LA TABLE DE ROBESPIERRE, de CHARLES RICHEBOURG

*Il souleva un coin du funèbre linceul…
il resta stupéfié devant le visage qu’il
venait de découvrir. Le No 16 regardait
l’éternité de ses yeux vitreux, mais sa
bouche souriait, comme si la mort avait
figé sur ses lèvres l’expression d’une
radieuse satisfaction. *
(Extrait : LA TABLE DE ROBESPIERRE,
Charles Richebourg, Éditions Oxymoron,
2017, éd. Numérique, 82 pages)

Hippolyte Plinthe, un professeur de philosophie est retrouvé égorgé sur un banc du Jardin des Plantes. Le commissaire Odilon QUENTIN apprend que le vieil homme s’était rendu, au « Café Royal » dans l’intention d’écrire une lettre capitale sur la table de Robespierre qu’occupait le célèbre politicien aux entractes du club des Jacobins durant la Révolution Française. L’  étrange client aurait griffonner un mot adressé au policier évoquant  « le baiser de la veuve ». Pourtant, la missive n’est jamais arrivée à destination. Et que signifie cette lubie de se rendre sur la table de Robespierre? Pour quelle raison le mort arborait-il un sourire radieux?…

SI MAXIMILIEN SAVAIT
*D’un invraisemblable fatras de ragots et
de cancans émergeait au moins un
renseignement précis: en quittant son
appartement pour la dernière fois, le
septuagénaire avait déclaré se rendre
au « café royal », dans l’intention bien
arrêtée d’écrire une lettre d’importance
capitale sur < la table de Robespierre. >

(Extrait)

Je parlerai d’abord d’Odilon Quentin, personnage récurrent dans l’œuvre de Richebourg. Le personnage créé par Charles Richebourg, est beaucoup flamboyant. 47 enquêtes menées par un homme prompt à résoudre les enquêtes qui lui sont proposées. J’ai pu apprécier ses talents de déduction et de synthèse.

Je crois que Richebourg a créé un personnage complet, bien creusé, solidement campé, brillant malgré ses attributs physiques : Il est gros, son apparence est terne, tête dégarnie, air empâté et il est loin d’être habillé au goût du jour mais voilà, il ne faut pas s’y fier car sa finesse d’esprit et sa perspicacité sont remarquables. Les romans mettant en vedette ce sympathique personnage sont courts, indépendants les uns des autres.

C’est ce que j’appelle des romans de gare car ils se lisent vite et bien et chacun a sa part de revirements et d’originalité. Pour ceux et celles qui apprécient les lectures aussi brèves que bien développées, je suggère fortement la collection ODILON QUENTIN. Je vous invite à consulter les titres et les premières de couverture sur le site de l’éditeur.
Cliquez ici.

Tous les attributs de Quentin se retrouvent dans le livre que je cite comme exemple aujourd’hui : LA TABLE DE ROBESPIERRE. Hypolite Plinthe, un savant de 75 ans, original et extrêmement lettré, est retrouvé égorgé. Quentin, chargé de l’affaire apprend que le professeur s’est rendu au café Royal afin d’écrire une lettre évoquant le *baiser de la veuve* sur la table utilisée jadis par Robespierre pendant ses pauses de la dictature *jacobine*  .

Pour Quentin, le baiser de la veuve évoqué dans la lettre sous-entendait la vengeance, ce qui rendait plus claire la raison pour laquelle Plinthe voulait écrire la lettre sur cette table historique :

*Conformément à ses principes, le savant estime que, pour produire un maximum d’efficacité, la lettre qui fera tomber la tête d’un homme doit être écrite à l’endroit où s’installait jadis le suppôt de la guillotine. En somme, il s’efforce de créer l’ambiance.* (Extrait)

Il faut mentionner ici qu’à l’époque décrite par cet opus, la guillotine est encore utilisée dans l’application de la peine de mort et aussi rappeler que Robespierre lui-même a été exécuté sans procès le 28 juillet 1794. Quant à savoir qui a tué Hypolite Plinthe, le commissaire Quentin a du pain sur la planche mais il a déjà une clé pour résoudre l’affaire : LA TABLE DE ROBESPIERRE.

L’idée du récit est originale et l’ensemble est développé avec une plume habile et intelligente. Le récit est aussi intriguant, surtout si on tient compte du fait que le professeur a été retrouvé mort avec un sourire béat aux lèvres. Un petit côté agaçant dans cette lecture est le rappel constant des caractéristiques physiques de Quentin qu’on appelle souvent le gros commissaire. Ça revient trop souvent et c’est irritant. Mais en général tous les éléments sont réunis pour une excellente lecture.

Suggestion de lecture : LA JEUNE FILLE ET LA NUIT, de Guillaume Musso

Quelques mots sur Robespierre

Maximilien de Robespierre s’engage dans la politique et est élu député en mai 1789. Il se fait remarquer par son éloquence en défendant la liberté de réunion, la liberté de la presse, le suffrage universel ainsi que l’instruction gratuite et obligatoire. Il milite au Club des Jacobins dont il prend la tête en avril 1790 grâce à sa réputation d’intégrité, qui lui vaut le surnom d’Incorruptible.

D’abord partisan d’une monarchie constitutionnelle, il devient, après la trahison de Louis XVI, l’un des principaux adversaires de la monarchie et s’impose comme un partisan des réformes démocratiques.

Après la chute de la monarchie, Robespierre est élu à la Convention nationale et contribue à faire voter la condamnation à mort de Louis XVI. Plus tard, il est élu membre du Comité de salut public qui cherche d’abord à éliminer les factions tels les modérés de Danton et les « Indulgents » de Camille Desmoulins puis installe le régime de « La Terreur ». Robespierre atteint le sommet de sa puissance en juin 1794, en étant élu président de la Convention nationale.

L’intensification de la Terreur qui découvre toujours de nouveaux « ennemis du peuple » conduit des membres de la Convention nationale et du Club des Jacobins à organiser une conspiration. Robespierre est mis en garde à vue à l’Hôtel de Ville et meurt guillotiné le 28 juillet avec une vingtaine de ses partisans.

Maximilien de Robespierre 1758-1794

Charles Richebourg est un pseudonyme. L’auteur qui se cache derrière ce nom d’emprunt a toujours été énigmatique pour les lecteurs et les commentateurs littéraires. Dès le départ, il œuvrait en force pour les collections *AVENTURE* et *POLICE ET MYSTÈRE*.

Son personnage le plus récurent est le policier Odilon Quentin.  Richebourg s’étend très peu sur lui-même. Il évolue dans l’ombre. Je n’ai même pas trouvé une petite photo acceptable. Par contre j’aime beaucoup le petit côté énigmatique et vieillot de ses premières de couverture.

         

Bonne lecture
le vendredi 18 septembre 2020
Claude Lambert

CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE

Commentaire sur le livre de
ANNIE BACON

*Une école secondaire est une très bonne
place pour soutenir un siège. C’est
également un endroit surprenant pour
échapper à la mort.*
(Extrait : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES
D’UNE ENFANT SAGE, Annie, Bacon, Éditions
Bayard Canada, 2016, édition de papier, 120 p.)

« Montréal n’est plus que ruines. Au centre-ville, les hautes tours gisent en piles informes, réduites à leurs plus petites composantes, telles des constructions en légo retournées dans leurs bacs d’origine. Pas un bruit si ce n’est quelques hurlements de systèmes d’alarme qui ne sonnent pour personne. La poussière est à peine retombée : les rats se terrent encore. Dans une rue du Plateau- Mont-Royal, une fille de treize ans marche, tirant derrière elle une valise bleue. » Astride est une jeune fille d’un naturel réservé. Au lendemain d’un cataclysme, elle sait qu’elle n’est pas seule à vouloir survivre…une survie fragile…

LES AFFRES DE LA SOLITUDE
*Il y a bien le dimanche où elle s’octroie un
peu de temps de lecture. Elle s’évade alors
dans quelques romans jeunesse ou bandes
dessinées et, l’espace d’une heure ou deux,
s’enveloppe dans la vie d’un autre.*
(Extrait : CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES
D’UNE ENFANT SAGE)

Annie Bacon nous offre ici un roman très court. Elle nous entraîne dans un monde ravagé par un choc neurotronique. Ce qui devait arriver par la folie des hommes s’est finalement produit : l’apocalypse. Seuls ceux et celles qui avaient la tête dans l’eau au moment du choc ont été épargnés. Il n’y en a pas beaucoup.

Parmi eux, il y a Astride, une jeune adolescente dont les défis se précisent dès le début de l’opuscule : survivre bien sûr, mais en évitant toutes rencontres car son petit monde est devenu dystopique et barbare. Montréal n’est plus que ruines. Astride n’a pour elle que sa petite valise bleue et son toit est celui de la bibliothèque municipale. Qui penserait en effet à se réfugier dans une bibliothèque.

Astride aura un temps pour pleurer sur la folie du monde avant de se relever les manches : *Ce soir-là dans la bibliothèque, en guettant sa valise, Astride pleure, elle ne pleure pas son passé perdu. Elle ne pleure pas son présent désespéré de jeune fille ayant échappé de justesse à une meute de chiens affamés. Elle pleure le futur rêvé qu’elle n’aura jamais plus.* (Extrait)

Puis notre jeune héroïne déploie toute sa sagesse pour se prendre en main et rester fidèle à ses valeurs : *Lorsque ni le futur ni le passé n’offrent d’asile, aussi bien se garder occupé au présent*. (Extrait) Alors, Astride apprend à se débrouiller et évolue, entourée de ses amis, les livres.

Le récit comprend une petite mise en abyme. On y suit bien sûr Astride, et Armand Beauséjour, un homme aussi victime de sa solitude. Deux récits deviennent en alternance et l’auteure a enchâssé dans l’histoire des extraits de TOUTE L’HUMANITÉ EXPLIQUÉE, ouvrage fictif qui explique l’histoire humaine sur les plans sociaux et culturels entre autres.

Bien que le fond de l’histoire soit dramatique, je l’ai perçue comme un vent léger et tempéré. Il n’y a pas vraiment d’intrigue ni de rebondissements. Il y a la description d’un monde détruit par la folie autodestructrice des hommes, une fresque post-apocalyptique dans laquelle Astride insère résilience et espoir. C’est un livre qui m’a touché. La plume d’Annie Bacon est toute en douceur avec des passages qui deviennent de la poésie.

Et comment ne pas s’attacher à Astride, une jeune fille dont les larmes sont devenues une force, et la sagesse une garantie de survie. Comment ne pas aussi s’attacher à Armand Beauséjour. Il est extrêmement intéressant de voir les deux solitudes évoluer en convergence, ce qui laisse place à une finale magnifique qui n’est pas nécessairement celle à laquelle vous pensez.

C’est un livre tout en douceur qui sacrifie l’action au profit de la psychologie et de l’introspection. La présentation est superbe et prend même des formes audacieuses avec des extraits d’un livre qui développe des thèmes en parfaite compatibilité avec l’esprit du texte, des retours en arrière et des regards sur les autres survivants, le tout, calligraphié. Comme beaucoup de lecteurs, j’aurais préféré plus d’action.

Ce manque serait pour moi sans doute la seule faiblesse de cet opuscule. Mais étrangement, je n’en ai pas souffert. Je me suis plutôt attardé sur les thèmes qui m’auraient sans doute été chers si j’avais été rescapé d’un conflit : le combat contre la solitude, la transmission des valeurs, la gentillesse, la générosité, la protection de l’environnement et l’amitié aussi qui pourrait bien être un des aboutissements de la quête d’Astride.

CHRONIQUES POST-APOCALYPTIQUES D’UNE ENFANT SAGE est un petit livre touchant, rafraîchissant, porteur d’amour et d’espoir et qui se lit vite. Je le recommande avec plaisir.

Suggestion de lecture : LES CHRONIQUES DE HALLOW, tome 1, LE BALLET DES OMBRES, de Marika Gallman

Née à Montréal en 1974, Annie Bacon détient un baccalauréat en communication et travaille principalement comme scénariste dans les milieux interactifs. Si elle a fait ses premières armes dans le domaine des jeux vidéos, ce n’est que pour mieux plonger ses lecteurs en plein cœur de l’action et de l’aventure.

Elle est l’auteure des populaires séries Victor Cordi et LE GARDIEN DES SOIRS DE BRIDGE, très bel ouvrage paru en 2015 et qui plonge le jeune lectorat dans un univers rempli de personnages farfelus et de créatures surprenantes. Je cite aussi la série TERRA INCOGNITA inspirée des grands récits fantastiques d’exploration.

Bonne lecture
Claude Lambert
le jeudi 17 septembre 2020

CHIMAERIS, le livre d’Éric Tourville

*D’abord, il y a eu l’odeur, puissante, répugnante : un mélange de viande carbonisée, de merde et de produits chimiques, l’impression d’avoir forcé l’arrière-cuisine du diable. (Extrait : CHIMAERIS, Éric Tourville, Slatkine et cie, éditeur. 2018, 500 pages. Version audio éditée par Audible en 2018. Narration : Thierry Debrune. Durée d’écoute : 14 heures 10 minutes)

La vérité est ailleurs.

Dans l’hiver glacial du Vermont, pas très loin de Salem, une maison abandonnée, quatre cadavres de petites filles carbonisés, la cinquième a disparu… l’enquête commence. La presse joue la piste pédophile, la police, celle de la sorcellerie. La première chose qu’il vit, ce fut le symbole rouge au-dessus de la porte d’entrée. Une étoile à cinq branches dans un cercle dont le lieutenant ignorait la signification. L’impression angoissante d’être devant les portes de l’Enfer. »

À L’OMBRE DE SALEM
*La porte de derrière battait. Un volet
claquait. Tous les voyants d’une
situation anormale s’allumaient
un par un. *
(Extrait)

Chimaeris est une extension du mot latin chimaera qui veut dire chimère dont la définition donne froid dans le dos : être bizarre, organique, constitué d’au moins deux variétés de cellules ayant des origines génétiques différentes. Plusieurs utiliseraient sans hésiter le mot MONSTRE. Il se trouve que le titre CHIMAERIS est tout à fait approprié pour ce récit, sans doute le plus intense qu’il m’a été donné de lire.

Le lecteur entrera brutalement dans l’histoire avec la découverte de six petits tombeaux dans une ferme isolée du Vermont, une ferme maudite dont la lugubre réputation remonte à la colonisation du Vermont à la fin du XVIIe siècle, ce qui correspond à peu près avec le procès historique des sorcières de Salem en 1692. Dans les tombeaux se trouvaient cinq corps calcinés de fillettes. Il manquait donc un corps.

Un homme appelé Gus se retrouve inopinément sur les lieux de cette innommable tragédie. Plus tard, Gus recueillera une jeune fille muette, malade, extrêmement faible et effrayée. Gus lui donne un nom : Dawn…elle deviendra le pivot de cette incroyable histoire, d’autant que Gus et Dawn seront impitoyablement traqués.

L’enquête fut confiée à l’inspecteur Fremont et au médecin légiste Edward Todd dont le travail allait être extrêmement complexe du fait que les corps ont été brûlés au phosphore. La première hypothèse, qui fut la plus coriace, voulait que ce carnage fut l’œuvre d’un réseau de pédophiles. Ça aurait fait l’affaire de tout le monde. Dossier classé et on en parle plus. Mais on était très, très loin de la réalité.

Au fur et à mesure que le médecin légiste faisait part de ses hypothèses et ses découvertes, l’inspecteur Fremont devait se tourner vers des filières de recherche peu courantes en investigation policière : exobiologie, génétique, sorcellerie, ufologie, paranormal et j’en passe, ce qui a amené Fremont jusque dans les hautes sphères militaires qui ont beaucoup à cacher dont la légendaire zone 51 pour ne nommer que celle-là.

J’ai adoré ce livre qui est un *page-turner* captivant jusqu’à l’addiction dans la tradition des X-Files en plus poussé et cette façon qu’a l’auteur de frayer avec le surnaturel en mettant en évidence dès le début de l’histoire un pentagramme peint sur la façade de la ferme maudite mettant dans le doute le lecteur et le poussant vers une insatiable curiosité.

*Certains lieux seraient des portes vers…autre chose. Appelez ça comme vous voulez, univers parallèles, passé ou futur. Toujours est-il que quand ses verrous s’ouvrent, les choses se passent généralement mal. * (Extrait)

Je me suis attaché très rapidement à Fremont mais j’ai surtout apprécié le légiste Edward Todd, brillant, humain et audacieux. Sûrement le personnage le plus fouillé et abouti créé par Tourville. Je n’oublie pas Dawn, le personnage central de l’histoire, qui n’a pas cessé de me mystifier.

Ici, tout y est : départ fulgurant, intrigue à forte densité, beaucoup de rebondissements, de l’inattendu, un caractère multi-facette poussant au questionnement sur les valeurs de notre société et sur un rêve récurrent et tenace de l’homme : la création d’un sur-être humain tout-puissant physiquement et intellectuellement.

C’est aussi un thème récurrent en littérature mais il est développé ici avec intelligence et une grande originalité. Tourville est français, mais il a écrit son roman à l’américaine. Il se démarque de Stephen King mais je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement à cause en particulier de l’opacité de l’atmosphère et de la psychologie des personnages, Fremont en particulier dont la philosophie ne manque pas de saveur.

Un petit irritant, que je qualifierais d’insignifiant : la longueur de plusieurs dialogues qui s’étendent sur les caractères scientifiques de l’enquête. Rien de bien méchant.

Je recommande fortement CHIMAERIS, premier livre d’un auteur à surveiller, Éric Tourville. La version audio est aussi recommandée avec la très bonne prestation de Thierry Debrune

Suggestion de lecture : CHIMÈRE de Tess Gerritsen.

au sujet d’Éric Tourville

Bonne écoute
Claude Lambert
le dimanche 30 août 2020

MORTS VIRTUELLES, livre de CATHERINE DORÉ

*<Ça a l’air tellement vrai ! > balbutie Étienne au moment où
sa petite Toyota percute de plein fouet une énorme masse
brunâtre. Sous le choc, le capot de la voiture se replie en
accordéon et le pare-brise vole en éclat… des éclats de
verre viennent se ficher dans ses bras et sa tête. Du sang
lui coule dans les yeux…*
(Extrait : MORTS VIRTUELLES, Catherine Doré, Éditions de
Mortagne, 2007. Édition de papier, 530 pages)

Sur le campus de l’Université Laval, des jeunes amateurs de jeux vidéo meurent l’un après l’autre dans des circonstances étranges et inexplicables? Vague de suicides? Meurtres déguisés? Dans un laboratoire, on teste des drogues pour le bénéfice d’un commanditaire qui doit rester secret. Afin d’alimenter en cobayes, des recruteurs rôdent dans les arcades à la recherche d’élèves présentant les caractéristiques utiles aux expériences. Aux prises avec un trouble de stress post-traumatique, Marie-Paule Chevalier se retrouve au cœur du cyclone, ce qui pourrait mettre sérieusement en jeu son avenir au sein de la police de Québec.

LES JEUX QUI TUENT
*Philippe est le cinquième participant à tenter de
mettre fin à ses jours. Je n’appelle pas cela un
évènement isolé. Et si j’analyse les commentaires
que j’ai ici devant moi, je m’inquiète sérieusement
du nombre de vos participants qui pourraient en
arriver à cette extrémité.
(Extrait)

Pour son deuxième roman, Catherine Doré s’appuie sur une préoccupation sociale non négligeable : l’influence possiblement néfaste des jeux vidéo sur les jeunes cerveaux. Plusieurs suicides de jeunes sont signalés.

Un des héros du premier roman, L’EXÉCUTEUR, le jeune et fougueux policier Simon Bernard ne tarde pas à découvrir des points communs : un tatouage étrange représentant une molécule chimique, le recrutement de jeunes joueurs talentueux dans les arcades, le développement de comportements anarchiques et sacrificiels conduisant au suicide, l’expérimentation d’une drogue.

On découvrira plus tard que toute cette opération part d’un laboratoire dirigé par un docteur de grande réputation commandité par une mystérieuse entité qui paie très cher pour les travaux du bon docteur. Simon Bernard est fermement décidé à découvrir la vérité…toute la vérité, ce qui lui coûtera très cher.

Dans cette histoire, on retrouve l’héroïne de L’EXÉCUTEUR, Marie-Paule Chevalier. Dans ce premier livre, la rencontre de Marie-Paule avec Simon Bernard l’amènera à croiser le chemin d’un tueur en série, Denis Hébert. De toute cette expérience, Marie-Paule Chevalier sortira avec un choc post-traumatique qui va la suivre pendant deux ans alors qu’elle deviendra un objet d’expérimentation du docteur Sévigné dans MORTS VIRTUELLES.

Il y a tellement de renvois à Denis Hébert, que pour comprendre l’état d’esprit de Marie-Paule Chevalier, il est préférable de lire L’EXÉCUTEUR avant d’entreprendre MORTS VIRTUELLES. Il y a des choses qui ne changent pas. Dans MORTS VIRTUELLES, Marie-Paule Chevalier voit Denis Hébert dans sa soupe et Simon Bernard est plus rebelle que jamais.

MORTS VIRTUELLES est un thriller scientifique intéressant. Quoiqu’il n’est pas nouveau, son sujet colle avec une réalité très actuelle : l’influence des jeux vidéo sur les jeunes. On sait que, pour beaucoup de jeunes, les jeux vidéo provoquent un phénomène d’addiction. Les effets directs et à long terme des jeux vidéo sont encore mal compris. S’ajoute une drogue qui améliore la performance, drogue à laquelle les jeunes deviennent accros.

La combinaison des deux addictions amène une altération de l’esprit conduisant au suicide. C’est le fil conducteur de l’histoire et ça se tient… au point que la question se pose : Et si c’était vrai. Le roman explore le milieu de la recherche scientifique, présenté comme un vase clos à protéger. Un milieu, manipulé et financé par de mystérieux commanditaires qui cherchent à créer des esprits supérieurs…un rêve vieux comme le monde.

Le roman est actuel, bien développé et nourrit une réflexion nécessaire, dans un monde où les nouvelles technologies régentent notre quotidien. Toutefois, le récit comporte un irritant et une faiblesse qui m’ont sauté aux yeux. J’aurais vraiment préféré que l’auteure se détache de son premier roman. Les nombreux retours en arrière donnent au personnage principal un cachet misérabiliste. C’est agaçant. Enfin, le développement est prévisible.

J’ai très vite compris ou l’auteure voulait en venir et bien qu’intéressé par le sujet, j’ai lu l’histoire sans trop de surprises. L’intrigue est plus ou moins ficelée. Les personnages ne m’ont pas vraiment emballé sauf Simon Bernard que j’ai trouvé racé, humain par ses faiblesses et son côté rebelle, attachant et captivant à suivre. Un dernier point, l’épilogue, que j’avais pressenti bien avant d’y arriver, est en anglais. Ordinaire…

J’aurais souhaité que la conversation soit traduite par exemple à l’intérieur d’une annotation. Je n’ai pas vraiment apprécié. Je donne tout de même au livre la note de passage.

Suggestion de lecture : REGISTRE DES MORTS, de Patricia Cornwell

Catherine Doré a passé son enfance à Québec avant de partir vivre à Montréal afin d’y compléter un baccalauréat en théâtre à l’Université du Québec. Son intérêt pour les livres s’est manifesté très tôt. Dès qu’elle a su lire, la lecture devint une véritable passion. Le plus beau cadeau qu’on pouvait lui offrir : un livre. Les années passant, et des idées de roman lui trottaient dans la tête.

Sa première tentative d’écriture devait se conclure par un recueil de nouvelles, comme on le conseille aux écrivains en herbe. La nouvelle attendue se transforma en un roman de 450 pages : L’exécuteur voyait le jour et le personnage de Marie-Paule Chevalier était ainsi créé.

Bonne lecture
Claude Lambert
le samedi 29 août 2020

 

FAUX-SEMBLANTS, le livre de JEFF ABBOTT

*« Je regrette mais je dois le faire. J’ai besoin de
le faire» répondit le «Saigneur». Il sortit le poignard
de son fourreau et le glissa sous son siège. Il avait
pris soin de le nettoyer et de l’affûter, après sa
dernière utilisation. *
(Extrait : FAUX-SEMBLANTS, Jeff Abott, édition Le Cherche
Midi, éd. Or. 2004, édition numérique, 370 pages)

Lorsque le fils d’un sénateur, Peter James, devenu star du porno, revient dans sa ville natale du Texas, rien de bon n’est à prévoir. Il est d’ailleurs retrouvé mort dans un yacht du Port Leo. Tout porte à croire que c’est un suicide par balle dans la bouche.  Tout porte à croire ?? En fait, c’est pas aussi simple. Whit Mosley et Claudia Salazar chargés de l’enquête ne sont pas au bout de leur peine et vont dangereusement affronter un tueur pervers et manipulateur. Avec FAUX-SEMBLANTS, l’auteur Jef Abbott nous garantit le retour récurrent de Mosley et Salazar.

LES VISAGES DE L’AMÉRIQUE
*Whit pensait qu’elle s’avilissait en travaillant
dans le porno, que dirait-il s’il voyait ce qui
lui arrive maintenant? Il comprendrait alors
ce qu’est vraiment l’abjection. >
Extrait

Au départ, je croyais avoir affaire à la petite lecture légère d’un format de poche, genre salle d’attente. C’est plus que cela. En fait, j’ai creusé ma tête de lecteur pour comprendre la démarche du juge Whit Mosley et tenter de me mettre à sa place pour décider entre autres de la nature du décès de Pete Hubble. Il a toutes les apparences d’un suicide.

Mais un doute persiste et devient même pernicieux à un moment où l’enquête du juge prend un tournant comportant danger de mort. Pour développer son enquête Abbott a créé des personnages un peu particuliers : Whit Mosley : devenu juge par accident, vieux garçon un peu aventurier, au look tape-à-l’œil, ne se prend pas au sérieux mais il reste consciencieux et se débat avec courage dans l’enquête la plus complexe de son mandat.

Autre personnage intéressant : la victime, Pete Hubble, une star de la porno, tourmenté par la mort de son frère Corey Hubble sur lequel il décide de tourner un film…sérieux. Pour ce film, Pete décroche un financement douteux avant de mourir d’une balle dans la bouche. Il est retrouvé, pistolet en main. Il y a aussi Lucinda, une sénatrice qui travaille à sa réélection et qui a tellement de choses à cacher. Toute la famille est  bizarre, un peu tordue.

Enfin, il y a Claudia Salazar, policière nouvellement divorcée, à cheval sur son indépendance et qui cherche du gallon… Parallèlement à ces évènements, un tueur cruel et machiavélique torture et tue dans un environnement très proche de nos personnages

Comment est mort Pete Hubble ? C’est le fil conducteur de cette histoire complexe. L’auteur nous réserve bien des surprises en plus d’une finale tout à fait improbable. Par la puissance de son écriture et son sens pointu de l’intrigue, Abbott fait plus que développer une enquête, il entraîne carrément le lecteur en plein sur le terrain de Mosley et Salazar. À travers revers et rebondissements, je me suis posé la question : Pete s’est-il suicidé ou pas.

Aurait-il été victime du tueur en série ou peut-être de sa propre famille et si c’était le cas, quel est l’intérêt. C’est une histoire bien montée, ficelée au point de mystifier le lecteur. Un seul point faible : l’histoire comporte peu d’éléments qui permettent de comprendre de façon satisfaisante les motivations du meurtrier en série. Toutefois, à la fin, son identité aura de quoi surprendre, le lecteur bien sûr mais en particulier notre ami le juge de paix.

FAUX-SEMBLANTS est un thriller dont l’intrigue est en équilibre avec le rythme qui est élevé et soutenu, parfois même essoufflant. Les personnages sont intéressants et bien travaillés, en particulier les limiers.

Et puis, comment ne pas apprécier à Whitt Mosley, cette tête de mule attachante au look de vacancier qui doit rendre un jugement dont sa vie pourrait dépendre…Les enchaînements et les rebondissements sont de nature à garder le lecteur dans le coup jusqu’à la fin…la fin qui m’a laissé un peu pantois.

L’intrigue n’est pas de nature à nous mettre copain-copain avec la politique. Il est rare dans la littérature policière, que ce milieu soit présenté à son avantage. Même chose pour le monde du porno, présenté comme étant sordide et glauque, sans compter de possibles ramifications avec la Mafia et le monde de la drogue…

Il ne faudra pas s’étonner si le premier tiers de l’histoire semble plus lent et terne. Ne vous y fiez pas. Tout se met en place et après, il faudra bien s’accrocher au fil conducteur de l’histoire car la complexité de l’enquête pourrait vous faire perdre le fil de l’histoire. En gros, je qualifierais FAUX-SEMBLANTS d’*excellent condensé de divertissement*

Suggestion de lecture : HANNIBAL, de Thomas Harris

Jeff Abbott est né en 1963 à Dallas, au Texas. Diplômé de l’Université de Rice, à Houston, en Histoire et Lettres, il se tourne vers l’écriture de romans en créant un personnage récurrent, « Jordan Poteet », bibliothécaire au Texas, et sa famille quelque peu excentrique. Il obtient « The Agatha Award » et « The Macavity Award » pour son premier titre « Do unto others » publié en 1994.

Avec le suivant, il évolue vers le roman un peu plus sombre, et un nouveau personnage : le Juge Coroner Whit Mosley et son investigatrice Claudia Salazar, avec lesquels il écrit trois titres.  En 2005, il passe enfin au thriller avec « Panic », qui va recevoir le « Thriller Award ». C’est avec Panique que les francophones le découvrent en 2006. Depuis « Panic » et quelques 5 autres thrillers, un autre personnage a vu le jour, Sam Capra, jeune agent de la CIA, dans trois romans publiés en 2015.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
Le vendredi 28 août 2020

Le mystère de la chambre jaune, Gaston Leroux

*…il n’y a pas de cheminée dans la chambre <jaune>. Il ne pouvait s’être échappé par la porte… Par la fenêtre restée fermée avec ses volets clos et ses barreaux auxquels on n’avait pas touché, aucune fuite n’avait été possible. Alors? Alors…je commençais à croire au diable…*

(Extrait : LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston
Leroux, édition originale : Pierre Lafitte, 1907, 236 pages.
Pour la présente, extrait de 50 CHEFS D’ŒUVRE QUE VOUS
DEVEZ LIRE AVANT DE MOURIR, vol. 1, livre-collection
numérique)

Un soir, malgré la porte de la chambre fermée à clef « de l’intérieur », les volets de l’unique fenêtre solidement fermés eux aussi « de l’intérieur », et en l’absence de toute cheminée ou passage secret, Mlle Stangerson est agressée dans la chambre jaune. Une trace ensanglantée de la main du coupable est retrouvée sur le mur.

Qui a tenté de tuer Mlle Stangerson ? Et surtout, par où l’assassin a-t-il pu fuir de la chambre jaune ? Le jeune reporter Rouletabille, limier surdoué d’à peine 18 ans qui raisonne par « le bon bout de la raison », entreprend de trouver la solution de cet affolant problème.

ROULETABILLE <au bout de la raison>
*<À l’assassin ! À l’assassin ! Au secours ! > Aussitôt

des coups de revolver retentirent et il y eut un
grand bruit de tables, de meubles renversés, jetés
par terre, comme au cours d’une lutte et encore
la voix de mademoiselle qui criait <À l’assassin !
… Papa ! Papa !>*

Avec LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE, Gaston Leroux introduit dans la littérature policière un personnage qui va se démarquer : Joseph Joséphin, jeune journaliste de 18 ans. Petite taille, le visage rond comme une boule de quilles d’où le surnom qui va lui rester : ROULETABILLE, deux bosses sur le front :

*Mais qui donc pourrait encore se vanter d’avoir la cervelle de Rouletabille ? Les bosses originales et inharmoniques de son front, je ne les ai jamais rencontrées sur un autre front…* (extrait)

Il est d’une intelligence remarquable et possède un extraordinaire talent de détective. Son raisonnement est affûté et part du principe qu’on doit affronter une énigme en utilisant le bon bout de la raison. Il me fait penser un peu au célèbre personnage de Hergé, Tintin qui est jeune aussi, reporter et doué pour résoudre les énigmes les plus complexes. Sauf que Tintin ne fume pas la pipe et est infiniment moins prétentieux.

Je trouve le jeune héros imbu de lui-même. Je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à Rouletabille mais je dois admettre qu’il est surdoué et même génial.

Ça prend Rouletabille pour résoudre le mystère de la chambre jaune. En effet, on tente d’assassiner une jeune scientifique, mademoiselle Stangerson dans sa chambre. Mais on ne comprend pas comment l’assassin a pu quitter la chambre jaune après son forfait.

La porte de la chambre et la fenêtre étant verrouillées de l’intérieur. Pas de cheminée. Le mystère est total. Il fera d’ailleurs époque en littérature introduisant d’une certaine façon le problème du *local clos*.

Toute l’enquête, le roman autrement dit devient une manifestation allant crescendo d’instinct, de réflexion, d’inférence, de déductions, de raisonnement et de raison. Le sujet, original, m’a gardé en haleine jusqu’à la finale où le coupable identifié était pour moi le plus improbable. L’ensemble est extrêmement imaginatif et il y a un petit quelque chose de surréaliste dans le déroulement de l’enquête.

Je l’ai ressenti dès le début alors que le drame éclate dans la chambre jaune. J’avais pensé à quelque chose de surnaturel mais le triomphe de la raison s’est dévoilé très graduellement, brillamment…écriture efficace, teintée d’action et de rebondissements jusqu’au revirement final.

C’est un bon livre. Son style est un peu vieillot mais la publication remonte quand même au début du 20e siècle. Toutefois le sujet qu’il développe et sa complexité en ont fait un classique. L’intrigue s’étire et parfois, les raisonnements ne finissent pas de finir et ça donne des passages indigestes et lourds.

Le héros comme tel n’a pratiquement aucun magnétisme et ses manifestations d’intelligence sont souvent teintées d’orgueil. Je ne l’ai trouvé ni sympathique ni attachant. Mais le récit demeure solide et l’intrigue, très singulière. LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE demeure un des huis-clos les plus extraordinaires de la littérature policière.

Je laisse le mot de la fin à Joseph Joséphin dit Rouletabille qui s’exprime sur le mystère de la chambre jaune : *-En vérité ! En vérité ! Acquiesça Rouletabille, qui s’épongeait toujours le front, semblant suer moins de son récent effort corporel que de l’agitation de ses pensées. En vérité ! C’est un très grand et très beau et très curieux mystère ! *(Extrait)

Suggestion de lecture : LE MYSTÈRE DES JONQUILLES, d’Edgar Wallace

LA CHAMBRE JAUNE AU CINÉMA

LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE a été adapté cinq fois au cinéma : 1913 (muet), 1919, 1930, 1949 et 2003. On en a fait aussi un téléfilm en 1965, un feuilleton radiophonique en 1983. Je signale aussi plusieurs adaptations en bandes dessinées. Ma version cinématographique préférée est celle réalisée en 1949 par Henri Aisner avec Serge Reggiani dans le rôle de Joseph Rouletabille, à droite sur la photo.

   

Serge Reggiani incarne Joseph Rouletabille dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNE adapté au cinéma du livre de Gaston Leroux en 1949

Auteur français natif de Paris, Gaston Leroux (1868-1927) Grand aventurier, il n’est pas comblé par le métier d’avocat et se tourne plutôt vers le journalisme. Il travaille pour l’Echo de Paris dès 1892 puis accomplit des missions de grand reportage dans le monde entier pour de nombreux journaux. Il rencontre véritablement le succès avec son personnage de Rouletabille. Cet ingénieux reporter gagne le coeur des français dans LE MYSTÈRE DE LA CHAMBRE JAUNEle Fantôme de l’opéra et bien d’autres encore. S’en suit alors la série des Chéri-Bibi, à partir de 1913, qui remporte le même succès.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 23 août 2020

LE MAGASIN DES SUICIDES, le livre de JEAN TEULÉ

*Allez, tout le monde dehors…Vous mourrez une autre
fois. Gardez vos tickets numérotés et revenez demain…
Allez, hop, dehors ! Prenez ce revolver jetable à un coup
et ne venez plus nous faire chier avec vos histoires
d’amour. *

(Extrait : LE MAGASIN DES SUICIDES, Jean Teulé,
Éditions Julliard, 2007, édition numérique, 150 pages)

Imaginez un magasin où l’on vend depuis dix générations tous les ingrédients possibles pour se suicider. Cette petite entreprise familiale prospère dans la tristesse et l’humeur sombre jusqu’au jour abominable où surgit un adversaire impitoyable : la joie de vivre…

MORT OU REMBOURSÉ
*Il ne parvient à y croire…le beau magasin…qui
était sobre comme une morgue d’hôpital, propre,

net, etc…ce qu’il est devenu ! Sur un long calicot
tendu d’un mur à l’autre…est écrit un mot d’ordre :

« Suicidez-vous de vieillesse »

C’est un petit livre étrange et fascinant qui semble vouloir nous exposer sa vision du sens de la vie en passant par l’absurde. Le suicide est le principal sujet, développé d’ailleurs avec une désinvolture dérangeante. Nous sommes dans une société loin dans le futur. L’auteur ne s’étend pas sur la démographie, mais on suppose que le suicide est encouragé d’une certaine façon car la promotion du geste ultime est légale.

Aussi, nous suivons la famille Tuvache : Papa Mishima, Maman Lucrèce et les enfants, Marylin, Vincent et Alan. La petite famille tient une boutique encastrée dans d’énormes immeubles : c’est le magasin des suicides où on trouve de tout pour mettre fin à ses jours soit avec violence soit avec élégance.

C’est le genre de famille à souligner un anniversaire de naissance avec un gâteau en forme de cercueil…la mort encadréetraitée avec légèreté, humour et des prix élevés… Le quotidien de la famille est graduellement perturbé quand on découvre que le cadet de la famille, Alan est heureux de vivre…horreur…pas Alan : *Quand, à l’école on lui a demandé ce qu’étaient les suicidés, il a répondu : « Les habitants de la Suisse » *. (Extrait)

Graduellement Alan contamine tout le monde avec sa joie de vivre, son sourire, son énergie positive…*Ah, celui-là, avec son optimisme, il ferait fleurir un désert…* (Extrait) et graduellement, Alan sabote les efforts de sa famille pour vendre ses articles de mort qui subissent mystérieusement quelques petites transformations. Alan est le rabat-joie avec lequel on se dirige vers une finale dramatique et aberrante.

C’est un livre qui peut en choquer plusieurs mais il en dit long sur la vision de l’auteur de la société future, une société égarée, errante, à peine en équilibre sur la corde raide de l’abrutissement. C’est un sujet original car même si la mort et le suicide sont des sujets sérieux qui affectent déjà notre société, Teulé a bourré son récit de traits d’humour.

Avec Alan et son optimisme dérangeant, le roman noir a subitement quelque chose de loufoque, de farfelu et comme on dit souvent au Québec, de fou braque. Au fur et à mesure que je suivais Alan, qui est devenu pour moi un petit frère, mon esprit se détendait mais restait toujours sous le coup d’une émotion. Malheureusement, la finale m’a laissé amer.

Il y a dans le récit de Teulé une logique sociale développée avec finesse. Alan est un symbole qui met en scène des vertus qui se sont figées dans la société décrite par l’auteur : un symbole d’espoir, d’accomplissement. Entendons-nous. J’ai eu froid dans le dos spécialement avec des slogans aussi noirs et triviaux : *Vous avez raté votre vie, avec nous vous réussirez votre mort* (Extrait)

Mais le développement du récit et surtout la raison de vivre d’Alan a donné à l’ensemble une éthique fort acceptable. Le sujet reste délicat et pourrait ne pas plaire à tous. En ce qui me concerne, malgré la finale qui m’a ébranlé, j’ai trouvé le tout très intéressant.

Vous serez comme moi, porté sans doute à suivre l’évolution d’Alan. Non seulement il est attachant, drôle et spontané (l’auteur le fait même zozoter) mais c’est le petit mouton qui va changer le monde. On dirait que l’auteur met le doigt sur un bobo guérissable. LE MAGASIN DES SUICIDES pourrait bien être un hommage à tous les petits Alan du monde…

Suggestion de lecture : TREIZE RAISONS, de Jay Asher

Jean Teulé est un romancier français aux multiples facettes. Homme de télévision, dessinateur, comédien, cinéaste et surtout écrivain, il est le compagnon de l’actrice Miou-Miou. Né le 26 février 1953 à Saint-Lô, Jean Teulé ne se prédestinait pas vraiment à une carrière littéraire et pourtant, il a signé de nombreux scénarios de bandes dessinées, et plusieurs romans dont DARLING, la touchante biographie d’une naufragée de la société. Le magasin des suicides a été adapté au cinéma par Patrice Lecomte cinq ans après sa publication.

Image du film LE MAGASIN DES SUICIDES, long métrage musical d’animation franco-belgo-canadien réalisé par Patrice Lecomte et sorti en 2012. Adaptation cinématographique du roman éponyme de Jean Teulé.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 22 août 2020

CESSEZ DE PRIER personne ne vous entend

Commentaire sur le livre d’
ELBERT JUCOR

*Les religions sont l’œuvre des hommes.
Elles sont des prédateurs de l’âme et de
l’esprit. Elles confinent les individus à une
pensée unique et étroite et ne laissent
place à aucune autre alternative. Elles
dominent l’homme, le culpabilisent…*
(Extrait : CESSEZ DE PRIER PERSONNE NE
VOUS ENTEND, Elbert Jucor, les éditions
La Plume D’or, 2017, édition de papier, 155 p.)

La question générale posée dans ce livre est celle-ci: L’HOMME A-T-IL BESOIN D’UNE RELIGION?  L’homme ne nait pas pécheur. C’est la religion qui l’a décrété comme tel. L’homme ne nait pas religieux non plus, il le devient par endoctrinement. Historiquement, les religions ont engendré guerre, haine, violence, cruauté…le tout stimulé par l’intolérance. D’après l’auteur, la Bible et le Coran ne sont que des créations littéraires. Non seulement leurs récits n’ont aucune origine divine, mais rien, absolument rien ne peut les légitimer. Une question à long développement, source de débat se pose : À quoi ça sert de prier ?

POURQUOI PRIER ?
*La différence fondamentale entre la religion
et la spiritualité est la suivante: les religions
sont un «business», alors que la
spiritualité est un état de conscience. >
(Extrait: CESSEZ DE PRIER, personne ne vous entend)

Ce livre est un essai, livre coup de poing car son auteur livre une opinion tranchante et qui laisse peu de place à l’appel, au sujet d’une corde très sensible de la Société : DIEU ET LES RELIGIONS. Le titre du livre comme tel est une finalité qui correspond très bien au sentiment de l’auteur: *Ce livre est le résultat de ma quête obsessionnelle de la vérité et de l’absolu* (Extrait) Avant de sauter aux conclusions, voyons un peu le contenu.

Tout l’argumentaire d’Elbert Jucor repose sur la négation de la religion et la négation de Dieu, ce dernier étant remplacé par une entité je dirais à spectre plus large : LES MYSTÈRES DE LA VIE. Jucor est aussi direct qu’à contre-courant : *Adieu sectes, gourous, marabouts, imams, pape et cardinaux. La Société n’a pas besoin de ces vendeurs de chars usagés qui ne seront livrés qu’au ciel. * (Extrait)

Ne soyez pas surpris, il est très peu question de prière dans ce livre. L’auteur émet le souhait que la société se débarrasse des religions pour survivre et qu’elle cesse de s’en remettre à des dieux qui n’existent pas. En dehors de ces deux grands thèmes, l’auteur émet des opinions, des hypothèses, des pensées et des réflexions sur des sujets divers qui sous-tendent les thèmes principaux.

Jucor met aussi en perspective les méfaits historiques de la religion comme par exemple l’interdiction de la contraception qui est une aberration : *Si nous regardons la réalité en face, on peut voir et réaliser qu’un distributeur de condoms fait davantage de bien à l’humanité que tous les vendeurs de paradis dans l’après-vie…* (Extrait)

Si je m’en tiens aux deux grands pôles de l’argumentaire et que je me permets de commenter, il y a le rejet de Dieu avec lequel je ne peux pas être d’accord et le rejet complet des religions que je souhaite personnellement depuis mon adolescence pour plusieurs raisons, entre autres pour les morts qu’elles ont empilées, pour les richesses qu’elles ont accumulées, pour avoir abaissé la femme presque au rang d’un animal de compagnie.

Les religions sont des étiquettes qui veulent justifier le contrôle, la manipulation et autres gentillesses du genre. L’important n’est pas d’être d’accord ou pas d’accord. L’important est qu’il y a matière à débat même si le ton de l’auteur est cassant.

Le ton est très catégorique. Trop à mon goût. Je ne peux pas reprocher à l’auteur d’être direct, tant que les propos se tiennent.. Or, dès qu’il déborde de ses deux grands thèmes majeurs, il n’y a plus de fil conducteur. L’auteur prend toutes sortes de directions. Je crois qu’il y a un peu d’errance par moment et certains propos m’ont paru simplistes :

*Comme vous pouvez le constater, la vie n’est qu’un jeu et vous ne pouvez l’arrêter, car quelqu’un a déjà lancé les dés pour vous. * (Extrait) Une de ces principales directions secondaires concerne la vie, le sens de la vie, son origine. Il y a aussi des réflexions éparses sur la nature humaine, la prédation, l’âme, le suicide…Si l’auteur établit un lien avec le thème principal, ce sera pour exécrer la religion. C’est là qu’il m’a accroché.

Croyez-moi, il n’a pas peur d’émettre son opinion et de l’aciduler au besoin, Il craint encore moins Allah…peut-être que les temps changent. Si ma mémoire est bonne, l’écrivain Salman Rushdie a fait l’objet d’une Fatwa de l’ayatollah Khomeini en 1989 pour son livre LES VERSETS SATANIQUES jugé blasphématoire.

Ça a dû rendre Allah pas de bonne humeur…Rushdie était condamné à mort. Ici, Jucor fait pire…fini les musulmans, l’Islam, Allah, les catholiques, le pape etc. finie la religion meurtrière, hypocrite et manipulatrice. Ou les temps changent ou Jucor n’a peur de rien ,,,

Ce livre a beaucoup de faiblesses mais son auteur se prononce haut et fort sur des thèmes encore jugés tabous par nos sociétés modernes. Je crois qu’il vaut la peine d’être lu. Personnellement, je ne crois pas à la religion mais je crois en Dieu, c’est-à-dire à l’être suprême sans lien avec aucune religion. Ça reste en lien avec le titre. En effet, qu’est-ce que ça donne de prier un dieu qui nous a donné le libre arbitre…

Suggestion de lecture : TRAITÉ SUR LA TOLÉRANCE, de Voltaire

Québécois d’origine, Elbert Jucor est bachelier de l’université de Montréal. Il a aussi fréquenté diverses institutions spécialisées dans la formation des prêtres. Il a développé un besoin obsessionnel de chercher et connaître la vérité sur les religions. CESSEZ DE PRIER est le résultat de sa constante observation du monde et sa réponse aux questions existentialistes qui tourmente tout être humain. C’est un débat qui concerne l’amélioration du sort de l’humanité. Elbert Jucor apporte une seule réponse aux questions relatives aux mystères de la vie et cette réponse est sans appel.

Bonne lecture
Claude Lambert
le vendredi 21 août 2020

AU COEUR DU TEMPS, de Didier Liardet

Deux savants américains se sont égarés au cœur du temps dans le labyrinthe des époques passées et futures, au cours des premiers essais ultra-secrets d’un prodigieux dispositif : le chronogyre. Tony Newman et Doug Phillips sont lancés dans une aventure fantastique quelque part dans le domaine mystérieux du temps. * (Introduction de chaque épisode de la télésérie AU CŒURS DU TEMPS d’Irwin Allen.)

LES ARCANES DE L’HISTOIRE
*LES VOYAGES SPATIO-TEMPORELS…imaginée et
produite par Irwin Allen, un cinéaste très imaginatif
qui avait une prédilection pour les récits les plus
extraordinaires et les mises en scène spectaculaires,
AU CŒUR DU TEMPS fut la première série dramatique
programmée aux États-Unis à utiliser cette
thématique comme trame principale. *
(Extrait de l’introduction du livre de Didier Liardet)

De toutes les téléséries culte produites dans les années 1960 et 1970, la série AU CŒUR DU TEMPS d’Irwin Allen est celle qui m’a le plus fasciné. Cette série m’a accroché parce qu’il y est question du temps, mon sujet de science-fiction préféré en littérature. On retrouve donc deux scientifiques américains dans un déplacement temporel perpétuel. Les responsables peuvent suivre Tony et Doug, leur parler à l’occasion et même leur faire parvenir du matériel dans leur espace-temps mais ils ne peuvent pas les ramener.

Leurs déplacements deviennent autant de rencontres avec l’histoire et ses acteurs comme Abraham Lincoln, Marco Polo, Marie-Antoinette, sans oublier les personnages mythiques comme Merlin, le roi Arthur, Ulysse et la guerre de Troie. Évidemment, les épisodes sont romancés et laissent à penser que les savants peuvent modifier le cours du temps, ce qui n’est pas réaliste.

Le livre propose une genèse de la série, une incursion dans les coulisses de tournage, une biographie des principaux interprètes, une présentation de série du même genre et une fiche guide des trente épisodes de la série. Pour chaque épisode, l’auteur propose un synopsis, une évaluation et une présentation de la plupart des acteurs et artisans avec leur répertoire télévisuel et leur filmographie, sans oublier les photos et documents (Il y en a plus de 500 dans le livre.)

Comme ce fut le cas pour la série AU-DELÀ DU RÉEL, j’ai eu la chance de visionner les 30 épisodes de la série AU CŒUR DU TEMPS et j’ai été à même de constater la justesse des évaluations proposées dans les fiches guide. Autre détail important : Au cœur du temps n’a jamais rencontré un immense succès aux États-Unis. À la fin de la première saison, La société ABC a proposé au producteur de poursuivre l’aventure, à la seule condition que le budget soit considérablement diminué. Irwin Allen a refusé.

Il en découle que la série s’achève sans qu’elle ait reçu une fin mettant un terme aux aventures des deux scientifiques, lesquels sont condamnés, en quelque sorte, à poursuivre indéfiniment leur cycle de sauts temporels. J’ai trouvé ça frustrant évidemment et Didier Liardet explore dans son livres les motivations d’ABC.

Malgré tout, *Série précurseur du genre, AU CŒUR DU TEMPS, en dépit de sa courte durée, fait partie des séries ayant traversé les décennies en conservant une place privilégiée dans l’imaginaire collectif des téléspectateurs du monde entier. * (Extrait) Ce livre, publié sur papier glacé est vraiment bien fait. Sa présentation est soignée et très agréable.

Je déplore toutefois une faiblesse qui semble généralisée dans la bibliographie spécialisée de Liardet : les photos d’acteurs et d’artisans ne sont pas identifiées dans les fiches guide. Il devient difficile parfois d’associer un acteur à sa photo. Moi je trouve ça irritant. En dehors de ce désagrément, je n’hésite pas à recommander ce livre même à ceux et celles qui n’ont jamais vu la série…dépaysement assuré.

Suggestion de lecture, dans la même série et du même auteur : AU-DELÀ DU RÉEL

Différentes vues du complexe CHRONOGYRE

Didier Liardet (à gauche) est historien et spécialiste de séries télévisées. Dans le cadre de cette collection, il a publié des ouvrages de référence sur de nombreuses séries-cultes, les plus grandes séries télévisées britanniques et américaines…AU-DELÀ DU RÉEL, COSMOS 1999, V et plusieurs autres

Irwin Allen (1916-1991) est un réalisateur, producteur et scénariste américain qui a créé en  1964, VOYAGE AU FOND DES MERS, une série de science-fiction qui jouit d’une bonne popularité. Il lance l’année suivante ce qui deviendra sa série la plus célèbre : PERDUS DANS L’ESPACE. Suivent les séries AU CŒUR DU TEMPS et AU PAYS DES GÉANTS. Il produit, au début des années 1970, L’AVENTURE DU POSÉIDON qui lancera la mode du ‘film-catastrophe’.

Toujours dans la même veine, irwin Allen connait un succès encore plus impressionnant avec sa production suivante, LA TOUR INFERNALE décrivant un incendie dans un gratte-ciel. Le film met en vedette trois des acteurs les plus populaires de l’époque : Steeve McQueen, Paul Newman et Faye Dunnaway. Il récolte huit nominations aux oscars dont celle du meilleur film. LA TOUR INFERNALE est à la fois un des films les plus connus du genre et le sommet de la carrière d’Irwin Allen.

Bonne lecture
Claude Lambert
le dimanche 16 août 2020

Les aventures de Tom Sawyer, de MARK TWAIN

*Il avait le visage décomposé et ses yeux exprimaient
l’épouvante. Lorsqu’il se trouva en présence du
cadavre, il se mit à trembler et, se prenant la tête à
deux mains, éclata en sanglots. «Ce n’est pas moi qui
ai fait cela, mes amis, dit-il entre deux hoquets. Je
vous le jure sur ce que j’ai de plus cher, ce n’est pas
moi.*

(Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER, Mark Twain,
Culture commune 2012 réed. Tête de Gondole, numérique
225 pages num.)

Tom Sawyer est orphelin et vit chez sa tante Polly sur le bord du Mississippi. Pas toujours très sage, il entraîne son meilleur ami Huckleberry Finn (Huck) à faire l’école buissonnière. Les deux garçons découvrent les joies de la liberté. Ils se construisent une vie idéale de jeux, de baignades, de pêche, et empruntent des chemins inconnus qui les font voyager. Tom tombe amoureux de Becky Thatcher et tente de la séduire par tous les moyens sous le regard jaloux de Huck. Ils jouent aux pirates, s’identifient à des personnages de roman et assistent malheureusement à un meurtre commis par nul autre que Joe le balafré.

UN FLEURON DE LA LITTÉRATURE AMÉRICAINE
*tu sais, on peut se fier à Tom. Il a dit
qu’
il reviendrait. Il ne nous
abandonnera pas. Ce serait
d
éshonorant pour un pirate et il est
trop fier pour faire une chose comme
celle-l
à. Quand il nous a quitté, il
avait sûrement un plan en tête*
(Extrait : LES AVENTURES DE TOM SAWYER)

 Il y a quelques années, j’ai pu rigoler un bon coup en visionnant LES AVENTURES DE TOM SAWYER. Je n’avais pas lu le livre. Ce n’est que tout récemment que je me suis décidé à lire ce petit chef d’œuvre, un grand classique qui a conservé toute son actualité car le récit évoque des thèmes qui ont toujours été chers à la jeunesse : l’amitié, l’amour naissant, la débrouillardise, l’imagination et surtout la liberté avec un grand L.

La liberté est un des thèmes les plus importants aux yeux de l’ensemble de l’humanité, malheureusement, historiquement, ce fut un des droits les plus malmenés. J’ajoute à cela qu’en lisant cette merveilleuse aventure, j’ai été fasciné par la capacité des jeunes de s’occuper avec à peu près rien…ce qui est impensable de nos jours.

Le récit est fortement autobiographique. En effet, Twain s’est inspiré de son enfance, de sa famille et surtout de quelques amis en particulier ou *combinaisons d’amis*, Tom Sawyer, jeune orphelin gardé par sa tante Poly, un gentil chenapan sympathique qui a plus d’un tour dans son sac pour tromper la vigilance de sa tante. Et il y a bien sûr Huckleberry Finn dont le père est alcoolique. Il vit dans un tonneau, s’habille en guenille et fume la pipe.

Mais qu’à cela ne tienne, il est libre et heureux. C’est un personnage énergique, sympathique, un peu naïf, un grand ami de Tom, car sur la vie, ils partagent les mêmes sentiments. On retrouve aussi Joe Harper et Becky Thatcher, une jolie fille nouvellement arrivée. Becky et Tom sont loin d’être indifférents un pour l’autre. Ils deviendront troglodytes pendant quelques jours et passeront par une kyrielle de sentiments.

Le fil conducteur de ce récit est en trois volets le principal étant que Tom rencontre Becky dont il tombe amoureux. Il y a bien sûr le volet familial : les relations de Tom avec sa tante poly, son frère Sid et sa sœur Mary. Quant à l’intrigue, elle tourne autour de Joe l’Indien un personnage sinistre qui inspire la peur et qui est impliqué dans un meurtre dont Tom a été témoin. L’écriture est d’une grande simplicité.

L’histoire est fort bien développée et comprend de nombreux passages intrigants et ingénieux. Le récit étant surtout axé sur l’action, la psychologie des personnages n’était pas une priorité pour Twain mais qu’à cela ne tienne, au fil des pages, on développe l’impression qu’on connait Tom et Huck depuis toujours et on a envie de s’en faire des amis. Comme lecteur, j’avais l’impression de faire les cent coups avec eux.

Les adolescents de toutes les époques se reconnaissent dans les tribulations de Tom Sawyer. Mais dans les faits, ce livre a été écrit pour tout le monde en plus d’être actuel dans toutes les époques depuis sa première publication en 1876. J’ai adoré ce livre. J’ai pu faire des liens intéressants avec la télésérie, une excellente adaptation et surtout, j’ai rigolé. L’humour est présent partout… une recette gagnante, pour inciter les jeunes à la lecture.

LES AVENTURES DE TOM SAWYER demeure pour moi un superbe classique qui met en valeur la liberté bien sûr et le fait que cette liberté s’acquiert, se mérite. Mais le récit pointe aussi du doigt le courage et l’audace car j’ai beaucoup aimé le petit caractère rebelle prêté aux deux principaux personnages. Ça ne les rend que plus attachants encore. Donc à découvrir ou redécouvrir absolument : LES AVENTURES DE TOM SAWYER.

Suggestion de lecture : VENT D’AVENTURES, de Véronique D. Bellego

Samuel Langhorne Clemens (1835-1910) est un auteur américain natif de la Floride. Devenu très jeune orphelin de père, il abandonne ses études et rejoint en 1850 le journal fondé par son frère et y rédige ses premiers articles. Il devient reporter et voyage beaucoup en Europe. Ses voyages l’inspireront entre autres pour son premier roman LE VOYAGE DES INNOCENTS publié en 1869. Mais c’est surtout son roman LES AVENTURES DE TOM SAWYER qui lui vaudra la notoriété dès 1876.

POURQUOI MARK TWAIN COMME PSEUDO?
Alors qu’il embarque sur le Mississipi pour rejoindre la Nouvelle Orléans en 1850, Clemens rencontre un capitaine de bateau à vapeur nommé Horace E. Bixby, lequel parvient à le convaincre de travailler pour lui. De cette rencontre naîtra son pseudonyme : lorsqu’il vérifie la profondeur du fleuve, le capitaine lui crie «MARK TWAIN» : des mots de jargon pour signaler que la profondeur est suffisante.

 MON ADAPTATION PRÉFÉRÉE À LA TÉLÉ :

Rolland Demongeot (à gauche) incarne Tom Sawyer et Marc Di Napoli joue le rôle de Huckleberry Finn dans cette série télé sortie en 1969, très fidèle au livre. La série a été réalisée par Mihai Iacob et Wolfgang Libeneiner. La série fut très populaire et a marqué toute une génération.

BONNE LECTURE
Claude Lambert
le samedi 15 août 2020