VIES PARALLÈLES, le livre de SONIA BESSONE

*Je vais vous expliquer pourquoi je vous casse
les pieds. Parce que je ne suis pas heureuse.
J’aime mon travail mais ma vie est nulle. Je
m’accroche à un type qui préfère vivre avec
ses bières et son whisky. Et la seule chose qui
me distrait, qui me sort de cet enfer, ce sont
vos bouquins.>

(Extrait de TERENCE WILKES, une nouvelle du
recueil VIES PARALLÈLES de Sonia Bessone,
Nat éditions, 2014, versions numériques, 248p.)

La bulle humaine
*Je n’appartenais plus à personne, j’étais libre.
Un affranchi. Curieux de voir le monde, et de
choisir moi-même à qui dispenser les petits
bonheurs dont j’étais chargé. En une fumée
évanescente, je me suis enfui. Mon rêve à
moi : la liberté !*
(Extrait : VIE PARALLÈLES recueil de nouvelles)

VIES PARALLÈLES est un recueil de nouvelles dont la première, TERENCE WILKES est bâtie comme un roman et en a la longueur, occupant 80% du volume. C’est un recueil très intéressant et Terence Wilkes m’a fasciné. Malgré ses énormes succès d’auteur, Terence Wilkes abandonne l’écriture pour travailler dans la publicité. Pourquoi ? C’est simple :

*Elle n’avait pas hérité d’un frère ordinaire. Terence avait cette étrange faculté de pressentir les choses… Deviner à quel instant le téléphone sonnerait, sur quelle marche d’escalier s’arrêterait leur mère, qui frapperait à la porte…il présageait les choses et créait la vie. Malheureusement, un jour, il n’avait pas prédit que sa femme se donnerait la mort et une vie avait été détruite. * (Extrait)

Dans son deuil qui ne finit pas de finir, Terence Wilkes qui a peur de ses facultés, de ses écrits, qui angoisse sur lui-même se cherche au milieu de son petit monde. Un jour, cherchant toujours à comprendre le sens de la mort, celle de sa chère femme en particulier, Terence laisse entrer dans sa vie une fan de ses livres : Jenny, une jeune fille à la vie agitée, malmenée par son ami, macho et alcoolo.

Avec des trésors de patience et de finesse, elle se fera accepter par Terence. Est-ce qu’ensemble, ces deux égratignés de la vie pourraient aboutir à quelque chose. Ses écrits se répercutant sur la vie de ses proches, Terence aurait-il quelque chose à voir avec la mort de sa femme.

Avec un amour mutuel allant crescendo, très très graduellement, Jenny et Terrence vont apprendre ensemble à accepter leur passé et bâtir leur avenir.

Les écrits précurseurs et leur effet sur la vie réelle ne sont pas une innovation en littérature mais je me suis attaché aux personnages dès le départ. J’ai été séduit par l’intelligence et la finesse de la plume de Bessono, sa modération aussi et son humour. Elle a développé le caractère fantastique de son récit sans tomber dans le spectaculaire et le tape-à-l’œil.

Elle a dosé avec habileté rebondissements, intrigue et retournements avec une dose d’inexpliqué…de…disons surnaturel. Ce récit m’a fait vibrer. Il s’en dégage une émotion très forte. Évidemment c’est long pour une nouvelle et le récit met malheureusement un peu dans l’ombre les quatre autres nouvelles qui complètent le volume.

Ce sont quatre petits textes dans lesquels le thriller se fond dans le fantastique : LE MIROIR : quatre amis voient leur vie basculer à cause d’un miroir. DE L’AUTRE CÔTÉ DU MUR : une autre forme de réflexion sur le sens de la mort et peut-être même une raison pour laquelle on a pas à la craindre.

UN ANGE PASSE. Cette autre nouvelle est une réflexion sur la mort d’un amour et la possibilité d’une renaissance. LE FUGITIF : un être sacrifié par les Dieux et désigné pour rappeler aux hommes la grandeur de l’œuvre de l’être suprême…

J’ai toujours l’impression qu’il y a un lien entre les nouvelles. Ce n’est pas une suite, une continuité…seulement une espèce de lien comme si les nouvelles se complétaient et s’enrichissaient les unes les autres afin de remettre aux lecteurs des éléments de réflexion, ldans un style apaisant.

Enfin, un mot sur l’introduction au recueil, LA VIEILLE ROUTE. C’est un texte un peu déroutant. On pourrait presque lui faire dire ce qu’on veut. Mais ce texte m’a fait voir le recueil comme une route…avec de nombreux embranchements, mais tout en convergence. L’auteure nous prépare à longer la route…celle qui nous confronte avec la vie…tout se tient dans ce recueil qui porte vraiment bien son titre.

Le tout se lit très bien. C’est le lecteur qui est le fil conducteur. Avec la première nouvelle toutefois, j’aurais souhaité quelque chose de plus long, de mieux nourri. J’aurais préféré une meilleure exploitation du sujet pour en faire finalement un roman complet. Mais dans l’ensemble, le recueil m’a ravi.

Suggestion de lecture : L’AIGLE DE SANG, de Jean-Christophe Chaumette

Au moment d’écrire mon article, il y a peu d’informations disponibles sur Sonia Bessone. J’ai toutefois noté ce qui suit sur sa page Facebook :

Les tribulations de Sonia Bessone dans les pays lointains n’étant plus très compatibles avec ses fonctions de mère, elle s’est jetée à fond dans l’écriture. Et ses récits ont tous un petit goût « d’ailleurs » .

Nats éditions lui a attribué des fonctions de parolière pour les B.O. de livre. Une grande nouveauté pour elle, mais elle en est ravie ! Ses projets ? Quelques textes de chansons…Et peut-être libérer tout ce qui sommeille dans le disque dur de son ordi ?!!

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 31 octobre 2020

ANNA CARITAS Les damnés, PATRICK ISABELLE

*Tout à coup ça me saisit. Les sueurs froides
dans mon dos. La sensation désagréable d’être
observé…un vertige bizarre que je m’explique
toujours aussi mal. Je scrute les estrades, le
parc. Je lance un regard derrière moi…*
(Extrait : ANNA CARITAS, Patrick Isabelle, Les
éditions les Malins, 2018. éd. papier, 380 pages.)

L’été tire à sa fin et William Walker s’apprête à entamer son secondaire III au collège Anna Caritas. S’il est impatient de retrouver ses amis, et surtout de revoir l’insondable Marianne Roberts, il ne sait pas encore que la rentrée scolaire lui réserve une surprise des plus macabres… Il se passe des choses étranges à Saint-Hector : quelqu’un ou quelque chose met la ville à feu et à sang. Ses amis ont beau le supplier de ne pas s’en mêler, William a l’impression d’être au centre de ces événements terrifiants. Mais comment combattre le Mal quand celui-ci semble avoir une longueur d’avance ? Un mal qui se propage…

AU-DELÀ DU PIRE
*C’est dans ma tête, tout ça.
il faut que ce soit dans ma tête. *
(Extrait)

Anna Caritas est une histoire bien étoffée pour les jeunes lecteurs et lectrices. On y suit le destin du jeune William Walker, un adolescent qui vit à Saint-Hector. Un petit patelin qui a un passé lourd et sanglant et pour lequel s’annonce un avenir aussi meurtrier. William ressent très vite l’étrangeté des évènements dont Saint-Hector est le théâtre. Il sent également qu’il a quelque chose à voir avec tout ça.

Avec ses amis, William tente de comprendre d’autant que les morts semblent s’accumuler selon un certain rituel. Il fera tout pour connaître la vérité, ne tenant plus compte des avertissements de ses amis. William semblait irrésistiblement attiré dans une histoire qui le dépassait. Une chose est sûre : une force met la ville à feu et à sang. Dès les premiers chapitres, l’auteur frappe fort : un incendie à Saint-Hector et pire encore :

*Mes jambes flanchent et je me retrouve par terre. Dans la panique, j’essaie de reculer en faisant aller mes mains sur le plancher, mais je suis au pied du mur. Impossible de m’éloigner. Je voudrais crier mais je n’en suis pas capable…Monsieur Ben s’élance vers moi…-Oh…Mon Dieu…Devant nous, le corps inanimé du vieux Marcel est pendu au plafond par les pieds. Il se balance au ralenti de gauche à droite…* (Extrait)

La suite est un enchaînement de rebondissements et de revirements. Patrick Isabelle poursuit avec brio son histoire dans la lancée du tome précédent, LE SACRILÈGE et mélange dans son récit des touches de fantastiques, de sorcellerie et d’intrigues, le tout bien dosé pour les 13-16 ans. Les jeunes adultes y trouveront aussi leur compte car l’intrigue est captivante et l’atmosphère lourde…

Il semble donc que le cycle de violence et de mort soit relancé à Saint Hector et c’est dans les couloirs inquiétants du sous-sol hectorien que William aura une grande partie de ses réponses mais ça lui coûtera très cher. Ici, Patrick Isabelle prépare le terrain pour une suite non-confirmée d’ANNA CARITAS avec une finale dramatique, un peu rapide et qui m’a laissé sur ma faim.

C’est normal s’il y a une suite me direz-vous mais j’aurais souhaité une finale mieux aboutie. J’ai quand même hâte de lire le tome 3 donc un peut dire mission accomplie pour Patrick Isabelle. En finissant LES DAMNÉS je laisse momentanément William, adolescent attachant et opiniâtre, prisonnier de son histoire et pas seulement…

J’ai trouvé cette histoire bien ficelée, le mystère bien entretenu et le rythme est élevé Le récit véhicule un symbole avec intensité :  Les sociétés secrètes. Elles sont secrètes parce qu’elles ont quelque chose à cacher et le thème est développé avec emphase dans Anna Caritas. Il porte aussi à réfléchir sur l’utilité de telles confréries.

Le livre se lit assez bien de façon indépendante. Mais pour plus de plaisir et de compréhension, je recommande de lire d’abord le tome 1 LES SACRILÈGES dont l’origine de l’intrigue se trouve dans le fameux jeu Ouija, cette célèbre planche alphanumérique censée permettre la communication avec les esprits. C’est prometteur.

Et pas d’erreur…le deuxième tome est à la hauteur…

Suggestion de lecture : LES CONTES INTERDITS, coup d’œil sur la série

Patrick Isabelle est un auteur québécois né à Montréal en 1980. Il connait un succès intéressant avec entre autres sa série ANNA CARITAS et bien sûr son premier livre publié en 2014 : EUX un roman choc qui a contribué à donner aux jeunes le goût de la littérature d’horreur. On peut suivre la carrière de Patrick Isabelle sur www.patrickisabelle.com et sur Facebook : https://fr-ca.facebook.com/public/Patrick-Isabelle

Le livre dont j’ai parlé plus haut, LES DAMNÉS, est le deuxième de la série ANNA CARITAS. Toutefois sur la première de présentation du livre, il n’y a aucune mention *tome 2*. Même si, à la rigueur, le tome 2 peut se lire indépendamment du 1, je vous suggère de commencer par ANNA CARITAS LE SACRILÈGE. C’est ce que j’aurais fait si j’avais su…

Bonne lecture
JAILU/Claude Lambert
le dimanche 25 octobre 2020

 

ÉTRANGES RIVAGES, de ARNALDUR INDRIDASON

*Lombre dun homme vacille sur la cloison, il laperçoit en un éclair : il a le dos tourné et baisse la tête, lair désespéré. Cette vision le fait sursauter avec une telle violence que la lampe lui échappe et tombe sur le sol où elle séteint à nouveau.*
(Extrait : ÉTRANGES RIVAGES, Arnaldur Indridason, Éditions Métailié, 2010, édition
numérique, 300 pages)

Erlendur est de retour dans ce roman noir d’Arnaldur Indridason. Parti en vacances dans les régions sauvages des fjords de l’Est, le commissaire est hanté par le passé, celui des affaires restées sans réponses comme des évènements sinistres qui se sont déroulés dans cette région bien des années auparavant.  Un groupe de soldats anglais s’est perdu dans ces montagnes pendant une tempête. Certains ont réussi à regagner la ville. Cette même nuit, une jeune femme a disparu dans la même région et n’a jamais été retrouvée. Erlendur veut trouver coûte que coûte ce qui est arrivé… Une histoire étrange…

UN POLAR TRÈS NORDIQUE
*Je n’ai jamais entendu parler de ces gémissements…
Si c’était la réalité, ça impliquerait qu’il était sacrément
résistant…- mais je connais des histoires où il est
question d’une résistance exceptionnelle au froid et
d’un instinct de survie hors du commun…*
(Extrait : ÉTRANGES RIVAGES)

L’histoire se déroule dans une magnifique contrée appelée ISLANDE, littéralement, «terre de glace», un état insulaire de l’Océan Atlantique Nord, situé entre le Groenland et la Norvège. Superficie : 103 000 km carrés. Population : 331,000 habitants. La capitale est Reykjavik. La langue nationale est l’Islandais.

Le climat de l’Islande en est un de toundra, soumis aux vents froids polaires. C’est tout le livre d’Indridason qui respire l’Islande. Même la langue, qui comprend quantité de mots presqu’imprononçables pour les francophones est présente dans chaque page du livre et donne à l’ensemble un rythme agréable de par la toponymie rythmique Islandaise.

L’intrigue du livre se déroule dans les fjords de l’est digne des paysages de GAME OF THRONES (il y a plusieurs lieux de tournages de cette série en Islande) où on peut voir des troupeaux de rennes, des glaciers, des aurores boréales ainsi que les hautes terres intérieures, soumises à d’impitoyables caprices météorologiques. La première chose que je peux dire de ce livre, c’est L’Islande comme si j’y étais.

Le livre raconte l’histoire d’Erlandur,  policier à Reykjavik qui prend quelques jours en vacance et décide d’aller vagabonder dans son patelin natal : les fjords de l’est. Le commissaire est hanté par son passé et obsédé par les disparitions signalées, sur les étranges rivages des fjords. Celle de son frère par exemple.

Mais surtout, cette nuit où les soldats britanniques se sont perdus en pleine montagne pendant une violente tempête, presque au même moment, une jeune femme, Mathildur disparaît et n’a jamais été retrouvée. Pour Erlandur, cette disparition est suspecte. Comme Mathildur était au centre d’un triangle amoureux, Erlandur décide d’aller au bout de la vérité.

La quête d’Erlandur est au cœur du récit. Celui-ci créera involontairement un lien entre son enfance qui le hante et Mathildur. J’ai pu apprécier l’incroyable minutie de l’auteur dans son développement. J’ai été touché par l’opiniâtreté d’Erlandur, policier buté qui  n’était qu’en vacance. Il est obsédé par la découverte de la vérité mais il sait qu’elle fera mal.

*À qui la découverte de la vérité serait-elle utile après toutes ces années, toutes ces décennies ? Pourquoi exhumer des choses que, sans doute, il valait mieux ne pas remuer ? À qui cela profiterait-il ? (Extrait)

En fait, Erlandur ne cherchait pas au départ à résoudre un crime. C’est le crime qui est venu à lui. Indridason a magnifiquement calibré son récit. Son atmosphère est glauque et la ténacité du policier est enveloppante. Imaginez comment Peter Falk pouvait être achalant dans les scénarios de la série COLOMBO. Erlandur est pire.

Mais par le pouvoir d’une plume qui dégage d’intenses émotions, mon cœur est avec Erlandur. On sait ce qu’il veut, on se doute qu’il l’aura, mais comment ? Pour moi, ÉTRANGES RIVAGES est un roman noir dans un cadre blanc, profondément islandais dans son environnement, sa mentalité, son climat dur et imprévisible, son anthroponymie et sa toponymie imprononçables. Le rythme du roman est lent mais l’intrigue est très bien ficelée

Donc j’ai aimé ce livre mais je le répète, je l’ai trouvé dur. Il y a même des passages pénibles qui semble vouloir pousser le lecteur à se demander comment les choses font pour en arriver là. On y trouve tout de même de très belle séquences et l’histoire pousse à une réflexion sur les écarts de l’amour.

Erlandur est attachant même si on peut s’interroger parfois sur ses motivations. Il se dégage de l’ensemble une mélancolie qui pousse un peu à la poésie. Quant à la finale, je l’ai trouvé magnifique, psychologiquement bien manœuvrée. C’était pour moi, une de mes rares incursions dans la littérature islandaise. Je me promets bien d’y revenir.

Suggestion de lecture : LA MÉMOIRE DU LAC, de Joël Champetier

Arnaldur Indridason est né à Reykjavík le 28 janvier 1961. Ses nombreux romans, traduits dans quarante langues, ont fait de lui un des écrivains de polar les plus connus en Islande et dans le monde, avec douze millions de lecteurs.

Il a reçu le prix Clef de verre en 2002 pour La Cité des jarres, et en 2003 pour La Femme en vert et plusieurs autres prix prestigieux dont le prix espagnol du roman noir en 2013 pour Passage des Ombres. Douze de ses romans mettent en scène le personnage d’Erlendur Sveinsson, inspecteur de la police de Reykjavík. Plusieurs autres sont consacrés à des énigmes historiques ou des affaires d’espionnage.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le samedi 24 octobre 2020

 

Les neuf cercles, le livre de R.J. ELLORY

*On perdait une partie de son humanité à la guerre, et
on ne la récupérait jamais. Mais cette fois-ci, même
Gaines était retourné. Une jeune fille morte. Peut-être
noyée, peut-être assassinée, et enterrée dans la vase.
L’exhumer ne serait pas une tâche aisée…*
(Extrait : LES NEUF CERCLES, R.J. Ellory, Sonatine
Édition pour la traduction française,  2014, édition
numérique, 700 pages)

1974. De retour du Vietnam, John Gaines a accepté le poste de shérif de Whytesburg, Mississippi. Une petite ville tranquille jusqu’au jour où l’on découvre, enterré sur les berges de la rivière, le cadavre d’une adolescente : Nancy Denton, une jeune fille mystérieusement disparue vingt ans plus tôt et dont le corps a été préservé par la boue. L’autopsie révèle que son cœur a disparu, remplacé par un panier contenant la dépouille d’un serpent. Traumatisé par le Vietnam, John doit à nouveau faire face à l’horreur et se lancer dans  un combat mené pour une adolescente assassinée et une mère de famille déchirée. Ce qui attend John : une nouvelle traversée des neuf cercles de l’enfer.

UN HOMME…
DE LA GUERRE IMPRÉGNÉ
*J’ai fait ce qui m’a semblé le mieux, et si je dois finir
en prison pour ça, alors soit. Et il y avait l’expression
dans ses yeux, cette espèce d’étonnement, cet espoir
désespéré que son acte effroyable ait pu être bénéfique.*
(Extrait)

C’est un suspense policier à caractère psychologique très centré sur l’horreur de la découverte faite par le Shériff John Gaines du cadavre d’une jeune fille conservé intact dans la boue d’une rivière même après 20 ans, le cœur arraché. Que s’est-il passé exactement. Le livre est très centré sur l’impact psychologique d’une telle vision sur l’esprit de Gaines. Mais le shérif est un ancien du Vietnam.

Il a vécu les neuf cercles de l’enfer vietnamien…il en a vu d’autres…c’est pas si simple… : *Quand vous voyiez un joueur de football blond de 19 ans décapiter un jeune vietnamien de 15 ans, puis rester là à prendre des photos…vous compreniez que le monde ne tournait pas rond…Cette affaire était comparable. La même fascination surréaliste et morbide. Le même étonnement sombre et terrifiant. (Extrait) Malgré lui, et avec cette affaire qui dépasse tout le monde, Gaines revivra les neuf cercles.

C’est un roman très noir dans lequel l’atmosphère étrangle parfois l’intrigue et qui met en scène des personnages transformés par la guerre, mais aussi des policiers dépassés par un évènement d’une incroyable morbidité : Au premier plan, on trouve aussi une famille dynastique typique du sud américain du dernier siècle : la famille Wade, pourrie par l’argent, l’ambition, le pouvoir qui étend ses tentacules dans les sphères politiques et judiciaires.

Le genre de famille avec des membres tordus et sans scrupules à qui il est impossible de dire non. Ainsi s’exprime Earl Wade, le patriarche devenu mentalement instable : *<Un salopard, une putain, un pédéraste et une pimbêche. Voilà le fruit de mes entrailles. On dit que les amis sont la famille qu’on se choisit. Si j’avais le choix, je les renverrais tous sans rien et je donnerais tout mon argent.* > (Extrait)

Vous avez maintenant une bonne idée du décor planté avec un rare souci du détail par l’auteur R.J. Ellory. Reste à savoir comment Gaines dirige son enquête. Je vous laisse le découvrir mais vous pourriez être surpris par l’opiniâtreté du Shérif…opiniâtreté qui tourne à l’obsession et qui nous prépare à une finale tout à fait inattendue.

C’est un livre intéressant marqué par une exploration minutieuse de l’âme humaine. L’intrigue est là mais il y a plus fort encore : l’ambiance, l’atmosphère parfois lourde et dense qui évoque le brouillard. Cet élément consacre l’aspect psychologique du récit. Le rythme du récit est modéré et se concentre sur le mal…l’horreur.

J’ai trouvé le lien avec les neuf cercles de l’enfer un peu ténu pas toujours constant. Il n’y a aucune évocation de Dante, mais ce n’est pas important. C’est le traumatisme de la guerre qui compte et il est omniprésent dans l’histoire. Tout comme le caractère psychologique de l’œuvre, la plume est à la fois forte et sensible.

Une belle exploration de la psyché humaine…à lire.

Suggestion de lecture : LES CLOCHES DE L’ENFER, de John Connoly

Roger Jon Ellory est né à Birmingham en 1965. Après avoir connu la prison à l’âge de 17 ans, il se consacre à plusieurs activités artistiques puis se plonge dans la lecture, et sa passion pour la littérature de fiction ne fait que croître. Ses auteurs de prédilection: sir Arthur Conan Doyle, Michael Moorcock, Tolkien, Stephen King… Entre 1987 et 1993, RJ Ellory écrivit pas moins de vingt-deux romans, chacun lui valant systématiquement des refus éditoriaux, polis mais fermes…

Découragé, RJ Ellory cesse d’écrire jusqu’en 2001, où il reprend la plume avec trois romans en moins de six mois. Mais c’est avec SEUL LE SILENCE, son cinquième roman publié en Angleterre que le public français le découvre. Suivront, toujours chez Sonatine Editions, Vendetta en 2009 et Les Anonymes en 2010 et bien sûr LES NEUF CERCLES.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 23 octobre 2020

VIRUS L.I.V. 3 la mort des livres, Christian Grenier

*Les livres, eux, ne me trahissaient pas.
ils étaient ma réserve de rêve, ma
provision de bonheur. Tout cela, votre
virus l’a anéanti. *
(Extrait : VIRUS L.I.V.3 ou LA MORT DES LIVRES.
Christian Grenier, Éditions or. Hachette jeunesse
1998, 189 pages. Version audio : Audiolib éditeur,
2018, durée d’écoute : 3 heures 34 minutes,
narratrice : Audrey d’Hulstère)

Le gouvernement des Lettrés a interdit les écrans et décrété la lecture obligatoire. Face à cette tyrannie, les Zappeurs se révoltent : en propageant un virus qui efface les mots à mesure qu’ils sont lus. Seule Allis, une jeune fille sourde et muette, semble capable d’identifier l’inventeur du virus et de trouver un antidote. Un roman de science-fiction qui nous fait voyager en 2095, dans une société où l’existence des livres et des écrans est en danger.

LA TOUTE-PUISSANCE DES VOYELLES
*Là, dans la petite pièce de ce centre…, je pris
conscience de l’ampleur du désastre : non
seulement tous les livres qui existaient
allaient mourir, mais personne ne pourrait
plus jamais en écrire.
(Extrait)


Dès le début de ce petit livre, le nom du grand Ray Bradbury est évoqué et pour ma plus grande joie, l’auteur du fameux FARENHEIT 451 allait avoir un rôle capital à jouer dans cette histoire. Pourtant, il ne faut pas s’y tromper. Dans la célèbre dystopie de Bradbury, les livres sont totalement proscrits.

Dès qu’on en découvre on les brûle. Aussi paradoxal que ça puisse paraître, c’est le travail des pompiers.  Dans VIRUS L.I.V.3 OU LA MORT DES LIVRES, ce sont les écrans qui sont prohibés. TOUS les écrans…cinéma, télévision, et surtout les ordinateurs. Les Voyelles, un collège d’érudits formant le gouvernement de lettrés oblige la lecture des livres.

Un groupe de rebelles, les zappeurs zinzins part en guerre contre les Voyelles en mettant au point un virus effroyable qui efface à tout jamais les lettres d’un livre au fur et à mesure qu’on les lit, créant à la place la même histoire mais en réalité virtuelle :

*L.I.V. signifie sans doute Lecture Interactive Virtuelle. Sun, le maître des zappeurs, ou les ZZ, ont dû vouloir mettre au point deux virus L.I.V. successifs. Deux échecs. Mais le troisième…c’est…une réussite. * (Extrait) Vous avez maintenant l’explication du titre.

L’assemblée des Voyelles a délégué l’écrivaine lettrée sourde-muette Allis LC Wonder pour enquêter sur l’origine du virus et trouver un antidote au L.I.V.3 le plus vite possible. Allis entreprend une quête dont je ne parlerai pas ici car vous avez droit à votre part de surprise. Mais cette quête m’a fasciné par son caractère surprenant : un jeu d’alliances et de traîtrise.

Réussira-t-elle sa mission. Une chose est sûre, un piège se referme sur Allis et sa seule façon d’en sortir est de faire intervenir le grand Ray Bradbury.

Ce livre m’a émerveillé à cause du questionnement qu’il soulève sur la pérennité des livres de papier, le tout avec une atmosphère d’intrigue et suspense, des personnages attachants dont les noms de certains évoquent de grands écrivains. Il y a surtout une volonté de croire que le monde littéraire de papier et la technologie peuvent se comprendre, se compléter. J’ai été immergé dans un monde où deux puissantes philosophies s’opposent.

C’est le choc de deux solitudes développé avec ouverture d’esprit. Ce livre, attractif et bourré d’idées ingénieuses, est pour moi, un petit chef d’œuvre de logique et de cohérence qui débouche sur une finale que j’ai appréciée. Il serait intéressant de voir intégrée l’analyse de cet œuvre dans les cours de français de certains niveaux. Je suis sûr que ça donnerait des débats allant dans le sens du raisonnement développé par Christian Grenier.

Comme vous l’avez vu plus haut, j’ai utilisé la version audio du livre. J’ai trouvé très agréable la prestation de la narratrice Audrey d’Hulstère. Eh oui, j’ai utilisé la technologie. Je lis aussi en format numérique.

Malgré tout, ceux qui me connaissent,  connaissent aussi mon attachement indéfectible pour les livres de papier. Vous voyez, les technologies, le papier et moi, nous sommes faits pour nous entendre. Je suis ouvert à tous les supports.

En terminant, je veux mentionner que j’ai senti dans cet opus de Christian Grenier le caractère apologétique de la lecture en général mettant en perspective l’interaction entre écrivains. Aussi, je vous laisse sur cette petite citation qui, je crois, va me suivre le reste de ma vie :

Suggestion de lecture : LA PESTE, d’Albert Camus

*Les livres sont pleins de livres*

Né en 1945 à Paris, Christian Grenier aime la science et la fiction… donc la science-fiction. Il a publié des récits, des essais, et de nombreux romans pour la jeunesse, parmi lesquels La Machination et Le coeur en abîme, Grand Prix de la S.-F. française en 1988. Après avoir été longtemps professeur dans un collège parisien, au moment d’écrire ces lignes, Christian Grenier vit dans le Périgord.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 18 octobre 2020

Les aventures de Tom Sawyer, de MARK TWAIN

*Mais Tom savait désormais de quel côté soufflait le vent et se mit en mesure de résister à une nouvelle attaque en prenant l’offensive. * (Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER, Mark Twain. Éd. Originale, 1876, réédition, 2008, Livre de Poche jeunesse, 400 pages. Version audio, Audible studio éditeur, 2014, narratrice : Mathilde Desgardin-Lamarre, durée d’écoute : 7 heures 31)

Ce livre décrit les mésaventures de Tom Sawyer, jeune garçon débordant d’imagination, élevé par sa tante Polly, au bord du Mississipi. Tom ne loupe pas une occasion de se distinguer pour plaire à la jolie Becky, et il est toujours prêt pour vivre des aventures avec son inséparable ami Huckleberry Finn, fils de l’ivrogne du village. Un soir dans un cimetière, Tom et Huck sont témoins d’un meurtre. Ils savent que le véritable assassin est Joe l’Indien… et justement ils en savent trop.

UN SYMPATHIQUE PETIT DIABLE
*Les garçons s’allongèrent à plat ventre sur le
plancher, l’œil collé à une fissure. Ils grelottaient
de peur…-Oh mon Dieu…je voudrais bien être
ailleurs ! *
(Extrait)

C’est avec plaisir que j’ai redécouvert LES AVENTURES DE TOM SAWYER, le classique best-seller de Mark Twain. J’avais lu le livre en 2017. Cette fois, j’ai utilisé le support audio et encore une fois, je me suis régalé en constatant à quel point le livre a gardé toute son actualité.

C’est d’ailleurs un des livres jeunesse les plus adulés de l’histoire de la littérature parce que le jeune lectorat se reconnait dans les personnalités de Tom et Huckleberry et le récit évoque des thèmes qui ont toujours été chers à la jeunesse : la débrouillardise, l’amitié, la liberté et l’amour émergent.

Voici donc l’histoire de Tom Sawyer, un jeune turbulent sympathique et ombrageux qui est gardé par sa tante Poly et de Hucklebbery Finn, gamin énergique, attachant, un peu naïf, qui s’habille en guenille et fume la pipe. Des jeunes vies vont basculer suite à l’arrivée dans le village de Becky Thatcher, un beau brin de fille et plus tard, Tom sera témoin d’un meurtre, ce qui va secouer l’ensemble du village, peu habitué à ce genre d’éclat.

L’histoire est fort bien développée et comprend de nombreux passages intrigants et ingénieux. Le récit étant surtout axé sur l’action, la psychologie des personnages n’était pas une priorité pour Twain mais qu’à cela ne tienne, au fil des pages, on développe l’impression qu’on connait Tom et Huck depuis toujours et on a envie de s’en faire des amis.

La narration de Mathilde Desgardin-Lamarre est intéressante quoique peut-être un peu trop déclamée. Je dois admettre toutefois que la voix qu’elle prête à Tom Sawyer est non seulement très réussie mais presque identique à celle de la version française de la télé série éponyme. Ayant visionné presque toute la série, je me sentais en pays de connaissance.

LES AVENTURES DE TOM SAWYER demeure pour moi un superbe classique qui met en valeur la liberté bien sûr et le fait que cette liberté s’acquiert, se mérite. Mais le récit pointe aussi du doigt le courage et l’audace. J’ai beaucoup aimé le petit caractère rebelle prêté aux deux principaux personnages, Tom en particulier.

Quant à Huckleberry, affectueusement appelé Hucky, j’ai trouvé ce personnage particulièrement sympathique et attachant. Je me suis surpris à le préférer à Tom. Peut-être ne suis-je pas le seul puisqu’un livre éponyme a été consacré à Huckleberry Finn, Un peu plus dramatique cette fois.

Un dernier détail intéressant, le récit est fortement autobiographique. En effet, Twain s’est inspiré de son enfance, de sa famille et surtout de quelques amis en particulier ou *combinaison d’amis* : *Huck Finn est un personnage réel. Tom Sawyer également mais lui est un mélange de trois garçons que j’ai bien connus. Il est en quelque sorte le résultat d’un travail d’architecte. *  Je vous recommande chaleureusement l’écoute de LES AVENTURES DE TOM SAWYER

Suggestion de lecture : TARZAN SEIGNEUR DE LA JUNGLE, d’Edgar Rice Burroughs

ADAPTATION À LA TÉLÉ

Plusieurs adaptations des AVENTURES DE TOM SAWYER ont été réalisées, la principale étant la série française-allemande-roumaine réalisée en 1968 par Wolfgang Libeneiner et Mihai Iacob. La photo ci-contre est extraite de cette série télévisée. Rolland Demongeot (à gauche et Marc Di Napoli incarnent respectivement Tom Sawyer et Huckleberry Finn. Outre cette série qui a marqué toute une génération, une série de bandes dessinées est parue à partir de 2007 et un jeu vidéo a été édité en 1989 par Nintendo. 

Mark Twain (1835 – 1910), dont le véritable nom est Samuel Langhorne Clemens, est né dans le Missouri. Il exerce plusieurs métiers : typographe, rédacteur dans un journal, pilote de bateau à vapeur sur le Mississipi. A partir de 1864, il exerce l’activité de reporter à San Francisco et se déplace en Europe en tant que correspondant de presse. Romancier, humoriste et essayiste, il décrira avec réalisme et sévérité la société américaine. Voir bibliographie.

Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 17 octobre 2020

LA TABLE DE ROBESPIERRE, de CHARLES RICHEBOURG

*Il souleva un coin du funèbre linceul…
il resta stupéfié devant le visage qu’il
venait de découvrir. Le No 16 regardait
l’éternité de ses yeux vitreux, mais sa
bouche souriait, comme si la mort avait
figé sur ses lèvres l’expression d’une
radieuse satisfaction. *
(Extrait : LA TABLE DE ROBESPIERRE,
Charles Richebourg, Éditions Oxymoron,
2017, éd. Numérique, 82 pages)

Hippolyte Plinthe, un professeur de philosophie est retrouvé égorgé sur un banc du Jardin des Plantes. Le commissaire Odilon QUENTIN apprend que le vieil homme s’était rendu, au « Café Royal » dans l’intention d’écrire une lettre capitale sur la table de Robespierre qu’occupait le célèbre politicien aux entractes du club des Jacobins durant la Révolution Française. L’  étrange client aurait griffonner un mot adressé au policier évoquant  « le baiser de la veuve ». Pourtant, la missive n’est jamais arrivée à destination. Et que signifie cette lubie de se rendre sur la table de Robespierre? Pour quelle raison le mort arborait-il un sourire radieux?…

SI MAXIMILIEN SAVAIT
*D’un invraisemblable fatras de ragots et
de cancans émergeait au moins un
renseignement précis: en quittant son
appartement pour la dernière fois, le
septuagénaire avait déclaré se rendre
au « café royal », dans l’intention bien
arrêtée d’écrire une lettre d’importance
capitale sur < la table de Robespierre. >

(Extrait)

Je parlerai d’abord d’Odilon Quentin, personnage récurrent dans l’œuvre de Richebourg. Le personnage créé par Charles Richebourg, est beaucoup flamboyant. 47 enquêtes menées par un homme prompt à résoudre les enquêtes qui lui sont proposées. J’ai pu apprécier ses talents de déduction et de synthèse.

Je crois que Richebourg a créé un personnage complet, bien creusé, solidement campé, brillant malgré ses attributs physiques : Il est gros, son apparence est terne, tête dégarnie, air empâté et il est loin d’être habillé au goût du jour mais voilà, il ne faut pas s’y fier car sa finesse d’esprit et sa perspicacité sont remarquables. Les romans mettant en vedette ce sympathique personnage sont courts, indépendants les uns des autres.

C’est ce que j’appelle des romans de gare car ils se lisent vite et bien et chacun a sa part de revirements et d’originalité. Pour ceux et celles qui apprécient les lectures aussi brèves que bien développées, je suggère fortement la collection ODILON QUENTIN. Je vous invite à consulter les titres et les premières de couverture sur le site de l’éditeur.
Cliquez ici.

Tous les attributs de Quentin se retrouvent dans le livre que je cite comme exemple aujourd’hui : LA TABLE DE ROBESPIERRE. Hypolite Plinthe, un savant de 75 ans, original et extrêmement lettré, est retrouvé égorgé. Quentin, chargé de l’affaire apprend que le professeur s’est rendu au café Royal afin d’écrire une lettre évoquant le *baiser de la veuve* sur la table utilisée jadis par Robespierre pendant ses pauses de la dictature *jacobine*  .

Pour Quentin, le baiser de la veuve évoqué dans la lettre sous-entendait la vengeance, ce qui rendait plus claire la raison pour laquelle Plinthe voulait écrire la lettre sur cette table historique :

*Conformément à ses principes, le savant estime que, pour produire un maximum d’efficacité, la lettre qui fera tomber la tête d’un homme doit être écrite à l’endroit où s’installait jadis le suppôt de la guillotine. En somme, il s’efforce de créer l’ambiance.* (Extrait)

Il faut mentionner ici qu’à l’époque décrite par cet opus, la guillotine est encore utilisée dans l’application de la peine de mort et aussi rappeler que Robespierre lui-même a été exécuté sans procès le 28 juillet 1794. Quant à savoir qui a tué Hypolite Plinthe, le commissaire Quentin a du pain sur la planche mais il a déjà une clé pour résoudre l’affaire : LA TABLE DE ROBESPIERRE.

L’idée du récit est originale et l’ensemble est développé avec une plume habile et intelligente. Le récit est aussi intriguant, surtout si on tient compte du fait que le professeur a été retrouvé mort avec un sourire béat aux lèvres. Un petit côté agaçant dans cette lecture est le rappel constant des caractéristiques physiques de Quentin qu’on appelle souvent le gros commissaire. Ça revient trop souvent et c’est irritant. Mais en général tous les éléments sont réunis pour une excellente lecture.

Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso

Quelques mots sur Robespierre

Maximilien de Robespierre s’engage dans la politique et est élu député en mai 1789. Il se fait remarquer par son éloquence en défendant la liberté de réunion, la liberté de la presse, le suffrage universel ainsi que l’instruction gratuite et obligatoire. Il milite au Club des Jacobins dont il prend la tête en avril 1790 grâce à sa réputation d’intégrité, qui lui vaut le surnom d’Incorruptible.

D’abord partisan d’une monarchie constitutionnelle, il devient, après la trahison de Louis XVI, l’un des principaux adversaires de la monarchie et s’impose comme un partisan des réformes démocratiques.

Après la chute de la monarchie, Robespierre est élu à la Convention nationale et contribue à faire voter la condamnation à mort de Louis XVI. Plus tard, il est élu membre du Comité de salut public qui cherche d’abord à éliminer les factions tels les modérés de Danton et les « Indulgents » de Camille Desmoulins puis installe le régime de « La Terreur ». Robespierre atteint le sommet de sa puissance en juin 1794, en étant élu président de la Convention nationale.

L’intensification de la Terreur qui découvre toujours de nouveaux « ennemis du peuple » conduit des membres de la Convention nationale et du Club des Jacobins à organiser une conspiration. Robespierre est mis en garde à vue à l’Hôtel de Ville et meurt guillotiné le 28 juillet avec une vingtaine de ses partisans.

Maximilien de Robespierre 1758-1794

Charles Richebourg est un pseudonyme. L’auteur qui se cache derrière ce nom d’emprunt a toujours été énigmatique pour les lecteurs et les commentateurs littéraires. Dès le départ, il œuvrait en force pour les collections *AVENTURE* et *POLICE ET MYSTÈRE*.

Son personnage le plus récurent est le policier Odilon Quentin.  Richebourg s’étend très peu sur lui-même. Il évolue dans l’ombre. Je n’ai même pas trouvé une petite photo acceptable. Par contre j’aime beaucoup le petit côté énigmatique et vieillot de ses premières de couverture.

         

Bonne lecture
le vendredi 18 septembre 2020
Claude Lambert

Le mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux

*…il n’y a pas de cheminée dans la chambre <jaune>. Il ne pouvait s’être échappé par la porte… Par la fenêtre restée fermée avec ses volets clos et ses barreaux auxquels on n’avait pas touché, aucune fuite n’avait été possible. Alors? Alors…je commençais à croire au diable…*

(Extrait : LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston
Leroux, édition originale : Pierre Lafitte, 1907, 236 pages.
Pour la présente, extrait de 50 CHEFS D’ŒUVRE QUE VOUS
DEVEZ LIRE AVANT DE MOURIR, vol. 1, livre-collection
numérique)

Un soir, malgré la porte de la chambre fermée à clef « de l’intérieur », les volets de l’unique fenêtre solidement fermés eux aussi « de l’intérieur », et en l’absence de toute cheminée ou passage secret, Mlle Stangerson est agressée dans la chambre jaune. Une trace ensanglantée de la main du coupable est retrouvée sur le mur.

Qui a tenté de tuer Mlle Stangerson ? Et surtout, par où l’assassin a-t-il pu fuir de la chambre jaune ? Le jeune reporter Rouletabille, limier surdoué d’à peine 18 ans qui raisonne par « le bon bout de la raison », entreprend de trouver la solution de cet affolant problème.

ROULETABILLE <au bout de la raison>
*<À l’assassin ! À l’assassin ! Au secours ! > Aussitôt

des coups de revolver retentirent et il y eut un
grand bruit de tables, de meubles renversés, jetés
par terre, comme au cours d’une lutte et encore
la voix de mademoiselle qui criait <À l’assassin !
… Papa ! Papa !>*

Avec LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston Leroux introduit dans la littérature policière un personnage qui va se démarquer : Joseph Joséphin, jeune journaliste de 18 ans. Petite taille, le visage rond comme une boule de quilles d’où le surnom qui va lui rester : ROULETABILLE, deux bosses sur le front :

*Mais qui donc pourrait encore se vanter d’avoir la cervelle de Rouletabille ? Les bosses originales et inharmoniques de son front, je ne les ai jamais rencontrées sur un autre front…* (extrait)

Il est d’une intelligence remarquable et possède un extraordinaire talent de détective. Son raisonnement est affûté et part du principe qu’on doit affronter une énigme en utilisant le bon bout de la raison. Il me fait penser un peu au célèbre personnage de Hergé, Tintin qui est jeune aussi, reporter et doué pour résoudre les énigmes les plus complexes. Sauf que Tintin ne fume pas la pipe et est infiniment moins prétentieux.

Je trouve le jeune héros imbu de lui-même. Je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à Rouletabille mais je dois admettre qu’il est surdoué et même génial.

Ça prend Rouletabille pour résoudre le mystère de la chambre jaune. En effet, on tente d’assassiner une jeune scientifique, mademoiselle Stangerson dans sa chambre. Mais on ne comprend pas comment l’assassin a pu quitter la chambre jaune après son forfait.

La porte de la chambre et la fenêtre étant verrouillées de l’intérieur. Pas de cheminée. Le mystère est total. Il fera d’ailleurs époque en littérature introduisant d’une certaine façon le problème du *local clos*.

Toute l’enquête, le roman autrement dit devient une manifestation allant crescendo d’instinct, de réflexion, d’inférence, de déductions, de raisonnement et de raison. Le sujet, original, m’a gardé en haleine jusqu’à la finale où le coupable identifié était pour moi le plus improbable. L’ensemble est extrêmement imaginatif et il y a un petit quelque chose de surréaliste dans le déroulement de l’enquête.

Je l’ai ressenti dès le début alors que le drame éclate dans la chambre jaune. J’avais pensé à quelque chose de surnaturel mais le triomphe de la raison s’est dévoilé très graduellement, brillamment…écriture efficace, teintée d’action et de rebondissements jusqu’au revirement final.

C’est un bon livre. Son style est un peu vieillot mais la publication remonte quand même au début du 20e siècle. Toutefois le sujet qu’il développe et sa complexité en ont fait un classique. L’intrigue s’étire et parfois, les raisonnements ne finissent pas de finir et ça donne des passages indigestes et lourds.

Le héros comme tel n’a pratiquement aucun magnétisme et ses manifestations d’intelligence sont souvent teintées d’orgueil. Je ne l’ai trouvé ni sympathique ni attachant. Mais le récit demeure solide et l’intrigue, très singulière. LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE demeure un des huis-clos les plus extraordinaires de la littérature policière.

Je laisse le mot de la fin à Joseph Joséphin dit Rouletabille qui s’exprime sur le mystère de la chambre jaune : *-En vérité ! En vérité ! Acquiesça Rouletabille, qui s’épongeait toujours le front, semblant suer moins de son récent effort corporel que de l’agitation de ses pensées. En vérité ! C’est un très grand et très beau et très curieux mystère ! *(Extrait)

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, d’Edgar Wallace

LA CHAMBRE JAUNE AU CINÉMA

LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE a été adapté cinq fois au cinéma : 1913 (muet), 1919, 1930, 1949 et 2003. On en a fait aussi un téléfilm en 1965, un feuilleton radiophonique en 1983. Je signale aussi plusieurs adaptations en bandes dessinées. Ma version cinématographique préférée est celle réalisée en 1949 par Henri Aisner avec Serge Reggiani dans le rôle de Joseph Rouletabille, à droite sur la photo.

   

Serge Reggiani incarne Joseph Rouletabille dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE adapté au cinéma du livre de Gaston Leroux en 1949

Auteur français natif de Paris, Gaston Leroux (1868-1927) Grand aventurier, il n’est pas comblé par le métier d’avocat et se tourne plutôt vers le journalisme. Il travaille pour l’Echo de Paris dès 1892 puis accomplit des missions de grand reportage dans le monde entier pour de nombreux journaux. Il rencontre véritablement le succès avec son personnage de Rouletabille. Cet ingénieux reporter gagne le coeur des français dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNEle Fantôme de l’opéra et bien d’autres encore. S’en suit alors la série des Chéri-Bibi, à partir de 1913, qui remporte le même succès.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 août 2020

Les aventures de Tom Sawyer, de MARK TWAIN

*Il avait le visage décomposé et ses yeux exprimaient
l’épouvante. Lorsqu’il se trouva en présence du
cadavre, il se mit à trembler et, se prenant la tête à
deux mains, éclata en sanglots. «Ce n’est pas moi qui
ai fait cela, mes amis, dit-il entre deux hoquets. Je
vous le jure sur ce que j’ai de plus cher, ce n’est pas
moi.*

(Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER, Mark Twain,
Culture commune 2012 réed. Tête de Gondole, numérique
225 pages num.)

Tom Sawyer est orphelin et vit chez sa tante Polly sur le bord du Mississippi. Pas toujours très sage, il entraîne son meilleur ami Huckleberry Finn (Huck) à faire l’école buissonnière. Les deux garçons découvrent les joies de la liberté. Ils se construisent une vie idéale de jeux, de baignades, de pêche, et empruntent des chemins inconnus qui les font voyager. Tom tombe amoureux de Becky Thatcher et tente de la séduire par tous les moyens sous le regard jaloux de Huck. Ils jouent aux pirates, s’identifient à des personnages de roman et assistent malheureusement à un meurtre commis par nul autre que Joe le balafré.

UN FLEURON DE LA LITTÉRATURE AMÉRICAINE
*tu sais, on peut se fier à Tom. Il a dit
qu’
il reviendrait. Il ne nous
abandonnera pas. Ce serait
d
éshonorant pour un pirate et il est
trop fier pour faire une chose comme
celle-l
à. Quand il nous a quitté, il
avait sûrement un plan en tête*
(Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER)

 Il y a quelques années, j’ai pu rigoler un bon coup en visionnant LES AVENTURES DE TOM SAWYER. Je n’avais pas lu le livre. Ce n’est que tout récemment que je me suis décidé à lire ce petit chef d’œuvre, un grand classique qui a conservé toute son actualité car le récit évoque des thèmes qui ont toujours été chers à la jeunesse : l’amitié, l’amour naissant, la débrouillardise, l’imagination et surtout la liberté avec un grand L.

La liberté est un des thèmes les plus importants aux yeux de l’ensemble de l’humanité, malheureusement, historiquement, ce fut un des droits les plus malmenés. J’ajoute à cela qu’en lisant cette merveilleuse aventure, j’ai été fasciné par la capacité des jeunes de s’occuper avec à peu près rien…ce qui est impensable de nos jours.

Le récit est fortement autobiographique. En effet, Twain s’est inspiré de son enfance, de sa famille et surtout de quelques amis en particulier ou *combinaisons d’amis*, Tom Sawyer, jeune orphelin gardé par sa tante Poly, un gentil chenapan sympathique qui a plus d’un tour dans son sac pour tromper la vigilance de sa tante. Et il y a bien sûr Huckleberry Finn dont le père est alcoolique. Il vit dans un tonneau, s’habille en guenille et fume la pipe.

Mais qu’à cela ne tienne, il est libre et heureux. C’est un personnage énergique, sympathique, un peu naïf, un grand ami de Tom, car sur la vie, ils partagent les mêmes sentiments. On retrouve aussi Joe Harper et Becky Thatcher, une jolie fille nouvellement arrivée. Becky et Tom sont loin d’être indifférents un pour l’autre. Ils deviendront troglodytes pendant quelques jours et passeront par une kyrielle de sentiments.

Le fil conducteur de ce récit est en trois volets le principal étant que Tom rencontre Becky dont il tombe amoureux. Il y a bien sûr le volet familial : les relations de Tom avec sa tante poly, son frère Sid et sa sœur Mary. Quant à l’intrigue, elle tourne autour de Joe l’Indien un personnage sinistre qui inspire la peur et qui est impliqué dans un meurtre dont Tom a été témoin. L’écriture est d’une grande simplicité.

L’histoire est fort bien développée et comprend de nombreux passages intrigants et ingénieux. Le récit étant surtout axé sur l’action, la psychologie des personnages n’était pas une priorité pour Twain mais qu’à cela ne tienne, au fil des pages, on développe l’impression qu’on connait Tom et Huck depuis toujours et on a envie de s’en faire des amis. Comme lecteur, j’avais l’impression de faire les cent coups avec eux.

Les adolescents de toutes les époques se reconnaissent dans les tribulations de Tom Sawyer. Mais dans les faits, ce livre a été écrit pour tout le monde en plus d’être actuel dans toutes les époques depuis sa première publication en 1876. J’ai adoré ce livre. J’ai pu faire des liens intéressants avec la télésérie, une excellente adaptation et surtout, j’ai rigolé. L’humour est présent partout… une recette gagnante, pour inciter les jeunes à la lecture.

LES AVENTURES DE TOM SAWYER demeure pour moi un superbe classique qui met en valeur la liberté bien sûr et le fait que cette liberté s’acquiert, se mérite. Mais le récit pointe aussi du doigt le courage et l’audace car j’ai beaucoup aimé le petit caractère rebelle prêté aux deux principaux personnages. Ça ne les rend que plus attachants encore. Donc à découvrir ou redécouvrir absolument : LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

Suggestion de lecture : VENT D’AVENTURES, de Véronique D. Bellego

Samuel Langhorne Clemens (1835-1910) est un auteur américain natif de la Floride. Devenu très jeune orphelin de père, il abandonne ses études et rejoint en 1850 le journal fondé par son frère et y rédige ses premiers articles. Il devient reporter et voyage beaucoup en Europe. Ses voyages l’inspireront entre autres pour son premier roman LE VOYAGE DES INNOCENTS publié en 1869. Mais c’est surtout son roman LES AVENTURES DE TOM SAWYER qui lui vaudra la notoriété dès 1876.

POURQUOI MARK TWAIN COMME PSEUDO?
Alors qu’il embarque sur le Mississipi pour rejoindre la Nouvelle Orléans en 1850, Clemens rencontre un capitaine de bateau à vapeur nommé Horace E. Bixby, lequel parvient à le convaincre de travailler pour lui. De cette rencontre naîtra son pseudonyme : lorsqu’il vérifie la profondeur du fleuve, le capitaine lui crie «MARK TWAIN» : des mots de jargon pour signaler que la profondeur est suffisante.

 MON ADAPTATION PRÉFÉRÉE À LA TÉLÉ :

Rolland Demongeot (à gauche) incarne Tom Sawyer et Marc Di Napoli joue le rôle de Huckleberry Finn dans cette série télé sortie en 1969, très fidèle au livre. La série a été réalisée par Mihai Iacob et Wolfgang Libeneiner. La série fut très populaire et a marqué toute une génération.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 15 août 2020

 

AGRIPPA, M. Rossignol et J.P. Sainte-Marie

AGRIPPA
Le livre noir

*Il nest pas question de magicien ou de sorcier. Il est question de l’éternelle lutte du bien contre le mal, De la lumière contre les ténèbres.  Le mal peut adopter la forme de nombreux visages. Et celui de l’homme est un de ses préférés. (Extrait :  AGRIPPA Le livre noir, Mario Rossignol, Jean-Pierre Ste-Marie, les éditions Michel Quintin, 2006, édition de papier, 350 pages)

1925 : Un mystérieux médecin du nom de William Black tente de s’emparer d’un exemplaire de l’Agrippa, grimoire maléfique signé par le diable et enfermé depuis 1855 dans le mausolée de l’église St.Mathew. La libération de l’Agrippa aurait des conséquences désastreuses pour les habitants de Sainte-Clothilde-de-Chateauguay. L’évêché de Valleyfield envoie d’urgence un prêtre aux dons pour le moins particuliers… car pour empêcher le mauvais sort de se répandre, l’Agrippa doit reprendre sa place dans les profondeurs de la crypte.

UN LIVRE INFERNAL
< L’Agrippa avait fait le malheur des siens
pendant des décennies. Et cette nuit,
même enterré dans l’église St. Matthew,
il ravissait la vie de son père et détruisait
la sienne. >
(Extrait : AGRIPPA le livre noir)

C’est un autre livre ayant comme toile de fond l’éternelle dualité entre le bien et le mal. Malgré tout, les auteurs ont trouvé le moyen d’être originaux, intenses. Si le début de l’histoire est lent, à l’image de la vie campagnarde québécoise des années 1920, le récit nous réserve une finale époustouflante qui n’est pas sans rappeler le film LE CORBEAU de Roger Corman qui adapte au cinéma la nouvelle d’EDGAR ALLAN POE.

J’y reviens plus loin. Je veux dire ici que tout ce qui se dégage du récit de mystérieux, de surnaturel incluant la maîtrise d’une science qui va au-delà de toute compréhension me rappelle Edgar Poe et la façon singulière qu’il avait de mystifier le lecteur.

L’histoire raconte l’inévitable rencontre entre le curé Laberge, un prêtre formé pour affronter les manifestations du mal, et le docteur William Black dont le seul objectif est de s’emparer de l’Agrippa : un livre énorme, de la taille d’un homme, mû par une force *élémentale*, c’est-à-dire des forces sombres de l’univers liées à l’enfer…*Je suis l’Église du Diable, le sanctuaire du mal en ce monde, je suis la porte par laquelle le malheur arrive* (Extrait)

Au départ, l’Agrippa est en dormance dans la crypte de l’église Sainte-Clothilde. Black veut s’en emparer et s’en nourrir pour devenir le maître du mal et asservir l’homme. Laberge veut maîtriser Black et détruire l’Agrippa. Ça donnera lieu à un combat dans lequel les incroyables forces libérées sont innommables et deviennent rapidement hors de contrôle.

Dans la version LE CORBEAU de 1963, on assiste à un duel extraordinaire entre le mage noir incarné par Boris Karloff et le mage blanc incarné par Vincent Price. Le lien m’a semblé aller de soi car Black et Laberge ont la même maîtrise des éléments, la même volonté de vaincre mais de toute évidence, il y en a un qui est mal préparé.

Je n’en dis pas plus mais le combat entre les deux forces primaires est particulièrement bien ficelé…*Celui qui n’est pas préparé au grand livre noir peut se voir conduit à la folie, ou tout simplement à l’anéantissement total, car toute la fureur et tout le feu de l’enfer couvent dans ses pages.* (Extrait)

Donc j’ai aimé cet ouvrage pour ses rebondissements mais aussi pour la beauté de son écriture. Elle est tranchante, mais son vocabulaire est très étendu et elle magnifie l’érudition, en particulier l’histoire. Les auteurs n’hésitent pas non plus à donner la parole à des monstres sacrés de la littérature… :

*Et la terre est au soleil ce que l’homme est à l’ange (Victor Hugo 1802-1885)* Ils citent aussi Saint-Augustin pour donner l’heure juste sur nos croyances… : *Les miracles ne sont pas une contradiction de la nature, ils sont simplement une contradiction de ce que nous savons de la nature. Saint-Augustin (354-430)*

Et comme j’ai senti l’influence d’Edgar Allan Poe dans L’atmosphère éthérique du récit, il ne faut donc pas se surprendre de trouver une citation de Charles Baudelaire. Dans ce livre, ce ne sont pas les citations qui manquent…Victor Hugo, Paracelse, Sainte Beuve, Théophile de Viau, Machiavel et même Roosevelt. Les auteurs utilisent beaucoup le latin. Ça donne l’impression que le curé Laberge veut impressionner avec son savoir étendu. Ça fait un peu pompeux et c’est irritant. Quoiqu’il en soit, mon attention reste focalisée sur l’action et l’intrigue. C’est ce qui compte.

Donc ce livre m’a plu. J’y ai senti de l’émotion, de l’urgence. La première moitié du récit pourrait décourager des lecteurs car il y a des longueurs, le rythme est plus lent mais accrochez-vous au fil conducteur qui est clair et solide car dans la deuxième moitié du récit, vous ne verrez pas le temps passer.

Les personnages principaux sont bien travaillés et bien sûr, je suis sensible au fait que l’intrigue se déroule dans une région du Québec et le caractère surnaturel de l’histoire y est inséré de façon intelligente. Très bon concept en général. Tout est en place pour la suite. C’est toute la série qui est prometteuse. C’est une très bonne lecture.

Suggestion de lecture : LES CHEVALIERS D’ÉMERAUDE, d’Anne Robillard

(Photo : INFOSuroit.com)

Mario Rossignol et Jean-Pierre Sainte-Marie, deux cousins natifs de Sainte-Clotilde-de-Chateauguay, ont toujours adoré la lecture. Leur fascination pour l’histoire, la théologie et le fantastique leur a permis d’écrire Agrippa, leur tout premier roman qui deviendra une véritable saga.

Attiré spécialement par la théologie, Mario Rossignol lira la bible en entier. Il s’intéressera en particulier aux prophéties dont bien sûr l’apocalypse de Jean. Jean-Pierre Sainte-Marie, détenteur d’un certificat en création littéraire est plutôt passionné par les romans historiques et voyage beaucoup. L’association des deux passions donneront naissance à cette passionnante série qu’est AGRIPPA.

LA SUITE

         

         

 BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche  août 2020