LA MÉMOIRE QU’ON VOUS A VOLÉE, 1760 à nos jours

Commentaire sur le livre de
GILLES PROULX
et
Louis-Philippe Messier

*Plus personne ne se rappelle qu’Ô Canada fut composé pour la fête nationale du 24 juin, qu’UN CANADIEN ERRANT rendait hommage aux patriotes exilés en Australie ou que le club de hockey CANADIEN s’appelle ainsi parce qu’il était réservé aux joueurs d’expression française. *

(Extrait de la préface signée par l’historien Gilles Laporte du livre de Gilles Proulx et Louis-Philippe Messier LA MÉMOIRE QU’ON VOUS A VOLÉE, de 1760 à nos jours. Les Éditions du journal, 2019, par Mylène Des Cheneaux, édition de papier, 245 pages)

Après le succès de Nouvelle-France. Ce qu’on aurait dû vous enseigner, Gilles Proulx revient à la charge pour revaloriser la mémoire collective du Québec. Pourquoi connaissons-nous si mal notre histoire? Dans cet ouvrage rédigé en collaboration avec Louis-Philippe Messier, Gilles Proulx raconte les grands événements et célèbre les personnages marquants qui ont façonné le Québec, de la Conquête jusqu’à nos jours.
*La perte de mémoire rend un peuple incapable des faire des choix éclairés et d’agir sur la réalité…* (Préface de Gilles Laporte. Historien)

Histoire de savoir
*La capitulation est une décapitation*
(Extrait : début du récit alors que la France

perd son vaste territoire nord-américain)

Tout m’a attiré dans ce livre en commençant par la justesse du titre car depuis la petite école qui, en matière d’histoire m’a fait faire un départ aussi spectaculaire que faux, j’ai réalisé au fil de mes lectures et de mes recherches et avec le temps, à quel point j’ai été non pas seulement mal informé mais surtout désinformé.

Comme j’ai toujours apprécié le franc-parler et la rectitude de Gilles Proulx, j’ai été vite séduit par la présentation, le contenu. Car pour moi, il s’agissait des répondre à cette question : Pourquoi est-ce que je connais si mal mon histoire.

La bonne Société politisée et la petite école des années 60 ont occulté tellement de choses importantes qui expliquent ce que nous sommes devenus aujourd’hui et ce, pour des raisons éminemment opportunistes.

Gilles Proulx et Louis-Philippe Messier sont de ces horlogers du temps qui viennent remettre les pendules à l’heure. Ils viennent nous rappeler qu’Henri Bourassa est un peu plus que le nom d’un bouleva, que Pontiac est un peu plus qu’une marque de voiture. Les auteurs remontent le temps et établissent un lien solide entre le passé et le présent.

LA MÉMOIRE QU’ON NOUS A VOLÉE est un ouvrage en quatre parties. La première partie est une préface de l’historien Gilles Laporte qui prépare le lecteur à l’entrée en scène de Gilles Proulx.

*Dès 1840, l’occupant britannique entreprend de déposséder le Canada Français des symboles de son enracinement en Amérique : le castor, la feuille d’érable, ses liens avec les autochtones et jusqu’à la poutine…*. (Extrait)

Il semble bien qu’on ait perdu la mémoire depuis fort longtemps. La deuxième partie du livre publie l’argumentaire de Gilles Proulx et il n’y va pas toujours avec le dos de la cuillère mais ça me va…le message passe :

*Ce poste facile et payant a été créé pour imiter celui des lords qui ont leur chambre en Grande-Bretagne. En 1867, tout comme aujourd’hui, le Sénat est, d’abord et avant tout, un moyen de récompenser ses amis aux frais du con…tribuable ! (Extrait)

Évidemment, ça frôle l’écart, mais il faut connaître l’auteur. En matière de franc parler, Gilles Proulx est une légende. Il y a des choses qui ne changent pas. Beaucoup de liens évoquant le passé expliquent le présent. Imaginez que votre ordinateur n’a pas été mis à jour depuis 5 ans. LA MÉMOIRE QU’ON NOUS A VOLÉE me rappelle une mise à jour de masse.

La troisième partie du livre est une récapitulation des évènements assortie d’explications sur les grandes dates depuis la prise de Québec et la capitulation de Montréal en 1760 jusqu’au rejet de la souveraineté par les québécois en 1995. C’est riche en détails et c’est suffisamment crédible pour remettre les pendules à l’heure.

Enfin, la quatrième partie est une biographie des principaux acteurs de ce récit. J’y ai fait la connaissance de nombreux personnages dont plusieurs ont été mystérieusement occultés de mon éducation.

Je comprends de ce livre à la plume directe et riche que pour qu’un peuple survive, il doit se comprendre. Et pour se comprendre, il doit connaître ses origines. Oui, c’est vrai, les anglais et les français ont exporté leurs chicanes en Amérique mais il s’est passé tellement de choses qui expliquent la sensibilité des québécois.

J’ai l’impression que de précieuses connaissances entassées dans une arrière-boutique obscure me sont rendues. La conclusion de l’argumentaire de Gilles Proulx pose la question ultime : Qui nous a volés ? À vous de le découvrir amis lecteurs, amies lectrices… pour moi, c’est du solide.

Suggestion de lecture : L’HISTOIRE DU QUÉBEC en  30 secondes, de Sabrina Moisan et Jean-Pierre Charland.

Gilles Proulx (1940-2013) est un auteur, animateur de radio et de télévision ainsi qu’un globetrotteur québécois. Il détient un baccalauréat et une maîtrise en communication.
De 1979 à 1991, il était chargé de cours en communication à l’Université de Montréal et professeur invité à l’Université Cheikh Anta Diop à Dakar au Sénégal, en journalisme radiophonique en 1983.

Il fut directeur de l’information à CKLM, journaliste à l’émission le Temps de vivre à Radio-Canada, et commentateur à CKOI-FM. Il fut animateur du Journal du midi durant 24 ans, soit de 1984 à 1994 à CJMS, de 1994 à 2004 à CKAC, puis de 2004 à 2008 au 98,5 FM.

En 1998 et 1999, il a animé les Grands Dossiers historiques à la chaîne télévisée Canal D. Photographe et voyageur, il a publié plusieurs livres dont À la conquête du monde en 1996 et Globetrotter en 2000.


À l’automne 2009, il présente une série qui s’appelle « Mémoire de Proulx » produite par le Canal Vox à Montréal et la série est diffusée sur d’autres stations au Québec.


Reporter pour Le Journal de Montréal et le quotidien 24H, Louis-Philippe Messier a signé de nombreux articles de voyage et dossiers gastronomiques. Il a le flair pour débusquer des faits divers insolites et aime approfondir l’aspect saugrenu de ses sujets. Il a aussi co-écrit avec Gilles Proulx  MONTRÉAL : 60 ÉVÈNEMENTS QUI ONT MARQUÉ L’HISTOIRE DE LA MÉTROPOLE (lecture parallèle suggérée)
L’ouvrage mêle les hauts faits historiques, les grands phénomènes sociaux et les petits faits vrais qui marquent la vie de toute cité


LECTURE PARALLALÈLE SUGGÉRÉE

Bonne Lecture
Claude Lambert
Samedi 6 août 2022

LE SANCTUAIRE DU MAL, Terry Goodkind

*Depuis trois semaines, John Allen Bishop gardait
le diable enchaîné dans la cave. Le diable de
passage à Chicago ? Pour y faire quoi, exactement ?
John n’en savait rien, et son prisonnier n’était pas
loquace. Mais la situation, ces derniers jours,
devenait de plus en plus inquiétante. *
(Extrait : LES SANCTUAIRES DU MAL, Terry Goodkind,
édition originale, Bragelonne 2017, édition de papier 409p.)

Kate Bishop vit et travaille à Chicago. Elle pensait être une femme ordinaire, jusqu’au jour où, impliquée malgré elle dans l’enquête sur le meurtre de son frère, elle découvre qu’elle dispose d’un don : la capacité d’identifier les criminels en les regardant dans les yeux.
Mais ce don est aussi une malédiction : il fait d’elle une cible. Terrifiée par cette révélation, Kate est contactée par Jack Raines, un mystérieux auteur qui prétend être le seul à pouvoir l’aider. Il possède d’obscures connexions dans le dark Web. Alors qu’une horde de tueurs, sortes de super-prédateurs, s’est lancée à ses trousses, Kate doit se battre pour sa vie. 

Les abysses de la toile

*Dans la vaste configuration du monde, dit-il en enfonçant un pouce dans l’orbite gauche de John, tout ça n’a aucune importance. Après tout, l’univers aussi est aveugle. Alors qu’il sombrait dans un océan de souffrance qu’il pressentait sans fond, John entendit à peine ces mots. La douleur dans ses yeux devint insupportable… * (Extrait)

LES SANCTUAIRES DU MAL est un récit sombre mais original imprégné d’un caractère fantastique. L’histoire comporte des passages haletants mais son rythme est inconstant. Voyons ça en détail.

Voici l’histoire de Kate Bishop de Chicago, impliquée malgré elle dans l’enquête sur le meurtre de son frère John. John avait un don qui lui a valu la mort : il pouvait déceler un criminel en regardant ses yeux. Kate découvre qu’elle a le même don mais il va encore plus loin : elle peut déterminer le nombre de victimes potentielles, la façon dont ils vont mourir et dans combien de temps.

Kate a peur de ce pouvoir et elle a raison, les meurtriers, appelés prédateurs sont à sa poursuite…Kate est par la suite prise en charge par un mystérieux personnage qui peut déceler les porteurs de pouvoir comme celui de Kate. Le super-prédateur Jack Raines tente de remonter une mystérieuse et implacable filière pour atteindre le SANCTUAIRE DU MAL.

Le récit développe deux éléments majeurs : d’abord, le partenariat entre Kate et Jack  qui explique très graduellement les raisons pour lesquelles les personnes ayant le don de Kate sont recherchées pour être mises à mort.

Deuxième élément, tributaire du premier, l’auteur nous entraîne dans une angoissante descente jusque dans les basses fosses d’internet, le dark web, accessible grâce à une simple passerelle facile à trouver, le logiciel T.O.R. Certains sites dont LE SANCTUAIRE DU MAL, d’une inimaginable monstruosité ne sont pas sans rappeler HELL.COM de Patrick Sénécal.

Si vous avez lu ce livre, Rappelez-vous Saul, le richissime homme d’affaire qui voulait profiter des services illicites du dark web et rappelez-vous ce qu’il s’est fait dire :

*…<Sachez que l’enfer est partout et qu’il accueille deux classes de résidents : les démons et les damnés. La grande majorité des humains font partie de la seconde classe ; seuls les privilégiés comme vous appartiennent à la première.. »  (Extrait : Hell.com) À ce titre le livre de Goodkind pourrait vous donner froid dans le dos.

C’est une histoire bien imaginée, très bien écrite et très descriptive. Trop par moment, c’est le principal irritant du livre : des dialogues et même des monologues qui ne finissent pas de finir. C’est Jack Raines qui entraîne le lecteur dans ce qu’on pourrait appeler un cours de prédation 101.

Ces bavardages ont l’effet de diluer l’intrigue, simplement pour décrire une façon de vaincre le mal, ce qui nous ramène à l’éternelle dualité entre le bien et le mal. J’aurais préféré un meilleur équilibre entre les dialogues et l’action qui est la principale force du récit. 

L’ouvrage est quand même bien documenté et m’a même poussé à une recherche supplémentaire…assez pour réaliser que la description que Goodkind fait des bas-fonds d’internet est assez juste. C’est crédible. Malgré quelques passages très tirés par les cheveux et quoiqu’on dise des longueurs générées par une théorie originale sur la lutte contre le mal, je crois que cet essai dans le thriller est réussi.

Somme toute, c’est un bon livre dont on peut pardonner les longueurs au profit des passages addictifs et de l’originalité du sujet. Sur la finale, je suis très mitigé, presque frustré. Au moment d’écrire ces lignes, il n’y a pas de suite annoncée mais on dirait bien que la finale obscure de LES SACTUAIRES DU MAL s’y prête. Nous verrons…

Suggestion de lecture : PANDEMIA de Frank Thilliez

Terry Goodkind est un nouveau prodige de la Fantasy américaine. En quelques mois, son cycle de L’Epée de Vérité est devenu un best-seller international. Il a réussi l’exploit de réunir tous les publics sous sa bannière. Traîtrise, aventure, intrigue, amour, tous les ingrédients sont réunis dans ce cycle pour en faire la plus grande fresque de Fantasy depuis Tolkien.

Né en 1948 à Omaha, Nebraska, Goodkind a d’abord intégré une école d’art de la ville pour se spécialiser dans la représentation de la faune et de la flore pour enfin s’intéresser à la restauration d’artéfacts rares du monde entier. Puis il écrira encore et encore en commençant par LA PREMIÈRE LEÇON DU SORCIER en onze tomes.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 31 juillet 2022

LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, d’Anne Robillard

TOME 1
LE FEU DANS LE CIEL

*Ces magnifiques soldats devinrent les premiers Chevaliers
d’Émeraude et ils repoussèrent finalement l’envahisseur
dans l’océan d’où il était venu. *

(Extrait : LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, tome 1 LE FEU DANS
LE CIEL, Anne Robillard, 3e édition, De Mortagne, éditeur, 2004,
275 pages. Version audio : Audible studio éditeur, 2018. Narrateur :
Raymond Desmarteau, durée d’écoute : 8 heures 14 minutes)

Apprenant que l’Empereur Noir s’apprête à envahir le continent de nouveau, le Roi d’Émeraude, soucieux de Enkidiev, ressuscite un ancien ordre de chevalerie. Choisis pour leurs dons particuliers, les nouveaux Chevaliers d’Émeraude, dotés de pouvoirs magiques sont au nombre de sept: six hommes et une femme. Au moment où les compagnons d’armes se disent prêts à combattre, la Reine de Shola demande audience à Émeraude et lui confie Kira, alors âgée de deux ans.

Ce jour-là, Wellan, le grand chef des Chevaliers, devient amoureux de la reine. Malheureusement, le Royaume de Shola subira les attaques féroces des dragons de l’Empereur Noir, et tous les Sholiens, y compris la reine, seront massacrés. Le cœur brisé, Wellan devra organiser la défense d’Enkidiev  et repousser les forces du Mal… 

La genèse de la chevalerie
D’Émeraude
*Hommes, femmes et enfants périrent sous les lances
des guerriers et les crocs de leurs redoutables dragons.
Et les dieux eux-mêmes durent intervenir pour que les
humains ne soient pas rayés de la surface de la terre. *
(Extrait)

LE FEU DANS LE CIEL est le premier tome d’une série de 12. Il jette les bases d’une extraordinaire épopée de fantasy, LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, une série que j’ai dévorée et qui s’est taillée une place plus qu’honorable dans la francophonie internationale.

LE FEU DANS LE CIEL est facile à lire. Son fil conducteur est simple et solide. Les personnages sont attachants. L’écriture est fluide. L’auteure met en place efficacement les éléments d’un univers intriguant avec son code d’honneur, sa magie et la lutte sans merci du bien contre le mal.

Il est important de bien saisir le premier tome pour une compréhension optimale de la trame de la série. L’auteure a fait  le nécessaire pour que ce premier opus soit facile et agréable à lire. Voyons voir comment débute la saga.

Pressentant un danger potentiel d’attaque et d’invasion de son royaume d’Enkidiev, le roi suzerain Émeraude 1er décide de faire revivre l’ancien ordre de la Chevalerie d’émeraude (disparue il y a très longtemps parce qu’elle s’est détournée de son but au profit du pouvoir et des richesses) sur de nouvelles bases avec un code d’honneur et de discipline et l’objectif prioritaire de protéger tout le continent d’Enkidiev.

Il semble que les évènements donneront raison à Émeraude 1er. L’apparition d’une mystérieuse boule de feu coïncide avec l’arrivée à la cour du roi d’un mystérieux bébé violet. Une petite fille aux oreilles pointues. Or son père, l’empereur noir Amecareth recherche sa fille et est prêt à virer le royaume sans dessus-dessous et tuer tout le monde au besoin.

Les premiers Chevaliers du nouvel Ordre d’Émeraude reçoivent donc leur première mission : parcourir tout le continent et avertir tous les rois vassaux de la menace qui pèse sur leur royaume. C’est le cœur de ce premier volet de la saga et le fil conducteur qui s’enrichit toutefois d’un élément capital : le sort de la petite fille fraîchement arrivée à la cour d’Émeraude serait intimement lié au sort d’Enkidiev.

Cette petite fille fait peur et n’est pas appréciée de tous dans l’environnement du roi Émeraude. Voilà donc le contenu du tome 1. Prévenir tout le monde du danger. Vous vous doutez bien qu’on ne peut pas éviter l’inévitable. La finale dévoile juste ce qu’il faut pour ressentir la nécessité de poursuivre avec le tome 2 :  LES DRAGONS DE L’EMPEREUR NOIR.

Cette quête me rappelle, à certains égards la quête de la Communauté de l’Anneau dans LE SEIGNEUR DES ANNEAUX. Les héros doivent parcourir d’énormes distances pour préparer la défense du territoire.

Ce n’est pas un livre qui tranche par son originalité. Les bons sont très bons et les méchants aussi cruels que stupides. Il est difficile de renouveler un genre vieux comme le monde. Anne Robillard ne renouvelle pas du tout le genre et ses personnages bien qu’attachants ont des natures trop parfaites. C’est une petite tache qui contribue à rendre l’histoire simpliste.

Ayant choisi la version audio, je mentionne ici que la narration de Raymond Desmarteaux est satisfaisante mais sensiblement déclamée et ne contribue pas vraiment à rendre le récit crédible. Le livre possède toutefois des forces indéniables. Il est accrocheur et beaucoup d’éléments nourrissent une intrigue qui s’approfondit en cours de récit. Je pense par exemple à la petite Kira. La petite fille colorée qui fait peur à tout le monde sauf au roi.

Je pense aussi à la tournée des royaumes d’Enkidiev. On est fixé dès le départ sur les mentalités de chaque royaume et sur la trempe de leur roi. Très utile à savoir pour la suite des évènements. Je sais que les avis sont un peu mitigés sur ce premier volet mais l’écriture d’Anne Robillard a quelque chose de magnétique, d’agrippant et au final d’irrésistible. Elle a séduit le lectorat. Les adolescents en particulier.

Ce n’est pas pour rien que les exemplaires de LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE se sont vendus par millions. Dans un rapport de forces et de faiblesses, le premier opus de la saga sort gagnant, signé par une des auteures les plus prolifiques de la francophonie.

Suggestion de lecture, de la même autrice : A.N.G.E 1 ANTICHRISTUS

Née le 9 février 1955, à Longueuil, au Québec, Anne Robillard a grandi dans la magie des arts de la scène. Le fantastique et la fantaisie ont toujours fait partie de ses écrits. Le premier tome des Chevaliers d’Émeraude a vu le jour le 15 octobre 2002 et a été complétée en 2008. La série compte 12 tomes et s’est vendue à plus de 3 000 000 exemplaires au Québec et en France.

Anne a reçu le Grand Prix littéraire Archambault en 2006 pour le cinquième tome des Chevaliers d’Émeraude et le Prix des lecteurs du Salon du livre de Trois-Rivières en avril 2007. La saga des Chevaliers d’Émeraude a été suivie en 2010 par Les Héritiers d’Enkidiev. En 2006, Anne a publié Qui est Terra Wilder ? 

suivi en 2010 du Capitaine Wilder, racontant la suite des aventures de cet homme au passé arthurien. En 2007, elle offrait la série A.N.G.E., en 10 tomes, qui raconte les sept années des Tribulations précédant la fin du monde. 

LA SÉRIE

Pour parcourir la collection LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, cliquez ici

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi  juillet 2022

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE, Mickaël Druart

*…vous avez compris que chaque vie est un musée
qui dort en nous et réunit des pierres précieuses.
Chaque évènement, aussi insignifiant puisse-t-il être
constitue notre vie et en fait une grande œuvre.*
(Extrait : LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE,
Mickaël Druart, litl’book éditeur, 2018, format numérique,
et papier, 222 pages)

« Mortelles, Mortels, Peu avenante, la Grande Faucheuse jouit, depuis la nuit des temps, d’une réputation qui ternit, bien injustement, l’énergie d’hommes et de femmes qui s’évertuent, sans relâche, à prodiguer fauchages et agonies de qualité. Aussi, je vous prie de bien vouloir prendre connaissance, au travers du recueil qui suit, de leur quotidien, et des rencontres et péripéties qui le parsèment. Bien à vous, Josiane Smith, Secrétariat de la Grande faucheuse. P.S. : Pardonnez le sentimentalisme de ma secrétaire. Ce livre c’est mon best of, point barre. Vénérez-moi. Sa macabre majesté, La Grande Faucheuse. »

La mort qui narre
*Vous, mortels, qui aurez ce livre entre les amis :
il ne sera à vos yeux que l’invention d’un auteur
dont le nom n’aura été créé que pour couvrir mes
arrières. Peut-être, néanmoins, quelques puissent
être vos croyances, vous reconnaîtrez-vous dans
les pages noircies que je vous offre. *
(Extrait)

LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE est un enchaînement de 20 nouvelles pouvant se lire indépendamment mais l’ensemble est présenté sous forme de journal, avec comme thème central la mort, représentée dans l’imaginaire nord-américain par la faucheuse.

Selon wikipédia, Dans le folklore occidental moderne, la Mort est généralement représentée comme un squelette portant une robe, une toge noire avec capuche, et éventuellement avec une grande faux. La Mort est alors connue sous le nom de « la Grande Faucheuse » ou tout simplement « la Faucheuse ». Au thème de la mort s’ajoute un sous-thème non-négligeable : la transition vers l’après-vie qui suit la rencontre avec la faucheuse.

Ici, la mort est présentée comme une nécessité de la vie, un passage et surtout une institution avec son Président-directeur général : La grande Faucheuse, ses employés : les Faucheurs et Faucheuses, son bras droit Josianne, le classique des secrétaires indispensables et femme de l’ombre, un personnage récurrent dans tous les textes du livre.

Ce livre a été pour moi un véritable coup de cœur car il est porteur d’émotion, de tendresse et de délicatesse. Aucune violence ni approche négative. La mort n’y est pas présentée comme une finalité mais un passage qui donne tout son sens à la vie.

Il y a aussi une petite touche d’humour. Elle concerne dans la plus part des cas une dualité cocasse entre la Grande Faucheuse qui connait tout et Josianne qui ne connait rien et que le patron considère un peu comme une fainéante…elle qui est partout. Ce n’est pas méchant. En fait, il n’y a rien de méchant ou de négatif dans ce recueil. J’ai été touché et subjugué par la profondeur des textes. Chaque récit est une découverte.

Le thème est développé de façon décontractée, avec philosophie. Si la mort est démystifiée, la vie elle, est mise en valeur avec finesse subtilité et beaucoup d’imagination.

Une de mes nouvelles préférées raconte l’histoire de Clara White, capitaine d’un navire en perdition qui prend sous son aile un jeune garçon qu’elle appellera Elliot.

Pris dans une terrible tempête et sur le point de sombrer, le navire se met en marge du temps qui semble vouloir se figer pour permettre un dialogue. *-Je sais que notre mort prochaine et le miracle qui nous fait face doivent être mis de côté pour quelque chose de plus important. Alors, au travers du vent, je m’adresse dans un hurlement à la Capitaine médusée par la vague immobile. –Racontez-moi votre histoire ! * (Extrait)

J’ai compris alors que le jeune garçon n’était pas Elliot. Que pour mettre en perspective le meilleur d’une vie, la mort a besoin d’être touchée par elle. Au cours des récits, la mort prend différents aspects. J’ai trouvé intéressante la nouvelle sur le Tribunal des Morts. Chaque texte a un caractère particulier et dans tous les cas, l’auteur m’a accroché. Le livre n’est pas moralisateur mais il pousse doucement à réfléchir sur sa propre vie.

Chaque texte dégage comme une aura. J’ai trouvé tous les personnages attachants. Même la Faucheuse m’a semblé sympathique malgré ses airs de *je sais tout* prétentieux. Avec Josianne, la Faucheuse a donné à l’ensemble du recueil une agréable légèreté. Bien sûr, la mort reste un sujet grave mais la plume de Druart est tellement addictive qu’elle nous pousse à prendre cette nécessité avec philosophie.

Je trouverais même séduisante l’idée de rencontrer la Faucheuse à mon dernier moment pour jaser un peu et philosopher avec elle comme l’ont fait Clara White et Elliot dans la nouvelle intitulée LA FABULEUSE HISTOIRE DU PHÉNIX.

Il est rare que de dis ça d’un livre qui traitre de la mort, mais LES CHRONIQUES DE LA FAUCHEUSE m’ont fait du bien.

Suggestion de lecture : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE d’Annie Bacon

PROPOS AUTOBIOGRAPHIQUES DE L’AUTEUR
Professionnel de la petite histoire sur le coin d’une feuille, de la bonne idée nocturne oubliée au réveil, et des punchlines qui ne font rire que moi, je publie (malgré tout) mon premier livre aux Editions Boz’dodor en 2017. Aidé d’influences littéraires, cinématographiques et musicales, je crée depuis l’âge de sept ans des petites histoires qui ont conduit, à partir de seize ans, à la création de mes premiers romans.

Adepte des forums d’écriture, je finis néanmoins par m’essayer au format, plus adapté, de la nouvelle. Ainsi naissent les histoires d’une Grande Faucheuse cynique, de sa secrétaire, et du monde où se côtoient les âmes de défunts hauts en couleurs. Bref, les autobiographies, c’est pas mon truc.
Pardon pour tout. (Amazon)

Suggestion de lecture : LA MORT HEUREUSE de Hans Küng

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 24 juillet 2022

MENVATTS, IMMORTEL, de Dominic Bellavance

*…elle avait appris à se défendre, et bien sûr, à tuer de manière rapide et efficace, selon les méthodes des Clowns Vengeurs. Inspirée par les textes sacrés, elle avait appris à agir par empathie, pour servir les gens qui voulaient obtenir une vengeance salutaire, contrairement à Tristo qui, lui, tuait pour les plaisirs de la domination… *

(Extrait du Collectif MENVATTS, IMMORTEL par Dominic Bellavance,
AdA éditeur, collection Corbeau, 2019. Édition de papier, 310 pages)

Olivia Jills au laboratoire Anima  mène un projet de recherche illégal. Le produit qu’elle développe : l’Afamort, une pastille qui permettrait aux personnes fraîchement décédées de revenir à la vie. Les arcurides mettront tout en oeuvre pour s’approprier cette promesse d’immortalité. Mais encore doivent-ils s’assurer que l’Afamort fonctionne vraiment. Pour en avoir le coeur net, ils mèneront leur propre expérience.

Le retour des Clowns Vengeurs
*La mâchoire s’ouvrit. Un nouveau hurlement en jaillit dans un
tourbillon de flammes. C’était une fournaise, un portail vers
l’enfer. Sardomax, au bord du gouffre, en proie à la plus abjecte
terreur et mû par l’énergie du désespoir, se débattait comme un
forcené devant lui s’incarnait la mort dans toute son horreur. *
(Extrait)

Voici un petit livre fascinant issu du cœur d’une série de dix tomes écrits par huit auteurs différents. Dans MENVATTS IMMORTELS, Dominic Bellavance décrit un monde qui pourrait bien être le nôtre, dans un avenir indéterminable. Nous plongeons dans une société complexe, glauque, froide et violente. Malheureusement, le gouvernement légitime se soucie très peu du bien-être de sa population.

En matière d’évolution, la société fait du sur-place. Toutefois la drogue de manque pas ainsi que les armes. Pour l’un et pour l’autre, l’auteure  donne au lecteur et à la lectrice une idée plutôt terrifiante de l’avenir. Dans cette société hégémonique, un ordre d’assassins, les Odi-Menvatts aussi appelés les Clowns-vengeurs se dressent contre le gouvernement légitime : attentats, meurtre, intimidation…

Le gouvernement oppose aux Clowns-vengeurs ses arcurides, des agents policiers-militaires surentraînés, suréquipés et surarmés. Au cœur de cet affrontement une scientifique développe l’AFAMORT, une pastille de cauchemar qui permet à une personne fraîchement décédée de revenir à la vie avec une remontée dans le temps de trois minutes.  Les Arcurides veulent l’Afamort à tout prix.

La grande force de cette histoire, c’est les trouvailles qu’on y fait. À cet effet, J’ai compris que l’auteur, a carburé au super : des armes qui imposent la peur comme des démembreurs, qui portent très bien leur nom, des ligoteurs magnétiques, des vaisseaux qui rappellent les heures de gloire d’AVATAR, des armements de masse dévastateurs.

Mais le plus grand défi de ce récit est de comprendre la nature et les effets de l’Afamort, un composé chimique étrange qui chevauche la science et la théologie. Ses effets sont très particuliers : si on expose la substance à des flammes nues, elle explose et gèle tout dans un rayon d’un kilomètre avec la force d’une bombe à hydrogène. Dans l’environnement buccal par contre, elle se désintégrait sans dommage en quelques secondes.

Cet effet est impossible à reproduire sur un animal, ce qui laisse supposer que l’âme a un rôle à jouer dans la réaction. Aussi incroyable, quiconque mourrait dans l’heure suivant la consommation de l’Afamort, remontait le temps de quelques minutes, en emportant avec lui tous ses souvenirs…un phénomène qui ouvrait la porte aux paradoxes spatio-temporels . L’Afamort est au cœur de l’histoire et lui en attribue une certaine originalité.

Dans Menvatts, il y a une séquence intrigante qui me rappelle le film du réalisateur Harold Ramis : UN JOUR SANS FIN (1993) Essayez de vous imaginer le cercle infernal du héros condamné à revivre sans cesse des journées identiques mais différentes et dont il se souvient. Cette première journée est exploitée jusqu’à ce que l’univers adéquat soit atteint et permette au héros de poursuivre.

Nous avons quelque chose de très semblable dans le livre qui nous intéresse aujourd’hui sauf que les scénarios liés à l’Afamord sont d’une innommable violence. D’ailleurs, tout dans le livre est violence, traîtrise, vengeance avec toujours cette insatiable recherche de pouvoir.

Malgré un fil conducteur instable, ce livre se lit vite et bien. Les chapitres sont courts, l’ouvrage est bien ventilé, La principale faiblesse réside dans les personnages peu travaillés En fait, ils sont plutôt froids, quoique compatibles avec cette histoire où la vie a peu de valeur. Je ne crois pas que ce soit une histoire dont je vais me rappeler mais son côté accessoire m’a impressionné. 

Suggestion de lecture : LE GOÛT DE L’IMMORTALITÉ de Catherine Dufour

Après avoir écrit des romans contemporains à saveur humoristique chez Coups de tête, Dominic a contribué à la collection « Les clowns vengeurs » en publiant LES LIMBES DES IMMORTELS et LA PATIENCE DES IMMORTELS, deux romans de science-fiction dystopiques, aux éditions Porte-Bonheur. Il a fait paraître LES DERNIERS JOURS, la première de la série LE SILENCE DES SEPT NUITS, aux Éditions ADA en 2018.Dominic a obtenu un baccalauréat multidisciplinaire en création littéraire, en littérature québécoise et en rédaction professionnelle à l’Université Laval. 

Quelques livres de la collection LE CLOWN VENGEUR

Livres de la collection MENVATTS


(À gauche) Deux regards sur l’éternité (Au centre) Héritage maudit (À droite) Allégeances

 

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 23 juillet 2022

 

AU NOM DE TOUS LES MIENS, le livre de Martin Gray

*J’ai traversé le temps où l’envie de mourir était ma seule amie.
J’ai traversé le temps où la seule question était « Pourquoi,
 pourquoi moi ? Pourquoi deux fois les miens, n’avais-je pas assez
 payé mon tribut aux hommes, au destin ? Pourquoi ? »Je parle :
 je dis le récit de ma vie pour comprendre cet enchaînement de folie,
 de hasards, ces malheurs m’écrasant…*
(Extrait : AU NOM DE TOUS LES MIENS, Martin Gray, Robert Laffont
éditeur, 1971, réed. 2013, 410 pages. Version audio : Lizzie éditeur, 2018
Durée d’écoute : 14 heures 22. Narrateurs : Eric H. Macarel et Max Gallo)

De la guerre, le petit Martin connaîtra tout : les privations, les humiliations, la peur durant le temps passé au ghetto de Varsovie, l’horreur absolue des camps nazis à Treblinka, la fureur de vivre quand il s’en échappera, caché sous un camion, le suprême courage quand il apprendra qu’il a perdu tous les siens…Et puisqu’il faut bien vivre, il s’engagera ensuite dans l’armée Rouge, puis partira aux États-Unis… Enfin la paix reviendra. Martin reconstruit alors sa vie. C’est dans le sud de la France, par une journée d’été éclatante, que le destin le blessera à nouveau – à mort – en décimant ceux qui lui sont le plus chers.

Témoin de la négation
*Mon brassard était dans la poche. Le tramway filait vers
l’ouest de Varsovie. Bien sûr, j’étais en danger de mort,
mais j’étais libre. Parce que j’avais violé leur règlement.
S’il me tuait, il me tuerait libre. Et cela changeait tout.*
(Extrait)

Ce livre a été pour moi un traitement de choc. C’est un récit autobiographique qui secoue l’intérieur, essore les émotions et marque l’âme comme pour le tatouer. C’est en lisant un témoignage comme celui de Martin Gray qu’on est appelé à se demander sincèrement comment les choses en sont arrivées là.

Comment un peuple a-t-il pu basculer son destin dans la folie eugénique d’un tordu dégénéré, condamnant à une mort atroce plus de six millions d’êtres humains. C’est un livre dur, violent, dérangeant mais il a sa place dans l’histoire lui aussi.

Voici le parcours de Martin. Il a 17 ans quand la Pologne capitule et assiste, impuissant, à l’érection d’un ghetto qui isolera les juifs en attendant la solution finale concoctée par Hitler. La mort sera partout mais elle fuira Martin car son destin est d’être témoin. Au début, il est Martin Gray, puis il adoptera un surnom pour chaque revirement de son destin : il deviendra Mietek (son vrai prénom), et fera preuve d’une incroyable imagination pour survivre.

Puis, lorsqu’il sera recruté par l’armée russe, il deviendra Micha et il ne caressera qu’un seul rêve : envahir Berlin et exercer sa vengeance. Enfin, après la guerre, il deviendra Mentele, homme d’affaires prospère, soucieux d’aider son peuple à se relever et sur qui pourtant le drame s’abattra à nouveau.

Au moment où Grey évoque le brassard imposé aux juifs par les SS, j’ai compris que je devenais addict de cette prenante lecture : *Depuis la fin novembre, il me faudrait porter au bras un brassard blanc avec une étoile de David bleue d’au moins trois centimètres de hauteur. Un brassard qui veut dire homme à voler, à battre, à tuer. * (Extrait)  Martin Grey fut témoin d’une vérité qu’il a livré dans toute sa crudité.

Je me doute un peu que Max Gallo a pu faire un peu d’enrobage mais aux yeux de l’histoire, aux yeux du monde. Martin Gray fut un témoin précieux des atrocités qui ont mutilé son peuple…des atrocités avérées par le procès de Nuremberg. Il y a aussi quelques redondances dans le livre. Mais c’est inévitable, la mort est partout et pourtant le récit de Gray est un hommage, un hymne à la vie et à l’amour.

On ne peut pas critiquer un livre comme celui-là, on ne peut que le lire avec une nécessaire ouverture du coeur sur une des taches les plus sombre de l’histoire. C’est une histoire violente, alimentée par le sadisme, la torture physique et psychologique…la lecture pourrait être éprouvante pour beaucoup de lecteurs et de lectrices.

Mais il n’y a pas de mots pour décrire la leçon de courage, d’humanité et d’amour que nous enseigne Martin Gray. C’est un livre qui interpelle et qui me crie…N’oublie pas…n’oublie jamais.

*C’est l’ombre pâle d’un père qui mourut en nous nommant
c’est une sœur, c’est un frère qui nous devance un moment
tous ceux enfin dont la vie un jour ou l’autre ravie,
emporte une part de nous murmurent sous la pierre
vous qui voyez la lumière de nous vous souvenez vous? *

(PENSÉES DES MORTS, Georges Brassens, d’après Alphonse de Lamartine,
1969)

Suggestion de lecture : LA CHANCE DU DIABLE, de Ian Kershaw

Mieczysław Grajewski ou Mietek Grajewski, connu sous le pseudonyme Martin Gray (1922-2016) est un écrivain franco-américain, d’origine juive polonaise, né à Varsovie. Il est d’abord connu pour son livre  Au nom de tous les miens (1971).

Gray y fait le récit d’une partie de sa vie et notamment le drame d’avoir perdu à deux reprises toute sa famille, d’abord dans les camps d’extermination nazis, puis dans l’incendie de sa maison dans le Sud de la France. Rédigé par le journaliste Max Gallo, ce livre a été réputé mêler fiction et réalité. Ce témoignage est par conséquent sujet à controverse. 

Martin Gray au cinéma

Michael York incarne Martin Gray

Réalisé et sorti en 1985, AU NOM  DE TOUS LES MIENS est un film réalisé par Robert Enrico avec Michael York, Jacques Penot, Brigitte Fossey et Macha Méril.

Ce film est une adaptation de l’autobiographie de Martin Gray, à laquelle a collaboré Max Gallo: « Au nom de tous les miens ». A partir du 7 Février 1985, cette adaptation est passée à la télévision française, en version nettement plus longue, sous la forme d’une série 8 épisodes de 52 mn chacun. En 1985, Maurice Jarre a remporté le 7 d’Or de la meilleure musique.

Bonne lecture
Bonne écoute
le dimanche 26 juin 2022

 

Les chroniques d’une mère indigne, Caroline Allard

Livres 1 et 2

*Les chroniques rassemblées dans ce livre se divisent en deux catégories. Premièrement, il y a les situations dans lesquelles nous pouvons rire de nos enfants en général. Et, deuxièmement, il y a les situations lors desquelles j’ai moi-même ri de mes enfants en particulier.

Oui, du vécu ! Des trippes ! De la réalité authentique ! Que voulez-vous, ça vend de la copie et l’éditeur m’y a forcée. Ah, j’allais oublier : je ris aussi beaucoup des papas dans ce livre, mais chut ! ne leur en parlez pas. *

(Extrait, LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE, tome 1, Caroline Allard, Les Éditions du Septentrion, 2012, total des deux tomes en édition numérique : 280 pages)

***

Changer des couches quinze fois par jour encouragerait les pensées impures? On pourrait le croire en lisant les aventures et les réflexions d’une mère de famille qui, après sept mois de congé de maternité, s’est soudainement révélée à elle-même et à la communauté virtuelle comme étant irréversiblement une mère indigne.

Depuis mars 2006, elle développe tous les aspects cachés, et parfois tabous, de la maternité: des pièges que recèle la préparation des fêtes d’anniversaire pour enfants au cauchemar d’endormir un bébé qui a la volonté plus arrêtée qu’un dictateur, en passant par les dessous nauséabonds de l’accouchement, rien ne leur est épargné.

Les Chroniques d’une mère indigne souhaitent démontrer aux parents qu’il est parfois bon de rire de la vie familiale et même de leurs enfants.

Un vent d’irrévérence
*Puis prendre un enfant par la main, comme disait
Yves Duteil, c’est tellement émouvant… Remarquez,
on pourrait aussi changer les paroles pour :
Prendre un enfant par le bras pour le sortir du IGA
s’il pète une crise devant le rack à bonbons
et qu’il prend ses parents pour des cons
…mais bon, on y reviendra sûrement… *
(Extrait LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE 2)

Voici un livre assez divertissant dont l’auteure est une maman qui, au sixième mois de son congé de maternité se déclare Mère indigne, titre qui s’étend au papa et à la fille aînée dont les hormones semblent vouloir se réveiller assez tôt. Mère indigne utilise donc un blog afin d’étendre ses observations, expériences, remarques, exemples, annotations et réflexions à connotation souvent sexuelles et exprimées dans un langage à peine ganté :

*Écoute mon petit poussin. Moi j’ai des bébés qui sont passés par là. Deux. La madame, elle sait ce que c’est, avoir du gros trafic sur l’autoroute. C’est pas deux baguettes, aussi magiques soient-elles, qui vont épater une parturiente expérimentée. * (Extrait)

Langage direct mais relativement élégant. Ça donne une suite de deux petits volumes qui jettent un regard fou mais sans méchanceté sur le quotidien d’une maman. Ça n’a rien d’un récit à haute teneur sociologique mais ça pourrait vous faire sourire grâce à une plume légère et fluide empreinte d’une petite philosophie bon marché et beaucoup d’humour :

*Parce que Bébé, quand nous sommes à vélo se fait un malin plaisir de tirer sur l’élastique de mon short ET de ma culotte, de se pencher sur le résultat et de s’écrier : Ooooh, gô caca maman ! * (Extrait)

*Bébé lui, porte en permanence un filet de morve au nez, d’un vert qui n’a jamais été tendance. Il rechigne et produit encore plus de morve. * (Extrait)

Bien sûr le quotidien d’une maman ne se limite pas à la morve, au caca et à la bave. L’expérience s’étend bien au-delà de ces gluantes considérations. Il y a par exemple, les moments où maman a chaud : *Je suis tellement hot aujourd’hui que, si je mange de la soupe, c’est elle qui va se brûler. * (Extrait)

Autre exemple, peut être encore plus significatif…ces petits épisodes du quotidien où le silence parle vraiment très fort :
*Chéri, est-ce que tu fais une bêtise ?
<Oui. >
<Qu’est-ce que tu fais exactement ? >
 <Je ne veux pas te le dire. >

Pour faire court, je dirai que Caroline Allard fait une tournée assez exhaustive des émotions maternelles sous le couvert de l’humour…humour qui confine parfois au burlesque. J’ai trouvé que ça fait réaliste et authentique.

Nous avons donc une petite suite bourrée de moments cocasses et dans laquelle la maternité, loin d’être idéalisée comme on le constate souvent, est présentée comme une expérience de vie qui a ses hauts et ses bas. La marque indélébile le l’auteur : humour, irrévérence, auto-dérision, insolence. Tout le monde s’y retrouve, même le papa que je suis. Ça se lit vite et bien mais ça finit par s’oublier.

Les deux volumes, qui n’auraient plus faire qu’un, souffrent d’un peu de redondance et d’un soupçon de nombrilisme. L’humour y est calculé. Moi je préfère la spontanéité. Même raisonnement pour l’écriture. La plume met l’accent sur la dérision mise en perspective par un langage un peu précieux dans les circonstances. C’est un peu difficile d’y adhérer.

Mais allez savoir pourquoi, les chroniques ont un petit côté attachant et m’on fait l’effet d’un bon divertissement…avec un peu de mordant…

Suggestion de lecture : LES CHRONIQUES DE HALLOW, de Marika Gallman

Caroline Allard est une écrivaine et scénariste québécoise née en 1971 à Saint-Roch-de-l’Achigan dans la région de Lanaudière. Elle est l’auteure de LES CHRONIQUES D’UNE MÈRE INDIGNE. Ces chroniques ont commencé par un blog puis sont devenues un roman, publié en deux tomes et enfin une série Web sur la maternité et la vie de famille.

Carole Allard a aussi publié UNIVERSEL COIFFURE en 2012, un roman humoristique et LA REINE ET-QUE-ÇA-SAUTE, un roman jeunesse. En 2013, elle signe le scénario de l’album de bande dessinée LES CHRONIQUES D’UNE FILLE INDIGNE.

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 25 juin 2022

NE TE RÉVEILLE PAS, livre de LIZ LAWLER

*Un vague souvenir refit surface : elle avançait en
trébuchant…poitrine en avant, ventre rentré, histoire
de mettre sa silhouette en valeur dans sa nouvelle
robe. Et ensuite, un vertige, ses jambes qui se
dérobaient sous elle et ses genoux qui heurtaient le
sol…une pression sur sa bouche, plus d’air, un
haut-le-cœur et puis…plus rien.
*
(Extrait : NE TE RÉVEILLE PAS, Liz Lawler, City éditeur,
2018. Édition de papier, 358 pages)

Quand Alex se réveille, elle est nue, attachée sur une table médicale. Tout semble prêt pour l’opérer mais… la jeune femme est en parfaite santé, elle n’a aucune raison d’être là ! Et l’homme qui manipule les bistouris à ses côtés n’est pas chirurgien. La terreur envahit Alex, juste avant qu’elle ne perde conscience.  Quand elle reprend ses esprits, elle se voit indemne, sans blessure apparente. Dans son entourage, personne ne croit qu’elle a été séquestrée ou violée. On l’accuse de paranoïa, d’affabulation. Ravagée par  ces accusations, la jeune femme est décidée à découvrir ce qui lui est réellement arrivé. À n’importe quel prix…

Le piège de la parano
*…Alex Taylor devenait inquiétante. Son comportement…
avait conforté Laura dans sa conviction que cette
fille souffrait d’une maladie mentale. Comment était-
il d’ailleurs possible qu’on l’autorise encore à exercer ?
Mais ce n’était plus qu’une question de temps avant sa
radiation.  
(Extrait)

À partir des évènements cités dans la présentation (ci-haut) plus rien ne tournera à la faveur de la docteure Alex Taylor à qui la vie fera passer un mauvais quart d’heure. Non seulement personne ne la croit mais plusieurs pensent qu’elle est paranoïaque. 

Alex sera aussi soupçonnée suite à une série de graves évènements : sa présence lors de la mort d’Amy Abbott et de Lilian Armstrong, sa présence lorsqu’une erreur de médicament à deux doigts d’être fatale avait été commise. Sans compter la mort de Fionna Woods qui était la meilleure amie d’Alex. Pour Alex, le pire est de n’être crue d’à peu près personne.

Deux autres éléments vont venir se rajouter pour alimenter l’intrigue. D’abord, plusieurs personnes soupçonnaient Alex Taylor de réunir plusieurs symptômes du syndrome de Münchhausen, une pathologie psychologique  caractérisée par un besoin de simuler une maladie dans le but d’attirer l’attention, la compassion.

Deuxième élément, la participation d’un personnage appelé Oliver Ryan, un acteur de cinéma qui avait reçu l’autorisation de suivre le corps médical de l’hôpital où travaillait Alex Taylor, dans le but de camper le mieux possible un personnage médical dans un futur film. Pour le malheur d’Alex, Oliver Ryan est mort pendu. Cette mort a toutes les apparences d’un suicide mais elle est, semble-t-il, entourée de beaucoup de mystères.

Je mentionne enfin qu’Alex Taylor s’est jurée de découvrir ce qui lui est vraiment arrivée et le temps presse, parce que sa vie part complètement à la dérive. La question est : se fait-elle des accroire ?

Le moins que je puisse dire est que l’auteure Liz Lawler a réussi à me mystifier. J’étais tantôt convaincu qu’Alex Taylor disait vrai et était victime d’une cruelle machination, tantôt je croyais que la docteure inventait toute son histoire et se laissait aller à d’horribles crimes. Je me promenai ainsi d’un camp à l’autre jusqu’à ce qu’un policier, un cran plus perspicace que les autres, considère que quelque chose cloche.

C’est le petit côté prévisible de ce genre d’histoire. Il y a quelque part un petit Colombo en puissance qui voudra scruter le côté B de la médaille. Mais cette curiosité, Greg l’a poussée un peu tard. Le lecteur est maintenu longtemps dans une zone grise mêlant adroitement le tort et la raison, d’autant que la pauvre Alex était portée sur la bouteille depuis son premier enlèvement (il y en aura un autre). Au bout du compte, il y avait plus de contre que de pour. 

C’est une intrigue efficace. Elle m’a tenu en haleine. L’écriture est directe. Je n’ai pas décelé beaucoup de longueurs. On entre assez vite dans l’histoire. Je m’attendais à voir des policiers s’épancher sur leurs états d’âme comme ça arrive souvent mais l’auteure s’est abstenue, l’intrigue ayant pu ainsi maintenir toute sa force jusqu’à la fin. Même qu’une policière très portée sur l’avancement s’est fait remettre à sa place et ça m’a plu. 

Dans l’ensemble, les personnages sont plutôt froids. Il est difficile de s’y attacher. Ce qui explique en partie pourquoi il est si difficile de départager le tort et la raison chez Alex. On doit s’en tenir à l’opiniâtreté d’un personnage : *Son unique espoir désormais reposait sur Greg Turner, un homme bien et doué pour déceler les mensonges…* (Extrait)

Je ne veux pas vous mystifier à mon tour mais est-on certain que Turner apprendra la vérité et si oui, en faveur de qui penchera-t-elle? Bien écrit ! Bien rendu ! NE TE RÉVEILLE PAS est un thriller très recommandable.

Suggestion de lecture : CETTE NUIT-LÀ, de Linwood Barclay


Après avoir été infirmière et responsable d’un hôtel de luxe, Liz Lawler se consacre aujourd’hui à l’écriture. Ce premier roman l’a consacrée comme nouvelle reine du thriller psychologique britannique. Numéro un des ventes, ce roman palpitant est en cours de traduction dans une dizaine de langues.

 

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 19 juin 2022

OMS EN SÉRIE, le livre conquête de Stefan Wul

*Quand une civilisation atteint son point de perfection,
elle devient une gigantesque machine, incapable de
progrès, et dont tous les membres ne sont plus que des
des rouages sans pensée*
(Extrait : Oms EN SÉRIE, Stefan Wul,  publié à l’origine en
1957 chez Fleuve Noir, rééd. Gallimard, 2000. Version
audio : Audible studio éditeur, 2018, durée d’écoute : 4
heures 16. Narrateur : Laurent Jacquet)

Les survivants du grand cataclysme ont été recueillis par les Draags, géants bleus aux yeux rouges, qui les ont emmenés sur leur planète. Asservis, domestiqués ils sont devenus des Oms, véritables animaux de compagnie au service de leurs nouveaux maîtres. Mais peu à peu, menés par le jeune Terr, petit Om d’une intelligence supérieure, ils retrouveront le goût de la liberté et affirmeront leur humanité face aux Draags.

UNE CONQUÊTE HÉROÏQUE

*Dans la ville des Hauts-Plateaux, loin de chanter
victoire, on attendait anxieusement la réponse
des Draags. Les Oms étaient épuisés par une
longue nuit de combats où cependant, la plupart
n’avait rien fait d’autre que de rester couché avec
des aiguilles dans les membres pour donner du
courant à l’émetteur.
(Extrait)

Ce roman de Stefan Wul repose sur une idée originale. De pauvres humains en perdition sauvés in-extremis par des extra-terrestres. Les Draags emmènent les humains sur leur planète. Dès lors, les humains appelés OMS sont considérés par les Draggs comme des animaux de compagnie, peu intelligents, dégénérés et asservis.

L’histoire débute sur un évènement : la naissance d’un bébé Om qui sera appelé Terr, en référence aux qualificatifs *terrible*. Terr grandit en développant une intelligence hors du commun, prend conscience de l’état de son peuple en faisant germer des idées de liberté et pourquoi pas d’exode. Terr transmet à ses pairs le goût de se battre mais en privilégiant le pacifisme. Il donne à son peuple une personnalité et le goût d’affirmer son humanité.

Les Draags vont s’apercevoir rapidement d’un changement majeur dans le comportement de leur *cheptel* Om : *-Je vois où vous voulez en venir…vous craignez que les Oms errants ne reconstituent leur ancienne civilisation avec tous les dangers que cette éventualité créerait pour la nôtre. Cela me parait excessif… -Écoutez bien mon cher Premier. Chacun sait que l’homme est un animal intelligent. Ce qui est grave, c’est qu’il le devient de plus en plus…* (Extrait)

Comme on l’a vu dans LA PLANÈTE DES SINGES, former des phrases équivaut à exprimer sa pensée. Wul décrit avec une remarquable adresse la montée graduelle du danger que représente une race inférieure qui ose s’exprimer et s’opposer à une société menacée par l’inertie.

C’est un roman bien imaginé, plein d’idées originales et de trouvailles et qui n’est pas sans rappeler, à des degrés divers, l’exode des juifs, sous la houlette de Moïse, Spartacus, chef charismatique qui utilisa le nombre grandissant d’esclaves de Romme comme une force militaire et politique. J’ai même reconnu sensiblement Rendell Patrick McMurphy, Héros de *VOL AU-DESSUS D’UN NID DE COUCOU.

J’ai trouvé plus qu’intéressante l’idée de Wul selon laquelle l’homme a besoin de concurrence, de compétition avec une autre civilisation pour éviter la stagnation et se stimuler sur le plan intellectuel et technologique.

Cette idée appelle à la reconnaissance mutuelle entre les Oms et les Draags et évoque une certaine symbiose sociale. Pour certains, ça peut sembler naïf. Pour moi, c’est le triomphe d’une plume débordant d’imagination. Un récit haut de gamme qui a gardé toute son actualité.

Les personnages sont attachants et ça inclut les Draags qui sont aussi pacifiques. Je me suis attaché Terr dès sa naissance. La narration est un peu lente et manque sensiblement de conviction. Mais j’ai plongé tout de même dans l’écoute. L’ensemble est original. L’idée que la différence entre vivre et exister repose sur l’émulation garde ce roman résolument actuel.

C’est un roman bref, mais d’une forte densité et qui pourrait toucher différemment plusieurs générations de lecteur y compris le jeune lectorat, 9-13 ans. Le livre a été mis un peu dans l’ombre à cause du chef d’œuvre d’animation dont il est issu, PLANÈTE SAUVAGE, mais j’en recommande vivement la lecture. Il n’y a pas de temps mort dans ce roman mais la faiblesse narrative me pousse à vous recommander le bon vieux livre de papier…

Suggestion de lecture : LA DERNIÈRE DES STANFIELD, de Marc Levy

Parallèlement à son métier de chirurgien-dentiste, Pierre Pairault écrit sous le pseudonyme de Stefan Wul à partir de 1956. Il publiera onze romans entre 1956 et 1959, tous parus dans la célèbre collection « Anticipation » des éditions Fleuve noir. Stefan Wul participa également à la création des dessins de couverture de ses romans. Stefan Wul a toujours déclaré travailler sans plan ni ligne directrice, partant d’une simple idée de départ développée peu à peu au fil de l’écriture. 

Adaptation

OMS EN SÉRIE a été adapté dans un film considéré par plusieurs critiques comme un chef d’œuvre historique de l’animation. LA PLANÈTE SAUVAGE est réalisé par René Laloux, également co-scénariste et sorti en 1973. Laloux et Rolland Topor se sont inspirés librement du roman de Stefan Wul. Dans la distribution vocale, on retrouve entre autres Jennifer Drake, Éric Baugin, Jean Topart. La voix du commentateur est celle de Jean Valmont. Le film a été restauré en 2016. La Planète sauvage obtient le prix spécial du jury au festival de Cannes 1973 .

DU MÊME AUTEUR

Bonne écoute
Bonne lecture

Claude Lambert

MÉTRO 2033, livre de DMITRY GLUKHOVSKY

*Et quand ils sont arrivés à Polejaïevskaya, il n’y avait plus âme qui vive. Et de corps, il n’y en avait aucun…juste du sang, partout. Voilà. Que je sois damné si je sais qui a pu faire ça. Mais, pour moi, aucun humain n’est capable de telles atrocités.
(Extrait : MÉTRO 2033, Dmitry Glukhovsky, 2016 Librairie l’Atalante pour la version française. Le livre de poche, édition de papier, 860 pages)

En 2014, une guerre nucléaire a ravagé la Terre. En 2033, quelques dizaines de Moscovites survivent dans le métro, se dotant de diverses formes de gouvernements et croyances. Mais une menace plane à présent de l’extérieur. L’un des survivants, Artème, est alors chargé d’en avertir Polis, une communauté de stations qui préservent les derniers vestiges de la civilisation humaine.

 

HORS DU MÉTRO POINT DE SALUT
*Sa phrase fut coupée par un cri perçant. On entendait des
hurlements, des pas de course, des pleurs d’enfants et
des sifflements menaçants…il y avait du grabuge dans
la station. L’hiérophante, inquiet, se concentra sur le
bruit et se figea dans l’obscurité. *
(Extrait)

*Oppressant* : C’est le premier mot qui me vient à l’esprit pour commenter ce livre. Paradoxalement, c’est une oppression savourée. Quand je manquais d’air, je refermais le livre et j’y revenais peu après avec un plaisir renouvelé.

Pourquoi ce sentiment d’oppression ? L’explication est dans le contenu : Nous sommes en 2033, vingt années se sont écoulées depuis la catastrophe nucléaire qui a ravagé la planète, la rendant inhabitable en surface. En Russie, les rescapés se sont abrités sous terre dans le Métro de Moscou et ses différentes stations sous-terraines, socialement organisées et indépendantes.

Nous suivons Artyom, jeune homme dans la vingtaine, citoyen de la station VDNKh dont les habitants doivent faire face à une menace de créatures mystérieuses venant des profondeurs des tunnels. Des créatures appelées *LES NOIRES* à qui on prête entre autres le pouvoir de s’emparer des esprits humains et d’y semer la confusion.

*C’est la psyché qu’ils sapent, les salauds !… Le pire, c’est que t’as l’impression qu’ils s’ajustent à ta longueur d’onde. Et la fois suivante, tu les perçois encore mieux, et tu ressens une terreur décuplée. Ce n’est pas seulement de la terreur…* (Extrait)

Artyom se voit confier une mission capitale: aller chercher l’aide du dernier bastion de la civilisation, dans le réseau des stations POLIS à l’extrémité du Métropolitain. Un voyage qui entraînera Artyom d’une station à l’autre, dans les profondeurs lugubres des tunnels.

C’est le fil conducteur du roman : suivre Artyom dans son périple en se demandant s’il en sortira vivant. Le passage sur la mission d’Artyom dans la grande bibliothèque de Moscou est particulièrement brillant. Artyoum possède certains dons de perception extra-sensorielle.

Malgré la récurrence du thème, le récit m’a impressionné par son réalisme. L’histoire se déroule sous terre et si j’en suis venu à manquer d’air en cours de lecture, c’est que l’auteur a trouvé le ton juste. C’est un récit musclé dans lequel se chevauchent l’anticipation, la science-fiction, la psychologie et l’horreur, certains passages sont pour le moins saisissants.

De l’action en crescendo et des personnages fort bien travaillés et approfondis. Le bestiaire est aussi superbement imaginé et ne laisse pas indifférent. Je me suis attaché très tôt à Artyom, ce qui a grandement contribué à l’intérêt que j’ai manifesté pour l’histoire dans ses débuts. L’ensemble est original et intriguant avec entre autres l’influence du néonazisme et d’un mystérieux 4e reich.

Aussi impressionnante que puisse être cette histoire, elle comporte certaines faiblesses. D’abord c’est un pavé très long qui prend parfois l’allure d’une chronique du quotidien dans le métro. Il y a des longueurs, parfois indigestes et un peu de redondance. Le récit de 850 pages aurait pu en sacrifier 150 sans nuire à son objectif.

Deuxième point, l’histoire est dépourvue de présence féminine. Je ne comprends. pas ce choix de l’auteur. En ce qui me concerne, j’ai réalisé très vite que ça manquait. Troisièmement, un des éléments redondants de l’histoire tient au fait qu’Artyom est toujours sauvé à la dernière minute.

Ça donne à l’histoire un caractère probable et prévisible. Enfin, il aurait été intéressant de développer un peu plus sur l’organisation des stations et d’expliquer ce que le néonazisme vient faire là-dedans.

Malgré tout, l’histoire m’a emporté et c’est ce que je voulais. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est un chef d’œuvre mais l’ouvrage a quelque chose de sidérant. Je vous le recommande, mais prévoyez du temps…

Suggestion de lecture : LIVRE DE SANG, de Clive Barker

Né en 1979 à Moscou, Dmitry Glukhovsky, après des études en relations internationales à Jérusalem, a travaillé pour les chaînes Russia Today, EuroNews et Deutsche Welle. Métro 2033 a d’abord paru sur Internet avant de devenir un best-seller. Dmitru Glukhovssky est également l’auteur de Métro 2034, Sumerki (Prix Utopiales 2014, futu.re (Prix Libr’ànous 2016 et métro 2035.

La série

Bonne  lecture
Claude Lambert
le dimanche 12 juin 2022