchronie géniale. Malgré la faiblesse narrative, j’ai passé un beau moment d’écoute. Alors faites comme moi…osez..

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, d’Ian Kershaw

René Barjavel (1911-1985) était  un écrivain et journaliste français principalement connu pour ses romans d’anticipation où science-fiction et fantastique expriment l’angoisse ressentie devant une technologie que l’homme ne maîtrise plus. Il sait aussi bien raconter les histoires d’amour que la fin du monde, et fait prendre conscience au lecteur de l’univers qui l’entoure au travers d’histoires passionnantes. (Source : Evene) Barjavel a publié plus de soixante livres.


Le narrateur Sylvère Santin

 

Le Grand Secret a été adapté en une mini-série, coproduction française-allemande-espagnole-canadienne réalisée par Jacques Trébouta sur un scénario d’André Cayatte, d’après le roman éponyme de René Barjavel, et diffusée en 1989 sur Antenne 2. Reproduit par la suite en cassette VHS.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 11 décembre 2022

EXODUS, le célèbre livre de LEON URIS

*<À vous de jouer Sir, répéta le commandant.>
<Que tes ennemis périssent, Israël…>
murmura Sutherland. <Je vous demande
pardon Sir ?>*
(Extrait : EXODUS, Leon Uris,
Les Éditions Goélettes, 1999. Édition de papier,
565 pages)

1946. Alors que l’humanité tente d’oublier les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, des milliers de Juifs ont l’espoir de s’installer en Palestine pour y créer un État qui leur est propre. Les survivants des camps de concentration s’entasseront par centaines sur un vieux rafiot, l’Exodus, pour voguer loin du blocus qui les garde captifs, vers une terre d’ indépendance et de bonheur. Ce récit matérialise le désir de liberté de tout un peuple à travers les destins entrecroisés de ses personnages. Entre le passé et le présent d’une jeune fille et d’un jeune garçon ayant échappé à l’Holocauste, de Palestiniens ardemment convaincus par la cause, d’un militaire, d’un journaliste et d’une infirmière américaine, Leon Uris dessine une véritable fresque historique.

La terre promise
*…les juifs, eux, se montraient plus réalistes. Leur futur état
avait maintenant une parfaite base légale. Mais, si après
l’évacuation de la Palestine par les anglais, ils voulaient
proclamer leur indépendance, leurs cinq cent mille habitants
mal équipés devaient faire face, seuls à cinquante millions
d’arabes fanatisés.*
(Extrait)

EXODUS raconte, de façon romancée, la chaîne d’évènements la plus fascinante qui m’a été donnée d’explorer sur le plan littéraire, car je dois l’avouer ce sujet m’a toujours passionné.

Trois mille ans après avoir été affranchis de l’esclavage des égyptiens, des dizaines de milliers de juifs auront été rescapés des camps de la mort nazis, plus chanceux que six millions de leurs coreligionnaires gazés ou assassinés de toutes sortes de façons au nom d’une épuration ordonnée par un cinglé que les allemands suivaient comme un mouton.

Leon Uris raconte donc, en insérant des éléments fictifs, les évènements qui ont conduit à l’évacuation des juifs d’Allemagne en commençant par l’appareillage d’un bateau célèbre baptisé EXODUS, parti de Sète en 1947 à destination de la Palestine. Ce navire, qui n’était déjà qu’une casserole flottante, fût refoulé et malmené par la répression britannique.

C’est une grève de la faim très avancée qui a finalement ému l’univers médiatique et qui fut le prélude à une chaîne d’évènements ayant provoqué des milliers de morts mais qui ont finalement conduit à la naissance de Tel-Aviv et surtout, à la naissance de l’état d’Israël en 1948.

Ainsi, non seulement les rescapés de la guerre, mais aussi des juifs provenant de plus de 74 pays ont pu gagner une terre bien à eux, bien qu’elle ait été acquise dans le sang et les larmes. (D’après les recherches que j’ai faites, l’aventure de l’EXODUS tel que décrite par Uris ne correspond pas tout à fait à la réalité même si le résultat final est le même).

Ce livre évoque le courage, l’imagination, la ténacité et l’abnégation du peuple le plus opprimé dans l’histoire de l’humanité. *Le seul fait de notre existence constitue un miracle.  Nous avons survécu aux romains, aux grecs, même à Hitler. Nous survivrons encore à l’empire britannique. Le voilà notre miracle. * (Extrait)

Je suis loin d’être le seul qui a été ému par cette véritable fresque historique. Ce livre a été publié en 1958 et est devenu un des plus grands best-sellers américains du XXe siècle, traduit partout dans le monde et adapté à l’écran, ce qui nous a valu une des plus belles prestations en carrière de l’acteur Paul Newman.

À travers les évènements meurtriers et dramatiques qui ont conduit à la création d’Israël, l’auteur fait évoluer des personnages forts : Ari, un agent senior du Mossad, Kitty, une infirmière américaine, Jordana, la sœur d’Ari et plusieurs autres, sans oublier le plus attachant : Dov, enfant du ghetto de Varsovie, déporté à Auschwitz, rescapé in-extrémis mais seul survivant de sa famille. Au-delà de l’amour, rien n’est plus fort pour un juif que la raison d’un état à bâtir :

*Aujourd’hui, nous proclamons solennellement la renaissance de l’État juif en Palestine, État qui s’appellera ISRAËL. Ouvert aux juifs du monde entier, notre état œuvrera pour la promotion de tous ses habitants, selon les principes de liberté, de paix, de justice énoncés par les prophètes, dans l’égalité de tous, sans distinction de race ni de religion, et dans le respect loyal de la charte des Nations-Unies.* (Extrait, Tel-Aviv, 14 mai 1948)

Je vous recommande la lecture de ce livre, ne serait-ce que pour comprendre les mécanismes de cette poudrière que sont les relations actuelles entre Israël et les contrées arabes voisines.

Il y a tout de même certains irritants dans ce livre, entre autres, son caractère *prosioniste* assez marqué, par moment aux limites du misérabilisme. Il y a un manque au niveau de l’équilibre genre *le bon contre l’horrible méchant*, j’ai trouvé ça dérangeant, agaçant. Le récit est bien documenté, instructif même, mais par rapport à ce que j’ai découvert dans mes recherches, il y a des imprécisions sur le plan historique. EXODUS demeure malgré tout un moment fort de la littérature. Le récit est palpitant et prenant. C’est un bon roman.

Suggestions de lecture :
LA CRÉATION DE L’ÉTAT D’ISRAËL d’André Chouraki
je vous invite à lire aussi le dossier très détaillé sur Israël publié par Wikipédia.

Aussi, LE SIÈCLE, la trilogie de Ken Follet

EXODUS AU CINÉMA

Ce grand classique du cinéma américain est sorti en 1960 et a été restauré en 2016. Ce film réalisé par Otto Preminger a été lauréat et nominé pour plusieurs Oscars. Dans la distribution, nous retrouvons entre autres, Paul Newman dans le rôle d’Ari’Ben Canaan, Eve Marie Saint dans le rôle Kitty Fremont, Sal Mineo dans le rôle de Dov Landau et Jill Haworth dans le rôle de Karen Hansen Clement.

Leon Marcus Uris, (1924- 2003), romancier américain connu pour ses œuvres panoramiques comme la guerre mondiale Roman Battle Cry (1953) et Exodus (1958). Son premier roman, Battle Cry, est basé sur ses expériences de la guerre. L’adaptation du film parut en 1955. Cette année-là également, son deuxième roman, The Angry Hills, un compte rendu de la brigade juive de Palestine qui s’est battue avec l’armée britannique en Grèce, a été publié. Uris a ensuite écrit de nombreux livres et scénarios..

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 6 novembre 2022

ÉTÉ ROUGE, le livre de Daniel Quiros

*…en entendant l’identité de la morte, j’avais senti Comme un coup au creux de l’estomac…le corps était étendu è plat ventre sur le sable et la marée, que Faustino avait évalué à mi-flux, faisait osciller lentement la chevelure de la morte…*
(Extrait : ÉTÉ ROUGE, Daniel Quiros, 2010. Traduction française : Édition de l’UBW, 2014, NUMÉRIQUE. 210p.)

Côte du Pacifique, Costa Rica. Un Éden où les pinèdes sont massacrées afin de permettre la construction de villas luxueuses pour des investisseurs étrangers… et des caïds de la drogue. Un Éden où il fait terriblement chaud. C’est là, dans un tranquille village de pêcheurs, qu’est découvert sur la plage le cadavre d’une femme, surnommée l’Argentine. Don Chepe, ancien guérillero qui a lutté aux côtés des sandinistes, décide de retrouver l’assassin de son amie. Une enquête qui le conduit à découvrir les liens obscurs entre passé et présent, utopie et désenchantement… et à revisiter l’histoire de son pays.

 

Le révolutionnaire enquêteur
*<Ce que vous devez faire, c’est la chose suivante :
À 14 heures, cet après-midi, soyez assis au restaurant
La Caracola, à une des tables sur la terrasse qui donne
sur la mer. Vous y recevrez ma réponse là-bas.
Maintenant, je vais vous remercier pour votre visite.
Peut-être des forces majeures décideront elles de nous
réunir à nouveau à quelque occasion.>*
(Extrait)

Pour apprécier ce roman à sa juste valeur, il faut comprendre la nature du conflit qui opposa au début des années 1980, les sandinistes nicaraguayens, arrivés au pouvoir après avoir renversé la dictature de Somoza, qui tenait le pays sous le joug depuis plusieurs décennies, aux Contras, les contre-révolutionnaires soutenus, encadrés et armés par les États-Unis qui utilisaient largement son maître des basses-œuvres, la CIA.

Cette région de l’Amérique centrale était une véritable poudrière. En cours de lecture, j’ai dû faire une pause pour entreprendre une recherche afin d’être plus à l’aise pour une meilleure compréhension d’un pan sombre de l’histoire sud-américaine qui a toujours été pour moi fort labyrinthique.

Je n’ai pas regretté cette recherche. Rien ne vous oblige à le faire, mais si vous ne saisissez pas bien les enjeux politiques et militaires de cette époque, vous risquez de trouver le récit erratique et inintéressant. Le roman chevauche les genres policier, drame d’espionnage et thriller politique.

Ce roman suit Don Chepe, un ex-révolutionnaire revenu au Costa-Rica désenchanté par ce qu’il considère comme échec la révolution sandiniste du Nicaragua à laquelle il avait participé. Pour trouver la quiétude, Don Chepe s’installe dans une petite station balnéaire tranquille appelée Tamarindo.

Un jour, une amie de Don Chepe, Ilana Echeverri, appelée l’Argentine, tenancière du Café de Tamarindo, est assassinée. Don Chepe voulut savoir pourquoi et décida d’enquêter. Étrangement, l’Argentine avait prévu sa mort : *Si l’argentine voulait me faire comprendre ce qui avait entraîné sa mort, elle ne me facilitait pas les choses. Tant de mystères, aucun nom donné, une série de pistes menant elles-mêmes à d’autres pistes…* (Extrait)

Cette enquête va entraîner le lecteur dans une sombre réalité historique, l’attentat à la bombe de La Penca, qui a coûté la vie, en 1984 à sept personnes parmi lesquelles des journalistes chargés de couvrir le conflit entre les sandinistes et la Contra.

Donc, Don Chepe mène de front deux enquêtes qui amène surtout le lecteur dans les évènements entourant l’attentat de La Cruz :  *ÉTÉ ROUGE utilise toute cette information historique comme base et contexte. Le roman fait, je l’espère, de ce matériel <authentique> un moyen d’exploration des effets de l’histoire sur le présent, en estompant la frontière entre la réalité et la fiction. * (Note de l’auteur)

Là encore, ma recherche m’a été utile, car l’auteur approfondit très bien le contexte géopolitique de l’Amérique Centrale des années 1980. Le terme *labyrinthique* utilisé plus haut n’est pas, je crois, exagéré. Les personnages évoluent entre le passé et le présent, ce qui nécessite une bonne concentration de la part des lecteurs.

Je n’ai pas trouvé les personnages spécialement attachants mais j’ai pu toutefois constater et admiré l’opiniâtreté de Don Chepe. Son enquête rappelle un peu un jeu de piste avec des indices essentiellement fournis par l’argentine (une fois morte).

Imbriquer la réalité et la fiction dans un roman comporte toujours des risques sur le plan littéraire. Les irritants sont souvent inévitables. Ainsi, ÉTÉ ROUGE souffre de remplissage. Je crois que le roman est bien construit mais il y a beaucoup de longueurs, de détails pas toujours utiles, un peu d’errance et bien sûr le caractère géopolitique du récit est sous-développé.

Très évocateur de la complexité historique de l’Amérique Centrale, ÉTÉ ROUGE a un petit côté noir qui ne m’a pas déplu. Mais avant de lire ce roman, disons qu’il faut s’équiper raisonnablement pour en saisir toute la portée.

Suggestion de lecture : HIVER ROUGE, de Dan Smith

Daniel Quiros est un écrivain costa-ricain né en 1979. Il enseigne la littérature espagnole à l’Université Lafayette en Pennsylvanie aux États-Unis. ÉTÉ ROUGE est son quatrième livre.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 30 octobre 2022

IL PLEUVAIT DES OISEAUX, Jocelyne Saucier

*…où il sera question de grands disparus, de pacte
de mort qui donne son sel à la vie, du puissant
appel de la forêt et de l’amour qui donne aussi
son prix à la vie…*
(Extrait : IL PLEUVAIT DES
OISEAUX, Jocelyne Saucier, à l’origine, XYZ éditeur,
179 pages, 2011. version audio : Audible studios
éditeur, 2018. Durée d’écoute : 4 heures 57 minutes,
narrateurs : Jacques Clermont et Dominique Petin.)

Une photographe du Herald Tribune part réaliser un reportage sur la région du Témiscamingue, dont les forêts ont été ravagées par de gigantesques incendies au début du XXe siècle. Elle y trouve une communauté de marginaux fantasques et solitaires, dont Tom et Charlie, deux vieillards qui ont survécu à l’incendie et vivent en ermites au fond des bois. D’abord méfiants puis déterminés à aider la photographe dans son enquête, les deux hommes voient leur quotidien chamboulé.

Et, soudain, lorsqu’arrive Marie-Desneiges, octogénaire énigmatique tout juste échappée de sa maison de retraite, la vie, puis contre toute attente l’amour, reprend peu à peu ses droits.

Poétique et vert
*Dans son visage tout ridé, il y avait la peur
et la fascination de la peur. D’un mince doigt
gracile, elle a désigné le monstre empaillé de
fureur blonde. Elle n’avait aucune idée de ce
que c’était…  *
(Extrait)

C’est un roman d’une belle profondeur, bien bâti et fortement imprégné de douceur, de chaleur et d’émotion et avec, comme toile de fond les incendies de forêts les plus meurtriers de l’histoire du Canada au début du XXe siècle, incendies qui ont détruit de gigantesques espaces dans le nord de l’Ontario jusqu’à Cochrane et Matheson, touchant durement une partie de l’Abitibi-Témiscamingue.

Une photographe du Herald est chargée de se rendre à Matheson pour recueillir les témoignages d’hommes et de femmes qui sont devenus aujourd’hui des vieillards. Elle veut particulièrement recueillir les propos de trois vieillards, Tom et Charlie mais le troisième, Boychuck n’est plus là,  Il est mort. Pourtant, ce sera le personnage qui induira le plus d’empathie dans le récit de Jocelyne Saucier…

Boychuk, 14 ans au moment des grands feux et qui, agressé par les flammes et la fumée, aveugle, marche et cherche son amoureuse avec l’énergie du désespoir. Il faut voir et entendre comment la photographe bouleversera la vie des vieillards. Et voilà qu’arrive le personnage le plus énigmatique et le plus original de l’histoire.

Marie-Desneiges a 82 ans. Libérée après 66 ans à l’asile et elle se souvient…elle se souvient qu’il pleuvait des oiseaux. En tant qu’auditeur, une brise chaude est venue m’envelopper. C’est le caractère humain du récit qui est surtout venu me chercher.

C’est ainsi que le récit, assis sur un inimaginable drame humain et environnemental devient une chronique des souvenirs de vieillards, des hommes qui ont choisi la forêt pour y vivre et mourir au moment qu’eux-mêmes auront choisi.

Le récit développe les difficultés et les misères de la vieillesse vivant à l’écart de la Société bien sûr, mais aussi l’amour, continuellement mis en attente et qui est pourtant ardent, spécialement dans le coeur de Boychuck que j’ai trouvé particulièrement attachant. J’irai plus loin en disant que l’auteur jette un regard critique sur notre Société et ses vieux et ses vieilles qui donnent parfois l’impression d’être dans une voix de garage.

À cet effet, j’ai beaucoup apprécié la plume de l’auteur, exempte de jugements, de propos moralisateurs et de philosophie bon marché. Il pleuvait des oiseaux est un hommage à la vie et à la liberté. C’est aussi une réflexion sur les choix qu’imposent une fin de vie. ll y a beaucoup d’émotion dans l’histoire.

Quand j’ai entendu qu’il pleuvait des oiseaux, j’ai eu un long frisson tout le long du dos et jusqu’au coeur. L’auteur m’a figé et elle m’a emmené où elle voulait. À l’audition, vous ne tarderez pas à saisir le sens du titre. Et là, l’addiction vous guette.

C’est une belle histoire, émouvante et sensible. J’y note très peu de faiblesse à part peut-être la question du choix de la mort, le choix du moment, le choix de la façon, le poison en particulier. La fin de vie est abordée avec une légèreté un peu irritante.

Finalement, une introduction un peu longue, teintée d’indécision et une finale qui m’a semblé un peu expédiée. Entre les deux, un récit addictif avec un un fil conducteur solide que symbolise le courageux Boychuck. La beauté de l’écriture est à la limite de la poésie.

<Tout est là, ce pétillement de lumière rose dans les yeux d’une petite vieille qui s’amuse avec son âge et cette image d’une pluie d’oiseaux sous un ciel noir…séduite et intriguée par toutes ces vieilles personnes qui avaient la tête peuplée des mêmes images, la photographe… en était venue à les aimer plus qu’elle n’aurait cru. >  Extrait…

L’écoute n’est pas trop longue et j’ai trouvé la narration de Jacques Clermont et Dominique Petin très agréable même si je me suis questionné sur la nécessité de mettre deux voix là-dessus. Enfin, je crois que je vais me rappeler longtemps de ce livre. J’ai vu le film aussi, je ne ferai pas de commentaire sur l’adaptation à part que je préfère de loin le livre audio.

Suggestion de lecture : LES MONDES CACHÉS, bande dessinée de Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni

IL PLEUVAIT DES OISEAUX au cinéma

IL PLEUVAIT DES OISEAUX a été adapté à l’écran en 2019. Scénarisé et réalisé par Louise Archambault, Le film réunit à l’écran Andrée Lachapelle, Gilbert Sicotte Rémy Girard, Ève Landry, Éric Robidoux et Louise Portal. Prod. : Ginette Petit

Jocelyne Saucier est romancière. Ses trois premiers romans, La vie comme une image (finaliste, Prix du Gouverneur général), Les héritiers de la mine (finaliste, prix France-Québec) et Jeanne sur les routes (finaliste, Prix du Gouverneur général et prix Ringuet) ont été chaleureusement accueillis par la critique.

Il pleuvait des oiseaux, son ode à la liberté parue en 2011, lui a valu de nombreux prix et a conquis le cœur d’un très vaste public en une quinzaine de langues, en plus d’avoir fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Louise Archambault.

 

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 1er octobre 2022