LA CITÉ DE FEU, de Kate Mosse

*Les pattes de mouche à l’encre jaunie, la langue surannée
viennent à sa rencontre, traversant les siècles ; Elle en
connait chaque syllabe, comme une leçon de catéchisme.
La première entrée. -Ceci est le jour de ma mort-. *
(Extrait : LA CITÉ DE FEU, Kate Mosse, Mantle éditeur 2018.
Pour la traduction française, Sonatine Éditions, 2020, édition de
papier, 610 pages.)

France, 1562. Les tensions entre catholiques et protestants s’exacerbent, le royaume se déchire. Le prince de Condé et le duc de Guise se livrent un combat sans merci. Les huguenots sont persécutés, les massacres se succèdent. À Carcassonne, Marguerite Joubert, la fille d’un libraire catholique, fait la connaissance de Piet, un protestant converti dont la vie est en danger. Alors que la violence commence à se déchaîner dans la région, le couple se retrouve bientôt au centre d’un vaste complot lié à une sainte relique. Leur quête va les mener vers une ancienne forteresse, où sommeille un secret enterré depuis des décennies.

Ce que l’histoire a de pire
*L’histoire des injustices commises au nom de la religion
 – envers ses ancêtres – est sûrement la preuve que Dieu
n’existe pas. Car quel Dieu accepterait que tant meurent
 en son nom dans la souffrance et la terreur ? *
(Extrait)

Le récit a pour toile de fond les troubles, violences et tensions qui opposent les Catholiques et protestants de France. On sait que le protestantisme est issu du calvinisme britannique mais aux fins du récit, les protestants français et navarrais sont appelés HUGUENOTS. J’ai fait une recherche sur l’étymologie du mot HUGUENOT et je me suis aperçu que c’est une très longue histoire. Je vous fais grâce de cette saga, mais pour mieux comprendre, je vous suggère le dossier préparé sur les HUGUENOTS par Wikipédia. Cliquez ici.

Nous sommes donc en France en 1562, au cœur des guerres de religions. Les Huguenots du Prince Condé et les catholiques du Duc de Guise s’entre-déchirent sans pitié. Les Huguenots en particulier sont malmenés. Beaucoup sont massacrés. Au milieu de cet enfer, à Carcassonne, fleuron de l’Occitan, la fille d’un catholique, Marguerite Joubert, appelé Minou tout au long du récit, fait la connaissance de Piet, un protestant converti mais en danger.

Une chaîne d’évènements pousse le couple dans un vaste complot lié à une sainte relique, plus précisément à un suaire. L’aventure amènera Minou et Piet là où sommeille un grand secret.

J’ai adoré ce roman historique. En fait, c’est une fiction enclavée dans des faits historiques avérés. J’ai dévoré ce volume avec beaucoup d’intérêt pour tellement de raisons que je ne peux pas en faire le tour ici. Je dirais que les raisons les plus importantes sont les suivantes :  d’abord, c’est une belle histoire, qui en dit long sur le Moyen-âge à travers des évènements dramatiques mais exempts de tout sensationnalisme, à travers des personnages courageux et attachants qui pourraient être nos amis, nos frères nos sœurs.

Je pense au jeune frère de Minou, Aimeric un adolescent qui nous rappelle ceux d’aujourd’hui : veut participer, s’affirmer, assumer ses droits, exige la justice. Je pense aussi à Alys petite sœur de Minou qui s’affirme par sa sagesse et son courage, ce qui m’a mené à dévoiler la deuxième raison pour laquelle j’ai aimé ce roman : la place qu’il laisse aux femmes, phénomène rare dans un livre dont l’histoire se situe au Moyen âge, abstraction faite des histoires d’amour. Des femmes qui, dans ce contexte, passe à travers les mailles patriarcales et machistes, ça ne manque pas d’originalité. Ça me plait.

Enfin, ce livre de Kate Mosse pousse inévitablement à la réflexion sur la tolérance religieuse et me conforte dans mon opinion (qui peut être discutable, je vous l’accorde) à l’effet que la religion pourrait n’être qu’une étiquette justifiant la folie, la violence des hommes soi-disant soucieux de servir le vrai Dieu alors que les vrais Dieux, on en compte douze à la dizaine. Massacres, tortures de l’inquisition, pouvoir clérical, trahison, manipulation… *La menace d’une dénonciation terrifiait tout le monde. Un homme pouvait être pendu pour avoir récité la mauvaise prière, s’être agenouillé devant le mauvais autel. * (Extrait)

Kate Mosse a rassemblé avec une parfaite habileté tous les ingrédients pour faire de LA CITÉ DE FEU une magnifique fresque littéraire bien documentée et tout à fait captivante. Il y a bien quelques longueurs mais il n’y a pas d’errance. Ça se lit très bien. Il est difficile de fermer le livre. Je me suis laissé aller dans les mains d’une conteuse hors-pair. Un beau moment de lecture.

Suggestion de lecture : UNE COLONNE DE FEU, de Ken Follet

Kate Moss OBE , est une romancière britannique née le 20 octobre 1961 dans le Sussex en Angleterre. Elle fait ses classes au Chichester High School et au New College, d’Oxford. C’est là qu’elle rencontre son futur mari, Greg Mosse. Après avoir obtenu son diplôme, elle travaille pendant sept ans dans l’édition.

En 1996, elle publie son premier roman, Eskimo Kissing, suivi en 1998 par Crucifix Lane. De 1998 à 2001, elle occupe le poste de directrice exécutive du Chichester Festival Theatre. Parallèlement à ses activités, elle est toujours en recherche pour un nouveau roman. Kate Mosse est devenue officière de l’Ordre de l’Empire Britannique en 2013 pour services rendus à la littérature.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 18 mars 2023

TRUCS DE PEUR 1- Perdues dans le noir

Commentaire sur le livre de
ALEXANDRA LAROCHELLE et YOHANN MORIN

*Rosalie, de son côté, frissonne d’effroi. La maison de leur grand-mère est si vieille et immense…En plus, elle craque de partout ! C’est certain qu’elle est remplie de fantômes ou pire, de monstres qui se cachent sous les lits !

(Extrait : TRUCS DE PEUR, tome 1, PERDUES DANS LE NOIR, texte : Alexandra Larochelle, dessins, Yohann Morin, Éditions de la Bagnole, 2019, papier, 283 pages, très grosses lettres. Jeunesse.)

Mégane et Rosalie sont demi-sœurs et se détestent plus que tout au monde. À 9 ans, Mégane est la plus populaire de sa classe alors que Rosalie, âgée de 8 ans, a peur de tout, même de son ombre. Lorsque leur père les envoie une semaine chez leur grand-mère, muette, le séjour s’annonce horrible ! Ce que les 2 filles ignorent c’est, qu’aidées de leur aïeule, elles auront 7 jours, mais surtout 7 nuits, pour vaincre leurs plus grandes peurs et unir leurs forces afin de surmonter leurs pires cauchemars…dans une maison où les attendent monstres, fantômes et bibittes…

La peur qui rassemble
*-Ça se peut pas…Ça se peut pas…Ça se peut pas…,
répète Mégane en frottant ses yeux derrière ses
lunettes. Les filles s’approchent prudemment de la
tablette, comme si elle risquait de les attaquer. Après
l’avoir regardée un moment sans savoir quoi faire,
Mégane ose la prendre *
(Extrait)

Avec PERDUES DANS LE NOIR, Alexandra Larochelle introduit une nouvelle série très prometteuse pour les premiers lecteurs et les premières lectrices, le thème central de la série étant la peur… la petite ou la grande frousse que les jeunes recherchent.

Une littérature qui permet aux jeunes d’identifier les mécanismes de la peur pour mieux l’affronter et pourquoi pas commencer la série par les coins sombres, portes  grinçantes, bruits inquiétants et de mystérieux textos venus d’on ne sait où…

Cette histoire repose sur la résolution de deux énigmes qui ne sont pas évidentes même pour les adultes. À ce sujet, j’ai beaucoup apprécié les deux principaux personnages créés par Alexandra Larochelle. Parlons-en un peu et voyons, en propos très résumé, ce que raconte le récit.

Voici l’histoire de deux jeunes pré-adolescentes : Mégane 8 ans, sûre d’elle et Rosalie qui est tout le contraire. Elle a 9 ans. Elle a peur de tout même de son ombre. Les deux filles, qui sont demi-sœurs, se détestent singulièrement.

Elles se disputent continuellement au point qu’un bon jour, le bon papa en a ras le bol et décide d’envoyer ses filles chez Mamie Léo, dans sa vieille maison perdue en forêt. Les filles auront sept jours pour s’entendre jusqu’à faire équipe pour affronter les mystères de cette maison. Sept jours…sinon…

Est-ce que sept jours seront suffisants ? L’auteur veut démontrer que s’entendre avec quelqu’un qu’on aime pas, mettre de l’eau dans son vin, faire des concessions, faire preuve de tolérance…tout ça dans un jeu qui se joue à deux, ce n’est pas si simple et il faut y mettre le temps…les filles développeront un point en commun. Elles connaîtront la peur.

C’est une chouette petite histoire. En plus de donner une petite leçon raisonnablement moralisante, les jeunes sont initiés à la forme, la texture et l’épaisseur du livre, c’est-à-dire le nombre de pages. Personnellement, quand je fus premier lecteur, j’aurais été fier de crier sur les toits que j’ai lu au complet un livre de 288 pages. Eh oui…les jeunes lecteurs ne doivent pas avoir peur de l’épaisseur du livre et du nombre de pages.

L’important est d’entrer dans l’histoire, de s’accrocher au fil conducteur et de se laisser emporter dans des chapitres courts, des enchaînements rythmés et les superbes illustrations de Yohann Morin qui mettent vraiment le texte en valeur, qui ajoutent à l’émotion chez les jeunes lecteurs et lectrices et qui rendent le tout vivant et attrayant. Ce livre constitue une excellente transition de la bande dessinée au roman avec de nombreuses illustrations et chaque chapitre comporte quelques bulles de dialogue.

À chaque fois qu’on tourne la page, une petite araignée descend de sa toile de plus en plus, indiquant ainsi la progression de la lecture. Original et même *joyeusement* lugubre. J’ai essayé de lire ce livre avec un cœur d’ado, mais même les adultes vont le trouver captivant. N’est-ce pas la première qualité qu’on cherche en littérature jeunesse?

Quant à savoir si Mégane et Rosalie vont s’entendre, je vous laisse le découvrir. La finale pourrait vous surprendre. Mais d’une façon ou d’une autre, tout est en place pour une suite ou les jeunes auront sans doute la chance d’aborder un autre aspect de la peur.

Ce livre offre une façon agréable d’introduire les jeunes à la lecture.

Suggestion de lecture : DESMUND PUCKET, LA MAGIE MONSTRE, de Mark Tatulli

Alexandra Larochelle est une jeune écrivaine née à Laval au Québec le 5 mai 1993. Elle a publié en 2004, à l’âge de dix ans, un premier roman, qu’elle avait écrit à l’âge de neuf ans dans sa classe à degrés multiples. AU-DELÀ D’UN UNIVERS, premier tome d’un cycle, elle a publié cinq autres romans de cette série. En 2015, elle publie le roman Des papillons pis de la gravité, suivi en 2016 de Des papillons pis du grand cinéma.

Yohann Morin commence sa carrière comme caricaturiste et illustrateur pour des journaux locaux et étudiants. Il a ensuite participé au magazine Safarir à la fin des années 1990. Parallèlement, il a publié quatre tomes de la série bd Biodôme avec le scénariste Frédéric Antoine.

 Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
janvier 2020

ALICE AU PAYS DES TROP VIEILLES, Cristina Alonzo

*Oui, évidemment, que j’écris un livre…Un livre sur mon enfance, passage difficile. ou sur mon adolescence, étape difficile. Ou sur ma dépression, moment difficile. Ou sur mes dix années de psychanalyse, tunnel difficile.* (Extrait : ALICE AU PAYS DES TROP VIEILLES, Cristina Alonzo, Éditions Albin Michel, 2010 224 pages. Format numérique, 220 pages)

Alice est journaliste. Elle a un mari, des amies de « bons » conseils, deux enfants adolescents, elle ment sur son âge (même son passeport est faux), se fait mettre au placard parce que son boss la trouve « trop vieille », s’interroge sur le botox et la chirurgie et cherche la bagarre…Alice grandit, vieillit, enrage et s’apaise. Un livre à l’usage des femmes qui ne sont pas vieilles et ont quelques réserves sur l’idée de le devenir.

 

Journal de ma quarantaine fracassante
C’est pas un peu gênant de prendre le petit
déjeuner avec le mec de sa fille ? –J’ai résolu
le problème, je leur apporte au lit, comme ça
pas besoin de boire mon café en face de deux
autistes.
(Extrait)

C’est l’analogie avec le pays des Merveilles qui m’a attiré vers ce livre. C’est tout de même très différent pour ne pas dire paradoxal car le livre de Cristina Alonzo développe le thème du vieillissement chez la femme. Notez que le phénomène est traité avec un peu de philosophie et beaucoup d’humour.

L’auteure traite des conséquences et des corollaires du vieillissement, un mot qui a été largement galvaudé et qui pourrait être interprété par l’expression *prolongement de la jeunesse*, un euphémisme gentil qui dévoile  les petits bobos liés disons au deuxième âge chez les femmes, les mères en particulier. : Apparition de rides, papillotes, apparition de cheveux blancs, prise de poids, petits problèmes de dos…

*Alors que vos parents devenaient grands-parents entre 45 et 55 ans, vous êtes de « vieux » parents d’ados grognons qui ne sont pas près de quitter la maison, devenue sans que vous vous en rendiez compte un Bed and Breakfast. La situation vous convient. (Aucune envie de prendre un coup de vieux supplémentaire en les voyant partir.)

Mais parfois, elle vous horripile. Ces ados sont des carpes, et lorsqu’ils vous adressent la parole, c’est pour demander à boire, manger, sortir, ou acheter. Il n’y a pas trente-six solutions : Acceptez le fait que vous êtes une vieille maman et agissez en conséquence en cessant d’être leur pote. * (Extrait)

Le livre est développé un peu comme un journal. Pour chaque chapitre, il y a une petite pensée au début, une liste de choses à faire avec au moins une bizarrerie dans chacune, le développement lié toujours à *l’avancement en âge*, des techniques pour s’en sortir honorablement et un récapitulatif du sujet traité. Ce n’est pas un livre qui va révolutionner le genre mais il est divertissant.

C’est une lecture légère qui évoque la tolérance et l’acceptation et met en perspective la différence qui existe entre *vieillir* et être vieux…*Entre l’âge que j’ai, celui que je fais, celui qu’on me donne et celui que j’ai l’impression d’avoir, il y a comme un bug…* (Extrait) Morale de l’histoire, il vaut beaucoup mieux accepter l’âge qu’on a et s’en moquer. C’est sans doute là qu’on commence à rayonner. Personne ne prétend que c’est facile.

Donc c’est un livre amusant écrit par une femme pour les femmes. Les gars eux, vont peut-être se reconnaître un brin. Le lectorat masculin pourrait en rigoler et qui sait, peut-être y réfléchir…peut-être… J’ai l’impression que l’auteure s’est fait plaisir et ne s’est pas prise trop au sérieux et l’idée d’orienter son livre vers le journal intime est une bonne idée je crois.

Les filles pourront sans doute se reconnaître à quelques égards ou en tout. L’idée est d’en rigoler, surtout si vous avez dépassé la quarantaine. Si vous approchez de la quarantaine, vous pourriez frémir un peu mais le mot d’ordre est toujours le même : mieux vaut en rire.

La plume est légère, fluide, empreinte d’une philosophie de supermarché qui est basée quand même sur une idée de départ qui nous place devant une certaine réalité : Alice est virée de son poste parce qu’au final, elle est trop vieille. L’âge est-il si important eu égard aux performances. Des questions intéressantes sont posées et Alice est parfois touchante. Un bon petit livre léger, amusant et rapide à lire.

Suggestion de lecture : L’ÉLÉGANCE DU HÉRISSON, de Muriel Barbery

Cristina Alonso est une journaliste et romancière française
C’est au « Journal du dimanche » qu’elle s’affirme, puis, en créant le magazine « Elle à Paris« .
Elle écrit son premier roman, « Alice au pays des trop vieilles », paru aux Éditions Albin Michel en 2010, un roman bien accueilli par la presse et le public.
Après le succès de son premier livre, elle publie « Alice et le prince barbant » (2011), sa chronique décapante de la vie d’une quadra au bord de la crise de rire !.

Lecture suggérée

 

BONNE LECTURE
CLAUDE LAMBERT
le vendredi 15 octobre 2021

LA GUERRE DES BOUTONS, livre de LOUIS PERGAUD

*…un livre où…coula la vie, l’enthousiasme et de rire,
ce grand rire joyeux qui devait secouer les tripes de
nos pères…*


(Extrait : LA GUERRE DES BOUTONS, Louis Pergaud,
édition originale : 1912, révisée en 1972 par Gallimard,
276 pages. Version audio : éditions Thélème, 2016, durée
d’écoute : 7 heures 19. Narrateur : Pierre-François Garel)

Les enfants de deux villages voisins se font la guerre. C’est sérieux. Moins sanglante que celle des adultes bien sûr, mais tout aussi dangereuse pour l’amour-propre de ceux qui, prisonniers, se retrouvent à la merci de leurs ennemis ! En effet, le butin de guerre des deux armées est constitué des boutons et lacets, attributs indispensables sans lesquels les malheureux tombés aux mains de l’ennemi se voient obligés de s’enfuir tout nus! Cette guerre épique et truculente rythme la vie des enfants de ces deux villages.

UN RELENT D’ENFANCE
*Les Longeverne ont voulu arriver les premiers. Ils ont allongé le pas quand les Velrans s’en sont aperçu, ils se sont mis à courir. Ils ont couru, puis ils se sont regardés de travers, se sont traités de feignants, de voleurs, da salops de pourris. De plus en plus, les deux bandes se rapprochaient.

Quand les hommes n’ont plus été qu’à dix pas les uns des autres, ils ont commencé à se menacer, à se montrer le poing…puis les femmes se sont amenées elles aussi…elles se sont traitées de gourmandes, de rouleuses, de vaches, de putains et les curés aussi mes vieux se regardaient d’un sale œil…* (Extrait)

(Extrait du film LA GUERRE DES BOUTONS réalisé par Yves Robert en 1962)

Début du XXe siècle, dans la campagne française, des enfants décident de se faire une guerre sans merci, façon de parler, mais ils doivent composer avec un tas de défis comme par exemple, faire comme si de rien n’était à l’école et tout cacher au soupçonneux et sévère Père Simon. Ensuite, les enfants devaient éloigner le plus possible leurs parents du théâtre de la guerre.

Puis il fallait financer la guerre. Je vous laisse découvrir toute l’ingéniosité des enfants. Enfin, il fallait s’organiser. C’est ainsi que les enfants se sont nommés un général, un lieutenant…on a fait comme les grands : stratégie, espionnage, ruse, logistique d’approvisionnement, expéditions punitives, quartier général.

Du début jusqu’à la fin, l’auteur a tout prévu, y compris la traîtrise, le châtiment, le trésor de guerre et la fureur des parents.

Ensuite, j’ai été émerveillé et séduit par la richesse et la saveur de la langue et j’ai découvert, à ma grande joie un heureux cousinage entre l’argot français de la Franche-Comté et le jargon québécois : pus au lieu de plus, soye au lieu de soit, les ceusses au lieu de ceux, queque chose au lieu de quelque chose, deusse au lieu de deux.

Ça fait un récit chantant, rythmique, extrêmement vivant. Une histoire pleine de candeur et du langage d’enfants : *Si j’aurais su, j’aurais pas venu* (Extrait) Je me suis même beaucoup amusé de cette capacité que l’auteur a prêté aux enfants de *débouler* des jurons en série

*Montre-toi donc, hé grand fendu, cudot, feignant, pourri ! Si t’es pas un lâche, montre-la ta sale gueule de peigne-cul ! va ! – Hé grand’crevure, approche un peu, toi aussi, pour voir ! répliqua l’ennemi.*(Extrait)

Ce qui m’amène à parler du narrateur, Pierre-François Garel qui a une voix magnifique et bien modulée. Lire le récit de Pergaud fut pour lui un défi. La narration de LA GUERRE DES BOUTONS est un enchantement avec un registre parfaitement ajusté à chaque personnage et une extraordinaire maîtrise des dialogues y compris ceux qui sont les moins châtiés… :

*On sait bien pourquoi tu n’oses pas te mettre tout nu…c’pass que t’as peur qu’on voit la tache de vin que t’as au derrière et qu’on se foute de ta fiole. T’as tort Boulo…ben quoi…la belle affaire…une tache au cul…c’est pas être estropié ça…c’est ta mère qui a eu une envie quand elle était grosse…elle a eu l’idée de boire du vin et elle s’est gratté le derrière à ce moment-là.  

Beaucoup de passages m’ont fait rire, y compris bien sûr les nombreuses salves de jurons que les enfants se lançaient entre eux… *Salops…triples cochons…andouilles de merde… batteurs de curés…enfants de putain… charognards… civilités…crevures…calotins…sectaires…chats crevés…galleux…, mélinars…combisses…pouilleux. (Extrait)  Je peux vous dire maintenant que Garel ne manque pas de souffle

LA GUERRE DES BOUTONS est un roman-jeunesse mais il convient tout à fait à tous les âges de la vie.  Il n’a pas vieilli et demeure un pur moment de plaisir. Une petite faiblesse si je peux me permettre. L’auteur suit surtout le camp de Longeverne. J’aurais aimé en savoir plus sur les sentiments des Velrans et leur plan d’action. Ça crée un certain déséquilibre.

En dehors de ce petit détail, LA GUERRE DES BOUTONS est un livre précieux et qui pousse à la réflexion sur la tolérance entre autres et sur le destin des futurs appelés de la première guerre mondiale au cours de laquelle l’auteur Louis Pergaud a perdu la vie.

Suggestion de lecture : LA MYSTÉRIEUSE BIBLIOTHÉCAIRE de Dominique Demers

Louis Pergaud était un écrivain français. Il est né le 22 janvier 1882 à Belmont dans le Doub. Ses parents s’appelaient Elie Pergaud (père) et Noémie Collette (mère). Il avait deux frères : Pierre et Lucien. Il devient orphelin à 18 ans, son père et sa mère étant morts à Fallerans à un mois d’intervalle.

Il a étudié à l’École Normale de 1898 à 1901. C’est un instituteur et un romancier français, surtout connu pour son principal roman : La Guerre des boutons. Il s’est marié avec Marthe Caffot. En août 1914, il est mobilisé pour ce qui deviendra la première guerre mondiale. Il est mort le 8 avril 1915. Son corps n’a jamais été retrouvé.

Bibliographie

L’Aube L’Herbe d’avril  1904
L’Herbe d’avril 1908
De Goupil à Margot 1910,  huit nouvelles qui parlent d’enfants et d’animaux
La Revanche du corbeau  1911
La guerre des boutons, roman de ma douzième année 1912
Le roman de Miraut chien de chasse  1913

Œuvre posthume
Carnet de guerre  1914-1915 (Pergaud raconte sa vie quotidienne pendant la première guerre mondiale).

LA NOUVELLE GUERRE DES BOUTONS, sortie en 1911 du réalisateur Christophe Barratier

Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 28 août 2021

 

 

Les protecteurs, le livre de MARIO FECTEAU

*La liste des mondes en attente d’un premier
contact apparut. Elle était assez courte
comme toujours. Mais l’un deux était signalé
par un code d’intervention prioritaire…*
(Extrait : LES PROTECTEURS, des nouvelles de
l’univers, tome 1, Mario Fecteau, Éditions AdA,
2014. Édition de papier, 300 pages.)

Les habitants de la planète Bolmia sillonnent l’espace à la recherche d’autres civilisations qu’ils souhaitent protéger de l’holocauste nucléaire. Des siècles plus tôt, ils ont échappé à la destruction, étape qu’aucune autre espèce n’a jamais réussi à franchir. Le protecteur okBoKirzilmo a développé un sentiment spécial pour une planète particulière, sur laquelle vit une espèce agressive mais très prometteuse. C’est en travaillant à sauver cette civilisation que Kirzi vivra les moments forts d’une brillante carrière, à surveiller la progression d’une espèce dont les capacités hors du commun éveillent son affection. Une espèce appelée « homme » …

AVANT-PROPOS :
En 1938, l’adaptation radiophonique par Orson Welles de La Guerre des mondes de H.G. Wells sur la radio américaine (CBS) fit croire à un grand nombre d’auditeurs qu’une véritable invasion martienne avait lieu.

La pièce était constituée d’une succession de flashs d’information, interviews, et reportages en direct. Orson Welles avait poussé au plus loin le réalisme de la mise en scène : bien qu’étant annoncé au début de la diffusion comme l’adaptation d’un livre, le programme débute par un bulletin météo, puis une séquence musicale brutalement interrompue par des brèves relatant d’étranges explosions sur Mars.

En écoutant l’enregistrement de cette pièce, on comprend aisément que des auditeurs arrivant en cours de programme aient pu paniquer et croire à une véritable invasion extra-terrestre : des personnes appelèrent la police, persuadées d’avoir vu des Martiens !

Le lendemain et durant plusieurs jours, les journaux firent écho de scènes de panique, même s’il est en réalité difficile d’étudier réellement leur ampleur1. On peut écouter l’enregistrement de l’émission sur anecdote-du-jour.com Je vous invite également à lire mon commentaire sur le livre de H.G. Wells. Cliquez ici.

1938 : Orson Wells pendant la transmission radiophonique de LA GUERRE DES MONDES. Son audace et la justesse du ton était telle que des dizaines de milliers d’auditeurs ne faisaient plus la différence entre fiction et réalité. C’est dans ce contexte que l’auteur Mario Fecteau fait atterrir ses protecteurs pour un premier contact sur la terre. Ça promet…

L’ACADÉMIE DES EXTRA-TERRESTRES
*Il avait ensuite trouvé la longueur d’onde
Qu’écoutaient les scientifiques de la
terre et Relda avait lancé un message.
«« BONJOUR À VOUS, GENS DE LA TERRE »»
(Extrait : LES PROTECTEURS, des nouvelles de l’univers,
tome 1)

L’humanité avait à présent la réponse
à l’une des plus vieilles questions, depuis
que les premiers hominidés avaient levé
les yeux vers le ciel.
IL EXISTAIT D’AUTRES ESPÈCES
INTELLIGENTES DANS L’UNIVERS.
(extrait)

Dès le départ, je vous dirai que j’ai trouvé le livre de Mario Fecteau LES PROTECTEURS, des Nouvelles de l’Univers passionnant et tout à fait original. Il s’agit de littérature pour jeunes adultes mais ça peut intéresser tout le monde car dans son développement, le récit rejoint chacun de nous et pose des questions intéressantes.

Jusqu’à ce que Steven Spielberg décide d’aller à contre-courant avec RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE en 1977, le cinéma et la littérature nous avaient habitué à des extra-terrestres laids et méchants dont le seul but était de tuer et détruire. Dans le livre de Mario Fecteau, c’est tout le contraire : des extra-terrestres parcourent l’Univers pour sauver des mondes de la destruction nucléaire et s’intéressent en particulier à la terre.

Est-ce que l’auteur est tombé dans la facilité en faisant atterrir le vaisseau Bolmien en 1938, aux États-Unis pendant la diffusion de LA GUERRE DES MONDES sur les ondes radiophoniques de CBS? Moi je crois simplement que l’auteur a voulu nous démontrer comment la peur et l’ignorance peuvent conduire à l’anarchie et à la bêtise.

C’est là que le récit nous pose une question intéressante à débattre : comment je réagirais si je me trouvais subitement devant deux extra-terrestres semblant désarmés et qui ont une apparence différente de la mienne? Je chercherais une arme? Tenterais de communiquer?

Pour être plus précis, LES PROTECTEURS 1-Des nouvelles de l’Univers est le long récit du Protecteur Bolmien okBoKirzilmo à la spationaute Clara Jenner, déléguée par les nations Unies pour établir le premier contact avec un extra-terrestre. Il lui explique le but de sa mission. Il est évident que le protecteur a pris la terre en affection.

L’intrigue est principalement basée sur les énormes obstacles que doivent rencontrer les protecteurs avant d’établir un premier contact officiel avec les humains. Malheureusement, l’auteur a choisi de commencer par la fin. Dans ce cas, l’intrigue est quelque peu diluée. C’est la principale faiblesse du livre.

Le récit comme tel manque un peu de profondeur et malgré les beaux efforts de vulgarisation, l’aspect technique est parfois difficile à suivre. À cet effet, il serait intéressant de faire une petite recherche sur la théorie de la relativité d’Einstein.

Les principales forces : l’écriture est puissante et donne envie de tourner les pages. La psychologie des personnages n’est pas très approfondie mais ils sont terriblement attachants et drôles à la limite, Kirzi en particulier qui pousse le lecteur à partager ses convictions.

On connait la fin dès le départ. Je n’ai jamais été friand de cette formule. Il reste à nous rabattre sur le *pourquoi* et surtout le *comment*. À ce niveau, l’écriture est limpide surtout si on ne s’arrête pas trop aux aspects scientifiques parfois pesants. Bref, ce livre est un très bon divertissement, se lit vite et bien.

Suggestion de lecture : LE RESSAC DE L’ESPACE, de Philippe de Curval

Mario Fecteau est un écrivain québécois né en 1962. Après avoir vu le film LA GUERRE DES ÉTOILES à la fin des années 70, il a fait le vœu de devenir écrivain. Il était passionné par la science-fiction. Il a par la suite publié son premier roman, LES PIRATES DE L’ESPACE. Soucieux de se perfectionner, Fecteau est allé plus loin.

Il adopte le genre fantasy en créant la série LES MAÎTRES DU PENTACLE. Les livres LES PROTECTEURS,  tome 1 : DES NOUVELLES DE L’UNIVERS et tome 2 LA PLANÈTE DE LA DISCORDE semblent pour le moment faire bande à part dans l’œuvre de Mario Fecteau.

À LIRE AUSSI

BONNE LECTURE

le samedi  mai 2020

Claude Lambert

TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, le classique de VOLTAIRE

*Le mensonge en a trop longtemps imposé aux
hommes. Il est temps qu’on connaisse le peu
de vérités qu’on peut démêler à travers ces
nuages de fables qui couvrent l’histoire romaine,
depuis Tacite et Suétone et qui ont presque
toujours enveloppé les Annales des autres nations
anciennes.*

(Extrait : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, Voltaire. Publication
originale : 1763. Pour la présente édition : Les Éditions du 38,
réédition en mode numérique, 2015)

LE TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE est une œuvre publiée en 1763, qui vise la réhabilitation de Jean Callas, protestant faussement accusé et exécuté pour avoir assassiné son frère afin d’éviter que ce dernier ne se convertisse au catholicisme. Dans ce texte, Voltaire invite à la tolérance entre les religions et prend pour cible le fanatisme religieux et présente un réquisitoire contre les superstitions véhiculées par les religions.

À la suite de l’exécution de Jean Calas, qui plaide son innocence jusqu’à sa mort, le procès est rejugé à Paris et, le 9 mars 1765, la famille Calas est réhabilitée. Il faut dire que la famille protestante avait été mise aux fers et le père avait été condamné à mort malgré l’absence de preuves. Le contexte historique est encore une fois fortement marqué par les guerres de religions des siècles précédents.

BRÛLANT D’ACTUALITÉ
MÊME APRÈS 250 ANS
*La querelle s’échauffa ; le jacobin et le jésuite se prirent aux
cheveux. Le mandarin, informé du scandale, les envoya tous
deux en prison. Un sous-mandarin dit au juge : «Combien de
temps Votre Excellence veut-elle qu’ils soient aux arrêts?»
«Jusqu’à ce qu’ils soient d’accord.» «Ah!…ils seront donc en
prison toute leur vie.» «Hé bien! Dit le juge, jusqu’à ce qu’ils
se pardonnent.» «Ils ne se pardonneront jamais…je les connais.»
«Hé bien donc! Dit le mandarin, jusqu’à ce qu’ils fassent
semblant de se pardonner.»
(extrait)

Vous savez que je n’échappe pas à un appétit occasionnel pour les classiques. Cette fois, j’avais envie de plonger dans un livre du grand Voltaire. En consultant son extraordinaire bibliographie, j’ai été tenté d’abord par CANDIDE, sa meilleure œuvre romanesque, publiée en 1759 mais finalement j’ai opté pour TRAITÉ SUR L’INTOLÉRANCE parce que le livre développe un thème qui m’est cher même si son appel du cœur condamnant l’intolérance se fait sentir dans l’ensemble de son œuvre.

Première observation, Voltaire a toujours été un infatigable défenseur de la tolérance et de la liberté individuelle. Deux vertus pas très compatibles avec son époque. Il écrivait fort…il parlait fort…peut-être trop au goût de ses contemporains.

Frappé par la censure, Voltaire continuait son combat mais ses écrits devinrent clandestins. Il n’est donc pas étonnant que j’aie senti une certaine retenue dans son TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE. J’ai trouvé ça un peu désolant eu égard à sa rectitude d’esprit et à son insatiable soif d’équité, de justice, de raison et de liberté. Toutefois, je peux comprendre cette retenue. Voyons le contexte.

Le fils de Jean Callas est retrouvé mort, supposément par suicide. Le peuple ne voit pas cette mort du même œil. Il se trouve que le fils Callas s’était converti au catholicisme. Son père étant Huguenot, donc protestant.

Vous devinez sans doute que Jean Callas ferait une belle proie pour une justice douteuse et expédiée par 13 juges question de calmer un peu le peuple qui évoque, pour moi en tout cas, un cheptel de moutons. Effectivement, le 10 mars 1762, Jean Callas est arrêté et condamné à mort à l’issu d’un procès qui ne tenait compte finalement que de la direction du vent.

Et la demande populaire (le vent) n’étant pas favorable à la famille, celle-ci fut mise aux fers. Aucune preuve sérieuse n’est apportée. Encore une fois la justice a été ballotée par l’histoire qui est comme on le sait riche en guerres de religions

*Il est donc dans l’intérêt du genre humain d’examiner si la religion doit être charitable ou barbare* (Extrait) Il faudra attendre jusqu’en 1765 avant que l’appel soit accepté et que la famille soit réhabilitée…un peu tard. Et ça n’a pas ressuscité Jean.

Vous voyez où je veux en venir. Voltaire marchait sur des œufs. Son traité sur la tolérance visait avant tout le renversement du jugement et la réhabilitation de la famille Callas. Il devait éviter tout emportement et rester à l’intérieur des limites de la diplomatie face à la royauté et à l’Église Catholique. Il a dû souffrir le pauvre. Je ressens sa frustration à travers sa plume : *On dirait qu’on a fait vœu de haïr ses frères; car nous avons assez de religion pour haïr et persécuter, nous n’en avons pas assez pour aimer et secourir*. (Extrait)

Le TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE est un long appel de Voltaire à la raison. Son argumentaire est sérieux et très éclairant à mon avis. Peut-être cet appel a-t-il été entendu au fil des ans, mais aujourd’hui, 257 ans après la publication du TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, j’observe que les choses n’ont pas changé. Je pense aux dirigeants qui posent des actes qu’ils ne tolèrent pas eux-mêmes en vertu de la loi, sans parler de l’antisémitisme, du racisme, du Djihad, de l’inquisition et j’en passe.

Est-ce que l’intolérance serait atavique ? Génétique ? Jamais un livre n’aura gardé autant son actualité au fil des siècles. Il aurait pu être publié cette semaine, Voltaire n’aurait probablement pas changé un mot. Car il était et il est toujours impensable que les croyances excusent la folie, que la Foi justifie la violence, la haine et les guerres soi-disant saintes.

Beaucoup de chose m’ont plu dans le TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE. J’ai déjà parlé de l’argumentaire, j’ajouterai la force de sa conviction menant à une dénonciation de la bêtise humaine, corollaire de l’intolérance, son côté mordant et parfois cynique, Voltaire aime grafigner. Je suis aussi émerveillé par l’érudition de Voltaire et l’audace avec laquelle il brasse la Chrétienté et l’Église catholique entre autre, cette dernière parvenant difficilement à évoluer.

Malgré toute la philosophie et le*bon pain* qui se dégage de ce texte, j’observe que Voltaire est un combattant engagé. Il dénonce l’intolérance mais oublie souvent de prôner la tolérance. Il dénonce, mais sans guider son lectorat vers de meilleures dispositions. C’est la principale faiblesse de son traité, si je fais abstraction de ses phrases très longues et cassantes et d’une grammaire compliquée.

Une chose est sûre, l’intolérance mène à la tyrannie. Ce n’est pas un droit, c’est une plaie purulente qui entache l’histoire de l’humanité. Le point de vue de Voltaire mérite d’être exploré. LE TRAITÉ SUR L’INTOLÉRANCE est une belle œuvre. Tout le monde devrait lire ce livre au moins une fois.

 Pour connaître la bibliographie de Voltaire, Cliquez ici

Suggestion de lecture : LE PORTRAIT DE DORIAN GRAY, d’Oscar Wilde

François-Marie Arouet, dit Voltaire, né le 21 novembre 1694 à Paris est un écrivain et philosophe français qui a marqué le XVIIIe siècle et qui occupe une place particulière dans la mémoire collective française et internationale. Figure emblématique de la philosophie des lumières, son nom reste attaché à un combat farouche contre le fanatisme religieux et pour la tolérance et la liberté de pensée. Intellectuel engagé au service de la vérité et de la justice, il prend, seul et en se servant de son immense notoriété, la défense des victimes de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire dans des affaires qui l’ont rendu célèbre comme l’affaire Jean Callas.

Pour consulter la biographie de Voltaire, cliquez ici.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 26 mai 2019

HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU CHAT …

qui lui apprit à voler

Commentaire sur le livre de
LUIS SEPULVEDA

*Simplement il suivait rigoureusement le code
d’honneur des chats du port. Il avait promis à
la mouette agonisante qu’il apprendrait à
voler au poussin, et il le ferait. Il ne savait pas
comment, mais il le ferait.*
(Extrait : HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU CHAT
QUI LUI APPRIT À VOLER, Luis Sepulveda, Éditions
SUITES Métaillé/Seuil, 2004, numérique, 125 pages)

C’est un petit roman qui raconte l’histoire de Zorbas , un gros et grand chat noir qui a promis à la mouette qui est venue mourir sur son balcon de couver son dernier œuf, de protéger le poussin et de lui apprendre à voler. Tous les chats du port de Hambourg vont se mobiliser pour l’aider à tenir ces promesses insolites. À travers les aventures rocambolesques et drôles de Zorbas et Afortunada, on découvre la solidarité, la tendresse, la nature et la poésie. Un petit roman aux allures de conte et dans lequel les animaux sont doués de parole et d’empathie.

.

UNE MAGNIFIQUE LEÇON DE TOLÉRANCE
*Les humains sont hélas imprévisibles!
Souvent, avec les meilleures intentions
du monde, ils causent les pires malheurs…
…Sans parler du mal qu’ils font
intentionnellement.*
(Extrait : HISTOIRE D’UNE MOUETTE ET DU
CHAT QUI LUI APPRIT À VOLER)

C’est la belle histoire de Zorba, un chat de port gros et noir, libre, indépendant, ombrageux et courageux et d’une mouette dont la mère est morte après avoir été piégée dans une nappe de pétrole. Avant de mourir, elle a trouvé Zorba qui voulait l’aider. Elle avait eu le temps de pondre son œuf et a fait promettre au chat de protéger son petit et de l’aider pour apprendre à voler.

Malgré les sarcasmes et les moqueries des chats du port, Zorba est allé chercher l’aide de ses vrais amis pour remplir cette délicate mission. Ils sont même allés jusqu’à négocier une trêve avec les rats pour qu’il laisse Afortunada la petite mouette tranquille.

C’est un magnifique petit récit qui m’a ému. L’histoire est brève, mais elle est extrêmement riche de leçons et d’expériences. Les jeunes lecteurs et lectrices y découvriront l’apprentissage de la vie, la tolérance, la découverte et l’estime de soi, l’importance de prendre sa place dans la société.

En parlant de tolérance, l’acceptation des différences est plus souvent qu’autrement un problème d’adultes, ce qui me laisse supposer que cette petite histoire pourrait aisément convenir à tous les âges. Zorba, qui n’hésitait pas à recourir à la violence, va découvrir la tendresse, l’empathie, l’amour.

Ce qui est beau aussi dans ce conte, c’est que Sepulveda prête la parole à des animaux qui expriment sans animosité (et sans jeu de mot) leur vision des humains. C’est aussi un regard sur l’homme, ce pollueur invétéré.

Le fait que la mère d’Afortunada soit morte asphyxiée par le pétrole en dit long sur le regard que l’homme pose sur la nature. Heureusement la finale est positive. L’auteur veut nous faire comprendre qu’il y a de l’espoir.

Donc, HISTOIRE DE LA MOUETTE ET DU CHAT QUI LUI A APPRIT À VOLER est un conte qui, sans être moralisateur à outrance, transmet de très belles valeurs. À celles que j’ai déjà mentionnées, j’ajoute la solidarité :

*Une promesse sur l’honneur faite par un chat du port engage tous les chats du port* (Extrait) le travail d’équipe, la ténacité et davantage. Ça fait beaucoup de choses.

Ça peut paraître compliqué, mais la plume de Sepulvada, qui a dédicacé ce conte à ses propres enfants, fait passer le message tout en douceur et pourtant de façon très claire. L’ensemble est donc très accessible.

Enfin, nous avons ici un petit livre bref. L’histoire s’applique à toutes les générations, tous les âges, est intemporelle. Elle sera toujours à mon avis, indémodable, l’auteur exprimant son idée de façon allégorique comme l’a fait bien avant lui Charles Perrault et les frères GRIMM entre autres. Le texte est vivant, l’humour y a sa place et la conclusion est superbe.

On devrait rendre cette lecture obligatoire dans les classes du primaire. Ça serait loin d’être une corvée et les jeunes apprendraient beaucoup de choses. Je vous recommande sans hésiter HISTOIRE DE LA MOUETTE ET DU CHAT QUI LUI APPRIT À VOLER.

Luis Sepúlveda est né le 4 octobre 1949 à Ovalle, dans le nord du Chili. Étudiant, il est emprisonné sous le régime de Pinochet pendant deux ans et demi. Libéré puis exilé, il voyage à travers l’Amérique latine et fonde des groupes théâtraux en Équateur, au Pérou et en Colombie. 

Il a reçu le prix de poésie Gabriela Mistral en 1976, le prix Casa de las Americas en 1979, le prix international de Radio-théâtre de la Radio espagnole en 1990, le prix du court-métrage de télévision de TV Espagne en 1991.

Ses œuvres sont aujourd’hui des best-sellers mondiaux. Le Vieux qui lisait des romans d’amour, son premier roman traduit en français, a reçu le Prix France Culture du roman étranger en 1992 ainsi que le Prix Relais H du roman d’évasion et connaît un très grand succès dans le monde entier, il est traduit en 35 langues.

Luis Sepúlveda est le fondateur du Salon du Livre ibéro-américain de Gijón (Espagne) destiné à promouvoir la rencontre entre les auteurs, les éditeurs et les libraires latino-américains et leurs homologues européens.

 À LIRE AUSSI DU MÊME AUTEUR

      

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 2 mars 2019

DEUX AMIS DANS LA NUIT, de LOUISE LEBLANC

*Je le vois s’éloigner au bord du lac.
Je ferme la porte et je commence à
trembler. Je prends conscience du
danger auquel je viens d’échapper. *
(Extrait : DEUX AMIS DANS LA NUIT,
Louise Leblanc, Courte Échelle, 1996,
Littérature jeunesse québécoise,
édition de papier, 65 pages, illustré)

*OUI! OUI! J’ai invité un ami. Oui! Je
l’ai enfermé. Parce que c’est un vampire.
Si vous ouvrez la porte, il va mourir.
À cause de la lumière. Et vous serez
des assassins!*
(Extrait : DEUX AMIS DANS LA NUIT)

Léonard et Julio sont amis mais ils ne se voient pas très souvent. Rien d’étonnant, Julio est un vampire et il ne peut sortir que la nuit. Un soir, alors que les parents de Léonard ne sont pas à la maison, lui et son ami Julio peuvent enfin passer une soirée ensemble. Mais rien n’est jamais simple entre un humain et un vampire. Il est fort probable que cette soirée entre amis, disons, très différents, réserve son lot de surprises. Heureusement l’amitié est une force. Une chose est sûre, c’est qu’humour et émotions sont au rendez-vous…un superbe souvenir de la Courte Échelle pour les jeunes lecteurs.

Voici un bon petit livre pour les premiers lecteurs, c’est-à-dire les enfants de 6 et 7 ans. L’histoire est un peu fantaisiste puisqu’elle a comme sujet une improbable amitié entre un petit garçon, Léonard, et un petit garçon…vampire, Julio. Julio vit dans la peur d’être reconnu. Il demeure dans un cimetière, ne peut pas sortir le jour, donc il ne peut pas admirer les beautés de la nature éclairée par le soleil.

Léonard a compris son dilemme et réserve une belle surprise à son ami. Alors que les parents de Léonard et Julio s’absentent un soir, les deux garçons décident de passer leur première soirée entre amis. Mais voilà…rien ne se passe comme Léonard l’aurait souhaité…

Ce petit livre est porteur d’une double réflexion : d’abord sur l’importance qu’accordent les enfants à la liberté et ensuite, le récit donne tout en douceur une petite leçon sur la tolérance car Julio est un enfant différent des autres, très différent mais l’amitié naissante chez les enfants est quelque chose d’extraordinaire.

Dans une entrevue qu’elle accordait au mensuel culturel québécois VOIR en 1999 L’auteure Louise Leblanc précisait qu’elle voulait créer une situation avec un personnage étranger à la vie courante, une amitié entre un petit garçon ordinaire et quelqu’un d’extraordinaire.

Elle a réussi à un point tel que DEUX AMIS DANS LA NUIT recevait en 1999 le prix du Livre Jeunesse Québec/Wallonie-Bruxelles dont le thème portait cette année-là sur l’amitié et la différence. Le choix des personnages, l’originalité des situations et des péripéties avaient séduit le jury. Les enfants aussi ont été séduits puisque la série Léonard s’est allongé jusqu’à 6 épisodes.

Même à l’âge de 6 et 7 ans, les enfants aiment se faire raconter des histoires. Ça permet un beau contact entre ces derniers et les parents ou les grands-parents et je sais de quoi je parle, ce sont des moments extrêmement agréables pendant lesquels les adultes admirent souvent la capacité d’émerveillement des enfants. Je vous en parle parce que DEUX AMIS DANS LA NUIT est une histoire parfaite pour ce genre de moment privilégié.

Bien sûr, il faudra vous attendre à ce que l’enfant vous demande qu’est-ce que c’est qu’un vampire. Il faudra évidemment vous préparer une réponse gentille mais sachez que dans ce petit livre, il n’y a aucune connotation de violence qu’on attribue généralement aux vampires, bien au contraire. Julio est un petit bonhomme attachant qui souffre de tout ce qu’il manque à la clarté du jour et son ami Léonard est là pour l’aider. C’est une histoire développée avec doigté et délicatesse.

Sinon, l’enfant peut lire le livre seul. Ce petit livre n’a que 61 pages, se lit très bien, les lettres sont grosses et les chapitres sont courts et agrémentés par les très belles illustrations de Philippe Brochard, graphiste, illustrateur et spécialiste de la Bande Dessinée.

Enfin, je suis heureux de recommander DEUX AMIS DANS LA NUIT pour les enfants, d’autant que le livre est issu d’une maison d’édition qui a participé activement à l’éveil intellectuel de dizaines de milliers d’enfants pendant 35 ans : LA COURTE ÉCHELLE.

Née à Montréal, Louise Leblanc a donné des cours de français, elle a été mannequin, comédienne, mime, recherchiste, rédactrice publicitaire et puis elle est devenue auteure et le succès est venu rapidement. En 1983, elle gagne le prix Robert Cliche pour son roman 37½AA. En 1993, elle reçoit le prix des clubs de la livromagie pour SOPHIE LANCE ET COMPTE. Elle a écrit plusieurs nouvelles, des romans pour adultes, elle a également écrit pour la télévision. DEUX AMIS DANS LA NUIT est le huitième roman qu’elle publie à la Courte Échelle. C’est une véritable femme-orchestre qui donne libre cours à sa passion de l’écriture.
Photo: Pierre Charbonneau.

Né à Montréal, Philippe Brochard a fait ses débuts dans les journaux étudiants où il a publié caricatures, bandes dessinées et dessins éditoriaux. En 1979, il a été directeur artistique du magazine LE TEMPS FOU. Parallèlement, il a commencé à dessiner pour CROC et commencé à multiplier les collaborations avec divers magazines et éditeurs de matériel pédagogique. Philippe Brochard poursuit sa double vie d’illustrateur et de graphiste en illustrant LE COMPLOT à la Courte Échelle et DEUX AMIS DANS LA NUIT, le huitième roman auquel il travaille à la Courte Échelle

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BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 16 février 2019

 

MOI, SIMON 16 ANS HOMOSAPIENS de BECKY ALBERTALLI

*Au fait, petite parenthèse : tu ne trouves
pas que tout le monde devrait en passer
par le coming out? Pourquoi
l’hétérosexualité serait-elle la norme?
Chacun devrait déclarer son orientation
quelle qu’elle soit, et ça devrait être
aussi gênant pour tout le monde, hétéros,
gays, bisexuels ou autres. Je dis ça, je dis
rien.*
(Extrait : MOI, SIMON 16 ANS HOMO SAPIENS,
Becky Albertalli, t.f. Hachette Livre, 2015, 206
pages, édition numérique)

Simon Spier, 16 ans est gay, mais personne ne le sait. Il n’a pas fait son *coming out*. Simon se sent particulièrement bien quand il clavarde avec un irrésistible jeune homme de son lycée dont le pseudonyme est BLUE. Un jour, Simon commet une erreur impardonnable : il oublie de fermer sa session de clavardage sur un ordinateur du lycée. Un camarade de classe, Martin prend connaissance de la séance et fait une capture d’écran dont il se sert pour s’adonner à un petit chantage : soit Simon organise un rancart entre sa meilleure amie et Martin, soit Martin met le secret de Simon au grand jour…pas simple.

Au-delà des sentiments
*Mais n’hésite pas à tirer sur la bride au
besoin, Okay? Avec moi, surtout, dit-il
en se frottant le menton. Je sais que je
ne t’ai pas rendu le coming out facile.
Nous sommes très fiers de toi. Tu en as
dans le ventre, fiston.*
(Extrait : Moi, Simon 16 ans Homo sapiens)

Vous l’avez compris, le thème de ce livre pour la jeunesse est l’homosexualité. Au début de son récit, Simon a 16 ans. Il en aura 17 avant la fin. À travers son quotidien, la famille, l’école, ses activités, ses amis, ses parents, Simon raconte tout ce qu’il ressent à travers les différentes phases de manifestation de son homosexualité.

Ça commence par l’auto reconnaissance de son orientation sexuelle, son acceptation, un développement substantiel et très fort de tout ce qui est lié au *coming out* puis l’amour naissant…tout cela est bien sûr compliqué par la crainte des réactions parentales, la crainte du jugement de ses pairs, la peur de perdre de précieuses amitiés…

Ce n’est pas facile de sortir les squelettes du placard. Pour se brancher à la dure réalité de l’homosexualité chez les jeunes en fin d’adolescence, l’auteure a dû *victimiser* Simon avec des insultes profondément blessantes de son entourage, dures mais typiques d’un comportement homophobe que notre société moderne est loin d’avoir tout à fait abandonné.

Pourtant, j’ai trouvé dans l’ensemble que Becky Albertalli a développé son sujet d’une façon progressiste et très positive, trop peut-être selon certaines critiques. Moi j’ai trouvé que l’auteure a fait preuve d’un bel équilibre, probablement à cause de la nature des personnages qu’elle a créés.

La forme littéraire est aussi très intéressante. En fait le récit de Simon alterne avec des échanges de courriels entre lui et le mystérieux Blue, qu’on ne connaîtra que vers la fin de l’histoire.

Mais c’est dans ces courriels justement qu’on peut apprécier la psychologie des personnages et surtout la profondeur des sentiments de Simon qui devient graduellement amoureux : *Au début, les mails de Blue constituaient une sorte d’agrément séparé de ma vie réelle. Alors que maintenant, j’ai l’impression que ma vie se trouve peut-être dans ces missives.* (Extrait)

Ne vous attendez pas à des passages torrides dans ce livre. Je suis toutefois d’accord avec le fait qu’il s’en dégage une certaine sensualité que je qualifierais de saine et rafraîchissante. C’est avant tout une histoire sympathique qui met en scène des jeunes attachants avec leurs hauts et leurs bas, leurs qualités et leurs défauts.

De plus, il y a quelque chose de très beau en Simon, comme une chaleur, un lyrisme qui donne au récit de la couleur, de la force et une tonalité profondément humaine.

Je note aussi au passage que le récit nourrit une certaine réflexion sur la force et la valeur de l’amitié car c’est sur elle que s’appuie tout le courage de Simon et toutes les petites et les grandes victoires qui contribuent à donner aux jeunes la place qui leur revient dans la société.

MOI, SIMON 16 ANS HOMOSAPIENS est un roman sans prétention. Le livre est très ventilé, avec des chapitres courts, sans longueur, agréables à lire. La plume pousse tellement le lecteur à être proche du personnage principal que j’avais l’impression de partager avec Simon ses doutes, ses craintes, ses déceptions, ses joies et même ses fantasmes.

Je vous invite donc à faire la connaissance d’un grand amateur d’Oréos qui ne cherche qu’à bâtir son bonheur. Je ne m’étendrai pas sur les Oréos, je dirai simplement que l’humour a sa place dans ce livre qui a été pour moi un coup de cœur.

À LIRE: un intéressant petit dossier sur le coming out.

Becky Albertalli est née à Atlanta aux États-Unis. Elle écrit depuis toujours. Ses premiers romans, griffonnés dès la maternelle parlaient surtout des animaux de compagnie. Elle a écrit et dirigé une tragédie à l’âge de 12 ans. Docteur en psychologie clinique, elle se consacre totalement à l’écriture. MOI, SIMON 16 ANS HOMO SAPIENS est son premier roman.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le dimanche 4 février 2018