LA CHAMBRE DES MERVEILLES, Julien Sandrel

VERSION AUDIO

*MERDE ! je crois que le dernier mot qui s’est formé dans ma tête concernant ce petit être, la chair de ma chair, que j’ai  bercé des milliers d’heures, avec lequel j’ai chanté des milliers d’heures, qui m’a procuré tant de rires, de fierté et de joie…le dernier mot que j’ai prononcé mentalement dans mes méninges rouillées, c’est bel et bien ce putain de mot de Cambronne…*

(Extrait : LA CHAMBRE DES MERVEILLES, Julien Sandrel, édition originale : Calmann-Lévy éditeur, papier, 272 pages. Édition audio : Calmann-Lévy, présentation Audiolib 2018, durée d’écoute : 5 heures 13, narratrice : Sophie Duez)

Parti fâché de la maison, Louis, 12 ans, est frappé par un camion. Le pronostic est sombre. Dans quatre semaines, s’il n’y a pas d’amélioration, il faudra débrancher le respirateur de Louis.  Désespérée, sa mère trouve un carnet sous le matelas de son fils. À l’intérieur, il a dressé la liste de toutes ses « merveilles », les expériences qu’il aimerait vivre au cours de sa vie. Thelma prend une décision : ces merveilles, elle va les accomplir à sa place. Peut–être que ça l’aidera à revenir. Et si dans quatre semaines Louis doit mourir, à travers elle il aura vécu la vie dont il rêvait. Mais il n’est pas si facile de vivre les rêves d’un ado, quand on a presque quarante ans…

La vie qui bat
*J’ai sorti de mon sac le carnet de Louis. Je l’ai caressé.
L’ai serré sur mon cœur défoncé. J’ai tourné les pages
une à une. Lentement. Jusqu’à la dernière. J’ai lu ce que
mon fils me demandait de faire…la dernière page…les
dernières volontés…*
(Extrait)

C’est une belle histoire, mais je suis sorti de sa lecture un peu mitigé : Un adolescent de 12 ans, Louis, tombe dans un coma profond après avoir été renversé par un camion. Sa mère, Thelma, une femme d’entreprise plutôt carriériste tombe alors dans une profonde période d’introspection. Alors que son fils est profondément endormi, on dirait qu’elle se réveille et la situation de Louis est critique. L’espoir d’un réveil est pratiquement  inexistant.

Les médecins lui donnent un mois avant d’être débranché des appareils qui le maintiennent en vie. Un matin, alors que Thelma fouillait et errait sans but dans la chambre de Louis, elle découvre sous son matelas un carnet. Dans ce carnet étaient consignés des rêves, des exploits que Louis souhaitait réaliser, des défis qu’il souhait relever, le carnet des merveilles :

*Ce carnet était un concentré de futur, ce carnet était rempli d’expériences que Louis rêvait de vivre, de promesses, de joies…ce carnet était une promesse de vie. Le mode opératoire…j’allais partir à la rencontre   des rêves de mon fils. * (Extrait) Ces défis devaient être relevés dans deux pays aimés du fils : Le Japon et la Hongrie.

Ces défis n’étaient pas simples : *…faire une razzia de cartes ultra rares au Pokemon center d’Izzoboukouro…me faire tatouer par Tomo Tomo le tatoueur des stars…appuyer sur tous les boutons des toilettes japonaises…* (Extrait) Et par la bande… : *J’ose…toucher les seins de madame Ernest, monter dans un taxi et hurler SUIVEZ CETTE VOITURE, me foutre à poil dans la classe de madame Groupiron…* (Extrait)

Voilà l’idée de base du récit. Convaincue que dans son coma, Louis pouvait ressentir et entendre, Thelma se fit forte, avec l’aide de sa mère, la mamie de Louis, de relever les défis du carnet des merveilles pour inciter Louis à s’accrocher, à vivre. Consciente d’avoir négligé son fils au profit de sa vie professionnelle, Thelma allait à son tour s’accrocher à une motivation qui, seule, allait dorénavant compter :

*Mais j’avais pris conscience un peu tard que mon unique priorité, mon amour, mon fardeau, ma douleur, ma joie, mon espoir, ma vie restaient Louis. * (Extrait)

Parce que la situation qui sous-tend le récit est extrêmement dramatique, on trouve beaucoup de passages émouvants, tendres et profonds. J’y ai trouvé un peu de légèreté…trop peut-être. Il y avait de l’humour, et ça ne peut être autrement, spécialement quand il y a un ado dans le décor mais je le trouvais parfois déplacé.

Je sentais que les mères avaient beaucoup de plaisir mais qu’on oubliait l’essentiel. J’ai senti un peu de redondance dans le texte et un peu d’errance aussi. Il m’a semblé que le texte était développé un peu à la façon de ces histoires qui évoquent le développement de la personnalité et leur petit côté moralisateur. L’éveil et la conscience de son moi…pas capable.

Ça donne à l’ensemble un côté naïf et souvent invraisemblable et c’est sans compter la finale qui est tout à fait prévisible. J’ai compris ce qui arriverait dès l’ouverture du carnet des merveilles. Donc assez tôt.

Si LA CHAMBRE DES MERVEILLES est un bon livre, il est loin d’être inoubliable. Toutefois, je n’ai pas regretté sa lecture et je la recommande pour plusieurs raisons. D’abord, c’est une première expérience littéraire pour Julien Sandrel. Il y a mis du cœur et de l’originalité. En effet, je me vois mal relevé moi-même les défis de mon fils adolescent…je serais un peu mal pris. Ensuite, Sandrel a donné à quelques reprises la parole à Louis, perché dans un monde parallèle à écouter, en attendant son heure peut-être… :

*Maman s’est marrée à tourner les pages et à faire ce qui est écrit dans mon carnet. Elle arrive toujours à me faire exploser de rire, à me remonter le moral quand elle me raconte ses aventures. Je suis sûr que c’est bon pour moi de me remuer en toute immobilité* (Extrait)

Terriblement attachant le bonhomme. C’est lui en fait qui m’a gardé dans l’histoire. Enfin, le titre LA CHAMBRE DES MERVEILLES est une trouvaille dont on ne peut connaître vraiment toute la portée qu’à la fin du récit. Ça peut-être la chambre de Louis ou peut-être aussi sa chambre d’hôpital ou encore ce qui se passe dans la tête de Louis, un puits d’amour, d’émotions et d’imagination et c’est sûrement ce qui enrichit LA CHAMBRE DES MERVEILLES…je ne peux en dire plus.

Malgré les irritants, j’ai passé un beau moment de lecture et je crois que c’est ce qui vous attend.

Suggestion de lecture : LA CHAMBRE DES OMBRES GLACÉES, de Pierre H. Richard

À gauche, l’auteur JULIEN SENDREL. Il n’a rien de moins que réaliser un vieux rêve en écrivant son tout premier roman, maintenant connu à l’échelle planétaire : LA CHAMBRE DES MERVEILLES. Il vit actuellement à Paris. Peu d’informations filtrent sur ses projets futurs.

À droite, c’est à SOPHIE DUEZ qu’Audiolib a confié la narration de la CHAMBRE DES MERVEILLES. Après des études littéraires, Sophie Duez débute sa carrière au cinéma dans le film Marche à l’ombre de Michel Blanc. Elle alterne ensuite les tournages (Quai numéro 1) et le théâtre (Ruy Blas, Les monologues du vagin). Depuis 2017, mène de front ses activités de comédienne et de conseil en ingénierie culturelle. LA CHAMBRE DES MERVEILLES est son premier livre audio.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 15 mai 2022

LA 5e VAGUE, le livre de RICK YANCEY

*Oubliez les batailles héroïques avec des tanks et des
avions de chasse, et notre victoire finale d’humains
intrépides…sur cette nuée de créatures aux yeux
exorbités. C’est aussi éloigné de la vérité que leur
planète mourante n’était éloignée de la nôtre, bien
vivante. La vérité c’est qu’une fois qu’ils nous eurent
trouvés, nous étions foutus. *
(Extrait : LA 5e VAGUE, Rock Yancey, éditeurs : Robert Laffont
2013 et Pocket jeunesse 2018, édition de papier, 640 pages)

À l’aube de la 5e Vague, sur une autoroute désertée, Cassie tente de Leur échapper… Eux, ces êtres qui ressemblent trait pour trait aux humains et qui écument la campagne, exécutant quiconque a le malheur de croiser Leur chemin. Eux, qui ont dispersé les quelques rescapés. Pour Cassie, rester en vie signifie rester seule. Elle se raccroche à cette règle jusqu’à ce qu’elle rencontre Evan Walker. Mystérieux et envoûtant et qui pourrait bien être son ultime espoir de sauver son petit frère. Ils savent comment nous exterminer. Ils nous ont enlevé toute raison de vivre. Ils viennent maintenant nous arracher ce pour quoi nous sommes prêts à mourir…

Une promesse en pleine invasion
*…Il existe toutes sortes de conneries…les conneries que tu
connais…les conneries que tu ne connais pas…Et les
conneries que tu penses connaître, mais que tu ne connais
pas vraiment. Faire une promesse au beau milieu d’une
invasion extra-terrestre tombe dans cette dernière
catégorie.
(Extrait)

1ère vague : Extinction des feux, 2e vague : Déferlante, 3e vague : Pandémie, 4e vague : Silence

Dans ce drame post-apocalyptique, nous suivons une jeune fille : Cassiopée Marie Sullivan qui sera appelée Cassie tout au long du récit. La terre a été envahie par des extra-terrestres qui, en quatre vagues successives, ont éliminé plus de 80% de l’humanité…des milliards de morts. À la lisière de la cinquième vague, nombre d’humains restants sont victimes d’abduction par les envahisseurs,

nous retrouvons Cassie, témoin d’un massacre dont celui de son père, obligée de laisser aller son petit frère Sammy embarqué par des humains *envahis* avec les autres enfants vers un mystérieux camp où ils seront pris en charge. Dans sa lutte incessante pour survivre, Cassie sera sauvée par un adolescent pour le moins mystérieux et énigmatique : Evan Walker.

Cassie peut-elle faire confiance à Evan qui pourrait bien être un *autre*, une coquille occupée par un esprit extra-terrestre. Dans un cas comme dans l’autre, Evan, qui devient graduellement amoureux, pourrait être la seule chance pour Cassie de retrouver son petit frère.

Ce livre est d’une grande actualité car il évoque un débarquement extra-terrestre tant évoqué par les romanciers, scénaristes du 7e art et les ufologues. Ici, l’idée des extra-terrestres est sensiblement la même que celle développée dans le film INDEPENDANCE DAY : éliminer complètement la race humaine et prendre possession de la terre pour la vider de ses ressources.

Mais dans le livre qui nous intéresse aujourd’hui, l’élimination est plus méthodique et complexe. Car même s’il en est question, on ne voit pas de vaisseaux ni d’extra-terrestres, ils sont là avec un plan précis d’annihilation : première vague : destruction de toutes les sources mondiales d’électricité, deuxième vague : un monstrueux raz-de-marée tue des millions de personnes, troisième vague : la peste se répand et emporte la presque-totalité de la population mondiale.

L’abduction intervient en quatrième vague alors que plus personne ne sait à qui faire confiance. La cinquième vague a un impact plus puissant encore sur le plan psychologique : *Le camp, les infestés ; ils prétendent que nous n’avons pas été entraînés pour tuer les extraterrestres, mais que les extraterrestres nous entraînent à nous entre-tuer. * (Extrait)

J’ai accroché très vite à ce roman malgré quelques irritants comme cette histoire d’amour entre Evan et Cassie, prévisible au possible, un peu naïve et inutilement compliquée. Je note aussi de l’errance textuelle, des longueurs qui sont susceptibles de diluer l’intérêt.

Le contexte est parfois tiré par les cheveux, l’auteur s’intéressant davantage à la mort qui se répand qu’aux conditions de vie des survivants. La galerie de personnages est très vaste. Aussi, il faut faire attention, car les enfants, une fois enlevés, changent de nom. Alors qu’on approche de la conclusion, il devient difficile de départager les personnages.

Les forces du roman sont évidentes et son originalité réside dans le fait qu’on ne voit ni extra-terrestres, ni soucoupes volantes, ni rayons mortels. Pas de créatures étranges sauf des hommes menacés par une éradication déjà bien avancée. Des hommes restants qui deviennent possédés puis manipulés.

L’impact psychologique de ce roman est plus puissant que l’action qui en découle. C’est un roman très fort mais il est noir et laisse peu de place à l’espoir. Peut-être celui-ci fera-t-il son apparition dans les prochains tomes. Dans la 5e VAGUE, les émotions sont déferlantes. Je ne me suis pas spécialement attaché aux personnages, mais Cassie est une battante et c’est un plaisir de la suivre…un beau stress.

Les dialogues sont parfois savoureux mais leur réalisme est de nature à clouer le lecteur sur place. C’est un roman profond, complexe, sombre qui en dit long sur la fragilité de la nature humaine. On peut être mitigé sur une œuvre d’une telle stature mais on s’accorde pour dire qu’elle ne laisse pas indifférent.

Suggestion de lecture : NOIRE PROVIDENCE, de James Rollins

Originaire de la Floride, Rick Yancey est titulaire d’un master de littérature anglaise. Il travaillera quelques années comme inspecteur des impôts avant de décider que son diplôme lui serait plus utile s’il se consacrait à l’écriture à plein temps- ce qui lui réussit depuis 2004. Auteur de romans pour adultes et jeunes adultes, Rick Yancey a été récompensé par de nombreux prix prestigieux, dont le Michael L. Prinz Honor et le Carnegie Medal. Lorsqu’il n’écrit pas, Rick Yancey consacre son temps à sa famille. Pour les blogueurs,  la Trilogie LA 5E VAGUE succède à Hunger games, la fameuse trilogie de science-fiction dystopique

La 5e vague est une trilogie

La 5e vague au cinéma

L’adaptation de la 5e vague au grand écran a été réalisée par J. Blakeson et est sortie en janvier 2016.
Dans la distribution, on retrouve entre autres Chloë Grace Moretz, Nick Robinson et Alex Roe. Trois scénaristes, Suzannah Grant, Akiva Goldsman et Jeff Pinker ont écrit le texte d’après l’œuvre de Rick Yancey. La critique a été plutôt mitigée sur ce film. D’après les annotations d’
ALLO CINÉ, 7% seulement des spectateurs qui ont critiqué le film lui ont accordé cinq étoiles. La Presse n’a pas été beaucoup plus emballée.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 8 mai 2022

BINE, tome 9 de DANIEL BROUILLETTE

Tourista sous les palmiers

*-Est-ce que tu penses qu’ils sont en train de faire ce
que je pense ? Demande Maxim en retenant un
ricanement. – En tout cas, ils sont pas en train de
jouer à la pétanque…- Mes parents ont déjà fait la
même affaire à Old Orchard. – York ! Pas eux ! – Je
sais, c’est dégueulasse.*
(Extrait : BINE t9 TOURISTA SOUS LES PALMIERS,
Daniel Brouillette, Éditions Les Malins, 2018. Édition
de papier, 400 pages)

 

C’est envahi par la peur de mourir dans un écrasement d’avion que notre très brave Bine s’envole pour Cuba en compagnie de sa belle Maxim et de son père. Il se donne une semaine pour reconquérir celle qu’il aime, mais qu’il a malheureusement trahie. En vacances, loin de l’école sous un soleil magnifique et un décor enchanteur tout ne peut que bien aller, non ? Dans MARTINE À LA PLAGE, peut-être. Mais dans BINE, pas vraiment…

 

 

7 ans et 10 albums plus tard
*L’acte de se dandiner sur de la musique a quelque chose
de bizarre. Surtout qu’en temps normal, ça ne se passe
pas sur une scène devant une foule. D’habitude, les
gens dansent en rond, en petits groupes et rient en
sautillant comme si leurs pantalons subissaient une
infestation de mulots.*
(Extrait)

C’est en 2014 que j’ai fait la connaissance de Benoit-Olivier Lord, surnommé affectueusement et…comiquement, BINE dans le premier tome de la série : L’AFFAIRE EST PET SHOP. J’ai publié un commentaire à ce sujet en novembre 2014. Pour le lire, cliquez ici. Il y a des choses qui ne changent pas : Bine a toujours *un exceptionnel sens de la répartie et une magnifique spontanéité dans ses relations avec ses pairs* (Extrait du commentaire de 2014)

J’étais curieux de voir comment Bine avait évolué avec le temps. Dans le tome 9, Bine a 14 ans, la belle Maxim est toujours dans le décor et Bine en est amoureux fou. A-t-il vieilli ce fameux personnage issu de l’imagination de Daniel Brouillette ? Plus qu’issu en fait…Bine serait l’extension de Brouillette. Ce n’est pas moi qui le dit, le caractère autobiographique de la série est avéré. 

D’abord Brouillette a donné à 9-TOURISTA SOUS LES PALMIERS un caractère très intimiste. Peut-être même un peu trop si on tient compte, par exemple, des nombreux détails livrés sur les mécanismes de la diarrhée. *un courant chaud interne annonciateur de tempête et un vertige donnant le mal de mer, on jette l’ancre aux toilettes pour se vider, une, deux trois, quatre fois…ce n’est pas une simple indigestion qui afflige Maxim. On est au sommet de la hiérarchie des diarrhées. Une princesse. Nulle autre que lady Diarrhea…* (Extrait)

L’auteur est encore plus direct en limitant par exemple à une phrase le chapitre 19 : *Maxim se chie la vie* (Extrait) Cet aspect du livre, passablement dominant m’a fait plutôt déchanter. Mais au-delà des détails croustillants sur *l’asperge* de Bine *squeezée* dans son speedo léopard et sur la tuyauterie grumeleuse de Maxim, j’ai quand même pu cerner le personnage de Bine, comment il a grandi, comment il a changé.

D’abord, Bine n’est plus un enfant. C’est un ado…tributaire du réveil de ses hormones, obsédé par son *ZWIZ*. Il demeure spontané et attachant, mais personnellement, je l’ai trouvé un peu benêt. Toutefois, après avoir complété la lecture du livre et avec un peu de recul, j’ai compris que notre jeune héro est amoureux fou, qu’il a des choses à se faire pardonner. Ça le rend parfois aussi gauche qu’adorable. Si je vais bien au-delà de son petit caractère dégoûtant :

*Mais l’entendre épandre du purin en quantité suffisante pour remplir un silo est une première. C’est triste à dire et je sais que ce n’est pas de sa faute, mais c’est carrément dégueulasse. * (Extrait) ce récit est une histoire d’amour d’adolescent. Et les péripéties du voyage à Cuba ne sont que des diversions…tous les chemins mènent à Rome. Je peux bien maintenant pardonner à l’œuvre de Brouillette ses petits aspects dérangeants.

Pour le reste, l’auteur maintient le cap : des chapitres courts, numérotés et titrés de façon originale et drôle : *une partie de ping-pong avec la fille qui pogne* (Titre du chapitre 13). Écriture directe et fluide. Comme je le mentionne plus haut, il y a des choses qui ne changent pas…il y a une ou deux constantes dans les 9 tomes de Bine, un fil conducteur tenace mais rassurant :

*la belle Maxim qui fait battre son *ti-cœur* et dans son langage basé sur un vocabulaire pas toujours recherché et pas toujours appétissant mais qui finit toujours par nous faire sourire avec des jeux de mots parfois douteux mais dont plusieurs ne manquent pas d’originalité. * (Extrait du commentaire sur L’AFFAIRE EST PET SHOP)

Bine a maturé mais il est encore très jeune et il lui reste beaucoup d’aventures à vivre. La finale de l’histoire promet une suite intéressante. J’ai dû combattre un peu mon côté réfractaire aux changements mais j’étais heureux de le retrouver. Je n’hésite pas à vous recommander la série…

Suggestion de lecture : LE FABULEUX MAURICE ET SES RONGEURS SAVANTS, de Terry Pratchett

Pour parcourir la collection BINE et toute la bibliographie de Daniel Brouillette, cliquez ici.


L’auteur Daniel Brouillette

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 7 mai 2022

 

ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS

*Ce livre propose avant tout un regard affectueux sur ce grand classique de la BD à travers les yeux des gens d’ici. Il témoigne de l’impact qu’Astérix a eu, ou du moins semble avoir eu, sur notre société distincte, une collectivité affublée d’une spécificité culturelle tout aussi singulière que l’ADN qui constitue la sève de nos héros gaulois. Qui sait si les combats des irréductibles gaulois, comme par un effet miroir, n’ont pas influencé les nôtres, leur insufflant un volontarisme qui ne nous est pas toujours inné. *

(Extrait, ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS, Tristan Demers, Hurtubise éditeur, Les Éditions Albert René/Goscinny-Uderzo, 2018, papier illustré, grand format, 180 pages)

Depuis sa création en 1959 et fort de ses 375 millions d’exemplaires vendus, Astérix n’a cessé de fasciner les lecteurs de tous âges. Accueillant chacun des albums de la série avec enthousiasme, les québécois se sont identifiés à ce petit village gaulois qui poursuit, seul, sa lutte contre l’envahisseur romain.

Ce livre documentaire explique le pourquoi et le comment de cette histoire d’amour franco-québécoise unique. Tous les aspects des rapports établis au fil des ans entre les québécois et l’œuvre de Goscinny et Uderzo sont passés au crible : historique, politique, culturel, publicitaire, muséal, etc… une invitation à la relecture d’une des plus grandes séries de l’histoire mondiale de la bande dessinée : ASTÉRIX.

 Un gaulois par chez nous
*Puisque le village d’Astérix résistant à l’envahisseur est
ce qui nous unit, les gaulois et nous, cela fait des québécois
des lecteurs différents, probablement plus sensibles aux
motivations d’Abraracourcix et de ses villageois. C’est en
tout cas ma conviction profonde, peu importe ce que peuvent
en dire les sceptiques.
(Commentaire de Tristan Demers dans
l’épilogue de ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

J’avais six ans quand Astérix est né de l’imagination d’Uderzo et Goscinny. Je ne me suis pas tout de suite intéressé au personnage. J’étais en train d’apprendre à lire et je venais tout juste de faire connaissance avec un autre personnage célèbre : Tintin. Le célèbre reporter ainsi que  Milou et le capitaine Haddock que j’affectionnais particulièrement allaient m’accompagner toute mon enfance et une partie de l’adolescence jusqu’à ce que je me penche sur mon premier album d’Astérix.

Ce fut le coup de foudre à l’époque, et c’est encore le coup de foudre aujourd’hui. Soixante ans plus tard, un québécois, mordu de la bande dessinée, Tristan Demers, vient rappeler les débuts d’une grande histoire d’amour entre Astérix et l’ensemble d’un peuple : Le Québec.

Dans un livre à la présentation extrêmement bien soigné et bourré d’illustrations et de photos, Tristan Demers explique cette relation privilégiée en établissant des liens d’identification, des ressemblances, des rapports développés au fil du temps, entre autres sur les plans historiques, culturel et spécialement sur le plan socio-politique :

*Nous pouvons, tout comme vous, évoquer sans rire nos ancêtres les gaulois. Même s’il nous advient de nous sentir cernés comme Astérix dans son village (…) et de songer aussi que l’Amérique du nord tout entière aurait fort bien pu être gauloise plutôt que néo-romaine.* (Extrait du discours du premier Ministre du Québec, René Lévesque devant l’Assemblée Nationale française en novembre 1977, publié dans ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS)

Je pense que Tristan Demers, que j’ai eu le plaisir de rencontrer une fois, s’est dépassé en présentant la genèse d’une série qui allait rapidement constituer le fleuron mondial du neuvième art et surtout en expliquant de façon simple et claire ce qui fait qu’on se ressemble et qu’elle a été l’influence des célèbres irréductibles sur les québécois et les québécoises.

Le livre est destiné aux québécois mais il peut bien être lu par l’ensemble de la francophonie mondiale tellement la plume est excellente bien qu’il n’y a que des québécois pour saisir toute la portée des passages les plus intimistes que j’ai personnellement savourés : *Au fond, le village d’Astérix n’est pas très éloigné du modèle type de la FAMILLE PLOUFFE ou de celle des PAYS D’EN HAUT : on y mange, on s’y dispute et on s’y comporte parfois comme des enfants. * Heureusement, les québécois n’ont jamais craint l’auto-dérision. *

Dans son livre, je crois que Tristan Demers n’a rien oublié. Il consacre même un petit chapitre à CINÉ-CADEAU, cette trouvaille géniale de Télé-Québec qui a introduit les aventures d’Astérix et Obélix à toute une génération de jeunes. Mes propres enfants ont connu ces gentils gaulois par le biais de ciné-cadeau. Je n’exagère donc pas en disant que ce livre m’a fait vibrer et il en est ressorti de belles émotions.

ASTÉRIX CHEZ LES QUÉBÉCOIS fera autant le délice des néophytes que des connaisseurs, jeunes et moins jeunes. L’édition est très soignée avec papier semi-glacé. Le livre est bien ventilé et la plume fluide, le tout est une mine d’or en informations.

Je ne suis pas amateur de livres-documentaires mais dans ce cas-ci, pour utiliser un vieux cliché…je crois bien que je suis tombé dans la marmite étant petit…

Suggestion de lecture : RENÉ GOSCINNY RACONTE LES SECRETS D’ASTÉRIX

Tristan Demers est né le 19 septembre 1972, à Montréal. Son intérêt marqué pour la bande dessinée l’incitera à créer sa propre série, Gargouille, à l’âge de 10 ans ! En 1988, les éditions Levain/Mille-Îles publient un premier album de Gargouille : Chasse aux mystères ! Sept autres albums paraissent dans les années qui suivent. Depuis, Tristan compte à son actif plus de 70 000 albums vendus et 250 participations dans les salons du livre et autres festivals de la francophonie, de la Belgique au Liban, en passant par la Suisse et la Côte d’Ivoire!

Gargouille est un des personnages les plus populaire de la bande dessinée québécoise et on le retrouve sous forme de produits dérivés. Le bédéiste est également chroniqueur et illustrateur à télévision depuis des années. Récipiendaire de plusieurs prix, Tristan a lancé, en collaboration avec Jocelyn Jalette et Raymond Parent, au printemps 2006, un guide pédagogique sur la bande dessinée destiné aux enseignants. Enfin, une biographie de l’auteur, publiée en 2003, soulignait les vingt ans de son personnage.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 1er mai 2022

 

LE GAZON…PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ…

…de la clôture (version Audio)

Commentaire sur le livre d’
AMÉLIE DUBOIS

*Deux mondes…deux univers. Faisant moi-même partie
intégrante de l’équipe des mâles, je sais pertinemment
que le fossé qui nous sépare des femmes est infini et
formé de parois à la matière ambiguë.  Un gouffre sans
fond où s’entrechoquent des réactions diverses telles des
météorites contraintes à effectuer leur trajectoire dans
une boîte de chaussures…*
(Extrait : LE GAZON…PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ DE
LA CLÔTURE, Amélie Dubois, Audible studios éditeur, durée
d’écoute : 8 heures deux minutes. Narrateur : Adrien Lessard.
2018. Papier : Les éditeurs réunis, 2018)

Alexandre Trudeau se questionne. Sa femme semble s’être lassée de lui; ses enfants le considèrent comme un primate d’une autre époque, bon qu’à payer les comptes; sa carrière de journaliste stagne et manque de piquant. Comment en est-il arrivé là? Devenant bien malgré lui le sujet d’une expérimentation nocturne complètement insolite, le quarantenaire sceptique sera projeté dans des réalités alternatives qui auraient toutes pu être les siennes…

À chaque détour, ce voyage au cœur de l’interdit défiera le côté cartésien et les convictions d’Alexandre d’une manière aussi loufoque que percutante. Au terme de cette aventure, trouvera-t-il toujours le gazon plus vert chez les voisines?

Une nuit pour six vies


*Je me trouve maintenant dans une chambre à coucher
aux côtés d’une femme grenouille. –Mon pauvre Alex,
tu rêvais ! Ma vision se clarifie. La grenouille est en fait
une femme humaine portant un masque de beauté. Elle
est assise sur le rebord du lit et elle me dévisage comme
si j’étais exposé au musée de cire. *
(Extrait)

C’est un livre intéressant et rafraîchissant. Bien qu’il ait un petit côté initiatique un tantinet moralisateur, la lecture et l’écoute demeurent légères et divertissantes et je dois l’admettre, j’ai beaucoup ri. Voici donc l’histoire d’Alexandre Trudeau qui insiste à dire que le gazon du voisin est plus vert que le sien et c’est une déclaration qui en sous-entend beaucoup d’autres.

Or, ce jour-là, le 10 juin, Alexandre sera projeté dans une série de rêves, six en tout. Ces rêves dévoilent la vie d’Alexandre selon la femme qu’il a choisie dans chaque rêve. Ces rêves dévoilent également une chronologie précise de ses fantasmes sexuels…des fantasmes dûment décrits et numérotés en ordre croissant.

Le maître du jeu est un indien qui symbolise la sagesse et qui révise avec Alexandre chaque tableau et détermine la leçon qu’on peut en tirer. Chaque vie entraîne des situations cocasses qui m’on fait rire tout au long de l’écoute. Par exemple, dans une vie, il est marié à la gardienne qu’il avait à l’âge de 4 ans et qui en a maintenant 80.

C’est un roman très drôle mais c’est aussi une extraordinaire exercice d’introspection dans lequel beaucoup de lecteurs-lectrices et auditeurs-auditrices pourraient se reconnaître. C’est plus qu’une succession de vie, c’est un cheminement progressif vers une prise de conscience de la vie, de nos valeurs, de nos qualités et de nos relations avec nos proches. De dire que c’est plus beau chez le voisin n’est rien d’autre qu’humain.

Réfléchir en utilisant l’humour comme plateforme, c’est stimulant, amusant et drôlement enrichissant. J’ai trouvé la plume d’Amélie Dubois spontanée, rythmée, subtile et d’autant plus drôle que l’histoire est racontée du point de vue masculin…parfois mufle, souvent tendre et en plus, on a trouvé le narrateur parfait pour mettre en valeur l’esprit de l’auteure et les idées qui sont véhiculées sur le sens de la vie et sur la vie de couple.

Adrien Lessard, avec sa signature vocale d’adolescent a rendu le tout avec un dynamisme exceptionnel d’où découlent sincérité et conviction. Adrien a forcé mon attention, sans doute autostimulé par le sujet, avec un accent tout ce qu’il y a plus québécois et quelque chose de moqueur dans le ton. Rire avec sérieux…essayez ça. Ce livre est une expérience à écouter, à lire et surtout à vivre.

La principale faiblesse du livre : les longueurs. Il y a parfois de longs moments qui rappellent un peu la redondance, le remplissage. Il y a un peu d’errance mais c’est léger. Disons que les rêves sont un peu longs par rapport au dénouement qui est à la vitesse de l’éclair. Il y a donc un léger déséquilibre. Toutefois, on ne peut pas vraiment s’y perdre car le fil conducteur de l’histoire est clair et solide.

Ça ne m’a vraiment pas empêché de goûter cette petite perle d’Amélie Dubois. Alors, pour emprunter un peu au style de l’auteure, si j’ai la conviction que le gazon est plus vert de l’autre côté de la clôture, qu’est-ce que je fais ? J’appelle le gars du gazon ou je laisse aller et je me dis que mon gazon comme il est là, il est beau, il est correct, je l’aime et il est à moi…je l’améliorerai si je le juge bon.

But premier apparent de l’exercice : mettre les valeurs en valeur… Alexandre Trudeau gagne à être connu… : *Comme la plupart des hommes se réfèrent davantage au concret et au rationnel, ils ont parfois de la difficulté à croire à quelque chose de plus grand qu’eux ou à se donner le droit de le faire… comme c’est le cas pour Alexandre…* (Extrait)

Essayez sans crainte LE GAZON : PLUS VERT DE L’AUTRE CÔTÉ DE LA CLÔTURE…le sens de la vie à travers six vies…mâle façon de voir…

Suggestion de lecture : LES PLUS RECHERCHÉS DE LA GALAXIE, de John Kloepfer

Amélie Dubois est originaire de Danville en Estrie. Elle fait un baccalauréat en psychologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières avant de compléter une maîtrise en criminologie à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Amélie découvre ensuite l’écriture. Un contrat d’enseignement au cégep de la Gaspésie et ses nombreux temps libres vont la pousser à écrire jusqu’à la parution simultanée des deux premiers tomes de sa série Chick Lit en 2011.

Depuis ce temps, Amélie Dubois multiplie les succès de librairie. Tous ses romans étant best-sellers, Amélie vit dorénavant de sa plume. Son style différent, son humour décapant et bien à elle ainsi que ses personnages réalistes, mais colorés sont les clés de son succès. Les œuvres d’Amélie Dubois, marquées de légèreté et savoureuses à souhait, s’avèrent rehaussées par de solides bases en psychologie humaine.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le dimanche 17 avril 2022

 

L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREEN

Commentaire sur le livre de
S.E. HARMON

*Sans surprise, l’esprit ne se reflétait pas dans le
miroir des portes. Et je ressemblais exactement
à ce que j’étais : un fou se parlant à lui-même.*
(Extrait : L’ÉTRANGE DISPARITION D’AMY GREENE,
Les enquêtes extra-lucides de Rain Christiansen, tome 1.
MxM Bookmark éditeur, 2018, format numérique, 441
pages, 4028kb)

L’agent spécial Rain Christiansen est devenu la honte de l’Agence. Alors quand son patron lui offre une dernière chance de se racheter, Rain n’hésite pas à se rendre à Brickel Bay et à se montrer sympa avec la police locale pour résoudre l’enquête qui lui a été confiée. Et ses visions ? Du passé ! Même si ça le tue. La dernière intervention du détective spécialisé dans les Affaires Classées, Daniel McKenna, est en train de stagner. Cinq ans plus tôt, la lycéenne Amy Greene a disparu et n’a jamais été retrouvée. Daniel est heureux d’avoir enfin l’aide du FBI, même s’ils envoient son ex. Avec des fantômes à tous les coins de rues et une affaire au point mort, Rain aura du souci à se faire.

Celui qui voit des fantômes
*-Christiansen, vous êtes un excellent agent, mais vous
me posez un véritable problème. J’essaye encore de
comprendre pourquoi, par tous les diables, vous seriez
allé leur donner un message de leur fille décédée,
«Parce que son putain de fantôme refusait de me
foutre la paix, tout simplement» *
(Extrait)

Ce livre est un mélange de genre : romance, érotisme qui frôle parfois la pornographie. Ce n’est pas à proprement parler un thriller…je n’ai pas été cloué à mon siège. Disons que c’est une intrigue policière qui ne réinvente pas la roue, mais qui a au départ un fort potentiel de développement. L’histoire tourne autour de Rainstorm Christiensen, devenu la honte du FBI à cause de sa capacité à voir et communiquer avec les âmes des défunts.

Appelons cela les fantômes. Rainstorm est un personnage attachant. Je l’ai trouvé drôle et sympa. Son nom est particulier…Rainstorm, surnommé Rain. Et dire que sa mère a failli ajouter Moonbeamer à son nom. Et imaginez…la sœur de Rain s’appelle Skylar, surnommée Sky. Il aurait été intéressant de connaître le profil de la mère, mais il faut s’en passer.

Disons que cette petite excentricité donne le ton à une histoire légère,  avec un petit côté humoristique et beaucoup de sexe. Rain est gay et il enquête sur la disparition, cinq ans plus tôt d’Amy Green à titre de consultant dans la brigade des affaires non résolues. Il travaille avec son ex, Danny, avec lequel il est en train de renouer. Sur le plan physique, ça saute aux yeux.

Le roman est très axé sur le don de Christiansen. Il communique entre autres avec un fantôme nommé Ethan. Il faut donc retenir que la justice pourrait avoir, grâce aux dons médiumniques de Ray, de précieux auxiliaires. L’histoire est développée en ce sens donc sur le plan de l’intrigue, le livre est intéressant.

L’histoire est bien ficelée, mais elle est quelque peu prévisible et malheureusement, elle est noyée, ou tout au moins fortement diluée dans des descriptions détaillées et crues de scènes de sexe pour le moins torrides entre Rain et Danny. Ici, on va un peu au-delà de l’érotisme. De ces scènes, il y en a plusieurs et ça brise le fil conducteur. Il est difficile de rester concentré sur le véritable objectif de l’histoire.

Et même quand on revient à l’enquête comme telle, il est très souvent question de la libido de ces messieurs qui ont un petit côté tordu. Si on enlevait le sexe, et ça ferait un paquet de pages en moins, dans un roman qui n’est déjà pas long, on aurait le développement d’une enquête intéressante qui pousse le lecteur au raisonnement.

Donc le développement de l’enquête est en saccade. Il y a quelques rebondissements. La finale est aussi bien imaginée quoiqu’elle aussi généreusement saupoudrée de désir et d’un évident accent fleur bleue, mais elle m’a plus et elle ouvre la voie à une suite. D’autant qu’elle véhicule une idée qui rappelle la série X FILES et qui nous pousse à réfléchir sur le statut des médiums. Selon Wikipédia, On nomme médium une personne qui serait sensible à des influences ou à des phénomènes non perceptibles par les cinq sens.

Des suppositions avancent que les médiums percevraient les manifestations de l’au-delà, ou bien des esprits. Mettons de côté le charlatanisme et supposons que les esprits nous entourent, mais incapables de communiquer avec nous sauf par un canal précis : un médium. Ça justifierait la création de ce qu’on pourrait appeler la brigade paranormale. X FILES nous a habitué à cette idée mais la série ne l’a jamais développé directement, du moins à ma connaissance.

Je l’ai dit plus haut, cette histoire ne réinvente pas le genre. Même si je suis un peu mitigé quant au fait de recommander ce livre, j’ai aimé suivre l’évolution d’un policier médium dans son enquête et j’ai aussi apprécié que l’auteure, S.E. Harmon ne sombre pas dans la facilité en donnant tous les pouvoirs aux spectres. Le roman est en dents de scie et s’adresse à un public averti.

Suggestion de lecture : LA DISPARITION DE MICHEL O’TOOLE, collectif québécois

Il semble que madame Harmon n’apprécie pas être photographiée. Pour ce qui est de sa biographie, il y en a bien une brève, peu signifiante. La même rengaine est répétée sur à peu près tous les sites. Il y a bien un petit portrait d’auteur publié par Bookmark, le genre question sérieuse, réponse télégraphique. Si ça vous intéresse, cliquez ici. Ça me désole toujours un peu quand un auteur se cache.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 10 avril 2022

POSSÉDÉS, l’intégrale de Sharon Kena

*Au mobilhome, Sophia exprime à ses parents son
besoin de faire des recherches sur une maison
abandonnée en pleine forêt. Elle leur raconte qu’un
de ses amis vient d’y mourir dans des circonstances
mystérieuses…*

(EXTRAIT : POSSÉDÉS de Sharon Kena, version intégrale
réunissant les quatre tomes de la saga. Éditions Sharon
Kena 2017, Numerikena pour le format numérique, 1148
pages)

Une légende raconte qu’il y a dix ans, les fils Trémor, possédés par un esprit, ont sauvagement assassiné leurs parents. Depuis, tous ceux qui foulent le sol de leur maison trouvent la mort. Tome 1 : PRIS AU JEU, Sophia découvre l’existence de cette maison et est captivée par le mythe. Tome 2 : JEU DANGEREUX, un garçon qui aime Sophie joue un jeu dangereux avec une nouvelle vacancière moins innocente qu’elle ne le paraît. Tome 3 : DÉMON DU JEU, Sophie découvre qu’elle et ses amis sont dans un endroit maudit et développe un acharnement à détruire la malédiction. Tome 4 : ULTIME JEU, l’esprit réunit le clan. Sophia doit mourir. Le dernier jeu est engagé. 

Le sang coule…la mort rôde… tout doit se finir.

Amour paranormal
*-Je suis sa proie pour cet été, je le sais, mais
lui ignore sur qui il est tombé. – Méfie-toi quand-
même, il est très fort. –Je sais à qui j’ai affaire,
mais je suis rusée et j’ai un pas d’avance sur lui.*
(Extrait Tome 3 : DÉMON DU JEU)

Que dire d’une série de quatre livres qui aurait pu être réduite à deux ? Beaucoup de longueurs, de redondances et plusieurs passages insignifiants. Pourtant, Sharon Kena est partie d’une idée très intéressante : Il y a, près du camping où se trouve Sophia et ses parents au début de l’histoire, dans une forêt, une maison hantée.

L’esprit qui squatte la maison aurait poussé, il y a une dizaine d’années, les fils Tremor à assassiner sauvagement leurs parents. Depuis ce temps, tous ceux qui se pointent dans cette maison meurent. Le tout fait l’objet d’un jeu morbide de séduction et de meurtres, dirigé par Alex, son frère Jérôme et un troisième frangin qui fera son apparition beaucoup plus tard dans l’histoire.

Sans s’en apercevoir, Sophia est poussée dans le jeu par Alex. Elle est donc condamnée…sauf qu’il y a un imprévu…Alex tombe amoureux de Sophia. La belle Sophia est passionnée par le mystère entourant la maison et décide d’identifier et de trouver les frères Tremor.

Donc, l’idée de l’auteure était de développer une histoire sur fond de paranormal, avec, à l’origine, l’action d’un savant fou. Malheureusement, cette idée a été sous-développée au profit d’intrigues sentimentales et d’une accumulation de meurtres. Le résultat est un beau dérapage.

Il y a des passages agréables à lire. Il y a un certain intérêt et ça serait évident si on avait réduit la série. Mais il y a tellement d’irritants dans cette série qu’il m’est difficile d’être positif. D’abord cette histoire est une série continue de mensonges, de traîtrise et d’hypocrisie. Impossible de savoir à qui se fier. Même Alex s’enfarge dans ses propres mensonges.

Le lecteur ne sait pas où donner de la tête. Il n’y a pas de points de repère. Il est étonnant que l’auteure elle-même ne se soit pas emmêlée tellement le fil conducteur de l’histoire est en zig zag. On ne peut pas non plus se fier sur Sophia. C’est une vraie girouette qui ne sait pas vraiment ce qu’elle veut. Une autre faiblesse concerne la violence qui est traitée dans l’histoire avec une légèreté qui frôle l’indécence :

*-Je pensais qu’on pouvait passer de bonnes vacances ici, confie-t-il en regardant les dégâts autour de lui. –C’est ce qui s’est passé, on tuait, on était bien.* (Extrait) On est pas loin du genre de phrases prononcées par un demeuré. J’ai été surpris aussi de la facilité avec laquelle l’auteure faisait rouler la police dans la farine. Rien de bien signifiant de ce côté. La crédibilité de l’histoire en souffre.

*Oui dit la brunette, non dit le blondinet.* La brunette c’est Sophia. On l’appelle plus souvent par la couleur de ses cheveux que par son nom. C’est agaçant. Même chose pour le blondinet, c’est-à-dire Jérôme. Ça saute aux yeux…tellement que je me suis demandé si l’auteure s’est relue. Je veux ajouter ici une remarque un peu plus personnelle peut-être. Si vous venez d’arrêter de fumer, abstenez-vous de lire cette série.

Deux de ses acteurs, Sophia et Alex fument comme des pompiers, cigarette sur cigarette. À une époque où on essaie de bannir cette saleté, je crois que l’auteure aurait pu faire preuve d’un peu plus de retenue. Un dernier point, Sophia aura plusieurs enfants d’Alex. Leur participation à l’histoire est pratiquement occultée.

J’ai trouvé que les enfants étaient considérés comme un détail sans importance. Je crois que l’auteure est passée à côté d’une opportunité d’enrichissement de son histoire.

Comme vous voyez, beaucoup de points ont assombri mon intérêt pour cette histoire qui est beaucoup trop longue au vu de son contenu. Toutefois, si, comme moi, vous persévérez jusqu’à la fin, vous trouverez probablement le dernier tome plus riche en action et en imagination avec entre autres l’entrée en scène de deux personnages surprise.

C’est un peu tiré par les cheveux et là encore un mensonge n’attend pas l’autre, mais il y a un peu plus d’action et le dénouement est intéressant et même dramatique.

Suggestion de lecture : L’EXORCISTE, de William Peter Blatty

Née le 11 octobre 1978, Sharon Kena vit dans la petite ville de Morhange entourée de sa famille et 6 chats. Elle aime passer des heures à écrire, même si elle en a moins le temps qu’avant. C’est une fervente lectrice de romans sentimentaux et de Bit-lit. Elle aime malmener ses personnages et rendre incertaine la fin d’un roman jusqu’à la dernière page… Je suis une fervente lectrice de romans sentimentaux, j’adore quand il y a des problèmes, des secrets inavouables… J’aime passer des heures à écrire, en écoutant de la musique. Je ne suis pas du genre à respecter les codes littéraires !

Voir la bibliographie

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 9 avril 2022

 

L’ÉLU DE MILNOR, saga de Sophie Moulay

L’intégrale

*…Nous les sept sages de Milnor nous réunîmes et
entreprîmes de consulter les oracles. Nous formâmes
le cercle sacré et psalmodiâmes les paroles rituelles.
L’un des oracles daigna nous apparaître. Il nous
expliqua qu’un grand péril nous menaçait. L’ennemi
s’apprêtait à asservir Milnor. Il entendait fondre sur
toutes les contrées connues et réduire…la population
à l’état de bétail.*

(Extrait : L’ÉLU DE MILNOR, livre 1, la fuite d’Almus, voir
le synopsis pour l’intégrale. Format numérique, E38
éditeur, 2017, 1255 pages, 1944 KB, )

Depuis son plus jeune âge, Almus s’entend répéter la Prophétie : il est l’Élu qui sauvera le monde quand viendra l’Ennemi. Dans l’univers médiéval de Milnor, il apprend donc la magie auprès des Sages. Mais un jour, ses maîtres découvrent qu’ils se sont trompés d’Élu. Humilié et rejeté, Almus s’enfuit du palais des Sages pour rejoindre le lointain domaine de ses parents. Mille dangers le guettent au cours de ce voyage initiatique et, sans ses pouvoirs magiques, il n’est plus qu’un adolescent ordinaire. Almus découvrira le côté sombre de la vie, mais aussi l’amitié. Toutefois, les Hargors, des êtres mi-humains mi-félins, le poursuivent. Leur mission : capturer l’Élu et le ramener à leur empereur. 

Le cœur de la fantasy
*La mort dans l’âme, nous convînmes que l’Élu
apprendrait mieux les vicissitudes de la vie à
l’extérieur que dans les murs du palais et qu’il
nous reviendrait plus puissant que jamais. Nous
endurcîmes nos cœurs et exécutâmes les
directives de l’Oracle.*

(Extrait du livre 2 : L’OMBRE DE L’ENNEMI)

 

Mon commentaire porte sur l’intégrale de L’ÉLU DE MILNOR, soit cinq tomes : LA FUITE D’ALMUS, L’OMBRE DE L’ENNEMI, L’EMPIRE HARGOR, LE PAYS DES MORTS et LE MIROIR DU SAGE. C’est une longue saga de type *fantasy* écrite pour la jeunesse mais elle est aussi très acceptable pour les adultes qui aiment particulièrement l’atmosphère médiévale.

Voici l’histoire d’Almus. Un garçon qui a onze ans au début de l’histoire. Depuis plusieurs années il a été reconnu par les sages du royaume, L’ÉLU. C’est-à-dire le seul capable de sauver Milnor en affrontant l’ennemi. Un jour, les Sages se rendent compte qu’ils se sont trompés et rejettent Almus qui s’enfuira et entreprendra alors un voyage initiatique avec un statut de simple adolescent.

Il connaîtra une vie dure et fera face à mille dangers mais il fera aussi la connaissance de nouveaux amis : Pil, un voleur tout ce qu’il y a de plus gauche, Noir-Cœur, un jeune assassin qui n’a jamais tué personne, et Mira, une jeune voyante nomade…trois amis qui partageront finalement le destin d’Almus. Almus sera poursuivi et harcelé entre autres par les Hargor, êtres mi humains et mi chats.

C’est ainsi qu’Almus maintenant réhabilité par les Sages, gagne en puissance magique. Il se rend au pays des morts afin de ramener sa sœur, assassinée par l’ennemi puis enfin se prépare à l’affrontement final.

C’est l’approche classique de la Fantasy pour jeunes lecteurs. Les héros sont des adolescents aux prises avec l’éternelle dualité entre le bien et le mal. Je dois dire toutefois que l’auteure, Sophie Moulay a bien travaillé ses personnages et leur a attribué un équilibre réaliste de forces et de faiblesse.

Comme c’est très courant en littérature, certains attributs sont un peu poussés comme le raisonnement par exemple ou le vocabulaire mais à ce titre, j’ai senti une retenue de l’auteure et je n’en ai que mieux apprécié ma lecture. Toujours est-il que les jeunes m’ont entraîné dans une alternance d’action et de moments bucoliques et j’ai pu apprécier avec bonheur leur caractère bien trempé.

Les jeunes lectrices seront enchantées d’apprendre que la seule fille du groupe,  Mira a le caractère nécessaire pour mettre les garçons à leur place et elle ne se gêne pas. J’ai trouvé ça amusant et ça donne au récit un aspect actuel.

L’esprit d’équipe, le courage, la détermination et l’espoir des jeunes acteurs m’ont davantage impressionné que l’histoire comme telle qui est un peu usée avec un *ENNEMI* pas très bien défini et dont le statut est relativement facile à deviner.

Donc un élément capital qui pousse les jeunes lecteurs et lectrices à se rendre jusqu’au bout de la saga est respecté : un attachement rapide aux héros et la possibilité de s’identifier à eux. J’ai aussi apprécié le caractère initiatique du voyage des héros qui devront apprendre, comprendre, démêler le vrai du faux.

C’est un autre élément qui rend le lectorat captif : Apprendre des choses qui lui rappellent son quotidien. Les jeunes lecteurs et lectrices ajustent en général la dimension actuelle du récit à leur besoin de connaissances et d’aventures.

Pour toutes ces raisons et comme j’aime particulièrement l’atmosphère médiévale bien campée qui se dégage du récit, je considère que cette saga signée Sophie Moulay est une réussite.

Évidemment, c’est très long. La saga totalise 5 livres, pratiquement un millier de pages (j’ai utilisé un support numérique) mais ne craignez pas le terme *intégrale*. L’ÉLU DE MILNOR est un récit évolutif avec de l’action et des rebondissements.

Prenez le temps de le lire et vous vous retrouverez vite sur le chemin d’Almus, Pil, Mira et Noircoeur (Je ne comprends pas ce prénom car le garçon a le cœur sur la main) pour partager leurs aventures.

Suggestion de lecture : DUNE, de Frank Herbert

Sophie Moulay  a commencé à écrire en 2007, mais c’est en 2009 qu’elle imagine le personnage d’Almus, en s’appuyant sur l’expérience acquise au contact des adolescents. Elle développe alors la série « L’Élu de Milnor ». Depuis, elle a commis quelques meurtres dans ses « Enquêtes d’outre-tombe » « Drôle de mort » en constitue le premier volet. Il sera suivi d’un second en 2018. Elle s’est rôtie dans la chaleur d’un désert post-apocalyptique dans « Inhumaine, retour aux sources », mais est bien trop frileuse pour oser écrire sur le Pôle Nord ou tout autre latitude supérieure à 50°.

Les rues d’Hoggu ne sont pas sûres pour les enfants des quartiers pauvres. Et lorsque le jeune Calus décide par bravade de s’y aventurer, il ne se doute pas que son geste le met à la merci du redoutable Cruzac. Ce dernier lui offre un avenir étonnant, à condition de renoncer à son passé.
Pour cette nouvelle aventure, Sophie Moulay remonte aux sources et nous révèle les secrets de l’enfance et l’adolescence de Calus. Un vrai bonheur pour les fans de la saga L’Élu de Milnor et pour tous ceux qui découvrent ici l’univers de l’auteur.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 8 avril 2022 avril 2022

MALEFICIUM, le livre de Martine Desjardins

*Ses volutes noires s’immisçaient dans mes fosses nasales
 avec une vibration tellurique qui me chatouillait jusqu’au
 tréfonds des oreilles. Mon sens de l’équilibre s’en trouva
 affecté et je ressentis un vertige exquis que, dans mon
égarement, je ne pensais qu’à prolonger. *

(Extrait : MALEFICIUM Martine Desjardins, Audible studios
éditeur, 2018. Durée d’écoute : 4 heures 24 minutes
Édition d’origine, Alto éditions, 2011)



Pardonnez-leur, mon père, car ils ne savent pas ce qu’ils ont fait. Pardonnez à ces sept hommes victimes d’étranges maléfices, venus chercher dans le confessionnal une oreille attentive au récit de leur infortune et implorer le salut de leur âme souillée par la curiosité et la faiblesse de la chair.  Pardonnez aussi à cette femme calomniée, emmurée dans un cruel silence, car elle sait bien ce qu’elle a fait.

Pardonnez enfin à l’homme de Dieu qui a recueilli leurs aveux et brisé le sceau de la confession en les transcrivant dans un ouvrage impie. Lecteur, vous tenez entre vos mains une version remaniée mais non expurgée du mythique Maleficium de l’abbé Savoie (1877-1913), prêtre sacrilège dont on connaît peu de choses, sinon qu’il termina ses jours, cloîtré dans un monastère après avoir été mystérieusement frappé de surdité.

Sachez que la lecture de cet ouvrage délétère pourrait provoquer un certain malaise chez les âmes pures, exciter les sens ou éveiller des désirs inavouables, et qu’en cédant à ses charmes vous risquez d’encourir l’excommunication.

Vous voilà averti. L’auteure du Cercle de Clara et de L’évocation (prix Ringuet de l’Académie des lettres du Québec) nous offre une fresque baroque en huit tableaux, une invitation à voyager aux limites des plaisirs et de la souffrance. Maleficium est une œuvre rare, parfumée de fantastique, d’exotisme et d’érotisme.

À lire ou à écouter car la version audio est très intéressante avec les narrations de Danny Boudreault, Maxime Dugas, Martin Rouette, Patrick Baby, Sébastien Dodge, Annick Vermette, Nicolas Landré et Thiery Dubé.

Baroque et sulfureux
*Le bruit a longtemps couru que l’archevêché de Montréal
abritait dans ses archives confidentielles un livre si
dangereux qu’il avait été emmuré au fond d’une alcôve.
Quiconque aurait la témérité de l’exhumer de ses
oubliettes serait excommunié sur le champ. *
(Extrait)

   

MALEFICIUM est un recueil de nouvelles. Elles peuvent se lire indépendamment mais elles ont un point en commun : aux fins du roman, ces huit nouvelles, qui sont autant de confessions entendues par un prêtre font partie d’un livre écrit par un certain abbé Jérôme Savoie qui vécut au XVIIIe siècle.

On ne sait pas grand-chose de ce prêtre sinon qu’il est considéré comme sacrilège et que son livre a été jugé tellement dangereux par l’Église que celle-ci l’a fait emmurer dans une oubliette et quiconque tenterait de l’en faire sortir serait condamné aux tourments éternels.

Il serait plus juste de dire que MALEFICIUM est une œuvre baroque en huit tableaux dont les acteurs évoluent aux limites de l’exotisme et de l’érotisme et livrent leur penchant avec des sens exacerbés à un prêtre qui ne s’exprime pas.

L’œuvre comprend des thèmes récurrents qui confinent à la bizarrerie, à la singularité et aux anomalies de la nature qui exacerbent le désir et les sens. Par exemple, les malformations humaines et les bizarreries anatomiques comme une personne logeant une larve dans son nombril, une femme à queue.

La huitième confession est particulièrement surprenante, je ne vais pas la dévoiler mais elle est comme un condensé de l’œuvre. La confession qui condense les huit témoignages et c’est la confession d’une femme. La seule femme parmi les huit qui s’accusent. La principale faiblesse de l’œuvre tient dans le fait que les histoires ne sont pas égales. L’intensité varie.

Certaines sont dépourvues d’émotions, d’autres accusent des longueurs. L’ensemble est plutôt froid. Le prêtre n’est pas étranger à cette impression. Il semble *absent dans sa présence*. Ce n’est pas le seul paradoxe de l’œuvre mais quoiqu’il en soit, c’est un livre assez sulfureux et qui ne laisse pas indifférent.

Il se dégage de ce récit un parfum de scandale, d’interdit, d’immoralité. Un trait d’union de tout ce que l’Église exècre…un parfum de sacrilège…*Fuyez mon Père, elle a déjà commencé à transformer votre église en pandémonium de l’enfer. * (Extrait de la septième confession, Oleatum pandaemonium).

J’ai trouvé original le fait de précéder les confessions d’une mise en garde presque solennelle. On ne pouvait trouver mieux pour capter définitivement l’attention des lecteurs/lectrices :

*Cette première édition de l’œuvre présentée ici dans une version passablement remaniée mais non expurgée, suscitera un certain malaise, voire la désapprobation. Après tout, l’abbé Savoie a retranscris des confessions qui lui avaient été faites sous le sceau du sacrement, rompant ainsi les chaînes du serment auxquelles il était tenu et dont ne pouvait le délier ni lois, ni menaces, ni périls de mort. * (En introduction. Extrait de l’avertissement)

C’est un livre étrange dans lequel le plaisir chevauche la souffrance. Il n’y a dans cette œuvre ni vulgarité, ni grossièreté. Tout n’est que fines allusions, double-sens, suggestions et sensualité retenue par une écriture très belle qui confine par moment à la poésie. Il y a quelque chose d’envoûtant dans ce livre. Un parfum d’exotisme qui me rappelle un peu les MILLE ET UNE NUITS du lointain orient avec en plus un soupçon de fantastique.

J’ai été subjugué par la plume de l’auteure qui est extrêmement descriptive, magnifiquement déployée, habilement suggestive. Martine Desjardins n’est pas tombée dans le piège de magnifier le mal. Elle décrit avec précision huit tableaux sacrilèges empreints d’audace, d’étrangeté avec, comme fil conducteur les méandres obscurs de l’esprit humain. Maleficium est un monde troublant à explorer.

J’ai beaucoup aimé.

Suggestion de lecture : Jour de confession, d’Allan Folsom

Martine Desjardins est née à Mont-Royal au Québec. Après des études de russe, d’italien et de littérature comparée, elle a travaillé pour plusieurs magazines, et tient présentement la chronique Livres à L’actualité. Saluée par la critique pour son premier roman, Le cercle de Clara, ainsi que pour L’élu du hasard, elle a remporté le prix Ringuet pour L’évocation, et les prix Jacques-Brossard et Sunburst pour Maleficium.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 27 mars 2022

LES SENTIERS DES ASTRES 1, Stefan Platteau

 

*La main encore un peu tremblante, je prends ma plume
pour inscrire quelques mots dans le grimoire de bord,
Attiré sur le vélin le fil de l’encre, la tension s’en va peu
à peu. Les questions, elles, demeurent. Fourbe est le vieux
 fleuve et folle qui prétend lire le cours de ses eaux. *

(Extrait de MANESH, premier volet de la série LES SENTIERS
DES ASTRES, Stefan Platteau. À l’origine, J’ai lu Librio éditeur,
2016, 736 pages. Version audio : Audible studios éditeur, 2018,
durée d’écoute : 20 heures 33 minutes, narration : Matthieu Dahan)

Le Roi-Diseur est le dernier espoir d’une nation ravagée par la guerre civile. Le capitaine Rana remonte le fleuve à sa recherche, avec une poignée de braves. Personne n’a jamais navigué si loin. Pourtant, un naufragé dérive à leur rencontre, accroché à une branche. Qui est-il? Est-il un simple humain, ou l’héritier d’un sang plus ancien ? En ces terres du Nord, les géants et les dieux marchent encore sous les arbres. Déjà, la forêt frémit des prémices de leur colère…

Un périple envoûtant
*Puis cette euphorie inattendue s’est dissipée comme
elle était venue. L’aîné des Mahhtmar avait baissé à
nouveau les yeux vers le vieux compagnon qui se
mourrait au sol et toute sa douleur était revenue lui
étreindre les tripes. Alors, sans dire un mot mais en
serrant les dents de chagrin, il avait levé son épée.
(Extrait)

C’est avec MANESH, le premier volet de LES SENTIERS DES ASTRES, que Stefan Platteau se lance dans l’écriture et vient enrichir la littérature de fantasy et de mythologie. La saga compte cinq tomes.

On peut dire six tomes si on tient compte du préquel à l’Univers des Sentiers des Astres : Le dévoreur. Ce récit m’a séduit par la beauté de son écriture qui est un heureux mélange de caractère et de poésie.

L’histoire a une forte empreinte celtique, médiévale et les légendes et la mythologie y ont une place importante. Voyons d’abord comment débute la grande saga. Le narrateur de l’histoire est Fintan Calathyn. C’est un barde à la Cour du royaume, une position élevée. Il est aussi capitaine en second d’un navire qui poursuit une quête très spéciale.

En fait, deux navires sillonnent les bras et estuaires du fleuve framar à la recherche du roi-diseur, un oracle légendaire que le capitaine Frama veut interroger pour connaître l’avenir du Royaume menacé par la guerre civile.

En chemin, les bateliers vont repêcher le corps inanimé d’un homme blessé. Le Capitaine Rama veut savoir à tout prix qui est cet homme, son but et surtout s’assurer qu’il n’est pas un danger pour le Royaume.

Rama charge son second, Fintan, de soigner l’homme et de l’interroger. Malgré un grand état de faiblesse, l’homme accepte de se raconter. Il dit s’appeler LE BATARD. Mais en cours de récit, ce nom ne suffira plus à Fintan. Ce dernier exige de connaître le nom véritable. Il s’appelle MANESH.

C’est ainsi que débute une belle et longue histoire. Étant donné la nature de la quête, il m’est difficile d’en dévoiler davantage mais vous verrez que le voyage des bateliers sur le Framar et le récit de Manesh se recoupent de façon à dévoiler d’étonnantes révélations. Tout le récit est concentré sur l’histoire de Manesh, ses origines, son caractère, sa nature.

Le lecteur et la lectrice feront sa connaissance par le biais de nombreux épisodes de sa vie parmi les plus significatifs. La question est de savoir si LE BATARD est un danger potentiel pour le royaume ou un allié de taille qui pourrait sauver la quête. La réponse est dévoilée à la petite cuillère…très graduellement à travers les aventures du mystérieux personnage.

C’est un roman-fleuve raconté en un peu plus d’une vingtaine d’heures par un narrateur habile qui nous fait oublier, par sa voix envoûtante et sa capacité d’adaptation, les nombreuses longueurs qui auraient tendance à alourdir l’histoire.

Il n’y a pas vraiment d’action dans ce pavé mais le récit est immersif et met en perspective la vie du bâtard, une vie dans laquelle se chevauche la bonté et la cruauté et une intrigue continue sur sa nature.

D’après l’auteur Jean-Philippe Jaworsky, l’auteur de la trilogie MÊME PAS MORT, *Toute la force du livre est d’entrelacer la puissance du mythe avec la structure même du récit. *  (J.-P. Jaworsky) Je le cite ici car je n’aurais pu mieux m’exprimer. Je peux dire que l’auditeur et l’auditrice verront très vite que Manesh est très spécial…

*Manesh avait déjà cette carnation cuivrée que l’on ne retrouvait chez nul autre membre de la famille, le visage rond et une tignasse d’un noir de jais, semblable à celle de sa mère par la couleur mais non par la forme…On aurait dit qu’il cherchait toujours les visages derrière les visages, les mots derrière les mots.

Ses grands yeux verts possédaient une étrange acuité. Ils laissaient parfois à ses proches l’impression de les dépouiller de leur écorce et de les lire en dedans* (Extrait) L’irrésistible besoin d’en savoir plus fera le reste.

Malgré les longueurs, quelques passages un peu plus lourds et le fait que l’intrigue se dévoile très lentement, peut-être un peu trop, j’ai été envoûté par la beauté du récit, la sensibilité de la plume qui n’enlève rien à sa vivacité, ses personnages attachants, la qualité des dialogues et un savant mélange de réalisme et de fantastique, le tout encadré par un narrateur efficace. Vous passerez, je crois, de très belles heures d’écoute.

Suggestion de lecture : LA CITÉ ET LES ASTRES, d’Arthur C. Clarke

Stefan Platteau est l’auteur francophone du surgissement mythique. Il revient aux fondations de la fantasy, à cet exotisme magique fait de splendeurs, de fascinations, de terreurs, où l’on tremble devant les dieux, où les actes surnaturels se paient au prix fort, où l’on ne ressort pas indemne des combats.

L’auteur y parvient grâce à un allié de poids : une plume charnue et pleine d’âme. Salué dès son premier ouvrage par de grandes figures de l’imaginaire (Ayerdhal, Jean-Philippe Jaworski, Justine Niogret…), Stefan Platteau aime mêler dans ses textes humanité des personnages et souffle de l’aventure.

En quatre livres puissants (Manesh – prix Imaginales du roman francophone 2015), Dévoreur (Prix « les petits mots des libraires » 2016), Shakti (2016) et Meijo (2018), l’écrivain belge s’impose comme une voix importante de la fantasy de langue française.
(Les moutons électriques)

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Bonne écoute
Claude Lambert
les samedi 26 mars 2022