CESSEZ DE PRIER personne ne vous entend

Commentaire sur le livre d’
ELBERT JUCOR

*Les religions sont l’œuvre des hommes.
Elles sont des prédateurs de l’âme et de
l’esprit. Elles confinent les individus à une
pensée unique et étroite et ne laissent
place à aucune autre alternative. Elles
dominent l’homme, le culpabilisent…*
(Extrait : CESSEZ DE PRIER PERSONNE NE
VOUS ENTEND, Elbert Jucor, les éditions
La Plume D’or, 2017, édition de papier, 155 p.)

La question générale posée dans ce livre est celle-ci: L’HOMME A-T-IL BESOIN D’UNE RELIGION?  L’homme ne nait pas pécheur. C’est la religion qui l’a décrété comme tel. L’homme ne nait pas religieux non plus, il le devient par endoctrinement. Historiquement, les religions ont engendré guerre, haine, violence, cruauté…le tout stimulé par l’intolérance. D’après l’auteur, la Bible et le Coran ne sont que des créations littéraires. Non seulement leurs récits n’ont aucune origine divine, mais rien, absolument rien ne peut les légitimer. Une question à long développement, source de débat se pose : À quoi ça sert de prier ?

POURQUOI PRIER ?
*La différence fondamentale entre la religion
et la spiritualité est la suivante: les religions
sont un «business», alors que la
spiritualité est un état de conscience. >
(Extrait: CESSEZ DE PRIER, personne ne vous entend)

Ce livre est un essai, livre coup de poing car son auteur livre une opinion tranchante et qui laisse peu de place à l’appel, au sujet d’une corde très sensible de la Société : DIEU ET LES RELIGIONS. Le titre du livre comme tel est une finalité qui correspond très bien au sentiment de l’auteur: *Ce livre est le résultat de ma quête obsessionnelle de la vérité et de l’absolu* (Extrait) Avant de sauter aux conclusions, voyons un peu le contenu.

Tout l’argumentaire d’Elbert Jucor repose sur la négation de la religion et la négation de Dieu, ce dernier étant remplacé par une entité je dirais à spectre plus large : LES MYSTÈRES DE LA VIE. Jucor est aussi direct qu’à contre-courant : *Adieu sectes, gourous, marabouts, imams, pape et cardinaux. La Société n’a pas besoin de ces vendeurs de chars usagés qui ne seront livrés qu’au ciel. * (Extrait)

Ne soyez pas surpris, il est très peu question de prière dans ce livre. L’auteur émet le souhait que la société se débarrasse des religions pour survivre et qu’elle cesse de s’en remettre à des dieux qui n’existent pas. En dehors de ces deux grands thèmes, l’auteur émet des opinions, des hypothèses, des pensées et des réflexions sur des sujets divers qui sous-tendent les thèmes principaux.

Jucor met aussi en perspective les méfaits historiques de la religion comme par exemple l’interdiction de la contraception qui est une aberration : *Si nous regardons la réalité en face, on peut voir et réaliser qu’un distributeur de condoms fait davantage de bien à l’humanité que tous les vendeurs de paradis dans l’après-vie…* (Extrait)

Si je m’en tiens aux deux grands pôles de l’argumentaire et que je me permets de commenter, il y a le rejet de Dieu avec lequel je ne peux pas être d’accord et le rejet complet des religions que je souhaite personnellement depuis mon adolescence pour plusieurs raisons, entre autres pour les morts qu’elles ont empilées, pour les richesses qu’elles ont accumulées, pour avoir abaissé la femme presque au rang d’un animal de compagnie.

Les religions sont des étiquettes qui veulent justifier le contrôle, la manipulation et autres gentillesses du genre. L’important n’est pas d’être d’accord ou pas d’accord. L’important est qu’il y a matière à débat même si le ton de l’auteur est cassant.

Le ton est très catégorique. Trop à mon goût. Je ne peux pas reprocher à l’auteur d’être direct, tant que les propos se tiennent.. Or, dès qu’il déborde de ses deux grands thèmes majeurs, il n’y a plus de fil conducteur. L’auteur prend toutes sortes de directions. Je crois qu’il y a un peu d’errance par moment et certains propos m’ont paru simplistes :

*Comme vous pouvez le constater, la vie n’est qu’un jeu et vous ne pouvez l’arrêter, car quelqu’un a déjà lancé les dés pour vous. * (Extrait) Une de ces principales directions secondaires concerne la vie, le sens de la vie, son origine. Il y a aussi des réflexions éparses sur la nature humaine, la prédation, l’âme, le suicide…Si l’auteur établit un lien avec le thème principal, ce sera pour exécrer la religion. C’est là qu’il m’a accroché.

Croyez-moi, il n’a pas peur d’émettre son opinion et de l’aciduler au besoin, Il craint encore moins Allah…peut-être que les temps changent. Si ma mémoire est bonne, l’écrivain Salman Rushdie a fait l’objet d’une Fatwa de l’ayatollah Khomeini en 1989 pour son livre LES VERSETS SATANIQUES jugé blasphématoire.

Ça a dû rendre Allah pas de bonne humeur…Rushdie était condamné à mort. Ici, Jucor fait pire…fini les musulmans, l’Islam, Allah, les catholiques, le pape etc. finie la religion meurtrière, hypocrite et manipulatrice. Ou les temps changent ou Jucor n’a peur de rien ,,,

Ce livre a beaucoup de faiblesses mais son auteur se prononce haut et fort sur des thèmes encore jugés tabous par nos sociétés modernes. Je crois qu’il vaut la peine d’être lu. Personnellement, je ne crois pas à la religion mais je crois en Dieu, c’est-à-dire à l’être suprême sans lien avec aucune religion. Ça reste en lien avec le titre. En effet, qu’est-ce que ça donne de prier un dieu qui nous a donné le libre arbitre…

Suggestion de lecture : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, de Voltaire

Québécois d’origine, Elbert Jucor est bachelier de l’université de Montréal. Il a aussi fréquenté diverses institutions spécialisées dans la formation des prêtres. Il a développé un besoin obsessionnel de chercher et connaître la vérité sur les religions. CESSEZ DE PRIER est le résultat de sa constante observation du monde et sa réponse aux questions existentialistes qui tourmente tout être humain. C’est un débat qui concerne l’amélioration du sort de l’humanité. Elbert Jucor apporte une seule réponse aux questions relatives aux mystères de la vie et cette réponse est sans appel.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 août 2020

TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, le classique de VOLTAIRE

*Le mensonge en a trop longtemps imposé aux
hommes. Il est temps qu’on connaisse le peu
de vérités qu’on peut démêler à travers ces
nuages de fables qui couvrent l’histoire romaine,
depuis Tacite et Suétone et qui ont presque
toujours enveloppé les Annales des autres nations
anciennes.*

(Extrait : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, Voltaire. Publication
originale : 1763. Pour la présente édition : Les Éditions du 38,
réédition en mode numérique, 2015)

LE TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE est une œuvre publiée en 1763, qui vise la réhabilitation de Jean Callas, protestant faussement accusé et exécuté pour avoir assassiné son frère afin d’éviter que ce dernier ne se convertisse au catholicisme. Dans ce texte, Voltaire invite à la tolérance entre les religions et prend pour cible le fanatisme religieux et présente un réquisitoire contre les superstitions véhiculées par les religions.

À la suite de l’exécution de Jean Calas, qui plaide son innocence jusqu’à sa mort, le procès est rejugé à Paris et, le 9 mars 1765, la famille Calas est réhabilitée. Il faut dire que la famille protestante avait été mise aux fers et le père avait été condamné à mort malgré l’absence de preuves. Le contexte historique est encore une fois fortement marqué par les guerres de religions des siècles précédents.

BRÛLANT D’ACTUALITÉ
MÊME APRÈS 250 ANS
*La querelle s’échauffa ; le jacobin et le jésuite se prirent aux
cheveux. Le mandarin, informé du scandale, les envoya tous
deux en prison. Un sous-mandarin dit au juge : «Combien de
temps Votre Excellence veut-elle qu’ils soient aux arrêts?»
«Jusqu’à ce qu’ils soient d’accord.» «Ah!…ils seront donc en
prison toute leur vie.» «Hé bien! Dit le juge, jusqu’à ce qu’ils
se pardonnent.» «Ils ne se pardonneront jamais…je les connais.»
«Hé bien donc! Dit le mandarin, jusqu’à ce qu’ils fassent
semblant de se pardonner.»
(extrait)

Vous savez que je n’échappe pas à un appétit occasionnel pour les classiques. Cette fois, j’avais envie de plonger dans un livre du grand Voltaire. En consultant son extraordinaire bibliographie, j’ai été tenté d’abord par CANDIDE, sa meilleure œuvre romanesque, publiée en 1759 mais finalement j’ai opté pour TRAITÉ SUR L’INTOLÉRANCE parce que le livre développe un thème qui m’est cher même si son appel du cœur condamnant l’intolérance se fait sentir dans l’ensemble de son œuvre.

Première observation, Voltaire a toujours été un infatigable défenseur de la tolérance et de la liberté individuelle. Deux vertus pas très compatibles avec son époque. Il écrivait fort…il parlait fort…peut-être trop au goût de ses contemporains.

Frappé par la censure, Voltaire continuait son combat mais ses écrits devinrent clandestins. Il n’est donc pas étonnant que j’aie senti une certaine retenue dans son TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE. J’ai trouvé ça un peu désolant eu égard à sa rectitude d’esprit et à son insatiable soif d’équité, de justice, de raison et de liberté. Toutefois, je peux comprendre cette retenue. Voyons le contexte.

Le fils de Jean Callas est retrouvé mort, supposément par suicide. Le peuple ne voit pas cette mort du même œil. Il se trouve que le fils Callas s’était converti au catholicisme. Son père étant Huguenot, donc protestant.

Vous devinez sans doute que Jean Callas ferait une belle proie pour une justice douteuse et expédiée par 13 juges question de calmer un peu le peuple qui évoque, pour moi en tout cas, un cheptel de moutons. Effectivement, le 10 mars 1762, Jean Callas est arrêté et condamné à mort à l’issu d’un procès qui ne tenait compte finalement que de la direction du vent.

Et la demande populaire (le vent) n’étant pas favorable à la famille, celle-ci fut mise aux fers. Aucune preuve sérieuse n’est apportée. Encore une fois la justice a été ballotée par l’histoire qui est comme on le sait riche en guerres de religions

*Il est donc dans l’intérêt du genre humain d’examiner si la religion doit être charitable ou barbare* (Extrait) Il faudra attendre jusqu’en 1765 avant que l’appel soit accepté et que la famille soit réhabilitée…un peu tard. Et ça n’a pas ressuscité Jean.

Vous voyez où je veux en venir. Voltaire marchait sur des œufs. Son traité sur la tolérance visait avant tout le renversement du jugement et la réhabilitation de la famille Callas. Il devait éviter tout emportement et rester à l’intérieur des limites de la diplomatie face à la royauté et à l’Église Catholique. Il a dû souffrir le pauvre. Je ressens sa frustration à travers sa plume : *On dirait qu’on a fait vœu de haïr ses frères; car nous avons assez de religion pour haïr et persécuter, nous n’en avons pas assez pour aimer et secourir*. (Extrait)

Le TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE est un long appel de Voltaire à la raison. Son argumentaire est sérieux et très éclairant à mon avis. Peut-être cet appel a-t-il été entendu au fil des ans, mais aujourd’hui, 257 ans après la publication du TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, j’observe que les choses n’ont pas changé. Je pense aux dirigeants qui posent des actes qu’ils ne tolèrent pas eux-mêmes en vertu de la loi, sans parler de l’antisémitisme, du racisme, du Djihad, de l’inquisition et j’en passe.

Est-ce que l’intolérance serait atavique ? Génétique ? Jamais un livre n’aura gardé autant son actualité au fil des siècles. Il aurait pu être publié cette semaine, Voltaire n’aurait probablement pas changé un mot. Car il était et il est toujours impensable que les croyances excusent la folie, que la Foi justifie la violence, la haine et les guerres soi-disant saintes.

Beaucoup de chose m’ont plu dans le TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE. J’ai déjà parlé de l’argumentaire, j’ajouterai la force de sa conviction menant à une dénonciation de la bêtise humaine, corollaire de l’intolérance, son côté mordant et parfois cynique, Voltaire aime grafigner. Je suis aussi émerveillé par l’érudition de Voltaire et l’audace avec laquelle il brasse la Chrétienté et l’Église catholique entre autre, cette dernière parvenant difficilement à évoluer.

Malgré toute la philosophie et le*bon pain* qui se dégage de ce texte, j’observe que Voltaire est un combattant engagé. Il dénonce l’intolérance mais oublie souvent de prôner la tolérance. Il dénonce, mais sans guider son lectorat vers de meilleures dispositions. C’est la principale faiblesse de son traité, si je fais abstraction de ses phrases très longues et cassantes et d’une grammaire compliquée.

Une chose est sûre, l’intolérance mène à la tyrannie. Ce n’est pas un droit, c’est une plaie purulente qui entache l’histoire de l’humanité. Le point de vue de Voltaire mérite d’être exploré. LE TRAITÉ SUR L’INTOLÉRANCE est une belle œuvre. Tout le monde devrait lire ce livre au moins une fois.

 Pour connaître la bibliographie de Voltaire, Cliquez ici

Suggestion de lecture : LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, d’Oscar Wilde

François-Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris est un écrivain et philosophe français qui a marqué le XVIIIe siècle et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective française et internationale. Figure emblématique de la philosophie des lumières, son nom reste attaché à un combat farouche contre le fanatisme religieux et pour la tolérance et la liberté de pensée. Intellectuel engagé au service de la vérité et de la justice, il prend, seul et en se servant de son immense notoriété, la défense des victimes de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire dans des affaires qui l’ont rendu célèbre comme l’affaire Jean Callas.

Pour consulter la biographie de Voltaire, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 26 mai 2019

L’HEURE DE L’ANGE, livre d’ANNE RICE

*De douces mélodies se mêlaient, mais une sombre urgence pulsait au-dessous. De nouveau, la musique enfla. Les cuivres s’élevèrent, dessinant une forme effrayante.
Soudain, toute la composition sembla remplie de menace, figurant le prélude et l’expression de la vie qu’il avait menée.*
(Extrait : L’HEURE DE L’ANGE, Anne Rice, t.f. Éditions Michel Lafon, 2010, édition de papier, 275 pages)

Après un contrat particulièrement éprouvant, Lucky, un tueur professionnel, est abordé par un mystérieux inconnu appelé Malchia qui prétend être l’Ange gardien de Lucky. C’est d’autant plus étrange que Malchia dit tout savoir de Lucky et il dispose de toute évidence d’un stupéfiant pouvoir. Or Malchia fait à Lucky une offre étonnante : il lui propose de racheter ses crimes en sauvant des vies plutôt que de les prendre. Poussé par la curiosité, Lucky accepte et se retrouve au Moyen-Âge où il doit aider une famille juive accusée de meurtres rituels. est-ce une chance de rédemption pour lui ou un innommable cauchemar ??

Le messager de Dieu et le tueur
*Une voix en moi me soufflait qu’un sain désir
de surmonter l’épreuve qui nous attendait
l’aurait mieux servi que la candeur avec
laquelle il se précipitait vers le sort que le
destin nous réservait.*
(Extrait)

J’ai trouvé ce livre intéressant à certains égards mais il ne m’a pas particulièrement emballé. C’est ma première incursion dans l’univers d’Anne Rice et le fait que je n’aie pas commencé par son best-seller ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE était voulu. Je voulais lire un *Anne Rice* qui n’était pas submergé par la critique et la publicité.

Ici, le fil conducteur est simple : un tueur à gage se voit offrir par un ange de racheter ses crimes en acceptant d’être plongé au Moyen-Âge afin d’aider une famille juive accusée de meurtres rituels et de les sauver d’une mort certaine et injuste.

Bien que le livre n’est pas divisé en parties, j’en ai tout de même distingué quatre : 1) après son dernier meurtre, Lucky est approché par Malchiah, un ange qui lui propose un étrange marché.

Cet ange est ce que l’on appelle un Séraphin, classé par la tradition chrétienne dans la première hiérarchie des anges. 2) Malchiah fait revivre à Lucky le fil de sa vie. 3) Lucky remonte le temps jusqu’au Moyen-Âge pour remplir une mission qu’il accepte. 4) Après sa mission, Lucky revient dans le temps présent avec un avenir bien défini.

C’est une histoire un peu étrange à forte connotation religieuse et développée autour du thème de l’existence des anges. C’est une histoire de rédemption bâtie à la va-vite. Par exemple, j’ai trouvé plutôt simple la façon avec laquelle un tueur froid, dépourvu d’empathie et de sentiments décide de suivre comme ça un ange, dans l’espérance d’une rédemption.

J’ai eu de la difficulté à m’accrocher au récit, l’introduction étant longue et le nœud de l’histoire tardif. Dans ce livre, peu stimulant sur le plan littéraire, il n’y a pas vraiment d’action, pas d’intrigue.

Toutefois, je dirais que l’ensemble est sauvé par le passage de Lucky, devenu Frère Toby au Moyen Âge, plus précisément en l’an 1257 pour aider et sauver une famille juive accusée injustement du meurtre d’une petite fille qui en réalité est morte d’une maladie fulgurante.

Dans ce passage de 125 pages, plus dense et dramatique, l’auteure fait évoluer son personnage principal dans le contexte de relations extrêmement difficiles entre les Chrétiens et les Juifs. La haine dont les Juifs font les frais y est très bien décrite mais l’auteure a eu la sagesse de ne prendre aucun parti, décrivant aussi bien les travers de la juiverie que ceux de la chrétienté.

Ce passage m’a fait passer par une certaine gamme d’émotions, même si j’ai eu un peu de difficulté avec la crédibilité du personnage principal. Une fois la mission accomplie, suit le retour de Toby à son époque. Je dois dire que la finale est plutôt prévisible et très ordinaire.

À savoir maintenant si vous allez aimer ce livre. C’est bien possible que oui, si vous n’avez pas d’attentes particulières d’Anne Rice. On sait que cette auteure aime mêler les époques et conserve un style résolument baroque. Ici, elle nous entraîne dans l’Univers des anges gardiens, de leurs pouvoirs et des relations étranges et particulières qu’ils entretiennent avec les humains.

Le sujet est assez original parce que peu développé en littérature, du moins sous la forme de roman et actuel si on tient compte du fait que beaucoup de personnes croient à l’existence des anges et plus spécifiquement de l’ange gardien.

Il est intéressant de suivre la transformation de Toby et le rôle que joue Malchiah. L’ensemble manque de profondeur mais la plume est fluide et le tout se lit assez bien.

Anne Rice est une auteure américaine née en Louisiane le 4 octobre 1941, spécialisée dans la littérature fantastique. Plongée dans un profond désespoir suite à la mort de sa fille qui n’avait alors que 6 ans, Anne Rice s’est mise à l’écriture. Son tout premier livre ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE est considéré par plusieurs critiques comme un des plus grands succès de la littérature américaine contemporaine. Forte de son succès, elle s’est installée dans la maison de ses rêves en Nouvelle-Orléans, qu’elle décrit parfaitement dans le premier tome de chroniques de sorcières LA MAISON DES MAYFAIR.  

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 28 juillet 2018

LE MOINE, livre de MATHEW GREGORY-LEWIS

*Ses crimes ont été grands; et quand vous saurez la
cause de sa mort, don Lorenzo, vous vous féliciterez
que cette malheureuse n’existe plus. Elle est tombée
malade jeudi dernier après avoir été à confesse dans
la chapelle des Capucins : sa maladie était
accompagnée d’étranges symptômes…*
(Extrait : LE MOINE, Mathew Gregory Lewis, Creatives
Commons BY-SA, édition originale : 1796, LIBRE DE DROIT
édition numérique, bibebook, 550 pages)

Ambrosio, un moine prieur apparemment irréprochable, bénéficie d’une grande crédibilité dans sa région. Tout ce qu’il fait est dicté par la foi. Il semble campé sur le chemin de la sainteté jusqu’à ce qu’un mystérieux personnage s’installe au monastère : Rosario. Dès le moment où Ambrosio se lie d’amitié avec Rosario, sa vie bascule,  tiraillé entre son idéal vertueux et une forte attirance pour la chair, car une femme est dans le décor. Le Moine qui pourfendait le mal l’attire maintenant à lui. Il tombe dans la luxure et devient un monstre qui tue, viole et sombre dans la déchéance, se montre sous son vrai jour… pervers…

AVANT-PROPOS :
LA LITTÉRATURE GOTHIQUE
La littérature gothique est un genre littéraire d’origine anglaise qui a fait son apparition en 1764 avec l’œuvre d’Horace Walpole LE CHÂTEAU D’OTTRANTE. Les romans gothiques sont généralement noirs, terrifiants, et se distinguent par des éléments surnaturels et moraux. Ils mettent en perspective la force du mal à l’état brut, la cruauté et la misère. Dans la logique d’un roman gothique, il y a un engouement pour le sentimental, le macabre et l’irrationnel. L’influence du genre gothique sera non-négligeable dans l’évolution de la littérature et donnera naissance au genre fantastique au milieu du XIXe siècle.

LE PRÉFÉRÉ DE SADE
*Il se laissa aller et plaqua ses lèvres sur celles
qui les cherchaient. Ses baisers rivalisèrent
d’ardeur et de fougue avec ceux de son amante;
il l’étreignit de toute son âme et laissa sourdre
vers elle le flux montant de ses désirs. Il n’y eut
ni vœux, ni sacrements, ni honneur, il n’y eut
plus que la volupté de l’heure.
(Extrait : LE MOINE)

C’est en parcourant LES 1001 LIVRES QU’IL FAUT AVOIR LUS DANS SA VIE publié chez Trécarré sous la direction de Peter Boxall et dont j’ai déjà parlé sur ce site que m’est venue l’idée de faire l’essai de la littérature gothique. J’ai donc opté pour un roman-phare dans le genre gothique : LE MOINE De Matthew Gregory Lewis.

C’est un roman très noir à l’allure subversive, un récit glaçant qui prend son origine d’un monastère dans lequel s’infiltre un envoyé du diable. À partir du moment où le diable, incarné dans une femme se dévoile, le récit sombre dans une alternance de surnaturel et de dépravation.

LE MOINE, c’est Ambrosio, un homme adulé, vertueux jusqu’au puritanisme qui cache un profil de frustré refoulé et sous l’influence de Mathilde sombrera très vite dans les pires excès de cruauté et de perversion. Le rigoriste vêtu du voile de la vertu et de la pureté devient rien de moins qu’un monstre de décadence et de déchéance.

Lors de sa première parution en 1796, ce livre a longtemps été considéré comme immoral et interdit dans plusieurs milieux. Mais c’était compter sans les mœurs de l’époque et sans compter sur la redoutable influence de l’Église en général et de l’inquisition en particulier d’autant que l’Église était pointée du doigt comme cachant dans son voile le vice et l’hypocrisie.

Si Lewis était peu regardant des mœurs de son époque, il était par contre très conforme au style contemporain, avec la complicité des traducteurs bien sûr : un français haut perché, déclamé, presque théâtral qui transpire l’extravagance mais qui donne à l’ensemble un caractère extrêmement visuel qui englouti le lecteur.

Plusieurs lecteurs ne pourront s’empêcher de comparer Lewis au marquis de Sade. Moi je l’ai fait et pour LE MOINE tout au moins, j’ai trouvé Lewis beaucoup plus raffiné. Il y a dans son texte plus de profondeur, plus de recherche et une meilleure gradation, plus d’intensité aussi car l’atmosphère glauque et le non-dit m’ont peut-être davantage ébranlé que l’innommable perversité du Moine.

J’ai trouvé le récit dur, très noir mais passionnant. Il est complexe aussi car il raconte deux histoires parallèles. Elles finissent par converger mais ça demande un minimum de concentration. Je crois que c’est la grande fluidité de la plume de Lewis qui m’a gardé captif. Le livre développe au-delà de toutes mes espérances la corruption la plus outrancière induite par le pouvoir.

Enfin, je peux comprendre pourquoi ce livre est devenu le préféré du Marquis de Sade. Ce que je comprends moins, c’est que Lewis a écrit LE MOINE essentiellement pour divertir sa mère. Là-dessus, je dois admettre que je m’interroge toujours…

LE MOINE est un véritable cocktail explosif, rien de moins…et il garde toute son actualité

Mathew G. Lewis (1775-1818) était un romancier dramaturge anglais. Il a fait ses études en vue d’une carrière diplomatique et devient attaché à l’ambassade britannique de La Haye en 1794. Il n’y restera que quelques mois et c’est dans cette période qu’il écrira, en dix semaines, son roman LE MOINE, publié l’année suivante. Le succès est immédiat mais a une aura de scandale au point que Lewis publiera une 2eédition épurée des passages les plus décadents, ce qui ne changera pas grand-chose.  Pendant un voyage en Jamaïque, il contracte une fièvre et en mourra.

LE MOINE AU CINÉMA

Dominik Moll a adapté le livre de Lewis LE MOINE au cinéma dans un film sorti en 2011 et réunissant à l’écran Vincent Cassel, Déborah François et Joséphine Japy. Plusieurs critiques ont considéré que la perdition sexuelle l’a emporté sur la qualité du scénario mais tous s’entendent sur l’excellente prestation de Vincent Cassel.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 24 juin 2018

LA MORT HEUREUSE, livre de HANS KÜNG

*Pour moi, refuser de prolonger indéfiniment ma vie temporelle
fait partie de l’art de vivre et de ma foi dans une vie éternelle.
Quand le temps sera venu, j’aurai le droit, pour autant que j’en
serai capable, de décider, en prenant personnellement mes
responsabilités, du moment et de la manière de mourir.

Si cela
m’est accordé, je serais content de mourir en pleine conscience
et de me séparer dignement des gens qui me sont chers.*
(Extrait : LA MORT HEUREUSE, Hans Küng, Éditions du Seuil, 2015,
Édition de papier, 135 pages)

LA MORT HEUREUSE est un plaidoyer éthique et philosophique en faveur d’une mort assistée digne et humaine. Le célèbre théologien réformiste Hans Küng revendique ce droit particulièrement au nom de sa foi dans une vie éternelle car il est clair pour lui qu’il n’y a aucun antagonisme entre la foi et le droit pour un être humain le moment venu, de décider quand et comment il va mourir alors qu’il doit lutter contre la maladie dégénérative et sans retour, et ce dans d’intolérables souffrances physiques et psychologiques. L’auteur développe une réflexion intense, libre et ouverte.

DON DE DIEU, DEVOIR DE L’HOMME
*De  la dignité de l’homme procède le droit
à se déterminer lui-même pour sa vie,
toute sa vie, même pour l’ultime étape,
celle du mourir.*
(Extrait : LA MORT HEUREUSE)

Ce livre développe un sujet extrêmement délicat. En effet, la mort assistée est un principe de fin de vie qui fait l’objet de profonds désaccords et malentendus de société sur les plans éthique, juridique, politique, médical, religieux et social. On sait que Hans Küng est un théologien catholique réformiste, voire rebelle aux positions ultra-conservatrices de l’église dont celle sur la mort assistée.

Une croyance pratiquement universelle veut que la vie soit un don de Dieu et qu’y mettre fin prématurément constituerait un déni de Dieu et dans ces conditions, l’âme ne peut être sauvée. Dans LA MORT HEUREUSE, l’argumentaire de Kung est complètement à contre-courant de cette croyance, au point de se lancer dans une apologie de la mort assistée dans un cadre moral, humain et éthique bien précis…

*Actuellement, nombre de théologiens sont d’avis que l’homme doit tenir jusqu’à *la fin prévue* pour lui et qu’il n’a pas le droit de remettre sa vie *avant l’heure*…Le Dieu créateur bon a-t-il vraiment *prévu* une réduction de la vie humaine à une vie purement biologique et végétative, avec de l’incontinence, des cathéters, une sonde stomacale et des plaies qui produisent des ulcères.

Beaucoup se demandent aujourd’hui pourquoi le fait de remettre librement, de façon responsable, une vie définitivement détruite, avec des souffrances insupportables, *avant l’heure* devrait faire l’objet d’interminables débats. La mort n’est absolument pas toujours l’ennemi de l’homme.*

Tout l’argumentaire du livre tourne autour de cette affirmation. Et pour alimenter la réflexion, Küng aborde cette peur profonde et atavique qui afflige tous les humains, au-delà de la peur de la mort : la peur de la non-existence, du non être…*De même que l’homme et le monde ne surgissent pas du néant, de même ils ne retombent pas dans le néant.

Le mourir et la mort ne sont que des étapes et un nouvel avenir vient à leur suite…Là où l’homme atteint l’ultime de sa vie, ce n’est pas le Néant qui l’attend mais…Dieu et auprès duquel les morts sont entre bonnes mains…* Donc s’est précisément parce que Hans Küng est profondément croyant qu’il plaide pour une mort assistée, encadrée, digne et humaine. Il n’est évidemment pas compris par tout le monde.

J’ai apprécié ce livre mais comprenons-nous bien. La question n’est pas de savoir ici si je suis d’accord ou non avec l’auteur. Je n’ai pas lu ce livre comme on lit un éditorial. Mais j’ai trouvé l’argumentaire de Küng sérieux et crédible.

Ce livre m’a permis d’affuter et d’enrichir mon opinion, de découvrir une nouvelle façon de voir les choses, de mettre de l’ordre dans mes idées et de préciser ma pensée sur un sujet qui est, et qui sera toujours complexe. Je dois dire aussi que Küng m’a surpris par son interprétation de la foi que je croyais jusqu’alors en parfaite contradiction avec l’euthanasie et pour son audace à faire face à ce que j’ai toujours appelé l’étroitesse d’esprit des officiers de l’Église.

Il y aura je pense autant d’interprétations de ce livre que de lecteurs, son sujet touchant la conscience de chacun puisqu’il met en perspective l’enjeu du rapport de l’homme avec la mort. Moi je considère ce livre comme un plaidoyer éthique sérieux.

Je n’ai pas senti que l’auteur voulait me *vendre* une idée comme ce fut le cas de plusieurs livres que j’ai lu sur les expériences de mort imminente par exemple. On peut sentir la conviction de l’auteur sans la partager complètement. La liberté est au lecteur qui se voit offrir ici un fort intéressant outil de réflexion.

Hans Küng est un théologien catholique et écrivain né en Suisse en 1928. Après des études en théologie à Rome, il est ordonné prêtre en 1954. Il exerça la prêtrise tout en continuant ses études dans diverses universités européennes, puis il devint professeur de théologie à l’Université de Tübingen en république fédérale d’Allemagne où il fit la connaissance de Joseph Ratzinger, alors futur pape Benoît XVI.

À partir des années 1970, il publie de nombreux ouvrages en poursuivant son enseignement  puis un conflit l’oppose à Rome, plus particulièrement à la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

Il cesse d’enseigner en 1996. Atteint de la maladie de Parkinson, il se dévoue depuis 1993 à la fondation POUR UNE ÉTHIQUE PLANÉTAIRE qui veut développer la coopération entre les religions. Cet engagement lui a valu le PRIX NIWANO de la paix en 2005.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 22 avril 2018

LE SICARIER, livre de Danny-Philippe Desgagné

MYSTÈRE À SEPT-ÎLES

*Démembrement humain, expliqua Normand Vandal, en désignant du doigt les restes humains placés sur sa table d’autopsie en inox…* (extrait : LE SICARIER, Danny Philippe Desgagné, Les Éditions SM, collection Triskèle, 2006, éd. Papier)

Intrigue sur fond de surnaturel qui se déroule à Sept-Îles. Le détective Dorian Verdon enquête sur le meurtre d’une religieuse. Mais l’enquête piétine et la seule piste même difficilement exploitable qui lui reste, est de suivre l’incroyable raisonnement d’un mystérieux personnage appelé Thomas qui prétend être un ange, réincarné dans le corps d’un héroïnomane, ce qui lui donne l’apparence d’un illuminé.

Le meurtre de la religieuse ne serait qu’un mince élément de quelque chose de beaucoup plus grand : rien de moins qu’un complot ourdi par Lucifer dans le but de prendre le contrôle de l’humanité. Les évènements amèneront Dorian Verdon à faire équipe avec le mystérieux personnage dans l’enquête la plus invraisemblable et la plus complexe de sa carrière.

LES DOGMES À L’ÉPREUVE

*J’oubliais l’âme. Vous lui avez donné même
un poids : 21 grammes.
N’est-ce pas merveilleux.*
(extrait : LE SICARIER)
SICAIRE : littéraire. Tueur à gages (Larousse)

Le SICARIER est le deuxième roman de Danny Desgagné. Le récit développe une histoire dans laquelle se chevauchent une enquête policière musclée et un amalgame de faits historiques et mythologiques évoquant une tentative de retour de Lucifer sur terre.

Si la trame de l’histoire n’est pas vraiment d’une grande profondeur psychologique, son sujet est original et au passage, écorche nos plus profondes croyances judéo-chrétiennes. À moins d’avoir l’esprit très ouvert, les Catholiques purs et durs n’apprécieront peut-être pas car les dogmes de l’église sont soumis à rude épreuve.

Voici un extrait qui en dit assez long là-dessus, celui qui parle étant Thomas, ange réincarné, contemporain de Jésus : *Pour me suivre, il est obligatoire que tu remettes le compteur de toutes tes croyances à zéro. Quand je dis toutes, cela vaut aussi pour les fables Judéo-chrétiennes serinées par ton oncle du haut de sa chaire* (extrait LE SICARIER, p.285)

Les miracles sont démystifiés et tout y passe…de la multiplication des pains à la résurrection de Lazare en passant par Jésus qui marche sur les eaux. Certaines explications sont tellement plausibles qu’elles m’ont laissé très songeur.

Je crois avoir compris que le but de l’auteur n’était pas de remettre en cause les fondements de l’Église Catholique, mais bien de livrer une enquête criminelle par moments tellement irrationnelle qu’elle pousse le lecteur à la réflexion, entre autres sur l’obscurantisme et la façon parfois spectaculaire dont la vérité peut se tordre et se déformer avec le temps. Au départ ce livre est avant tout une fiction policière.

J’ai trouvé dans ce livre tout ce que j’apprécie habituellement dans mes lectures : les chapitres sont courts à quelques exceptions près, l’intrigue est développée habilement, le langage est clair. Il est facile de s’attacher aux personnages principaux, Thomas l’ange réincarné et l’enquêteur Dorian Verdon malgré leur caractère impulsif, Verdon en particulier n’est pas un tendre.

L’enchaînement des évènements est rapide même si l’ensemble peut accuser certaines longueurs dans les dialogues, notamment ceux qui tendent à démystifier les miracles (Mais la lecture en vaut la peine).

C’est un livre audacieux (une audace qui me rappelle un peu Dans Brown) et je n’hésite pas à vous le recommander. Je sais qu’il peut être difficile à trouver sur le marché du livre, mais s’il vous intéresse vraiment, je vous invite à communiquer avec l’auteur à cette adresse  triskele@cgocable.ca

Suggestion de lecture : CELUI QUI BAVE ET QUI GLOUGLOUTE, de R.C. Wagner

Je vous invite aussi à consulter le site internet http://www.dpdesgagne.com


Danny Philippe Desgagné est originaire de Chicoutimi et vit actuellement à Sept-Îles. Du moins au moment d’écrire ces lignes. Bien qu’il ait complété des études en Communication à l’Université d’Ottawa, c’est l’écriture qui s’est emparée de sa vie. Son premier roman, Irimi publié en 2000 lui a valu une mention au Prix Abitibi-Consolidated.

Son second ouvrage, Le Sicarier, publié en 2006, reçoit à son tour une mention au Prix Saint-Pacôme. En novembre 2009, Danny Philippe Desgagné publie LA FLAMME ET L’ABÎME, avec le même style d’écriture mais qui entraîne le lecteur dans un monde très différent : l’univers des DONJONS ET DRAGONS.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2016

LA CHORALE DU DIABLE, de MARTIN MICHAUD

*Le tueur est là, en bas des marches. Il s’apprête à franchir les portes menant
à la station de métro Bonaventure. Le tueur retire sa cagoule…surtout, ne pas
créer de mouvement de panique…*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE de Martin Michaud, éditions Goélette, Qc, 2011, éd. Num. 421 pages)

Avant de se suicider, un homme tue une femme et trois enfants…un carnage d’une horreur indescriptible.  Le meurtrier présumé serait le mari. Deux jours plus tard, une alerte Amber (alerte-enlèvement à grande échelle) est déclenchée : une jeune fille faisant de la porno sur internet est kidnappée. Comme les deux drames semblent sans lien au début, chaque affaire est confiée à un policier. Les deux enquêtes vont finir par converger et elles seront d’autant compliquées que les deux policiers se détestent cordialement.

Ils s’engageront néanmoins dans une démarche dangereuse les conduisant dans plusieurs villes du Québec et même jusqu’au Vatican. Évoluant dans un monde obscur de fanatisme religieux et de perversité dans une enquête parsemée de morts, Victor Lessard et Jacinthe Taillon se rapprochent de la découverte d’un secret terrifiant : celui de la chorale du diable.

Un secret effrayant
*…Est-ce que ça -fitterait- avec des satanistes
de mettre en scène des meurtres, en essayant
de reproduire une invasion de mouches
inspirée du quatrième fléau?*
(extrait de LA CHORALE DU DIABLE)

Avec sa plume puissante et fort bien structurée, Martin Michaud nous livre un récit intense qui évoque les travers les plus tordus de la nature humaine : cruauté, sadisme, violence, pédophilie, satanisme et j’en passe. Je pense que le lecteur doit bien évaluer la sensibilité de son âme avant d’entreprendre la lecture de ce livre et savoir aussi qu’il ne donne pas une image très flatteuse de l’Église Catholique. Une fois commencée la lecture de l’histoire, je me suis senti comme une mouche dans une toile d’araignée…difficile d’en sortir.

L’auteur a imaginé une enquête extrêmement complexe et tentaculaire, car elle amène autant l’enquêteur de l’histoire que le lecteur dans de multiples directions avec de multiples rebondissements pour chaque direction.

Une phrase captée en cours de lecture et qui concerne l’enquêteur Victor Lessard résume très bien la complexité de l’histoire : *…Il ne peut s’empêcher de frissonner : il se heurte à quelque chose de beaucoup plus grand que lui, une bête à multiples tentacules qui le dépasse et qui lui flanque une peur irraisonnée.* (Extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Je parle souvent dans mes commentaires de l’importance du fil conducteur d’une histoire…cette espèce de lien qui garde le lecteur dans le coup. Ce fil conducteur prend une importance capitale dans un récit aussi multidirectionnel que LA CHORALE DU DIABLE. Dans ce récit, il y en a deux…et deux solides : d’abord la chorale.

L’auteur dévoile très graduellement le lien entre la chorale et les meurtres. Et puis, il y a les mouches…alors ça c’est une trouvaille : l’omniprésence des mouches dans le récit…des essaims de millions de mouches…

En plus d’établir un lien entre les mouches et l’apocalypse, l’auteur nous livre sa petite explication judiciaire et médico-légale : *…Lessard sait que l’entomologie judiciaire s’intéresse généralement aux mouches et autres insectes qui, les uns après les autres, viennent se nourrir des cadavres en décomposition, parce que ce comportement permet de fixer avec précision le moment de la mort.* (extrait LA CHORALE DU DIABLE)

Mais voilà, dans le récit, il y a beaucoup trop de mouches pour que ce soit naturel. Quoique l’auteur mette le lecteur sur la piste (avec retenue), il ne livre l’explication du mystère qu’à la fin.

Autre lien intéressant dans le récit, la présence constante d’hommes d’église et vous pouvez me croire, ce ne sont pas tous des enfants de chœur et leur rôle dans l’histoire est issu d’une motivation très particulière qui m’a laissé pantois.

LA CHORALE DU DIABLE est un polar bien ficelé, puissant qui rappelle un peu Dan Brown dans le dévoilement progressif de l’intrigue et la multiplicité des indices. Les personnages principaux : les enquêteurs Victor Lessard et Jacinthe Taillon sont deux mufles, mais étrangement, deux mufles attachants.

À vous amis lecteurs de découvrir pourquoi. La violence y est très descriptive…trop à mon goût, mais si vous avez le cœur solide, je vous recommande LA CHORALE DU DIABLE déjà bardé de reconnaissances littéraires : PRIX SAINT-PACÔME du meilleur roman policier en 2011, et PRIX ARTHUR- ELLIS remis au meilleur roman policier francophone publié au Canada en 2012.

Suggestion de lecture, du même auteur : SOUS LA SURFACE

Né à Québec en 1970, Martin Michaud est un véritable homme-orchestre : avocat, scénariste, écrivain, il est aussi musicien. Sur le plan littéraire, il s’est spécialisé dans le thriller à forte intensité. Ses trois premiers ouvrages (IL NE FAUT PAS PARLER DANS L’ASCENSEUR et LA CHORALE DU DIABLE en 2011, JE ME SOUVIENS en 2012) obtiennent un succès spontané et fulgurant avec la création d’un personnage tourmenté mais d’une impeccable moralité : Victor Lessard. 

Pour en savoir davantage sur cet auteur déjà qualifié de maître du thriller québécois, consultez son site internet michaudmartin.com

BONNE LECTURE

JAILU

AOÛT 2015

L’ANCIEN TESTAMENT POUR LES NULS, Éric Denimal

*…Il est grand temps de démythifier
la bible, de dépoussiérer l’Ancien
Testament et cela pour le rendre plus
mystérieux, de ces mystères qui
donnent ressort à la vie et sens aux
absences de réponse…*
(Extrait de L’ANCIEN TESTAMENT POUR
LES NULS d’Éric Denimal, First Editions,
2011)

Dans L’ANCIEN TESTAMENT POUR LES NULS, le théologien Éric Denimal aborde de façon systématique et chronologique la première partie de la bible Chrétienne, soit l’Ancien Testament avec ses 39 livres canoniques. Il explique comment a débuté le récit biblique et comment il a été élaboré au cours des siècles. Ce livre tente de répondre de façon simplifiée aux  questions que pourraient se poser les non-initiés sur Dieu lui-même et sur les principaux personnages dont l’Esprit imprègne non seulement l’Histoire d’un peuple mais aussi l’œuvre littéraire la plus considérable et la plus importante de l’histoire de l’humanité.

LES PREMIERS ÉCRITS POUR NON-INITIÉS

Donner vie aux Textes anciens, les décrypter et les expliquer de façon simple et intelligible est certes un énorme défi. Je le sais car je m’intéresse à la question depuis de nombreuses années. Or, il se trouve que la plus grande fresque littéraire de l’histoire de l’humanité est aussi la plus complexe et la plus rigoureuse. Je parle de la bible dans sa première partie, c’est-à-dire l’Ancien Testament, composé dans la version chrétienne de 39 livres écrits par des auteurs disparates et couvrant plusieurs siècles de l’Histoire d’un Peuple choisi par Dieu.

Ce n’est pas simple, car l’œuvre dans son ensemble est chargée de symbolique, d’énigmes à résoudre, de paraboles, de secrets à décrypter. Les plans de Dieu sont loin d’y être saisissables et, pour moi en tout cas, ses voies demeurent désespérément impénétrables. L’œuvre dans l’ensemble repose donc sur la Foi et ramène aux Messages des Prophètes : Croyez et agissez.

Pour comprendre l’Ancien Testament, qui est une collection de livres, pour ne pas dire une bibliothèque, il faut donc le regarder d’un œil neuf, avec l’esprit ouvert de l’enquêteur, du journaliste, du chercheur à l’insatiable curiosité. C’est ce qu’a fait Éric Denimal avec beaucoup d’intelligence, un souci constant de clarté et de concision et même une pointe d’humour.

La première évidence qui ressort du livre d’Éric Denimal est que la Bible demeure *d’une brûlante actualité*. Il le précise d’ailleurs plusieurs fois et les liens de l’œuvre avec la *modernité* rend la lecture extrêmement intéressante. Donc aucun doute, même en ce 21e siècle, la bible demeure pertinente.

Autre fait intéressant : l’auteur a su mettre en perspective la beauté des textes en dévoilant les aspects littéraires de l’œuvre. En effet, dans l’Ancien Testament on trouve une grande quantité de genres : complaintes, débats, poésie, proverbes, prédications, pensées philosophiques… et une approche pédagogique à saveur scientifique, mais sans aucune lourdeur : histoire, géographie, archéologie, théologie, médecine, astronomie, culture, sciences naturelles, etc.

Dans L’ANCIEN TESTAMENT POUR LES NULS, Éric Denimal ne verse pas dans l’exégèse. Il nous invite à réapprendre à lire la bible avec un œil neuf en utilisant son don exceptionnel de vulgarisateur et une saine liberté d’expression. Une lecture divertissante et captivante qui ne devrait pas vous laisser indifférent.

Suggestion de lecture : L’OEUVRE DE DIEU, LA PART DU DIABLE, de John Irving

Écrivain et théologien, Éric Denimal est  né en France en 1953. Il a été aussi chroniqueur, conférencier, journaliste et éditeur. Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrage dont le plus célèbre est sans doute LA BIBLE POUR LES NULS, livre publié chez First. L’ensemble de son œuvre fait de lui un spécialiste de la vulgarisation biblique. Il pourrait aussi faire époque avec LA BIBLE POUR LES NULS JUNIORS publiée récemment ainsi qu’avec une biographie du réformateur Jean Calvin. Il vit toujours dans le Drôme, marié, père de trois enfants.

BONNE LECTURE
JAILU/Claude Lambert
JUIN 2014

VOIR LE COMPLÉMENT SUR LA COLLECTION

LA RELIGION, roman de TIM WILLOCKS

*…De la tête, Lazaro désigna l’escalier qui menait
au cloître des hospitaliers. –On voit des choses
là-dedans, qui retourneraient l’estomac le plus
solide et briseraient le cœur le plus vaillant…*
(extrait de LA RELIGION, Tim Willocks, 2006,
version française 2012, Sonatine Éditions)

Cette histoire nous fait remonter le temps jusqu’en 1565 alors que Soliman le magnifique, Sultan des Ottomans déclare la guerre Sainte aux Chevaliers de l’Ordre de Malte. C’est l’occupation de Malte, un des conflits les plus sanglants et cruels opposant l’Islam et la Chrétienté. Au cœur de cette toile spectaculaire et oppressante, on retrouve Matthias  Tanhauser,  un colosse héroïque, fidèle à la Religion mais déchiré entre deux désirs extrêmement puissants : la soif de combat et de gloire et l’amour d’une femme piégée à Malte : Carla qui garde  l’espoir de retrouver son fils qui lui a été arraché au début de sa vie par un homme d’église fourbe et cruel.

D’abord, quelques mots sur LA RELIGION :

La Religion dont il est question dans ce roman est essentiellement un ordre religieux dont le vrai nom est ORDRE DE SAINT-JEAN DE JÉRUSALEM aussi appelé LES HOSPITALIERS et plus couramment LA RELIGION. Cet ordre religieux a été créé à Jérusalem vers 1080 et est à l’origine de tous les autres ordres de Saint Jean. Au départ, l’ordre était exclusivement hospitalier, protégeant avant tout les pèlerins malades dans les hôpitaux de l’ordre.

Très vite, après la disparition des Templiers, l’ordre de Saint-Jean, tout en gardant un pied dans sa vocation d’hospitalier est devenu guerrier avec une féroce volonté de combattre les Sarrazins et de parer à la menace musulmane. Avec le temps, l’Ordre, farouchement indépendant, échappera à tout contrôle jusqu’à son éclatement au début du 19e siècle.

UN ROMAN *CHOC* :

C’est un roman très long (plus de 800 pages) qui évoque le grand siège de Malte, un des conflits les plus sanglants de l’histoire des guerres de religion et un des plus cruels de l’histoire militaire. En effet, en mai 1565 Soliman, sultan des Ottomans (des Turcs) à la tête de 38,000 hommes, est décidé à prendre l’île de Malte qui ne dispose que de 9 000 chevaliers hospitaliers et soldats Maltais.

Soliman voit dans cette guerre une étape pour réduire la chrétienté à néant, mais le courage et l’astuce de son opposant, la Valette, grand maître de la Religion, conduiront les Turcs à la déroute. Tim Willocks décrit avec un luxe de détails l’incroyable boucherie qui résultera de cette guerre.

Ce qui m’a frappé dans ce roman, c’est la puissance descriptive que l’auteur a déployée…description détaillée de tueries, d’exécutions, de mutilations, de corps démembrés, de têtes tranchées, de puanteur, description détaillée de cette capacité très *humaine* de tuer et de faire souffrir avec des raffinements de cruauté, sans oublier une description très explicite de plusieurs épisodes à caractère sexuel dont quelques-uns sont loin de verser dans l’eau de rose.

J’ai trouvé l’écriture magnifique, puissante mais parfois éprouvante, la violence étant détaillée avec une telle ferveur qu’elle m’a laissé cette impression agaçante que l’auteur a voulu trop en mettre. Toutefois l’esprit chevaleresque de l’époque est bien mis en perspective. Les amours du Héros Tanhauser viennent un peu alléger l’ensemble même s’il s’agit d’un impossible et complexe triangle amoureux.

Ce livre ne m’a pas fait ami-ami avec la Religion car ce n’est qu’un des très nombreux ouvrages (romanesques ou documentaires) qui évoquent une époque où l’inquisition voyait l’hérésie partout et où il suffisait de dire *C’est la volonté de Dieu* pour justifier la folie des hommes. Willocks ne se gêne pas pour souligner le travers des Cultes et les qualifier de fosses à serpents.

Il m’a semblé évident que l’auteur a pris son temps…le roman accusant des longueurs mais sa principale force est d’arracher le lecteur de son confort et de le placer dans le décor d’un environnement ravagé par la violence et la haine.

Grande Crois de l’Ordre de Saint-Jean-De-Jérusalem

C’est un roman puissant. La plume est audacieuse et est de nature à submerger le lecteur, surtout celui qui ne craint pas les longueurs et la crudité d’une grande quantité de passages. Le livre a peut-être une ou deux centaines de pages de trop mais il tient quand même captif et sa finale est magnifique.

Suggestion de lecture : TERRES DE SANG ET DE LUMIÈRE de Jocelyne Godard

BONNE LECTURE
JAILU
OCTOBRE  2013

(En Complément…)

LE RASOIR D’OCKHAM, livre d’HENRY LOEVENBRUCK

« …Mais en gros, le centre de la terre reste

Suffisamment inconnu pour que des

Occultistes puissent imaginer n’importe quoi… »

Extrait de *LE RASOIR D’OCKHAM* par Henri Loevenbruck, Flammarion 2008 


RASOIR D’OCKHAM :

Vieux principe philosophique et mathématique qui veut que lorsque deux hypothèses entrent en compétition pour la solution d’un même problème, l’hypothèse la plus simple est la meilleure…

L’histoire est celle d’Ari Mackenzie, policier analyste controversé de la Direction Centrale des renseignements Généraux. Mackenzie doit enquêter sur des meurtres en série particulièrement sordides commandités par une secte sanguinaire surgie du passé.

Pour avancer dans cette affaire, probablement la plus complexe et la plus violente de sa carrière, Mackenzie doit interpréter six pages d’un célèbre manuscrit du XIIIe siècle : le célèbre carnet de Villard de Honnecourt.

Ce document énigmatique aurait un lien avec les Compagnons du Devoir, un groupe occulte prêt à tout pour redécouvrir ce secret oublié du Moyen-âge et susceptible de déchaîner une incroyable violence. Le défi de Mackenzie :  arrêter ces fanatiques  sans scrupules avant qu’ils ne mettent en place leur sinistre dessein.

Rien de neuf et de vraiment original dans cette saga de Loevenbruck qui rappelle étrangement les histoires de Dan Brown … exactement la même recette :  un personnage principal spécialiste des sectes et de l’occultisme, des meurtres dégueulasses, un secret dangereux que veut percer une secte d’illuminés, des héros qui passent d’une énigme à l’autre, évoquant un jeu de piste et bien sûr, la femme de l’histoire qui vient ajouter une petite touche romantique. 

J’aime mieux vous le dire tout de suite, bien que le livre de Loevenbruck ait quelques forces, Brown est infiniment supérieur,  plus subtil, plus intriguant, et un peu plus réaliste. Ma déception vient principalement de trois faits qui m’ont sauté aux yeux : le style est beaucoup trop emprunté, l’histoire est un peu tirée par les cheveux, et la finale, bien qu’elle annonce une suite, évoque ce que je pourrais qualifier de superbe queue de poisson.

Mais tout n’est pas noir… il y a quand même des éléments intéressants qui m’ont gardé le nez dans le livre. Les chapitres sont assez courts et plusieurs sont d’une grande intensité. Il y a de l’action et du mystère ainsi qu’une description intéressante des lieux historiques.

Si vous êtes amateurs d’occultisme, de mystères et d’intrigues évoquant un péril possible de l’équilibre mondial, vous pourriez  apprécier ce livre à la condition de ne pas avoir trop d’attente car toute l’intrigue repose sur un secret qui doit être protégé même au prix de la vie. C’est une variation très ordinaire sur un thème archi connu.  Si c’est votre baptême du genre, vous pourriez vous en tirer avec une petite déception sur le manque d’envergure et sur le ptit coté *guerre de gang*. C’est lisible, mais ça s’arrête là

Suggestion de lecture : AU FIL DU RASOIR de Karin Slaughter.

JAILU
FEVRIER 2013

(En Complément…)