ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS

*Ce livre propose avant tout un regard affectueux sur ce grand classique de la BD à travers les yeux des gens d’ici. Il témoigne de l’impact qu’Astérix a eu, ou du moins semble avoir eu, sur notre société distincte, une collectivité affublée d’une spécificité culturelle tout aussi singulière que l’ADN qui constitue la sève de nos héros gaulois. Qui sait si les combats des irréductibles gaulois, comme par un effet miroir, n’ont pas influencé les nôtres, leur insufflant un volontarisme qui ne nous est pas toujours inné. *

(Extrait, ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, Tristan Demers, Hurtubise éditeur, Les Éditions Albert René/Goscinny-Uderzo, 2018, papier illustré, grand format, 180 pages)

Depuis sa création en 1959 et fort de ses 375 millions d’exemplaires vendus, Astérix n’a cessé de fasciner les lecteurs de tous âges. Accueillant chacun des albums de la série avec enthousiasme, les québécois se sont identifiés à ce petit village gaulois qui poursuit, seul, sa lutte contre l’envahisseur romain.

Ce livre documentaire explique le pourquoi et le comment de cette histoire d’amour franco-québécoise unique. Tous les aspects des rapports établis au fil des ans entre les québécois et l’œuvre de Goscinny et Uderzo sont passés au crible : historique, politique, culturel, publicitaire, muséal, etc… une invitation à la relecture d’une des plus grandes séries de l’histoire mondiale de la bande dessinée : ASTÉRIX.

 Un gaulois par chez nous
*Puisque le village d’Astérix résistant à l’envahisseur est
ce qui nous unit, les gaulois et nous, cela fait des québécois
des lecteurs différents, probablement plus sensibles aux
motivations d’Abraracourcix et de ses villageois. C’est en
tout cas ma conviction profonde, peu importe ce que peuvent
en dire les sceptiques.
(Commentaire de Tristan Demers dans
l’épilogue de ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

J’avais six ans quand Astérix est né de l’imagination d’Uderzo et Goscinny. Je ne me suis pas tout de suite intéressé au personnage. J’étais en train d’apprendre à lire et je venais tout juste de faire connaissance avec un autre personnage célèbre : Tintin. Le célèbre reporter ainsi que  Milou et le capitaine Haddock que j’affectionnais particulièrement allaient m’accompagner toute mon enfance et une partie de l’adolescence jusqu’à ce que je me penche sur mon premier album d’Astérix.

Ce fut le coup de foudre à l’époque, et c’est encore le coup de foudre aujourd’hui. Soixante ans plus tard, un québécois, mordu de la bande dessinée, Tristan Demers, vient rappeler les débuts d’une grande histoire d’amour entre Astérix et l’ensemble d’un peuple : Le Québec.

Dans un livre à la présentation extrêmement bien soigné et bourré d’illustrations et de photos, Tristan Demers explique cette relation privilégiée en établissant des liens d’identification, des ressemblances, des rapports développés au fil du temps, entre autres sur les plans historiques, culturel et spécialement sur le plan socio-politique :

*Nous pouvons, tout comme vous, évoquer sans rire nos ancêtres les gaulois. Même s’il nous advient de nous sentir cernés comme Astérix dans son village (…) et de songer aussi que l’Amérique du nord tout entière aurait fort bien pu être gauloise plutôt que néo-romaine.* (Extrait du discours du premier Ministre du Québec, René Lévesque devant l’Assemblée Nationale française en novembre 1977, publié dans ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

Je pense que Tristan Demers, que j’ai eu le plaisir de rencontrer une fois, s’est dépassé en présentant la genèse d’une série qui allait rapidement constituer le fleuron mondial du neuvième art et surtout en expliquant de façon simple et claire ce qui fait qu’on se ressemble et qu’elle a été l’influence des célèbres irréductibles sur les québécois et les québécoises.

Le livre est destiné aux québécois mais il peut bien être lu par l’ensemble de la francophonie mondiale tellement la plume est excellente bien qu’il n’y a que des québécois pour saisir toute la portée des passages les plus intimistes que j’ai personnellement savourés : *Au fond, le village d’Astérix n’est pas très éloigné du modèle type de la FAMILLE PLOUFFE ou de celle des PAYS D’EN HAUT : on y mange, on s’y dispute et on s’y comporte parfois comme des enfants. * Heureusement, les québécois n’ont jamais craint l’auto-dérision. *

Dans son livre, je crois que Tristan Demers n’a rien oublié. Il consacre même un petit chapitre à CINÉ-CADEAU, cette trouvaille géniale de Télé-Québec qui a introduit les aventures d’Astérix et Obélix à toute une génération de jeunes. Mes propres enfants ont connu ces gentils gaulois par le biais de ciné-cadeau. Je n’exagère donc pas en disant que ce livre m’a fait vibrer et il en est ressorti de belles émotions.

ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS fera autant le délice des néophytes que des connaisseurs, jeunes et moins jeunes. L’édition est très soignée avec papier semi-glacé. Le livre est bien ventilé et la plume fluide, le tout est une mine d’or en informations.

Je ne suis pas amateur de livres-documentaires mais dans ce cas-ci, pour utiliser un vieux cliché…je crois bien que je suis tombé dans la marmite étant petit…

Suggestion de lecture : RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX

Tristan Demers est né le 19 septembre 1972, à Montréal. Son intérêt marqué pour la bande dessinée l’incitera à créer sa propre série, Gargouille, à l’âge de 10 ans ! En 1988, les éditions Levain/Mille-Îles publient un premier album de Gargouille : Chasse aux mystères ! Sept autres albums paraissent dans les années qui suivent. Depuis, Tristan compte à son actif plus de 70 000 albums vendus et 250 participations dans les salons du livre et autres festivals de la francophonie, de la Belgique au Liban, en passant par la Suisse et la Côte d’Ivoire!

Gargouille est un des personnages les plus populaire de la bande dessinée québécoise et on le retrouve sous forme de produits dérivés. Le bédéiste est également chroniqueur et illustrateur à télévision depuis des années. Récipiendaire de plusieurs prix, Tristan a lancé, en collaboration avec Jocelyn Jalette et Raymond Parent, au printemps 2006, un guide pédagogique sur la bande dessinée destiné aux enseignants. Enfin, une biographie de l’auteur, publiée en 2003, soulignait les vingt ans de son personnage.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er mai 2022

 

LE GAZON…PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ…

…de la clôture (version Audio)

Commentaire sur le livre d’
AMÉLIE DUBOIS

*Deux mondes…deux univers. Faisant moi-même partie
intégrante de l’équipe des mâles, je sais pertinemment
que le fossé qui nous sépare des femmes est infini et
formé de parois à la matière ambiguë.  Un gouffre sans
fond où s’entrechoquent des réactions diverses telles des
météorites contraintes à effectuer leur trajectoire dans
une boîte de chaussures…*
(Extrait : LE GAZON…PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ DE
LA CLÔTURE, Amélie Dubois, Audible studios éditeur, durée
d’écoute : 8 heures deux minutes. Narrateur : Adrien Lessard.
2018. Papier : Les éditeurs réunis, 2018)

Alexandre Trudeau se questionne. Sa femme semble s’être lassée de lui; ses enfants le considèrent comme un primate d’une autre époque, bon qu’à payer les comptes; sa carrière de journaliste stagne et manque de piquant. Comment en est-il arrivé là? Devenant bien malgré lui le sujet d’une expérimentation nocturne complètement insolite, le quarantenaire sceptique sera projeté dans des réalités alternatives qui auraient toutes pu être les siennes…

À chaque détour, ce voyage au cœur de l’interdit défiera le côté cartésien et les convictions d’Alexandre d’une manière aussi loufoque que percutante. Au terme de cette aventure, trouvera-t-il toujours le gazon plus vert chez les voisines?

Une nuit pour six vies


*Je me trouve maintenant dans une chambre à coucher
aux côtés d’une femme grenouille. –Mon pauvre Alex,
tu rêvais ! Ma vision se clarifie. La grenouille est en fait
une femme humaine portant un masque de beauté. Elle
est assise sur le rebord du lit et elle me dévisage comme
si j’étais exposé au musée de cire. *
(Extrait)

C’est un livre intéressant et rafraîchissant. Bien qu’il ait un petit côté initiatique un tantinet moralisateur, la lecture et l’écoute demeurent légères et divertissantes et je dois l’admettre, j’ai beaucoup ri. Voici donc l’histoire d’Alexandre Trudeau qui insiste à dire que le gazon du voisin est plus vert que le sien et c’est une déclaration qui en sous-entend beaucoup d’autres.

Or, ce jour-là, le 10 juin, Alexandre sera projeté dans une série de rêves, six en tout. Ces rêves dévoilent la vie d’Alexandre selon la femme qu’il a choisie dans chaque rêve. Ces rêves dévoilent également une chronologie précise de ses fantasmes sexuels…des fantasmes dûment décrits et numérotés en ordre croissant.

Le maître du jeu est un indien qui symbolise la sagesse et qui révise avec Alexandre chaque tableau et détermine la leçon qu’on peut en tirer. Chaque vie entraîne des situations cocasses qui m’on fait rire tout au long de l’écoute. Par exemple, dans une vie, il est marié à la gardienne qu’il avait à l’âge de 4 ans et qui en a maintenant 80.

C’est un roman très drôle mais c’est aussi une extraordinaire exercice d’introspection dans lequel beaucoup de lecteurs-lectrices et auditeurs-auditrices pourraient se reconnaître. C’est plus qu’une succession de vie, c’est un cheminement progressif vers une prise de conscience de la vie, de nos valeurs, de nos qualités et de nos relations avec nos proches. De dire que c’est plus beau chez le voisin n’est rien d’autre qu’humain.

Réfléchir en utilisant l’humour comme plateforme, c’est stimulant, amusant et drôlement enrichissant. J’ai trouvé la plume d’Amélie Dubois spontanée, rythmée, subtile et d’autant plus drôle que l’histoire est racontée du point de vue masculin…parfois mufle, souvent tendre et en plus, on a trouvé le narrateur parfait pour mettre en valeur l’esprit de l’auteure et les idées qui sont véhiculées sur le sens de la vie et sur la vie de couple.

Adrien Lessard, avec sa signature vocale d’adolescent a rendu le tout avec un dynamisme exceptionnel d’où découlent sincérité et conviction. Adrien a forcé mon attention, sans doute autostimulé par le sujet, avec un accent tout ce qu’il y a plus québécois et quelque chose de moqueur dans le ton. Rire avec sérieux…essayez ça. Ce livre est une expérience à écouter, à lire et surtout à vivre.

La principale faiblesse du livre : les longueurs. Il y a parfois de longs moments qui rappellent un peu la redondance, le remplissage. Il y a un peu d’errance mais c’est léger. Disons que les rêves sont un peu longs par rapport au dénouement qui est à la vitesse de l’éclair. Il y a donc un léger déséquilibre. Toutefois, on ne peut pas vraiment s’y perdre car le fil conducteur de l’histoire est clair et solide.

Ça ne m’a vraiment pas empêché de goûter cette petite perle d’Amélie Dubois. Alors, pour emprunter un peu au style de l’auteure, si j’ai la conviction que le gazon est plus vert de l’autre côté de la clôture, qu’est-ce que je fais ? J’appelle le gars du gazon ou je laisse aller et je me dis que mon gazon comme il est là, il est beau, il est correct, je l’aime et il est à moi…je l’améliorerai si je le juge bon.

But premier apparent de l’exercice : mettre les valeurs en valeur… Alexandre Trudeau gagne à être connu… : *Comme la plupart des hommes se réfèrent davantage au concret et au rationnel, ils ont parfois de la difficulté à croire à quelque chose de plus grand qu’eux ou à se donner le droit de le faire… comme c’est le cas pour Alexandre…* (Extrait)

Essayez sans crainte LE GAZON : PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA CLÔTURE…le sens de la vie à travers six vies…mâle façon de voir…

Suggestion de lecture : LES PLUS RECHERCHÉS DE LA GALAXIE, de John Kloepfer

Amélie Dubois est originaire de Danville en Estrie. Elle fait un baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières avant de compléter une maîtrise en criminologie à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Amélie découvre ensuite l’écriture. Un contrat d’enseignement au cégep de la Gaspésie et ses nombreux temps libres vont la pousser à écrire jusqu’à la parution simultanée des deux premiers tomes de sa série Chick Lit en 2011.

Depuis ce temps, Amélie Dubois multiplie les succès de librairie. Tous ses romans étant best-sellers, Amélie vit dorénavant de sa plume. Son style différent, son humour décapant et bien à elle ainsi que ses personnages réalistes, mais colorés sont les clés de son succès. Les œuvres d’Amélie Dubois, marquées de légèreté et savoureuses à souhait, s’avèrent rehaussées par de solides bases en psychologie humaine.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 17 avril 2022

 

L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN

Commentaire sur le livre de
S.E. HARMON

*Sans surprise, l’esprit ne se reflétait pas dans le
miroir des portes. Et je ressemblais exactement
à ce que j’étais : un fou se parlant à lui-même.*
(Extrait : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREENE,
Les enquêtes extra-lucides de Rain Christiansen, tome 1.
MxM Bookmark éditeur, 2018, format numérique, 441
pages, 4028kb)

L’agent spécial Rain Christiansen est devenu la honte de l’Agence. Alors quand son patron lui offre une dernière chance de se racheter, Rain n’hésite pas à se rendre à Brickel Bay et à se montrer sympa avec la police locale pour résoudre l’enquête qui lui a été confiée. Et ses visions ? Du passé ! Même si ça le tue. La dernière intervention du détective spécialisé dans les Affaires Classées, Daniel McKenna, est en train de stagner. Cinq ans plus tôt, la lycéenne Amy Greene a disparu et n’a jamais été retrouvée. Daniel est heureux d’avoir enfin l’aide du FBI, même s’ils envoient son ex. Avec des fantômes à tous les coins de rues et une affaire au point mort, Rain aura du souci à se faire.

Celui qui voit des fantômes
*-Christiansen, vous êtes un excellent agent, mais vous
me posez un véritable problème. J’essaye encore de
comprendre pourquoi, par tous les diables, vous seriez
allé leur donner un message de leur fille décédée,
«Parce que son putain de fantôme refusait de me
foutre la paix, tout simplement» *
(Extrait)

Ce livre est un mélange de genre : romance, érotisme qui frôle parfois la pornographie. Ce n’est pas à proprement parler un thriller…je n’ai pas été cloué à mon siège. Disons que c’est une intrigue policière qui ne réinvente pas la roue, mais qui a au départ un fort potentiel de développement. L’histoire tourne autour de Rainstorm Christiensen, devenu la honte du FBI à cause de sa capacité à voir et communiquer avec les âmes des défunts.

Appelons cela les fantômes. Rainstorm est un personnage attachant. Je l’ai trouvé drôle et sympa. Son nom est particulier…Rainstorm, surnommé Rain. Et dire que sa mère a failli ajouter Moonbeamer à son nom. Et imaginez…la sœur de Rain s’appelle Skylar, surnommée Sky. Il aurait été intéressant de connaître le profil de la mère, mais il faut s’en passer.

Disons que cette petite excentricité donne le ton à une histoire légère,  avec un petit côté humoristique et beaucoup de sexe. Rain est gay et il enquête sur la disparition, cinq ans plus tôt d’Amy Green à titre de consultant dans la brigade des affaires non résolues. Il travaille avec son ex, Danny, avec lequel il est en train de renouer. Sur le plan physique, ça saute aux yeux.

Le roman est très axé sur le don de Christiansen. Il communique entre autres avec un fantôme nommé Ethan. Il faut donc retenir que la justice pourrait avoir, grâce aux dons médiumniques de Ray, de précieux auxiliaires. L’histoire est développée en ce sens donc sur le plan de l’intrigue, le livre est intéressant.

L’histoire est bien ficelée, mais elle est quelque peu prévisible et malheureusement, elle est noyée, ou tout au moins fortement diluée dans des descriptions détaillées et crues de scènes de sexe pour le moins torrides entre Rain et Danny. Ici, on va un peu au-delà de l’érotisme. De ces scènes, il y en a plusieurs et ça brise le fil conducteur. Il est difficile de rester concentré sur le véritable objectif de l’histoire.

Et même quand on revient à l’enquête comme telle, il est très souvent question de la libido de ces messieurs qui ont un petit côté tordu. Si on enlevait le sexe, et ça ferait un paquet de pages en moins, dans un roman qui n’est déjà pas long, on aurait le développement d’une enquête intéressante qui pousse le lecteur au raisonnement.

Donc le développement de l’enquête est en saccade. Il y a quelques rebondissements. La finale est aussi bien imaginée quoiqu’elle aussi généreusement saupoudrée de désir et d’un évident accent fleur bleue, mais elle m’a plus et elle ouvre la voie à une suite. D’autant qu’elle véhicule une idée qui rappelle la série X FILES et qui nous pousse à réfléchir sur le statut des médiums. Selon Wikipédia, On nomme médium une personne qui serait sensible à des influences ou à des phénomènes non perceptibles par les cinq sens.

Des suppositions avancent que les médiums percevraient les manifestations de l’au-delà, ou bien des esprits. Mettons de côté le charlatanisme et supposons que les esprits nous entourent, mais incapables de communiquer avec nous sauf par un canal précis : un médium. Ça justifierait la création de ce qu’on pourrait appeler la brigade paranormale. X FILES nous a habitué à cette idée mais la série ne l’a jamais développé directement, du moins à ma connaissance.

Je l’ai dit plus haut, cette histoire ne réinvente pas le genre. Même si je suis un peu mitigé quant au fait de recommander ce livre, j’ai aimé suivre l’évolution d’un policier médium dans son enquête et j’ai aussi apprécié que l’auteure, S.E. Harmon ne sombre pas dans la facilité en donnant tous les pouvoirs aux spectres. Le roman est en dents de scie et s’adresse à un public averti.

Suggestion de lecture : LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE, collectif québécois

Il semble que madame Harmon n’apprécie pas être photographiée. Pour ce qui est de sa biographie, il y en a bien une brève, peu signifiante. La même rengaine est répétée sur à peu près tous les sites. Il y a bien un petit portrait d’auteur publié par Bookmark, le genre question sérieuse, réponse télégraphique. Si ça vous intéresse, cliquez ici. Ça me désole toujours un peu quand un auteur se cache.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 10 avril 2022

POSSÉDÉS, l’intégrale de Sharon Kena

*Au mobilhome, Sophia exprime à ses parents son
besoin de faire des recherches sur une maison
abandonnée en pleine forêt. Elle leur raconte qu’un
de ses amis vient d’y mourir dans des circonstances
mystérieuses…*

(EXTRAIT : POSSÉDÉS de Sharon Kena, version intégrale
réunissant les quatre tomes de la saga. Éditions Sharon
Kena 2017, Numerikena pour le format numérique, 1148
pages)

Une légende raconte qu’il y a dix ans, les fils Trémor, possédés par un esprit, ont sauvagement assassiné leurs parents. Depuis, tous ceux qui foulent le sol de leur maison trouvent la mort. Tome 1 : PRIS AU JEU, Sophia découvre l’existence de cette maison et est captivée par le mythe. Tome 2 : JEU DANGEREUX, un garçon qui aime Sophie joue un jeu dangereux avec une nouvelle vacancière moins innocente qu’elle ne le paraît. Tome 3 : DÉMON DU JEU, Sophie découvre qu’elle et ses amis sont dans un endroit maudit et développe un acharnement à détruire la malédiction. Tome 4 : ULTIME JEU, l’esprit réunit le clan. Sophia doit mourir. Le dernier jeu est engagé. 

Le sang coule…la mort rôde… tout doit se finir.

Amour paranormal
*-Je suis sa proie pour cet été, je le sais, mais
lui ignore sur qui il est tombé. – Méfie-toi quand-
même, il est très fort. –Je sais à qui j’ai affaire,
mais je suis rusée et j’ai un pas d’avance sur lui.*
(Extrait Tome 3 : DÉMON DU JEU)

Que dire d’une série de quatre livres qui aurait pu être réduite à deux ? Beaucoup de longueurs, de redondances et plusieurs passages insignifiants. Pourtant, Sharon Kena est partie d’une idée très intéressante : Il y a, près du camping où se trouve Sophia et ses parents au début de l’histoire, dans une forêt, une maison hantée.

L’esprit qui squatte la maison aurait poussé, il y a une dizaine d’années, les fils Tremor à assassiner sauvagement leurs parents. Depuis ce temps, tous ceux qui se pointent dans cette maison meurent. Le tout fait l’objet d’un jeu morbide de séduction et de meurtres, dirigé par Alex, son frère Jérôme et un troisième frangin qui fera son apparition beaucoup plus tard dans l’histoire.

Sans s’en apercevoir, Sophia est poussée dans le jeu par Alex. Elle est donc condamnée…sauf qu’il y a un imprévu…Alex tombe amoureux de Sophia. La belle Sophia est passionnée par le mystère entourant la maison et décide d’identifier et de trouver les frères Tremor.

Donc, l’idée de l’auteure était de développer une histoire sur fond de paranormal, avec, à l’origine, l’action d’un savant fou. Malheureusement, cette idée a été sous-développée au profit d’intrigues sentimentales et d’une accumulation de meurtres. Le résultat est un beau dérapage.

Il y a des passages agréables à lire. Il y a un certain intérêt et ça serait évident si on avait réduit la série. Mais il y a tellement d’irritants dans cette série qu’il m’est difficile d’être positif. D’abord cette histoire est une série continue de mensonges, de traîtrise et d’hypocrisie. Impossible de savoir à qui se fier. Même Alex s’enfarge dans ses propres mensonges.

Le lecteur ne sait pas où donner de la tête. Il n’y a pas de points de repère. Il est étonnant que l’auteure elle-même ne se soit pas emmêlée tellement le fil conducteur de l’histoire est en zig zag. On ne peut pas non plus se fier sur Sophia. C’est une vraie girouette qui ne sait pas vraiment ce qu’elle veut. Une autre faiblesse concerne la violence qui est traitée dans l’histoire avec une légèreté qui frôle l’indécence :

*-Je pensais qu’on pouvait passer de bonnes vacances ici, confie-t-il en regardant les dégâts autour de lui. –C’est ce qui s’est passé, on tuait, on était bien.* (Extrait) On est pas loin du genre de phrases prononcées par un demeuré. J’ai été surpris aussi de la facilité avec laquelle l’auteure faisait rouler la police dans la farine. Rien de bien signifiant de ce côté. La crédibilité de l’histoire en souffre.

*Oui dit la brunette, non dit le blondinet.* La brunette c’est Sophia. On l’appelle plus souvent par la couleur de ses cheveux que par son nom. C’est agaçant. Même chose pour le blondinet, c’est-à-dire Jérôme. Ça saute aux yeux…tellement que je me suis demandé si l’auteure s’est relue. Je veux ajouter ici une remarque un peu plus personnelle peut-être. Si vous venez d’arrêter de fumer, abstenez-vous de lire cette série.

Deux de ses acteurs, Sophia et Alex fument comme des pompiers, cigarette sur cigarette. À une époque où on essaie de bannir cette saleté, je crois que l’auteure aurait pu faire preuve d’un peu plus de retenue. Un dernier point, Sophia aura plusieurs enfants d’Alex. Leur participation à l’histoire est pratiquement occultée.

J’ai trouvé que les enfants étaient considérés comme un détail sans importance. Je crois que l’auteure est passée à côté d’une opportunité d’enrichissement de son histoire.

Comme vous voyez, beaucoup de points ont assombri mon intérêt pour cette histoire qui est beaucoup trop longue au vu de son contenu. Toutefois, si, comme moi, vous persévérez jusqu’à la fin, vous trouverez probablement le dernier tome plus riche en action et en imagination avec entre autres l’entrée en scène de deux personnages surprise.

C’est un peu tiré par les cheveux et là encore un mensonge n’attend pas l’autre, mais il y a un peu plus d’action et le dénouement est intéressant et même dramatique.

Suggestion de lecture : L’EXORCISTE, de William Peter Blatty

Née le 11 octobre 1978, Sharon Kena vit dans la petite ville de Morhange entourée de sa famille et 6 chats. Elle aime passer des heures à écrire, même si elle en a moins le temps qu’avant. C’est une fervente lectrice de romans sentimentaux et de Bit-lit. Elle aime malmener ses personnages et rendre incertaine la fin d’un roman jusqu’à la dernière page… Je suis une fervente lectrice de romans sentimentaux, j’adore quand il y a des problèmes, des secrets inavouables… J’aime passer des heures à écrire, en écoutant de la musique. Je ne suis pas du genre à respecter les codes littéraires !

Voir la bibliographie

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 avril 2022

 

L’ÉLU DE MILNOR, saga de Sophie Moulay

L’intégrale

*…Nous les sept sages de Milnor nous réunîmes et
entreprîmes de consulter les oracles. Nous formâmes
le cercle sacré et psalmodiâmes les paroles rituelles.
L’un des oracles daigna nous apparaître. Il nous
expliqua qu’un grand péril nous menaçait. L’ennemi
s’apprêtait à asservir Milnor. Il entendait fondre sur
toutes les contrées connues et réduire…la population
à l’état de bétail.*

(Extrait : L’ÉLU DE MILNOR, livre 1, la fuite d’Almus, voir
le synopsis pour l’intégrale. Format numérique, E38
éditeur, 2017, 1255 pages, 1944 KB, )

Depuis son plus jeune âge, Almus s’entend répéter la Prophétie : il est l’Élu qui sauvera le monde quand viendra l’Ennemi. Dans l’univers médiéval de Milnor, il apprend donc la magie auprès des Sages. Mais un jour, ses maîtres découvrent qu’ils se sont trompés d’Élu. Humilié et rejeté, Almus s’enfuit du palais des Sages pour rejoindre le lointain domaine de ses parents. Mille dangers le guettent au cours de ce voyage initiatique et, sans ses pouvoirs magiques, il n’est plus qu’un adolescent ordinaire. Almus découvrira le côté sombre de la vie, mais aussi l’amitié. Toutefois, les Hargors, des êtres mi-humains mi-félins, le poursuivent. Leur mission : capturer l’Élu et le ramener à leur empereur. 

Le cœur de la fantasy
*La mort dans l’âme, nous convînmes que l’Élu
apprendrait mieux les vicissitudes de la vie à
l’extérieur que dans les murs du palais et qu’il
nous reviendrait plus puissant que jamais. Nous
endurcîmes nos cœurs et exécutâmes les
directives de l’Oracle.*

(Extrait du livre 2 : L’OMBRE DE L’ENNEMI)

 

Mon commentaire porte sur l’intégrale de L’ÉLU DE MILNOR, soit cinq tomes : LA FUITE D’ALMUS, L’OMBRE DE L’ENNEMI, L’EMPIRE HARGOR, LE PAYS DES MORTS et LE MIROIR DU SAGE. C’est une longue saga de type *fantasy* écrite pour la jeunesse mais elle est aussi très acceptable pour les adultes qui aiment particulièrement l’atmosphère médiévale.

Voici l’histoire d’Almus. Un garçon qui a onze ans au début de l’histoire. Depuis plusieurs années il a été reconnu par les sages du royaume, L’ÉLU. C’est-à-dire le seul capable de sauver Milnor en affrontant l’ennemi. Un jour, les Sages se rendent compte qu’ils se sont trompés et rejettent Almus qui s’enfuira et entreprendra alors un voyage initiatique avec un statut de simple adolescent.

Il connaîtra une vie dure et fera face à mille dangers mais il fera aussi la connaissance de nouveaux amis : Pil, un voleur tout ce qu’il y a de plus gauche, Noir-Cœur, un jeune assassin qui n’a jamais tué personne, et Mira, une jeune voyante nomade…trois amis qui partageront finalement le destin d’Almus. Almus sera poursuivi et harcelé entre autres par les Hargor, êtres mi humains et mi chats.

C’est ainsi qu’Almus maintenant réhabilité par les Sages, gagne en puissance magique. Il se rend au pays des morts afin de ramener sa sœur, assassinée par l’ennemi puis enfin se prépare à l’affrontement final.

C’est l’approche classique de la Fantasy pour jeunes lecteurs. Les héros sont des adolescents aux prises avec l’éternelle dualité entre le bien et le mal. Je dois dire toutefois que l’auteure, Sophie Moulay a bien travaillé ses personnages et leur a attribué un équilibre réaliste de forces et de faiblesse.

Comme c’est très courant en littérature, certains attributs sont un peu poussés comme le raisonnement par exemple ou le vocabulaire mais à ce titre, j’ai senti une retenue de l’auteure et je n’en ai que mieux apprécié ma lecture. Toujours est-il que les jeunes m’ont entraîné dans une alternance d’action et de moments bucoliques et j’ai pu apprécier avec bonheur leur caractère bien trempé.

Les jeunes lectrices seront enchantées d’apprendre que la seule fille du groupe,  Mira a le caractère nécessaire pour mettre les garçons à leur place et elle ne se gêne pas. J’ai trouvé ça amusant et ça donne au récit un aspect actuel.

L’esprit d’équipe, le courage, la détermination et l’espoir des jeunes acteurs m’ont davantage impressionné que l’histoire comme telle qui est un peu usée avec un *ENNEMI* pas très bien défini et dont le statut est relativement facile à deviner.

Donc un élément capital qui pousse les jeunes lecteurs et lectrices à se rendre jusqu’au bout de la saga est respecté : un attachement rapide aux héros et la possibilité de s’identifier à eux. J’ai aussi apprécié le caractère initiatique du voyage des héros qui devront apprendre, comprendre, démêler le vrai du faux.

C’est un autre élément qui rend le lectorat captif : Apprendre des choses qui lui rappellent son quotidien. Les jeunes lecteurs et lectrices ajustent en général la dimension actuelle du récit à leur besoin de connaissances et d’aventures.

Pour toutes ces raisons et comme j’aime particulièrement l’atmosphère médiévale bien campée qui se dégage du récit, je considère que cette saga signée Sophie Moulay est une réussite.

Évidemment, c’est très long. La saga totalise 5 livres, pratiquement un millier de pages (j’ai utilisé un support numérique) mais ne craignez pas le terme *intégrale*. L’ÉLU DE MILNOR est un récit évolutif avec de l’action et des rebondissements.

Prenez le temps de le lire et vous vous retrouverez vite sur le chemin d’Almus, Pil, Mira et Noircoeur (Je ne comprends pas ce prénom car le garçon a le cœur sur la main) pour partager leurs aventures.

Suggestion de lecture : DUNE, de Frank Herbert

Sophie Moulay  a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor ». Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » « Drôle de mort » en constitue le premier volet. Il sera suivi d’un second en 2018. Elle s’est rôtie dans la chaleur d’un désert post-apocalyptique dans « Inhumaine, retour aux sources », mais est bien trop frileuse pour oser écrire sur le Pôle Nord ou tout autre latitude supérieure à 50°.

Les rues d’Hoggu ne sont pas sûres pour les enfants des quartiers pauvres. Et lorsque le jeune Calus décide par bravade de s’y aventurer, il ne se doute pas que son geste le met à la merci du redoutable Cruzac. Ce dernier lui offre un avenir étonnant, à condition de renoncer à son passé.
Pour cette nouvelle aventure, Sophie Moulay remonte aux sources et nous révèle les secrets de l’enfance et l’adolescence de Calus. Un vrai bonheur pour les fans de la saga L’Élu de Milnor et pour tous ceux qui découvrent ici l’univers de l’auteur.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 8 avril 2022 avril 2022

MALEFICIUM, le livre de Martine Desjardins

*Ses volutes noires s’immisçaient dans mes fosses nasales
 avec une vibration tellurique qui me chatouillait jusqu’au
 tréfonds des oreilles. Mon sens de l’équilibre s’en trouva
 affecté et je ressentis un vertige exquis que, dans mon
égarement, je ne pensais qu’à prolonger. *

(Extrait : MALEFICIUM Martine Desjardins, Audible studios
éditeur, 2018. Durée d’écoute : 4 heures 24 minutes
Édition d’origine, Alto éditions, 2011)



Pardonnez-leur, mon père, car ils ne savent pas ce qu’ils ont fait. Pardonnez à ces sept hommes victimes d’étranges maléfices, venus chercher dans le confessionnal une oreille attentive au récit de leur infortune et implorer le salut de leur âme souillée par la curiosité et la faiblesse de la chair.  Pardonnez aussi à cette femme calomniée, emmurée dans un cruel silence, car elle sait bien ce qu’elle a fait.

Pardonnez enfin à l’homme de Dieu qui a recueilli leurs aveux et brisé le sceau de la confession en les transcrivant dans un ouvrage impie. Lecteur, vous tenez entre vos mains une version remaniée mais non expurgée du mythique Maleficium de l’abbé Savoie (1877-1913), prêtre sacrilège dont on connaît peu de choses, sinon qu’il termina ses jours, cloîtré dans un monastère après avoir été mystérieusement frappé de surdité.

Sachez que la lecture de cet ouvrage délétère pourrait provoquer un certain malaise chez les âmes pures, exciter les sens ou éveiller des désirs inavouables, et qu’en cédant à ses charmes vous risquez d’encourir l’excommunication.

Vous voilà averti. L’auteure du Cercle de Clara et de L’évocation (prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec) nous offre une fresque baroque en huit tableaux, une invitation à voyager aux limites des plaisirs et de la souffrance. Maleficium est une œuvre rare, parfumée de fantastique, d’exotisme et d’érotisme.

À lire ou à écouter car la version audio est très intéressante avec les narrations de Danny Boudreault, Maxime Dugas, Martin Rouette, Patrick Baby, Sébastien Dodge, Annick Vermette, Nicolas Landré et Thiery Dubé.

Baroque et sulfureux
*Le bruit a longtemps couru que l’archevêché de Montréal
abritait dans ses archives confidentielles un livre si
dangereux qu’il avait été emmuré au fond d’une alcôve.
Quiconque aurait la témérité de l’exhumer de ses
oubliettes serait excommunié sur le champ. *
(Extrait)

   

MALEFICIUM est un recueil de nouvelles. Elles peuvent se lire indépendamment mais elles ont un point en commun : aux fins du roman, ces huit nouvelles, qui sont autant de confessions entendues par un prêtre font partie d’un livre écrit par un certain abbé Jérôme Savoie qui vécut au XVIIIe siècle.

On ne sait pas grand-chose de ce prêtre sinon qu’il est considéré comme sacrilège et que son livre a été jugé tellement dangereux par l’Église que celle-ci l’a fait emmurer dans une oubliette et quiconque tenterait de l’en faire sortir serait condamné aux tourments éternels.

Il serait plus juste de dire que MALEFICIUM est une œuvre baroque en huit tableaux dont les acteurs évoluent aux limites de l’exotisme et de l’érotisme et livrent leur penchant avec des sens exacerbés à un prêtre qui ne s’exprime pas.

L’œuvre comprend des thèmes récurrents qui confinent à la bizarrerie, à la singularité et aux anomalies de la nature qui exacerbent le désir et les sens. Par exemple, les malformations humaines et les bizarreries anatomiques comme une personne logeant une larve dans son nombril, une femme à queue.

La huitième confession est particulièrement surprenante, je ne vais pas la dévoiler mais elle est comme un condensé de l’œuvre. La confession qui condense les huit témoignages et c’est la confession d’une femme. La seule femme parmi les huit qui s’accusent. La principale faiblesse de l’œuvre tient dans le fait que les histoires ne sont pas égales. L’intensité varie.

Certaines sont dépourvues d’émotions, d’autres accusent des longueurs. L’ensemble est plutôt froid. Le prêtre n’est pas étranger à cette impression. Il semble *absent dans sa présence*. Ce n’est pas le seul paradoxe de l’œuvre mais quoiqu’il en soit, c’est un livre assez sulfureux et qui ne laisse pas indifférent.

Il se dégage de ce récit un parfum de scandale, d’interdit, d’immoralité. Un trait d’union de tout ce que l’Église exècre…un parfum de sacrilège…*Fuyez mon Père, elle a déjà commencé à transformer votre église en pandémonium de l’enfer. * (Extrait de la septième confession, Oleatum pandaemonium).

J’ai trouvé original le fait de précéder les confessions d’une mise en garde presque solennelle. On ne pouvait trouver mieux pour capter définitivement l’attention des lecteurs/lectrices :

*Cette première édition de l’œuvre présentée ici dans une version passablement remaniée mais non expurgée, suscitera un certain malaise, voire la désapprobation. Après tout, l’abbé Savoie a retranscris des confessions qui lui avaient été faites sous le sceau du sacrement, rompant ainsi les chaînes du serment auxquelles il était tenu et dont ne pouvait le délier ni lois, ni menaces, ni périls de mort. * (En introduction. Extrait de l’avertissement)

C’est un livre étrange dans lequel le plaisir chevauche la souffrance. Il n’y a dans cette œuvre ni vulgarité, ni grossièreté. Tout n’est que fines allusions, double-sens, suggestions et sensualité retenue par une écriture très belle qui confine par moment à la poésie. Il y a quelque chose d’envoûtant dans ce livre. Un parfum d’exotisme qui me rappelle un peu les MILLE ET UNE NUITS du lointain orient avec en plus un soupçon de fantastique.

J’ai été subjugué par la plume de l’auteure qui est extrêmement descriptive, magnifiquement déployée, habilement suggestive. Martine Desjardins n’est pas tombée dans le piège de magnifier le mal. Elle décrit avec précision huit tableaux sacrilèges empreints d’audace, d’étrangeté avec, comme fil conducteur les méandres obscurs de l’esprit humain. Maleficium est un monde troublant à explorer.

J’ai beaucoup aimé.

Suggestion de lecture : Jour de confession, d’Allan Folsom

Martine Desjardins est née à Mont-Royal au Québec. Après des études de russe, d’italien et de littérature comparée, elle a travaillé pour plusieurs magazines, et tient présentement la chronique Livres à L’actualité. Saluée par la critique pour son premier roman, Le cercle de Clara, ainsi que pour L’élu du hasard, elle a remporté le prix Ringuet pour L’évocation, et les prix Jacques-Brossard et Sunburst pour Maleficium.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 27 mars 2022

LES SENTIERS DES ASTRES 1, Stefan Platteau

 

*La main encore un peu tremblante, je prends ma plume
pour inscrire quelques mots dans le grimoire de bord,
Attiré sur le vélin le fil de l’encre, la tension s’en va peu
à peu. Les questions, elles, demeurent. Fourbe est le vieux
 fleuve et folle qui prétend lire le cours de ses eaux. *

(Extrait de MANESH, premier volet de la série LES SENTIERS
DES ASTRES, Stefan Platteau. À l’origine, J’ai lu Librio éditeur,
2016, 736 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2018,
durée d’écoute : 20 heures 33 minutes, narration : Matthieu Dahan)

Le Roi-Diseur est le dernier espoir d’une nation ravagée par la guerre civile. Le capitaine Rana remonte le fleuve à sa recherche, avec une poignée de braves. Personne n’a jamais navigué si loin. Pourtant, un naufragé dérive à leur rencontre, accroché à une branche. Qui est-il? Est-il un simple humain, ou l’héritier d’un sang plus ancien ? En ces terres du Nord, les géants et les dieux marchent encore sous les arbres. Déjà, la forêt frémit des prémices de leur colère…

Un périple envoûtant
*Puis cette euphorie inattendue s’est dissipée comme
elle était venue. L’aîné des Mahhtmar avait baissé à
nouveau les yeux vers le vieux compagnon qui se
mourrait au sol et toute sa douleur était revenue lui
étreindre les tripes. Alors, sans dire un mot mais en
serrant les dents de chagrin, il avait levé son épée.
(Extrait)

C’est avec MANESH, le premier volet de LES SENTIERS DES ASTRES, que Stefan Platteau se lance dans l’écriture et vient enrichir la littérature de fantasy et de mythologie. La saga compte cinq tomes.

On peut dire six tomes si on tient compte du préquel à l’Univers des Sentiers des Astres : Le dévoreur. Ce récit m’a séduit par la beauté de son écriture qui est un heureux mélange de caractère et de poésie.

L’histoire a une forte empreinte celtique, médiévale et les légendes et la mythologie y ont une place importante. Voyons d’abord comment débute la grande saga. Le narrateur de l’histoire est Fintan Calathyn. C’est un barde à la Cour du royaume, une position élevée. Il est aussi capitaine en second d’un navire qui poursuit une quête très spéciale.

En fait, deux navires sillonnent les bras et estuaires du fleuve framar à la recherche du roi-diseur, un oracle légendaire que le capitaine Frama veut interroger pour connaître l’avenir du Royaume menacé par la guerre civile.

En chemin, les bateliers vont repêcher le corps inanimé d’un homme blessé. Le Capitaine Rama veut savoir à tout prix qui est cet homme, son but et surtout s’assurer qu’il n’est pas un danger pour le Royaume.

Rama charge son second, Fintan, de soigner l’homme et de l’interroger. Malgré un grand état de faiblesse, l’homme accepte de se raconter. Il dit s’appeler LE BATARD. Mais en cours de récit, ce nom ne suffira plus à Fintan. Ce dernier exige de connaître le nom véritable. Il s’appelle MANESH.

C’est ainsi que débute une belle et longue histoire. Étant donné la nature de la quête, il m’est difficile d’en dévoiler davantage mais vous verrez que le voyage des bateliers sur le Framar et le récit de Manesh se recoupent de façon à dévoiler d’étonnantes révélations. Tout le récit est concentré sur l’histoire de Manesh, ses origines, son caractère, sa nature.

Le lecteur et la lectrice feront sa connaissance par le biais de nombreux épisodes de sa vie parmi les plus significatifs. La question est de savoir si LE BATARD est un danger potentiel pour le royaume ou un allié de taille qui pourrait sauver la quête. La réponse est dévoilée à la petite cuillère…très graduellement à travers les aventures du mystérieux personnage.

C’est un roman-fleuve raconté en un peu plus d’une vingtaine d’heures par un narrateur habile qui nous fait oublier, par sa voix envoûtante et sa capacité d’adaptation, les nombreuses longueurs qui auraient tendance à alourdir l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce pavé mais le récit est immersif et met en perspective la vie du bâtard, une vie dans laquelle se chevauche la bonté et la cruauté et une intrigue continue sur sa nature.

D’après l’auteur Jean-Philippe Jaworsky, l’auteur de la trilogie MÊME PAS MORT, *Toute la force du livre est d’entrelacer la puissance du mythe avec la structure même du récit. *  (J.-P. Jaworsky) Je le cite ici car je n’aurais pu mieux m’exprimer. Je peux dire que l’auditeur et l’auditrice verront très vite que Manesh est très spécial…

*Manesh avait déjà cette carnation cuivrée que l’on ne retrouvait chez nul autre membre de la famille, le visage rond et une tignasse d’un noir de jais, semblable à celle de sa mère par la couleur mais non par la forme…On aurait dit qu’il cherchait toujours les visages derrière les visages, les mots derrière les mots.

Ses grands yeux verts possédaient une étrange acuité. Ils laissaient parfois à ses proches l’impression de les dépouiller de leur écorce et de les lire en dedans* (Extrait) L’irrésistible besoin d’en savoir plus fera le reste.

Malgré les longueurs, quelques passages un peu plus lourds et le fait que l’intrigue se dévoile très lentement, peut-être un peu trop, j’ai été envoûté par la beauté du récit, la sensibilité de la plume qui n’enlève rien à sa vivacité, ses personnages attachants, la qualité des dialogues et un savant mélange de réalisme et de fantastique, le tout encadré par un narrateur efficace. Vous passerez, je crois, de très belles heures d’écoute.

Suggestion de lecture : LA CITÉ ET LES ASTRES, d’Arthur C. Clarke

Stefan Platteau est l’auteur francophone du surgissement mythique. Il revient aux fondations de la fantasy, à cet exotisme magique fait de splendeurs, de fascinations, de terreurs, où l’on tremble devant les dieux, où les actes surnaturels se paient au prix fort, où l’on ne ressort pas indemne des combats.

L’auteur y parvient grâce à un allié de poids : une plume charnue et pleine d’âme. Salué dès son premier ouvrage par de grandes figures de l’imaginaire (Ayerdhal, Jean-Philippe Jaworski, Justine Niogret…), Stefan Platteau aime mêler dans ses textes humanité des personnages et souffle de l’aventure.

En quatre livres puissants (Manesh – prix Imaginales du roman francophone 2015), Dévoreur (Prix « les petits mots des libraires » 2016), Shakti (2016) et Meijo (2018), l’écrivain belge s’impose comme une voix importante de la fantasy de langue française.
(Les moutons électriques)

SUITE À LIRE OU À ENTENDRE

Bonne écoute
Claude Lambert
les samedi 26 mars 2022

 

LES MYSTÈRES DU BAYOU, trilogie de JANA DELEON

*Certains sont d’avis que les enfants ont été kidnappés par
une prêtresse vaudou qui vit isolée sur une île, au cœur des
marais, afin d’y être sacrifiés. Cette île, au pourtour
lugubrement jalonnée de centaines de poupées en état de
décrépitude plus ou moins avancé, est de l’étoffe dont on
fait les pires cauchemars.
(Extrait : UNE FILLETTE À SECOURIR
LES MYSTÈRES DU BAYOU tome 1, Jana DeLeon, 2019 Harlequin
éditeur, collection SAGAS. Édition intégrale, papier, 613 pages.)

Dans le bayou de Louisiane, les apparences sont souvent trompeuses…

Une fillette à secourir
Le jour où elle apprend qu’Amber, sa nièce, a disparu, Alexandria sent l’étau de la peur se resserrer autour d’elle. Envahie par le sombre pressentiment que les minutes de la fillette sont comptées, elle insiste pour participer à l’enquête. Quoi qu’il lui en coûte. Et même si le policier chargé de l’affaire n’est autre que Holt Chamberlain, son ex-fiancé…

Une troublante disparition
Jamais Max ne mêlera travail et sentiments. Alors, quand la trop jolie Colette Guidry vient l’implorer d’enquêter sur la disparition de sa meilleure amie, il refuse tout net. Mais, à sa grande surprise, la jeune femme lui annonce qu’avec ou sans lui elle se rendra dans le bayou en quête d’indices. Dès lors, Max comprend qu’il n’a pas le choix : il devra l’accompagner…

Les secrets du bayou
Traquer le « monstre du marais » ? Tanner éclate de rire. Depuis quand prend-on au sérieux cette légende de Louisiane ? Par acquit de conscience, il décide tout de même de mener l’enquête. Car la femme qui l’a engagé – et qui dit craindre pour sa sécurité – n’est autre que Josie Bettencourt. Celle qui, jadis, lui a brisé le cœur, le poussant même à fuir la région…

Mystérieuse Louisiane
*Le créole baissa les yeux sur le sol en terre battue.
Il avait espéré que l’homme serait mort avant qu’il
revienne. Pour n’avoir jamais à prononcer les mots
qu’il était sur le point de dire.*
(Extrait)

LES MYSTÈRES DU BAYOU est une trilogie. (Voir les titres plus haut) L’édition que j’ai lue comprenait les trois livres. J’ai donc tout lu mais chaque histoire peut se lire indépendamment, bien que ce ne soit pas l’idéal. Aussi, comme chaque récit comporte une intrigue policière assez bien étoffée, la trilogie demeure de la littérature sentimentale. À quoi peut-on s’attendre d’autres des éditions Harlequin ?

Je crois vous l’avoir déjà dit. Mais ce titre m’a intéressé pour deux raisons : d’abord, le Bayou : une étendue d’eau labyrinthique formée des méandres du Mississipi et couvrant tout le sud de la Louisiane sur presque 1000 kilomètres de serpentins et de boyaux. Le Bayou abritent une vaste région marécageuse.

Les marais, le folklore très particulier de la Nouvelle-Orléans et de la Louisiane ainsi que les traditions et pratiques des afro-américains, constituant la majorité de la population, et ça inclue le vaudou, tout ça imprègne aux trois histoires une atmosphère de légende, de mystère et de superstition.

La deuxième raison découle de la première. J’étais très curieux de voir comment Jana Deleon allait composer avec l’étrange atmosphère des marais, la trame sentimentale et l’intrigue policière. Je vous dirai qu’elle s’est assez bien débrouillée. Les deux premiers récits sont centrés sur une disparition et le troisième sur un inexplicable saccage d’une plantation que Josie Bettencourt tente de transformer en hôtel.

Nous assistons au déploiement des talents d’une fratrie de pisteurs et d’enquêteurs qui viennent de s’ouvrir une petite agence spécialisée dans les affaires difficiles ou non-résolues. Chaque frère a son heure de gloire : Holt dans le premier récit, Max dans le second, et Tanner dans le troisième. Les récits comportent un peu d’apitoiement et chaque frère développe un petit sentiment pour la belle de l’histoire.

Petit sentiment deviendra grand il va sans dire. Mon récit préféré a été le troisième car il développe davantage le thème des mystères du marais dont la légende du monstre des marais. Il y a plus d’action et le lecteur se rend avidement vers une finale bien imaginée.

Dans l’ensemble, ça se lit bien. Les trois livres comportent tout de même plus de six-cents pages et l’amour prend de la place. Ça pourrait plaire à une part importante du lectorat qui aime la littérature sentimentale.

Il y a des longueurs mais entre les principaux éléments, amour-mystère-intrigue, l’auteure a fait preuve, je crois, d’un bel équilibre et de nombreux passages marqués par l’intensité m’ont gardé captif un peu tout le long des trois histoires :

*Le cri de Josie déchira le silence de la nuit. Le cœur de Tanner bondit dans sa poitrine tandis qu’il se jetait dans l’escalier et dévalait les marches quatre à quatre, ne pensant même plus à l’intrus. Il manqua céder à la panique lorsqu’il vit la portière ouverte, la voiture vide. Josie n’était nulle part en vue.* (Extrait)

C’est un livre intéressant qui m’a appris des choses et qui m’a poussé à la recherche, suffisamment en tout cas pour ne pas avoir envie de m’installer près des marais de la Louisiane. Il reste que c’est la densité du décor qui m’a fait apprécier l’ensemble des trois livres.

J’y ai appris entre autres que les apparences sont trompeuses et que les légendes sont très tenaces comme cet énorme alligator  dans le livre 1 et le  TAINTED KEITRE dans le livre 3. À vous de découvrir ce dernier.

Bref c’est une lecture légère, sympa, pleine de trouvailles et de curiosités issues de l’imagination fébrile de Jana Deleon. Un bon divertissement.

Suggestion de lecture : LES MYSTÈRES D’AVEBURY de Robert Goddart

Jana DeLeon, auteure de best-sellers du New York Times et de USA Today, a été élevée dans le sud-ouest de la Louisiane parmi les bayous.  Sa famille possédait un camp situé dans un bayou juste à côté du golfe du Mexique, auquel on ne pouvait accéder que par bateau. La caractéristique la plus importante était le hamac en corde suspendu à l’ombre sur une immense terrasse qui s’étendait au-dessus de l’eau où Jana passait de nombreuses heures à lire des livres. Jana n’a jamais rencontré un mystère ou un fantôme comme ses héroïnes, mais elle a toujours bon espoir. 

Pour en savoir plus sur le bayou de Louisiane, cliquez ici.


LE BAYOU

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 20 mars 2022

LES NETTOYEURS, le livre de JULIEN CENTAURE

*Il se demanda même si leur sort était plus enviable
que celui des humains domestiqués. Ces derniers
vivaient à la surface et même si à soixante ans, ils
étaient immanquablement décérébrés, il s’agissait
d’une mort sans souffrances. *
(Extrait : LES NETTOYEURS, Julien Centaure C.I.P.P.
éditeur, 2015, 408 pages, papier. Version audio : Audible
studios éditeur, 2018, durée d’écoute, 14 heures 40
minutes. Narrateur : Renaud Dehesdin.)

La civilisation humaine ne subsiste plus que dans quelques cités souterraines. Les gens vivent et meurent dans leur cité sans jamais voir la lumière du jour. Seuls les nettoyeurs montent encore à la surface pour entretenir les installations. Ils doivent y affronter une nature particulièrement hostile où la moindre erreur est fatale. Lum détient le record absolu du nombre de sorties à la surface. Mais cette 489ème sortie ne va pas du tout se dérouler comme d’habitude

La touche de Centaure
*Lisa se demanda ce qu’elle serait devenue sans ce
jardin. Peut-être aurait-elle craqué. Se forçant un
passage jusqu’à une des cheminées de sortie des
nettoyeurs pour gagner la surface et aller mourir
dans les bras d’un plouton…une mort sans douleur,
on perdait conscience pour toujours…*
(Extrait)

C’est une histoire intéressante et bien imaginée. Elle a beaucoup d’affinité avec le volume précédant de Centaure : Esperanza 64. Voyons d’abord le synopsis. Il y a des centaines d’années, des créatures appelées PLOUTONS sont venues sur terre pour tuer, décimer l’humanité.

Ces créatures étaient dirigées mentalement par des Nymphes, des créatures translucides qui rappellent les méduses, mais elles se déplacent dans l’air plutôt que dans l’eau. Leurs motivations sont plutôt obscures. Des milliards d’humains sont morts décérébrés par les ploutons. Les survivants se sont rapidement organisés et ont créé des cités sous-terraines à l’épreuve des ploutons.

Devant cette résistance, les ploutons ont permis à des humains *domestiqués* de vivre en surface à la condition d’être décérébrés à l’âge de soixante ans. Le but de ce sursis est de combattre et nettoyer les cités sous-terraines. Ces humains domestiqués sont les Amiens. Une de ces cités est particulièrement coriace à combattre : Antéa.

Les seuls citoyens habilités à monter à la surface sont les Nettoyeurs qui voient à la maintenance des équipements. Les nettoyeurs dont LUM, le plus anciens et le meilleur ont développé un procédé mental qui leur permet de tenir tête aux Ploutons.

Antéa multipliait les stratégies pour combattre les Amiens. Une stratégie ultime consistait à envoyer un groupe d’espion avec Lum en tête dans le lointain continent Amien afin de comprendre leur mode de vie et leurs motivations.

Le dévoilement de leur identité les amènera à fuir et finalement s’engager dans l’armée Centaurienne et combattre dans la guerre qui oppose les centauriens aux furies et aux fantômex de la Planète Porte. Lume en reviendra complètement transformé, tout comme le destin de l’humanité.

J’ai été davantage surpris que déçu par l’écoute de ce livre, à cause de la tournure des évènements. La première partie du livre développe la rébellion des antéens qui est devenue une guerre ouverte avec les amiens. Beaucoup de morts, beaucoup de blessés et surtout des stratégies développées par Anthéa pour survivre…des stratégies, des techniques, des idées toutes plus brillantes les unes que les autres.

Je me demandais si les amiens comprenaient ce qui leur arrivait. J’étais figé par la narration de Dehesdin jusqu’à ce qu’une délégation d’espions dirigés par Lume soit déportée sur le continent amien. Là, changement de rythme, de style, la plume s’alourdit et, avec la participation des espions à la guerre centaurienne, l’histoire fait un virage inattendu et prend une saveur philosophique alors qu’un fantôme s’adresse mentalement à Lum.

Ici, je me suis demandé si l’auteur n’avait pas manqué d’inspiration, mettant de côté un long moment les événements qui secouent Antéa au profit d’un long palabre qui transforme Lum complètement et par la bande toute la chaîne d’évènements. J’ai trouvé ça un peu facile…à la limite de l’ennuyance.

Cette mission d’espionnage dont je n’ai pas vraiment saisi la nécessité a peut-être été vue par beaucoup de lecteur/lectrices comme un coup de génie par l’auteur, mais malheureusement, elle aboutit sur une finale bâclée, expédiée et peu crédible. C’était trop facile à mon avis parce que le thème est sous-développé.

Ce virage est surprenant je le rappelle, mais pas forcément décevant même si je ne suis pas sorti de cette écoute vraiment emballé. Il y a quand même des forces dignes de mentions : la notion même de nettoyeur est une trouvaille. Elle a été travaillée, structurée, approfondie et en ajoutant des qualités intrinsèques cela m’a permis de m’attacher au principal personnage du roman.

Il y a de l’émotion dans cette histoire et même de l’amour et il a sa place, aucun doute, même si aimer un nettoyeur n’est pas simple. Le récit prend l’allure d’un space opera, une aventure dramatique évoluant dans un environnement géo-politique complexe le tout avec un certain réalisme scientifique.

Si j’avais à noter, je donnerais un bon 70%. Largement suffisant pour recommander l’écoute du livre très bien narré par Renaud Dehesdin.

Suggestion de lecture, du même auteur : ESPERANZA 64

DES LIVRES DE JULIEN CENTAURE

L’auteur raconte

En ce qui me concerne, il n’y a pas grand-chose à dire, mais il faut savoir que lorsque j’écris, je suis presque tout le temps dans l’histoire. Le soir, dans mon lit, est un moment particulier, riche en idées, en rebondissements, mais je suis aussi dans l’histoire quand je fais mon jogging, quand je suis dans une salle d’attente, quand je conduis…

Écrire une histoire c’est la vivre à la puissance 10, c’est oublier presque totalement le monde réel. On est dans une petite pièce de 8 m² et on tient l’univers dans sa main.

Par contre, lorsque je n’écris pas, je fais vraiment n’importe quoi. Je ne me contrôle plus. Je suis une âme damnée. L’écriture est donc une thérapie pour moi. C’est par elle que je trouve un équilibre et que je deviens un humain normal.  J’ai écrit de nombreux ouvrages dont beaucoup ne seront jamais publiés, mais c’est toujours le dernier, celui que je vis, qui me semble le plus passionnant.
(Julien Centaure via Amazon.fr)

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 13 mars 2022

PROIES, le livre anxiogène de MO HAYDER

*…juste là quand il est arrivé sur elle.
Il a dit allonge-toi salope. Elle n’a
reconnu sa voix parce qu’il gueulait. *
(Extrait : PROIES, Mo Hayder, édition originale fr. :
Pocket, 2011, 544 pages, version audio : Audible
studios, 2018. Narrateur : François Hatt. Durée
d’écoute : 12 heures 12)

Alors qu’elle dépose ses courses dans le coffre de sa voiture, une femme est jetée au sol par un individu qui prend la fuite à bord du véhicule. Pour la police, c’est un banal fait divers, l’agresseur ne s’est sans doute pas rendu compte de la présence d’une fillette sur la banquette arrière. Mais le scénario s’assombrit : l’enfant reste introuvable et une deuxième petite fille disparaît dans les mêmes circonstances. Les commissaires vont plonger dans l’horreur à l’état pur.

ANXIOGÈNE
*-C’est son anniversaire demain.
murmura-t-elle.  Vous allez la
ramener pour son anniversaire ? *
(Extrait)

Je dois dire d’entrée de jeu que j’ai été subjugué par la performance narratrice de François Hatt. Un registre vocal précis pour chaque personnage, celui du commissaire Jack Caffery particulièrement réussi. L’harmonique, la signature vocale de l’ensemble traduit une remarquable intensité dramatique.

Je n’ai pas lu la version papier mais je sais que la narration a mis en valeur une histoire particulièrement sombre tout en imprégnant l’auditeur/auditrice d’une atmosphère lourde, glauque. Le récit rappelle une toile d’araignée dont on ne peut s’échapper et qui nous rapproche inexorablement d’une finale au départ improbable. Ce n’est pas ce que je pourrais appeler à proprement parler un livre de détente.

Le rythme du récit n’est pas spécialement élevé sauf dans les deux dernières heures d’écoute, mais la violence contenue, calculée et sans pitié qui caractérise l’histoire est de nature à pétrifier l’auditeur/auditrice : meurtres violents, atmosphère torturée, quelques passages à soulever le cœur et des policiers dépassés mais opiniâtres. Avant d’aller plus loin, voyons le synopsis.

Le scénario est toujours le même. Un homme agresse une femme dans le seul but de lui voler sa voiture. L’agresseur se trouve à kidnapper par inadvertance l’enfant qui se trouve sur la banquette arrière. Le lecteur ou l’auditeur comprendra vite qu’il n’y a pas d’inadvertance, l’histoire étant sensiblement prévisible.

L’effort de Mo Hayder pour développer la psychologie du mystérieux personnage laisse à penser que c’est aux parents que l’agresseur veut s’en prendre en enlevant les enfants qui ont un point en commun. Ce sont des petites filles uniques, les parents, pour toutes sortes de raisons, ne pouvant avoir d’autres enfants.

Ce fait donne un élan capital au récit : *Ce qu’il a fait subir aux petites filles qui l’a enlevé, Dieu seul le sait, mais je n’espère plus grand-chose. Il connait la vie. Il sait que quand on s’en prend à un enfant, c’est à peu près comme si on tuait ses parents. * (extrait)

Côté classique : l’enquête est menée par deux policiers…deux par deux…très classique en effet surtout si on tient compte des états d’âme de ces policiers. Jack Caffery, un commissaire torturé par ses démons, son passé (Son frère a été enlevé par un pédophile il y a trente ans et le corps n’a jamais été retrouvé) mais qui est toutefois très attachant, et Flea Marley, une tête de mule à la discipline douteuse mais qui possède un instinct assez efficace.

La plume de Hayder est énergique. L’histoire est angoissante et est même enrichie, je le précise en passant, d’un mystérieux personnage appelé le MARCHEUR, et dont la sagesse sera d’une aide précieuse pour Caffery. C’est bien écrit. C’est très noir et l’auteure a déployé beaucoup d’imagination pour rendre une atmosphère lourde, intense et angoissante.

Notez bien, ça reste un roman policier, un polar. Il n’est pas horrifiant comme tel mais il est psychologiquement intrigant.

Enfin, je veux signaler au passage quelques faiblesses dans l’ensemble. Si le pouvoir descriptif de la plume est évident, je ne peux pas en dire autant sur le plan géographique. J’ai eu beaucoup de difficulté à me retrouver dans le tunnel, le canal, les péniches. Ce sont des endroits stratégiques du récit, plutôt mal définis et pauvrement décrits. Ça place le lecteur-auditeur dans une situation d’inconfort.

Un plan aurait été bienvenu je crois. J’ai trouvé le dénouement un peu rapide, un tantinet facile et prévisible. Il en aurait coûté quelques pages de plus pour mieux l’encadrer et l’approfondir. Ne prenez pas ce livre sous l’angle du thriller psychologique, vous seriez déçu. Comme je l’ai précisé plus haut, ça reste un roman policier.

Dans l’ensemble, j’ai beaucoup aimé mon audition. J’espère que l’intensité dramatique ressort aussi efficacement dans la version papier.

Pour conclure, une petite pensée que nous laisse l’auteure en héritage : avoir des enfants équivaut à avoir des yeux tout le tour de la tête…et là encore, rien n’est garanti.

Suggestion de lecture : MY ABSOLUTE DARLING, de Gabriel Tallent

Fille d’universitaires anglais, Mo Hayder est née à Londres. À 16 ans, en 1978, elle quitte brutalement sa famille et exerce divers petits emplois avant de partir, à l’âge de 25 ans, au Japon où elle réside pendant deux ans. Attirée par le cinéma d’animation, elle s’installe à Los Angeles pour y entreprendre des études de cinéma. De retour en Grande-Bretagne, Mo Hayder décide alors de se consacrer à l’écriture.

Elle fréquente les milieux policiers, rencontre des médecins légistes, et met deux ans à écrire Birdman à partir de notes prises sur le terrain. Avec ce premier roman, elle fait une entrée très remarquée dans le monde du thriller et crée le personnage de Jack Caffery que l’on retrouvera dans quatre autres romans. En 2005, elle est lauréate du Prix SNCF du polar européen et obtient l’année suivante le prix des Lectrices de ELLE avec TOKYO.

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
le samedi 12 mars 2021