BLOCK 46, Johana Gustawsson

<Les trois lampes torches zèbrent la fosse. Un rectangle parfait. Un mètre trente de long, cinquante centimètres de large. Du sur-mesure. Il ramasse la pelle, la charge de terre et en arrose le trou. Une seule pelletée et les jambes sont déjà recouvertes; on ne voit plus que les orteils. Des orteils doux comme des galets, froids comme des glaçons, qu’il aimerait toucher du bout des doigts…>
Citation : BLOCK 46 de Johana Gustawsson. Pour la lecture de ce livre, j’ai utilisé un support numérique. Bragelonne éditeur, 2015, 56 pages.

 

Association française Buchenwald-Dora Falkenberg, Suède. Le commissaire Bergström découvre le cadavre terriblement mutilé d’une femme. Londres. Profileuse de renom, la ténébreuse Emily Roy enquête sur une série de meurtres d’enfants dont les corps présentent les mêmes blessures que la victime suédoise : trachée sectionnée, yeux énucléés et un mystérieux Y gravé sur le bras. Étrange serial killer, qui change de lieu de chasse et de type de proie…

De l’insoutenable en bloc

C’est une histoire d’une incroyable noirceur. Le potentiel descriptif de la plume donne froid dans le dos. Et la corde est sensible car les victimes sont des enfants cruellement torturés avant de mourir. L’enquête est confiée à Emily Roy, une profileuse canadienne et Alexis Castel, une écrivaine spécialisée dans les tueurs en série.

Étrangement, l’intrigue prend sa source en 1944 dans un camp de concentration appelé Buchenwald. Un allemand jugé traître à son pays est interné dans ce camp : Erich Ebner est violenté et reçoit les pires corvées. À un cheveu d’être abattu, Erich est pris sous l’aile du   médecin chef du camp, un boucher sans conscience. L’auteure mène par la suite deux récits en convergence : la situation désespérée des déportés avec l’évolution d’Erich et  de son protecteur et une enquête complexe menée dans les années 2010.

Des enfants, tous issus de familles dysfonctionnelles disparaissent. Ils sont effroyablement mutilés vivants et marqués d’un mystérieux Y sur un bras. Au fur et à mesure de la convergence des récits, je suis devenu choqué, désarmé par tant de violences et de cruauté d’autant que les atrocités faites dans les camps de concentration allemands furent avérées par l’histoire. Je me suis fait à l’idée qu’il n’y a pas de frontière à la folie.

Je sais que c’est un cliché vieux comme le monde mais je l’utilise tout de même : ÂMES SENSIBLES S’ABSTENIR. C’est une histoire très bien écrite, ficelée et maîtrisée mais d’une violence innommable. Malgré tout, je rends hommage à l’auteure qui a évité le piège de la gratuité et du spectacle. J’ai été saisi d’addiction jusqu’à la finale, totalement inattendue et qui m’a proprement désarmé. C’est un roman très dur, perturbant. Plusieurs passages pourraient vous soulever le cœur d’autant que le rythme est très lent et de nature à faire mijoter et glacer le lecteur.

Un rythme lent favorise généralement la profondeur surtout qu’ici l’auteur exploite le pouvoir des mots avec une redoutable précision allant jusqu’à développer des passages qui expliquent ce que ressent la victime. Le roman est très fort et cette force se manifeste dès le début. Il m’a inspiré dégoût, horreur et colère mais force m’est d’admettre qu’il a été développé avec talent et intelligence

Est-ce qu’un roman peut-être trop bien écrit ? À vous de voir. Quoiqu’il en soit, BLOCK 46 développe avec brio un thème malsain et ne doit être lu que par des lecteurs-lectrices capables de soutenir l’insoutenable.

Suggestion de lecture : SOLEIL NOIR,  de Christophe Semont


L’auteure Joana Gustawsson

Bonne lecture
Claude Lambert
Le dimanche 25 août 2024

 

JE SUIS PILGRIM, de Terry Hayes

<Une chose m’apparaît clairement tout-à-coup,
c’est tout, sauf un banal homicide pour de l’argent,
de la drogue ou une quelconque pulsion sexuelle.
Avec ce meurtre, on est dans le registre de
l’extraordinaire.>
Extrait : JE SUIS PILGRIM, Terry
Hayes, or. JC Lattès éditeur, 2014, version audio : Audiolib
éditeur, 2019, durée d’écoute : 27 heures 53 minutes,
narrateur : Sylvain Hagaësse

Une jeune femme assassinée dans un hôtel sinistre de Manhattan. Un père décapité en public sous le soleil cuisant d’Arabie Saoudite. Un chercheur torturé devant un laboratoire syrien ultrasecret. Un complot visant à commettre un effroyable crime contre l’humanité. Et en fil rouge, reliant ces événements, un homme répondant au nom de Pilgrim, nom de code d’un individu qui n’existe pas officiellement. Il a autrefois dirigé une unité d’élite des services secrets américains. Il s’est retiré mais son passé d’agent secret va bientôt le rattraper…

Haute tension
<Outre que c’est à désespérer du genre humain,
 je dois dire que je suis encore plus impressionné
 par l’assassin. Il n’a pas dû être facile d’arracher
 trente-deux dents une par une sur un cadavre.>
Extrait

C’est le meilleur thriller que j’ai lu. L’idée du complot contre l’humanité n’est pas nouvelle en soi. Le sujet est même réchauffé en littérature et au cinéma. Toutefois, le développement du récit réserve à l’auditeur et l’auditrice des surprises, des frissons, des revirements, de nombreux rebondissements et possiblement quelques haut-le-cœur.

Le sujet est donc simple : une chaîne d’évènements meurtriers amène les services secrets américains à mettre au jour un complot contre l’humanité susceptible d’éradiquer les États-Unis et par la bande, plus de la moitié de l’humanité. L’affaire est extrêmement sérieuse, le temps restant très minime. Pour sauver la planète, on fait appel à un élite des services secrets. Nom de code : PILGRIM.

Le récit repose sur la recherche et l’enquête de Pilgrim qui est extrêmement pointue, complexe et potentiellement mortelle. Si le développement est simple, le déploiement de l’enquête qui va crescendo, associé au pouvoir descriptif de la plume donne un tout absolument génial. Ajoutons à cela l’intensité du personnage principal, PILGRIM, très bien travaillé avec un équilibre parfait de forces et de faiblesses et une psychologie parfaitement mise au point.

C’est un récit très violent qui a la faiblesse de faire passer les américains pour les gentils bougres sauveurs de la planète et détenteurs de la vérité. Pas étonnant que l’histoire ait, comme toile de fond, la destruction du World trade center et présente une image très sombre de l’Islam. Toutefois, le récit a la force de mettre en perspective des aspects méconnus du terrorisme et présente une image peu flatteuse des services secrets :

*Les évènements de ces douze dernières heures étaient, pour les services de renseignements, une faillite qu’on pouvait qualifier d’historique. La mission première du Renseignement américain dans son ensemble, dont le budget était faramineux, était de protéger la Mère Patrie, et jamais, depuis Pearl Harbor ces organisations toutes puissantes n’avaient foiré à ce point, au vu et au su de tous. * (Extrait)

Je veux signaler enfin que le début de l’histoire est lent. Il a été difficile de s’y accrocher. Mais soyez patient. Ça change vite. Stress garanti, voire addiction. Il y a aussi, après la finale, une forme d’épilogue inutilement longue à mon avis. Donc, JE SUIS PILGRIM est un roman très fort. L’auteur nous amène à nous inquiéter pour l’agent PILGRIM, à penser pour lui, à ressentir toutes ses émotions. L’histoire est bien développée, la finale est surprenante. Le récit bénéficie aussi d’un bel équilibre.

Si la distinction est évidente entre les bons et les méchants, l’auteur détaille autant la démarche de PILGRIM que celle du terroriste Islamiste, appelé le Sarrazin qui a, pour un temps, le pouvoir de mort sur l’humanité. Et puis c’est la première fois que je lis un roman d’espionnage qui me permet de comprendre un peu ce qui se passe dans la tête d’un terroriste et d’observer qu’un terroriste peut-être lui-aussi terrorisé. Très bonne lecture.

Suggestion de lecture : PROJET ANASTASIS, de Jacques Vandroux

Après plusieurs années en journalisme, Terry Hayes rencontre le réalisateur de cinéma australien George Miller avec qui il collabore à la novélisation du scénario de Mad Max. Miller embauche ensuite Hayes pour écrire avec lui le scénario de Mad Max 2 (1981). Hayes, qui devient ensuite scénariste et producteur pour le cinéma et la télévision, s’installe à Hollywood. Il signe, en 1989, les scénarios de Calme blanc (Dead Calm), adapté d’un roman éponyme de Charles Williams, et de From Hell , 2001. Hayes, qui remporte plus de vingt récompenses en carrière, publie en 2013 son premier roman, le thriller Je suis Pilgrim (I am Pilgrim), rapidement devenu un best-seller international. Source : Wikipédia

BONNE LECTURE
BONNE ÉCOUTE
Claude Lambert
le dimanche 10 mars 2024

L’ÉPÉE DE VÉRITÉ, livre de Terry Goodkind

Commentaire sur le livre 1
LA PREMIÈRE LEÇON DU SORCIER

*Terrassé par la fièvre et la douleur, Richard s’aperçut à peine
qu’il s’était affaissé la tête reposant sur la table. Il gémit pendant
que son esprit embrumé mesurait les implications de ce que
Calahan venait de dire à Zede : Les prophéties du grimoire des
ombres recensées allaient se réaliser…*
(Extrait : L’ÉPÉE DEVÉRITÉ, livre 1. À l’origine : Bragelonne éditeur,
2014. Version audio : Audible studio éditeur, 2018, Durée d’écoute :
32 heures 15 minutes. Narrateur : Vincent de Boüard)

Une frontière magique, infranchissable, sépare la Terre d’Ouest des Contrées du Milieu. Paisible garde forestier, Richard Cypher n’a jamais quitté sa forêt. Son destin bascule lorsqu’il sauve de la mort d’une jeune femme, Kahlan, poursuivie par les sbires du tyran Darken Rahl. Assoiffé de pouvoir, il s’est emparé des Contrées du Milieu et se rapproche dangereusement de la Terre d’Ouest à la recherche d’artefacts grâce auxquels il aspire à dominer le monde. Richard va trouver son ami Zedd, un puissant sorcier. Commence alors pour le forestier une initiation magique grâce à l’Épée de Vérité, arme puissante et dévastatrice.

Le sorcier de vérité
*Quand il fut à un pas d’elle, la femme se leva, se
retourna avec grâce et prononça doucement le
nom de Richard. Cette voix…il la connaissait. Il
crut que son cœur allait exploser quand il vit le
visage qui, inévitablement, allait avec. *
(Extrait)

LA PREMIÈRE LEÇON DU SORCIER est un long pavé sonore de plus de 32 heures d’écoute soit une brique de 637 pages dans l’édition de papier de Bragelonne. C’est très long et ce n’est que le premier tome d’une série de 12. Comme dans tout bon *fantasy*, l’oeuvre de Goodkind évoque la sempiternelle guerre du bien contre le mal qui n’est pas sans rappeler LE SEIGNEUR DES ANNEAUX de Tolkien pour les sorciers, créatures du mal et déploiements guerriers et L’HISTOIRE SANS FIN de Michael Ende pour les aspects féériques et environnementaux du récit.

L’histoire commence très simplement alors qu’un simple guide forestier, Richard Cypher sauve une belle inconnue des griffes de brigands. Elle s’appelle Khalan. Au premier regard, des sentiments s’éveillent mais il y a plus urgent car dans la foulée de la mystérieuse Khalan se mettent en place des forces, des évènements, d’obscurs personnages et d’étranges créatures.

Le but de ce déploiement est de pousser Richard et Khalan dans le rôle qui leur revient réellement en vue d’une confrontation finale avec le tyran le plus monstrueux des contrées du milieu, un sorcier d’une inimaginable cruauté nommé Darken Rahl. C’est ainsi que Richard Cypher devient sorcier et se voit remettre par son ami Zedd le sorcier L’ÉPÉE DE VÉRITÉ.

Pour ce livre, j’ai utilisé la version audio. J’ai bien aimé cette histoire quoique j’ai dû apprivoiser la voix du narrateur et ça n’a pas été simple au début. J’ai fini par me faire finalement à une voix parfois trop théâtrale allant jusqu’à la caricature. Un ton trop souvent déclamé et alarmiste. Heureusement, la performance pour les personnages principaux est satisfaisante.

Dans l’ensemble, j’ai trouvé le récit très immersif. On dirait bien que l’auteur a misé sur le pouvoir des mots avec un langage très descriptif, clair et bien ventilé. Comme je le disais, c’est un récit très long. Trop en fait. Ça frôle la redondance en plusieurs endroits. Je pense entre autres à cette longue série de séances de torture de Richard par une espèce de maritorne appelée Mère Dena. Préparez-vous. Vous en avez pour des heures.

Je comprends que Goodkind a voulu bien planter le décor pour sa série mais ça donne des longueurs qui donnent parfois envie de décrocher. Heureusement les tomes suivants sont un peu plus courts. L’histoire reste prévisible mais deux éléments m’ont tenu dans le coup : le caractère descriptif du récit et un certain lien qu’on peut faire avec notre propre quotidien à cause justement de cette première leçon du sorcier qui évoque la recherche de la vérité et son opposé : la désinformation.

C’est un peu classique mais aventurier, rafraîchissant voire dépaysant. Il sera intéressant d’entendre la suite, en espérant une meilleure prestation.

Suggestion de lecture : LE POISON SECRET, de Francis Leblanc

Terry Goodkind naît en 1948 à Omaha, dans le Nebraska. Malgré sa dyslexie, mais avec l’encouragement de ses professeurs, il poursuit des études d’art afin de se spécialiser dans la représentation de la faune et de la flore. Son parcours professionnel est pour le moins particulier : avant de devenir écrivain il est tour à tour charpentier, luthier et restaurateur d’antiquités. En 1983, il part s’installer avec son épouse dans le Maine C’est là que, dix ans plus tard, il rédige face à la mer son premier roman, La Première Leçon du sorcier, dont le succès lance sa carrière d’écrivain.

LA SUITE (liste partielle)

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert

le samedi 24 février 2024

LES INFORTUNES DE LA BELLE AU BOIS DORMANT

1- L’INITIATION

Commentaire sur le livre d’
ANNE RICE

*À son entrée dans la chambre, son désir avait été fort et presque douloureux. À présent, il l’aiguillonnait sans merci. -Je vous ai réveillée ma chérie, lui dit-il. Vous avez dormi cent ans…Écoutez. Écoutez ! Vous allez entendre ce château revenir à la vie comme personne avant vous ne l’a jamais entendu. *
(Extrait : LES INFORTUNES DE LA BELLE AU BOIS DORMANT, volet 1 : L’INITIATION. Anne Rice. Robert Laffont éditeur, 1999, format numérique pour la présente, 315 pages.)

Vous connaissez l’histoire de la Belle au bois dormant.

Mais imaginez un instant qu’une fée mutine et joliment perverse se soit subrepticement glissée dans la chambre de la petite princesse, après le départ de ses consœurs, modifiant le sortilège.

La belle enfant sera délivrée de son long sommeil par un Prince, qui l’initiera à l’amour et au plaisir dans la douleur, l’emmènera dans son royaume, où, avec des centaines d’autres jeunes esclaves, elle assouvira les désirs et les fantasmes d’une bien étrange Cour…

 

Détournement de conte
*Vous ne devez point résister, mais bien plutôt prendre possession
 de vos charmes, c’est-à-dire laisser votre esprit habiter votre
corps. Vous êtes nue, sans défense, tous vont jouir de vous
 et qu’y pouvez-vous ? Ainsi donc, il me faut vous avouer que
 vos contorsions ne font que vous rendre plus exquise. *
(Extrait)

C’est sans doute le livre le plus indigeste que j’ai lu jusqu’à maintenant et je suis surpris que cette nullité ait été écrite par l’auteure du best-seller mondial ENTRETIEN AVEC UN VAMPIRE ou encore L’HEURE DE L’ANGE, un livre que j’ai déjà commenté sur ce site et que j’avais trouvé intéressant. Dans L’INITIATION, j’ai commencé a trouvé le temps long à la page 5.

Le titre de la série (parce que c’est une trilogie) est un bel euphémisme si je me fie au premier tome où il n’est question que d’avilissement, de masochisme, d’esclavagisme sexuel et d’un jeu sordide de soumission/domination : *Mais le prince n’était pas totalement satisfait de la manière dont il instruisait la belle. Il lui dit qu’à leur arrivée dans la prochaine ville…il lui arracherait encore un peu de sa dignité, afin de lui rendre les choses plus faciles. * (Extrait) C’est n’importe quoi.

Je suis surpris que les critiques qualifient ce récit d’érotique. L’érotisme implique l’amour sensuel, les plaisirs sexuels consentis et partagés. Dans ce livre, il n’est question que de viols, de torture, de masochisme, d’asservissement, de brutalité, de bestialité. Le tout traité avec une légèreté dérangeante : *…la douleur vous adoucit, vous rend les choses plus aisées. Vous êtes infiniment plus malléable, depuis la fessée que je vous ai donnée à l’auberge…* (Extrait)

Ici, nous avons 230 pages de fesses…des fesses torturées, zébrées, rougies sans compter le sort réservé aux organes génitaux. Au moins, cette violence, qui est physique et aussi fortement psychologique, est exempte de sang. Dans cette histoire, il n’y a pas de bains de sang, même pas une petite coupure ni brulure. Tous les acteurs sont de beaux garçons jeunes et vigoureux et de belles jeunes filles au corps magnifique…évidemment. Je dois l’admettre…c’est bien écrit, très descriptif.

J’ai essayé de donner un sens à cette histoire. Il n’y en a pas. Le prince charmant éveille la Belle au bois dormant, littéralement et sexuellement. Conquis par ses charmes, il fait d’elle une servante d’amour qui va découvrir la tendresse et la cruauté, le plaisir et la douleur. Ça s’arrête là. Ici le prince est tout sauf charmant. Aucune explication sur les origines du prince, ni sur les horribles traditions de la Cour de la reine.

D’où viennent tous ces princes et princesses littéralement humiliés et écrasés par les caprices des grands Seigneurs. C’est quoi ce pays de tarés ? Rien qui donne du sens. Qu’est-ce qui motive tous ces dégénérés, et comment vivent-ils ? Encore si j’en avais une idée. Mes sentiments me rappellent vaguement ceux que j’avais à la lecture de certains livres du Marquis de Sade. Et dire que ce livre est le premier d’une série.

J’ai compris à la finale du premier que les insoumis sont envoyés dans un endroit appelé le village qui évoque pour moi un des cercles de l’enfer. C’est donc là que devrait débuter le deuxième volet de la trilogie. Pour moi, cette expérience de lecture s’arrête là.

Suggestion de lecture : CRASH, de J.G. Ballard

Née en 1941 à La Nouvelle-Orléans, Anne Rice commence à écrire au milieu des années 1970 ce qu’elle pense être « une courte nouvelle sur le thème du vampirisme ». Entretien avec un vampire deviendra un livre culte, le premier volume des « Chroniques des vampires ». Reine du fantastique moderne qu’elle a révolutionné en lui apportant sensualité et démesure, elle passe au roman historique avec La Voix des anges, superbe histoire de castrats à Venise, et à l’érotisme avec Les infortunes de la Belle au bois dormant. Anne Rice a également publié quatre romans érotiques sous le pseudonyme de A. N. Roquelaure et deux romans sous celui de Anne Rampling. 

LA SUITE

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 17 décembre 2023

 

LES 3 P’TITS COCHONS, LES CONTES INTERDITS

Commentaire sur le livre de
CHRISTIAN BOIVIN

-Pauvre Alicia, avait alors pensé Peter. Si tu savais
toutes les horreurs dont je suis l’auteur, ce n’est pas
dans un asile que tu m’enverrais, mais
directement sur la chaise électrique. –
(Extrait : LES 3
P’TITS COCHONS, Christian Boivin, LES CONTES
INTERDITS, AdA éditeur, 2017, papier, 235 pages.)

Trois individus qui trempent dans le voyeurisme, la pornographie, le cannibalisme et la nécrophilie.

Une étudiante universitaire menant une vie bien rangée qui se retrouve à la morgue après avoir consommé du Flakka.

Un tueur à gages qui revient dans sa ville mettre sa sœur en terre et qui découvre de troublantes vérités à son sujet.

Une rousse excentrique à la libido débridée et dénuée de tout sens moral, capable de pervertir les âmes les plus pures.

Détournement de conte
*Il arrive difficilement à concevoir de quelle manière
une usine employant autant de gens et appliquant
autant de mesures de contrôle pourrait traiter de la
viande humaine à travers ses chaînes de production
sans que ça se sache. Et puis où trouveraient-ils la
matière première ? Ce n’est pas comme s’il y avait
des abattoirs d’humains, à l’image des abattoirs de
porcs.*
(Extrait)

Ce livre nous entraîne dans les basses fosses des penchants humains : violence extrême, nécrophilie, cannibalisme, torture, meurtre, voyeurisme, sadomasochisme. Rien à voir avec le conte traditionnel pour enfant publié au XVIIIe siècle, sinon une hallucination d’Alicia qui voit ses trois bourreaux avec une tête de porc, ce qui va comme un gant à ce trio de racaille.

Il faut dire aussi que le départ de l’histoire est tout doux, tout gentil jusqu’à ce que les mots me manquent pour décrire la cruauté de Peter, un tueur à gage, qui rentre de Vancouver dans sa ville natale, Québec, pour enterrer sa sœur morte dans des circonstances sombres et douteuses.

Peter apprend des choses bien troublantes au sujet de sa sœur. Une rousse excentrique, nymphomane et sans conscience, qui n’est mignonne qu’en apparence, poussera Peter jusqu’à la vérité et la vengeance…une vengeance qui coûtera très cher. Entre temps, les cadavres s’accumulent.

C’est une version détournée et extrêmement vulgaire du conte classique. Elle est truffée de sexe et de violence. Il y a dans ce récit, des passages à soulever le cœur. Ce livre n’est pas pour les âmes sensibles.

L’histoire comporte deux volets qui évoluent en parallèles : Peter qui fait son enquête, assortie de passages sexuels très chauds, et, en deuxième volet, on revient sur le passé d’Alicia pour comprendre les évènements qui ont conduit à son décès.

Ce genre de récit à deux voix est courant en littérature sauf qu’ici, les deux paliers ont un point en commun : ils sont sursaturés de pornographie et pour Peter, tuer est un métier aussi banal que travailler dans un dépanneur. Vous voyez je pense où je veux en venir…l’intrigue est dissoute dans tout un fatras de sexe et de sang.

Les personnages sont superficiels. Puisqu’ils sont sans conscience, l’auteur n’a pas cru bon les travailler davantage. Le personnage le mieux défini est encore Peter Wolfe, le tueur, mais il est tellement froid et amoral que je n’ai pas cherché à en savoir plus. Quant à sa sœur, Alicia, que Peter cherche tant à venger, disons que ce n’est pas une lumière.

C’est un livre pour public averti, un cauchemar de 230 pages qui fait froid dans le dos. Personnellement, je trouve la trame peu signifiante. L’intrigue et le suspense ont été sacrifiés au délire. C’est cru et morbide.

C’est un livre à éviter pour les mineurs, les lecteurs et lectrices sensibles. Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est un livre à éviter tout court. Il fait partie d’une série québécoise appelée CONTES INTERDITS.

Chaque livre, écrit par un auteur différent revisite un conte classique et le transforme en récit gore et horrifique. Je sais qu’il y a une catégorie de lecteurs et lectrices qui aiment le gore et je respecte ça. En ce qui me concerne, avec LES 3 P’TITS COCHONS de Christian Boivin et BLANCHE NEIGE DE L.P. Sicard, que j’ai lu il y a quelques temps, je suis saturé de ce genre de lecture.

Je ne suis pas amateur de gore mais je veux toutefois nuancer. Si je peux trouver un livre de cette tendance, signé par un auteur capable de mettre à l’avant-plan l’intrigue, la recherche et des personnages bien campés, je suis preneur. Je serai toujours preneur.

Suggestion de lecture : LA SÉRIE NOIRE DE GALLIMARD, collection

Christian Boivin est né au Lac-St-Jean et vit maintenant à Québec. Il est diplômé en informatique.
Amateur de Fantasy, c’est le genre qu’il choisit pour ses premiers romans, les 4 tomes de sa série L’Ordre des moines-guerriers Ahkena. En 2017, il publie pour la série à succès Les Contes Interdits une adaptation moderne, violente et vulgaire du conte folklorique Les 3 petits cochons, devenu best-seller depuis, marquant ainsi un changement de style.
Il récidive en 2018 avec une version sanglante du classique d’Andersen, Le Vilain Petit Canard.

Autres contes interdits

Bonne lecture
Claude Lambert
Le samedi 11 juin 2022

UNE FORÊT OBSCURE, le livre de FABIO M. MITCHELLI

<Louise Beaulieu, tome 1>

*…le poids qui s’écrase sur le métal souple de la carrosserie… un froissement de tôle Emma fut projetée à quelques dizaines de mètres…son corps s’immobilisa…stoppée par le tronc d’un cèdre… La forêt de Tongas, immuable, venait une fois encore d’engloutir la vie d’un enfant de Juneau. * (Extrait : UNE FORËT OBSCURE, Fabio M. Mitchelli, à l’origine : Pocket éditeur 2017, 408 pages, version audio : Audible studios éditeur, 2017, durée d’écoute : 10 heures 34 minutes. Narratrice : Christine Bellier)

À Montréal, Luka diffuse sur le Web les images des animaux qu’il torture, puis celles de son amant qu’il assassine à coups de pic à glace. Pour enquêter sur une telle affaire, il faut un flic borderline comme Louise Beaulieu.

En Alaska, dans la petite ville de Juneau, deux jeunes filles sont découvertes en état de choc. Pour comprendre, il faut un flic comme Carrie Callan, qui va exhumer les vieux secrets et regarder le passé en face.

Le point commun à ces deux affaires : Daniel Singleton, un tueur en série. Du fond de sa cellule, il élabore le piège qui va pousser Louise à aller plus loin, toujours plus loin… Jusqu’à la forêt de Tongass, là où le mensonge corrode tout, là où les pistes que suivent les deux enquêtrices vont se rejoindre.

LA NOIRCEUR QUI TIENT EN HALEINE
*A présent il ne pouvait plus contenir le poison qui lui infectait le sang,
 ce venin qui incendiait et ravageait ses chairs, ses entrailles. Il lui fallait
s’ouvrir en deux et se dégorger de ce pus immonde qui coulait en lui,
vomir de trop-plein de rage et de honte qu’il aurait tant aimé cracher à la
gueule du monde avant de sombrer. *
 
  (Extrait)

Bien que cette histoire soit une fiction, elle est amplement et librement inspirée par l’actualité judiciaire. Ici, un petit rappel des faits s’impose. L’auteur débute d’ailleurs son livre par une petite synthèse des évènements.

Le roman s’appuie sur des faits divers qui se sont réellement déroulés à Montréal et à Anchorage en Alaska. Certaines scènes évoquent aussi des évènements liés à la catastrophe écologique causée par l’Exon Valdez en 1989.

L’ouvrage s’inspire également de l’escalade criminelle de Luka Rocco Magnotta et du meurtre prémédité qu’il a commis en 2012 sur la personne de Lin Jun, un jeune étudiant chinois installé au Canada ainsi que des crimes de Robert Christian Hansen qui a violé et assassiné entre 17 et 21 femmes dans les environs d’Anchorage entre 1971 et 1983.

Donc les auditeurs et auditrices devront jongler entre la réalité et la fiction. Peut-être même cette histoire leur imposera une certaine recherche pour faire la différence. Personnellement, j’ai trouvé le défi plutôt emballant.

C’est un roman très noir et très librement inspiré de l’œuvre de deux grands criminels. Tous les acteurs du récit un subi un ou plusieurs traumatismes dont quelques-uns liés au naufrage de l’EXXON VALDEZ, le célèbre pétrolier américain qui s’est échoué en 1989 sur la Côte de l’Alaska, provoquant une colossale marée noire.

Une chaîne d’évènements amènera deux enquêtrices : Carrie Callan, une américaine en poste à Juneau, Alaska et Louise Beaulieu du Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM) à collaborer sur deux affaires qui n’ont rien d’évident en commun au début en tout cas : la découverte de deux jeunes filles en état de panique à Juneau et un homme assassiné à coup de pic à glace par son amant à Montréal.

Le reste est une affaire de police qui va de découverte en découverte à un rythme très élevé et qui paralyse en quelque sorte les auditeurs/auditrices : torture, meurtres, pédophilie, séquestration, prostitution. Il n’y a pas de limites pour les esprits tordus et comme l’auteur a puisé sans retenue dans les faits divers, il n’a pu éviter une certaine crudité dans le langage.

Les auditeurs/auditrices vont peut-être s’attacher, comme moi aux enquêtrices, en particulier Louise Beaulieu du SPVM, une caractérielle accro au poker et qui jure comme une charretière mais qui est dotée d’un remarquable instinct et qui traîne elle aussi de dures épreuves de la vie. Ici, j’en profite pour dire que j’ai beaucoup apprécié la narration de Christine Bellier.

J’ai trouvé remarquable sa façon de passer au français dit standard à l’accent québécois pure laine incluant une façon très crue de descendre les saints du ciel. Pour ce qui est de raconter, madame Bellier a un registre vocal qui force l’attention. Elle m’a donné l’impression de s’adresser à moi.

Pour écouter ou lire cette histoire, il faut être ajusté à l’actualité jusqu’à un certain point parce qu’on sait ce qui va arriver. Ce qui est beaucoup moins évident, ce sont les motivations des tueurs.

Le récit est empreint d’une analyse des mobiles qui nous tient prisonnier de la trame et ça pousse au questionnement : est-ce suffisant d’évoquer la maladie mentale ou les traumatismes subis dans l’enfance. Y a-t-il autre chose? Personne ne peut rester indifférent à un tel récit d’autant qu’il a été plus vécu que fantasmé.

Donc pour résumer, c’est un roman fort, très noir, très violent, certains passages sont difficiles. La finale est un peu obscure. Excellente narration. Beaucoup de québécois trouveront la couleur locale divertissante dans un contexte aussi sombre. Ensemble détaillé, rythme élevé…pas de temps morts et pas tellement conçu pour les âmes sensibles. Seule petite faiblesse, le lien de l’histoire avec l’Exon Valdez est un peu mince, sous-développé. Sinon, c’est un ouvrage fascinant.

Suggestion de lecture : INTIMIDATION, de Harlan Coben

Fabio M.Mitchelli, est un musicien et écrivain né à Vienne (Isère) en 1973, auteur de thrillers psychologiques inspirés de faits réels. Il a signé « La trilogie des verticales » parue aux éditions Ex-aequo entre 2010 et 2012, dont La verticale du fou, le premier opus de ce singulier triptyque, a été classé dans le top 3 des romans les plus téléchargés sur le territoire français en 2011 aux côtés de David Foenkinos. Mitchelli se consacre désormais à l’écriture de true crime et thrillers psychologiques. « La compassion du diable », paru aux éditions Fleur Sauvage en octobre 2014 a reçu le Prix du polar Dora-Suarez 2015.

Christine Bellier est une actrice canadienne. Notamment active dans le doublage, elle a été entre autres la voix québécoise de Drew Barrymore, Tara Reid, Reese Witherspoon, Charlize Theron, Piper Perabo, Shannon Elizabeth et Kate Winslet lors de son activité au Québec. Elle aime aussi à l’occasion, jouer le rôle de narratrice.

Aussi à écouter :
le 2e tome de la série Louise Beaulieu

Bonne lecture
Bonne écoute
Claude Lambert
Le samedi 23 octobre 2021

L’OEIL DE CAINE, le livre de PATRICK BAUWEN

*Seth va mourir, il le sait. Le fait qu’il n’ait que douze
ans n’y changera rien. Quelqu’un va venir le chercher
pour le conduire sur la chaise électrique. On lui mettra
une cagoule sur la tête, on lui attachera les poignets
et les chevilles. Puis on le fera griller. C’est aussi simple
que ça. *
(Extrait : L’ŒIL DE CAINE, Patrick Bauwen, Éditions Albin
Michel, 2007, édition numérique, 350 pages)

LE SHOW DE LA FIN=LE DÉBUT DU SHOW
*La scène du hangar disparut. L’image du bas, représentant
la carcasse d’un animal dévoré par les mouches, grossit
jusqu’à envahir l’écran. Sauf que ce n’était pas le corps
d’une bête. C’était celui de Pearl. Thomas demeura pétrifié
d’horreur.  L’image se brouilla…
(Extrait : L’œil de Caine)

L’ŒIL DE CAINE est un roman de type thriller angoissant et très noir. C’est le tout premier roman de Patrick Bauwen publié en 2008 et il frappe fort pour démarrer sa carrière avec un récit ayant pour toile de fond la téléréalité telle que la conçoit Hazel Caine : Dans les émissions ordinaires, le spectateur est roi. Dans la nôtre, il est Dieu. Les gens ont un pouvoir de vie et de mort sur les candidats…virtuellement bien entendu. Ce sont eux qui vous ont élu, vous êtes leur héros.* (Extrait)

Showcaine sélectionne 10 candidats ayant chacun un secret enfoui profond. L’auditoire aura à trouver ce que c’est et voter. Mais voilà…ça ne se passe pas tout à fait comme les candidats l’avaient prévu…*un vieux psychiatre est engagé par Showcaine. Comme il éprouve pour vous de l’affection paternaliste, il vous fait entrer dans l’émission à votre insu, espérant vous refiler goût à la vie. Il donne également le feu vert pour que sa fille y participe. Mais l’un de ses anciens patients guette dans l’ombre.* (extrait)

Dès le départ tout dérape, d’autant plus que le patient en question est un psychopathe tordu, schizophrène, matricide et perturbé par la religion. Mais attention…Showcaine encourage son auditoire à se fier aux apparences. Le petit voyage de départ en autobus devient rapidement une aventure gore avec sexe, torture, mutilation et morts au programme. Un lent carnage, une boucherie.

Et pendant que les candidats meurent un par un, les secrets sont dévoilés à la petite cuillère donnant à l’atmosphère du récit quelque chose de noir, de malsain. Mais qui survivra? Ça prend un gagnant…ça viendra avec de la manipulation, du mensonge et de l’hypocrisie.

Le récit rappelle à plus d’un égard LES DIX PETITS NÈGRES d’Agatha Christie. L’ŒIL DE CAINE est bien sûr plus explicite et plus sanglant. Mais les deux ont un point en commun : ils en disent très long sur la nature humaine lorsque celle-ci est confrontée à la peur et au seuil de la mort.

Ce livre est venu me chercher rapidement et j’y suis resté accroché jusqu’à la finale qui m’a laissé pantois. C’est un huis-clos infernal qui montre jusqu’où pourrait aller la télé-réalité si on la laissait faire. Comme je l’ai déjà expliqué à quelques reprises sur ce site, je considère la téléréalité comme une plaie, une errance dont le contrôle est douteux.

L’imagination déployée par l’auteur dans le développement de son récit est d’une redoutable efficacité. Bauwen fait monter la tension sans jamais fléchir jusqu’à la grande finale qui, même si elle est un peu tirée par les cheveux, m’a permis d’apprécier une intrigue très bien ficelée. J’ai eu un peu de difficulté à développer de l’empathie pour les personnages que j’ai trouvés froids et distants.

Sans jamais m’attacher aux personnages, j’ai pu apprécier la profondeur de chacun d’eux, graduellement au fil du récit. Certains sont un peu surfaits, je pense entre autres à Peter, un enfant autiste qui a autour de 10 ans. Qu’est-ce qu’un enfant faisait dans le lot? Vous connaîtrez la réponse et vous risquez d’être surpris. L’ŒIL DE CAINE est un des meilleurs thrillers que j’ai lus. La lecture est fluide.

Vous devez toutefois vous attendre à des passages extrêmement explicites de nature à soulever le cœur. Comme moi peut-être apprécierez-vous la subtilité de l’auteur déployée entre autres dans le jeu des alliances entre les personnages. Le récit a une dimension sociale et psychologique très intéressante.

Un vrai livre à faire peur…j’ai adoré.

Suggestion de lecture : LA CAGOULE, de François Gravel

De son vrai nom Patrick Bousket, Patrick Bauwen est auteur français né en 1968. Il dirige un service d’urgences en région parisienne et il vit une partie de l’année aux États-Unis. Après L’Œil de Caine, son premier roman dans l’univers de la télé-réalité, il a offert aux lecteurs un nouveau thriller très troublant : Monster dans l’univers de la médecine et des disparitions d’enfants.

Puis en 2010, il est de retour avec son thriller Seul à savoir. Auteur très talentueux, il est également très accessible et échange volontiers avec ses lecteurs sur sa page Facebook. C’est en 2014 que sort son quatrième roman « Les fantômes d’Eden », Il est également membre de la Ligue de l’Imaginaire. Site officiel de l’auteur : http://www.patrickbauwen.com/

Bonne lecture
Claude Lambert
vendredi 4 décembre 2020

FAUX-SEMBLANTS, le livre de JEFF ABBOTT

*« Je regrette mais je dois le faire. J’ai besoin de
le faire» répondit le «Saigneur». Il sortit le poignard
de son fourreau et le glissa sous son siège. Il avait
pris soin de le nettoyer et de l’affûter, après sa
dernière utilisation. *
(Extrait : FAUX-SEMBLANTS, Jeff Abott, édition Le Cherche
Midi, éd. Or. 2004, édition numérique, 370 pages)

Lorsque le fils d’un sénateur, Peter James, devenu star du porno, revient dans sa ville natale du Texas, rien de bon n’est à prévoir. Il est d’ailleurs retrouvé mort dans un yacht du Port Leo. Tout porte à croire que c’est un suicide par balle dans la bouche.  Tout porte à croire ?? En fait, c’est pas aussi simple. Whit Mosley et Claudia Salazar chargés de l’enquête ne sont pas au bout de leur peine et vont dangereusement affronter un tueur pervers et manipulateur. Avec FAUX-SEMBLANTS, l’auteur Jef Abbott nous garantit le retour récurrent de Mosley et Salazar.

LES VISAGES DE L’AMÉRIQUE
*Whit pensait qu’elle s’avilissait en travaillant
dans le porno, que dirait-il s’il voyait ce qui
lui arrive maintenant? Il comprendrait alors
ce qu’est vraiment l’abjection. >
Extrait

Au départ, je croyais avoir affaire à la petite lecture légère d’un format de poche, genre salle d’attente. C’est plus que cela. En fait, j’ai creusé ma tête de lecteur pour comprendre la démarche du juge Whit Mosley et tenter de me mettre à sa place pour décider entre autres de la nature du décès de Pete Hubble. Il a toutes les apparences d’un suicide.

Mais un doute persiste et devient même pernicieux à un moment où l’enquête du juge prend un tournant comportant danger de mort. Pour développer son enquête Abbott a créé des personnages un peu particuliers : Whit Mosley : devenu juge par accident, vieux garçon un peu aventurier, au look tape-à-l’œil, ne se prend pas au sérieux mais il reste consciencieux et se débat avec courage dans l’enquête la plus complexe de son mandat.

Autre personnage intéressant : la victime, Pete Hubble, une star de la porno, tourmenté par la mort de son frère Corey Hubble sur lequel il décide de tourner un film…sérieux. Pour ce film, Pete décroche un financement douteux avant de mourir d’une balle dans la bouche. Il est retrouvé, pistolet en main. Il y a aussi Lucinda, une sénatrice qui travaille à sa réélection et qui a tellement de choses à cacher. Toute la famille est  bizarre, un peu tordue.

Enfin, il y a Claudia Salazar, policière nouvellement divorcée, à cheval sur son indépendance et qui cherche du gallon… Parallèlement à ces évènements, un tueur cruel et machiavélique torture et tue dans un environnement très proche de nos personnages

Comment est mort Pete Hubble ? C’est le fil conducteur de cette histoire complexe. L’auteur nous réserve bien des surprises en plus d’une finale tout à fait improbable. Par la puissance de son écriture et son sens pointu de l’intrigue, Abbott fait plus que développer une enquête, il entraîne carrément le lecteur en plein sur le terrain de Mosley et Salazar. À travers revers et rebondissements, je me suis posé la question : Pete s’est-il suicidé ou pas.

Aurait-il été victime du tueur en série ou peut-être de sa propre famille et si c’était le cas, quel est l’intérêt. C’est une histoire bien montée, ficelée au point de mystifier le lecteur. Un seul point faible : l’histoire comporte peu d’éléments qui permettent de comprendre de façon satisfaisante les motivations du meurtrier en série. Toutefois, à la fin, son identité aura de quoi surprendre, le lecteur bien sûr mais en particulier notre ami le juge de paix.

FAUX-SEMBLANTS est un thriller dont l’intrigue est en équilibre avec le rythme qui est élevé et soutenu, parfois même essoufflant. Les personnages sont intéressants et bien travaillés, en particulier les limiers.

Et puis, comment ne pas apprécier à Whitt Mosley, cette tête de mule attachante au look de vacancier qui doit rendre un jugement dont sa vie pourrait dépendre…Les enchaînements et les rebondissements sont de nature à garder le lecteur dans le coup jusqu’à la fin…la fin qui m’a laissé un peu pantois.

L’intrigue n’est pas de nature à nous mettre copain-copain avec la politique. Il est rare dans la littérature policière, que ce milieu soit présenté à son avantage. Même chose pour le monde du porno, présenté comme étant sordide et glauque, sans compter de possibles ramifications avec la Mafia et le monde de la drogue…

Il ne faudra pas s’étonner si le premier tiers de l’histoire semble plus lent et terne. Ne vous y fiez pas. Tout se met en place et après, il faudra bien s’accrocher au fil conducteur de l’histoire car la complexité de l’enquête pourrait vous faire perdre le fil de l’histoire. En gros, je qualifierais FAUX-SEMBLANTS d’*excellent condensé de divertissement*

Suggestion de lecture : HANNIBAL, de Thomas Harris

Jeff Abbott est né en 1963 à Dallas, au Texas. Diplômé de l’Université de Rice, à Houston, en Histoire et Lettres, il se tourne vers l’écriture de romans en créant un personnage récurrent, « Jordan Poteet », bibliothécaire au Texas, et sa famille quelque peu excentrique. Il obtient « The Agatha Award » et « The Macavity Award » pour son premier titre « Do unto others » publié en 1994.

Avec le suivant, il évolue vers le roman un peu plus sombre, et un nouveau personnage : le Juge Coroner Whit Mosley et son investigatrice Claudia Salazar, avec lesquels il écrit trois titres.  En 2005, il passe enfin au thriller avec « Panic », qui va recevoir le « Thriller Award ». C’est avec Panique que les francophones le découvrent en 2006. Depuis « Panic » et quelques 5 autres thrillers, un autre personnage a vu le jour, Sam Capra, jeune agent de la CIA, dans trois romans publiés en 2015.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 28 août 2020

LE SORCIER, le livre de DAVID MENON

*-Il m’avait confié ce que Georges Lui faisait. Il m’a pris comme ami et comme protecteur.- -Et toi tu lui as planté un couteau dans le dos?- -Mary Griffin a utilisé mon homosexualité contre moi.- Comment ça?> (Extrait : LE SORCIER, David Menon, 2013, édition numérique, 200 pages.)

Trois cadavres sont retrouvés dans une vieille maison qui était autrefois un pensionnat de garçons. L’inspecteur Jeff Barton met à jour la terrifiante époque de brutalité et d’abus qui s’y déroula. L’enquête le mène sur les traces de l’ancien directeur et de sa femme et d’une affligeante liste de victimes. Mais Jeff, tiraillé entre un travail exigeant et Toby, son fils de cinq ans découvre ce que personne ne voit. Un plan audacieux et implacable fomenté par une ancienne victime pensionnaire déterminée à se venger. Si Jeff voit juste, alors lui et son  équipe doivent agir vite avant que la maîtrise de la sentence ne leur échappe pour de bon.

ILS ÉTAIENT CENSÉS ÊTRE EN SÉCURITÉ
*Depuis des années, ce réseau gagne des milliers et des milliers
avec la vente et la distribution de ses films de pédopornographie
particulièrement violents et écœurants. Ils s’en sont sortis en
cachant leurs activités derrière des vitrines respectables, mais
le mode opératoire a toujours été le même. *
(Extrait : LE SORCIER)

C’est une histoire très sombre et elle commence sur des chapeaux de roues. Au cours des rénovations entreprises dans un vieux bâtiment qui servait autrefois de pensionnat pour jeunes garçons, des travailleurs font la découverte de cadavres dans les sous-sols. Les travaux sont arrêtés, la police mandée sur les lieux.

L’enquête s’annonce complexe. On fait appel à l’enquêteur chef Jeff Barton, personnage récurrent de l’œuvre de David Menon. Il aura besoin d’aide et d’un estomac solide car si l’enquête met à jour de la crasse au départ, la suite devient une histoire d’horreur sans nom.

Dans ce livre, la plume de Menon a deux qualités particulières : elle ne vous fera jamais dévier de l’histoire et elle entretient minutieusement l’intrigue jusqu’à la fin. Je vous avertis toutefois que certains passages sont à soulever le cœur, le principal suspect étant un monstre sans conscience, tordu et dénué d’empathie, persuadé dans son obsession qu’il rendait service aux enfants :

*« C’était dans le donjon qu’ils faisaient leurs films. Ils y emmenaient certains garçons et les gardaient toute la nuit. C’était des trucs SM. Les garçons étaient attachés par les entraves fixées au plafond. Griffin les violait et c’était filmé. »* (Extrait)

C’est une histoire très bien ficelée avec une intrigue solide et un développement en crescendo. L’auteur y a imprégné suffisamment de réalisme pour faire frissonner le lecteur. Je parle de réalisme car bien qu’étant une fiction, toutes les sociétés ont connu des drames semblables à celui développé dans le SORCIER.

Bien que ce soit une bonne histoire, elle est très dure et je ne la recommande pas aux cœurs sensibles. : *…Cette enquête plongeait de plus en plus dans les méandres d’esprits aussi malades que tordus.* (Extrait)

La principale faiblesse de cette histoire est la quantité de personnages. On s’y perd un peu parce que les monstruosités commises sur les garçons ont provoqué à moyen terme des drames d’un autre type : suicides, éclatements familiaux, maladies mentales, peur et paranoïa et j’en passe.

Des familles s’imbriquent, les personnages s‘entrecroisent. L’identité de plusieurs de ces personnages risque de vous échapper. Il y a moyen de surmonter cette faiblesse en se concentrant bien sur le début de l’histoire.

Puisqu’on parle de personnages, je ne peux pas dire vraiment que j’ai réussi à m’y attacher. Je les ai trouvés un peu froids sauf peut-être Jeff Barton à qui l’auteur a donné un rôle aussi capital qu’effacé avec toutefois une remarquable intuition, qualité que j’apprécie particulièrement dans ce type de récit.

Quelques petits points en terminant. Je me demandais pourquoi LE SORCIER comme titre. Je l’ai compris dans les dernières pages. L’auteur aurait pu faire mieux là-dessus. Ensuite j’ai trouvé la finale un peu expédiée et j’ai été un peu déçu du sort de certains personnages. À vous de voir. Enfin l’édition que j’avais comportait une mise en page douteuse. La version numérique n’était guère mieux, mais *j’ai fait avec*. Recommandé pour les cœurs solides et amateurs d’émotions…LE SORCIER de David Menon.

Suggestion de lecture : LES SORCIÈRES DE SALEM, de Millie Sydenier

« J’aime écrire dans le genre de crime parce que je peux couvrir toutes les différentes classes sociales, sexe, race, sexualité, histoire, contemporain … c’est vraiment un grand pinceau et ma motivation d’écrire vient d’un désir de divertir les gens avec une bonne histoire. »

David Menon

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le dimanche 14 juin 2020

INDOMPTABLE, le livre de MILEY AARON

*Elle reconnaît John. Il est sur le brancard et sous respirateur. Son visage et son corps sont couverts de sang. Un médecin urgentiste lui donne les premiers soins Lorsqu’elle s’approche, son cœur se serre. C’était donc ça le message… * (Extrait : INDOMPTABLE, Miley Aaron, Érato Éditions, collection Kama, 2016, édition numérique, 360 pages)

Il y a parfois des questions qui restent sans réponses. Il y a des types qui ont le besoin de faire du mal aux autres pour se prouver qu’ils existent. Et si de nos jours, un jeune PDG mondialement connu, bien sous tous rapports en apparence, n’était en réalité qu’un masque ? Un peu trop sadique sur les bords. Pourquoi toutes les jeunes femmes qui deviennent son assistante disparaissent-elles sans laisser de traces ? Dans ses locaux, seules ses règles comptent. Gare à celui qui les outrepasse.

L’ADDICTION AU MAL
Ava jeta un coup d’œil sur le test de
grossesse : La réponse est là devant
ses yeux. –Maintenant je sais que je
ne porte pas le fils du diable en moi.
(Extrait : INDOMPTABLE)

C’est un livre qui ébranle et je vous avertis tout de suite, il ne s’adresse pas aux personnes sensibles. L’histoire est celle d’une jeune femme nommée Avalon. Si, dans LE CYCLE DU GRAAL, Avalon était l’île où a été emmené le roi Arthur après sa dernière bataille, c’est aussi l’endroit où a été forgée l’épée EXCALIBUR qui bien représenter le caractère bien trempé de la jeune femme. Elle en aura besoin car elle va passer un sale quart d’heure.

Avalon a eu deux plaies dans sa vie : son beau-père, un fou sadique, violent et manipulateur qui la battait pour le plaisir. Elle a fini par s’en échapper pour retomber dans un autre redoutable filet, celui de Ryan Evans, un jeune PDG assis sur un pouvoir aussi énorme que sa fortune.

Un autre cinglé dangereux qui s’amuse à faire souffrir psychologiquement et physiquement jusqu’à une mort lente et horrible de sa victime, toujours des jeunes femmes, dont Avalon, qui ont lié un obscur contrat avec Evans.

Dylan, le beau-père et Ryan Evans sont deux cinglés tordus qui adorent faire souffrir et qui n’hésitent pas à tuer avec le sourire avant de passer à la victime suivante. Avalon est prise dans ce piège mais elle est différente des autres. C’est une battante. Le chef de la sécurité d’Evans le remarque et il se développe un petit quelque chose entre eux. Ryan l’apprend et ça va le rendre encore deux fois plus fou.

C’est un livre dans lequel deux pervers malades se livrent à un jeu de pouvoir avec des raffinements de cruauté et de sadisme, sans aucune compassion, aucun remord…absence totale d’empathie. Il aurait été intéressant d’avoir plus d’éléments pour comprendre la psychologie de Dylan et Ryan Evans en particulier, l’intrigue est bien construite mais les souffrances et les remords s’empilent et j’ai trouvé qu’il y avait une certaine redondance.

Le fil conducteur est très solide et la plume acérée de Miley Aaron m’a poussé à tourner page après page. Le rythme est rapide et en cours de lecture, il est intéressant de voir évoluer la relation entre John et Avalon et surtout d’essayer de deviner comment ils vont se sortir d’un étau qui se resserre lentement et cruellement.

C’est un livre que les amateurs du genre *extrême violence*  vont sûrement beaucoup apprécié. Les souffrances infligées et les meurtres perpétrés sont sans pitié, sans compassion, sans empathie et répondent à un besoin profond de jouir du pouvoir de vie et de mort.

INDOMPTABLE n’est pas mon genre, je n’ai pas trop aimé…trop de haine, de morts, de violence, pas d’échappatoires, de diversions, aucun humour… mais je sais qu’il y a de la qualité dans le développement et que la trame est haletante. Je suis sûr que les lecteurs et lectrices au cœur solide devraient aimer ce livre qui se lit quand même vite et bien.

Je pourrais ajouter en terminant que cette œuvre, réalisée par un auteur émergent n’est pas sans faire réfléchir sur les dangers du pouvoir et surtout la combativité. Aaron est donc à suivre. Juste un petit mot sur la finale…elle est étrange et un peu expédiée. Elle ouvre la voie en tout cas à une suite. Où se positionneront Avalon et John dans tout ça? Je me demande si la suite sera aussi oppressante… À suivre.

Suggestion de lecture : CHARADE, de Laurent Loison

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Encore une autre qui se cache derrière l’objectif. On sait peu de choses de l’auteure.

Miley Aaron, est une écrivaine émergente. Dans son blog elle se présente comme suit : Anciennement perfectimperfection, je reviens avec un nouveau blog et en pleine forme =)! Venez découvrir la routine d’une ordinary girl qui souffre de douleur chronique au dos mais qui a décidé de croquer la vie à pleine dents et de se battre contre la maladie quoi qu’il arrive 🙂 !

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 22 mars 2020