HOMO DEUS, livre de YUVAL NOAH HARARI

VERSION AUDIO

*Dans la salle de bain, l’humanité se débarbouille, examine
ses rides dans la glace puis, elle se prépare une tasse de
café et ouvre son agenda…voyons l’ordre du jour : le
programme a été le même pendant des milliers d’années :
La famine, les épidémies et la guerre ont toujours été en tête
de liste…*

(Extrait : HOMO DEUS, Yuval Noah Harari, édition originale, Harvill
Secker éditeur, 2015, 448 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018. Narrateur : Philippe Sollier, durée d’écoute : 14 heures 48)

Que deviendront nos démocraties quand Google et Facebook connaîtront nos goûts et nos préférences politiques mieux que nous-mêmes ? Qu’adviendra-t-il de l’État providence lorsque nous serons évincés du marché de l’emploi par des ordinateurs plus performants ? Quelle utilisation ferons-nous de la manipulation génétique ? Homo deus nous dévoile ce que sera le monde d’aujourd’hui, selon les mythes qui le hantent.

À ces légendes concernant  les dieux, l’argent, l’égalité et la liberté, s’allieront de nouvelles technologies démiurgiques. Et que les algorithmes pourront se passer de notre pouvoir de décision. Car, tandis que l’Homo sapiens devient un Homo deus, nous nous forgeons un nouveau destin. Le nouveau livre audio de Yuval Noah Harari offre un aperçu vertigineux des rêves et des cauchemars qui façonneront le XXIe siècle.

Une brève histoire du futur
*Hisser les humains au rang des Dieux peut se
faire selon trois directions : le génie biologique,
le génie cyborg et le génie des êtres non-
organiques. *
(Extrait)

Ce livre est en principe une suite logique de SAPIENS de Harari. Harari y livre sa version de l’histoire globale de l’humanité et développe une philosophie qui place l’homme et les valeurs humaines au-dessus de toutes les valeurs. Cette philosophie qui a valeur de religion s’appelle l’humanisme, un principe global de la vie humaine qui se précarise dans HOMO DEUS au profit des nouvelles technologies.

L’humanisme pourrait bien être parqué dans une voie de garage par un autre phénomène qui prendra valeur de religion dans HOMO DEUS, c’est-à-dire le traitement des données et  l’omniprésence des algorithmes qui caractérisent le troisième millénaire. Ces protocoles technos vont jusqu’à penser à notre place. Ainsi, des méga-MACHINES comme Google ou Facebook nous connaîtrons mieux qu’on ne se connaît nous-même.

Je dois noter ici une faiblesse et un irritant. Il y a beaucoup de redondance dans HOMO DEUS par rapport à SAPIENS. De la redite. Mais comme le propos est extrêmement intéressant et dans ce cas-ci, une narration dynamique et persuasive, il faut considérer HOMO DEUS comme un complément d’information, une mise à jour pour utiliser un langage techno, des précisions sur la pensée de l’auteur.

Sapiens s’en tient à l’histoire et aux dérives de la Société. Dans HOMO DEUS, il faut faire très attention au sous-titre UNE BRÈVE HISTOIRE DU FUTUR. Ça fait vendeur mais il n’est pas tout à fait approprié. L’auteur ne fait aucune prédiction sur le futur de l’humanité, pas d’énigme à la Nostradamus ni pronostic.

Harari développe outille le lecteur pour lui permettre de développer sa propre interprétation de l’avenir en s’appuyant sur la force d’attraction et de pénétration des nouvelles technologies…la fameuse techno-dépendance qu’Harari appelle le *dataïsme*. Le terme *histoire du futur* m’apparait donc un peu fort.

J’ai été séduit par la pensée de Yuval Noah Harari, basée sur l’histoire et la science, un soupçon d’empirisme et une analyse de l’esprit humain. Moins spontané que SAPIENS, HOMO DEUS m’a néanmoins gardé continuellement en alerte par la richesse du propos, la déconstruction de vieux concepts humains et la quantité d’informations livrées, parfois surprenantes.

Je n’ai jamais eu le temps de m’ennuyer : *Au début du XXIe siècle, l’être humain moyen risque davantage de mourir d’un excès de McDo que de la sécheresse, du virus Ébola ou d’un attentat d’Al quaida * (Extrait) Plusieurs passages ont de quoi surprendre et poussent à la réflexion.

Le livre nous laisse sur un tas d’interrogation. C’est souvent le cas dans les essais. Mais HOMO DEUS contient suffisamment de *données* pour brasser les consciences :

*Pour l’américain ou l’européen moyen, Coca Cola représente une menace plus mortelle qu’AL quaida. (Extrait) … *Plutôt que de craindre les astéroïdes, c’est de nous que nous devrions avoir peur. * (Extrait) … HOMO DEUS est une prise de conscience de l’histoire en devenir.

HOMO DEUS est un essai qui nourrit la réflexion par son propos ajusté aux réalités historiques de l’homme. À ce titre, c’est un ouvrage précieux que je n’hésite pas à recommander, en particulier la version audio avec l’exceptionnelle performance narrative de Philippe Sollier qui me donnait l’impression de s’adresser à moi.

Suggestion de lecture : 8 HISTOIRES DU FUTUR, collectif de nouvelles

Yuval Noah Harari est docteur en Histoire, diplômé de l’Université d’Oxford. Aujourd’hui, il a remporté le  » prix Polonsky pour la Créativité et l’Originalité  » en 2009 et en 2012. Acclamé par Barack Obama et Mark Zuckerberg, son ouvrage Sapiens est devenu un phénomène international : traduit dans près de 40 langues et présent dans toutes les listes de bestsellers à travers le monde.

 

Sur les scènes de théâtre Philippe Sollier a joué Goldoni, Marivaux, Labiche, Tchekhov, Strindberg, Wesker… des spectacles pour enfants et des spectacles de clown. À la télévision, il a participé à de nombreuses séries, notamment policières, des téléfilms et un documentaire-fiction Otages à Bagdad. Il prête sa voix à grand nombre de documentaires, téléfilms étrangers ou dessins animés.

Homo Deus est la suite logique de SAPIENS



Sapiens retraçait l’histoire de l’humanité. Homo deus interroge son avenir.

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 9 octobre 2022

 

LA GRIFFE DU CHAT, de Sophie Chabanel

Version audio

*Je ne le reverrai plus jamais, hoquetait la femme
effondrée sur la banquette à trois mètres du corps
étendu par terre. Elle tenait sa tête dans sa main
gauche tandis que son bras droit en attelle restait
stoïque à côté d’elle curieusement désolidarisé de
son corps en émoi.*

(Extrait : LA GRIFFE DU CHAT,
Sophie Chabanel, Le Seuil éditeur, 272 pages, papier.
Version audio : Sixtrid éditeur, 2019, durée d’écoute :
7heures 40 minutes, narratrice : Marie-Cristine Letort.)

Le propriétaire d’un bar à chats lillois est retrouvé gisant dans une mare de sang au milieu de ses matous. Comble de l’infamie, le chat star du commerce, Ruru, manque à l’appel. La commissaire Romano est mise sur le coup, assistée de son adjoint Tellier – aussi terre à terre qu’elle est spirituelle et borderline. Étrangement, ce duo fait des étincelles sur le terrain, et l’assassin voleur de chat (si tant est que ce soit une seule et même personne) va devoir user de mille ruses s’il compte échapper à ces deux enquêteurs de choc…

Une histoire de chats qui a du chien !
*Sur la porte du café des chats, une feuille A4 avait été scotchée:
< Fermé pour convenance personnelle, réouverture jeudi 12 mars.>
Une expression inattendue pour évoquer un mari décédé, la veuve
était décidément une personnalité créative.* 

LA GRIFFE DU CHAT est une comédie policière, atypique, très sortie des sentiers battus à cause du profil de ses principaux personnages qui ont pris, au final, plus d’importance que l’histoire elle-même. Mais voyons le décor: Le propriétaire d’un bar à chat, Nicolas Peyrard est trouvé au beau milieu de son bar, gisant dans son sang, le ventre troué par une balle.

Ici, je veux préciser que le bar à chat, est un concept japonais qui consiste à accueillir plusieurs chats dans un bar pour détendre et apaiser les clients qui peuvent aussi faire preuve d’affection. Mais il y a pire que Peyrard tué au beau milieu de ses chats indifférents, la plus belle pièce féline de la famille, RURU a disparu…un persan gras comme un voleur et con comme un balai. Le verdict des clients : suicide et enlèvement.

Mais pour le département de police, il y a anguille sous roche et il est temps de faire intervenir ses meilleurs limiers en la matière, la commissaire Romano et son adjoint, l’inspecteur Tellier. Le reste du récit est une suite d’argumentaires qui ballotent le lecteur-auditeur : suicide ou pas suicide…on se perd un peu en conjecture jusqu’à la finale ou on donne enfin un peu plus de place à l’émotion.

Ce n’est pas tant l’histoire qui m’a intéressé que l’originalité des principaux personnages: d’abord, la commissaire Romano, féministe déjantée, séductrice et sexuellement très libre.

*Romano avait une préférence pour les hommes mariés, statistiquement moins collants. Elle n’était pas chargée de la moralisation de la vie conjugale du pays. * (Extrait) Sa technique d’enquête est particulière et donne parfois l’impression de s’enfarger dans les fleurs du tapis. Sa muflerie cache un profil très humain.

Et puis, il y a l’adjoint : l’inspecteur Tellier, le mal attifé de l’histoire, vêtements désassortis, un minois juvénile dans un corps d’homme, particulier sur ses méthodes, redoutable dans sa façon d’interroger…une sympathique bouille d’ado, maintenue hors de l’eau grâce à Romano.

*Tellier était un pur, et les purs étaient dangereux, Romano en était convaincue. En même temps, elle… observait son mélange de colère et de droiture névrotique avec la curiosité d’un expert psychiatrique, et parfois une forme d’envie. * (Extrait)

Voilà ce qui m’a subjugué: l’évolution de deux sympathiques énergumènes qui m’ont fait passer un vrai beau moment. Ne vous attendez pas toutefois à un chef d’œuvre de littérature policière.

Outre une enquête parfois décapante rendue nécessaire par une gaucherie sentimentale, ne vous attendez à rien. Laissez-vous porter par l’agréable légèreté du récit, rendu par la voix bien modulée de Marie-Christine Letort et dans lequel l’humour confine parfois à la loufoquerie. Ce sont des petits formats comme je les aime parfois.

Ça ne révolutionne rien, mais il n’y a pas de longueurs, pas de lourdeur, quelques passages décapants, beaucoup d’humour et des chats partout. Si vous aimez les félins, c’est donc un plus. S’ils vous énervent…passez votre chemin.

Mais voyez…je ne suis pas fou des chats et j’ai écouté l’ensemble du récit avec un sourire bien accroché aux lèvres… *Le scotch jaune de scène de crime avait disparu, les chats dormaient, la déco décorait, la patronne trônait : bref, le bar avait repris son apparence ordinaire. * (Extrait)

Suggestion de lecture : HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU CHAT QUI LUI APPRIT À VOLER, de  Luis Sepulveda

Après sa formation à HEC, Sophie Chabanel travaille quelques années en entreprise avant de bifurquer vers le monde associatif. Le Principe de réalité (Plein Jour, 2015) est un récit fondé sur son expérience avec les personnes sans logement. Désireuse de contribuer à un monde du travail plus humain. La Griffe du chat le troisième roman et premier policier de Sophie Chabanel

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 8 octobre 2022

LE PETIT MOZART, la BD de William Augel

*-Bimperl, ne touche pas à cette trompette.
Ce n’est pas parce qu’elle fait un bruit de pet
que tu as le droit de renifler ses fesses.*
(Extrait : LE PETIT MOZART, William Augel,
La Boîte à bulles éditeur, 2019, BD en format
numérique, 50 pages)

Pour l’instant connu sous le sobriquet de Wolferl, le petit Wolgang Amadeus Mozart ne vit que pour la musique. Et il sait déjà l’apprécier sous toutes ses formes, même les plus inattendues ! Le jeune virtuose cherche — et trouve ! — l’inspiration partout où elle se cache, jusque dans les cris de Nannerl, sa soeur… Qu’elles proviennent des oiseaux ou des grillons, toute note est bonne à prendre, car pour ce génie en herbe, tout n’est que musique ! De l’Autriche à l’Angleterre, en passant par la France, notre petit Wolgang, bien que promis à la postérité, n’est pas encore mûr pour garder ses réflexions pour lui et ce, pour notre plus grand plaisir !

Génie en devenir
*…-‘LE BAVON DE LA QUEUE DE COCHON’ ? –C’est
quoi cette nouvelle signature sur ta partition?
C’est mon nouveau pseudonyme. Génial hein?
Amadeus, c’est un peu prétentieux.*
(Extrait)

LE PETIT MOZART est un adorable petit livre proposant un récit humoristique sur l’enfance du célèbre compositeur Wolfgang Amadeus Mozart. Dans le récit, on l’appelle Wolferl. C’est un enfant. Ce n’est pas encore un génie mais on sent que la graine va germer et produire un des fruits les plus appréciés du monde.

Entre temps, le petit Wolferl développe une passion pour la musique qu’il sait déjà écrire. Il joue du clavecin. Il a même terminé son premier menuet. Il est très intelligent, a une répartie spontanée. Et surtout, il est drôle. Dans cette trop courte mais savoureuse BD, William augel, auteur-concepteur-dessinateur, nous raconte ce qu’il imagine comme le quotidien du petit Mozart : sa famille, son clavecin et son violon.

Il ne faut pas oublier non plus ses petits concerts et une incroyable quantité de situations drôles, rigolotes qui s’enchaînent à la queue leu leu comme sur une feuille de musique. Wolferl n’a pas vraiment de vie sociale dans le sens qu’on lui donne aujourd’hui. Sa société, c’est la musique dont l’enrichissement à l’échelle universelle n’est plus qu’une question de temps.

En lisant cette petite bande dessinée, j’ai beaucoup ri et je me suis senti aussi attendri à cause de l’amour qui se dégage du récit et de la pétillante personnalité de Wolferl. Ma lecture ma aussi rappelé des souvenirs de mon enfance  car la bande dessinée est présentée un peu comme ce que j’appelais les *Comics* qui étaient publiés en planches simples dans les quotidiens de l’époque.

Tous les jours, j’allais dans les dernières pages du Nouvelliste pour voir Henri, Philomène, Mandrake, etc  évoluer quotidiennement dans un bref strips. On appelle une série de quatre ou cinq cases dessinées et disposées horizontalement un strip. Certains de ces strips racontent une histoire à suivre, mais plusieurs, comme dans le petit Mozart, se concluent dans une seule et même série.

C’est ce que la presse bédéiste appelle un *gag indépendant*. C’est sûrement la forme la plus exigeante pour un auteur-dessinateur car sa petite série de cases doit être conclue intelligemment et avec humour à la quatrième ou cinquième case. À ce titre, je considère William Augel comme un virtuose.

Ce petit opus est plein de bonne idées, des situations très cocasses, inattendues et surprenantes. Au-delà du génie, de l’intelligence supérieure et de la virtuosité, le petit garçon est attachant et fort sympathique. Ce livret est une magnifique façon non seulement d’introduire les enfants à la lecture mais aussi les introduire au panthéon des personnages célèbres.

Toutefois, si vous proposez cette BD à un enfant, je vous suggère de faire une petite recherche afin d’expliquer à l’enfant qui était Mozart et comme il serait intéressant de voir de quoi il avait l’air quand il était enfant.

Ça aurait été une bonne idée d’inclure en introduction un petit texte en ce sens, destinés aux parents parce que beaucoup d’entre eux aime raconter des histoires. Mais je ne considère pas cette absence comme une faiblesse. Le petit Mozart m’a diverti au-delà de toute attente.

Donc offrir LE PETIT MOZART à un enfant est une bonne idée. Pour l’adulte que je suis, c’est définitivement trop court. Mais pour les jeunes lecteurs, 48 pages, c’est juste parfait, insuffisant pour se décourager et le thème développé plait généralement aux enfants, C’est comme une introduction toute en douceur et en humour dans le monde de la musique. J’ai trouvé ça génial.

Suggestion de lecture : LE VILLAGE, de Karl Olsberg

 

William Augel est né au Mans, en 1973. Dessinateur et illustrateur indépendant, il signe plusieurs ouvrages à destination de la jeunesse et travaille régulièrement pour des magazines tels que, par exemple, « La Salamandre ». Il publie en 2011 Atomes Crochus puis, en 2012, Monstrueuse Cathy dans la collection BN des éditions Jarjille, qui sera suivi d’un second album, en grand format cette fois, mettant en scène le même personnage. En 2016, paraissent Zoostrip et Pinard mon nectar puis, l’année suivante,  Le Petit Mozart.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 2 octobre 2022

IL PLEUVAIT DES OISEAUX, Jocelyne Saucier

*…où il sera question de grands disparus, de pacte
de mort qui donne son sel à la vie, du puissant
appel de la forêt et de l’amour qui donne aussi
son prix à la vie…*
(Extrait : IL PLEUVAIT DES
OISEAUX, Jocelyne Saucier, à l’origine, XYZ éditeur,
179 pages, 2011. version audio : Audible studios
éditeur, 2018. Durée d’écoute : 4 heures 57 minutes,
narrateurs : Jacques Clermont et Dominique Petin.)

Une photographe du Herald Tribune part réaliser un reportage sur la région du Témiscamingue, dont les forêts ont été ravagées par de gigantesques incendies au début du XXe siècle. Elle y trouve une communauté de marginaux fantasques et solitaires, dont Tom et Charlie, deux vieillards qui ont survécu à l’incendie et vivent en ermites au fond des bois. D’abord méfiants puis déterminés à aider la photographe dans son enquête, les deux hommes voient leur quotidien chamboulé.

Et, soudain, lorsqu’arrive Marie-Desneiges, octogénaire énigmatique tout juste échappée de sa maison de retraite, la vie, puis contre toute attente l’amour, reprend peu à peu ses droits.

Poétique et vert
*Dans son visage tout ridé, il y avait la peur
et la fascination de la peur. D’un mince doigt
gracile, elle a désigné le monstre empaillé de
fureur blonde. Elle n’avait aucune idée de ce
que c’était…  *
(Extrait)

C’est un roman d’une belle profondeur, bien bâti et fortement imprégné de douceur, de chaleur et d’émotion et avec, comme toile de fond les incendies de forêts les plus meurtriers de l’histoire du Canada au début du XXe siècle, incendies qui ont détruit de gigantesques espaces dans le nord de l’Ontario jusqu’à Cochrane et Matheson, touchant durement une partie de l’Abitibi-Témiscamingue.

Une photographe du Herald est chargée de se rendre à Matheson pour recueillir les témoignages d’hommes et de femmes qui sont devenus aujourd’hui des vieillards. Elle veut particulièrement recueillir les propos de trois vieillards, Tom et Charlie mais le troisième, Boychuck n’est plus là,  Il est mort. Pourtant, ce sera le personnage qui induira le plus d’empathie dans le récit de Jocelyne Saucier…

Boychuk, 14 ans au moment des grands feux et qui, agressé par les flammes et la fumée, aveugle, marche et cherche son amoureuse avec l’énergie du désespoir. Il faut voir et entendre comment la photographe bouleversera la vie des vieillards. Et voilà qu’arrive le personnage le plus énigmatique et le plus original de l’histoire.

Marie-Desneiges a 82 ans. Libérée après 66 ans à l’asile et elle se souvient…elle se souvient qu’il pleuvait des oiseaux. En tant qu’auditeur, une brise chaude est venue m’envelopper. C’est le caractère humain du récit qui est surtout venu me chercher.

C’est ainsi que le récit, assis sur un inimaginable drame humain et environnemental devient une chronique des souvenirs de vieillards, des hommes qui ont choisi la forêt pour y vivre et mourir au moment qu’eux-mêmes auront choisi.

Le récit développe les difficultés et les misères de la vieillesse vivant à l’écart de la Société bien sûr, mais aussi l’amour, continuellement mis en attente et qui est pourtant ardent, spécialement dans le coeur de Boychuck que j’ai trouvé particulièrement attachant. J’irai plus loin en disant que l’auteur jette un regard critique sur notre Société et ses vieux et ses vieilles qui donnent parfois l’impression d’être dans une voix de garage.

À cet effet, j’ai beaucoup apprécié la plume de l’auteur, exempte de jugements, de propos moralisateurs et de philosophie bon marché. Il pleuvait des oiseaux est un hommage à la vie et à la liberté. C’est aussi une réflexion sur les choix qu’imposent une fin de vie. ll y a beaucoup d’émotion dans l’histoire.

Quand j’ai entendu qu’il pleuvait des oiseaux, j’ai eu un long frisson tout le long du dos et jusqu’au coeur. L’auteur m’a figé et elle m’a emmené où elle voulait. À l’audition, vous ne tarderez pas à saisir le sens du titre. Et là, l’addiction vous guette.

C’est une belle histoire, émouvante et sensible. J’y note très peu de faiblesse à part peut-être la question du choix de la mort, le choix du moment, le choix de la façon, le poison en particulier. La fin de vie est abordée avec une légèreté un peu irritante.

Finalement, une introduction un peu longue, teintée d’indécision et une finale qui m’a semblé un peu expédiée. Entre les deux, un récit addictif avec un un fil conducteur solide que symbolise le courageux Boychuck. La beauté de l’écriture est à la limite de la poésie.

<Tout est là, ce pétillement de lumière rose dans les yeux d’une petite vieille qui s’amuse avec son âge et cette image d’une pluie d’oiseaux sous un ciel noir…séduite et intriguée par toutes ces vieilles personnes qui avaient la tête peuplée des mêmes images, la photographe… en était venue à les aimer plus qu’elle n’aurait cru. >  Extrait…

L’écoute n’est pas trop longue et j’ai trouvé la narration de Jacques Clermont et Dominique Petin très agréable même si je me suis questionné sur la nécessité de mettre deux voix là-dessus. Enfin, je crois que je vais me rappeler longtemps de ce livre. J’ai vu le film aussi, je ne ferai pas de commentaire sur l’adaptation à part que je préfère de loin le livre audio.

Suggestion de lecture : LES MONDES CACHÉS, bande dessinée de Denis-Pierre Filippi et Silvio Camboni

IL PLEUVAIT DES OISEAUX au cinéma

IL PLEUVAIT DES OISEAUX a été adapté à l’écran en 2019. Scénarisé et réalisé par Louise Archambault, Le film réunit à l’écran Andrée Lachapelle, Gilbert Sicotte Rémy Girard, Ève Landry, Éric Robidoux et Louise Portal. Prod. : Ginette Petit

Jocelyne Saucier est romancière. Ses trois premiers romans, La vie comme une image (finaliste, Prix du Gouverneur général), Les héritiers de la mine (finaliste, prix France-Québec) et Jeanne sur les routes (finaliste, Prix du Gouverneur général et prix Ringuet) ont été chaleureusement accueillis par la critique.

Il pleuvait des oiseaux, son ode à la liberté parue en 2011, lui a valu de nombreux prix et a conquis le cœur d’un très vaste public en une quinzaine de langues, en plus d’avoir fait l’objet d’une adaptation au cinéma par Louise Archambault.

 

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 1er octobre 2022

JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien

Version audio

*Oui ! Des fous, mon petit Arnaud. Des fous drôles,
mais aussi des fous méchants, des fous tristes, des
fous malheureux. Je les vois. Là ! comme piégés
dans le temps…attends que je te raconte encore…)
(Extrait : JÉRÔME ET SON FANTÔME, de Sylvie Brien,
Dominique et compagnie Éditeur, 2016, papier, 200
pages. Version audio : Dominique. Audible 2018, durée
d’écoute :2 heures 58 minutes. Narrateur : Pierre Corriveau)

À la mort de son père, au début des années 60, Jérôme, 12 ans, est hébergé avec sa famille chez ses grands-parents. Il découvre avec surprise que le village qu’ils habitent est peuplé de personnages tous plus étranges les uns que les autres. Cela n’empêchera toutefois pas le jeune garçon de se faire de nouveaux amis, dont un « jeune » fantôme qui lui fera vivre d’incroyables aventures… soit dit en passant, le tome 2 est prometteur…

Les idées folles de Jules
*Moi qui croyait qu’un fantôme, c’était transparent,
vaporeux et effrayant. J’avais eu toute une surprise.
À vrai dire, à le voir, j’aurais jamais pensé que
Jules puisse être un revenant en chair et en os.
<Pourquoi es-tu venu ici> demandais-je au
spectre…*
(Extrait)

Le vieux Jérôme raconte un épisode très important de sa vie à son petit fils Arnaud. Jérôme remonte le temps de plus de cinquante ans, jusqu’en 1962 alors qu’il a 12 ans. Après la mort de son père, Jérôme s’installe chez ses grands-parents et c’est alors qu’il est témoin d’évènements bizarres, disons plus intrigants que méchants : une bicyclette qui prend sa place toute seule par exemple ou des poubelles qui lévitent jusque dans la rue.

Jérôme est amené à comprendre qu’il s’agit là de l’œuvre d’un fantôme qui ne veut pas se montrer. Jérôme surmonte sa peur et finira par convaincre le spectre de se montrer et d’expliquer pourquoi il lui rend des services. Et finalement le fantôme finit par se montrer.

Surprise, il s’agit d’un jeune garçon de 12 ans, le même âge que Jérôme. Il s’appelle Jules. Il semble ne pas comprendre qu’il est mort. Jérôme lui explique la triste réalité et Jules demande à Jérôme de découvrir comment il est mort, pourquoi, et où est son corps.

C’est alors que Jérôme se lance dans une quête extraordinaire et certaines alliances l’aideront beaucoup dans sa démarche, Avec le curé par exemple, le ptit dur de l’école Gaston et même le fossoyeur qui en sait pas mal long et il y a bien sûr Jules dont l’aide sera précieuse. Jérôme mettra au jour une vérité aussi incroyable que l’aventure qu’il est en train de vivre.

La question est de savoir si Jules pourra enfin reposer en paix. Aux jeunes lecteurs d’en faire la découverte. J’ai beaucoup aimé cette petite histoire que Sylvie Brien a développé avec une belle retenue : pas d’artifice, pas de violence, un peu de frissons et de mystère. Elle laisse les jeunes lecteurs avec l’idée qu’il est possible que les fantômes existent, qu’on peut y croire ou non.

Il ne faut pas non plus avoir peur des fantômes. Un mystère n’est pas forcément aussi épais qu’il en a l’air. L’histoire réunit donc des éléments qui plaisent aux jeunes lecteurs de 10 à 14 ans : de l’intrigue, du mystère et de l’humour. L’histoire s’appuie aussi sur de belles valeurs : l’amitié, l’entraide, l’esprit d’équipe et la tolérance qui manque tant à la Société.

J’ai été captif de cette histoire pour deux raisons en particulier : d’abord la galerie de personnages. J’ai accueilli chaleureusement Jérôme dès le départ, un petit débrouillard astucieux et persévérant et puis Jules que j’ai accueilli presque comme un petit fils et pour lequel j’ai développé une empathie qui m’a gardé dans l’histoire jusqu’à la fin. Eh oui, je dirais que Jules m’a forcé à lire l’histoire d’une traite…Aucun regret.

Je ne ferai pas le tour de tous les personnages mais plusieurs m’ont fasciné, en particulier Gaston, le ptit dur que tout le monde craint. J’ai redécouvert que ce genre de personnage cache du bon qui finit par ressortir. La deuxième raison de mon engouement est ce retour aux années 60 dont l’atmosphère est magnifiquement recréée.

Mes petits bémols maintenant… les filles n’ont aucun rôle dans cette histoire à part peut-être celui de chipies, l’enseignante acariâtre et les cadorette par exemple. J’ai rapidement développé l’impression qu’il manquait quelque chose. Les parents aussi n’ont pratiquement aucun rôle.

Ça nous éloigne d’une réalité quand même importante si on tient compte du fait que l’histoire se déroule dans les années 60, une époque où les familles prévalent plus qu’aujourd’hui.

Enfin j’ai écouté la version audio et j’ai été un peu déçu par la narration de Pierre Corriveau qui a eu de la difficulté à trouver le ton juste. J’aurais préféré qu’il se laisse aller un peu plus en utilisant l’accent que laisse supposer l’écrit. Heureusement, Pierre a une voix magnifique et c’est pour moi une belle compensation.

C’est un récit idéal pour pousser les préados à la lecture à cause de l’émotion qui se dégage de l’histoire et d’un amalgame de fantastique et des réalités de l’adolescence. À la fin du récit, tout est en place pour une suite prometteuse. Moi j’ai aimé, ce qui laisse à penser qu’il n’y a pas d’âge pour lire un livre-jeunesse.

Suggestion de lecture : LE CHÂTEAU DES FANTÔMES de Sophie Marvaud

Juriste et notaire de formation, Sylvie Brien se consacre entièrement à l’écriture dans les années 2000. Publiée au Canada et en France par plusieurs éditeurs, elle est Membre de l’Union des Écrivaines et Écrivains du Québec et anime des rencontres littéraires pour le programme Culture à l’école. En 2005, son roman La Fenêtre maléfique est choisi pour l’événement Montréal capitale mondiale du livre (UNESCO). Elle remporte en 2018 le prix littéraire de l’AQPF avec son roman 16 ans et Patriote.

La suite 

Bonne écoute
Claude Lambert

LE PLONGEUR, le livre de Stéphane Larue

*-T’es qui toé ? On te connait pas la face. Il regarde
Bébert, avec un sourire débile. Il pue le cendrier. –
Tu t’es amené un petit bodyguard. Bébert lève la
main, la paume tournée vers le gars, un peu comme
Magnéto qui arrête une rafale de mitraillette. Je ne
L’ai jamais vu tendu et silencieux comme ça.*

(Extrait : LE PLONGEUR, Stéphane Larue, Le Quartanier
éditeur, 2016. Édition de papier, petit format, 567 pages)

Nous sommes à Montréal au début de l’hiver 2002. Le narrateur est étudiant en graphisme, il dessine depuis toujours et veut devenir bédéiste et illustrateur. Mais depuis des mois, il évite ses amis, ment, s’endette, aspiré dans un tourbillon qui menace d’engouffrer sa vie entière : c’est un joueur. Il joue aux loteries vidéo et tout son argent y passe. Il se retrouve à bout de ressources, isolé, sans appartement.

C’est à ce moment qu’il devient plongeur au restaurant La Trattoria, où il se liera d’amitié avec Bébert, un cuisinier expérimenté, jeune mais déjà usé par l’alcool et le speed. Pendant un mois et demi, ils enchaîneront ensemble les shifts de soir et les doubles, et Bébert tiendra auprès du plongeur le rôle de mentor malgré lui et de flamboyant Virgile de la nuit.

On découvre ainsi le train survolté d’un restaurant à l’approche des fêtes et sa galerie mouvante de personnages : propriétaire, chef, sous-chefs, cuisiniers, serveurs, barmaids et busboys. Tous sont dépeints au plus près des usages du métier, avec une rare justesse. C’est en leur compagnie que le plongeur tente de juguler son obsession pour les machines de vidéopoker, 

Prix des libraires du Québec 2017
> Prix Senghor 2017
> Prix des Rendez-vous du premier roman 2017
> Finaliste au Prix littéraire des collégiens 2018
> Finaliste aux Prix du Gouverneur général 2017

Les mécanismes de l’addiction
<Délaissant de plus en plus mes travaux de cégep, j’avais joué mes loyers d’août, puis de septembre, puis d’octobre, au long d’après-midi lents et engourdis, assis devant une machine de vidéo poker, dans des tavernes quasiment vides ou des bars de danseuses…

Je buvais de la bière qui goûtait le détergent et je brûlais billet de vingt après billet de vingt …à espérer qu’enfin, dans les neuf cases de l’écran, les cloches formeraient une croix et que la banque se viderait dans mes mains. Non seulement je ne gagnais presque rien, mais… j’avais perdu davantage que dans les mois qui avaient précédé. Je n’avais pas encore compris la formule. Plus tu joues, plus tu perds. (Extrait) 


C’est un roman aussi fort que noir, axé sur la tension psychologique ressentie par le joueur pathologique. Cette tension déteint rapidement sur le lecteur et la lectrice. C’est en tout cas ce que moi, j’ai ressenti, en plus d’un profond attachement pour Stéphane, le narrateur de cette histoire, un joueur compulsif dont tout l’argent passe dans les loteries vidéo.

Le seul fil qui relie Stéphane à la réalité du quotidien est son travail de plongeur dans un grand restaurant : La TRATORIA. Il s’y lie d’amitié avec les employés, en particulier Bébert, un excentrique amateur de bière et de pilules. Certaines de ces liaisons ne seront pas sans danger mais peu importe les raisons, les motifs ou la façon, le plongeur joue sa vie.

Le jeu en particulier bouffe tout et amène Stéphane à mentir, à s’isoler, à s’endetter et à malmener dangereusement son estime de soi. L’auteur utilise le cadre de vie de Stéphane et développe un grand thème : l’addiction. Le plongeur croyait sincèrement que la plonge allait lui occuper l’esprit et l’éloigner du jeu…mais le jeu grignote l’esprit…implacablement.

J’ai développé de l’empathie pour le plongeur, désolé de le voir bousiller sa vie à cause du jeu, et essoufflé pour lui dans les nombreux passages consacrés à son travail de plongeur. Je dis que le roman est noir en fait parce que l’auteur nous fait descendre lentement mais sûrement dans la conscience et l’esprit d’un joueur compulsif et c’est sombre à en faire peur :

*Mon jeton a été balayé par le croupier. J’avais l’impression d’être enveloppé dans un acouphène, coupé du reste du monde… Je n’aurais pas pu me lever de la table pour aider ma mère mourante à dix mètres de moi.

Toutes mes facultés ou presque étaient engourdies… J’ai misé en deçà de toute volonté, maintenu en place sur ma chaise par le frisson de milliards d’aiguilles le long de mon épine dorsale…* (Extrait)

Cet extrait révèle de façon précise non seulement l’état d’esprit du joueur pathologique mais toute la beauté de l’écriture de Stéphane Larue.

C’est un récit profondément humain, bien écrit, accrocheur. L’histoire n’est pas sans rappeler LE JOUEUR de Fiodor Dostoïevsky qui décrit brutalement le jeu comme corrupteur moral :

*Le jeu brûle tout. Il est la passion. Il est le rêve.
L’enfer et la démesure. Le révélateur des abîmes de l’âme et l’ignoble concentré de la comédie bourgeoise. Il est l’argent ! *
(Extrait : LE JOUEUR)

Il savait de quoi il parlait le grand Fiodor car il était lui-même joueur invétéré. Je me suis accroché au destin de Stéphane jusqu’à la toute fin, ce qui m’a permis de découvrir une belle leçon d’amitié et les effets de baume d’un sens aigu de la famille.

Le récit pointe du doigt les incontournables addictions sociales créées et entretenues par une société avide de profit. Il n’est pas encore admis par tout le monde que le jeu compulsif est une maladie. Enfin j’ai beaucoup apprécié les passages sur la plonge et je rends hommage aux personnels de cuisine. Il faut être solide.

Le seul petit reproche que je peux faire au livre concerne sa finale que j’ai trouvé sensiblement sous-développée. J’aurais aimé savoir par exemple quel a été le sort de Greg. Est-ce que le logeur du plongeur, Vincent, a fini par être remboursé et récompensé pour son incroyable patience. Et qu’est-il advenu de Marie-Lou?

J’ai trouvé un peu frustrant aussi les passages en anglais. Mais au final, LE PLONGEUR est un livre excellent, un récit qui rend captif le lecteur. Il faudra surveiller la carrière de l’auteur Stéphane Larue. Elle est prometteuse

Suggestion de lecture : ARMADA, d’Ernest Cline

.

Stéphane Larue est né à Longueuil en 1983. Il a publié Le plongeur en 2016, qui a remporté en 2017 le Prix des libraires du Québec et le prix Senghor, en plus d’avoir été finaliste aux Prix du Gouverneur général et au Prix littéraire des collégiens. Il détient une maîtrise en littérature comparée de l’Université de Montréal. Il travaille dans le milieu de la restauration depuis le début des années 2000. Il vit à Montréal.

Bonne lecture
Claude Lambert
janvier 2020

JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard

*Lorsque Caroline Rioux reprit ses esprits, deux
heures venaient de s’écouler. Elle était assise
sur une chaise, les pieds et les mains entravés
par des colliers de serrage en plastique au mi-
lieu de sa salle de Bain.*
(Extrait : JEU DE MORTS, Jean-Sébastien Pouchard,
l’auteur et Livresque édition pour la présente. 2019.
Numérique. Aussi en version papier, 202 pages.

Lorsqu’un jogger découvre deux yeux dans un bocal sur un banc au lac Kir, avec une énigme à l’intérieur, Arthur Vaillant, commandant de police à Dijon, sent pertinemment au fond de ses tripes que cette découverte n’est pas un canular. Y aurait-il un tueur en série prêt à terroriser la ville et à jouer avec la police? Arthur et ses collègues vont être une nouvelle fois sur les dents, avec une deuxième découverte énigmatique. Pour les aider à résoudre cette enquête au plus vite, le procureur de la République demande de l’aide. Ainsi, Mathilde DANJOU, une ravissante psychologue comportementaliste franco-américaine, va se joindre à Arthur et son équipe. L’enquête s’annonce éprouvante.

Un don pour chaque organe
*L’horreur atteignit son paroxysme lorsque deux
enfants… tomèrent sur un récipient identique à
celui de la veille contenant une langue humaine à
Talant, dans le parc de la Fontaine aux Fées.
(extrait)

JEU DE MORT est un thriller captivant bien développé avec de bonnes idées et des trouvailles issues d’une imagination fébrile. Plusieurs personnages sont attachants dont le commandant Arthur Vaillant de la direction interrégionale de la police judiciaire.

Le théâtre des évènements est Dijon et ses environs, au cœur de la Bourgogne-Franche-Comté. Un jour, près de la plage du lac Kir, un jogger découvre par hasard un bocal contenant deux yeux humains. L’enquête conclut que les yeux appartenaient à une jeune fille de 22 ans, Amélie Brillant, hôtesse dans un club. Son corps sera finalement découvert à son domicile le lendemain.

Suivra une montée vertigineuse de l’horreur alors que deux enfants de 13 et 10 ans découvrent un bocal identique à celui de la veille. Il contient une langue humaine. Pour chaque bocal, une énigme. Avant d’être qualifié de tueur en série, l’assassin sera surnommé par la presse, entre autres : LE CHIRURGIEN.

Le tueur ne s’arrête pas là, mais moi oui…je vous laisse absorber son modus operandi…aussi original qu’horrible. Mais ne comptez pas trop avoir de détails sur ses motivations. J’y reviens plus loin. L’assassin est un tordu…vous en conviendrez très vite.

Il y a beaucoup de points positifs pour ce livre. Bien que son rythme soit très élevé, l’histoire est facile à suivre. La plume est limpide. Il n’y a pas de longueurs. L’auteur développe ici un impressionnant jeu du chat et de la souris. Car il est évident que le tueur se moque des policiers et se joue d’eux.

Une psychologue comportementaliste se joint à l’équipe du commandant Vaillant. C’est une bonne idée qui va alimenter l’enquête et mystifier un peu plus le lecteur. Le tout sera allégé par une petite amourette prévisible entre la psy, Mathilde et le commandant Vaillant…une amourette péniblement installée dans l’histoire et qui prend difficilement sa place.

J’ai beaucoup apprécié la participation très brève mais capitale du fils d’Arthur Vaillant, Ludovic, 14 ans. Il fera une observation qui pourrait changer beaucoup de chose. Je ne peux en révéler davantage, mais j’ai trouvé l’idée géniale. Dans l’ensemble, l’intrigue est bien menée et garde le lecteur captif.

Je parlais plus haut des motivations du tueur. Elles sont livrées mais à la fin seulement. L’auteur ne laisse rien filtrer. Donc les lecteurs et les lectrices peuvent difficilement s’adonner au jeu des déductions. C’est un peu frustrant. Je comprends que l’auteur n’ait pas voulu s’encombrer de détails inutiles mais peut-être en a-t-il fait une obsession. J’ai trouvé la description des scènes de crime et de certains personnages trop sommaires.

Le tueur tue mais on ne saura pourquoi qu’à la fin seulement, sans indices préalables. Ça fait une finale un peu surprenante car il n’y a absolument rien qui en annonce le contenu. Comme si l’auteur lui-même n’en aurait décidé la trame qu’en cours d’écriture. J’ai été un peu frustré, étant dans une totale impossibilité de deviner de qui il s’agit.

Un mot sur cette finale avant de terminer. Elle dévoile tout, tout d’un coup dans une abondance de détails qui occulte le travail des policiers et donne l’impression d’un travail bâclé. Je le précise encore ici, c’est un très bon thriller mais il manque un peu d’équilibre. La suite et la fin des évènements concernent surtout les sentiments entre Arthur et Mathilde.

Ça fait l’objet d’un épilogue que j’ai trouvé plutôt insipide. Pour beaucoup de lecteurs et lectrices. Ce sont détails plus ou moins significatifs. Au final JEU DE MORT est un très bon roman à l’intrigue prenante avec des personnages pour lesquels on est porté à s’inquiéter. Je pense que l’auteur Jean-Sébastien Pouchart, que je ne connaissais pas, est à surveiller.

Suggestion de lecture : MEURTRES EN SOUTANE, de Phyllis Dorothy James

Jean-Sébastien POUCHARD, marié et père de deux enfants, est devenu auteur en écrivant des poèmes sur son environnement et sur ce qu’il ressent face à l’actualité.

Après son recueil de poésie intitulé « Musique de l’âme » aux éditions du net, dont trois poésies ont été récompensées au concours littéraire des clubs de la Défense millésime 2015 et 2016, il publie son premier roman policier : JEU DE MORTS dont l’action se déroule à Dijon en Bourgogne. 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 18 septembre 2022

LA CONSTELLATION DU LYNX, Louis Hamelin

*5 octobre 1970, enlèvement du délégué commercial de Grande Bretagne, John Travers par le Front de libération du Québec.
10 octobre, enlèvement du numéro 2 du Gouvernement québécois.
15 octobre, la force mobile de l’Armée canadienne intervient au Québec.
16 octobre, proclamation de la loi sur les mesures de guerre par le gouvernement central du Canada, suspension des libertés civiles…près de 500 citoyens détenus sans mandat.
17 octobre, le corps du numéro 2 est retrouvé dans le coffre d’une voiture… *

(Extrait : LA CONSTYELLATION DU LYNX, Louis Hamelin, à l’origine, papier, Boréal, 2011. Version audio : Audible Studios éditeur, durée d’écoute : 17 heures 5 minutes, narrateur : Maxim Gaudette.)

En 2001: l’écrivain Samuel Nihilo décide de poursuivre les recherches de son professeur sur la crise d’octobre 1970. De Montréal jusqu’au village mexicain de Zopilote, où les chemins de Nihilo et d’un ex-felquiste se croiseront, en passant par l’Abitibi des grands espaces, les recherches de Samuel vont rapidement se concentrer sur le rôle joué en 70 par les services secrets, l’escouade antiterroriste, et toute une panoplie de personnages pas nets, dont le spectre quasi shakespearien du ministre assassiné!

Québec se souvient
d’un certain mois d’octobre
*Ils s’étaient d’abord baptisés les <octobristes> un calque
des <décembristes> russes rencontrés dans Tolstoï. Puis à
force de descendre des rivières et des rivières de bière dans
leurs abreuvoirs de prédilections de la rue Ontario, le mot
<octobiériste> avait fini par s’imposer de lui-même.*
(Extrait)

C’est un premier roman sur la crise d’octobre qui a plongé le Québec dans la noirceur en 1970. Personnellement je le considère essentiellement comme un thriller politique. L’idée de base est intéressante.

Un écrivain décide de poursuivre des recherches sur la crise d’octobre laissée en plan par un ancien prof de l’écrivain, le poète Chevalier Branlequeue. C’est un nom de plume évidemment. Pour moi c’est un choix incompréhensible mais je passe. Chevalier a vu de façon catégorique, la crise d’octobre comme une vaste machination politique.

L’écrivain appelé Samuel enquête afin de savoir s’il doit valider ce jugement ou pas. Son investigation l’amène à croiser des anciens felquistes et apprendra l’existence d’une batterie de personnages qui sont loin d’être des enfants de choeur. Il fera des découvertes parfois surprenantes.

C’est un roman très documenté, un énorme travail de reconstitution historique bien évidemment assorti d’un caractère romanesque qui camoufle toutefois des tendances éditoriales. J’ai senti comme un *parti pris* de l’auteur.

Il faut faire attention dans l’écoute du récit car il est truffé de sauts temporels qui mêlent le passé et le présent. Tous les noms des personnages ont été changés. Le récit est surtout concentré sur Paul Lavoie, le ministre du travail qui comme on le sait finira assassiné et ici l’auteur développe tout un schéma de pensée sur les circonstances de la mort du ministre.

Il passe en revue ses états d’âme pendant sa captivité et le fait que sa mort arrangeait plusieurs hautes pointures du gouvernement. Le diplomate britannique James Cross devenu John Travers dans le récit, n’était pas très net lui non plus mais comme on le sait, il s’en est tiré. Tout le long du récit, l’auteur m’a semblé s’en tenir à la machination, la manipulation et la conspiration politique :

*Nous vivions à une époque où l’idée même de conspiration avait été réduite…à la permanente caricature d’elle-même, discréditant d’avance toute tentative de réflexion un peu soutenue sur le thème des manipulations politiques* (Extrait)

Je sors de cette écoute mitigé mais satisfait du choix de l’auteur d’avoir empreint son récit d’une forme romanesque de préférence à l’essai par exemple. Toutefois, ce n’est pas un récit aisé à suivre à cause de ses multiples flash-backs et imbrications du passé dans le présent dont je n’ai pas vraiment saisi la logique. Cette façon d’écrire dilue l’aspect évènementiel et par la bande, la compréhension de l’histoire.

La grande agitation qui caractérisait la Société est palpable mais je n’ai pu sortir de cette écoute avec une complète compréhension de ce qu’il raconte. La succession des chapitres m’a paru étrange et j’ai noté des redondances et de la répétition. Excellente recherche quant à la psychologie des personnages mais l’histoire est très centrée sur les terroristes.

J’aurais souhaité une meilleure pénétration des coulisses du pouvoir. Je ne peux pas vraiment adhérer à l’opinion de l’auteur et son récit ne m’a pas vraiment permis de m’en faire une. Je crois tout de même que c’est un roman d’une grande valeur. De plus, le narrateur Maxim Gaudette a raconté l’histoire comme s’il ne s’adressait qu’à moi… un enchantement.

C’est d’ailleurs l’énergie narrative de Maxim qui a rendu presque comique à mes oreilles la crudité du langage qui caractérise l’œuvre. Enfin, la Société de l’époque est bien dépeinte  mais pas toujours de façon gentille :

*Dans quelle autre nation du globe vit-on s’édifier des quasi-cathédrales dans des villages dont la population, même en comptant les pas fins et les moitiés de sauvages installés au fond des rangs, n’a jamais excédé 3 000 âmes?* (Extrait) Non seulement le sujet développé est intéressant malgré quelques faiblesses, mais la narration fût une vraie petite fête pour mes oreilles.

Suggestion de lecture :  LA THÉORIE DES DOMINOS, Alex Scarrow

Louis Hamelin est né à Grand-Mère (maintenant Shawinigan) en Mauricie. Dès la fin des années 1980, il se consacre à l’écriture. En 1989, il reçoit le Prix du Gouverneur général pour son premier roman, La Rage. Chroniqueur littéraire au Devoir et à Ici Montréal, ses textes sont publiés en 1999 aux Éditions du Boréal, sous le titre Le Voyage en pot. Louis Hamelin a collaboré à une quinzaine de journaux et de revues et publié près d’une dizaine de livres. Tous s’accordent pour dire que Louis Hamelin occupe une place de choix dans l’univers littéraire québécois. La Constellation du lynx a reçu le prix des libraires du Québec 2011 et le prix littéraire des collégiens 2011.

Pour en savoir plus sur la crise d’octobre 1970, cliquez ici.

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 17 septembre 2022

LE POISON SECRET, Francis Leblanc

Tome 1 : LA FAUX FANTÔME

*Écorché de partout, l’homme émergea dans une flaque d’eau sale et plissa les yeux pour mieux distinguer les silhouettes. L’une d’entre elles était celle de sa mère ; l’autre, derrière elle, était celle de Vysper Salaman, l’un des élites les plus efficace dont disposaient les empoisonneurs. Ce dernier appuyait une lame contre la gorge de sa femme. *  

Extrait du prologue LE POISON SECRET, 1 : LA FAUX FANTÔME Francis Leblanc, Éditions ADA 20018, version numérique, 313 pages.

Depuis 600 ans, le monde est aux prises avec la faux fantôme, une épidémie mortelle qui frappe dès que la population du continent excède les 50 millions d’habitants. C’est pour cette raison qu’ont été créés les Marécages, une organisation d’empoisonneurs dont le rôle est de préserver l’équilibre des morts et des naissances afin de limiter les ravages de la pandémie. Chaque saison, des élections ont lieu partout afin de déterminer quels seront les malheureux élus qui devront être sacrifiés pour le bien commun. Skill Venial, 18 ans, vient tout juste de terminer ses études d’empoisonnement et s’apprête à prendre part à son dernier stage.

Il est envoyé à Syrak, la capitale d’Insectia, afin d’éliminer la famille royale, pour qui la majorité des habitants a voté lors des dernières élections. Mais le jeune réussira-t-il à satisfaire les attentes de son sinistre et dangereux mentor, Vysper Salaman? Résoudra-t-il le mystère du poison secret, dont dépend l’avenir du monde entier?  

Trop de monde dans le monde
*Désormais, que dirait leur mère si elle apprenait
qu’ils savaient extraire le venin des araignées ?
Qu’en cours d’animaux venimeux, ils avaient
passé un examen qui consistait à être ensevelis
sous une horde de mygales, de veuves noires et
d’araignées errantes sans paniquer ?
(Extrait)

LE POISON SECRET est un roman de type fantasy pour les 13-18 ans. Toutefois en tant qu’adulte je l’ai trouvé très intéressant car il développe un thème qui hante les populations en général et les scientifiques en particulier : la surpopulation et les risques potentiels de catastrophes naturelles ou artificielles susceptibles de ramener le nombre d’êtres humains à des proportions acceptables pour la planète.

Selon le professeur Will Steffen de l’Université d’Australie, la population que la Terre peut supporter est estimée à 9 milliards de personnes. Si le thème est récurrent en littérature, voire un peu usé, je dois dire qu’il est développé avec beaucoup d’imagination dans LE POISON SECRET, LA FAUX FANTÔME car il repose sur une intrigue qui donne au récit un cachet très actuel.

Sur une petite planète, dans une société du futur, dès que la population dépasse 50 millions de personnes, une épidémie mortelle frappe pour baisser le nombre d’individus à un niveau acceptable. Pour préserver l’équilibre morts/naissances et limiter la pandémie, on a créé LES MARÉCAGES, une organisation d’empoisonneurs surentraînés.

Les victimes sont choisies au hasard et le hasard a délégué entre autres à la mort la famille royale d’Insectia. C’est curieux à dire mais ce choix va provoquer un spectaculaire affrontement entre empoisonneurs professionnels. Tout ça pour limiter les effets de LA FAUX FANTÔMES qui n’est pas là par hasard.

*Notre continent est surpeuplé, Lydia, ne t’en rends-tu pas compte ? Nous souffrons constamment de guerre et de famine, et la seule raison pour laquelle nous y survivons, c’est justement grâce à la faux fantôme. Parce que chaque famille choisit d’avoir près d’une dizaine d’enfants, malgré toutes les potions contraceptives que nous offrent les Marécages !  (Extrait)

Le cœur du récit est un peu dans ce dernier extrait mais il y a plus, LA FAUX FANTÔME est au cœur de l’intrigue et ça fait de l’histoire quelque chose d’un peu plus complexe et plus abouti qu’une simple guerre de sarbacanes. Histoire intéressante mais un peu difficile à suivre car il y a une grande quantité de personnages qui ne sont pas beaucoup travaillés et le fil conducteur est fragile.

En dire plus sur LA FAUX FANTÔME reviendrait à trahir l’auteur mais j’ai été agréablement surpris. Il y a de bonnes idées, de belles trouvailles. Bien sûr, j’avais parfois l’impression d’être plongé dans le manuel du parfait empoisonneur. Le poison est omniprésent. L’histoire même commence par un match amical d’empoisonneurs.

Éviter l’empoisonnement est un exploit qui relève d’une imagination très fertile et ce n’est pas l’imagination qui manque dans cette histoire. Les humains ne sont jamais allés aussi loin dans ce domaine. Mais le poison ça nous connaît. Lisez l’histoire de Rome, vous allez comprendre.

Vous n’aurez peut-être pas besoin de remonter aussi loin car la finale de cette histoire nous réserve une petite surprise qui nous ramène à notre terrible réalité : le terrorisme. Je ne peux pas en dire plus, mais la finale de cette histoire consacre un caractère des plus actuels à l’ensemble du récit. Ma satisfaction a été complète quand j’ai réalisé que la table avait été mise pour une suite.

Donc un livre intéressant. Faiblesses : psychologie des personnages, parfois difficile à suivre. Je suis un peu mitigé quant au développement contextuel. Forces : Trame originale, beaucoup d’imagination, lien intéressant avec l’actualité, bon rythme, excellente finale. J’ai été satisfait de ma lecture.

Pour en savoir plus sur la surpopulation, visitez levif.be

Suggestion de lecture, sur le thème de la surpopulation : TOUS À ZANZIBAR de John Brunner


L’auteur Francis Leblanc

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 28 août 2022

 

LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz

Tome 1 : L’ÉPOPÉE COSMIQUE

*Si cet ouvrage a été conçu comme un roman d’anticipation
et de science-fiction à la fois, il n’est pas que cela. Ce qui
relève du passé de la terre et de ses habitants sous des
rapports divers, y compris ceux d’ordre scientifique, y est
également concerné, car constituant une base de réalités
à partir de laquelle s’est construite la fiction. *

(Extrait : LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, tome 1
Chérif Arbouz, PUblisher éditeur, 2016, papier et
numérique, 156 pages, 692 kb)

Entre 2037 et 2056, la Terre connaît la plus grande crise de son histoire. La surpopulation démentielle et le réchauffement climatique désastreux constituent la pire menace pesant sur l’humanité. Dans ce contexte, les USA et la Confédération Russe fusionnent en 2056 pour devenir les USNAR (United States of North America and Russia). Ce méga état déclenche une guerre éclair massive et destructrice qui lui permet d´imposer un nouvel ordre mondial. Des extraterrestres sont les témoins directs de ce qui s’y passe et décident d’aider les Terriens à s’engager dans une voie salvatrice. Ils ont aussi une autre bonne raison d´intervenir…

Une aide inattendue pour
affronter l’apocalypse
*En un temps record, près de trente mille bombes à neutrons
véhiculées par des nuées de missiles intercontinentaux
s’abattirent simultanément sur leurs objectifs dans les
pays jugés susceptibles d’utiliser les armes de destruction
massive qu’ils possédaient. *
(Extrait)

Ce premier volume de la saga ÉPOPÉES COSMIQUES, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, se divise en trois parties. D’abord, la situation de la terre en 2056. Elle se meurt et le redressement de sa situation est devenue une priorité. Aussi, les USNAR sont créés.  Un nouvel ordre mondial est né. Des extra-terrestres qui visitent les humains depuis des siècles à leur insu, décident d’intervenir.

Dans la deuxième partie, l’auteur développe l’histoire de ces extra-terrestres, les stargils et les Iskogéens, issus des humains de la terre. Dans la troisième partie, Arbouz raconte comment les stargils sont intervenus en amenant les humains à sauver la terre, présidant à la création d’un gouvernement mondial.

Les nouveaux législateurs entre autres une dépopulation mondiale qui s’étendra sur 400 ans, le peuplement de la planète passant de 9 milliards d’individus à 600 millions. L’auteur explique comment les humains et les stargils sont devenus intimement liés.

Ici, deux mondes s’attirent : Les Stargils, supérieurs aux humains à tous points de vue et les humains qui se retrouvent devant un choix difficile : mourir ou désapprendre. Ça signifie que les humains devaient définitivement mettre dans l’ombre et vaincre toutes ses tares ataviques qui en faisaient des créatures poussées à l’autodestruction.

L’auteur met en perspective les difficultés énormes que ça implique : *La Société des humains vivant sur terre est profondément marquée dans sa nature même par ce qui l’avait prédisposé à tourner le dos à tout ce qui aurait pu lui être bénéfique. * (Extrait)

Ce livre n’est pas sans rappeler le grand classique de la littérature de science-fiction LE MEILLEUR DES MONDES, un roman d’anticipation dystopique écrit par Aldous Huxley (1894-1963). Dans cette société décrite par Huxley, les êtres humains sont tous créés en laboratoire. Les enfants y sont conditionnés, créant une morale commune.

Il y a des similitudes avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE et qui plus est, l’auteur Chérif Arbouz ne se gêne pas pour faire des rapprochements dans son récit. La Société décrite par Huxley est aussi un état mondial.

Huxley percevait notre monde comme allant dangereusement vers le monde décrit dans son livre. La démarche des Stargils visent à éviter aux humains la catastrophe…sans rien en retour.

Dans LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, l’auteur vulgarise la notion de gouvernement mondial. Il en décrit les étapes, le mode de fonctionnement et les avantages. Le côté *B* de cette médaille est qu’il ne fait aucune mention des désavantages.

À peine est-il question de quelques dommages collatéraux. J’ai eu l’impression qu’Arbouz faisait la promotion d’un gouvernement mondial, limitant son raisonnement à ses avantages.

Mais c’est  le premier livre qui me parle explicitement de la notion de gouvernement mondial et il est de nature à me demander si un jour, l’humanité n’aura plus le choix. Autre petite faiblesse : les raisons pour lesquelles les Stargils interviennent ne sont pas claires.

J’ai de la difficulté à comprendre et à croire que les extra-terrestres ne demandaient rien en retour de leur intervention salvatrice et de l’extraordinaire transfert de connaissance qui en découla. Que les stargils aient sauvé les humains de l’éradication par simple altruisme me semble surréaliste. Le roman prend parfois l’allure d’un documentaire.

Malgré des longueurs, spécialement dans la partie qui développe l’histoire des Stargils, LA FANTASTIQUE ODYSSÉE comporte de très bonnes idées et constitue un bon départ pour la saga ÉPOPÉES COSMIQUES. L’ouvrage porte aussi à réfléchir sur le surpeuplement mondial et à la capacité limitée de la terre à nourrir ses enfants et à supporter le gaspillage.

Ici, le livre d’Arbouz crie une certaine urgence. On sent que l’auteur s’est documenté et sait où il va. Un meilleur équilibre aurait été souhaitable tout simplement.

Suggestion de lecture : LES CHRONOLITHES de Robert-Charles Wilson

Chérif Arbouz, né le 8 février 1930, est un écrivain algérien. Esprit curieux, il partage dans ses écrits ses passions, qui vont des légendes ancestrales de son pays aux recherches les plus avancées sur la cybernétique et le cerveau. Épopées médiévales, voyages cosmiques, aliens et robots sont autant de prétextes pour réfléchir à la nature de notre humanité, l’évolution des sciences. Avec LA FANTASTIQUE ODYSSÉE, Chérif Arbouz dresse le portrait d’une civilisation humaine à bout de souffle, incapable de trouver la voie d’une coopération mondiale, seule capable d’assurer sa survie à long terme.

LA SÉRIE

Bonne lecture
Claude Lambert