MAFIA INC.

Grandeur et misère du clan sicilien au Québec

Commentaire sur le livre d’ANDRÉ CÉDILOT ET ANDRÉ NOËL

*L’écoute électronique étalait au grand jour les graves dissentions entre mafiosis calabrais et siciliens. Ces révélations connurent un dénouement sanglant alors qu’éclata une série de règlements de compte qui culminèrent avec l’exécution spectaculaire en janvier 1978 de Paolo Violi. *

(Extrait : MAFIA INC. André Cédilot et André Noël, version audio, Vues et voix éditeur. À l’origine, Les Éditions de l’Homme, 2020. Durée d’écoute : 20 heures 51 minutes. Narrateur : Marco Calliari)

Montréal, 1978. Alors que survient l’assassinat du parrain calabrais Paolo Violi, nul ne devine l’ampleur de la «machine» mafieuse qui se cache derrière ce meurtre. Pour le clan adverse des Siciliens, c’est le début d’une épopée qui va durer plus de 30 ans. Après avoir échappé à la justice pendant des décennies, les chefs mafieux Nicolò et Vito Rizzuto sont arrêtés et condamnés au milieu des années 2000, l’un à Montréal et l’autre aux États-Unis. Or, dans le cœur du clan sicilien, frappé d’une série de meurtres stratégiques, la débandade continue.

UNE GRANDEUR QUI FINIT EN MISÈRE

C’est le fameux livre qui a inspiré le film éponyme qui a connu une notoriété intéressante. En effet, MAFIA INC. réalisé par Daniel Grou a été présenté en première au Festival international du film de Sao Paulo en 2019.

C’est un documentaire qui raconte comment deux parrains montréalais ont bâti, par la corruption et la violence un empire comptant parmi les plus puissants du crime organisé en Amérique du Nord. Tous les grands noms y passent : les Violi, Cotroni, Rizzuto, Lo Presti, Cuntrera et autres.

Les auteurs expliquent aussi les ramifications de la Mafia québécoise avec celle des États-Unis. Là aussi, les grands noms de la Cosa nostra y passent : les Genovese, Lucky Luciano, Capone, Maranzano, Anastasia et autres. J’avais au départ, une certaine connaissance de ces noms grâce au film de Terence Young sorti en 1972, COSA NOSTRA, LE DOSSIER VALACHI.

J’ai choisi la version audio mais j’ai trouvé ça long et redondant parce qu’en fait, le livre est un enchaînement de variations sur le même thème : meurtres, carnage, règlements de compte, guerres de gangs, vengeances, corruption, blanchiment d’argent, drogues, prostitution, paris et jeux et j’en passe…tout ça au nom du pouvoir, du contrôle, de l’enrichissement, sans oublier le Code d’Honneur, la famille et bien sûr l’omerta, à l’origine de temps de morts.

J’ai trouvé l’écoute ardue. Il y a tellement de personnages qu’on s’y perd. J’aurais souhaité un style un peu plus télégraphique avec moins de noms secondaires. La chronologie à la fin est une bonne idée. Outre le fait que le livre passe de manœuvre mafieuse en manœuvre mafieuse, je retiens de l’œuvre que dès qu’un mafioso est éliminé, il est remplacé, simplement. Le recrutement ne semble pas posé de problème. La roue tourne et le Québec n’échappe pas à cette influence.

La narration m’a posé quelques problèmes. Marco Callieri est avant tout un chanteur et spécialiste des tendances musicales émergeantes. C’est un québécois d’origine italienne. Bien qu’il ait une voix très agréable en lecture, sa narration est truffée d’erreurs de prononciation, de liaison (exemple *les cinq-z-années suivantes). L’emphase sur la prononciation des termes et noms italiens est sensiblement exagérée et souvent, la respiration se fait au mauvais endroit.

Le tout est un peu monotone et *grafigne* l’oreille. Ajoutons à cela que le sujet développé me rebute. Je voulais écouter ce livre pour comprendre le développement de la Mafia au Québec et son histoire. Cet aspect est assez bien développé mais malheureusement noyé dans un luxe de détails sur les méthodes de la mafia…violence, cruauté, intimidation, extorsion et élimination. Bref, cet ouvrage ne m’a pas vraiment emballé et j’ai abandonné l’idée de regarder le film issu de ce livre.

Suggestion de lecture : LES GESTIONNAIRES DE L’APOCALYPSE, de Jean-Jacques Pelletier

Les auteurs André Noël et André Cédilot
Photo : Les Éditions de l’Homme

Pour en savoir plus sur le journaliste André Noël, cliquez ici. Pour en savoir plus sur André Cédilot, je vous réfère aux Éditions de l’Homme. Monsieur Cédilot raconte également quelques anecdotes sur Radio-Canada.ca

Mafia inc. au cinéma

Marc-André Grondin, Gilbert Sicotte (à gauche) et Sergio Castellito (à droite) sont à la tête d’une imposante distribution dans ce film québécois réalisé en 2020 par Podz. Pour parcourir le casting complet et la fiche technique, cliquez ici.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 2 novembre 2024

Le crépuscule et l’aube

Commentaire sur le livre de
KEN FOLLET

*<C’est encore pire que ce à quoi je m’attendais >…
<Il faudrait faire rôtir vifs tous les vikings. > … Mais
cette fois, Wynstan lui donna raison. <À petit feu
pour sûr.> Approuva-t-il…*
(Extrait : LE CRÉPUSCULE ET L’AUBE, Ken Follet,
Robert Laffont éditeur, 2020, édition de papier, 850 p.)

 

Avant Les Piliers de la Terre…

En l’an 997, à la fin du haut Moyen Âge, les Anglais font face à des attaques de Vikings qui menacent d’envahir le pays. En l’absence d’un État de droit, c’est le règne du chaos.
Dans cette période tumultueuse, s’entrecroisent les destins de trois personnages.

Le jeune Edgar, constructeur de bateaux, voit sa vie basculer quand sa maison est détruite au cours d’un raid viking. Ragna, jeune noble normande insoumise, épouse par amour l’Anglais Wilwulf, mais les coutumes de son pays d’adoption sont scandaleusement différentes des siennes. Aldred, moine idéaliste, rêve de transformer sa modeste abbaye en un centre d’érudition de renommée mondiale.

Chacun d’eux s’opposera au péril de sa vie à l’évêque Wynstan, prêt à tout pour accroître sa richesse et renforcer sa domination. Dans cette extraordinaire épopée où se mêlent vie et mort, amour et ambition, violence, héroïsme et trahisons, Ken Follett, l’un des plus importants romanciers de notre temps, revient à Kingsbridge et nous conduit aux portes des Piliers de la Terre.

La préquelle d’une grande épopée
*Edgar eut une pensée pour Seric, le chef de village avisé,
le grand-père aimant et revit stiggy transpercer de sa lame
cet homme si bon. En contemplant la tête broyée de Stiggy
il se dit : J’ai simplement fait de cette terre un monde meilleur. *
(Extrait)

Voici un livre que j’ai eu beaucoup de difficultés à fermer tellement il a été pour moi passionnant et accrocheur. Fidèle à sa plume, Ken Follett installe des personnages solides et au caractère bien trempé dans l’Angleterre du Moyen âge alors que comme toujours, les hommes au pouvoir sont loin du peuple.

Nous suivons en particulier Edgar, fils de batelier, devenu bâtisseur de ponts et d’édifices et qui, sans le savoir prépare le terrain pour TOM LE BÂTISSEUR, personnage central des PILLIERS DE LA TERRE. Il y a aussi Ragna, une noble normande poussée par le système social vers des hommes cruel et sans cœur. Il y a toujours une exception, vous verrez bien. Puis, il y a Aldred, un moine, progressiste, idéaliste, obsédé par son projet de création d’un centre d’érudition de renommée mondiale.

Enfin, l’évêque Wynstan, un personnage détestable, très proche de l’image qu’on se fait du diable. Je regrettais presque que l’histoire ne soit pas plus longue. J’aurais détesté le personnage plus longtemps. Plongez. Il vous en fera voir de toutes les couleurs.

La saga débute à Drengs’Ferry qui deviendra au fil de l’histoire KINGS’BRIDGE, point de départ d’une grande saga qui sera au cœur de l’œuvre de Follet : LES PILIERS DE LA TERRE. LE CRÉPUSCULE ET L’AUBE est une préquelle dans laquelle se mêlent amour, ambition, violence, héroïsme, trahison et même bonté et altruisme grâce à deux personnages particulièrement attachants : Edgar et Aldred.

Follett reste Follett. Avec LE CRÉPUSCULE ET L’AUBE, il n’apporte rien de neuf à son style. Il semble tellement obsédé par l’idée de faire converger son récit vers LES PILIERS DE LA TERRE que les ressemblances entre les deux œuvres m’ont frappées. C’est la principale faiblesse de l’œuvre, une impression de redondance. Cette convergence justifie le titre LE CRÉPUSCULE ET L’AUBE, parfaitement ajusté à l’histoire. Une trouvaille. Sinon, je trouve intéressant que l’auteur ait pris certaines libertés sans jamais toutefois en abuser. Le fait par exemple, d’évoquer l’homosexualité dans un contexte médiéval ou de décrire certains effets de la démence et de la sénilité.

Le style de Follet contribue à l’addiction mais il faut dire qu’il y a beaucoup d’intrigues et de rebondissements dans LE CRÉPUSCULE ET L’AUBE et ce jusqu’à la finale particulièrement bien ficelée malgré son petit caractère prévisible. L’auteur crée et force l’attention et l’entretien : le bien contre le mal dans un sens manichéen. Plein de contraires s’opposent y compris chez les hommes d’église.

Enfin, je dirai que l’histoire est très longue. Il ne faut pas être pressé pour la lire. J’ai beaucoup aimé cette histoire qui est soit dit en passant très bien documentée. Elle m’a appris beaucoup de chose et en plus, elle est porteuse de beaucoup d’émotions. Ça ne battra jamais LES PILIERS DE LA TERRE même si ça prépare le terrain, mais ça vaut vraiment la peine d’être lu.

Ken Follet est un écrivain gallois spécialisé dans les thrillers politiques. Il est né le 5 juin 1949 et a grandi avec les histoires que lui racontait sa mère, ce qui l’a amené très tôt à développer une forte imagination ainsi que le goût de lire. Alors qu’il était étudiant pendant la guerre du Vietnam, il s’est pris peu à peu de passion pour la politique et le journalisme. L’écriture suit rapidement.  Le point culminant de sa carrière est atteint avec LES PILIERS DE LA TERRE qui devient rien de moins qu’un succès planétaire. Suit, la trilogie LE SIÈCLE. 

Suggestion de lecture :
Du même auteur

Pour lire mon commentaire sur LE SIÈCLE, cliquez ici.
Pour lire mon commentaire sur CODE ZÉRO, cliquez ici

Après la préquelle, l’œuvre majeure

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 5 octobre 2024

 

BLOCK 46, Johana Gustawsson

<Les trois lampes torches zèbrent la fosse. Un rectangle parfait. Un mètre trente de long, cinquante centimètres de large. Du sur-mesure. Il ramasse la pelle, la charge de terre et en arrose le trou. Une seule pelletée et les jambes sont déjà recouvertes; on ne voit plus que les orteils. Des orteils doux comme des galets, froids comme des glaçons, qu’il aimerait toucher du bout des doigts…>
Citation : BLOCK 46 de Johana Gustawsson. Pour la lecture de ce livre, j’ai utilisé un support numérique. Bragelonne éditeur, 2015, 56 pages.

 

Association française Buchenwald-Dora Falkenberg, Suède. Le commissaire Bergström découvre le cadavre terriblement mutilé d’une femme. Londres. Profileuse de renom, la ténébreuse Emily Roy enquête sur une série de meurtres d’enfants dont les corps présentent les mêmes blessures que la victime suédoise : trachée sectionnée, yeux énucléés et un mystérieux Y gravé sur le bras. Étrange serial killer, qui change de lieu de chasse et de type de proie…

De l’insoutenable en bloc

C’est une histoire d’une incroyable noirceur. Le potentiel descriptif de la plume donne froid dans le dos. Et la corde est sensible car les victimes sont des enfants cruellement torturés avant de mourir. L’enquête est confiée à Emily Roy, une profileuse canadienne et Alexis Castel, une écrivaine spécialisée dans les tueurs en série.

Étrangement, l’intrigue prend sa source en 1944 dans un camp de concentration appelé Buchenwald. Un allemand jugé traître à son pays est interné dans ce camp : Erich Ebner est violenté et reçoit les pires corvées. À un cheveu d’être abattu, Erich est pris sous l’aile du   médecin chef du camp, un boucher sans conscience. L’auteure mène par la suite deux récits en convergence : la situation désespérée des déportés avec l’évolution d’Erich et  de son protecteur et une enquête complexe menée dans les années 2010.

Des enfants, tous issus de familles dysfonctionnelles disparaissent. Ils sont effroyablement mutilés vivants et marqués d’un mystérieux Y sur un bras. Au fur et à mesure de la convergence des récits, je suis devenu choqué, désarmé par tant de violences et de cruauté d’autant que les atrocités faites dans les camps de concentration allemands furent avérées par l’histoire. Je me suis fait à l’idée qu’il n’y a pas de frontière à la folie.

Je sais que c’est un cliché vieux comme le monde mais je l’utilise tout de même : ÂMES SENSIBLES S’ABSTENIR. C’est une histoire très bien écrite, ficelée et maîtrisée mais d’une violence innommable. Malgré tout, je rends hommage à l’auteure qui a évité le piège de la gratuité et du spectacle. J’ai été saisi d’addiction jusqu’à la finale, totalement inattendue et qui m’a proprement désarmé. C’est un roman très dur, perturbant. Plusieurs passages pourraient vous soulever le cœur d’autant que le rythme est très lent et de nature à faire mijoter et glacer le lecteur.

Un rythme lent favorise généralement la profondeur surtout qu’ici l’auteur exploite le pouvoir des mots avec une redoutable précision allant jusqu’à développer des passages qui expliquent ce que ressent la victime. Le roman est très fort et cette force se manifeste dès le début. Il m’a inspiré dégoût, horreur et colère mais force m’est d’admettre qu’il a été développé avec talent et intelligence

Est-ce qu’un roman peut-être trop bien écrit ? À vous de voir. Quoiqu’il en soit, BLOCK 46 développe avec brio un thème malsain et ne doit être lu que par des lecteurs-lectrices capables de soutenir l’insoutenable.

Suggestion de lecture : SOLEIL NOIR,  de Christophe Semont


L’auteure Joana Gustawsson

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 25 août 2024

 

LE SINGE D’HARLOW

Commentaire sur le livre de
LUDOVIC LANCIEN

*Le Centre d’Injection Supervisé. Trois mots résumant à eux seuls
l’ampleur du désastre. Un projet controversé, conspué. Une tumeur
plantée dans le cœur fatigué d’une ville…dans le but officiel de
réduire les risques sanitaires liés aux maladies infectieuses et
autres overdoses. Une manière de mettre sous cloche une gangrène
de la société… *

(Extrait : LE SINGE D’HARLOW, Ludovic Lancien,
Hugo poche éditeur, 2019, édition de papier, poche, 430 pages)

Démis de ses fonctions de commandant à la PJ parisienne, le lieutenant Lucas Dorinel vit son exil brestois comme une petite mort. Jusqu’à ce qu’un message obscur — Les Bêtes seront sacrifiées — lui rappelle ce que la mort, la vraie, a de plus terrifiant.
Car le message le conduit à un cadavre. Sauvagement mutilé. Celui d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. En s’adressant directement à lui, l’assassin réveille en Lucas à la fois son instinct de flic et sa violence. Le meurtrier et lui sont faits de la même étoffe. Prêts à combattre le mal par le mal et à traquer les Bêtes là où elles se terrent.

Combattre le mal par le mal
*Lucas repensa au discours du docteur Dubois. A l’expérience d’Harlow,
ce psychologue américain, qui démontrait que l’homme, au même titre
que tous les animaux, avait besoin de sécurité affective, à travers une
figure d’attachement, pour s’épanouir. Certains grandissaient sans cette
 figure et s’en sortaient très bien une fois arrivés à l’âge adulte. Mais tout
le monde n’était pas immunisé face à ce désastre psychique*
(Extrait)

C’est une histoire complexe. Un policier en disgrâce et en exil reçoit un obscur message qui le conduit au cadavre mutilé d’un homme incarcéré huit ans plus tôt pour le meurtre d’un enfant. Un message qui remet le lieutenant Lucas Dorinel en selle.

Je suis sorti de cette lecture mitigé car si le synopsis semble simple, le récit est dur à suivre. Commençons par les forces. Dans ce roman, il n’y a pas de suspense comme tel mais l’intrigue est forte. L’idée de base est intéressante même si le rituel meurtrier est issu d’un tordu décérébré et il n’est pas le seul dans cette histoire. Il y a plusieurs trouvailles dans ce récit. Il y a par exemple un geste posé par le meurtrier qu’on retrouve souvent dans la mythologie grecque, je vous le laisse découvrir évidemment.

Le lien avec le titre est aussi fort. Il fait référence à l’expérience de Harry Harlow <1905-1981>, un psychologue américain qui visait à vérifier la théorie de l’attachement de Bowlby. Pour plus de détails, allez au lien mais sachez toutefois que cette expérience sur des singes étaient d’une cruauté sans nom et serait de nos jours condamnée par l’éthique et la morale ainsi que par la loi. Vous aurez sans doute plaisir à découvrir ce que Harlow vient faire dans cette histoire et à vous de décider si vous êtes d’accord avec le principe ou pas.

Je l’ai dit plus haut, c’est pas facile à suivre. D’abord, la quantité de personnages, beaucoup trop forte inutilement donne au récit un caractère labyrinthique qui porte le lecteur au découragement. Je l’ai dit souvent. Pour un tel défi littéraire, l’éditeur devrait inclure au début, une liste des principaux personnages. Une fois bien mêlé, on pourrait au moins y référer. C’est la principale faiblesse du livre.

Autre irritant : Dorinel est un autre de ces policiers au passé compliqué et aux états d’âme lancinants. C’est trop courant en littérature policière. C’est polluant au point de se demander si ça se trouve quelque part un policier normal. Enfin, l’histoire est ponctuée de fausses pistes, de non-dit, de détournements d’attention et parfois de dialogues erratiques. Le fil conducteur est instable. Tout est gardé pour la finale qui ne m’a pas emballé d’ailleurs.

J’aimerais terminer avec quelques points positifs. Il y a de très bonnes idées dans ce roman. C’est un récit noir, dur et violent qui ne laisse pas indifférent et même qui ébranle un peu. Au moins, le livre provoque des réactions. Son écriture est assez fluide, les chapitres sont courts et l’édition est très bien ventilée. Enfin plusieurs éléments dans l’imagination déployée et dans la plume laissent à penser que l’auteur, Ludovic Lancien est prometteur. Après tout LE SINGE D’HARLOW est son premier roman. Si sa carrière commence comme son récit, il sera très intéressant à suivre.

Suggestion de lecture : CHRONIQUE D’UN MEURTRE ANNONCÉ, de David Grann

Comme les protagonistes de son thriller, Ludovic Lancien a sillonné l’ouest de la France, de
Quimperlé à Nantes en passant par La-Roche-sur-Yon et Concarneau pour travailler en pépinière et en maraîchage. Lecteur assidu, il a créé son propre blog littéraire avant de se lancer dans l’écriture et de remporter, à l’unanimité du jury, le prix FYCTIA 2019 du meilleur suspense.

 

Dans la même collection

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 24 août 2024

SAC D’OS, Stephen King

*Ce qui se met en place, lorsque disparaît la lumière du jour, est une sorte de certitude : qu’en dessous de la surface gît un secret, un mystère à la fois noir et éclatant. On ressent ce mystère dans chaque respiration, on le devine dans chaque ombre, on s’attend à y plonger à chaque pas. Il est là. *

Extrait : SAC D’OS, Stephen King, Le livre de poche éditeur. 2001, 726 pages, papier. VERSION AUDIO : Audible studio éditeur, 2019. Durée d’écoute : 24 heures 50 minutes, narrateur : François Montagut.

Depuis qu’elle n’est plus là, Mike n’écrit plus. Son souvenir l’obsède, ses nuits sont des cauchemars. Entre deux mondes, Mike la cherche. Mais elle n’est plus qu’une ombre parmi celles qui hantent le domaine de Sara Laughs, prêtes à faire payer des crimes que l’on croit oubliés. Et lorsque Mike tombe sous le charme d’une fillette de trois ans et de sa mère, une jeune veuve, il ne sait pas qu’ il va devoir affronter le déchaînement de forces surnaturelles et vengeresses.

PROFONDEUR EN LONGUEUR

Voici l’histoire de Mike Nunan, un écrivain à succès qui a perdu sa femme, Johanna quatre ans plus tôt suite à une rupture d’anévrisme. Depuis, le romancier fait des cauchemars qui concernent sa résidence secondaire, Sara Laughs dans laquelle il finit par s’installer. Nunan y découvre des éléments intrigants du passé de sa femme et réalise que Johanna hante Sara laughs.

Entre temps, Nunan s’attache à une jeune veuve, Mattie, et sa fille de trois ans Kira. L’écrivain aura à combattre sur plusieurs fronts : les mystères fantomatiques de Sara Laughs, la leucosélidophobie, un trouble psychique appelé aussi <le blocage de l’écrivain> et le beau-père de Mattie, Max Devory, un vieil homme mauvais et extrêmement agressif.

Je sors de la lecture de ce livre mitigé même si, pourtant, il est bardé de prix dont le prestigieux prix Locus du meilleur roman d’horreur. Je crois que c’est un peu exagéré de parler ici d’horreur. Le livre conserve un caractère fantastique même si, à mon avis, il est limité. De plus, je ne partage pas l’avis des critiques qui déclarent SAC D’OS comme le livre le plus abouti de King. Ça reste un bon roman mais son caractère surnaturel est plutôt timide.  Ce n’est pas le KING que j’ai adulé.

Le livre est inutilement long. Beaucoup de palabres, de passages creux et certains épisodes démesurément décrits comme par exemple un viol collectif particulièrement sordide expliqué avec un luxe de détails. J’ai trouvé l’ensemble un peu ennuyant. Le récit est assorti d’une romance entre Mattie et Mike, touchante, assez bien élaborée si on tient compte du caractère violent du beau-père. C’est un aspect de l’histoire qui ne m’a pas déplu mais qui est peu habituel dans la bibliographie de Stephen King.

L’aspect le plus intéressant du livre est la psychologie du personnage central, Mike Nunan. C’est la principale force de SAC D’OS et là, je reconnais King. Il a imprégné son héros d’authenticité, de sincérité et d’équilibre. De plus, après le décès de Johanna, chaque fois qu’il tente d’écrire, l’auteur est pris de désagréables malaises. L’inspiration ne vient plus. King m’a aidé en fait à mieux comprendre le processus de création de l’auteur qui, dans SAC D’OS, se trouve à être le narrateur et à mieux saisir aussi ce que ressent un écrivain aux prises avec le syndrome de la page blanche.

Grâce à un personnage principal humain, bien imaginé et travaillé, cherchant à s’outiller pour comprendre et combattre, j’ai pu sortir de cette lecture avec un certain degré de satisfaction.

Suggestion de lecture : POPULATION : 48, d’Adam Sternbergh

SAC D’OS A ÉTÉ ADAPTÉ À L’ÉCRAN en 2011. Cliquez ici.

Plusieurs livres de Stephen King ont été commentés sur ce site. Voici quelques liens :
ÇA,
FIN DE RONDE
UN VISAGE DANS LA FOULE
-LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TOM GORDON
22/11/63
LA TOUR SOMBRE

Pour visiter le site de Stephen King, cliquez ici.

bibliographie

BONNE ÉCOUTE
BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 9 août 2024

NUIT NOIRE, ÉTOILES MORTES

Commentaire sur le livre de STEPHEN KING

1922 : un fermier du Nebraska confesse qu’il a assassiné son épouse, avec l’aide de son fils de 14 ans. Grand chauffeur : une femme écrivain, violée et laissée pour morte au bord d’une route, décide de se venger elle-même. Extension claire : un cancéreux en phase terminale passe un pacte avec un vendeur diabolique, afin d’obtenir un supplément de vie. Bon ménage : une femme découvre qu’elle vit depuis vingt ans avec un serial killer.

Quatre nouvelles puissantes et dérangeantes, quatre personnages confrontés à des situations extrêmes qui vont les faire basculer du côté obscur, plus une nouvelle inédite vraiment inquiétante…

*Toutes ces années, elle avait vécu avec un fou, mais comment aurait-elle pu le savoir ? *
(Extrait : NUIT NOIRE, ÉTOILES MORTES, Stephen King, version audio éditée par les studios Audible, 2017, durée d’écoute : 16 heures 31, narrateurs : Mathieu Buscato et Anne-Sophie Nallino) publié à l’origine en 2010, puis vint la version française en 2012, éditée par Albin Michel. 450 pages.

NOIR ET DÉRANGEANT

Ce livre, dans sa version audio, comporte quatre nouvelles et bien que je n’aie pas ressenti mon emballement habituel pour Stephen King, j’ai passé un bon moment d’écoute avec ces quatre nouvelles livrées à ma grande satisfaction par les talentueux narrateurs Mathieu Buscatto et Anne-Sophie Nallino. On dirait que King a changé.

Les nouvelles de ce recueil sont noires, glauques et leur fond est violent mais je n’ai pas ressenti les émotions de frayeur, de stress et d’angoisse que projette habituellement King dans ses récits. J’ai senti comme de la retenue et une psychologie des personnages moins détaillées.

Les nouvelles sont des romans courts et pourtant j’ai senti quelques longueurs, un peu de redondance. Mais là s’arrêtent les petites faiblesses de ce recueil car les nouvelles qui le composent sont, d’après moi d’une grande profondeur. Pas de monstres difformes, pas de spectre, pas de surnaturel. King a utilisé, avec son intelligence et son habileté habituelles, les tares de l’esprit humain: manipulation psychologique, jalousie, vengeance, envie, abus, violence. S’il y a un domaine où King continue d’exceller, c’est bien l’exploitation de la part sombre des êtres humains.

J’ai trouvé la première et la quatrième nouvelle particulièrement originales : 1922, un homme qui manipule psychologiquement son fils adolescent pour qu’il participe au meurtre de sa mère. Ce sujet, développé froidement a heurté ma sensibilité. C’est, à mon avis, la nouvelle la mieux aboutie du recueil. La quatrième nouvelle, BON MÉNAGE, a suscité en moi un questionnement induit par cette capacité de King de nous amener aux portes du cauchemar. Comment une femme peut-elle vivre sans le savoir, depuis 20 ans avec un meurtrier en série. Belle trouvaille.

Les deux autres nouvelles sont très bien écrites mais développent des sujets déjà vus en littérature : l’histoire de l’agresseur agressé et une espèce de pacte avec le diable pour s’assurer un supplément de vie. Impression de déjà-vu oui, mais à la sauce King, grinçant, acide, avec parfois de l’humour noir.

C’est un livre sans trop de surprises, sûrement pas le meilleur de King, du moins, dans le style auquel il nous a habitué. Les narrateurs m’ont fait oublier ce que je n’ai pas trouvé en lui. Ça ne passera pas à l’histoire mais j’ai tout de même apprécié.

Suggestion de lecture : NOUVELLES NOIRES de Renaud Benoit


L’auteur Stephen King

Aussi, à lire ou à écouter…très intéressant

D’autres livres de Stephen King sur ce site :

Pour lire mon commentaire sur 22/11/63, cliquez ici.
Pour mon commentaire sur la TOUR SOMBRE
J’ai commenté aussi FIN DE RONDE, UN VISAGE DANS LA FOULE,  LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TOM GORDON, et L’INSTITUT 

Je vous invite aussi à explorer la biographie de Stephen King.

Enfin, une petite visite du site consacré au club de Stephen King pourrait vous intéresser.

BONNE ÉCOUTE
BONNE LECTURE
Claude Lambert
le vendredi 19 juillet 2024

 

LE CRI, Nicolas Beuglet

<Comme on le pensait, cette affaire nous emmène bien plus loin que prévu.>

<Sarah croisa le regard de Christopher. L’un comme l’autre mesurait leurs très faibles chances de réussite. Mais leurs mains ne se séparèrent pas.>

Extraits : LE CRI, Nicolas Beuglet, Poscket éditeur, papier, 2018. Version audio : Audiolib éditeur, 2017. Durée d’écoute : 13 heures 52 minutes, narrateur : Olivier Prémel

Hôpital psychiatrique de Gaustad, Oslo. À l’aube d’une nuit glaciale, le corps d’un patient est retrouvé étranglé dans sa cellule, la bouche ouverte dans un hurlement muet. Dépêchée sur place, la troublante inspectrice Sarah Geringën le sent aussitôt : cette affaire ne ressemble à aucune autre… Et les énigmes se succèdent : pourquoi la victime a-t-elle une cicatrice formant le nombre 488 sur le front ? Que signifient ces dessins indéchiffrables sur le mur de sa cellule ?

Pourquoi le personnel de l’hôpital semble si peu à l’aise avec l’identité de cet homme interné à Gaustad depuis plus de trente ans ? Soumise à un compte à rebours implacable, Sarah va lier son destin à celui d’un journaliste d’investigation français, Christopher, et découvrir, en exhumant des dossiers de la CIA, une vérité vertigineuse…

Les dérives de la science

LE CRI est un thriller psychologique et techno-médical sur fond de religion, d’une forte intensité. L’auteur a tout mis en place pour me saisir et me garder sous son influence tout le long du récit. Tout va vite. Même très vite. Ça commence par la mort d’un patient interné dans un hôpital psychiatrique depuis 30 ans. Le directeur dit que c’est un suicide, l’inspectrice pense tout le contraire et se demande d’abord pourquoi l’homme est marqué au front du chiffre 488.

Le directeur sait des choses. Démasqué, il se sauve et met le feu à l’institution, tuant des dizaines de personnes. Il en réchappe, mais il est gravement blessé. Il est interrogé. L’inspectrice apprend des choses surprenantes et elle n’est pas au bout de ses peines car elle a mis le doigt dans un engrenage malsain et terrifiant, allant de découverte en découverte pour plonger finalement dans un cauchemar.

Tout y est et attendez-vous à avoir le vertige : des énigmes complexes à résoudre, un enfant en danger de mort, des révélations fracassantes, des poursuites effrénées, des expériences barbares et cruelles, des menaces, des morts et j’en passe…tout cela pour aboutir à la révélation d’un inimaginable secret que les êtres humains ne doivent absolument pas connaître. Ce fameux secret fait suite à une obscure recherche faite sur l’île de l’Ascension ou la CIA a déjà commandité d’obscures recherches.

L’idée centrale de ce polar est la vie après la mort qui obnubile un milliardaire tordu. C’est un thriller fortement anxiogène, développé sur des chapeaux de roues et qui ne laisse aucun répit au lecteur/auditeur. Cette fébrilité se manifeste au détriment de la profondeur malheureusement. Trop rapide, trop chronométré et par moment, abracadabrant.

On a mis de côté la psychologie des personnages, les questions d’éthique scientifique, pas beaucoup d’émotions, sauf dans le dernier quart du récit. Le fil conducteur est solide mais l’ouvrage manque définitivement de ventilation.

Je suis d’accord avec les critiques sur plusieurs points, plus particulièrement sur le fait que le thème de la vie après la mort est en surchauffe sur le plan littéraire. Mais on ne doit pas s’arrêter là. C’ici que je deviens un peu plus à contre-courant de la critique car l’auteur a déployé une imagination incroyable appuyée par une recherche sérieuse et crédible sur le plan scientifique ce qui lui a permis d’être efficace sur le plan de la fiction.

C’est ainsi que Beuglet a redéfini la nature des neutrinos et de la matière noire au bénéfice de l’intrigue. Il y a dans l’histoire de remarquables trouvailles.

Un autre fait très intéressant fortement imbriqué dans l’intrigue concerne la religion. Il ne s’agit pas ici de guerres de religion mais de LA religion peu importe l’étiquette. L’auteur propose une conclusion aussi osée que troublante sur le sort de l’âme après la mort physique et le rôle de Dieu dans le cycle. C’est à glacer le sang. Vous comprendrez alors pourquoi l’auteur a choisi LE CRI comme titre.

Donc c’est un roman très fort, addictif, très rapide, recherché et angoissant. Variation sur un thème très répandu en littérature. Impressionnant déploiement d’imagination. Récit puissant sur le plan évènementiel mais plus pauvre sur le plan psychologique. Les personnages sont peu approfondis et la question du sort de Simon, l’enfant pris en otage est plutôt sous-développé. Il n’y a pas de longueur mais quelques passages sont…disons tirés par les cheveux.

C’est un livre qui agrippe et qui ne laisse pas indifférent. J’ai beaucoup aimé. En passant, la version audio est excellente. Superbe performance du narrateur Olivier Prémel

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE, de Hans Küng



L’auteur Nicolas Beuglet

Du même auteur

Bonne lecture
Bonne écoute

Claude Lambert
le dimanche 19 mai 2024

POPULATION : 48

Commentaire sur le livre
d’ADAM STERNBERGH

version audio

*L’existence de cette ville – notre survie – repose sur des principes partagés, des intérêts et une confiance mutuelle, comme dans n’importe quelle autre communauté. Sauf que dans cette communauté, quand ces principes ne sont pas respectés, les gens souffrent et meurent. * (Extrait de POPULATION : 48  d’Adam Sternbergh, version audio, Audible studios éditeur, 2019, durée d’écoute : 11 heures 11 minutes. Narrateur : Erwan Zamor

Caesura Texas – une minuscule bourgade clôturée, au fin fond du désert. Population ? 48 habitants. Des criminels, a priori. Ou des témoins. Comment savoir ? Tous ces gens ont changé d’identité, et leur mémoire a été effacée. Pour leur bien. Dans l’optique d’un nouveau départ.

En échange de l’amnistie, les résidents doivent accepter trois règles simples : aucun contact avec l’extérieur, aucun visiteur, et aucun retour possible en cas de départ. Une expérience unique, menée par un mystérieux institut. Pendant huit ans, tout ce petit monde est resté à peu près en place. Jusqu’à aujourd’hui.

Errol Colfax, en effet, s’est suicidé… avec une arme qu’il n’aurait jamais dû posséder. Puis Hubert Humphrey Gable est assassiné. Calvin Cooper, le shérif local, est contraint de mener l’enquête. Ce faisant, il risque de déterrer des secrets que l’essentiel des habitants auraient préféré voir rester enfouis. 

Chaos en vase clos

Cette histoire est une variation d’un thème déjà connu : une mystérieuse institution dirigée par une psychiatre du type *savant fou* et bénéficiant d’un obscur financement, crée une petite agglomération où on entasse les pires criminels : meurtriers, tueurs en série, psychopathes violents, pédophiles et violeurs d’enfants, bref, une variété de monstres à qui on a enlevé la mémoire. 48 cervelles qui n’ont aucune idée des horreurs inimaginables qu’ils ont pu commettre et à qui on offre sursis et confort grâce à un programme appelé CEASURA dont les motivations sont plus ou moins définies.

Un seul résident échappe à ces définitions : un jeune garçon nommé Isaac qui tient sans le savoir le destin de CEASURA dans ses mains. On appellera cette agglomération une ville portant le nom du programme : CEASURA. Personne d’autres ne peut y entrer mais les habitants peuvent en sortir, sans toutefois jamais y revenir. Les règles sont clairement établies dès le départ par le personnage central de l’histoire, le shérif Cooper. Cet aspect du récit place les lecteurs-lectrices dans une zone de confort appréciable.

Ce que j’ai compris assez vite c’est que le traitement infligé aux criminels par la psychiatre Judi Halliday n’empêche pas la vérité de se camoufler près de la surface et je suis resté en haleine pour savoir quand ça se produira et surtout COMMENT ça se produira et qu’est-ce qui se passera, en particulier avec Isaac.

C’est un récit d’une incroyable violence et j’ai été rivé à mon livre par une plume qui frappe très fort au point de me donner des frissons. J’ai déchanté un peu à la finale avec la description crue et froide d’un carnage qui dépasse l’entendement et dont je n’ai pas saisi tout à fait l’utilité à part peut-être me conforter dans l’idée qu’il n’y a pas de limite à la folie.

Bien sûr la vérité finit par éclater mais il faut voir comment… j’ai trouvé la finale simpliste, lourde, chargée d’informations données par une impressionnante quantité de personnages qui s’entrecoupent et…s’entretuent. Bref, une finale qui ne finit pas de finir me laissant à penser que l’esprit le plus dérangé de cette histoire est encore celui de la psychiatre qui révèle sa vraie nature dans un dialogue très édifiant.

C’est un récit un peu atypique mais féroce et qui frappe fort. Le sujet développé n’est pas nouveau mais son développement laisse place à beaucoup de rebondissements et il est intéressant pour les lecteurs/lectrices de connaître graduellement les détails de la vie des résidents et les raisons pour lesquelles ils choisissent de rester à CEASURA et le jeune Isaac m’a gardé dans l’histoire plus que les autres car jusqu’’aux dernières pages, on n’est pas fixé ni sur ses origines, ni sur son sort on sait simplement qu’il a un rôle à jouer et qu’un cœur pur n’a pas sa place dans une colonie d’esprits aussi sordides.

Bref, c’est un polar fort, intrigant, démesuré sur le plan de la violence, bien ficelé sur le plan psychologique, le récit est immersif et m’a fait beaucoup ressentir de *non-dit* un élément qui laisse une large place à l’imagination des lecteurs à cause de l’épaisseur du mystère qui entoure CEASURA. POPULATION : 48, un huis-clos que je garderai en mémoire.

Suggestion de lecture : LE LIVRE SANS NOM, anonyme

Adam Sternbergh a passé son enfance et une partie de son adolescence à Toronto. Puis Il s’est installé à Brooklyn où il a travaillé comme journaliste entre autres au Times de New-York. Il se décrit tantôt génial, tantôt méprisant mais il ne laisse pas indifférent en particulier avec LE FOSSOYEUR et maintenant POPULATION : 48.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 18 mai 2024

LE VOLCRYN, le livre de Gorge R.R. Martin

*Maintenant, je suis vieux, de plus en plus vieux. Bientôt,
la mystérieuse nébulosité du volcryn percera le voile du
tentateur et, à travers les abîmes sans vie, à travers le vide,
à travers l’éternel silence, nous le suivons, mon Armageddon
et moi, nous lui donnons la chasse. *
(Extrait : LE VOLCRYN,
Actusf éditeur, 2015, format numérique, coll. Hélios, 170 pages)

Depuis des temps immémoriaux, les volcryns traversent la galaxie. Personne ne sait d’où ils viennent, où ils se rendent ni même ce qu’ils sont vraiment. Karoly d’Branin est bien décidé à être celui qui percera ce mystère. Entouré de scientifiques de talent, il embarque sur l’Armageddon. Mais bien vite les tensions s’accumulent. Quelle est cette menace sourde qui effraie tant leur télépathe ? Et pourquoi le commandant du vaisseau refuse d’apparaître autrement que par hologramme ? Karoly est certain d’une chose : ses volcryns sont tout proches. Pas question de faire demi-tour. Quel qu’en soit le prix.

Le peu rassurant ARMAGEDDON
*Le commandant Royd est parfait, dit-elle en secouant
la tête. Un homme étrange pour une étrange mission.
Qu’avez-vous à redire à ça? Vous n’aimez pas le mystère?*
(Extrait)

Le VOLCRYN est un roman pas très long. Il sent un peu le réchauffé, le déjà vu…disons une variation sur un thème connu. Sans dire que le sujet brille par son originalité le récit reste intriguant et très axé sur la psychologie des personnages. Voyons comment ça se présente.

Neuf scientifiques, xénotechnicienne , xénobiologiste, télépathe, psi et techniciens s’embarquent à bord d’un vaisseau ultrasophistiqué pour aller à la rencontre du VOLCRYN un peuple légendaire qui, selon cette légende, ère dans un vaisseau colossal, vers les limites de la galaxie depuis des temps très anciens. Le véritable problème tient au fait que le capitaine du vaisseau, Royd Erris est confiné dans des quartiers scellés et n’a aucun contact avec les passagers, sauf par hologramme.

Ainsi s’installent la crainte, la méfiance, le doute, les soupçons et au final, la mort car il devient incertain que le capitaine Erris ait vraiment le contrôle du vaisseau. Beaucoup de choses pourraient empêcher les scientifiques de s’approcher des Volcryn, en supposant que cette énorme entité ne soit pas un prétexte. Le vaisseau porte bien son nom : ARMAGUEDDON.

LE VOLCRYN est une sorte de space opera, une novella de type huis-clos très dense et à forte connotation paranoïaque. J’ai reconnu plusieurs éléments qui auraient pu être empruntés à des grands classiques : ODYSSÉE DE L’ESPACE 2001 à cause du dérèglement de Hal l’ordinateur. Celui de l’Armageddon perd les pédales mais pour des raisons quelque peu nuancées. ALIEN, LE 8e PASSAGER à cause de l’étouffante paranoïa liée à la présence probable d’une entité à bord. LES DIX PETITS NÈGRES à cause de la tension qui monte proportionnellement aux disparitions.

Aussi, le mystérieux commandant qui vit à l’écart dans un quartier qui le maintiendrait possiblement en vie grâce à une atmosphère particulière et l’absence de gravitation, n’est pas sans rappeler les navigateurs de la guilde du film DUNE (1984) qui ne peuvent sortir de leur atmosphère chargée de gaz d’épice.

C’est un récit qui, bien qu’en léger déficit de développement, garde le lecteur tendu et alerte. Il ne tranche pas par son originalité mais il est très bien écrit, sans longueur, sans errance. Personnellement j’ai aimé ça et j’ai tout lu d’un trait. Et puis ça nous change un peu de l’interminable saga TRÔNE DE FER. La forme va au-delà du thriller. C’est un roman bien construit. Il est court, comme toutes les novellas ce qui ne l’empêche pas d’être crédible.

Un récit abrégé, et crédible quant aux aspects environnementaux et psychologiques a permis au livre de décrocher le prix LOCUS du meilleur roman court en 1981. Et il est évident qu’avec un tel texte, générateur de haute tension et d’oppression, on n’allait pas tarder à adapter ce mélange de science-fiction et d’horreur au cinéma, puis à la télévision.

Quant à la finale, je l’ai trouvé satisfaisante, mes questions sur le Volcryn ayant trouvé certaines réponses, mais pas toutes. Le Volcryn n’est pas forcément ce qu’on pense en cours de lecture. Je crois que ça reste et ça restera une énigme. Ceci est un autre aspect du déficit de développement dont j’ai parlé plus haut. C’est le risque à courir quand on écrit une novella.

Donc c’est un bon petit livre qui fait travailler l’imagination. Un peu gore, très dense…mélange de science-fiction, de mystère, de thriller auquel on a ajouté une touche de fantastique et une petite matière à réflexion sur le pouvoir de l’esprit. Pas mal intéressant…

Suggestion de lecture : DUNE, livre premier et second, de Frank Herbert (commentaire sur biblioclo)

Mondialement connu pour sa série du Trône de Fer, George R. R. Martin a eu avant elle une riche carrière d’écrivain, récompensée par de prestigieux prix (Hugo, Nebula, Locus…). Touchant à tous les genres avec le même brio, à l’aise aussi bien sur la forme longue que plus courte, il signe avec Le Volcryn un huis clos spatial angoissant qui tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Le Volcryn au cinéma


Affiche du film NIGHTFLLYERS, adaptation du livre de Gorge R.R. Martin LE VOLCRYN. Film réalisé par Robert Collector et sorti en 1987, Dans la distribution on retrouve Catherine Mary Stewart, John Standing, et Lisa Blunt, entre autres. Le film a été scénarisé par Robert Jaffe qui assume aussi le rôle de producteur.

 

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 19 avril 2024

 

LE VENGEUR, livre de Frederick Forsythe

*La septième fois où ils l’avaient plongé dans les
immondices liquides de la fosse à purin, le jeune
américain n’avait plus été capable de résister. Il
était mort là-dessous, bouche, oreilles, nez, yeux
envahis par l’innommable boue. *
(Extrait : LE VENGEUR, Frederick Forsythem, Albin
Michel éditeur, 2004, édition de papier, 375 pages.)


De l’enfer du Viêt-Nam aux charniers de Bosnie et aux jungles de l’Amérique centrale, ce récit infernal d’une double traque nous entraîne dans les arcanes de la diplomatie. Un cauchemar d’une totale actualité où l’angoisse se mêle au meilleur suspense politique. Le grand retour de Frederick Forsyth.

 


D’un enfer à l’autre
*Pendant ce temps, caché dans une cuvette
broussailleuse sur le flanc de la montagne,
le chasseur observe, prend des notes, observe
encore et attend l’heure qui n’a pas encore
sonné. *
(Extrait)

Le VENGEUR est un roman fort bien ajusté à l’actualité d’une époque pendant laquelle c’est toute la planète qui essaie de vivre avec les séquelles de la Guerre Froide. Le récit est fort bien documenté, tellement qu’il parait plus grand que nature et les lecteurs-lectrices devront prêter bien attention, d’abord pour séparer la fiction de la réalité. Ensuite, l’histoire est un peu complexe car elle décrit le parcours d’une double traque à travers des pays politiquement instables en passant par le milieu très tentaculaire de la diplomatie.

Voyons un peu le contenu. L’histoire commence sur fonds de purification ethnique alors que des criminels assassinent sauvagement un jeune américain. Je vous fais grâce de la cruauté du geste mais elle est malheureusement ajustée à la triste réalité. Le grand-père du jeune sacrifié cherche un homme pour venger son petit fils en ramenant le chef de bande aux États-Unis pour y être jugé. Cet homme, il va le trouver et il se trouve que lui-même cherche à exercer une vengeance. C’est ainsi qu’une traque impitoyable commence et entraînera les lecteurs-lectrices dans les pires poudrières du monde.

Vous pourrez suivre alors l’extraordinaire évolution du personnage principal : Calvin Dexter qui sera propulsé dans un inimaginable enchaînement de violence. Je me suis senti entraîné au cœur de l’actualité alors que tous les évènements de ce récit ont comme toile de fond le fanatisme, l’intolérance, le radicalisme et le terrorisme. Vous avez compris que le Vengeur se frottera à des organisations peu recommandables avec, en tête de liste AL QUAÏDA.

J’ai aussi saisi l’effroyable porté de l’influence d’un des pires terroristes de l’histoire Oussama Ben Laden. Ce qui m’a amené d’ailleurs à une finale très amère mais fort bien pensée. Forsyth nous entraîne aussi dans les pires bourbiers géopolitiques de l’histoire à l’exception peut-être, d’Israël : Le Vietnam, la Bosnie, L’Afghanistan, la Yougoslavie. Ça prend un auteur chevronné comme Forsyth pour démêler ses sacs de nœuds et y faire évoluer ce personnage opiniâtre et courageux qu’on appelle LE VENGEUR.

Le style rappelle un peu Tom Clancy mais la trame est plus complexe et l’histoire plus rattachée à la réalité géopolitique. Beaucoup de rebondissements, de l’action, du suspense. Aussi, beaucoup de violence. Il faut toutefois faire attention car il n’est pas simple de démêler la fiction des faits avérés.

Dans le premier quart du livre, on se demande un peu où veut en venir l’auteur mais il faut voir après comment il s’y prend pour préciser l’intrigue. Je place LE VENGEUR dans la catégorie des grands romans qui n’est pas sans nous faire réfléchir sur le rôle d’unités obscures mais bien réelles qui ont joué un rôle crucial dans les grands conflits.

Peut-être pensez-vous à la Résistance pendant la Deuxième Guerre en France. Vous avez raison mais il y en a beaucoup d’autres qui ont évolué dans l’anonymat aussi complet qu’héroïque comme les *rats* du Vietnam dont on raconte la terrible histoire dans LE VENGEUR. Excellent thriller haletant et intense. Je le recommande. Vous ne serez pas déçu.

Suggestion de lecture: APOCALYPSE SUR COMMANDE, de Ken Follet

Frederick Forsyth est né en 1938 à Ashford. Après avoir servi en tant que pilote dans la RAF, il devient journaliste à la BBC et pour l’agence Reuters. Il couvrira les conflits du XXe siècle. Son premier roman, Chacal, paraît en 1971 ; c’est un succès. Frederick Forsyth a par la suite publié plus d’ une dizaine d’autres thrillers, traduits en plus de trente langues. (Le livre de poche)

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 7 avril 2024